Modélisation des phénomènes d`interférences entre
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Modélisation des phénomènes d`interférences entre
MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES D’INTERFÉRENCES ENTRE ÉQUIPEMENTS RADIO « COSITES » POUR L’ÉVALUATION DES DÉGRADATIONS DE LA PERFORMANCE D’UN SYSTÈME FORTEMENT INTEGRÉ E. Yalçin1,2, M. Hélier2, G. Alquié2, J-L. Montmagnon2, M. Cabellic1 , C. Girard1 1 Thales Communications – TCF/UCT/DIS, 160 bld de Valmy, 92704 Colombes – France [email protected] 2 UPMC Univ Paris 06, EA 2385, L2E, F-75005, Paris, France. Laboratoire d’Electronique et Electromagnétisme / BC 252 - 3, rue Galilée, 94200 Ivry-sur-Seine. [email protected] Résumé. La Compatibilité RadioÉlectrique (CRE) est le domaine de la compatibilité électromagnétique (CEM) traitant de tous les problèmes de gênes non intentionnelles entre émetteurs et récepteurs. Dans un contexte où la gestion des interférences est devenue difficile, on propose ici de nouveaux modèles et méthodes de calcul que l’on a conçus pour réaliser des simulations CRE d’un système afin d’évaluer la dégradation en performance de ses équipements. Une prochaine étape sera la validation de cet outil par comparaison des résultats de la simulation d’un scénario donné à ceux des mesures effectuées sur le système envisagé. Comme cas d’étude, on a choisi celui de l’interaction Bluetooth/WiFi à 2.4 GHz. C’est dans la perspective du travail de validation que l’on a réalisé des mesures du Taux d’Erreur Binaire (TEB) d’une liaison Bluetooth en présence d’un brouilleur WiFi dont on présente les résultats. I. INTRODUCTION La Compatibilité RadioÉlectrique (CRE) est le domaine de la compatibilité électromagnétique (CEM) traitant de tous les problèmes de gênes non intentionnelles entre émetteurs et récepteurs. Dans un contexte où les systèmes sont de plus en plus intégrés sur leur plate-forme, typiquement un aéronef ou un navire, la gestion de ces problèmes d’interférences est devenue difficile en raison de la concentration des équipements dans un espace limité. De nouveaux moyens de simulation bien adaptés sont alors nécessaires. Le travail présenté dans ce document porte sur les différents modèles et méthodes conçus pour ces simulations de CRE. Dans un premier temps, on commence par définir et situer les éléments de l’étude. Les résultats attendus seront ensuite précisés. Une prochaine étape sera la validation de cet outil par comparaison des résultats de la simulation d’un scénario donné à ceux des mesures effectuées sur le système en question. La difficulté a été alors de choisir un scénario intéressant et adapté à l’étude. On a choisi l’interaction Bluetooth/WiFi car il s’agit de technologies civiles fonctionnant dans la même bande ISM à 2.4 GHz et souvent à proximité l’une de l’autre, et simultanément. C’est dans la perspective du travail de validation que l’on a mesuré la dégradation des performances en termes de Taux d’Erreur Binaire (TEB) d’une liaison Bluetooth en présence d’un signal brouilleur de type WiFi. II. DÉFINITIONS ET CADRE DE L’ÉTUDE Deux types d’approche sont possibles en CRE suivant que le système est existant ou non. La première correspond à « l’approche en exploitation ». Il s’agit d’évaluer les dégradations de la performance d’une liaison utile entre un émetteur et un récepteur, en présence de tous les autres équipements du système auquel ils appartiennent. Ce sont les couplages créés entre les antennes de la liaison utile et celles des autres liaisons, de fait potentiellement perturbatrices, qui sont à l’origine de problèmes d’incompatibilité. L’objectif est alors de découpler au mieux ces antennes. La deuxième approche est « l’approche en conception » ; il s’agit alors d’évaluer la performance d’un système en fonction des caractéristiques radioélectriques des équipements. L’objectif, dans ce cas, est de paramétrer les caractéristiques radioélectriques des étages d’émission/réception de façon à rendre ces équipements les plus compatibles possibles au sein du nouveau système, quitte à modifier leurs spécifications d’origine. Les phénomènes de gêne causés par la proximité d’équipements radio sont généralement dus à leurs plans de fréquences ou encore à leurs caractéristiques de conception comme, par exemple, la sélectivité des filtres. Pour modéliser ces phénomènes de gêne, il est nécessaire de prendre en compte la structure électronique analogique interne des émetteurs et des récepteurs. Dans les modèles développés, le choix d’une architecture superhétérodyne a été fait en raison de sa très large utilisation dans les émetteurs et récepteurs existants. Les caractéristiques principales de chacun des étages sont paramétrables. Ces modèles se limitent à la couche physique des équipements. Les protocoles de la couche MAC ou encore la gestion du trafic des messages au sein du réseau ne sont pas modélisés directement. Pour la modélisation des protocoles, on a recours à une modélisation statistique fondée sur la méthode de Monte Carlo [1]. On considère qu’à un instant t, la fréquence ainsi que le positionnement temporel relatif des signaux du système sont des variables pseudoaléatoires. Les méthodes de calcul d’interférence élaborées visent alors à découper temporellement le comportement du système en « configurations instantanées » durant lesquelles on considère que les signaux sont stationnaires. Une telle méthode permet d’analyser les systèmes, des plus simples, composés uniquement d’émissions et de réceptions à fréquence fixe, aux plus complexes, dits « hétérogènes » ou « multi formes d’onde » (Figure 1), composés de signaux aux formes d’onde différentes et pouvant, de surcroît, fonctionner en évasion de fréquences (EVF). Un outil central de gestion orchestre l’ensemble de ces modèles dont il récupère les données de sortie, et des méthodes de calcul auxquelles il a recours, pour fournir en fin de simulation l’estimation de la performance d’un système. Ces modèles et méthodes sont présentés dans les deux parties suivantes. rayonnement, il reste à effectuer un bilan de liaison afin de calculer le découplage entre les antennes du système. Des modèles de propagation sont également fournis à la simulation. Figure 2: Maillage à 327 MHz d’un modèle d’avion militaire portant un modèle d’antenne V/UHF au sommet de la dérive (vues arrière et de profil) IV. MÉTHODES DE CALCUL IV.1 Découpage des durées d’écoute du récepteur victime en configurations fréquentielles instantanées pour l’estimation du TEB de systèmes « multi formes d’onde » Figure 1: Système « multi formes d'onde » III. MODÈLES DE LA SIMULATION III.1 Modèles d’émetteurs et récepteurs Les modèles d’émetteurs et de récepteurs se fondent sur l’architecture superhétérodyne. Ils sont « paramétriques » et fournissent respectivement, en fonction des phénomènes de gêne étudiés, des gabarits d’émission et des gabarits de susceptibilité [2]. Le modèle d’émetteur repose, d’une part sur la modélisation de son spectre utile grâce à l’utilisation de modèles de modulations numériques et analogiques et d’autre part, sur la modélisation des phénomènes de gêne qui lui sont inhérents comme le bruit de phase, les harmoniques, la transmodulation, la saturation… Quant aux récepteurs, les phénomènes de gêne modélisés pour calculer leurs différents types de gabarits de susceptibilité sont par exemple la sélectivité, la saturation, la transmodulation… III.2 Modèles d’antennes et de propagation Pour le canal de propagation entre émetteurs et récepteurs, des antennes génériques ainsi que des porteurs ont été modélisés. Ainsi, on peut simuler le rayonnement de ces antennes en configuration « opérationnelle », c’est-à-dire implantées sur porteur. De la sorte, l’influence de ce dernier sur les champs émis est prise en compte. Partant des diagrammes de Pendant que le récepteur victime « écoute » son environnement pour détecter le signal utile qui lui est destiné, les émetteurs d'autres liaisons à proximité continuent de communiquer. Ce sont les brouilleurs potentiels. Afin de calculer leur impact sur la qualité de la liaison utile étudiée, il est nécessaire de connaître l'état, à un instant donné, des signaux parasites que ces brouilleurs potentiels émettent : à savoir, leur puissance en entrée de l'antenne victime, leur fréquence et s'il s'agit d'un signal en salves, comment ces salves sont disposées dans le temps par rapport aux périodes d'écoute du récepteur victime. En effet, si le trafic des messages fait qu'un signal parasite donné n'existe qu'en partie sur la durée d'écoute du récepteur victime, l'intensité de l'interférence s'en verra diminuée par rapport à une configuration où on considère que le signal brouilleur est continu. Pour prendre en compte l'influence de la forme « non continue » de certains signaux, le principe du calcul revient à décomposer l’état global du système en autant de « sous-états » que de fois qu'un des équipements de ce système change de comportement : par exemple un changement de porteuse, dans la cas de dispositifs fonctionnant en évasion de fréquence, ou encore le passage d'un état en émission à un état en silence dans le cas de signaux sous forme de salves. De fait, on décompose le comportement global du système en une succession d’états intermédiaires définis ainsi par la stationnarité du comportement de l'ensemble des équipements du système. Ces derniers fonctionnent alors suivant une combinaison de fréquences fixes ; c’est pourquoi un tel « sous-état » est appelé « configuration fréquentielle instantanée ». On présente dans la suite les différentes étapes du calcul menant à l’estimation du TEB. Lorsque les signaux étudiés ont une forme d'onde en salves, on appelle « palier récepteur », une durée d'écoute du récepteur victime étudié et « palier brouilleur », une salve d'émission d'un brouilleur donné. On parle alors de « sous-paliers » en référence à une configuration fréquentielle instantanée. IV.1.1 Décomposition d'une durée d'écoute du récepteur victime en une succession d'états stationnaires appelés « sous-paliers » La première étape du calcul de l'interférence consiste à découper la durée d'écoute du récepteur victime, ou palier récepteur, en sous-paliers. Or ce découpage est directement fonction non seulement de la forme d'onde des signaux mais aussi de la gestion de leur accès au milieu. Leurs formes d'ondes sont des données d'entrée de l'algorithme et donc sont connues. Cependant, les protocoles de leur couche MAC ne sont pas modélisés ici ; de fait, on ne connaît pas l'état des signaux à un instant donné. La solution est alors, pour chacun des brouilleurs, de rendre pseudoaléatoires l'état de leur fonctionnement (en émission ou en silence) ainsi que le positionnement temporel de leurs salves à t0, instant à partir duquel le récepteur victime commence à écouter. De surcroît, lorsqu'il s'agit d'un brouilleur fonctionnant en évasion de fréquence, la fréquence à laquelle est émise chacune des salves est également rendue pseudo-aléatoire. Le problème devenant ainsi probabiliste, le découpage d'un palier récepteur n'est pas unique ; il en existe une infinité. On présente sur la figure 3 deux exemples de découpage possible d'un palier récepteur accordé à la fréquence FRX2 en présence de deux brouilleurs en saut de fréquences. Figure 3: Deux configurations possibles des signaux du système, parmi une infinité, fonction de leurs formes d’onde, fréquences et positionnements temporels relatifs Chaque découpage en sous-paliers conduit au calcul d'un TEB pour le palier récepteur considéré. L'objectif est d'en estimer une distribution ; pour un palier récepteur donné, on réalisera un nombre de découpages en sous-paliers suffisant pour être dans les conditions de convergence au sens de Monte Carlo. Le TEB calculé pour un découpage donné du palier récepteur étudié est l'espérance des TEB calculés pour chacun des sous-paliers du même découpage. Plus précisément, il s'agit d'une moyenne des TEB pondérés par la durée de chacun des sous paliers. Figure 4: Découpage de la durée d'écoute FRX2 du récepteur victime en sous-paliers définis chacun par une durée et un TEB Nsp E (TEB ) = ∑ TEB SP × d SP (1) i =1 Équation 1: Formule de l'espérance du TEB pour un découpage donné d'un palier RX en un nombre Nsp de sous-paliers caractérisés chacun par une durée dSP et un TEBSP IV.1.2 Calcul du rapport signal « interféreur » I sur signal utile S, puis TEB, sur un « sous- palier » Le calcul permettant d'accéder au TEB est celui du rapport signal interféreur I sur signal utile S noté I/S. Le signal interféreur mis en jeu dans ce rapport correspond au signal d'un unique brouilleur et non pas à la somme de tous les signaux parasites, car rien ne justifie de pouvoir additionner linéairement l’ensemble des contributions des brouilleurs d'un système pour estimer l'impact global sur une liaison. En réalité, parmi l’ensemble des brouilleurs du système, souvent un ou deux d'entre eux ont un effet perturbateur prédominant sur le récepteur victime étudié. On se fonde sur cette observation pour adopter le principe suivant. Sur la durée d'un sous-palier, on retiendra comme résultat de I/S celui du brouilleur prédominant. Le rapport I/S est obtenu par la confrontation du gabarit d'émission du brouilleur au gabarit de susceptibilité du récepteur dont le niveau est fonction de la sensibilité du récepteur victime et de la marge d'interférence choisie. La première étape, appelée analyse en amplitude, correspond au calcul de la valeur maximale de la différence entre le gabarit du signal Interféreur et le gabarit de susceptibilité du récepteur victime. C'est un premier calcul simple permettant d'éliminer rapidement les brouilleurs peu contributeurs et d'en ressortir le brouilleur prédominant sur le sous-palier considéré. Une fois le brouilleur prédominant ainsi identifié, on effectue un second calcul de ce rapport I/S qui est plus précis car il prend en compte les bandes passantes de l'émetteur brouilleur et du récepteur. On obtient ainsi un rapport I/S corrigé et plus précis. C'est alors que l'on passe de la valeur de I/S à celle du TEB. Pour cela, on se sert des courbes TEB(S/I) fournies pour le récepteur étudié que l’on obtient soit d'après la littérature, soit de mesures effectuées comme pour le cas d’interaction Bluetooth/WiFi présenté dans la partie VI. IV.1.3 Estimation du TEB sur une durée d’écoute, palier, du récepteur victime Pour estimer le TEB sur un palier récepteur, on code un échantillonneur permettant de générer un nombre N de découpages de ce palier récepteur en souspaliers. Pour chaque découpage obtenu, est réalisé le calcul de la moyenne pondérée du TEB selon la méthode décrite dans les paragraphes précédents. On obtient ainsi N valeurs de l’espérance du TEB, comme formulé dans l’équation 1. On suppose, a priori, que la distribution de E(TEB) est, par exemple, gaussienne. On utilise alors le module Python Monte Carlo PyMC [3] de Python contenant l'algorithme MetropolisHastings permettant, à partir de ces N échantillons de E(TEB), de tester l’adéquation de la distribution observée à la distribution théorique spécifiée a priori ainsi que la convergence des paramètres, entre autres. On obtient finalement, la valeur de la moyenne µ et de l’écart type σ les plus vraisemblables et de fait la distribution de E(TEB) la plus vraisemblable pour un palier récepteur donné, c’est-à-dire pour une durée d'écoute du récepteur accordé à une fréquence donnée. IV.1.4 Estimation du TEB du récepteur victime On refait tous les calculs précédents pour d'autres paliers récepteurs victimes; autant de paliers que nécessaires pour être dans les conditions de convergence. On fixe ce nombre à un nombre NRX. Pour cela, on crée un nouvel échantillonneur qui génère la fréquence du récepteur. Pour chaque tirage de la fréquence d’accord du récepteur, on se fixe sur un palier. Le résultat de la simulation pour chaque palier est la distribution de E(TEB) ainsi qu’il a été explicité dans cette partie. Par conséquent, l'échantillonneur fournit NRX distributions possibles de E(TEB); c'est à dire NRX valeurs de µ et de σ. À nouveau on utilise les méthodes de PyMC pour déterminer les distributions, cette fois-ci, de µ et de σ. On a ainsi évalué la performance de la liaison victime. IV.2 Méthode de découpage topologique avec les surfaces de Huygens pour le calcul des découplages Pour le calcul de découplage entre antennes, le choix est offert à l’utilisateur entre la méthode directe, introduite à la fin de la partie III, et la méthode de découpage topologique via un système de surfaces d’échange. Alors que la première méthode consiste à ne réaliser qu’une seule simulation avec l’ensemble du système, la seconde consiste à décomposer la simulation globale en plusieurs simulations intermédiaires des parties du système. Pour appliquer cette méthode à une analyse de compatibilité radioélectrique, on utilise les outils spécifiques mis à disposition sur la plate-forme de logiciels appelée QUERCY [4]. Cette dernière contient un outil de CAO, des solveurs de contrainte, des mailleurs ainsi que tous les outils nécessaires comme ceux permettant le calcul des sources équivalentes sur une surface de Huygens pour appliquer la méthode de découpage topologique dans le calcul des découplages entre antennes. Figure 5: Méthode de découpage topologique via le système de surfaces d’échange V. RÉSULTATS SIMULATION ATTENDUS DE LA Pour un scénario donné, les premiers résultats attendus de la simulation sont les gabarits des différents types de signaux d’émission ainsi que les gabarits des différents types de susceptibilité des récepteurs. Une fois ces gabarits calculés, les résultats finals attendus sont la dégradation en performance des équipements, soit en fonction des phénomènes de gêne inhérents aux émetteurs et récepteurs, soit en fonction des découplages entre antennes. Ces résultats sont donnés en termes de rapport du signal utile sur le signal brouilleur (S/I) ou en TEB ou encore en Taux de Paliers Brouillés (TPB). VI. APPLICATION : Bluetooth/WiFi à 2.4 GHz Les problèmes d’interférence Bluetooth/WiFi sur la bande ISM 2.4 GHz sont bien réels et, par conséquent, suscitent de nombreux travaux comme ceux du NIST [5] et bien d’autres. Les travaux expérimentaux réalisés habituellement sur ce cas d’interactions consistent à mesurer des débits en utilisant comme matériel des dispositifs commerciaux (des téléphones ou PC portables munis de technologies Bluetooth/WiFi). Par exemple, on pense aux tests effectués par KELLER et MODELSKI [6]. L’objectif ici est de mesurer le TEB d’une liaison, et non un débit, en présence d’un brouilleur, et ce en connaissant nécessairement les caractéristiques de la forme d’onde des signaux émis. Sans quoi, la comparaison mesure/simulation, c’est-à-dire la validation, serait impossible. Or les dispositifs classiques commerciaux ne sont ni « testables », ni « configurables » ; on n’a quasiment aucune connaissance, ni maîtrise des caractéristiques des signaux comme la longueur et la périodicité des paquets d’information émis. Ce sont là des données d’entrée de l’algorithme de calcul des interférences à valider. C’est pourquoi, on a choisi d’avoir recours à des générateurs spécifiques de signaux Bluetooth et WiFi donnant à l’utilisateur la possibilité de paramétrer à sa guise les signaux mis en jeu. VI.1 Cas d’étude, matériel et installation On utilise les générateurs de signaux Bluetooth et WiFi de Rohde & Schwarz, respectivement le CMU200 et SMJ100A [7]. Contrairement au SMJ100A qui ne peut être utilisé qu’en générateur, le CMU200 permet non seulement d’établir une liaison Bluetooth avec n’importe quel dispositif muni de cette technologie, mais aussi d’en mesurer le TEB. Par conséquent, les tests consistent à mesurer la dégradation des performances d’une liaison Bluetooth par un brouilleur WiFi. On établit la connexion entre le Maître du piconet, le CMU200, et son Esclave, un Module Bluetooth (MB) spécialement configuré au préalable de façon à ce qu’il « accepte » d’être testé. On décide de réaliser les tests en propagation en reliant par des câbles chacun des générateurs à des antennes quart d’onde à 2.4 GHz, disposées à l’intérieur d’une chambre anéchoïde. Une troisième antenne, identique aux deux autres, est utilisée pour le module Bluetooth. Une photographie du système formé par ces trois antennes est présentée sur la figure 7. Figure 6: Schéma de la configuration mesurée Figure 7: Photographie des antennes dans la chambre anéchoïde (CMU, SMJ et MB de gauche à droite) VI.2 Les mesures L’objectif est de mesurer le TEB de la liaison Bluetooth en fonction de la puissance du signal brouilleur. Initialement, on choisit un signal Bluetooth fonctionnant à une seule fréquence et avec des paquets d’information de longueur 339 µs et de périodicité 1.25 ms, et un signal WiFi avec des paquets d’information de longueur 1 ms et de périodicité 2 ms. On teste également la gêne apportée sur le Bluetooth par d’autres types de signaux plus simples ; du bruit blanc gaussien, une sinusoïde ou encore des signaux pulsés. L’ensemble de ces tests permet de caractériser la performance d’une liaison Bluetooth en fonction de la forme d’onde des signaux mis en jeu, mais aussi de quantifier l’amélioration apportée par le mode sauts de fréquences sur la qualité de la liaison. La figure 8 permet de comparer le TEB de la liaison Bluetooth à 2.45 GHz lorsque le brouilleur est d’une part, du bruit blanc, et d’autre part des signaux dont la forme d’onde est en « salves ». Il en ressort que ces derniers sont plus agressifs que le bruit blanc et notamment le WiFi. En effet, alors que la valeur standard du TEB à 0.1% est atteinte pour un rapport S/I quasiment nul lorsque le brouilleur est du bruit, cette valeur est atteinte dès que le signal parasite est à environ 8 dB en dessous du signal utile quand le WiFi est le brouilleur. Les courbes de la figure 9 montrent le gain en performance d’une liaison Bluetooth lorsque l’on passe d’une configuration où celle-ci fonctionne sur un unique canal, le même que celui du brouilleur WiFi, à la configuration où le Bluetooth fonctionne en mode sauts de fréquences. Ce gain en performance est de l’ordre de 2 dB. La figure 10 présente cinq cas d’interactions Bluetooth/WiFi définis par la durée et la périodicité des signaux mis en jeu et dont les valeurs sont données dans le tableau 1. Toutes les courbes se superposent quasiment. Un seul dB d’écart est obtenu entre la configuration la plus contraignante et celle la moins agressive. 10 ò ò ð òòòò ð è òòòè òè è è à è à èè à òð è ðð èè àò ððð èè ò àòò ð èè à òò ð òò èè òò ð ð è ò ð à ò èè ò è à ò ò è ðòð ò ò TEB en % 1 0.1 0.01 0.001 10-4 -15 -10 -5 0 SI en dB 5 10 Figure 7: TEB du Bluetooth single en fonction de S/I lorsque le brouilleur est du AWGN (■), du WiFi (●), des pulses (Lp=452 µs, Tp=1.252 ms) (▲), des pulses (Lp=100 µs, Tp=200 µs) (▪) à 2.45 GHz à TEB en % 1 ò ò à ò ò ò è [1] ITU-R, “Monte Carlo simulation methodology for the use in sharing and compatibility studies between different radio services or systems”, rapport ITU-R SM.2028-1, 2001. à à ò ò è 0.1 ò è à è è ò 0.01 à à è è ò à è ò è ò è 0 -2 2 4 SI en dB 6 8 Figure 8: TEB du Bluetooth en fonction de S/I lorsque le brouilleur est du WiFi à 2.447 GHz et que le Bluetooth est en mode « single » à 2.447 GHz (■), en sauts de fréquences (●), en réduit (▲) 10 ò à ô è è ðè ðè ò à ô ô 1 TEB en % è 0.1 ðè ò à ðè ò à ô ðè ò à ô 0.01 ðè ò à à òðèðè ô òð à ô ðè òð à ô ðè ò ðè ô 0.001 ðè ò ô ô 0 2 4 6 SI en dB 8 10 [2] W. G. DUFF, “Electromagnetic Compatibility in Telecommunications”, Volume 7 d’une série d’ouvrages intitulés “Electromagnetic Interference and Compatibility”, Interference Control Technologies, Inc, ISBN 0-944916-07-4, Virginia, 1988. [3] C. FONNESBECK, “PyMC user’s guide”, 2006 http://trichech.us/files/pymc_users_guide.pdf [4] C. GIRARD, P.HOFFMANN, V. GOBIN, “QUERCY: Combination of Measurements and Simulation in the Electromagnetic Evaluations and Studies”, European Test and Telemetry Conference, Juin 2007. ò ðè 10-4 -2 Les mesures effectuées montrent que la qualité d’une liaison Bluetooth à proximité d’un signal WiFi se dégrade rapidement dès lors que l’écart entre le signal utile et le signal brouilleur reçus par l’antenne Bluetooth victime est inférieur à environ 10 dB. Ni le mode sauts en fréquences, ni la configuration des paquets ne changent significativement le résultat. Or le WiFi émet habituellement des puissances plus importantes que le Bluetooth, jusqu’à 20 dB supérieures dans certains cas. Par conséquent, il est clair que le Bluetooth présente un risque important d’être brouillé par le WiFi, ce qui en fait un cas d’étude judicieux pour la prochaine étape de ce travail qui consistera à valider l’outil d’aide à l’analyse CRE des systèmes que l’on propose dans ce document. RÉFERENCES à ò è VI. CONCLUSION 12 Figure 9: TEB du Bluetooth single en fonction de S/I lorsque le brouilleur est du WiFi à 2.447 GHz dans la cas 1 (■), cas 2 (●), cas 3 (▲), cas 4 (▪) et cas 5 (▼) Tableau 1: Durée (L) et périodicité (T) des paquets cas 1 cas 2 cas 3 cas 4 cas 5 LBluetooth (ms) 0.339 0.339 0.339 0.339 2.839 TBluetooth (ms) 1.25 1.25 1.25 1.25 6.25 LWiFi (ms) 1 1 3.1 3.1 1 TWiFi (ms) 2 0.1 2 0.1 5 [5] N. GOLMIE, R.E. VAN DYCK, A. SOLTANIAN du National Institute of Standards and Technology of Maryland, “Interference of Bluetooth and IEEE 802.11: Simulation Modelling and Performance Evaluation”, Workshop “Modelling, Analysis and Simulation of Wireless and Mobile Systems”, Rome, Italie, juillet 2001. [6] T. KELLER and J. MODELSKI, “Experimental Results of Testing Interferences in 2.4 GHz ISM Band”, 33rd European Microwave Conference, Munich, 2003. [7] ROHDE & SCHWARZ, manuels de l’utilisateur du CMU200 et du SMJ100A disponibles sur http://www.rohde-schwarz.com