Lire le dossier de presse du proces colmar faucheurs vigne ogm Le

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Lire le dossier de presse du proces colmar faucheurs vigne ogm Le
Neutralisation de l’essai vigne OGM
le 15 août 2010
à l’INRA de Colmar
Procès des Faucheurs Volontaires
au tribunal de Colmar
les 28, 29 et 30 septembre 2011
DOSSIER DE PRESSE
Sommaire
I - Les faits
L’ALSACE, 15 août 2010
« Des Faucheurs “ neutralisent ” la vigne OGM »
INF’OGM, août 2010 « Des pieds de vigne GM “ neutralisés ” » LE MONDE, 23 août 2010
« Arrachage en terrain d’entente »
II - Les bonnes questions
CONFÉDÉRATION PAYSANE, 15 août 2010
« La fin d’une mise en scène publicitaire ? »
JOSÉ BOVÉ, 16 août 2010
« Fausses solutions pour faux problèmes »
NPA, 18 août 2010
« Soutien aux Faucheurs volontaires à Colmar »
SUD RECHERCHE EPST, 19 août 2010 « Un échec qui nécessite de se poser les bonnes questions ! »
INF’OGM, 23 août 2010
« Quelle recherche et quels brevets derrière les vignes OGM de Comar ? »
S!LENCE, octobre 2010 « L’Alsace a-t-elle besoin de vignes OGM ? »
L’ÉCOLOGISTE, hiver 2010 « Contre la vigne OGM : un grand vigneron s’engage »
PAYSAN DU HAUT-RHIN, 14 décembre 2007 « Des solutions se profilent à l’horizon »
CONF. PAYSANNE LANGUEDOC-ROUSSILLON, 26 août 2010 « Un essai dangereux et inutile »
III - Le débat de fond
2
OUEST-FRANCE ILLE-ET-VILAINE, 20 août 2010 « OGM : il ne faut pas faucher la recherche publique »
LEMONDE.FR, 6 septembre 2010 « L’INRA devrait ouvrir un Grenelle de la recherche agronomique »
POLITIS, 2 septembre 2010 « Fauchage d’OGM : la vigne qui cache la forêt »
VIVAGORA, 24 août 2007
« OGM : la portée de Colmar »
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I - Les faits
L’ALSACE - article du 15 août 2010 (deux pages)
Colmar : des faucheurs
« neutralisent » les vignes OGM
La soixantaine de membres du collectif des Faucheurs volontaires d’OGM (Organisme génétique modifié) venus des quatre coins de la France a été entendue
dans la matinée au commissariat de police. Vers 5 h du matin, ils ont rallié le
biopôle de Colmar où se situe l’unité de recherche de l’Inra (Institut national
de la recherche agronomique). À l’aide de pinces, ils ont d’abord sectionné un
premier grillage, celui situé à l’arrière de l’établissement pour accéder au laboratoire à ciel ouvert, entouré de grillages hauts de 2 m et dotés de barbelés.
À coup de bêches et de sécateurs
Ils ont utilisé des bêches et des pelles pour déterrer les 70 plants de vignes transgéniques
avant de les découper en mille morceaux. Ils ont ensuite appelé les médias pour revendiquer
leur action. Le système de sécurité — détecteur de mouvements, caméras de vidéo-surveillance — a fonctionné ; le commissariat a été avisé par l’Inra de cette intrusion matinale
vers 5 h 30. Une trentaine de policiers et 15 gendarmes se sont rendus sur place. Les faucheurs les attendaient, à visage découvert, dans le calme. Ils sont montés sans problème dans
un bus réquisitionné par la police pour rejoindre le commissariat où ils ont été entendus,
puis relâchés au compte goutte avant 12 h. Plusieurs agriculteurs alsaciens, membres de la
Confédération paysanne, ont apporté leur soutien aux faucheurs, en improvisant un piquenique derrière le commissariat. Sur place, dans l’enceinte de l’Inra, les polices judiciaire et
scientifique de Mulhouse et Strasbourg ont effectué les premiers prélèvements.
« Ce sont des malades »
Le président de l’Inra, Jean Masson, au bord des larmes et rouge de colère ne cache pas son
écœurement. « C’est gravissime. Ce sont des malades. C’est sept ans de travail qui ont été
foutus en l’air. Ces gens-là détruisent l’ouverture d’esprit, la démocratie scientifique et la
recherche libre. Ils servent l’obscurantisme ». Olivier Lemaire, responsable scientifique de
l’essai, parle, lui, de « vandalisme absolu. C’est un troupeau de sangliers qui est passé par
là. Ils ont détruit le système racinaire », ce qui empêchera, a priori, une réutilisation des
porte-greffes transgéniques. « Je ne sais pas ce qui est récupérable », poursuit Jean Masson.
« Ils ont tout labouré. Je ne peux pas imaginer tout arrêter. Ce serait donner raison à des
obscurantistes violents ».
3
« Ce n’est pas une destruction »
Du côté des faucheurs, on parle plutôt de « neutralisation » des plants transgéniques. « Ce
n’est pas un saccage », veut préciser Olivier Florent, membre du collectif et originaire du
Vaucluse. « Nous pensons qu’il fallait les neutraliser ». Le seul viticulteur alsacien, Pierre
Frick, qui a participé au saccage, ne dit pas autre chose. « Il ne s’agit pas d’une destruction
mais de la préservation de mon outil de travail. C’est pour dire : “ non, on ne veut pas de
ça ici ” ».
Pour les cinq chercheurs de l’Inra qui suivaient le programme colmarien, le cauchemar
continue. En septembre 2009, le militant Pierre Azelvandre s’était introduit dans l’enceinte
du laboratoire pour sectionner les 70 plants. Il avait été condamné deux mois plus tard à
2000 € d’amendes et à un euro symbolique de dommages et intérêt. L’Inra avait fait appel,
considérant le jugement trop clément. Cette fois-ci, il n’a pas participé à l’action des faucheurs volontaires.
Septembre 2009-août 2010
Le site colmarien avait obtenu au printemps l’autorisation de reprendre les essais qui visent à mieux connaître le système immunitaire de la vigne, en particulier, lorsque celle-ci
fait l’objet d’attaques virales. Les opposants aux essais les jugent inutiles et dangereux ; ils
considèrent notamment que le virus du court-noué ne constitue pas une grande préoccupation pour les viticulteurs. Les essais réalisés à Colmar sont les seuls de ce type en France.
Ils ont permis de mettre sur pied des programmes de recherches « innovants » (en partenariat avec d’autres centres de recherche français) et un système de concertation et de « coconstruction » des programmes unique avec des représentants de la société civile.
La relance du programme d’essais devait faire l’objet d’une visite ministérielle. Jean Masson et son équipe devaient en effet accueillir Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche et Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture à la fin du mois
d’août.
Les faucheurs entendus
64 personnes ont été entendues par la police. Au cours de leur audition, ils ont tous tenus invariablement les mêmes propos : « Rien à déclarer ». Selon la police, ils n’ont pas même expliqué leur geste. La police parle d’un préjudice de 1 million d’euros ; les premières études
menées par l’Inra à Colmar remontent à 7 ans.
A cette somme, il faut également ajouter 16 000 €, ce qui correspond à la relance des essais après le feu vert donné en mai par le ministre de l’Agriculture, Bruno Lemaire.
Philippe Vannier, procureur adjoint, nous a indiqué que l’enquête de flagrance se poursuit
avant la transmission du dossier au parquet. Les 64 faucheurs seront cités à comparaître
individuellement.
Jean Daniel Kientz
4
INF’OGM (infogm.org) - article paru en août 2010 (deux pages)
http://www.infogm.org/spip.php?article4532
Des pieds de vigne GM « neutralisés »
Dans la nuit du 14 au 15 août 2010, des Faucheurs volontaires ont fauché 70
pieds de vigne, modifiés génétiquement pour résister au virus du court-noué.
L’autorisation de cet essai venait d’être prolongée trois mois plus tôt par le gouvernement français. Interpellés par les gendarmes sur le lieu même de l’action,
les faucheurs volontaires ont depuis été mis en examen.
Selon un communiqué de presse du 15 août, le collectif des Faucheurs volontaires explique son
action « les champs d’expérimentation d’OGM sont le premier pas d’une démarche commerciale
visant à imposer [...] des cultures actuellement non autorisées, et surtout non plébiscitées ni par
la population ni par les professionnels - […] cette étude ne peut statuer sur le possible passage
d’éléments du transgène dans le fruit ou le vin »1. Et de préciser leur position sur le sujet de la
recherche publique qui est « que les fonds publics financent des recherches sur les alternatives de
lutte contre le court-noué plutôt que sur des OGM dont on sait qu’ils généreront non seulement une
dépendance des agriculteurs, vignerons, et travailleurs de la terre au brevetage sur le vivant [...] ».
Pour les Faucheurs volontaires, le débat ne porte donc pas tant sur les modalités de mise en place
des essais en champs que sur les priorités de la recherche publique et la brevetabilité du vivant. La
Confédération paysanne rejoint ce constat en contestant « le choix de l’Inra de consacrer une telle
part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de
n’attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l’intégrité du
vivant et sa libre disposition pour tous ». Elle considère également que « La recherche agronomique
doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l’Inra doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd’hui à la manipulation
génétique ».
Dans le cas présent, les pieds de vigne transgéniques – des porte-greffes - ont été modifiés afin
d’exprimer des acides nucléiques du virus du court-noué (acides nucléiques qui, dans le cas présent, correspondent au gène codant pour la protéine de capsule du virus). Cette modification a
pour objectif de permettre à une vigne reconstituée – par ajout d’un greffon (la partie aérienne de
la vigne) sur ces porte-greffes transgéniques – de résister au virus du court noué. Selon l’Inra2, « le
court-noué est une maladie virale présente dans la quasi-totalité des régions viticoles du monde où
elle provoque la mort des vignes et rend les terres impropres à la viticulture. Le virus responsable
est transmis au vignoble de cep à cep par un nématode (ver du sol) qui s’alimente au niveau des
racines. Les méthodes de lutte utilisées font appel à des produits chimiques très polluants et peu
efficaces ». De son côté, le gouvernement a également réagi en condamnant ce qui, pour lui, est « un
essai exemplaire qui a su associer, notamment dans le cadre du Haut Conseil des biotechnologies,
scientifiques, organisations professionnelles agricoles, collectivités locales ainsi que les organisations non gouvernementales environnementales »3. Une position étonnante puisque, par définition,
le HCB réunit les acteurs cités pour discuter des dossiers de demande d’autorisation commerciale
ou expérimentale présentés. Leur réflexion sur la demande de prolongation n’apparaît donc pas
5
comme un exercice exceptionnel. Le service presse du ministère de l’Agriculture a confirmé que
les ministres souhaitaient souligner que cet essai avait été prolongé suite à des discussions au sein
du HCB, comme seront effectivement discutées toutes les demandes d’autorisations d’essais en
champs.Pour les faucheurs volontaires, le débat ne porte donc pas tant sur les modalités de mise
en place des essais en champs que sur les priorités de la recherche publique et la brevetabilité du
vivant. La Confédération paysanne rejoint ce constat en expliquant contester « le choix de l’INRA
de consacrer une telle part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n’attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs
respectant l’intégrité du vivant et sa libre disposition pour tous », considérant également que « La
recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l’INRA
doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd’hui à la manipulation génétique ».
Inf’OGM a cherché à en savoir plus sur cette question des brevets. Car Monsanto dispose d’un brevet sur la stratégie même de conférer à des plantes une résistance à des virus en faisant exprimer par
celles-ci un acide nucléique viral. Ce brevet, référencé sous le numéro 6,608,241 aux Etats-Unis,
date du 19 août 2003. Il est le fruit d’une procédure entamée en 1986 par l’entreprise Monsanto.
Anticipant l’obtention de ce brevet, Monsanto a d’ailleurs discuté avec l’Inra : selon Christophe
Bonneuil et Frédéric Thomas, dans un ouvrage publié en octobre 2009, « quand dans les années
1990, un consortium réunissant l’Inra, le CNRS et LVMH développe des porte-greffes de vigne
résistants au virus du court-noué, Monsanto se signale à leur attention : Monsanto les prévient
que dès lors qu’une commercialisation des vignes transgéniques serait envisagée, il faudra obtenir
une licence car ils travaillent sous la dépendance du premier brevet »4. Même si elle ne fait pas
référence à la vigne dans son brevet, l’entreprise semble donc pouvoir faire valoir des droits de
propriété intellectuelle sur le travail de l’Inra, bien que l’interprétation juridique de l’étendue des
brevets soit un exercice difficile et souvent tranché par la justice.
L’Université Cornell, aux Etats-Unis, dispose également d’un brevet dans ce domaine. Intitulé
« Production d’une résistance large et durable au virus du court-noué de la vigne dans des plantes »,
il est référencé sous le numéro WO2010051548 (A2) à l’Office européen des brevets : « la présente
invention concerne des molécules d’acide nucléique utiles pour conférer à des plantes une résistance large et durable au virus du court-noué de la vigne. L’invention concerne également des
procédés d’amélioration de la résistance à des pathogènes des plantes et des plantes ou des composants de plantes (par exemple, des plants de vigne) exprimant ces molécules d’acide nucléique.
En outre, l’invention concerne des produits (par exemple des produits alimentaires, notamment
des boissons comme du vin ou du jus) dérivés des plants de vigne transformés par ces acides nucléiques »5.
Contactée par Inf’OGM, l’Inra n’a pas répondu quant aux possibles conflits de propriété intellectuelle que l’existence de ces deux brevets pouvait poser.
Malgré les affirmations du Gouvernement (cf. note 3) et du Haut Conseil des biotechnologies6,
d’autres alternatives non transgéniques contre le court noué sont aujourd’hui en cours d’expérimentation par l’Inra (sélection variétale classique et pratique agronomique).
Jean-François Launay, Directeur de la communication de l’Inra, a reconnu tardivement à Inf’OGM,
que la voie transgénique semblait une impasse. Inf’OGM déplore le manque de transparence sur
6
l’évolution des recherches.
En outre, l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) annonce sur son site internet attendre pour
fin 2010, l’inscription au catalogue des variétés du porte-greffe répulsif au nématode, vecteur du
virus du court noué, appelé Nemadex Alain Bouquet, et pour lequel « l’IFV a d’ores et déjà anticipé la pré-multiplication de ce matériel végétal pour répondre à l’attente des professionnels »7. Ce
porte-greffe a été obtenu par croisement entre une espèce de vigne Vitis sensible au court-noué et
l’espèce de vigne Muscadinia rotundifolia, résistante à ce dernier. Notons que l’Inra a mis en place
en janvier 2009, avec l’IFV, une marque dénommée Entav-Inra qui commercialise des plants de
vignes. Selon Agrafil8, « pour l’achat de ces plants, désormais vendus sous le nom de la marque,
des royalties seront versées aux deux organismes à hauteur de 8 euros les 1 000 plants ».
Le sujet de la propriété intellectuelle sur le vivant et des objectifs d’un organisme de recherche publique comme l’Inra sont donc au centre de l’action des faucheurs volontaires. Mais cette question,
à lire les réactions publiées, pourrait bien être la seule non abordée dans l’immédiat. Le procès des
faucheurs qui se tiendra probablement suite à cette action sera sûrement une occasion saisie pour
exposer à nouveau leur position et susciter le débat.
Cet essai de vigne transgénique avait déjà été l’objet d’un fauchage fin 2009, par Pierre Azelvandre,
dans le cadre d’une action individuelle. Ce dernier avait été condamné, en première instance, à
2000 euros d’amende et à payer un euro symbolique à l’Inra. Le procès d’appel se tiendra la 29 novembre 20109. Sur avis du Haut Conseil des biotechnologies et suite à une consultation publique du
9 au 30 avril, l’autorisation de cet essai venait d’être prolongée, par décision ministérielle du 17 mai
201010. Elle permet à l’Inra de cultiver expérimentalement ces vignes transgéniques jusqu’en 2014.
Communiqué de presse des Faucheurs Volontaires, 15 août 2010.
Communiqué de presse de l’Inra, 15 août 2010, http://www.inra.fr/presse/le_volet_ogm_d_un_programme_de_recherche_de_l_inra_saccage
3
Communiqué de presse interministériel, 16 août 2010 http://agriculture.gouv.fr/Le-gouvernement_condamne_fermement
4
« Gènes, pouvoirs et profits », Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, octobre 2009, éd. FPH et QUAE, p 429
5
Descriptif disponible sur http://fr.espacenet.com, date de publication : 6 mai 2010.
6
Communique de presse du 25 août 2010.
7
http://www.vignevin.com/menu-haut/a...[backPid]=1485&tx_ttnews[tt_news]=273&cHash=6894a91966
8
Agrafil, 21 janvier 2009.
9
http://www.infogm.org/spip.php?article4448
10
http://www.ogm.gouv.fr/IMG/pdf/20100520_autoristation-vigne_cle09c739-1.pdf
1
2
7
LE MONDE - article du 23 août 2010 (deux pages)
8
9
II - Les bonnes questions
CONFÉDÉRATION PAYSANNE - communiqué du 15 août 2010
Arrachage d'un essai de vignes OGM :
la fin d'une mise en scène publicitaire ?
La Confédération Paysanne rappelle son opposition aux essais OGM en plein champ et demande l'arrêt de toute poursuite contre les faucheurs volontaires qui ont neutralisé ce matin
des pieds de vigne transgénique à l'INRA de Colmar.
La poursuite de cette opération destinée à faire accepter, par les viticulteurs et les citoyens
français qui n'en veulent pas, les recherches sur la mise au point de plantes transgéniques
cultivées dans les champs, n’avait aucun sens. Sans fleurs ni raisins qui n'auraient pu être
laissés qu'en milieu confiné, cet essai ne pouvait en effet donner aucun résultat scientifique
valable sur les risques de transmission de l'OGM au raisin et au vin, ni sur son efficacité dans
la lutte contre le court noué après la floraison de la vigne.
La Confédération paysanne conteste le choix de l'INRA de consacrer une telle part de son
budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n'attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l'intégrité
du vivant et sa libre disposition pour tous.
Pour ce faire, la recherche publique doit s’attacher à rester indépendante des pressions de
l’argent au détriment de l’éthique, tout particulièrement actuellement. La recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l'INRA doit redonner
à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd'hui à
la manipulation génétique.
C’est pourquoi la Confédération paysanne travaille avec l’INRA dans d’autres cadres, notamment un comité de liaison constructif qui se réunit plusieurs fois par an. Elle y fait valoir
les besoins fondamentaux pour l’agriculture et l’alimentation, les paysans et la société, centrés sur une meilleure connaissance des processus biologiques et des savoir-faire paysans
pour donner du sens à une recherche publique et citoyenne.
Contacts :
Véronique Villain, secrétaire générale de la Confédération paysanne et membre du comité de liaison Inra Confédération paysanne : 06 12 94 51 18
Michel David, secrétaire national : 06 30 87 21 13
Guy Kastler, représentant au HCB : 06 03 94 57 21
Régis Hochart, membre du comité de liaison Inra -Confédération paysanne : 06 08 75 00 73
10
JOSÉ BOVÉ - communiqué du 16 août 2010
Essai de vigne OGM à Colmar :
fausses solutions pour faux problèmes Les Faucheurs volontaires d’OGM ont mené une action citoyenne de neutralisation de l’essai de vigne OGM réimplanté en juin 2010 dans la station de l’INRA de Colmar.
Ils ont voulu ainsi répondre à la surdité gouvernementale qui n’a voulu entendre ni les
nombreuses critiques des professionnels de la vigne et du vin ni celles de la société civile
qui considèrent inutile la poursuite obstinée de cet essai depuis la première implantation de
2005 jusqu’à la première neutralisation de septembre 2009 et malgré son interdiction par le
tribunal administratif de Strasbourg en 2009.
José Bové, Vice-Président de la Commission Agriculture et Développement rural du Parlement européen, rappelle deux éléments importants de son point de vue : « Au cours du
séminaire de l’Agence Nationale de la Recherche de novembre 2008 sur le programme
OGM, il avait été mis en évidence au cours d’une communication que l’essai n’obtenait
pas les objectifs visés d’éradication du court-noué : passage du transgène du porte-greffe
au greffon non transgénique; contamination des plants de références non OGM. Pour moi,
ces données auraient dû suffire à arrêter purement et simplement cet essai. Par ailleurs, l’
INRA de Colmar, au cours de la même réunion, reconnaissait la nécessité de travailler plus
intensément sur les méthodes alternatives naturelles pour lutter contre cette maladie de la
vigne. L’Institut et le Gouvernement ont pourtant persisté. Aussi ne faut-il pas s’étonner de
cette action de désobéissance civique à Colmar aujourd’hui que je soutiens. »
José Bové ajoute : « Le virus du court-noué est un problème agronomique, sanitaire et de
conduite des cultures (absence de rotation) qui peut trouver des solutions innovantes par
une recherche participative dont les paysans ont besoin. Elle doit être orientée vers des alternatives multiples dont les pistes existantes doivent être
approfondies, alternatives issues des savoir-faire paysans et de leurs capacités d’organisation en lien avec la recherche et non uniquement de stratégies d’acceptation des biotechnologies OGM par un comité de suivi critiquable et critiqué comme à Colmar.
Plutôt que de le consacrer à la poursuite d’une voie de recherche dans l’impasse, l’argent
public serait très certainement beaucoup mieux utilisé pour faire avancer des solutions respectueuses de l’environnement, de la biodiversité et du travail au sein de la filière viticole
en particulier en agriculture biologique. » José Bové, député européen
Michel Dupont, assistant parlementaire
www.jose-bove.eu
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NPA - communiqué du 18 août 2010
Soutien aux Faucheurs volontaires
à Colmar.
Suite à l'action militante à Colmar qui a conduit à la destruction de plants de vigne OGM
cultivés par l'INRA, la question est à nouveau posée.
Cette culture expérimentale en milieu ouvert est-elle sans danger ou comporte-t-elle des
risques de dissémination et de pollution ? C'est en premier lieu parce que ce débat n'est pas
tranché que la position du NPA est claire.
Non aux expérimentations OGM de plein champ. Toute recherche doit être faite en laboratoire afin de laisser le libre choix aux générations futures.
Mais au-delà de cette question, c'est bien le problème du modèle de société que nous voulons qui est posé. Car nous assistons ici comme ailleurs à l'inexorable développement de la
filiale OGM, dirigée par les grandes multinationales de l'agroalimentaire et relayées en l'occurrence par la recherche publique. Ce modèle, c'est la concentration du pouvoir de décision
et de production en matière d'alimentation mondiale entre les mains de quelques propriétaires privés des grands groupes. C'est aussi l'uniformisation de la nourriture, la disparition
de la variété et surtout le triomphe du profit sur l'indépendance alimentaire des peuples.
C'est pourquoi le NPA soutient l'action des Faucheurs volontaires qui a le mérite de braquer
les projecteurs sur les manœuvres des lobbies et des pouvoirs publics. Ceux-ci exercent en
effet des choix irréversibles dans une opacité qu'ils aimeraient totale.
Les paysans et les travailleurs quels qu'ils soient doivent refuser cette manipulation globale
sans pour autant renoncer à la recherche et au progrès scientifique.
12
SUD RECHERCHE EPST - communiqué du 19 août 2010
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13
INF’OGM - communiqué du 23 août 2010
Communiqué Inf'OGM, le 23 août 2010
Quelle recherche et quels brevets derrière les vignes OGM de Colmar ?
Dans la nuit du 14 au 15 août 2010, des Faucheurs volontaires ont arraché à Colmar un essai de l'Inra de 70
pieds de vigne, modifiés génétiquement pour résister au virus du court-noué. Pour les Faucheurs
volontaires, le débat ne porte pas tant sur les modalités de mise en place des essais en champs que
sur les priorités de la recherche publique et la brevetabilité du vivant.
Inf'OGM a cherché à en savoir plus sur cette question des brevets. Dans le cadre des travaux sur la
vigne, Monsanto dispose d'un brevet sur la stratégie même de conférer à des plantes une résistance à des
virus en faisant exprimer par celles-ci une protéine virale. Ce brevet, référencé sous le numéro 6,608,241
aux Etats-Unis, date du 19 août 2003. Il est le fruit d'une procédure entamée en 1986 par Monsanto.
Anticipant l'obtention de ce brevet, Monsanto a d'ailleurs discuté avec l'Inra : selon Christophe Bonneuil et
Frédéric Thomas, dans un ouvrage publié en octobre 2009, « quand dans les années 1990, un consortium
réunissant l'Inra, le CNRS et LVMH développe des porte-greffes de vigne résistants au virus du court-noué,
Monsanto se signale à leur attention : Monsanto les prévient que dès lors qu'une commercialisation des
vignes transgéniques serait envisagée, il faudra obtenir une licence car ils travaillent sous la dépendance du
premier brevet » (1).
Même si elle ne fait pas référence à la vigne dans son brevet, l'entreprise semble donc pouvoir faire
valoir des droits de propriété intellectuelle sur le travail de l'Inra, bien que l'interprétation juridique
de l'étendue des brevets soit un exercice difficile et souvent tranché par la justice.
L'Université Cornell, aux Etats-Unis, dispose également d'un brevet dans ce domaine. Intitulé « Production
d'une résistance large et durable au virus du court-noué de la vigne dans des plantes », il est référencé sous
le numéro WO2010051548 (à l'Office européen des brevets) (2).
Contactée par Inf'OGM, l'Inra n'a pas répondu quant aux possibles conflits de propriété intellectuelle
que l'existence de ces deux brevets pouvait poser.
Et malgré les affirmations du Gouvernement et du Haut Conseil des biotechnologies (3), d'autres
alternatives non transgéniques contre le court noué sont aujourd'hui en cours d'expérimentation par
l'Inra (sélection variétale classique et pratique agronomique).
Jean-François Launay, Directeur de la communication de l'Inra, à reconnu tardivement à Inf'OGM, que la
voie transgénique semblait une impasse. Inf'OGM déplore le manque de transparence sur l'évolution des
recherches.
En outre, l'IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) annonce sur son site internet attendre pour fin 2010,
l'inscription au catalogue des variétés du porte-greffe répulsif au nématode, vecteur du virus du court noué,
appelé Nemadex Alain Bouquet, et pour lequel « l’IFV a d’ores et déjà anticipé la pré-multiplication de ce
matériel végétal pour répondre à l’attente des professionnels » (4). Ce porte-greffe a été obtenu par
croisement entre une espèce de vigne Vitis sensible au court-noué et l'espèce de vigne Muscadinia
rotundifolia, résistante à ce dernier. Notons que l'Inra a mis en place en janvier 2009, avec (IFV), une
marque dénommée Entav-Inra qui commercialise des plants de vignes. Selon Agrafil (5), « pour l’achat de
ces plants, désormais vendus sous le nom de la marque, des royalties seront versées aux deux organismes
à hauteur de 8 euros les 1 000 plants ».
Pour Inf'OGM, le sujet de la propriété intellectuelle sur le vivant et des objectifs de la recherche
publique sont donc à mettre au centre du débat.
Pour plus d'information, lire l'article d'Inf'OGM « Des pieds de vigne GM neutralisés » sur
www.infogm.org
NOTES
1) « Gènes, pouvoirs et profits », Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, octobre 2009, éd. FPH et QUAE, p 429
2) Descriptif disponible sur http://fr.espacenet.com, date de publication : 6 mai 2010.
3) Communiqué interministériel du 16 août 2010, communiqué du HCB du 23 août 2010.
4) http://www.vignevin.com/menu-haut/actualites/article.html?tx_ttnews[backPid]=1485&tx_ttnews[tt_news]=273&cHash=6894a91966
5) Agrafil, 21 janvier 2009.
14
Association Inf'OGM - 2B, rue Jules Ferry - 93100 Montreuil- France
tél. : +33 (0)1 48 51 65 40 - fax : +33 (0)1 48 51 95 12 - www.infogm.org – [email protected]
S!LENCE - article paru en octobre 2010 (trois pages)
L’Alsace a-t-elle besoin
de vignes OGM ?
D. R.
VinsAlsace.com / Wurth
vignes OGM
Les essais de vignes-OGM en Alsace font des vagues ! Le 18 mai 2010, Bruno Le Maire,
ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, en accord avec le ministre
de l’Ecologie, avait annoncé, la reprise de l’essai en plein champ à Colmar de portegreffes de vignes-OGM susceptibles de résister à la maladie du court-noué. Le 15
août 2010, les faucheurs volontaires en ont décidé autrement. Au cœur du vignoble
alsacien, fier de ses 1431 hectares de vignes bio sur 15 535 en conventionnel (7 à 8
fois plus que la moyenne nationale), on peut se demander à quoi, ou à qui, peuvent
bien servir ces vignes OGM. Deux visions de la viticulture s’opposent dans ce débat.
“C
OMMERCIALISER LES OGM, LE MINISTÈRE
DE L’AGRICULTURE LE SOUHAITE. CELA FAIT PARTIE
á Travail dans les vignes, où l’enherbement est pratiqué un rang
sur deux (en Alsace beaucoup de
viticulteurs pratiquant l’enherbement partiel même ceux qui ne
sont pas en bio, la plupart pratiquent une viticulture raisonnée)
1. En septembre 2009, le précédent
essai vignes-OGM à Colmar
(2005-2009) a été interrompu.
Pierre Alzelvandre, un robin des
vignes, a coupé au sécateur les vignes OGM au-dessus de leur point
de greffe, pour provoquer un
débat public sur les OGM au-delà
du Comité local de suivi (14 membres choisis par l’Inra) dont ce
biologiste a fait partie. Condamné
à 2000 ` d'amende et à verser un
euro symbolique à l'Inra, Pierre
Azelvandre est dans l’attente d’un
second procès, le 29 novembre
2010, l'Inra ayant fait appel.
38
S!lence n°383 octobre 2010
de ses objectifs", déplore le secrétaire
de la Confédération paysanne d'Alsace, André
Durrmann. Dans le domaine de l’Inra, sur une
parcelle de 5,5 ares, entourée d'une jachère censée "protéger" les vignes voisines, 70 porte-greffes
OGM et 40 pieds non-OGM, pour une expérimentation comparative, sont plantés dans un sol bâché
contaminé par le nématode, un ver minuscule qui
s’attaque aux racines de la vigne et lui inocule un
virus, provoquant la maladie du court-noué. C'est
pour "lutter contre ce fléau" que l'Institut national
de la recherche agronomique a décidé d'agir. Le
nématode, c’est l’assurance d’un sol contaminé
qu'il faut désinfecter et une vigne qui dégénère,
atteinte progressivement de nanisme. Le cadre du
nouvel essai "vignes-OGM" de l'Inra1 est situé à
moins de 100 mètres, à vol d’oiseau, des jardins
familiaux de Colmar, une proximité que désapprouve Anne Wanner, animatrice à la Conf’.
Bien que l'Inra insiste sur l’aspect purement
"expérimental" de ce nouvel essai, il est à craindre
que le futur des vignes-OGM ne se cantonnera pas
au seul secteur de la recherche.
La bio propose
une autre approche
André Durrmann, également vigneron bio à
Andlau, n'est pas le seul à s'interroger sur l'opportunité de vignes génétiquement modifiées en
Alsace et sur leur devenir. "La majorité des viticulteurs n'est pas favorable aux OGM", commente de
son côté le Syndicat des vignerons indépendants
d’Alsace. Un avis que partage l'Organisation professionnelle de l'agriculture bio en Alsace. "Les
OGM, ça ne nous intéresse pas. On n’en veut
pas !" Contrairement aux OGM, la viticulture bio
s'est largement développée dans la région. Les
vignes conduites en bio séduisent de plus en plus
de monde, consommateurs et viticulteurs. "Les
candidats à la conversion ont augmenté de 30 %
en 2008 et 2009", se réjouit aujourd'hui l'Obapa.
"10 % du vignoble alsacien est certifié bio. Un vrai
phénomène qui a pris une ampleur considérable",
constate André Durrmann.
Alors que les représentants locaux de la viticulture bio n'ont pas été consultés sur le nouvel
essai de vignes-OGM, hormis l’interprofession des
vins d’Alsace et une "consultation du public" sur
le site Internet www.ogm.gouv.fr du 9 au 30 avril
15
2010, en complément du Comité local de suivi2,
on peut se demander à quoi sert l’expérimentation
vignes-OGM de l'Inra ?
Offrirait-elle le remède miracle contre la maladie du court-noué ? En Alsace, cela paraît presque
un non-sens, car comme le rappelle Guy Kastler,
chargé de mission pour Nature et Progrès et délégué
général du réseau Semences paysannes, "le court-noué
est une maladie du Sud". Le Languedoc-Roussillon
est donc davantage concerné que l’Alsace. Même
pour Jean Masson, le président du centre Inra de
Colmar, "Les porte-greffes actuellement étudiés
sont des outils de recherche et ne feront pas partie des solutions proposées contre le court-noué."
Alors, à quoi servent ces recherches ? Parmi les 20
viticulteurs alsaciens certifiés Demeter, la marque
de commercialisation de la biodynamie, Jean-Pierre
Frick est l’un des plus sceptiques. Ce viticulteur,
qui travaille sur 12 hectares à Pfaffenheim, est en
biodynamie depuis 1981. "L'objectif de la viticulture bio n’est pas de combattre les ennemis de la
vigne, mais de recréer des équilibres et renforcer
la résistance des plantes." Pour Jean-Pierre Frick,
"le court-noué n’est pas un problème. C’est même
le dernier des problèmes de la vigne. L’"esca" est
une maladie du bois bien plus préoccupante." Et
de poursuivre : "Le court-noué, j’en ai eu dans mes
vignes, il y a vingt ans, je n’en ai plus. En biodynamie, l’impact est moindre. En outre, le court-noué
est une maladie virale qui limite les rendements
et augmente la qualité du vin. Le véritable problème de la vigne, c’est que partout, on produit
trop." Concernant le court-noué, André Durrmann
pense qu’il ne faut pas tuer le nématode, "S’il est là,
dit-il, c’est pour quelque chose. Il faut simplement
savoir comment le réguler". Quant à Jean-Baptiste
Adam, en biodynamie à Ammerschwihr, il ne fait
plus de désinfection des sols depuis longtemps (le
dichloroprène, produit servant à la désinfection, a
été interdit en 2009). "Le summum du déséquilibre en viticulture a été atteint avec la pratique de la
désinfection des sols", constatait déjà Nicolas Joly
dans son ouvrage "Le vin, du ciel à la terre" (éd.
Sang de la terre). Chassez le nématode, squatteur
d’un sol déserté par des milliards de micro-organismes, et il reviendra au galop. "Je préfère utiliser un
engrais vert, la phacélie. Ce répulsif naturel freine
l’évolution du court-noué", indique Jean-Baptiste
Adam. Autre nématicide qui ferait ses preuves,
la tagète. Cet œillet fait partie d’une expérimentation au long cours, menée en parallèle à l’essai
vignes-OGM à l’Inra de Colmar. "Le comité local
de suivi3 a co-construit un projet visant à diminuer
le nombre de nématodes, voire à les éliminer, des
parcelles atteintes par la maladie. Ce projet fait
appel à des jachères de plantes qui pourraient faire
fuir les nématodes ou diminuer leur multiplication.
Ce projet a démarré en 2009 pour une durée de
quinze ans, avec une vraie étude scientifique engageant l’Inra", commente le président du centre de
Colmar, Jean Masson. Pour André Durrmann "Le
court-noué est connu depuis longtemps. Il suffit de
16
Guillaume De Crop
vignes OGM
á 15 août 2010 : Action de fauchage des vignes OGM.
P
De l'Alsace à la Champagne,
des porte-greffes OGM
OURQUOI UTILISER DU
PINOT-
MEUNIER DANS LES ESSAIS DE VIGNES
transgéniques à Colmar, "parce
que c'est un cépage inutilisé en Alsace",
explique la mission communication de
l'Inra. Le Pinot-Meunier est en effet l'un
des cépages qui entre dans la composition du champagne. Quel rapport avec
l’Alsace ? Les liens entre l'Alsace et la
Champagne remontent au début des
années 90. L'Inra de Colmar et le CNRS
de Strasbourg sont alors sollicités par
le laboratoire de recherches de Moët et
Chandon, maison de champagne aux
trois cépages (Chardonnay, Pinot Noir,
Pinot-Meunier) la plus renommée au
monde, pour résoudre le problème du
court-noué. Laisser des parcelles atteintes en jachère n'est pas dans l'esprit
des négociants champenois. Le rendement doit prévaloir. Un programme
de recherche avec l'Alsace, est alors
lancé. Il vise à modifier génétiquement
un porte-greffe standard, le 41 B, pour
le rendre résistant au court-noué. Des
essais en plein champ avec des greffons
de Chardonnay non OGM débutent
en 1996. Mais, en décembre 1999, le
Canard Enchaîné titre : "Des bulles
transgéniques dans le champagne". De
quoi sabrer les espérances de MLVH,
la maison-mère de Moët et Chandon.
A la veille de l’an 2000, l’image du
fameux champagne ne doit pas être
écornée. La parcelle expérimentale est
arrachée. Les plants restant à planter
devaient être récupérés par L'Inra de
Montpellier, mais le climat viticole est
houleux : "Le Languedoc-Roussillon ne
sera pas la poubelle transgénique de la
Champagne" déclare la profession. Ce
sera donc l'Alsace, réputée plus calme,
qui héritera des futurs essais vignesOGM.
S!lence n°383 octobre 2010
39
Guillame DeCrop
vignes OGM
á 15 août 2010 : après l'action, les
faucheurs attendent d'être arrêtés.
laisser la parcelle atteinte vide durant cinq ou huit
ans, ou de semer des céréales, on appelle ça la rotation. Le risque, c’est qu’au-delà, on perd ses droits
à planter. Je travaille sur les écosystèmes de l’herbe,
des graminées, du trèfle, du mélilot, des fraises des
bois et je plante des arbres, c’est cette biodiversité
qui est efficiente." Avant, on plantait tous les trois
ou quatre rangs, des pêchers dans les vignes.
La biodiversité au
secours de la vigne
2. Le 25 mai 2010, la Confédération
paysanne d’Alsace a indiqué que
"dans l’hypothèse où le Comité local de suivi était maintenu autour
de l’essai "vignes-OGM", elle ne
s’y associerait pas". La Conf’ s’est
toujours opposée aux essais en
plein champ. La Confédération
paysanne d’Alsace plaide, en
revanche, pour la prise en compte
par la recherche, de l’"agro-écosystème vigne" pour trouver des
solutions pérennes aux problèmes
rencontrés dans la viticulture. Elle
privilégie clairement toute solution alternative (rotation, jachère,
biodiversité…) ou de produits de
traitements à base de plantes.
3. Parmi les 14 membres du CLS
pour l’essai "vignes-OGM" (20052009), Christophe Hartmann,
élu à la chambre d’agriculture du
Haut-Rhin au titre de la Confédération paysanne, en souligne les
risques : "Au bout de quatre ans, il
y a eu une présomption de contamination. Il a été démontré qu’il
y avait un risque d’instabilité. Le
transgène avait tendance à aller
vers les parties hautes de la vigne".
Du porte-greffe au greffon ? "La
greffe et la qualité du porte-greffe
ne sont pas sans importance sur
la nature de la plante greffée,
explique l'Association pour la
régénération de la vigne. Ainsi,
non seulement rien ne prouve
qu'aucun transfert de gène ne
puisse se faire entre le porte-greffe
et le raisin, mais en plus, la modification génétique du porte-greffe
pourrait très bien engendrer une
modification irréversible, visible
ou cachée, du cépage greffé".
40
S!lence n°383 octobre 2010
Alors, un coup tordu, les vignes-OGM contre
la maladie du court-noué ? "Les OGM sont ringardisés par des méthodes plus efficaces" constate
André Durrmann. Un nouveau porte-greffe a
L
ainsi été testé à l'Inra de Bordeaux. Créé par Alain
Bouquet, de l'Inra-Montpellier, ce porte-greffe
aurait la propriété de retarder fortement la réinfection par le virus du court-noué. Le Nemadex, c'est
son nom, est issu d’un croisement complexe entre
Muscanidia Rotundifolia, une espèce sauvage américaine, et 140 Ruggieri. Le Nemadex devrait être
inscrit au catalogue officiel fin 2010-début 2011.
Une question demeure cependant : cet hybride
va-t-il s’adapter à tous les terroirs ? Guy Kastler
dénonce "la multiplication des clones au détriment
de la sélection massale. Des clones dupliqués à
l'infini pour être vendus chez les pépiniéristes."
La biodiversité est pourtant un des facteurs-clés
pour lutter contre le court-noué. L’Association
pour la régénération de la vigne fait ce constat :
"Les maladies de la vigne se sont généralisées
avec les augmentations des rendements liées aux
labours profonds, à la greffe sur pieds américains
trop vigoureux, aux engrais, à la délocalisation
des vignes vers les terres à blé. L'expérimentation
OGM-vignes résistant au court-noué de l'Inra ne
vise donc pas à résoudre un problème sanitaire,
mais un problème économique : comment replanter plus vite pour gagner plus d'argent dans la
concurrence internationale." Marc Fuchs, responsable du projet vignes-OGM à l’Inra de Colmar à
ses débuts, est parti aux Etats-Unis, à l'université
Cornell de New York. Ce chercheur en biologie
moléculaire et maladies virales y a fait breveter
une vigne OGM contre le court-noué en 2007 !
Anne Dupuis ■
15 août 2010, Colmar :
les faucheurs passent à l'action.
A VIE N'EST PAS UN LONG FLEUVE TRANQUILLE POUR LES CHERCHEURS DE L'INRA DE
Colmar. On pourrait même dire qu'elle
est un long fleuve au cours "noué"… Ces essais
sont une première fois neutralisés en 2009 par
le chercheur Pierre Azelvandre qui en coupe les
greffons. L'Inra perd un an mais n'a pas trop de
mal à implanter de nouveaux greffons sur les porte-greffes qui sont restés intacts.
C'était compter sans le collectif des Faucheurs
volontaires. Le dimanche 15 août 2010 avant
l'aube, plus de 60 d'entre eux pénètrent sur l'essai
de l'Inra. Pour accéder aux plants OGM, il faut
passer une première barrière d'1m80 puis, plus
loin un double grillage métallique de deux mètres
surmonté de barbelés et muni d'un détecteur de
présence. Enfin, ce dispositif officiellement destiné à protéger l'essai des "petits animaux" (!) est
complété par deux puissants projecteurs et deux
caméras de vidéosurveillance. Le directeur de
l'Inra ne divulguera pas le prix de ces joujoux.
Parfaitement organisés, les faucheurs arrivent
néanmoins sans peine et en quelques secondes
à pénétrer sur le terrain, et à s'y enfermer. Ils
déracinent les 70 pieds de vignes transgéniques.
Une mesure plus "radicale" que la précédente.
Une liste de noms est remise à la police dès son
arrivée. Les faucheurs restent enfermés plusieurs
heures jusqu'à l'arrivée des médias. Après un bon
café, ils partiront dans la joie et la bonne humeur
dans un bus de la ville spécialement affrété pour
l'occasion jusqu'à la gendarmerie de Colmar
pour un contrôle d'identité et quelques tracasseries d'usage. A la sortie, un prodigieux banquet
apprêté par des membres de la Confédération
paysanne d'Alsace les attend avant le départ vers
leur régions respectives. Le débat est relancé plus
vivement que jamais en Alsace, chez les vignerons
et dans les médias : opération réussie.
Le 24 août 2010, les ministres de la recherche
et de l'agriculture se rendent à Colmar et affirment : "Nous mettrons à la disposition de l'Inra
les moyens financiers nécessaires pour qu'il puisse
relancer sa recherche sur la vigne transgénique
et sur les remèdes à la maladie du court-noué".
Le fleuve transgénique suit son cours… jusqu'au
prochain remous démocratique ? G. G.
17
L’ÉCOLOGISTE - article paru en octobre 2010
18
PAYSAN DU HAUT-RHIN - article du 14 décembre 2007 (trois pages)
PHR : Paysan du Haut-Rhin
Publié le 14 décembre 2007
Article ref : 43TSRSWF
Colloque sur le court-noué à l’Inra de Colmar
Des solutions se profilent à l’horizon
Un colloque sur les moyens de lutte contre le nématode vecteur du virus du court noué s’est
déroulé à l’Inra de Colmar, l’occasion pour différentes unités de recherche, les
professionnels de la viticulture et les membres du comité de suivi des porte-greffes OGM de
faire le point sur cette maladie aux conséquences controversées.
1 an Andlau : Une vigne virosée âgée seulement d’un an sera
à arracher précocement. - © D.L.
C’était l’un des vœux formulés par le Comité de suivi des expérimentations de porte-greffe OGM à l’Inra de Colmar :
explorer d’autres solutions que ce porte-greffe pour lutter contre le virus du court-noué de la vigne et son vecteur, un
petit nématode. Un colloque a donc eu lieu le 21 novembre dernier. Il a fallu à Marie-Claude Drechsler et Jean Masson
de l’Inra, rassembler des équipes de recherche de tous les horizons, même de Suisse et d’Allemagne, des viticulteurs,
des conseillers viticoles, les représentants de la profession viticole, le comité de suivi, des personnes d’horizons variés
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19
Page 1
finalement. Il n’était donc pas question d’OGM mais des autres techniques de lutte, biologiques, alternatives et
conventionnelles. Xiphinema index, ce nématode de quelques millimètres, se nourrit en piquant les racines de la vigne.
Il ne serait pas néfaste à la vigne s’il n’était pas porteur d’un virus responsable des baisses de rendements et de qualité,
et de naniser l’appareil végétal - qui devient alors difficilement palissable, témoigne Jacques Stentz, viticulteur à
Wettolsheim.Voie de la multiplication végétativeS’il est relativement admis de tous qu’une vielle vigne virosée – qui a fait
son temps – ne pose pas en général de problème économique, en revanche, c’est un réel souci lorsque le virus
s’attaque aux jeunes vignes. Leur espérance de vie n’est que de vingt ans, parfois moins, ce qui nécessite un arrachage
précoce, témoigne Maarten van Helden, chercheur à Bordeaux. L’un des facteurs responsables de la diffusion du virus
sur les jeunes vignes est l’inéluctable voie de la multiplication végétative des plants. La lutte passe donc par un contrôle
sanitaire rapproché en pépinières. Le court-noué a fait l’objet d’une surveillance particulière basée sur une législation
communautaire et nationale (Code rural et arrêtés) Les mesures sanitaires relativement strictes que la filière des bois et
plants de vigne doit adopter ont été détaillées par Christophe Coffigny de Viniflhor, organisme en charge du contrôle de
la filière. Bien que Viniflhor soit soumis “à une obligation de moyen et de résultats aux différentes étapes de contrôle de
la production”, tous les jeunes plants de clones certifiés n’échappent pas aux viroses. Ces cas doivent faire l’objet d’une
remontée de filière, que Viniflhor est amené à mettre en œuvre à chaque réclamation. François Montavon, ancien
conseiller viticole à la chambre d’Agriculture du Haut-Rhin, donne d’ailleurs un élément pour repérer cette voie de
contamination : “Lorsqu’une parcelle n’est pas touchée en foyers mais complètement”, explique-t-il.
Lutte en SuisseEn Suisse, pays relativement touché, la lutte au niveau des pépinières est tout aussi contrôlée par la
Station fédérale Agroscope de Changins, décrit Sébastian Kiewnick. Comme en Allemagne, le processus de certification
repose sur la qualité sanitaire des sols de pépinière. L’analyse des nématodes est raisonnée en fonction de l’historique
de la parcelle devant accueillir la pépinière. Si nématodes il y a, des plantes test sont cultivées pour voir s’il est porteur
du virus.On connaît bien la mécanique d’aquisition et de transmission des particules virales par le nématode, explique
Gérard Demangeat, de l’Inra de Colmar. Et même, les images de microscopie électronique, spectaculaires parce
qu’infiniment petites, révèlent la forme icosaèdrique de ce virus qui tapisse les parois du tube digestif du nématode. La
connaissance du génome du virus permet d’ailleurs de détecter efficacement le virus dans le nématode. Mais s’agissant
du nématode, côté écologie, on ne sait pas grand-chose des conditions de son développement dans l’environnement et
de son comportement en compagnie des communautés microbiennes de la rhizosphère. Il est même difficilement
quantifiable dans l’espace, reconnaissent les chercheurs comme Laure Villate, qui effectue une thèse sur la question à
l’Enita de Bordeaux. On retrouve d’ailleurs le nématode jusqu’à des profondeurs de 140 cm. D’où une grande incertitude
sur les expériences de plantes nématicides comme sur la compréhension des phénomènes de contamination. Une
première enquête menée auprès d’une quarantaine de viticulteurs bourguignons a permis néanmoins d’identifier
certains facteurs environnementaux qui conditionnent la progression de la maladie comme l’érosion et la mauvaise
dévitalisation. Mais, au stade de cette enquête, les chercheurs de Dijon Léon Fayolle et Sandrine Rousseaux se
montrent encore réservés sur les hypothèses.
Un être simpleAux fonctions biologiques rudimentaires - il ne se déplace presque pas, de 20 à 30 cm par an ! -,
Xiphinema index est tout de même doté d’une musculature, de fonctions sensorielles et d’un système nerveux. Il se
montre en revanche particulièrement résistant et peut adopter un métabolisme ralenti - se tenir en phase de quiescence
dit-on - qui lui permet de tenir longuement dans les conditions les plus hostiles à la vie. Enfin, sa capacité à infester la
vigne “est virulente”, puisqu’un seul nématode suffit. D’où la difficulté d’organiser une lutte efficace (voir encadré).La
solution pourrait venir des plantes nématicides. Mais il faudra encore attendre (voir encadré). Sur le terrain, Mathias K.
Wolff, conseiller bio à Fribourg, affirme néanmoins qu’une conjonction de pratiques (pas forcément adaptables à la
viticulture française) permet à la vigne de vivre avec le court-noué, sans que ça ne soit significativement préjudiciable à
la production : plantes nématicides, choix de porte-greffes vigoureux comme le 5BB, cultures d’interrangs diversifiées en
optant davantage pour les crucifères et les légumineuses comme la phacélie, le tournesol, les radis oléifères, le tagète,
le sarrasin, le pois, les vesces, le trèfle, la luzerne, l’ail le souci et le lupin (pour sols acides). Il existe enfin d’autres
pistes de lutte qui n’ont pas été abordées en détail lors de cette journée. C’est le cas de la prémunition des plants.
Expérimentée aussi sur les bans d’Ammerschwihr et de Bennwihr par une équipe de l’Inra de Colmar, il faudra attendre
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encore quelques années avant d’obtenir les premiers résultats de cette méthode. Et c’est enfin la sélection de plants
résistants, issus non pas de manipulation génétique, mais de sélection à partir de souches sauvages, un travail de l’Inra
de Montpellier coordonné par Alain Bouquet.D.L.
La vision radicalement opposée des BioÀ l’heure où les maladies du bois captent toute l’attention et où le rendement a
cédé la primeur à la qualité, difficile de dire si les viticulteurs considèrent toujours la lutte contre le court noué comme
une priorité. Pour les producteurs bio, comme Pierre Morey, régisseur du domaine Leflaive à Puligny en Bourgogne, ou
comme Mathias K. Wolff, conseiller technique bio en Allemagne, le court noué ne pose pas de problème, d’autant que la
biodiversité des sols suffirait selon eux à lutter contre le nématode vecteur d’un virus qui d’ailleurs ne doit pas être
considéré que sous son angle néfaste. C’est là leur intuition, mais aucun chiffre n’est scientifiquement avancé. En
certaines places, les dégâts peuvent néanmoins être conséquents, pouvant atteindre 80 % de perte de rendement,
rappelle toutefois Gérard Demangeat de l’Inra de Colmar. Les limites de la lutte contre le nématodeDe nombreux
intervenants ont ainsi fait part des limites de la lutte chimique, interdite en Allemagne depuis 1988, rappelle Ulrike Ipach
de l’Institut DLR Rheinpfalz à Neustadt. Et en pratique, vu le morcellement du vignoble alsacien, il faudrait organiser
“une lutte concertée entre viticulteurs”, souligne François Montavon. Difficile en effet de contrôler les flux de nématodes
entre les parcelles à cause des écoulements d’eaux, de résurgences, des érosions et des réservoirs potentiels que
constituent les tournières, les talus, et les chemins. Et qui plus est, les faciès géologiques parfois très stratifiés avec
alternances de bandes rocheuses et argileuses limitent la diffusion des produits nématicides. Selon le conseiller, le
traitement de dévitalisation de la vigne avant arrachage doit être effectué sur feuillage en août, en sève descendante,
avec un feuillage suffisant pour que le produit diffuse bien dans toutes les racines (bonne systémie). Ou bien, le
nématode trouvera toujours des racines vivantes même de nombreuses années suivant l’arrachage. Plantes
nématicidesAtteindre les profondeursNombreuses sont les équipes qui travaillent à l’alternative des plantes
nématicides. En Allemagne, deux substances végétales ont même été isolées : le solidagenon, extrait du solidago ou
verge d’or, et un dérivé furanique, extrait de la carline vulgaire (chardon doré). Les firmes agrochimiques n’ont pas
donné suite à ce travail, déplore Ulrike Ipach. Côté France, deux équipes travaillent sur la question. À l’Inra de Dijon,
l’effet nématicide de plantes comme la phacélie, l’œillet d’inde et le souci serait observé après 19 semaines de culture,
explique les chercheurs Léon Fayolle et Sandrine Rousseaux. Dans les parcelles, toute la difficulté consiste à atteindre
des enracinements aussi profonds que les zones de vie du nématode, concèdent les chercheurs. Comme à Bordeaux,
les résultats sur le terrain de plantes nématicides ne sont pas aussi tangibles que ceux en pot, où le lupin blanc par
exemple détruit 96 % des larves.
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CONFÉDÉRATION PAYSANNE LANGUEDOC-ROUSSILLON
communiqué du 26 août 2010
Confédération Paysanne Languedoc - Roussillon
Syndicat pour une agriculture paysanne et la défense de ses travailleurs
COMMUNIQUE DE PRESSE
Saint Géniès de Malgloirès, le 26 août 2010
Après l’action de neutralisation de l'essai vignes-OGM de l'INRA le 15 août
dernier et dans un contexte de soutien public réaffirmé à un projet pourtant
controversé, la Confédération Paysanne Languedoc-Roussillon réaffirme son
soutien aux Faucheurs Volontaires et son opposition à ces essais.
Les recherches conduites sur les OGM Vignes ne sauraient être des solutions
pertinentes aux crises viticoles actuelles qu’elles soient agronomiques ou
économiques.
L'essai de vigne OGM résistante au court noué est dangereux et inutile.
Dangereux, car contrairement à ce qui est affirmé les risques de dissémination des
gènes modifiés et du virus du court noué étaient conséquents.
Dangereux, car le recours à un seul gène de résistance peut pousser au
contournement du pathogène qui ferait alors évoluer son facteur de virulence.
Dangereux aussi par les conséquences économiques de la commercialisation du
porte greffe OGM, les consommateurs ne désirant majoritairement pas de
produits issus de plantes OGM, ni dans leur assiette ni dans leur verre.
Inutile, car l'INRA a par ailleurs mis au point, sans recours aux technologies
génétiques, un porte greffe résistant au court noué qui sera prochainement inscrit
au catalogue. Bizarrement l'INRA ne fait aucune communication sur ce résultat.
Les moyens financiers et humains détournés pour ces essais OGM font
cruellement défaut pour des recherches sur des problèmes bien plus importants
pour les viticulteurs, tels que l'esca ou la flavescence dorée.
Quelles que soient les plantes concernées, les manipulations génétiques sont une
impasse pour les paysans. La recherche publique ne doit pas participer à
l’accroissement de la dépendance paysanne par rapport aux firmes semencières
privées, détentrices finales des brevets sur les biotechnologies.
Jean-François Bianco, porte-parole, 06 43 22 48 59
Jean Sabench, 06 73 91 23 78
22
III - Le débat de fond
OUEST-FRANCE 35 - tribune du 20 août 2010
23
LEMONDE.FR - tribune du 6 septembre 2010 (deux pages)
L'INRA devrait ouvrir un Grenelle
de la recherche agronomique
Encore un effort pour comprendre, Madame Guillou ! La direction de l'INRA a encore réagi,
développant un argumentaire qui somme toute a peu bougé, évoquant la neutralité de l'Institut qui ne serait ni pour ni contre les OGMs, le caractère publique de la recherche, son aspect
non-commercial et la nécessité de maintenir en France une recherche sur la biotechnologie
et de garder les chercheurs pour éviter de devenir dépendant.
Autant le dire tout de suite, je suis de ceux qui pensent que, face aux défis biens réels de
l'agriculture dans le monde, les OGMs sont inutiles et incertains. Nous avons suffisamment
de recul maintenant dans les pays qui les ont utilisés massivement pour dire que cette opinion est vérifiée. Chères, les semences OGM n'ont d'utilité – et encore seulement à court
terme – que pour les agricultures extensives et fortement mécanisées. Bien sûr, ceux qui
pensent que l'avenir de l'humanité repose sur une concurrence exacerbée nation contre nation, économie contre économie, entreprise contre entreprise, individu contre individu jugeront que c'est un argument suffisant. Mais depuis la grande crise qui a débuté en 2008, le
caractère délétère de cette chimère est malheureusement avéré. Inutile de répéter donc en
boucle les argumentaires.
Acceptons donc le débat tel que posé par la direction de l'INRA et interrogeons-nous sur
la question : qu'est-ce qu'une recherche publique ? Comment et par qui exactement et selon
quelles modalités sont décidés les choix de recherche ? Qui détermine les orientations ? Il
existe en la matière plusieurs visions. La première, celle qui veut que les chercheurs en décident eux-mêmes. La société serait donc appelée à financer la recherche selon une logique
de mécénat. La seconde, dominante dans les années d'après-guerre veut que l'État, dans
les faits le pouvoir exécutif et la haute administration plus que le parlement, oriente la recherche. Il l'a d'ailleurs fait en créant de puissants instituts dont l'INRA. La troisième, qui
a dominé lors des 30 années néo-conservatrices que nous venons de connaître veut que la
recherche avance par partenariat avec des grands acteurs économiques privés. La quatrième
et dernière, enfin, considère que les grands enjeux de la recherche publique doivent être déterminés par des processus plus participatifs.
Dans tous les cas, ce dont il est question ici n'est pas la co-construction d'un protocole
particulier de recherche sur la vigne, mais bien des grandes directions qui en amont structurent sur le long terme la recherche nationale : Quel est le projet de la nation en matière
de recherche et pour quel type de société ? Comment sont affectées les grandes masses financières ? Quelles règles en interne pour leur répartition entre les équipes ? Comment sont
embauchés, évalués et promus les chercheurs ? Comment la recherche est-elle organisée ?
Comment se fait l'arbitrage ?
24
Président dans les années 2000 de l'Institut technique d'agriculture biologique, j'ai été amené
à dialoguer avec l'INRA et à mesurer le manque flagrant de consistance du dispositif mis en
place par l'institut en matière de recherche en agriculture biologique. Il n'y a évidemment aucune commune mesure entre l'engagement pris par l'INRA depuis les années 1980 en faveur
des biotechnologies (à l'époque, l'INRA était le vecteur d'introduction des OGM en France),
et les dispositifs transversaux et bien légers supposés répondre à la demande de la société en
terme d'agriculture biologique. Dans le premier cas il s'est agit d'une décision stratégique à
long terme qui a réorganisé tout le département GAP (Génétique et amélioration des plantes)
de l'Inra. Dans le second cas j'ai bien souvent eu l'impression que la direction de l'institut
pratiquait le green washing. Pire, son souci était avant tout de donner l'impression d'occuper
le terrain pour éviter que, de guerre lasse, ne se développent des institutions alternatives.
C'est donc autant la citoyenne Marion Guillou, puisque c'est en tant que citoyenne qu'elle
s'est parfois exprimée (Les Échos du 17 août) que la directrice que j'invite à engager une
réflexion de fonds sur le rôle d'un institut de recherche publique et son mode de gestion dans
nos sociétés en prenant en compte les bouleversements politiques et sociaux qui les traversent. Oui, la recherche est touchée par la perte de confiance provoquée par la fin du compromis fordiste caractéristique des trente glorieuses. Oui, elle doit mieux comprendre la société
qu'elle prétend servir. Oui, la croissance du niveau scolaire général de la population associée
à quelques désillusions ont entraîné un désenchantement vis-à-vis de l'innovation technique
comme solution miracle. Oui, il existe un contexte politique et social tendu où s'affrontent à
travers le monde des projets de société parfois antagonistes. Oui la question des orientations
et de l'organisation de la recherche est une question politique majeure comme en témoigne
d'ailleurs l'activisme des lobbies. Tout cela c'est la réalité humaine et sociale. La citoyenne
Marion Guillou ne peut s'en affranchir ni nous servir un argumentaire naïf.
Et puisque les Grenelles furent à la mode et que le Comité opérationnel « recherche » du
Grenelle de l'environnement fut le seul à exclure le monde associatif, l'INRA devrait ouvrir
un Grenelle de la recherche agronomique. Une négociation multipartite sur la manière dont
la recherche agronomique devrait s'organiser et fonctionner pour répondre, avec autant d'enthousiasme qu'elle en a montré pour les OGMs, aux enjeux de l'agriculture biologique ou
écologique, à la préservation de la biodiversité domestique dans un cadre mutualiste, dans la
foulée des prix nobel d'Elinor Ostrom et Oliver Williamson sur les « communs », et qui nous
préserve du « drame des privés » incarné par les brevets sur le vivant.
Matthieu Calame, agronome, ancien président de l’Institut technique d’agriculture biologique.
Matthieu Calame est aussi directeur de la fondation C. L. Mayer pour le progrès de l'homme.
Il a publié Une agriculture pour le XXIe siècle (ECLM, 2007) et La Tourmente alimentaire
(ECLM, 2008)
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POLITIS - article du 2 septembre 2010 (deux pages)
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27
VIVAGORA - édito du 24 septembre 2010
Edito 15 - septembre 2010 - OGM : la portée de Colmar
Les faucheurs volontaires ont arraché un essai de l INRA, un porte greffe transgénique résistant au court-noué. Une
maladie de la vigne grave et ne pouvant pas être soignée autrement que par l arrachage et des traitements
polluants. Pourtant, ce programme avait tout pour lui. D une part, le porte-greffe ne sert que de support au cépage
cultivé dont on mange (ou, plus souvent, boit) le produit. D autre part, il ne produit pas de fleurs, seul le greffon
fleurit. De toute façon, la vigne est exclusivement reproduite par bouturage, aucune contamination de cépage n est à
craindre a priori. Enfin, un important travail de concertation sur ce programme avait été réalisé et avait abouti à un
large accord. Alors, ces arracheurs sont-ils des fous totalement opposés à tout progrès pour des raisons purement
irrationnelles ? C est sans doute ce que pensent la plupart des chercheurs.
Il est vrai que les risques de dissémination sont minimes pour ce qui concerne cet essai. On peut bien sûr invoquer
les transferts du porte-greffe au greffon ou la microflore du sol. On peut aussi invoquer l état très insuffisant de nos
connaissances sur les conséquences biologiques complexes qu a l insertion d un transgène dans une plante (cela va
des questions concernant le repliement des protéines aux conséquences écosystémiques). Mais globalement, les
risques sont faibles. En fait, ce qui est en cause, ce sont moins les risques directs que les conséquences des choix
stratégiques opérés par la recherche agronomique au cours des dernières décennies. Celle-ci s est mise au service
des grands groupes, privilégiant une approche technique et négligeant les conséquences socio-économiques des
choix effectués. C est là que la situation devient compliquée. En effet, on peut reprocher aux organismes de
recherche publique d avoir adopté une vision du progrès entièrement piloté par la technologie industrielle. De n avoir
pas su résister à cette aberration qu est le brevet sur les gènes (même si la direction de l INRA a, par moments,
indiqué son opposition à cette pratique). D avoir même, à travers le projet génoplante, montré une tendance à aller
dans cette direction (une démarche dérisoire quand on regarde a posteriori le nombre de brevets obtenus par le
public comparé au privé dans la même période). Enfin, on peut reprocher à l INRA un investissement ridicule dans
les démarches actives de constitution de ressources génétiques (semences paysannes par exemple) ou son
acceptation plus ou moins tacite de la mainmise des gros semenciers sur l ensemble de la richesse génétique des
plantes cultivées. Comme le fait remarquer Christophe Bonneuil (voir Politis du jeudi 2 septembre 2010, ici), l Etat
commet la même erreur qu en informatique où un groupe industriel français a été longtemps privilégié alors que le
rôle de la collectivité aurait été de travailler sur le logiciel libre. Si l INRA et les autres organismes de recherche
montraient un réel investissement dans les recherches permettant une libre circulation des gènes, dans le
développement d une agriculture durable et mettait en place un système de gestion des semences susceptible de
créer de la diversité grâce à la participation active des agriculteurs, la situation serait tout autre. Ce qui est combattu
dans l arrachage de Colmar, ce n est pas une technique, c est une stratégie.
Récemment, au cours d une réunion de l Académie des Sciences consacrée à la biodiversité, j ai eu l occasion
d évoquer ces questions et de dire qu actuellement les biotechnologies, en favorisant la culture de variétés
homogènes sur d énormes surfaces, et en donnant la propriété du vivant à quelques firmes, faisaient peser une
menace effrayante sur la diversité des semences. Un de mes collègues, défenseur ardent des technologies en
question m a apostrophé à la sortie en me reprochant de soutenir une idéologie. Il est probablement convaincu qu en
ne se préoccupant que des aspects techniques, en cherchant à régler un problème agronomique par la mise en
place d OGM, il est totalement hors idéologie. Même si il sait que les OGM en question sont brevetés, que beaucoup
d entre eux ont pour but premier de faire vendre les pesticides qui vont avec, même s il voit la propriété des
ressources génétiques passer dans l escarcelle d entreprises de taille croissante& Pour lui, cela n a rien
d idéologique. Il est regrettable que des travaux de recherche soient détruits mais il est tout aussi regrettable que
ceux qui conduisent ces recherches ne veuillent pas voir plus loin que leur génome. Tant que les scientifiques ne
verront pas quels intérêts ils servent dans de type de démarche, tant qu ils croiront être idéologiquement neutres, il y
aura peu d espoir qu un débat sain puisse voir le jour.
28