Sois belle et tais-toi
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Sois belle et tais-toi
Custer’s Revenge, un jeu érotique à la fois sexiste et raciste qui à causé un scandale à sa sortie. Difficile de voir une femme fatale dans le personnage de Ms Pac-Man . Sois belle et tais-toi ! H yperstéréotypée et se résumant à une jolie fille à sauver, l’image de la femme dans les blockbusters des années 1980 s’émaille déjà de quelques avancées progressistes égalitaires. Des exceptions aussi déroutantes que rares chez Nintendo avec Super Mario Bros., Metroid et Zelda. Analyse. C ’est une banalité entendue : en trente ans, les jeux vidéo ont explosé techniquement tout en déclinant de nouveaux gameplays toujours plus tortueux et jubilatoires. Cet état des lieux consensuel cache toutefois une autre réalité, moins avouable. À côté des révolutions de forme et de méca- Le stéréotype de la princesse kidnappée dans Donkey Kong en 1981. niques ludiques, la représentation de la femme et des relations entre sexes opposés est restée bloquée à l’âge de pierre. Malgré des scénarios de plus en plus introspectifs – au rayon indie gaming en particulier avec Braid –, le jeu vidéo mainstream fait ainsi encore preuve, aujourd’hui, au mieux d’une stupéfiante naïveté sentimentale (Ico) et au pire d’un étonnant sexisme, transformant alors l’héroïne en jouet sexuel érotisé à l’extrême à l’image de Dead or Alive : Xtreme 2. Des avancées égalitaires en matière de représentation du sexe féminin ont pourtant été tracées en trois décennies. Parfois ponctuées de réactions épidermiques exagérées de l’industrie, comme en témoigne l’interdiction en 2006 puis le retour en grâce des « booth babes » à l’E3, celles-ci restent toutefois timides. Et, à voir le contenu des productions actuelles, notre époque ne semble pas très éloignée des premiers clichés visibles dans les jeux vidéo féminins du début des années 1980. La question de la représentation vidéoludique d’un être humain, et a fortiori d’une femme, ne se pose pas au début des années 1970. Question de technique. En salle d’arcade ou sur la première console de salon au monde – la mythique Odyssey Home Entertainment System de Magnavox –, on s’exclame devant les raquettes et les balles rectangu- laires du légendaire Pong sans qu’il soit question de violence ou de machisme. Mai 68 est encore frais dans les mémoires. Les premières apparitions féminines pixélisées n’arriveront donc qu’une dizaine d’années plus tard, dans des contextes pour le moins défavorables. De la boule au viol La première héroïne de jeu vidéo se retrouve ainsi déguisée sur arcade en grosse boule jaune dans le Ms. Pac-Man de 1982. Un an plus tard, la représentation du sexe dit faible gagne en réalisme mais pas en éthique. Sur l’Atari VCS 2600, Custer’s Revenge invite ainsi le joueur à éviter des flèches pour arriver à s’accoupler avec une Indienne. Edité et développé par Mystique, ce jeu érotique « 18+ » provoque un des premiers scandales de l’histoire du jeu vidéo, avec à la clef des manifestations d’organisations luttant contre le sexisme et le racisme aux USA. Même si son éditeur s’en défend, le titre du jeu et son contexte font clairement référence au viol d’une Indienne. Et aussi à une revanche prise sur l’une des défaites les plus cuisantes de l’armée américaine contre les Indiens d’Amérique en 1876. « GameSpy », « PC World » et « GameTrailer » ont d’ailleurs placé cette production en bonne position dans leur Top 10 des pires jeux vidéo de l’histoire. Ambiance… La série des Double Dragon met en scène Billy et Jimmy, deux frères qui vont sauver leur bien-aimée des griffes du gang qui l’a kidnappée. Dans la version NES du premier opus, il n’était pas possible de jouer à 2 simultanément, et c’est en fait Jimmy qui est le boss du gang en question. Alors que dans la version arcade, les deux frères devaient se battre à la fin pour savoir à qui reviendrait la jolie Marian fille trophée par excellence. Phénomène que l’on retrouve dans le beaucoup plus récent Castle Crashers, où les joueurs, coéquipiers pendant les niveaux, doivent se battre entre eux à la fin pour obtenir les bisous des princesses. La jolie Tina de la série Adventure Island n’a pas de chance : à chaque opus, elle est kidnappée par de nouveaux ennemis. En sauvant la princesse Zelda, c’est avant tout le monde d’Hyrule que sauve Link. Aussi marquant soit-il, Custer’s Revenge reste heureusement une exception. À l’aube des années 1980, les jeux vidéo ont plutôt tendance à traiter la femme avec une gentille condescendance. Elle y joue le rôle d’un objet-récompense à délivrer, car kidnappée par un bad guy. Des sagas cultes comme Donkey Kong, Double Dragon, Adventure Island, mais surtout Zelda et Super Mario Bros. pompent ainsi allègrement le thème de la demoiselle en détresse. Un archétype venu en ligne droite des récits de l’Antiquité, qui s’est articulé à travers les siècles via les contes populaires (voir l’encadré), la peinture, la littérature ou le cinéma.