La théorie du « Core Knowledge

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La théorie du « Core Knowledge
L’Année psychologique
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La théorie du « Core Knowledge »
Elizabeth S. Spelke
L’Année psychologique / Volume 108 / Issue 04 / December 2008, pp 721 - 756
DOI: 10.4074/S0003503308004065, Published online: 26 February 2009
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Elizabeth S. Spelke (2008). La théorie du « Core Knowledge ». L’Année psychologique,
108, pp 721-756 doi:10.4074/S0003503308004065
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La théorie du « Core Knowledge »1
Elizabeth S. Spelke*
Department of Psychology, Harvard University, Cambridge, MA, USA
RÉSUMÉ
La cognition humaine dépend-elle d’un ensemble de systèmes de représentation spécifiques à des domaines, spécifiques à des tâches et encapsulés ?
Les recherches sur les bébés humains et les animaux suggèrent que les représentations de l’espace, des objets manipulables, des agents intentionnels et
des quantités approximatives reposent sur de tels systèmes modulaires qui
constituent le Core knowledge. Au contraire, les recherches sur les adultes
humains et certaines recherches sur les animaux entraînés suggèrent que les
représentations de l’espace, des objets, des agents et des quantités reposent
sur une architecture cognitive plus flexible. Dans cet article, j’essaie d’établir
un lien entre ces recherches et je suggère que les performances cognitives
matures humaines dépendent en partie des systèmes spécifiques trouvés
chez le nourrisson et l’animal. Cependant, les performances matures dépendent également d’au moins deux types de systèmes qui appartiennent à des
domaines généraux et qui combinent les représentations initiales : les mécanismes d’apprentissage associatif qui sont communs aux humains et aux
autres animaux et les systèmes symboliques qui sont spécifiquement
humains. Dans le futur, les études comportementales menées conjointement aux études d’imagerie cérébrale sur le nourrisson humain, l’enfant et
l’adulte peuvent jouer un rôle clé, à la fois en explorant la transition d’une
performance encapsulée vers une performance flexible, et en décomposant
les processus cognitifs matures en représentations initiales qui constituent la
base de l’édifice.
1
Difficilement traduisible, le core knowledge représente les bases ou les fondements de la connaissance humaine.
* Correspondance : Elizabeth Spelke, Department of Psychology, Harvard University, 33 Kirkland St.,
Cambridge MA 02138, USA. E-mail : [email protected]. Traduction par Arlette Streri avec la collaboration de Anne-Yvonne Jacquet et de Josette Serres du chapitre 2 « Core knowledge ». In Nancy Kanwisher and
John Duncan (Eds.) (2003), Functional neuroimaging of visual cognition. Attention and Performance. Vol XX.
pp. 29-55. Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.
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The theory of « Core Knowledge »
ABSTRACT
Does human cognition depend on a set of representational systems that are domain-specific,
task-specific, and encapsulated ? Studies of human infants and of non-human animals
suggest that representations of extended surface layouts, manipulable objects, intentional
agents, and approximate numerosities depend on just such modular core knowledge systems.
In contrast, studies of human adults, and some studies of trained non-human animals,
suggest that representations of space, objects, agents, and numerosity depend on a more
flexible cognitive architecture. In this review, I attempt to bridge these findings and suggest
that mature human cognitive performance depends in part on the same domain-specific
systems found in infants and non-human animals. However, mature performance also
depends on at least two kinds of domain-general systems for combining core representations : associative learning mechanisms that are common to humans and other animals, and
symbolic systems that are uniquely human. In the future, parallel behavioral and neuroimaging studies of human infants, children, and adults may play a key role, both in probing the
transition from encapsulated to flexible performance and in decomposing mature cognitive
processes into the core representations that form their building blocks.
1. INTRODUCTION
Une des questions les plus débattues aujourd’hui en sciences et en neurosciences cognitives concerne la modularité des processus cognitifs chez
l’homme. Le cerveau et la pensée humaine sont-ils organisés en systèmes
spécifiques d’un domaine (c’est-à-dire qui représentent des formes
d’entités particulières, telles que les objets manipulables ou les personnes), spécifiques d’une tâche (c’est-à-dire qui fonctionnent dans un
but particulier) et encapsulés (c’est-à-dire qui opèrent sur un sousensemble d’informations que le sujet détecte et mémorise indépendamment d’une connaissance explicite ou instruction) ? Ou bien, la cognition
humaine dépend-elle d’un ensemble de mécanismes cognitifs d’application plus générale ? Des arguments puissants ont été avancés de part et
d’autre, en partie parce que la cognition humaine montre deux particularités remarquables : 1. Elle est flexible et non limitée. Au cours de
l’histoire humaine, les hommes ont créé et transformé des concepts
innombrables et des domaines conceptuels, dans les sciences et les arts
aussi bien que dans les sports et la cuisine ; de nouveaux concepts émergent encore avec les avancées technologiques ou les innovations
culturelles. 2. Le développement de la connaissance humaine est rapide et
spontané chez les bébés et les jeunes enfants et l’environnement y joue
peu de rôle. Les enfants maîtrisent les règles de leur langue maternelle
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simplement en entendant des fragments de celle-ci, même si ces fragments sont déformés par des locuteurs non natifs ou des environnements
multilingues. À 4 ans, et peut-être avant, les enfants conçoivent les actions
des personnes comme guidées par des croyances et des désirs – entités
intangibles – qu’aucun enfant ne voit et que peu de parents tentent
d’expliquer. Même les plus jeunes enfants sont sensibles aux propriétés
mécaniques des objets et à la géométrie de l’espace environnant. Ces deux
particularités de la cognition humaine semblent nécessiter des architectures tout à fait différentes. Par exemple, les trous noirs, les soufflés, et les
tirs au but ont une origine trop diverse et récente pour que des dispositifs
cognitifs spécialisés aient pu évoluer pour les englober, le scénario le plus
plausible de la flexibilité de la cognition mature humaine serait celui des
mécanismes généraux d’apprentissage. Mais le développement rapide de
la connaissance chez l’enfant déborde largement l’information à partir de
laquelle de tels mécanismes généraux opèrent, le scénario le plus plausible
du développement cognitif de l’enfant apparaît plutôt être celui de mécanismes spécialisés d’apprentissage. Ces conceptions peuvent-elles être
vraies toutes les deux ?
Des arguments abondants, bien que contradictoires, issus de la
recherche en psychologie et en neurosciences cognitives alimentent le
débat sur l’existence de mécanismes cognitifs spécifiques. Certaines expériences comportementales, neuropsychologiques, et de neuroimagerie
offrent des faits robustes selon lesquels les adultes humains possèdent des
mécanismes spécifiques à des domaines, localisés pour représenter des
entités comme les visages, les corps, les actions dirigées vers un but et les
lieux (cf. Caramazza, 2000 ; Kanwisher, Downing, Epstein & Kourtzi,
2001). Cependant de tels faits sont contredits par des expériences utilisant
d’autres dispositifs ou tâches qui suggèrent que les mécanismes en œuvre
sont distribués et plus généraux (cf. Tarr & Gauthier, 2000 ; Haxby,
Gobbini, Furey, Ishai, Schouten & Pietrini, 2001). Pourquoi l’architecture
cognitive mature humaine paraît-elle modulaire lorsqu’elle est vue à
travers certains regards et non modulaires vue à travers d’autres ?
Dans ce chapitre, je considère ces questions au sein de la psychologie
développementale et comparative. À partir des recherches sur le bébé
humain et sur l’animal, je défends l’hypothèse selon laquelle la cognition
humaine dépend d’un ensemble de systèmes qui sont spécifiques d’un
domaine, spécifiques d’une tâche et relativement encapsulés : ce que
j’appellerai les systèmes du core knowledge. La plupart de ces systèmes ont
une longue histoire phylogénétique et ainsi ne sont pas spécifiques aux
humains. De plus, les systèmes apparaissent tôt dans l’enfance, opèrent
tout au long de la vie et sont, par conséquent, communs aux adultes et
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aux bébés. Néanmoins, les recherches comparant la performance des
adultes humains à celle des nourrissons ou des animaux suggèrent que ces
systèmes seuls ne peuvent rendre compte de la flexibilité de la cognition
mature. En plus des systèmes du core knowledge, les humains possèdent
au moins deux systèmes généraux d’apprentissage qui servent à construire
de nouveaux concepts et systèmes de croyance. 1. Le premier est un
système d’apprentissage associatif que nous partageons avec les animaux.
2. Le second est une capacité symbolique, spécifique aux humains et
représentée le mieux par les langues naturelles.
Je mets ici l’accent, dans le core knowledge, sur quatre systèmes de
représentation : la représentation des lieux, des objets, des agents et des
nombres. Les recherches sur les animaux et les enfants humains suggèrent
que chaque système est un module cognitif au sens de Fodor (Fodor,
1983), qui est largement constant au cours de la phylogenèse et de l’ontogenèse. Ces systèmes constituent ensemble les bases architecturales de
l’intelligence humaine mature. Cependant, les mêmes expériences qui
fournissent les preuves de l’existence de ces systèmes initiaux révèlent
aussi que la cognition devient de plus en plus flexible au cours du développement. Ici, j’analyse les preuves révélant la construction de nouvelles
représentations spatiales pour la navigation, de nouvelles représentations
des objets, de nouveaux concepts chez les humains et les animaux qui
sont à la fois mécaniques et intentionnels et d’un nouvel ensemble de
concepts des nombres – les nombres naturels- qui servent de base aux
mathématiques formelles. Je termine par deux questions. 1. Combien de
systèmes initiaux et de systèmes combinatoires possèdent les humains et
comment pouvons-nous découvrir ce que sont ces systèmes ? 2.
Comment pouvons-nous étudier séparément les rôles respectifs des systèmes initiaux et combinatoires afin de mieux comprendre les capacités
cognitives complexes uniquement humaines ? Je suggère que les études de
neuroimagerie comparant les humains adultes et les primates nonhumains peuvent jouer un rôle central en révélant à la fois la nature et les
limites des systèmes du core knowledge dans son fonctionnement mature.
Je suggère aussi que les études de neuroimagerie chez le bébé et l’enfant
peuvent servir à éclairer comment les systèmes initiaux sont combinés
pour permettre une performance cognitive flexible. La compréhension
future de la cognition humaine pourrait être liée, en partie, aux progrès
des neurosciences comparatives et développementales.
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2. LES REPRÉSENTATIONS GÉOMÉTRIQUES
DE L’ESPACE
La meilleure preuve des représentations initiales de l’espace environnant
vient des études sur la navigation animale. Des animaux aussi différents
que les insectes, les poissons, les oiseaux et les rongeurs trouvent leur
chemin dans l’environnement en se servant de représentations étonnamment précises. Dès que l’animal se déplace dans l’environnement, ses
mécanismes de navigation les plus fondamentaux s’appuient sur des processus d’intégration de trajectoires, d’actualisation de représentations des
distances et des directions de lieux vitaux pour lui (e.g. Mittelstaedt &
Mittelstaedt, 1980 ; Wehner & Wehner, 1990). Quand un animal
s’approche d’un endroit important, il corrige les petites erreurs et imprécisions de sa position supposée en se servant de ses propres
représentations stockées en mémoire (e.g. Collett, Collett & Wehner,
1999). De plus, quand il est complètement désorienté, il se réoriente en
s’appuyant sur une représentation de la forme de l’environnement
(Cheng, 1986 ; Margules & Gallistel, 1988 ; Vallortigara, Zanforlin, &
Pasti, 1990). Les représentations de la forme de l’environnement sont
activées spontanément quand les rats explorent de nouveaux environnements (O’Keefe & Burgess, 1996), et servent d’indices à la réorientation
dans les mêmes environnements.
Des preuves pour l’existence d’une représentation purement géométrique de l’environnement viennent des expériences de Cheng (1986). Des
rats cherchaient de la nourriture vue préalablement cachée dans un environnement rectangulaire comportant beaucoup d’indices du lieu de
nourriture comme des odeurs ou des indices visuels. Après désorientation, les rats ignoraient toutes ces informations et recherchaient avec
assurance deux endroits spécifiés par la forme de l’environnement clos
symétrique. Cette expérience et beaucoup de celles qui suivent montrent
que les rats stockent et utilisent l’information sur la forme de l’environnement pour se réorienter. Du fait que les rats échouent à utiliser des
indices caractéristiques pour différencier les lieux de nourriture possibles
dans cet environnement rectangulaire, Cheng a proposé que le système de
réorientation géométrique de base soit modulaire. Néanmoins, à la fois
son expérience et celles des autres révèlent que les rats désorientés et les
autres animaux utilisent les indices caractéristiques quand ils sont
entraînés à le faire (Cheng, 1986 ; Gouteux, Thinus-Blanc & Vauclair,
2001), spécialement quand le niveau de motivation est élevé, comme dans
les tâches d’évitement (Dudchenko, Goodridge, Seiterle, & Taube, 1997 ;
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Sovrano, Bisazza, & Vallortigara, 2002). Dans ces circonstances, les
animaux peuvent apprendre à associer les représentations figurales et géométriques (pour une discussion, cf. Wang et Spelke, 2002).
Les recherches sur les jeunes enfants apportent des preuves supplémentaires de l’existence de représentations modulaires géométriques. Des
enfants âgés de 18 mois à 4 ans sont testés dans une situation similaire à
celle utilisée par Cheng : Ils sont introduits dans une pièce rectangulaire
comportant des indices figuraux qui rompent sa symétrie (par exemple,
un mur coloré différemment ou des repères placés asymétriquement). Les
enfants regardent le coin de la pièce où le jouet est caché, puis sont
ensuite désorientés en les faisant tourner lentement les yeux couverts d’un
linge. Quand les enfants sont libérés et encouragés à trouver l’objet, ils
recherchent dans le coin correct et dans le coin opposé géométriquement,
montrant ainsi qu’ils sont sensibles à la forme de la pièce. Mais les enfants
ne recherchent pas plus souvent dans le coin correct que dans le coin
équivalent opposé géométriquement, ignorant tous les indices figuraux
qui différencient les coins (Hermer & Spelke, 1996 ; Stedron, Munakata,
& O’Reilly, 2000). À certains égards, la recherche sur les enfants s’apparente à celle sur les rats.
La réorientation des enfants apparaît dépendre d’un mécanisme spécifique du domaine, spécifique de la tâche, et encapsulée. Des arguments
pour la spécificité du domaine viennent des expériences testant la réorientation des enfants âgés de 4 ans dans un environnement qui présente
un arrangement rectangulaire de murs déconnectés, de coins déconnectés, ou constitué d’objets (Gouteux & Spelke, 2001). Les enfants se
réorientent selon un arrangement géométrique seulement en présence de
murs, montrant ainsi que leur système basé sur la géométrie est spécifique
du domaine des surfaces. Des arguments pour la spécificité de la tâche
viennent des expériences comparant la performance des enfants qui sont
orientés vs désorientés dans des environnements identiques (Hermer &
Spelke, 1996). Après avoir regardé un objet caché dans un endroit spécifié
par des propriétés géométriques et non géométriques, les yeux des enfants
étaient couverts et les boîtes étaient déplacées de telle sorte que les caractéristiques géométriques et figurales étaient dissociées. Dans une
condition, les enfants étaient debout les yeux fermés mais restaient
orientés. On faisait l’hypothèse, une fois la vue restaurée, qu’ils chercheraient à savoir où se trouvait la boîte contenant l’objet qu’on avait
déplacé. Dans une seconde condition, les enfants étaient désorientés. On
faisait l’hypothèse qu’ils essaieraient de se réorienter une fois les yeux
ouverts. Dans la condition orientée, les enfants se fiaient d’abord aux
caractéristiques de la boîte et dans la condition désorientée, ils se fiaient à
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la géométrie de la pièce, révélant ainsi que le système basé sur la géométrie est spécifique de la tâche de réorientation. Finalement, des arguments
pour l’encapsulation viennent des expériences dans lesquelles des enfants
sont observés au cours de multiples sessions expérimentales dans une
pièce carrée avec un mur rouge et trois murs blancs (Wang, HermerVazquez, & Spelke, 1999). Par exemple, un expérimentateur entraînait
une enfant à frapper le mur rouge afin d’activer une séquence musicale.
Une fois le geste systématisé, l’enfant observait un objet caché dans un
coin de la pièce (immédiatement à gauche ou à droite du mur rouge).
Puis elle était désorientée, et l’expérimentateur lui demandait alors soit de
« trouver le jouet » soit de faire de la musique. Quand on lui demandait
de faire de la musique, l’enfant immédiatement recherchait le mur rouge,
montrant qu’elle était sensible à la localisation du mur et qu’elle avait
appris à utiliser le mur comme un lien direct de son action. Quand on lui
demandait de trouver le jouet, cependant, elle ignorait le mur et recherchait de manière équivalente dans les quatre coins. Ce résultat et d’autres
(par exemple, Hermer & Spelke, 1996 ; Wang et al. 1999) indiquent que le
système de réorientation des enfants est cloisonné : il échoue à considérer
l’information environnementale que l’enfant pourtant détecte et utilise à
d’autres fins. Ainsi, les études sur les enfants confortent la proposition
originale de Cheng (1986) de l’existence d’un processus modulaire de
réorientation.
Bien que les enfants aient un comportement très similaire à ceux des
animaux dans ces tâches, les adultes humains se comportent très différemment. Quand des adultes sont testés dans l’expérience originale de
Hermer & Spelke (1996), ils se réorientent à la fois en fonction de la
forme de la pièce et des indices non géométriques (un mur distinctement
coloré). Questionnés sur la manière dont ils trouvent l’objet, beaucoup
d’adultes spontanément répondent qu’il était caché, par exemple, « à la
gauche du mur bleu ». Des études développementales réalisées par
Hermer-Vasquez révèlent que les enfants évoluent d’une performance
modulaire vers une performance adulte vers l’âge de 7 ans, et que le
meilleur prédicteur de ce changement est l’émergence de la capacité à
produire des expressions spatiales impliquant les termes « gauche » et
« droite » (Hermer-Vazquez, Moffett, & Munkholm, 2001). Finalement,
les expériences adultes utilisant une procédure de double tâche ont révélé
que sous la condition d’interférence verbale (mais non dans la condition
de non-interférence verbale), les adultes se comportent comme les jeunes
enfants et les rats : ils continuent à se réorienter en accord avec la forme
de l’environnement, continuent à utiliser le mur distinctement coloré
comme un indice associé à l’action, et échouent à utiliser le même mur
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comme une marque pour la réorientation (Hermer-Vazquez, Spelke, &
Katsnelson, 1999). Ces résultats suggèrent que le système initial géométrique de représentation spatiale persiste chez l’adulte humain et guide
leur réorientation indépendamment du langage.
Pourquoi le langage en général, et le langage spatial en particulier,
peut-il permettre aux enfants plus âgés et aux adultes de se réorienter en
combinant les informations géométriques et non géométriques, dépassant
ainsi les limites de leurs systèmes modulaires de représentations spatiales ?
En tant que moyens de représentation, les langues naturelles ne sont pas
des systèmes modulaires pour deux raisons : 1. La langue possède un
lexique général contenant des mots pour désigner différentes entités
incluant les objets (« soufflé »), les personnes (« Mary »), les lieux (« à »),
les propriétés (« magnifique »), les entités abstraites (« trois »), et les relations spatiales (« vers »). 2. La langue possède une syntaxe combinatoire et
une sémantique compositionnelle. Cependant, une fois que nous avons
appris le sens des mots isolés et leurs règles de combinaison, nous
connaissons le sens de nouvelles expressions contenant ces mots sans
apprentissage supplémentaire (par exemple, Marie a cuisiné trois magnifiques soufflés à l’hôtel). Ces expressions complexes peuvent servir à
combiner les informations entre les domaines.
La figure 1 illustre comment l’apprentissage du langage pourrait permettre aux enfants de former des représentations spatiales nouvelles et
plus flexibles. Du fait que le nourrisson possède des représentations géométriques de l’environnement qui incluent le sens des relations droite/
gauche, les enfants peuvent apprendre la signification du mot « gauche »
en reliant les expressions impliquant ce terme à des représentations purement géométriques de l’environnement. Du fait que les nourrissons ont
des représentations de l’objet qui captent des catégories et des propriétés
des objets, les enfants peuvent apprendre des termes tels que « bleu » et
« camion » en reliant les expressions impliquant ces termes aux objets.
Ayant appris ces mots et expressions, l’enfant peut formuler des expressions nouvelles qui les combinent (par ex. « à gauche du camion bleu »).
De telles expressions servent à relier les informations de différents
systèmes initiaux qui permettront à l’enfant de se représenter ces combinaisons de manière flexible.
Cependant, la langue n’est pas le seul système général de représentation qui permet la combinaison des informations entre différents
systèmes initiaux. On sait, depuis la découverte de Pavlov, que les chiens
apprennent à associer le goût de la nourriture avec le son d’une cloche.
Ainsi, les humains et autres animaux possèdent un mécanisme général
d’apprentissage pour associer diverses formes d’information. L’apprentis-
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Figure 1. Comment les enfants pourraient apprendre à utiliser le langage
pour combiner des informations géométriques et des informations figurales.
sage associatif permet à des animaux approximativement entraînés de
rechercher de manière appropriée la nourriture à gauche d’un marquage
non géométriquement défini (Cheng, 1986 ; Gouteux et al. 2001), et il est
probable que des enfants entraînés convenablement et des adultes ayant
des troubles du langage seraient capables de faire la même chose. Cependant, parce que chaque nouvelle combinaison d’informations doit être
apprise une à une, les processus associatifs ne permettent pas d’apprendre
rapidement, de manière flexible et productive. Il est possible que cette
capacité soit disponible seulement pour les individus qui possèdent une
langue naturelle.
En résumé, les jeunes enfants et les animaux possèdent un système
initial de connaissance de l’environnement. Le système est spécifique du
domaine (il sert à représenter des surfaces mais pas des objets limités),
spécifique de la tâche (il sert à spécifier la position de l’enfant se déplaçant
dans l’environnement, mais pas les positions relatives des objets) et
encapsulé (il est sensible aux informations sur la forme de l’environnement mais pas aux informations sur les caractéristiques non géométriques
de l’espace). Les adultes possèdent aussi ce système qui guide leur navigation quand ils sont testés avec peu d’entraînement et avec des
interférences verbales. Cependant, les adultes sont aussi capables de combiner des représentations de différents systèmes initiaux. Un premier
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mécanisme combinatoire, partagé avec d’autres animaux est l’apprentissage associatif. Un second mécanisme, spécifique aux humains, dépend
du langage, de son lexique, de sa syntaxe combinatoire et de sa sémantique compositionnelle. Ce dernier mécanisme est hautement flexible et
efficace, et permet la combinaison efficace d’informations en l’absence de
tout entraînement spécifique. Ainsi, les mêmes systèmes modulaires existent et fonctionnent chez l’adulte humain, les nourrissons, et autres
animaux, mais ils sont en partie cachés, et les limites de leur signature
sont surmontées, par d’autres systèmes, plus généraux. Il est possible que
les systèmes combinatoires généraux soient responsables de la flexibilité
du comportement spatial humain, tandis que les systèmes spécifiques
seraient responsables de son émergence et de son fonctionnement initial.
3. LES REPRÉSENTATIONS SPATIO-TEMPORELLES
DES OBJETS
La démonstration d’un système initial pour représenter les objets vient
d’abord des recherches sur les nourrissons humains. Des expériences utilisant une variété de méthodes, incluant l’habituation et la préférence
pour la nouveauté, l’approche manuelle d’un objet et sa manipulation, la
violation des attentes, ont révélé le développement d’une capacité précoce
du bébé à segmenter la surface visible en éléments connectés de manière
interne, limités, mobiles séparément, solides, et continuant d’exister
lorsqu’ils sont cachés. Les bébés segmentent leur environnement visuel en
analysant les propriétés spatio-temporelles du champ en accord avec trois
contraintes générales sur le déplacement des objets : la cohésion (les
objets se déplacent comme des ensembles connectés et limités), la continuité (les objets se déplacent sur des chemins non obstrués), et le contact
(les objets changent leur déplacement au contact d’autres objets). Les
bébés échouent à segmenter le champ visuel en objets en analysant les
propriétés figurales du champ, telles que la surface texturée, la couleur et
la forme (Spelke, 1990), bien qu’ils détectent ces propriétés et les utilisent
pour d’autres buts comme la segmentation de la texture (cf. Quinn &
Bhatt, 1998) et la catégorisation (cf. Quinn & Eimas, 1996). Les bébés
échouent aussi à utiliser les mêmes relations spatio-temporelles pour percevoir des entités non solides, telles que des tas de sable ou des piles de
blocs (Huntley-Fenner & Carey, 2000 ; Chiang & Wynn, 2001 ; cf. aussi
Wynn, Bloom, & Chiang, 2002). Ces résultats militent en faveur d’un
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système de représentation de l’objet qui est spécifique d’un domaine (il
sert à représenter les objets mais pas les marques de surface ou les objets
non solides), spécifique d’une tâche (il sert à segmenter la surface environnante en éléments mais ne sert pas à segmenter les surfaces en régions
de texture homogène ou à catégoriser des corps selon leur similarité), et
encapsulé (il opère sur des informations spatio-temporelles mais pas sur
des informations concernant les propriétés figurales des objets ou les catégories auxquelles ils appartiennent).
Les arguments d’encapsulation des processus chez des nourrissons
dans la segmentation des objets viennent des expériences de Xu, Carey &
Welch (1999), utilisant une procédure visuelle de préférence pour la nouveauté. On présente à des bébés de 10 mois deux jouets, un canard et un
camion, arrangés de telle sorte que le premier objet repose sur le second.
Étant donné que les plus jeunes bébés catégorisent correctement de tels
objets en animaux et véhicules (Mandler & McDonough 1993), et que les
bébés, dans d’autres expériences, différencient bien les objets, il est hautement plausible que les bébés détectent les caractéristiques figurales des
objets. La capacité des bébés à segmenter le dispositif en unités est testée
en comparant leur temps de regard face à des événements dans lesquels
une main agrippe le canard et le soulève en l’air ou le canard se déplace
tout seul, ou bien le canard et le camion se déplacent ensemble comme
formant une unité. Lorsque, avant le test, le canard glisse sur la surface du
camion, montrant l’existence spatio-temporelle d’une frontière entre les
objets, les bébés regardent plus longtemps l’événement dans lequel le
canard et le camion se déplacent comme une unité. Ce résultat réplique
les expériences antérieures (cf. Spelke, Von Hofsten, & Kestenbaum,
1989) et montre bien que les bébés perçoivent les deux objets comme
deux éléments mobiles et séparés. Quand le canard et le camion sont stationnaires, au contraire, les bébés regardent autant les deux
événements. Bien que les bébés détectent les traits distinctifs et les identités catégorielles du canard et du camion, ils échouent à utiliser ces
informations pour segmenter le tableau en deux objets. Des résultats
similaires ont été obtenus par Xu et Carey (1996) dans une tâche différente, s’intéressant aux représentations des bébés concernant la
distinction numérique de deux objets d’espèces différentes qui apparaissaient à divers endroits et à différents moments.
Les recherches sur les poussins nouveau-nés et les singes ont produit
des résultats convergents. Comme les bébés humains, ces animaux segmentent le champ visuel en objets en analysant les arrangements spatiaux
et les mouvements des surfaces (Regolin et Vallortigara, 1995 ; Regolin,
Vallortigara et Zanforlin, 1995a, b ; Lea, Slater, & Ryan, 1996 ; Williams &
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Carey, 2000). Des expériences utilisant une méthode d’empreinte (la tendance des poussins nouveau-nés à s’approcher d’un objet familier
inanimé suppléant l’absence de congénères) montrent que les poussins
non seulement perçoivent les objets visibles comme le font les enfants,
mais qu’ils se représentent des objets cachés et résolvent des tâches de
recherche d’objets qui exigent de la mémoire et ne sont pas réussis par les
bébés humains avant plusieurs mois (Regolin et al. 1995a, b). Ces résultats suggèrent que le système de segmentation du champ visuel en objets
a une longue histoire phylogénétique.
De récentes recherches (Scholl & Pylyshyn, 1999 ; Scholl, Pyslyshyn, &
Franconeri, 2001, Scholl, Pyslyshyn, & Feldman, 2002) révèlent que ce
système spatio-temporel de la représentation des objets persiste et fonctionne chez les adultes humains. Scholl a présenté à des adultes une tâche
de poursuite visuelle de plusieurs objets (Pylyshyn & Storm, 1988), dans
laquelle un ensemble d’objets identiques, se déplaçaient indépendamment
les uns des autres. Les sujets devaient suivre un sous-ensemble d’objets et
noter si un changement apparaissait dans un des membres de ce sousensemble. Quand les objets sont continuellement visibles et bougent sur
des chemins qui ne se croisent pas, les adultes peuvent réaliser cette tâche
correctement jusqu’à quatre objets. Dans une série d’expériences, Scholl
s’est demandé pour quels genres d’entités les adultes sont capables de
pareilles performances. Comme les bébés, les adultes pouvaient suivre des
yeux des entités qui étaient connectées de manière interne et limités de
manière externe (par ex. des disques ou des carrés spatialement séparés)
mais échouaient à poursuivre des entités qui n’avaient pas ces propriétés
(par ex. deux disques connectés par deux pour former des « barres d’haltères » mais qui devaient être traqués comme des parties d’un objet). Ce
résultat révèle que la poursuite attentive d’objets se réalise en accord avec
le principe de cohésion. Dans d’autres expériences, Scholl s’est demandé
quelles transformations du mouvement des objets empêcheraient la poursuite attentive des adultes. Comme les bébés, les adultes étaient capables
de poursuivre les objets qui se déplaçaient de manière continue même
hors de la vue, derrière des caches, et échouaient à poursuivre les objets
qui apparaissaient et disparaissaient de manière discontinue ou qui se
scindaient ou s’évanouissaient. Ces faits montrent que la poursuite attentive de l’objet se réalise en accord avec les principes de contrainte et de
cohésion. Finalement, la poursuite attentive des adultes n’était pas
influencée par les propriétés figurales des objets ou des changements dans
ces propriétés. Tous ces résultats et d’autres (Kahneman & Treisman,
1984 ; Kahneman, Treisman, & Gibbs, 1992 ; Kanwisher & Driver, 1992 ;
Mitroff, Scholl, & Wynn, 2004) suggèrent qu’un système commun de
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représentation est à la base des représentations de l’objet des adultes,
testés dans des tâches de poursuite visuelle attentive, et des bébés testés
dans des tâches de segmentation.
En dépit de cette convergence, il y a des changements développementaux saisissants dans la segmentation en objets à la fois chez les humains
et les animaux. Les bébés âgés de 12 mois et les singes adultes segmentent
le champ visuel en objets en combinant les informations spatiotemporelles et figurales (cf. Xu, Carey & Welch, 1999 ; Munakata, Santos,
Spelke, Hauser, & O’Reilly, 2001). Chez les humains, ce changement
développemental corrèle avec l’acquisition des noms des objets (Xu &
Carey, 1996), et est accéléré quand les objets sont présentés avec des mots
distincts qui les labellisent (Xu, 2002).
Comment le langage aide-t-il les bébés à individualiser les objets ? Je
suggère que les jeunes bébés ont deux systèmes spécifiques, du domaine
et de la tâche, pour représenter les objets. Le premier est le système
spatio-temporel déjà décrit, qui guide la segmentation des objets et leur
atteinte. L’autre est un système figural qui utilise des distinctions de couleur, texture et forme pour reconnaître et catégoriser les objets (Quinn &
Eimas, 1996). Bien que nous sachions peu de chose sur les mécanismes
neuronaux à la base de ces systèmes chez le bébé humain, ils pourraient
correspondre, respectivement, aux mécanismes associés aux voies
visuelles, dorsale et ventrale, de l’adulte humain et de l’animal (cf.
Bertenthal, 1996). Les deux systèmes se développent précocement chez
l’humain, mais opèrent d’abord en relative indépendance. Cependant,
quand l’enfant apprend les premiers noms des objets, les mots peuvent
servir à relier les informations provenant des deux systèmes, compte tenu
de la façon dont les mots sont reliés aux objets. L’hypothèse d’un apprentissage précoce des mots a été proposée impliquant deux contraintes
(Markman, 1989 ; Bloom, 2000) : une « contrainte liée à l’unité de
l’objet » qui conduit les bébés à appliquer un substantif à des éléments
spatio-temporels choisis par le système de segmentation des objets chez
les bébés (cf. Soja, Carey, & Spelke, 1991), et une « contrainte taxonomique » qui conduit les bébés à généraliser les substantifs des nombres à
tous les objets qui partagent les mêmes traits perceptifs et sont membres
de la même espèce (cf. Smith, Jones, & Landau, 1996 ; Gopnik & Sobel,
2000). Toutefois, les substantifs des nombres peuvent servir à relier les
représentations des objets comme des entités spatio-temporelles aux
représentations des objets en tant que porteurs de propriétés (cf. Fig. 2).
Une fois ces liens formés, alors les enfants peuvent utiliser l’information
sur les propriétés rapidement et de manière flexible pour enrichir leurs
représentations spatio-temporelles des frontières de l’objet.
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Figure 2. Comment les enfants pourraient utiliser les substantifs pour relier les
représentations spatio-temporelles et les caractéristiques figurales des objets.
Néanmoins, le langage n’est pas le seul moyen qui permet de relier les
représentations spatio-temporelles et les caractéristiques des objets, d’une
part parce que les singes font les mêmes liens (William et Carey, 2000 ;
Munakata et al. 2001) et d’autre part parce que les bébés humains pré linguistiques utilisent des informations sur les traits pour segmenter les
objets quand les informations spatio-temporelles et figurales sont corrélées et qu’ils ont l’occasion d’apprendre ces corrélations (Needham &
Baillargeon, 1998). Ces résultats suggèrent que les informations provenant des deux systèmes de représentation de l’objet peuvent s’associer
quand les bébés humains et les animaux ont des expériences multiples
avec les objets. À la fois l’acquisition du langage et de nombreuses expériences permettent aux sujets de combiner les informations spatiotemporelles et les caractéristiques des objets, et d’utiliser les deux sources
d’information simultanément pour segmenter le champ visuel.
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4. LES REPRÉSENTATIONS DE L’AGENTIVITÉ
Les entités les plus importantes de l’environnement visuel de l’enfant sont
les agents, personnes et autres objets mobiles qui se déplacent euxmêmes, agissent sur des objets inanimés et interagissent avec un autre
objet ou avec l’enfant. De considérables recherches, utilisant les méthodes
d’étude des représentations des objets chez le nourrisson, suggèrent qu’un
système distinct, spécifique du domaine est à la base des représentations
des agents.
Des études antérieures ont insisté sur la contrainte de non-action à
distance. Intuitivement, des objets inanimés sont sujets à cette contrainte tandis que les agents ne le sont pas : on peut entrer en contact
avec une balle et la mettre en mouvement, et on peut demander à distance à une personne de se déplacer. Woodward, Phillips, & Spelke
(1993) ont cherché à savoir si les bébés de 7 mois sont sensibles à cette
différence en présentant des événements dans lesquels deux personnes
ou deux objets inanimés bougent successivement. Pendant l’habituation, le passage du déplacement de la première personne (ou objet) à
celui de la seconde personne (ou objet) avait lieu derrière un écran :
pendant le test, l’écran était retiré et le déplacement de la seconde personne (ou objet) se produisait avec ou sans contact avec la première
personne (ou objet), les deux événements étant présentés de manière
alternée. Dans la condition de deux objets inanimés, les bébés regardaient plus longtemps l’événement sans contact, répliquant les résultats
précédents que les bébés se représentent les mouvements des objets inanimés comme sujets à la contrainte de non action à distance (cf. Leslie,
1994). Dans la condition de deux personnes, les bébés regardaient
autant les deux événements tests, suggérant qu’ils n’appliquaient pas
cette contrainte aux déplacements des personnes.
D’autres études ont révélé que les jeunes enfants se représentent les
actions humaines comme dirigées vers un but, mais pas les mouvements
des objets inanimés. Woodward (1998) a présenté à des bébés de 6 mois
des événements dans lesquels une personne ou un objet inanimé de taille
et de forme similaire tendaient la main vers une des deux cibles (un nounours ou une balle) situées à un endroit précis. Après habituation, les
deux cibles changeaient de position et la personne ou l’objet inanimé
atteignait alternativement la même cible (l’ancien but ou la nouvelle
direction de l’atteinte) ou l’autre cible (le nouveau but ou l’ancienne
direction d’atteinte). Les bébés regardaient plus longtemps le dernier
événement, révélant qu’ils avaient enregistré l’atteinte initiale en relation
avec l’objet-but. Cependant, ils ne montrèrent pas une telle préférence
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dans la condition objet inanimé. Ces résultats et ceux de Woodward et al.
(1993) présentent une double dissociation : les bébés se représentent les
mouvements des objets inanimés comme sujets à la contrainte de non
action à distance mais pas comme dirigés vers un but, et ils se représentent les actions humaines comme dirigées vers un but et non comme
sujettes aux contraintes de non action à distance.
D’autres différences entre représentations des objets inanimés et des
agents humains émergent des études sur les capacités des bébés à déterminer si une entité rencontrée à une occasion est le même individu que
l’entité vue à une autre occasion. Des recherches sur les représentations
des bébés concernant les objets inanimés révèlent que les bébés individualisent de tels objets en analysant la continuité ou la discontinuité
spatio-temporelle de leur déplacement : un objet vu en un lieu et à un
temps donné est le même objet que celui vu en un autre lieu à un autre
moment, mais seulement dans le cas de déplacement continu liant les
deux apparitions (Spelke, Kestenbaum, Simons, & Wein, 1995 ; Xu &
Carey, 1996). Comme nous l’avons déjà vu, les bébés avant douze mois
échouent à individualiser les objets de manière consistante quand
l’information spatio-temporelle est ambiguë alors que l’information
figurale (différences de couleur, texture, forme) permettrait de les
distinguer (Xu & Carey, 1996). Des études parallèles présentant des
personnes plutôt que des objets inanimés révèlent justement le résultat
inverse : les bébés échouent à utiliser l’information spatio-temporelle
pour le déplacement continu ou discontinu des individus (Sorrentino,
Carey, & Spelke, 1999 ; Kuhlmeier, Bloom et Wynn, 2004), et utilisent
avec succès l’information figurale pour les identifier (Bonatti, Frot,
Zangl, & Mehler, 2002). Cette seconde double dissociation suggère que
les représentations des humains dépendent d’un système qui est spécifique du domaine (il s’applique aux personnes mais pas aux objets
inanimés), et encapsulé (il est sensible aux informations figurales et aux
mouvements dirigés vers un but mais non aux propriétés spatio-temporelles du mouvement, même si ces dernières propriétés sont détectées,
ou utilisées vers d’autres buts, et amélioreraient la performance d’identification des personnes).
Les résultats des recherches suggèrent que les représentations des
enfants concernant les agents servent au moins deux fonctions reliées
entre elles. 1. Les bébés utilisent le comportement d’autres agents pour
diriger leur attention et apprendre des traits pertinents du monde
(Tomasello, 2001). Dès 2 mois, les nourrissons suivent la direction du
regard d’une personne pour fixer les objets qu’elle regarde (Hood, Willen,
& Driver, 1998 ; cf. aussi Butterworth, 1991). Des bébés âgés de 9 mois et
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La theorie du « Core Knowledge »
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au-delà imitent les actions des agents dirigées vers un but et ainsi
apprennent les propriétés fonctionnelles des objets (Meltzoff, 1995 ; cf.
aussi Gergely, Bekkering, & Király, 2002). Ces comportements d’attention
et d’apprentissage sont spécifiques du domaine, car ils ne sont pas
observés quand les bébés interagissent avec des objets mécaniques
(Meltzoff, 1995 ; Johnson, Slaughter, & Carey, 1998). 2. Les bébés utilisent les représentations des agents et leurs actions pour apprendre
comment ils se comportent et comment communiquer avec eux. Même
les bébés de deux mois engagent un échange réciproque, en ajustant leur
comportement à celui de leur partenaire social (cf. pour une revue,
Legerstee, 2001). Au début de la seconde année, les bébés utilisent l’information sur l’attention et les actions d’un locuteur pour déterminer les
référents de ses mots et expressions (Baldwin, 1991, Tomasello, 2001).
Ces processus d’apprentissage social dépendent aussi de l’existence
d’informations comportementales et figurales indiquant que le partenaire
social est un agent (Legerstee, 2001).
En résumé, les recherches sur les bébés apportent des arguments en
faveur d’un système initial pour représenter les agents. Ce système est
spécifique du domaine (il inclut les agents mais pas d’autres types
d’objets), spécifique de la tâche (il sert à diriger l’attention, l’apprentissage, et la communication, mais pas la poursuite ou la manipulation
d’objet), et relativement encapsulé (il est aveugle à l’information détectable sur les contraintes spatio-temporelles des comportements des
agents). Des études comparatives suggèrent l’existence de représentations
très similaires des agents et des actions dirigées vers un but chez les primates non humains. Les singes rhésus et les singes tamarins, par exemple,
se représentent les actions des humains et des animaux comme produites
par eux et dirigées vers un but (Hauser, 1998 ; Santos et Hauser, 1999).
Les primates détectent les correspondances entre les actions des autres
singes ou humains et leurs propres actions (Rizolatti, Fogassi, Gallese,
2000). Quand les chimpanzés voient une personne ou un congénère agissant sur un objet d’une manière particulière, leur attention et leurs
actions sur l’objet augmentent (Tomasello, 1999). Finalement, de récentes
expériences s’intéressant aux relations de compétition et de dominance
révèlent que les chimpanzés prédisent qu’un comportement adverse
dépendra de ce que l’adversaire a vu (Hare, Call, Agnetta, & Tomasello,
2000, Hare, Call, & Tomasello, 2001). À la fois chez les bébés et chez les
primates non humains, les agents et les objets inanimés sont représentés
comme des types d’entités distincts qui sont sujets à des contraintes
différentes.
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Elizabeth S. Spelke
Une fois encore, la considération des adultes humains suggère un
tableau plus complexe. Les adultes distinguent parmi différents types
d’agents : les personnes, les animaux et les machines complexes sont
considérés de manière identique dans certains contextes et différentes dans
d’autres. Les adultes aussi savent raisonner sur une personne de multiples
façons : comme un corps matériel sujet à des contraintes mécaniques ; un
être vivant qui se développe, se reproduit, mange et souffre de maladies ; un
agent qui agit en poursuivant des buts ; et un être sensible dont les actions
choisies sont guidées par des croyances et des désirs. Ces conceptions permettent des raisonnements plus flexibles et différenciés que ne le sont les
représentations initiales isolées de l’agentivité trouvées chez les bébés. Les
études sur les enfants suggèrent que ces conceptions commencent à se différencier à la fin des années de classe maternelle (Keil, 1979 ; Carey, 1985 ;
Schult & Wellman, 1997), et que des concepts différenciés émergent quand
les enfants relient leurs représentations initiales des personnes avec leurs
représentations initiales des objets (Carey & Spelke, 1994). Le langage peut
faciliter ce processus, lorsque les mots orientent l’attention ou sont utilisés à
la place de nouveaux concepts (Carey, 2001). Par exemple, quand une
simple expression, telle que « il est assoiffé », est appliquée aux gens,
animaux et plantes, elle peut signaler l’existence d’une nouvelle catégorie
ontologique, choses vivantes. Et quand diverses expressions telles que « est
lourd », « est assoiffé », « marche » et « désire une pomme » sont appliquées
à la même personne, elles peuvent signaler qu’il s’agit d’un être humain
appartenant à un nombre de catégories ontologiques emboîtées (Keil, 1979)
(Fig. 3). Néanmoins, comme l’atteste la littérature philosophique abondante sur la question des relations corps/esprit, les personnes adultes ont de
multiples réflexions, contradictoires et houleuses.
5. LE SENS DU NOMBRE
Bien que les mathématiques formelles soient réservées aux humains
cultivés, une part centrale de ce système existe chez l’animal et les bébés
humains : un sens des quantités numériques ou sens du nombre (Dehaene,
1997). Les arguments en faveur de l’existence d’un sens du nombre proviennent de diverses études dans lesquelles les rats, les pigeons ou autres
animaux de laboratoire sont entraînés à effectuer un nombre donné de
réponses, pour différencier deux quantités d’événements ou répondre à
des dispositifs de quantités équivalentes (par ex. Brannon & Terrace,
1998 ; Nieder, Freedman, & Miller, 2002, cf. Gallistel, 1990 pour une
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Figure 3. Taxonomies partielles du monde naturel chez a) les bébés humains,
b) les enfants pré-scolaires et c) les adultes (d’après Keil 1979 ; Carey 1985).
revue de questions de la littérature plus ancienne). Quand les animaux
apprennent à réaliser ces tâches, leurs performances montrent plusieurs
caractéristiques clés. 1. Les animaux basent leurs réponses sur la quantité
numérique, non sur les variables continues corrélées à cette quantité,
telles que le montant de l’effort requis par une succession de pressions sur
le levier ou la quantité de lumière émise au cours d’une série de flashes. 2.
L’erreur dans la performance de l’animal est proportionnelle à la quantité
d’information, en accord avec la loi de Weber. En conséquence, les discriminations des quantités numériques réalisées par les animaux dépendent
du rapport entre la taille de deux ensembles. 3. les représentations du
nombre sont suffisamment abstraites pour permettre un transfert entre
modalités et formats de représentation ; par exemple, des rats entraînés à
différencier des quantités de séquences de sons transfèrent leur performance à des séquences de flashes lumineux (Fernandes & Church, 1982).
Les deux premiers résultats ont récemment été trouvés chez des singes
non entraînés avec le paradigme d’habituation/détection de la nouveauté,
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Elizabeth S. Spelke
révélant ainsi qu’ils forment spontanément des représentations d’ensembles numériques approximatifs (Hauser, Tsao, Gascia, & Spelke, 2003).
Les études sur les bébés humains et jeunes enfants révèlent de semblables systèmes de représentation. Les bébés humains, testés selon la
technique de choix préférentiel, discriminent des dispositifs visuels de
quantités numériques, alors que les variables continues telles que la taille
des éléments, la densité, la taille de l’image, l’espace occupé et la longueur
du contour sont contrôlés (Xu & Spelke, 2000a, b ; Brannon, 2002). Les
bébés discriminent aussi entre des séquences de sons quand ils sont testés
sous des conditions similaires à celles utilisées avec les singes non
entraînés (Lipton & Spelke, 2003). À 11 mois, les bébés discriminent des
séquences numériques ascendantes de celles descendantes (Brannon,
2002) révélant ainsi que leur représentation des quantités numérique est
ordonnée. Comme les animaux, la discrimination des bébés dépend du
rapport de la taille des ensembles : à 6 mois, les bébés discriminent des
quantités qui diffèrent par un taux de 2.0 (4 vs 8, 8 vs 16, et 16 vs 32), et
ils échouent à discriminer des quantités qui diffèrent par un taux de 1.5
(4 vs 6, 8 vs 12, 16 vs 24). Le taux critique atteint 1.5 à 9 mois (Lipton &
Spelke, 2003). Les bébés montrent des limites du taux pour des discriminations de cibles visuo-spatiales et auditivo-temporelles, suggérant que le
système de représentation des quantités est amodal. Sous certaines conditions, les bébés montrent aussi un transfert de discrimination des
quantités entre modalités ou formats (Féron, Gentaz, & Streri, 2006 ;
Kobayashi, Hiraki, & Hasegawa, 2002), bien que cette capacité ait été
testée avec des petits nombres et ne soit pas trouvée dans toutes les expériences (Mix, Levine, & Huttenlocher, 1997). Ces résultats suggèrent
qu’un système de représentation similaire est à la base de la discrimination des quantités chez les animaux et les bébés.
Que peuvent faire les animaux et les enfants avec ce système ? Gallistel
(1990) a proposé que les animaux utilisent leurs représentations des
quantités pour réaliser des calculs : addition, soustraction et division de
valeurs numériques. Cependant, les preuves de l’existence d’opérations
arithmétiques chez l’animal sont indirectes et ouvertes à de multiples
interprétations (Brannon, Wusthoff, Galistell, & Gibbon, 2001 ; Dehaene,
2001). Des preuves plus directes de calculs arithmétiques à partir de
représentations de quantités non symboliques viennent des études sur les
enfants âgés de 5 ans qui ont appris peu ou pas d’arithmétique formelle
(LaMont, Barth, & Spelke, 2003). On présente aux enfants un tableau de
points bleus couvert par un écran. Un second tableau de points bleus est
introduit derrière l’écran. Finalement, on leur montre un seul tableau de
points rouges et on leur demande s’il y a plus de points rouges ou plus de
L’année psychologique, 2008, 108, 721-756
La theorie du « Core Knowledge »
741
points bleus. La réponse des enfants, à la fois à ce problème et aux problèmes impliquant de simples comparaisons de tableaux de points, révèle
qu’ils sont attentifs à la quantité plutôt qu’aux variables continues telles
que la densité de points ou la surface occupée. Les enfants sont capables
de réaliser ces additions non symboliques correctement, lorsque le total
réel et le tableau de comparaison diffèrent selon un taux suffisamment
grand (1.5 ou plus).
Les représentations des quantités révélées chez les animaux non
humains et chez les jeunes enfants existent aussi chez les adultes humains.
Quand on empêche les adultes de compter, ils discriminent néanmoins
entre des tableaux visuo-spatiaux, visuo-temporels, et auditivo-temporels
sur la base de quantités quand les autres variables continues sont contrôlées (par ex. Whalen, Gallistel, & Gelman, 1999, Barth, Kanwisher, &
Spelke, 2003). La discrimination chez les adultes dépend du taux de la
taille des ensembles, mais avec un taux bien meilleur que celui des bébés
et comparable à celui des animaux adultes entraînés (environ 1.15 : van
Oeffelen & Vos, 1982). Les adultes peuvent discriminer et comparer des
quantités entre modalités et formats presque aussi bien qu’à l’intérieur
d’une seule modalité et format (Barth et al. 2003). Les adultes peuvent
aussi réaliser des opérations d’addition, de soustraction, de multiplication, et division sur des représentations de quantités non symboliques
(Barth, 2002). Néanmoins, les humains adultes ont, de plus, des capacités
numériques qui ne sont trouvées chez aucun animal. En utilisant le
comptage verbal et la notation symbolique, nous pouvons nous représenter de grandes quantités avec exactitude, sans limite supérieure, et sans
limite de taux pour discriminer des ensembles. Cette capacité émerge
entre 3 et 4 ans quand les enfants apprennent à compter verbalement
(Wynn, 1990, 1992).
Bien qu’il n’y ait aucun consensus concernant le processus par lequel
le concept de nombre naturel émerge (pour une discussion, cf. Spelke,
2000 ; Carey, 2001), les chercheurs ont suggéré que deux systèmes de
représentation sont impliqués dans leur construction. Un système de
représentation de l’objet déjà discuté, qui sert à représenter jusqu’à trois
ou quatre objets à la fois. Ce système dote les jeunes enfants d’une composante du nombre naturel : le concept d’individus numériquement
distincts. L’autre est le système du sens des nombres qui sert à représenter
les quantités approximatives d’ensemble d’objets ou d’événements. Ce
système dote les enfants d’une seconde composante des concepts du
nombre naturel : le concept d’ensemble avec une valeur cardinale. Quand
les enfants apprennent les mots des nombres, les mots peuvent servir à
combiner ces composantes en un concept d’ensemble d’individus. La
L’année psychologique, 2008, 108, 721-756
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Elizabeth S. Spelke
routine du comptage verbal peut alors servir à surmonter les limites de la
signature des deux systèmes initiaux : la limite de taille de l’ensemble des
représentations initiales de l’objet et la limite du taux de la taille du sens
du nombre initial (Spelke, 2000) (Fig. 4). Si ces suggestions sont correctes, alors les représentations matures des nombres naturels dépendent
des représentations provenant de trois systèmes : les représentations des
objets, les représentations des quantités approximatives, et le langage des
mots des nombres et du comptage verbal.
Dans la littérature, plusieurs arguments sont proposés sous le concept
de « subitizing », pour démontrer que les capacités symboliques des
nombres dépendent, en partie, du système initial de l’objet. Quand des
adultes énumèrent un ensemble de quatre ou plus d’éléments avec exactitude, leur temps de réponse augmente linéairement en fonction de la
taille de l’ensemble, suggérant un processus de comptage verbal. Quand
ils énumèrent trois ou quelques éléments, cependant, les réponses sont
plus rapides et augmentent moins en fonction de l’augmentation de la
quantité, suggérant que 1, 2, ou 3 objets peuvent être représentés par un
Figure 4. Comment les enfants pourraient apprendre à utiliser le vocabulaire
des nombres et le comptage verbal pour relier les représentations des individus et des ensembles afin de construire un système de concepts des
nombres naturels.
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processus parallèle (Mandler & Shebo, 1982). Trick et Pylyshyn (1994)
ont trouvé une étroite correspondance entre les conditions dans lesquelles
l’effet « subitizing » apparaît, et les conditions qui permettent l’individualisation des objets dans des tâches de poursuite visuelle d’objets multiples
par des adultes, et des tâches de représentations d’objets chez les enfants.
Ce résultat suggère que le système initial de représentation de l’objet est
actif quand les adultes énumèrent les objets et sert de base à leurs
réponses quand les quantités sont petites.
Les arguments, montrant que les capacités symboliques du nombre
dépendent en partie du sens des nombres, ont été énoncés par Dehaene
(1997). Quand des adultes comparent deux quantités symboliques ou
vérifient des opérations arithmétiques simples, ils le font plus rapidement
quand les quantités sont plus distantes. Dans une tâche de comparaison,
les adultes jugent plus rapidement 9 > 5 que 6 > 5 ; dans une tâche de
vérification arithmétique, ils rejettent 19, plus rapidement que 13, comme
résultat de 7 + 5. Les jeunes enfants qui ont récemment appris à se représenter les nombres avec des mots et des symboles arabes montrent des
performances similaires (Temple & Posner, 1998). De plus, les patients
adultes, qui avaient des capacités numériques normales avant leur accident, mais qui ont des troubles du sens du nombre, montrent des
capacités numériques symboliques défaillantes. Les adultes normaux
testés dans des expériences de neuroimagerie (à la fois en IRM fonctionnelle et en Potentiels évoqués) montrent une activation de certaines aires
du cortex pariétal, durant des tâches de traitement du nombre, celles
mêmes endommagées chez des patients montrant une défaillance du sens
du nombre (cf. Dehaene et Cohen, 1997 ; Pinel, Dehaene, Rivière & Le
Bihan, 2001). Ces résultats suggèrent que les représentations des nombres
naturels dépendent en partie du sens du nombre.
Finalement, quatre sources d’arguments suggèrent que les représentations naturelles du nombre dépendent en partie du langage. 1. Les
patients aphasiques, montrant des capacités déficientes pour utiliser les
mots des nombres, ont un déficit particulier dans les calculs symboliques :
ils peuvent perdre l’accès aux résultats exacts mais continuent d’être sensibles aux résultats approximatifs (par exemple, un patient peut juger que
7 + 5 est « environ 13 » ; Warrington, 1982). 2. Quand des adultes
normaux réalisent des problèmes arithmétiques exacts présentés en notation arabe, leur temps de réponse montre un effet de longueur
phonologique : ils répondent plus lentement quand les chiffres arabes
correspondent aux mots qui requièrent le plus de syllabes à prononcer.
Au contraire, quand les mêmes problèmes sont présentés dans des conditions qui demandent seulement l’estimation d’une somme approximative,
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Elizabeth S. Spelke
aucun effet de longueur phonologique n’est observé (Lemer, 2000). Ces
résultats suggèrent que les adultes traduisent la notation arabe en un code
phonologique pour des performances d’addition exactes, mais pas pour
des performances approximatives. 3. Quand des adultes bilingues apprennent, dans une langue, de nouveaux faits arithmétiques où le matériel
verbal contient des numérosités exactes (par ex. 37 + 52 = 89 ; le roi est
âgé de 43 ans), ils font un effort quand on leur demande de retrouver ces
faits dans leur seconde langue. Au contraire, quand ils apprennent un
matériel contenant des quantités approximatives (ex : 37 + 52 font
environ 90 ; le roi est âgé d’à peu près 40 ans), ils n’ont aucun problème
(Dehaene, Spelke, Pinel, Stanescu, & Tsivkin, 1999 ; O’Kane & Spelke,
2001 ; Spelke & Tsivkin, 2001). Finalement, les études IRMf sur des
adultes réalisant des additions exactes versus approximatives de quantités
représentées symboliquement montrent une activation des aires secondaires du langage pour les tâches exactes mais pas pour les tâches
approximatives (Dehaene et al. 1999 ; Stanescu-Cosson, Pinel, van de
Moortele, Le Bihan, Cohen, & Dehaene, 2000). Tous les résultats des
tâches sur les représentations des quantités approximatives confirment les
faits présentés ci-dessus montrant qu’un système de représentation des
quantités approximatives existe chez l’adulte et est indépendant du langage. De plus, des résultats contrastés aux tâches exactes révèlent que les
représentations du nombre exact, dépendent, en partie, d’une langue
naturelle spécifique, concordant avec la thèse que le langage lie les représentations initiales des objets et des quantités approximatives pour former
de nouvelles représentations des quantités exactes.
En résumé, les études sur les animaux, les bébés, les enfants et les
adultes humains révèlent l’existence d’un système du sens du nombre
initial qui est amplifié par le langage pour former des représentations des
nombres naturels. Des études sur des animaux hautement entraînés
suggèrent que le langage n’est peut-être pas le seul système pour former
des représentations nouvelles du nombre : après des années d’entraînement, à la fois les chimpanzés et les perroquets apprennent des symboles
pour des nombres de 1 à 9, suggérant qu’un apprentissage associatif peut
servir à construire les significations des mots des nombres individuels
(Matsuzawa, 1985 ; 2000 ; Pepperberg, 1994 ; Boysen, 1997). Cependant,
contrairement aux enfants, les constructions animales ne sont pas productives : après apprentissage de la signification des symboles arabes 1-5,
par exemple, le chimpanzé Ai a besoin encore d’un apprentissage intensif
pour apprendre la signification du symbole 6, montrant peu ou pas
« d’apprentissage de la suite » en ce qui concerne les nombres (Matsuzawa,
1985). Quand les enfants commencent à comprendre le système verbal du
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comptage, au contraire, ils n’ont pas besoin d’apprentissage supplémentaire pour se représenter les significations de tous les mots des nombres
dans leur routine de comptage (Wynn, 1990, 1992). De plus, le système
des concepts de nombre que les enfants forment les conduisent au-delà
de leur vocabulaire fini et leur permet de concevoir des nombres comme
augmentant indéfiniment (Gelman, 1991), chacun désignant une valeur
cardinale unique (Lipton, 2003). Cependant, comme dans le cas des
représentations spatiales et des représentations de l’objet, les études sur
les représentations des quantités suggèrent qu’un sens du nombre initial
peut être enrichi et devenir précis de deux façons différentes, par apprentissage associatif et par l’acquisition d’une langue naturelle. Les humains
et les animaux partagent les mécanismes associatifs, mais seuls les
humains ont un système plus productif, rapide et flexible qui dépend du
langage. Ce système commence à fonctionner quand les enfants apprennent les significations des mots des nombres et la routine du comptage
verbal, et il continue de fonctionner même si les adultes humains se
représentent des grandes valeurs numériques exactes.
6. D’AUTRES SYSTÈMES DE CORE KNOWLEDGE ?
Les recherches rapportées ci-dessus montrent l’existence de quatre systèmes de core knowledge incluant les lieux, les objets manipulables, les
agents et les nombres. En revenant sur ces exemples, nous pouvons nous
demander s’il existe beaucoup plus de systèmes initiaux dans la pensée
humaine ? La cognition humaine dépend-elle de centaines ou de milliers
de systèmes spécifiques d’un domaine, ou de seulement quelques-uns ?
Bien que les faits présents ne donnent pas de réponse définitive à cette
question, je crois qu’on peut suggérer que les humains sont dotés de systèmes initiaux seulement dans un petit nombre de domaines. Cependant,
dans chaque domaine, des sous-systèmes multiples, relativement encapsulés peuvent servir à identifier les entités du domaine et représenter des
aspects différents de leur comportement.
Par exemple, les études sur les bébé suggèrent qu’au moins quatre systèmes leur permettent de se représenter les agents : un système de
reconnaissance des visages, un système de mouvement biologique qui
segmente les corps des individus en parties, et des systèmes pour analyser
les actions dirigées vers un but et les interactions sociales contingentes
(cf. Berthentaln Proffitt, & Kramer, 1987 ; Johnson & Morton, 1991 ;
Johnson et al, 1998 ; Woodward, 1998). Pareillement, les études sur la
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navigation animale révèlent que de multiples sous-systèmes distincts
contribuent à tout acte de navigation, incluant des systèmes pour
déterminer l’orientation de la boussole, pour percevoir les distances et les
directions des repères et pour appréhender la forme générale de l’environnement (cf. Gallistel, 1990 ; Collett & Collett, 2000).
Des psychologues évolutionnistes ont proposé que les humains soient
dotés d’un ensemble de systèmes spécifiques beaucoup plus riche incluant
des systèmes pour se représenter les objets consommables, les prédateurs,
et les partenaires sociaux non interactifs (cf. Cosmides & Tooby, 2000 ;
Fodor, 2000). Cependant, contrairement aux exemples présentés cidessus, il n’y a aucune preuve de l’existence de tels systèmes chez les
bébés, et peu de preuves chez les jeunes primates non humains. Par
exemple, à la fois les adultes primates humains et non humains analysent
les objets consommables selon les caractéristiques couleur/texture
(Munakata et al. 2001), mais les bébés humains et chimpanzés ne le font
pas (Williams & Carey, 2000 ; Condry, Santos, & Spelke, 2002). De plus,
les chimpanzés adultes généralisent l’apprentissage sur les objets consommables aux autres objets de même couleur indépendamment de la forme,
et ils généralisent leur apprentissage sur les objets manufacturés aux
autres objets de même forme indépendamment de la couleur (Santos,
Hauser, & Spelke, 2001). Cependant, les jeunes singes ne montrent pas
cette forme de généralisation différentielle (Santos et al. 2001). Pour les
individus omnivores qui se déplacent dans le monde, comme les humains
et les chimpanzés, les caractéristiques des objets consommables sont trop
diverses et variables pour fonder un réel système de reconnaissance spécifié de manière innée. Au lieu de cela, les systèmes initiaux pour
représenter les objets et les agents peuvent permettre aux animaux
d’apprendre que des objets sont consommables en observant les comportements alimentaires de leurs congénères. En accord avec cette
suggestion, plusieurs espèces animales, incluant les rats et les singes, montrent un apprentissage rapide qu’un type donné d’objets est comestible en
observant si d’autres animaux les consomment (ex : Galef, 1988 ; Santos
et al. 2001 ; cf. aussi Rozin, Haidt, & McCauley, 2000).
Bien qu’il puisse y avoir plus de systèmes de core knowledge, spécifiques d’un domaine que les quatre systèmes discutés dans ce chapitre, ces
observations suggèrent qu’ils ne sont pas en si grand nombre. La richesse
et la flexibilité de la connaissance humaine peuvent provenir essentiellement de chemins riches et variés dans lesquels les systèmes combinatoires
généraux, spécialement les langues naturelles, construisent de nouveaux
concepts à partir d’un ensemble limité de systèmes initiaux.
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7. SUGGESTIONS
POUR LES NEUROSCIENCES COGNITIVES
Si les performances cognitives matures humaines dépendent à la fois de
domaines spécifiques, de représentations initiales et de systèmes plus
généraux qui combinent ces représentations, alors les études sur les
adultes humains devraient révéler un tableau complexe de la pensée
humaine. Quand les adultes humains sont testés dans des circonstances
qui activent les représentations d’un système initial en relative indépendance des autres systèmes, la cognition mature dépend alors d’une
architecture modulaire. Quand les adultes sont testés dans des circonstances qui activent des représentations initiales multiples, soit liées par
des associations bien établies ou agencées par un système central tel que le
langage, la cognition mature dépend alors d’une architecture non modulaire. La description de l’architecture cognitive suggérée par les études
développementales et comparatives peuvent permettre de comprendre
pourquoi il a été si difficile d’obtenir des preuves déterminantes pour ou
contre des modules spécifiques d’un domaine chez les adultes humains.
Comment des psychologues cognitivistes peuvent-ils analyser cette complexité, étudier la nature et le fonctionnement à la fois des systèmes
initiaux et des systèmes combinatoires, et étudier séparément leurs rôles
respectifs dans les performances cognitives ?
Je pense que le mariage des champs de la psychologie cognitive, comparative, développementale ainsi que les recherches utilisant les méthodes
de neuroimagerie et comportementales permettront de réaliser une
avancée considérable sur ces questions. Les expériences de neuroimagerie
et comportementales pourraient d’abord servir à rechercher les propriétés
des systèmes représentationnels initiaux des bébés humains et des
animaux non humains. Ces études pourraient fournir des outils pour
détecter les opérations des systèmes initiaux en révélant leurs signatures
distinctives. Les études rapportées dans ce chapitre suggèrent déjà un
nombre de signatures comportementales des systèmes initiaux, incluant
les signatures spatio-temporelles des représentations de l’objet et le taux
de la taille des ensembles du sens du nombre. Cependant, notre capacité à
détecter des systèmes initiaux et étudier leur opération serait amplifiée
par la découverte de signatures neuronales de leur fonctionnement.
Les études en neuroimagerie humaines adultes suggèrent où regarder
pour les signatures de certains systèmes initiaux discutés ci-dessus. Le
système initial pour représenter la forme de la surface de l’environnement
peut être localisé, en partie, dans une région corticale spécifique proche
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de l’hippocampe. Cette région montre une activation intense dans les
expériences IRMf avec des sujets qui voient des photographies de scènes,
indépendamment de savoir si les scènes sont familières ou nouvelles,
intérieures ou extérieures, meublées ou nues (Epstein & Kanwisher,
1998). Le système initial pour représenter des objets définis dans l’espace
et le temps peut être localisé en partie dans des régions du cortex pariétal
qui sont activées pendant les tâches de poursuite visuelle d’objets multiples, laquelle activation augmente avec l’accroissement du nombre
d’objets à poursuivre (Culham, Brandt, Cavanagh, Kanwisher, Dale, &
Tootell, 1998 ; Culham, Cavanagh, & Kanwisher, 2001). Le système initial
pour représenter les agents peut dépendre, en partie, des systèmes pour
représenter les visages, les corps et les actions dirigées vers un but qui
évoquent une intense activité dans des régions localisées tout à fait spécifiques des lobes temporaux et occipitaux, incluant une région dans le
gyrus fusiforme (Kanwisher, McDermott, & Chun, 1997), une région
dans le cortex visuel extra-strié (Downing, Jiang, Shuman, & Kanwisher,
2001), et les régions du sulcus supérieur temporal (Allison, Puce, &
McCarthy, 2000 ; Gallagher, Happe, Brunswick, Fletcher, Frith, & Frith,
2000). Finalement, le système initial du sens des nombres peut être localisé, en partie, dans des régions spécifiques du sulcus intraparietal (par ex.
Dehaene, 1997 ; Pinel et al. 2001). Ces suggestions sont à confirmer, parce
que les méthodes de neuroimagerie utilisées chez l’adulte diffèrent considérablement des méthodes comportementales utilisées chez les bébés et
les animaux, et parce qu’aucune donnée développementale ne relie
actuellement cet ensemble de résultats. Pour clarifier à la fois les continuités et les changements dans les systèmes initiaux au cours de
l’ontogenèse et de la phylogenèse, nous avons besoin d’expériences de
neuroimagerie qui utilisent également des tâches comportementales pour
comparer systématiquement les performances entre les âges et les espèces.
Dès que des pierres de l’édifice du fonctionnement cognitif mature
sont isolées, d’autres études deviennent possibles. En particulier, les expériences conjointement réalisées en neuroimagerie et en comportement
peuvent servir à étudier les performances des adultes dans des tâches
complexes, spécifiquement humaines, telles que l’utilisation d’une carte
ou des mathématiques. Ces expériences utiliseraient les signatures révélées par les études développementales et comparatives afin de montrer à
la fois les activités des systèmes initiaux et l’activité des systèmes combinatoires qui les orchestrent. Pour éclairer le rôle de ces systèmes
combinatoires, il est utile de comparer les performances aux tâches qui
sont très semblables, l’une d’entre elles reposant d’abord sur des représentations initiales et l’autre sur des représentations construites (des
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exemples pourraient inclure des études de navigation guidées par des
repères spécifiés géométriquement vs par des traits, des études sur la
poursuite d’objets basée sur des informations spatio-temporelles vs figurales, ou des études arithmétiques mentales basées sur une information
exacte vs approximative). Des versions développementales de ces expériences peuvent insister sur les changements dans les performances des
enfants à des tâches complexes afin de commencer à révéler comment les
représentations initiales sont liées et comment les nouveaux concepts sont
construits au cours du développement humain et de l’éducation.
Les études de neuroimagerie des enfants humains et des animaux ont
été délaissées au profit des études sur les adultes humains, lesquelles se
focalisent souvent sur des fonctions cognitives complexes spécifiques aux
humains matures. Si la cognition humaine complexe dépend des éléments
que les humains partagent avec d’autres animaux, des études parallèles
sur des humains et des animaux pourraient grandement révéler, à la fois
les éléments partagés et les mécanismes et processus spécifiques aux
humains. Si ces éléments émergent chez le bébé humain, et si leur combinaison en habiletés complexes apparaît au cours du développement
humain, alors les études menées en parallèle sur les adultes humains, les
bébés et les enfants peuvent éclairer à la fois les capacités initiales inchangées des humains et les processus pour lesquels nous construisons de
nouvelles habiletés cognitives. Les psychologues cognitivistes et les chercheurs en neurosciences cognitives partagent largement l’hypothèse que
l’architecture de la cognition humaine s’étudie bien mieux chez l’adulte :
une fois que l’architecture sera connue, alors les questions complémentaires concernant son ontogenèse et sa phylogenèse pourront alors se
poser. Ici, je suggère l’hypothèse inverse. La cognition mature humaine
est si complexe et flexible que son architecture sous-jacente est rendue
obscure par des successions de couches d’habiletés acquises. D’autre part,
même les habiletés les plus complexes sont construites sur des éléments
plus simples. Les études développementales et comparatives peuvent
éclairer l’architecture de la cognition humaine mature en isolant ces éléments chez les bébés humains et chez les animaux.
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