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Neutralisation de l’essai vigne OGM le 15 août 2010 à l’INRA de Colmar Procès des Faucheurs Volontaires au tribunal de Colmar les 28, 29 et 30 septembre 2011 DOSSIER DE PRESSE Sommaire I - Les faits L’ALSACE, 15 août 2010 « Des Faucheurs “ neutralisent ” la vigne OGM » INF’OGM, août 2010 « Des pieds de vigne GM “ neutralisés ” » LE MONDE, 23 août 2010 « Arrachage en terrain d’entente » II - Les bonnes questions CONFÉDÉRATION PAYSANE, 15 août 2010 « La fin d’une mise en scène publicitaire ? » JOSÉ BOVÉ, 16 août 2010 « Fausses solutions pour faux problèmes » NPA, 18 août 2010 « Soutien aux Faucheurs volontaires à Colmar » SUD RECHERCHE EPST, 19 août 2010 « Un échec qui nécessite de se poser les bonnes questions ! » INF’OGM, 23 août 2010 « Quelle recherche et quels brevets derrière les vignes OGM de Comar ? » S!LENCE, octobre 2010 « L’Alsace a-t-elle besoin de vignes OGM ? » L’ÉCOLOGISTE, hiver 2010 « Contre la vigne OGM : un grand vigneron s’engage » PAYSAN DU HAUT-RHIN, 14 décembre 2007 « Des solutions se profilent à l’horizon » CONF. PAYSANNE LANGUEDOC-ROUSSILLON, 26 août 2010 « Un essai dangereux et inutile » III - Le débat de fond 2 OUEST-FRANCE ILLE-ET-VILAINE, 20 août 2010 « OGM : il ne faut pas faucher la recherche publique » LEMONDE.FR, 6 septembre 2010 « L’INRA devrait ouvrir un Grenelle de la recherche agronomique » POLITIS, 2 septembre 2010 « Fauchage d’OGM : la vigne qui cache la forêt » VIVAGORA, 24 août 2007 « OGM : la portée de Colmar » page 3 page 5 page 8 page 10 page 11 page 12 page 13 page 14 page 15 page 18 page 19 page 22 page 23 page 24 page 26 page 28 I - Les faits L’ALSACE - article du 15 août 2010 (deux pages) Colmar : des faucheurs « neutralisent » les vignes OGM La soixantaine de membres du collectif des Faucheurs volontaires d’OGM (Organisme génétique modifié) venus des quatre coins de la France a été entendue dans la matinée au commissariat de police. Vers 5 h du matin, ils ont rallié le biopôle de Colmar où se situe l’unité de recherche de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique). À l’aide de pinces, ils ont d’abord sectionné un premier grillage, celui situé à l’arrière de l’établissement pour accéder au laboratoire à ciel ouvert, entouré de grillages hauts de 2 m et dotés de barbelés. À coup de bêches et de sécateurs Ils ont utilisé des bêches et des pelles pour déterrer les 70 plants de vignes transgéniques avant de les découper en mille morceaux. Ils ont ensuite appelé les médias pour revendiquer leur action. Le système de sécurité — détecteur de mouvements, caméras de vidéo-surveillance — a fonctionné ; le commissariat a été avisé par l’Inra de cette intrusion matinale vers 5 h 30. Une trentaine de policiers et 15 gendarmes se sont rendus sur place. Les faucheurs les attendaient, à visage découvert, dans le calme. Ils sont montés sans problème dans un bus réquisitionné par la police pour rejoindre le commissariat où ils ont été entendus, puis relâchés au compte goutte avant 12 h. Plusieurs agriculteurs alsaciens, membres de la Confédération paysanne, ont apporté leur soutien aux faucheurs, en improvisant un piquenique derrière le commissariat. Sur place, dans l’enceinte de l’Inra, les polices judiciaire et scientifique de Mulhouse et Strasbourg ont effectué les premiers prélèvements. « Ce sont des malades » Le président de l’Inra, Jean Masson, au bord des larmes et rouge de colère ne cache pas son écœurement. « C’est gravissime. Ce sont des malades. C’est sept ans de travail qui ont été foutus en l’air. Ces gens-là détruisent l’ouverture d’esprit, la démocratie scientifique et la recherche libre. Ils servent l’obscurantisme ». Olivier Lemaire, responsable scientifique de l’essai, parle, lui, de « vandalisme absolu. C’est un troupeau de sangliers qui est passé par là. Ils ont détruit le système racinaire », ce qui empêchera, a priori, une réutilisation des porte-greffes transgéniques. « Je ne sais pas ce qui est récupérable », poursuit Jean Masson. « Ils ont tout labouré. Je ne peux pas imaginer tout arrêter. Ce serait donner raison à des obscurantistes violents ». 3 « Ce n’est pas une destruction » Du côté des faucheurs, on parle plutôt de « neutralisation » des plants transgéniques. « Ce n’est pas un saccage », veut préciser Olivier Florent, membre du collectif et originaire du Vaucluse. « Nous pensons qu’il fallait les neutraliser ». Le seul viticulteur alsacien, Pierre Frick, qui a participé au saccage, ne dit pas autre chose. « Il ne s’agit pas d’une destruction mais de la préservation de mon outil de travail. C’est pour dire : “ non, on ne veut pas de ça ici ” ». Pour les cinq chercheurs de l’Inra qui suivaient le programme colmarien, le cauchemar continue. En septembre 2009, le militant Pierre Azelvandre s’était introduit dans l’enceinte du laboratoire pour sectionner les 70 plants. Il avait été condamné deux mois plus tard à 2000 € d’amendes et à un euro symbolique de dommages et intérêt. L’Inra avait fait appel, considérant le jugement trop clément. Cette fois-ci, il n’a pas participé à l’action des faucheurs volontaires. Septembre 2009-août 2010 Le site colmarien avait obtenu au printemps l’autorisation de reprendre les essais qui visent à mieux connaître le système immunitaire de la vigne, en particulier, lorsque celle-ci fait l’objet d’attaques virales. Les opposants aux essais les jugent inutiles et dangereux ; ils considèrent notamment que le virus du court-noué ne constitue pas une grande préoccupation pour les viticulteurs. Les essais réalisés à Colmar sont les seuls de ce type en France. Ils ont permis de mettre sur pied des programmes de recherches « innovants » (en partenariat avec d’autres centres de recherche français) et un système de concertation et de « coconstruction » des programmes unique avec des représentants de la société civile. La relance du programme d’essais devait faire l’objet d’une visite ministérielle. Jean Masson et son équipe devaient en effet accueillir Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture à la fin du mois d’août. Les faucheurs entendus 64 personnes ont été entendues par la police. Au cours de leur audition, ils ont tous tenus invariablement les mêmes propos : « Rien à déclarer ». Selon la police, ils n’ont pas même expliqué leur geste. La police parle d’un préjudice de 1 million d’euros ; les premières études menées par l’Inra à Colmar remontent à 7 ans. A cette somme, il faut également ajouter 16 000 €, ce qui correspond à la relance des essais après le feu vert donné en mai par le ministre de l’Agriculture, Bruno Lemaire. Philippe Vannier, procureur adjoint, nous a indiqué que l’enquête de flagrance se poursuit avant la transmission du dossier au parquet. Les 64 faucheurs seront cités à comparaître individuellement. Jean Daniel Kientz 4 INF’OGM (infogm.org) - article paru en août 2010 (deux pages) http://www.infogm.org/spip.php?article4532 Des pieds de vigne GM « neutralisés » Dans la nuit du 14 au 15 août 2010, des Faucheurs volontaires ont fauché 70 pieds de vigne, modifiés génétiquement pour résister au virus du court-noué. L’autorisation de cet essai venait d’être prolongée trois mois plus tôt par le gouvernement français. Interpellés par les gendarmes sur le lieu même de l’action, les faucheurs volontaires ont depuis été mis en examen. Selon un communiqué de presse du 15 août, le collectif des Faucheurs volontaires explique son action « les champs d’expérimentation d’OGM sont le premier pas d’une démarche commerciale visant à imposer [...] des cultures actuellement non autorisées, et surtout non plébiscitées ni par la population ni par les professionnels - […] cette étude ne peut statuer sur le possible passage d’éléments du transgène dans le fruit ou le vin »1. Et de préciser leur position sur le sujet de la recherche publique qui est « que les fonds publics financent des recherches sur les alternatives de lutte contre le court-noué plutôt que sur des OGM dont on sait qu’ils généreront non seulement une dépendance des agriculteurs, vignerons, et travailleurs de la terre au brevetage sur le vivant [...] ». Pour les Faucheurs volontaires, le débat ne porte donc pas tant sur les modalités de mise en place des essais en champs que sur les priorités de la recherche publique et la brevetabilité du vivant. La Confédération paysanne rejoint ce constat en contestant « le choix de l’Inra de consacrer une telle part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n’attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l’intégrité du vivant et sa libre disposition pour tous ». Elle considère également que « La recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l’Inra doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd’hui à la manipulation génétique ». Dans le cas présent, les pieds de vigne transgéniques – des porte-greffes - ont été modifiés afin d’exprimer des acides nucléiques du virus du court-noué (acides nucléiques qui, dans le cas présent, correspondent au gène codant pour la protéine de capsule du virus). Cette modification a pour objectif de permettre à une vigne reconstituée – par ajout d’un greffon (la partie aérienne de la vigne) sur ces porte-greffes transgéniques – de résister au virus du court noué. Selon l’Inra2, « le court-noué est une maladie virale présente dans la quasi-totalité des régions viticoles du monde où elle provoque la mort des vignes et rend les terres impropres à la viticulture. Le virus responsable est transmis au vignoble de cep à cep par un nématode (ver du sol) qui s’alimente au niveau des racines. Les méthodes de lutte utilisées font appel à des produits chimiques très polluants et peu efficaces ». De son côté, le gouvernement a également réagi en condamnant ce qui, pour lui, est « un essai exemplaire qui a su associer, notamment dans le cadre du Haut Conseil des biotechnologies, scientifiques, organisations professionnelles agricoles, collectivités locales ainsi que les organisations non gouvernementales environnementales »3. Une position étonnante puisque, par définition, le HCB réunit les acteurs cités pour discuter des dossiers de demande d’autorisation commerciale ou expérimentale présentés. Leur réflexion sur la demande de prolongation n’apparaît donc pas 5 comme un exercice exceptionnel. Le service presse du ministère de l’Agriculture a confirmé que les ministres souhaitaient souligner que cet essai avait été prolongé suite à des discussions au sein du HCB, comme seront effectivement discutées toutes les demandes d’autorisations d’essais en champs.Pour les faucheurs volontaires, le débat ne porte donc pas tant sur les modalités de mise en place des essais en champs que sur les priorités de la recherche publique et la brevetabilité du vivant. La Confédération paysanne rejoint ce constat en expliquant contester « le choix de l’INRA de consacrer une telle part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n’attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l’intégrité du vivant et sa libre disposition pour tous », considérant également que « La recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l’INRA doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd’hui à la manipulation génétique ». Inf’OGM a cherché à en savoir plus sur cette question des brevets. Car Monsanto dispose d’un brevet sur la stratégie même de conférer à des plantes une résistance à des virus en faisant exprimer par celles-ci un acide nucléique viral. Ce brevet, référencé sous le numéro 6,608,241 aux Etats-Unis, date du 19 août 2003. Il est le fruit d’une procédure entamée en 1986 par l’entreprise Monsanto. Anticipant l’obtention de ce brevet, Monsanto a d’ailleurs discuté avec l’Inra : selon Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, dans un ouvrage publié en octobre 2009, « quand dans les années 1990, un consortium réunissant l’Inra, le CNRS et LVMH développe des porte-greffes de vigne résistants au virus du court-noué, Monsanto se signale à leur attention : Monsanto les prévient que dès lors qu’une commercialisation des vignes transgéniques serait envisagée, il faudra obtenir une licence car ils travaillent sous la dépendance du premier brevet »4. Même si elle ne fait pas référence à la vigne dans son brevet, l’entreprise semble donc pouvoir faire valoir des droits de propriété intellectuelle sur le travail de l’Inra, bien que l’interprétation juridique de l’étendue des brevets soit un exercice difficile et souvent tranché par la justice. L’Université Cornell, aux Etats-Unis, dispose également d’un brevet dans ce domaine. Intitulé « Production d’une résistance large et durable au virus du court-noué de la vigne dans des plantes », il est référencé sous le numéro WO2010051548 (A2) à l’Office européen des brevets : « la présente invention concerne des molécules d’acide nucléique utiles pour conférer à des plantes une résistance large et durable au virus du court-noué de la vigne. L’invention concerne également des procédés d’amélioration de la résistance à des pathogènes des plantes et des plantes ou des composants de plantes (par exemple, des plants de vigne) exprimant ces molécules d’acide nucléique. En outre, l’invention concerne des produits (par exemple des produits alimentaires, notamment des boissons comme du vin ou du jus) dérivés des plants de vigne transformés par ces acides nucléiques »5. Contactée par Inf’OGM, l’Inra n’a pas répondu quant aux possibles conflits de propriété intellectuelle que l’existence de ces deux brevets pouvait poser. Malgré les affirmations du Gouvernement (cf. note 3) et du Haut Conseil des biotechnologies6, d’autres alternatives non transgéniques contre le court noué sont aujourd’hui en cours d’expérimentation par l’Inra (sélection variétale classique et pratique agronomique). Jean-François Launay, Directeur de la communication de l’Inra, a reconnu tardivement à Inf’OGM, que la voie transgénique semblait une impasse. Inf’OGM déplore le manque de transparence sur 6 l’évolution des recherches. En outre, l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) annonce sur son site internet attendre pour fin 2010, l’inscription au catalogue des variétés du porte-greffe répulsif au nématode, vecteur du virus du court noué, appelé Nemadex Alain Bouquet, et pour lequel « l’IFV a d’ores et déjà anticipé la pré-multiplication de ce matériel végétal pour répondre à l’attente des professionnels »7. Ce porte-greffe a été obtenu par croisement entre une espèce de vigne Vitis sensible au court-noué et l’espèce de vigne Muscadinia rotundifolia, résistante à ce dernier. Notons que l’Inra a mis en place en janvier 2009, avec l’IFV, une marque dénommée Entav-Inra qui commercialise des plants de vignes. Selon Agrafil8, « pour l’achat de ces plants, désormais vendus sous le nom de la marque, des royalties seront versées aux deux organismes à hauteur de 8 euros les 1 000 plants ». Le sujet de la propriété intellectuelle sur le vivant et des objectifs d’un organisme de recherche publique comme l’Inra sont donc au centre de l’action des faucheurs volontaires. Mais cette question, à lire les réactions publiées, pourrait bien être la seule non abordée dans l’immédiat. Le procès des faucheurs qui se tiendra probablement suite à cette action sera sûrement une occasion saisie pour exposer à nouveau leur position et susciter le débat. Cet essai de vigne transgénique avait déjà été l’objet d’un fauchage fin 2009, par Pierre Azelvandre, dans le cadre d’une action individuelle. Ce dernier avait été condamné, en première instance, à 2000 euros d’amende et à payer un euro symbolique à l’Inra. Le procès d’appel se tiendra la 29 novembre 20109. Sur avis du Haut Conseil des biotechnologies et suite à une consultation publique du 9 au 30 avril, l’autorisation de cet essai venait d’être prolongée, par décision ministérielle du 17 mai 201010. Elle permet à l’Inra de cultiver expérimentalement ces vignes transgéniques jusqu’en 2014. Communiqué de presse des Faucheurs Volontaires, 15 août 2010. Communiqué de presse de l’Inra, 15 août 2010, http://www.inra.fr/presse/le_volet_ogm_d_un_programme_de_recherche_de_l_inra_saccage 3 Communiqué de presse interministériel, 16 août 2010 http://agriculture.gouv.fr/Le-gouvernement_condamne_fermement 4 « Gènes, pouvoirs et profits », Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, octobre 2009, éd. FPH et QUAE, p 429 5 Descriptif disponible sur http://fr.espacenet.com, date de publication : 6 mai 2010. 6 Communique de presse du 25 août 2010. 7 http://www.vignevin.com/menu-haut/a...[backPid]=1485&tx_ttnews[tt_news]=273&cHash=6894a91966 8 Agrafil, 21 janvier 2009. 9 http://www.infogm.org/spip.php?article4448 10 http://www.ogm.gouv.fr/IMG/pdf/20100520_autoristation-vigne_cle09c739-1.pdf 1 2 7 LE MONDE - article du 23 août 2010 (deux pages) 8 9 II - Les bonnes questions CONFÉDÉRATION PAYSANNE - communiqué du 15 août 2010 Arrachage d'un essai de vignes OGM : la fin d'une mise en scène publicitaire ? La Confédération Paysanne rappelle son opposition aux essais OGM en plein champ et demande l'arrêt de toute poursuite contre les faucheurs volontaires qui ont neutralisé ce matin des pieds de vigne transgénique à l'INRA de Colmar. La poursuite de cette opération destinée à faire accepter, par les viticulteurs et les citoyens français qui n'en veulent pas, les recherches sur la mise au point de plantes transgéniques cultivées dans les champs, n’avait aucun sens. Sans fleurs ni raisins qui n'auraient pu être laissés qu'en milieu confiné, cet essai ne pouvait en effet donner aucun résultat scientifique valable sur les risques de transmission de l'OGM au raisin et au vin, ni sur son efficacité dans la lutte contre le court noué après la floraison de la vigne. La Confédération paysanne conteste le choix de l'INRA de consacrer une telle part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n'attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l'intégrité du vivant et sa libre disposition pour tous. Pour ce faire, la recherche publique doit s’attacher à rester indépendante des pressions de l’argent au détriment de l’éthique, tout particulièrement actuellement. La recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l'INRA doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd'hui à la manipulation génétique. C’est pourquoi la Confédération paysanne travaille avec l’INRA dans d’autres cadres, notamment un comité de liaison constructif qui se réunit plusieurs fois par an. Elle y fait valoir les besoins fondamentaux pour l’agriculture et l’alimentation, les paysans et la société, centrés sur une meilleure connaissance des processus biologiques et des savoir-faire paysans pour donner du sens à une recherche publique et citoyenne. Contacts : Véronique Villain, secrétaire générale de la Confédération paysanne et membre du comité de liaison Inra Confédération paysanne : 06 12 94 51 18 Michel David, secrétaire national : 06 30 87 21 13 Guy Kastler, représentant au HCB : 06 03 94 57 21 Régis Hochart, membre du comité de liaison Inra -Confédération paysanne : 06 08 75 00 73 10 JOSÉ BOVÉ - communiqué du 16 août 2010 Essai de vigne OGM à Colmar : fausses solutions pour faux problèmes Les Faucheurs volontaires d’OGM ont mené une action citoyenne de neutralisation de l’essai de vigne OGM réimplanté en juin 2010 dans la station de l’INRA de Colmar. Ils ont voulu ainsi répondre à la surdité gouvernementale qui n’a voulu entendre ni les nombreuses critiques des professionnels de la vigne et du vin ni celles de la société civile qui considèrent inutile la poursuite obstinée de cet essai depuis la première implantation de 2005 jusqu’à la première neutralisation de septembre 2009 et malgré son interdiction par le tribunal administratif de Strasbourg en 2009. José Bové, Vice-Président de la Commission Agriculture et Développement rural du Parlement européen, rappelle deux éléments importants de son point de vue : « Au cours du séminaire de l’Agence Nationale de la Recherche de novembre 2008 sur le programme OGM, il avait été mis en évidence au cours d’une communication que l’essai n’obtenait pas les objectifs visés d’éradication du court-noué : passage du transgène du porte-greffe au greffon non transgénique; contamination des plants de références non OGM. Pour moi, ces données auraient dû suffire à arrêter purement et simplement cet essai. Par ailleurs, l’ INRA de Colmar, au cours de la même réunion, reconnaissait la nécessité de travailler plus intensément sur les méthodes alternatives naturelles pour lutter contre cette maladie de la vigne. L’Institut et le Gouvernement ont pourtant persisté. Aussi ne faut-il pas s’étonner de cette action de désobéissance civique à Colmar aujourd’hui que je soutiens. » José Bové ajoute : « Le virus du court-noué est un problème agronomique, sanitaire et de conduite des cultures (absence de rotation) qui peut trouver des solutions innovantes par une recherche participative dont les paysans ont besoin. Elle doit être orientée vers des alternatives multiples dont les pistes existantes doivent être approfondies, alternatives issues des savoir-faire paysans et de leurs capacités d’organisation en lien avec la recherche et non uniquement de stratégies d’acceptation des biotechnologies OGM par un comité de suivi critiquable et critiqué comme à Colmar. Plutôt que de le consacrer à la poursuite d’une voie de recherche dans l’impasse, l’argent public serait très certainement beaucoup mieux utilisé pour faire avancer des solutions respectueuses de l’environnement, de la biodiversité et du travail au sein de la filière viticole en particulier en agriculture biologique. » José Bové, député européen Michel Dupont, assistant parlementaire www.jose-bove.eu 11 NPA - communiqué du 18 août 2010 Soutien aux Faucheurs volontaires à Colmar. Suite à l'action militante à Colmar qui a conduit à la destruction de plants de vigne OGM cultivés par l'INRA, la question est à nouveau posée. Cette culture expérimentale en milieu ouvert est-elle sans danger ou comporte-t-elle des risques de dissémination et de pollution ? C'est en premier lieu parce que ce débat n'est pas tranché que la position du NPA est claire. Non aux expérimentations OGM de plein champ. Toute recherche doit être faite en laboratoire afin de laisser le libre choix aux générations futures. Mais au-delà de cette question, c'est bien le problème du modèle de société que nous voulons qui est posé. Car nous assistons ici comme ailleurs à l'inexorable développement de la filiale OGM, dirigée par les grandes multinationales de l'agroalimentaire et relayées en l'occurrence par la recherche publique. Ce modèle, c'est la concentration du pouvoir de décision et de production en matière d'alimentation mondiale entre les mains de quelques propriétaires privés des grands groupes. C'est aussi l'uniformisation de la nourriture, la disparition de la variété et surtout le triomphe du profit sur l'indépendance alimentaire des peuples. C'est pourquoi le NPA soutient l'action des Faucheurs volontaires qui a le mérite de braquer les projecteurs sur les manœuvres des lobbies et des pouvoirs publics. Ceux-ci exercent en effet des choix irréversibles dans une opacité qu'ils aimeraient totale. Les paysans et les travailleurs quels qu'ils soient doivent refuser cette manipulation globale sans pour autant renoncer à la recherche et au progrès scientifique. 12 SUD RECHERCHE EPST - communiqué du 19 août 2010 13 INF’OGM - communiqué du 23 août 2010 Communiqué Inf'OGM, le 23 août 2010 Quelle recherche et quels brevets derrière les vignes OGM de Colmar ? Dans la nuit du 14 au 15 août 2010, des Faucheurs volontaires ont arraché à Colmar un essai de l'Inra de 70 pieds de vigne, modifiés génétiquement pour résister au virus du court-noué. Pour les Faucheurs volontaires, le débat ne porte pas tant sur les modalités de mise en place des essais en champs que sur les priorités de la recherche publique et la brevetabilité du vivant. Inf'OGM a cherché à en savoir plus sur cette question des brevets. Dans le cadre des travaux sur la vigne, Monsanto dispose d'un brevet sur la stratégie même de conférer à des plantes une résistance à des virus en faisant exprimer par celles-ci une protéine virale. Ce brevet, référencé sous le numéro 6,608,241 aux Etats-Unis, date du 19 août 2003. Il est le fruit d'une procédure entamée en 1986 par Monsanto. Anticipant l'obtention de ce brevet, Monsanto a d'ailleurs discuté avec l'Inra : selon Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, dans un ouvrage publié en octobre 2009, « quand dans les années 1990, un consortium réunissant l'Inra, le CNRS et LVMH développe des porte-greffes de vigne résistants au virus du court-noué, Monsanto se signale à leur attention : Monsanto les prévient que dès lors qu'une commercialisation des vignes transgéniques serait envisagée, il faudra obtenir une licence car ils travaillent sous la dépendance du premier brevet » (1). Même si elle ne fait pas référence à la vigne dans son brevet, l'entreprise semble donc pouvoir faire valoir des droits de propriété intellectuelle sur le travail de l'Inra, bien que l'interprétation juridique de l'étendue des brevets soit un exercice difficile et souvent tranché par la justice. L'Université Cornell, aux Etats-Unis, dispose également d'un brevet dans ce domaine. Intitulé « Production d'une résistance large et durable au virus du court-noué de la vigne dans des plantes », il est référencé sous le numéro WO2010051548 (à l'Office européen des brevets) (2). Contactée par Inf'OGM, l'Inra n'a pas répondu quant aux possibles conflits de propriété intellectuelle que l'existence de ces deux brevets pouvait poser. Et malgré les affirmations du Gouvernement et du Haut Conseil des biotechnologies (3), d'autres alternatives non transgéniques contre le court noué sont aujourd'hui en cours d'expérimentation par l'Inra (sélection variétale classique et pratique agronomique). Jean-François Launay, Directeur de la communication de l'Inra, à reconnu tardivement à Inf'OGM, que la voie transgénique semblait une impasse. Inf'OGM déplore le manque de transparence sur l'évolution des recherches. En outre, l'IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) annonce sur son site internet attendre pour fin 2010, l'inscription au catalogue des variétés du porte-greffe répulsif au nématode, vecteur du virus du court noué, appelé Nemadex Alain Bouquet, et pour lequel « l’IFV a d’ores et déjà anticipé la pré-multiplication de ce matériel végétal pour répondre à l’attente des professionnels » (4). Ce porte-greffe a été obtenu par croisement entre une espèce de vigne Vitis sensible au court-noué et l'espèce de vigne Muscadinia rotundifolia, résistante à ce dernier. Notons que l'Inra a mis en place en janvier 2009, avec (IFV), une marque dénommée Entav-Inra qui commercialise des plants de vignes. Selon Agrafil (5), « pour l’achat de ces plants, désormais vendus sous le nom de la marque, des royalties seront versées aux deux organismes à hauteur de 8 euros les 1 000 plants ». Pour Inf'OGM, le sujet de la propriété intellectuelle sur le vivant et des objectifs de la recherche publique sont donc à mettre au centre du débat. Pour plus d'information, lire l'article d'Inf'OGM « Des pieds de vigne GM neutralisés » sur www.infogm.org NOTES 1) « Gènes, pouvoirs et profits », Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, octobre 2009, éd. FPH et QUAE, p 429 2) Descriptif disponible sur http://fr.espacenet.com, date de publication : 6 mai 2010. 3) Communiqué interministériel du 16 août 2010, communiqué du HCB du 23 août 2010. 4) http://www.vignevin.com/menu-haut/actualites/article.html?tx_ttnews[backPid]=1485&tx_ttnews[tt_news]=273&cHash=6894a91966 5) Agrafil, 21 janvier 2009. 14 Association Inf'OGM - 2B, rue Jules Ferry - 93100 Montreuil- France tél. : +33 (0)1 48 51 65 40 - fax : +33 (0)1 48 51 95 12 - www.infogm.org – [email protected] S!LENCE - article paru en octobre 2010 (trois pages) L’Alsace a-t-elle besoin de vignes OGM ? D. R. VinsAlsace.com / Wurth vignes OGM Les essais de vignes-OGM en Alsace font des vagues ! Le 18 mai 2010, Bruno Le Maire, ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, en accord avec le ministre de l’Ecologie, avait annoncé, la reprise de l’essai en plein champ à Colmar de portegreffes de vignes-OGM susceptibles de résister à la maladie du court-noué. Le 15 août 2010, les faucheurs volontaires en ont décidé autrement. Au cœur du vignoble alsacien, fier de ses 1431 hectares de vignes bio sur 15 535 en conventionnel (7 à 8 fois plus que la moyenne nationale), on peut se demander à quoi, ou à qui, peuvent bien servir ces vignes OGM. Deux visions de la viticulture s’opposent dans ce débat. “C OMMERCIALISER LES OGM, LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE LE SOUHAITE. CELA FAIT PARTIE á Travail dans les vignes, où l’enherbement est pratiqué un rang sur deux (en Alsace beaucoup de viticulteurs pratiquant l’enherbement partiel même ceux qui ne sont pas en bio, la plupart pratiquent une viticulture raisonnée) 1. En septembre 2009, le précédent essai vignes-OGM à Colmar (2005-2009) a été interrompu. Pierre Alzelvandre, un robin des vignes, a coupé au sécateur les vignes OGM au-dessus de leur point de greffe, pour provoquer un débat public sur les OGM au-delà du Comité local de suivi (14 membres choisis par l’Inra) dont ce biologiste a fait partie. Condamné à 2000 ` d'amende et à verser un euro symbolique à l'Inra, Pierre Azelvandre est dans l’attente d’un second procès, le 29 novembre 2010, l'Inra ayant fait appel. 38 S!lence n°383 octobre 2010 de ses objectifs", déplore le secrétaire de la Confédération paysanne d'Alsace, André Durrmann. Dans le domaine de l’Inra, sur une parcelle de 5,5 ares, entourée d'une jachère censée "protéger" les vignes voisines, 70 porte-greffes OGM et 40 pieds non-OGM, pour une expérimentation comparative, sont plantés dans un sol bâché contaminé par le nématode, un ver minuscule qui s’attaque aux racines de la vigne et lui inocule un virus, provoquant la maladie du court-noué. C'est pour "lutter contre ce fléau" que l'Institut national de la recherche agronomique a décidé d'agir. Le nématode, c’est l’assurance d’un sol contaminé qu'il faut désinfecter et une vigne qui dégénère, atteinte progressivement de nanisme. Le cadre du nouvel essai "vignes-OGM" de l'Inra1 est situé à moins de 100 mètres, à vol d’oiseau, des jardins familiaux de Colmar, une proximité que désapprouve Anne Wanner, animatrice à la Conf’. Bien que l'Inra insiste sur l’aspect purement "expérimental" de ce nouvel essai, il est à craindre que le futur des vignes-OGM ne se cantonnera pas au seul secteur de la recherche. La bio propose une autre approche André Durrmann, également vigneron bio à Andlau, n'est pas le seul à s'interroger sur l'opportunité de vignes génétiquement modifiées en Alsace et sur leur devenir. "La majorité des viticulteurs n'est pas favorable aux OGM", commente de son côté le Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace. Un avis que partage l'Organisation professionnelle de l'agriculture bio en Alsace. "Les OGM, ça ne nous intéresse pas. On n’en veut pas !" Contrairement aux OGM, la viticulture bio s'est largement développée dans la région. Les vignes conduites en bio séduisent de plus en plus de monde, consommateurs et viticulteurs. "Les candidats à la conversion ont augmenté de 30 % en 2008 et 2009", se réjouit aujourd'hui l'Obapa. "10 % du vignoble alsacien est certifié bio. Un vrai phénomène qui a pris une ampleur considérable", constate André Durrmann. Alors que les représentants locaux de la viticulture bio n'ont pas été consultés sur le nouvel essai de vignes-OGM, hormis l’interprofession des vins d’Alsace et une "consultation du public" sur le site Internet www.ogm.gouv.fr du 9 au 30 avril 15 2010, en complément du Comité local de suivi2, on peut se demander à quoi sert l’expérimentation vignes-OGM de l'Inra ? Offrirait-elle le remède miracle contre la maladie du court-noué ? En Alsace, cela paraît presque un non-sens, car comme le rappelle Guy Kastler, chargé de mission pour Nature et Progrès et délégué général du réseau Semences paysannes, "le court-noué est une maladie du Sud". Le Languedoc-Roussillon est donc davantage concerné que l’Alsace. Même pour Jean Masson, le président du centre Inra de Colmar, "Les porte-greffes actuellement étudiés sont des outils de recherche et ne feront pas partie des solutions proposées contre le court-noué." Alors, à quoi servent ces recherches ? Parmi les 20 viticulteurs alsaciens certifiés Demeter, la marque de commercialisation de la biodynamie, Jean-Pierre Frick est l’un des plus sceptiques. Ce viticulteur, qui travaille sur 12 hectares à Pfaffenheim, est en biodynamie depuis 1981. "L'objectif de la viticulture bio n’est pas de combattre les ennemis de la vigne, mais de recréer des équilibres et renforcer la résistance des plantes." Pour Jean-Pierre Frick, "le court-noué n’est pas un problème. C’est même le dernier des problèmes de la vigne. L’"esca" est une maladie du bois bien plus préoccupante." Et de poursuivre : "Le court-noué, j’en ai eu dans mes vignes, il y a vingt ans, je n’en ai plus. En biodynamie, l’impact est moindre. En outre, le court-noué est une maladie virale qui limite les rendements et augmente la qualité du vin. Le véritable problème de la vigne, c’est que partout, on produit trop." Concernant le court-noué, André Durrmann pense qu’il ne faut pas tuer le nématode, "S’il est là, dit-il, c’est pour quelque chose. Il faut simplement savoir comment le réguler". Quant à Jean-Baptiste Adam, en biodynamie à Ammerschwihr, il ne fait plus de désinfection des sols depuis longtemps (le dichloroprène, produit servant à la désinfection, a été interdit en 2009). "Le summum du déséquilibre en viticulture a été atteint avec la pratique de la désinfection des sols", constatait déjà Nicolas Joly dans son ouvrage "Le vin, du ciel à la terre" (éd. Sang de la terre). Chassez le nématode, squatteur d’un sol déserté par des milliards de micro-organismes, et il reviendra au galop. "Je préfère utiliser un engrais vert, la phacélie. Ce répulsif naturel freine l’évolution du court-noué", indique Jean-Baptiste Adam. Autre nématicide qui ferait ses preuves, la tagète. Cet œillet fait partie d’une expérimentation au long cours, menée en parallèle à l’essai vignes-OGM à l’Inra de Colmar. "Le comité local de suivi3 a co-construit un projet visant à diminuer le nombre de nématodes, voire à les éliminer, des parcelles atteintes par la maladie. Ce projet fait appel à des jachères de plantes qui pourraient faire fuir les nématodes ou diminuer leur multiplication. Ce projet a démarré en 2009 pour une durée de quinze ans, avec une vraie étude scientifique engageant l’Inra", commente le président du centre de Colmar, Jean Masson. Pour André Durrmann "Le court-noué est connu depuis longtemps. Il suffit de 16 Guillaume De Crop vignes OGM á 15 août 2010 : Action de fauchage des vignes OGM. P De l'Alsace à la Champagne, des porte-greffes OGM OURQUOI UTILISER DU PINOT- MEUNIER DANS LES ESSAIS DE VIGNES transgéniques à Colmar, "parce que c'est un cépage inutilisé en Alsace", explique la mission communication de l'Inra. Le Pinot-Meunier est en effet l'un des cépages qui entre dans la composition du champagne. Quel rapport avec l’Alsace ? Les liens entre l'Alsace et la Champagne remontent au début des années 90. L'Inra de Colmar et le CNRS de Strasbourg sont alors sollicités par le laboratoire de recherches de Moët et Chandon, maison de champagne aux trois cépages (Chardonnay, Pinot Noir, Pinot-Meunier) la plus renommée au monde, pour résoudre le problème du court-noué. Laisser des parcelles atteintes en jachère n'est pas dans l'esprit des négociants champenois. Le rendement doit prévaloir. Un programme de recherche avec l'Alsace, est alors lancé. Il vise à modifier génétiquement un porte-greffe standard, le 41 B, pour le rendre résistant au court-noué. Des essais en plein champ avec des greffons de Chardonnay non OGM débutent en 1996. Mais, en décembre 1999, le Canard Enchaîné titre : "Des bulles transgéniques dans le champagne". De quoi sabrer les espérances de MLVH, la maison-mère de Moët et Chandon. A la veille de l’an 2000, l’image du fameux champagne ne doit pas être écornée. La parcelle expérimentale est arrachée. Les plants restant à planter devaient être récupérés par L'Inra de Montpellier, mais le climat viticole est houleux : "Le Languedoc-Roussillon ne sera pas la poubelle transgénique de la Champagne" déclare la profession. Ce sera donc l'Alsace, réputée plus calme, qui héritera des futurs essais vignesOGM. S!lence n°383 octobre 2010 39 Guillame DeCrop vignes OGM á 15 août 2010 : après l'action, les faucheurs attendent d'être arrêtés. laisser la parcelle atteinte vide durant cinq ou huit ans, ou de semer des céréales, on appelle ça la rotation. Le risque, c’est qu’au-delà, on perd ses droits à planter. Je travaille sur les écosystèmes de l’herbe, des graminées, du trèfle, du mélilot, des fraises des bois et je plante des arbres, c’est cette biodiversité qui est efficiente." Avant, on plantait tous les trois ou quatre rangs, des pêchers dans les vignes. La biodiversité au secours de la vigne 2. Le 25 mai 2010, la Confédération paysanne d’Alsace a indiqué que "dans l’hypothèse où le Comité local de suivi était maintenu autour de l’essai "vignes-OGM", elle ne s’y associerait pas". La Conf’ s’est toujours opposée aux essais en plein champ. La Confédération paysanne d’Alsace plaide, en revanche, pour la prise en compte par la recherche, de l’"agro-écosystème vigne" pour trouver des solutions pérennes aux problèmes rencontrés dans la viticulture. Elle privilégie clairement toute solution alternative (rotation, jachère, biodiversité…) ou de produits de traitements à base de plantes. 3. Parmi les 14 membres du CLS pour l’essai "vignes-OGM" (20052009), Christophe Hartmann, élu à la chambre d’agriculture du Haut-Rhin au titre de la Confédération paysanne, en souligne les risques : "Au bout de quatre ans, il y a eu une présomption de contamination. Il a été démontré qu’il y avait un risque d’instabilité. Le transgène avait tendance à aller vers les parties hautes de la vigne". Du porte-greffe au greffon ? "La greffe et la qualité du porte-greffe ne sont pas sans importance sur la nature de la plante greffée, explique l'Association pour la régénération de la vigne. Ainsi, non seulement rien ne prouve qu'aucun transfert de gène ne puisse se faire entre le porte-greffe et le raisin, mais en plus, la modification génétique du porte-greffe pourrait très bien engendrer une modification irréversible, visible ou cachée, du cépage greffé". 40 S!lence n°383 octobre 2010 Alors, un coup tordu, les vignes-OGM contre la maladie du court-noué ? "Les OGM sont ringardisés par des méthodes plus efficaces" constate André Durrmann. Un nouveau porte-greffe a L ainsi été testé à l'Inra de Bordeaux. Créé par Alain Bouquet, de l'Inra-Montpellier, ce porte-greffe aurait la propriété de retarder fortement la réinfection par le virus du court-noué. Le Nemadex, c'est son nom, est issu d’un croisement complexe entre Muscanidia Rotundifolia, une espèce sauvage américaine, et 140 Ruggieri. Le Nemadex devrait être inscrit au catalogue officiel fin 2010-début 2011. Une question demeure cependant : cet hybride va-t-il s’adapter à tous les terroirs ? Guy Kastler dénonce "la multiplication des clones au détriment de la sélection massale. Des clones dupliqués à l'infini pour être vendus chez les pépiniéristes." La biodiversité est pourtant un des facteurs-clés pour lutter contre le court-noué. L’Association pour la régénération de la vigne fait ce constat : "Les maladies de la vigne se sont généralisées avec les augmentations des rendements liées aux labours profonds, à la greffe sur pieds américains trop vigoureux, aux engrais, à la délocalisation des vignes vers les terres à blé. L'expérimentation OGM-vignes résistant au court-noué de l'Inra ne vise donc pas à résoudre un problème sanitaire, mais un problème économique : comment replanter plus vite pour gagner plus d'argent dans la concurrence internationale." Marc Fuchs, responsable du projet vignes-OGM à l’Inra de Colmar à ses débuts, est parti aux Etats-Unis, à l'université Cornell de New York. Ce chercheur en biologie moléculaire et maladies virales y a fait breveter une vigne OGM contre le court-noué en 2007 ! Anne Dupuis ■ 15 août 2010, Colmar : les faucheurs passent à l'action. A VIE N'EST PAS UN LONG FLEUVE TRANQUILLE POUR LES CHERCHEURS DE L'INRA DE Colmar. On pourrait même dire qu'elle est un long fleuve au cours "noué"… Ces essais sont une première fois neutralisés en 2009 par le chercheur Pierre Azelvandre qui en coupe les greffons. L'Inra perd un an mais n'a pas trop de mal à implanter de nouveaux greffons sur les porte-greffes qui sont restés intacts. C'était compter sans le collectif des Faucheurs volontaires. Le dimanche 15 août 2010 avant l'aube, plus de 60 d'entre eux pénètrent sur l'essai de l'Inra. Pour accéder aux plants OGM, il faut passer une première barrière d'1m80 puis, plus loin un double grillage métallique de deux mètres surmonté de barbelés et muni d'un détecteur de présence. Enfin, ce dispositif officiellement destiné à protéger l'essai des "petits animaux" (!) est complété par deux puissants projecteurs et deux caméras de vidéosurveillance. Le directeur de l'Inra ne divulguera pas le prix de ces joujoux. Parfaitement organisés, les faucheurs arrivent néanmoins sans peine et en quelques secondes à pénétrer sur le terrain, et à s'y enfermer. Ils déracinent les 70 pieds de vignes transgéniques. Une mesure plus "radicale" que la précédente. Une liste de noms est remise à la police dès son arrivée. Les faucheurs restent enfermés plusieurs heures jusqu'à l'arrivée des médias. Après un bon café, ils partiront dans la joie et la bonne humeur dans un bus de la ville spécialement affrété pour l'occasion jusqu'à la gendarmerie de Colmar pour un contrôle d'identité et quelques tracasseries d'usage. A la sortie, un prodigieux banquet apprêté par des membres de la Confédération paysanne d'Alsace les attend avant le départ vers leur régions respectives. Le débat est relancé plus vivement que jamais en Alsace, chez les vignerons et dans les médias : opération réussie. Le 24 août 2010, les ministres de la recherche et de l'agriculture se rendent à Colmar et affirment : "Nous mettrons à la disposition de l'Inra les moyens financiers nécessaires pour qu'il puisse relancer sa recherche sur la vigne transgénique et sur les remèdes à la maladie du court-noué". Le fleuve transgénique suit son cours… jusqu'au prochain remous démocratique ? G. G. 17 L’ÉCOLOGISTE - article paru en octobre 2010 18 PAYSAN DU HAUT-RHIN - article du 14 décembre 2007 (trois pages) PHR : Paysan du Haut-Rhin Publié le 14 décembre 2007 Article ref : 43TSRSWF Colloque sur le court-noué à l’Inra de Colmar Des solutions se profilent à l’horizon Un colloque sur les moyens de lutte contre le nématode vecteur du virus du court noué s’est déroulé à l’Inra de Colmar, l’occasion pour différentes unités de recherche, les professionnels de la viticulture et les membres du comité de suivi des porte-greffes OGM de faire le point sur cette maladie aux conséquences controversées. 1 an Andlau : Une vigne virosée âgée seulement d’un an sera à arracher précocement. - © D.L. C’était l’un des vœux formulés par le Comité de suivi des expérimentations de porte-greffe OGM à l’Inra de Colmar : explorer d’autres solutions que ce porte-greffe pour lutter contre le virus du court-noué de la vigne et son vecteur, un petit nématode. Un colloque a donc eu lieu le 21 novembre dernier. Il a fallu à Marie-Claude Drechsler et Jean Masson de l’Inra, rassembler des équipes de recherche de tous les horizons, même de Suisse et d’Allemagne, des viticulteurs, des conseillers viticoles, les représentants de la profession viticole, le comité de suivi, des personnes d’horizons variés © Copyright Reussir. Tous droits réservés. 19 Page 1 finalement. Il n’était donc pas question d’OGM mais des autres techniques de lutte, biologiques, alternatives et conventionnelles. Xiphinema index, ce nématode de quelques millimètres, se nourrit en piquant les racines de la vigne. Il ne serait pas néfaste à la vigne s’il n’était pas porteur d’un virus responsable des baisses de rendements et de qualité, et de naniser l’appareil végétal - qui devient alors difficilement palissable, témoigne Jacques Stentz, viticulteur à Wettolsheim.Voie de la multiplication végétativeS’il est relativement admis de tous qu’une vielle vigne virosée – qui a fait son temps – ne pose pas en général de problème économique, en revanche, c’est un réel souci lorsque le virus s’attaque aux jeunes vignes. Leur espérance de vie n’est que de vingt ans, parfois moins, ce qui nécessite un arrachage précoce, témoigne Maarten van Helden, chercheur à Bordeaux. L’un des facteurs responsables de la diffusion du virus sur les jeunes vignes est l’inéluctable voie de la multiplication végétative des plants. La lutte passe donc par un contrôle sanitaire rapproché en pépinières. Le court-noué a fait l’objet d’une surveillance particulière basée sur une législation communautaire et nationale (Code rural et arrêtés) Les mesures sanitaires relativement strictes que la filière des bois et plants de vigne doit adopter ont été détaillées par Christophe Coffigny de Viniflhor, organisme en charge du contrôle de la filière. Bien que Viniflhor soit soumis “à une obligation de moyen et de résultats aux différentes étapes de contrôle de la production”, tous les jeunes plants de clones certifiés n’échappent pas aux viroses. Ces cas doivent faire l’objet d’une remontée de filière, que Viniflhor est amené à mettre en œuvre à chaque réclamation. François Montavon, ancien conseiller viticole à la chambre d’Agriculture du Haut-Rhin, donne d’ailleurs un élément pour repérer cette voie de contamination : “Lorsqu’une parcelle n’est pas touchée en foyers mais complètement”, explique-t-il. Lutte en SuisseEn Suisse, pays relativement touché, la lutte au niveau des pépinières est tout aussi contrôlée par la Station fédérale Agroscope de Changins, décrit Sébastian Kiewnick. Comme en Allemagne, le processus de certification repose sur la qualité sanitaire des sols de pépinière. L’analyse des nématodes est raisonnée en fonction de l’historique de la parcelle devant accueillir la pépinière. Si nématodes il y a, des plantes test sont cultivées pour voir s’il est porteur du virus.On connaît bien la mécanique d’aquisition et de transmission des particules virales par le nématode, explique Gérard Demangeat, de l’Inra de Colmar. Et même, les images de microscopie électronique, spectaculaires parce qu’infiniment petites, révèlent la forme icosaèdrique de ce virus qui tapisse les parois du tube digestif du nématode. La connaissance du génome du virus permet d’ailleurs de détecter efficacement le virus dans le nématode. Mais s’agissant du nématode, côté écologie, on ne sait pas grand-chose des conditions de son développement dans l’environnement et de son comportement en compagnie des communautés microbiennes de la rhizosphère. Il est même difficilement quantifiable dans l’espace, reconnaissent les chercheurs comme Laure Villate, qui effectue une thèse sur la question à l’Enita de Bordeaux. On retrouve d’ailleurs le nématode jusqu’à des profondeurs de 140 cm. D’où une grande incertitude sur les expériences de plantes nématicides comme sur la compréhension des phénomènes de contamination. Une première enquête menée auprès d’une quarantaine de viticulteurs bourguignons a permis néanmoins d’identifier certains facteurs environnementaux qui conditionnent la progression de la maladie comme l’érosion et la mauvaise dévitalisation. Mais, au stade de cette enquête, les chercheurs de Dijon Léon Fayolle et Sandrine Rousseaux se montrent encore réservés sur les hypothèses. Un être simpleAux fonctions biologiques rudimentaires - il ne se déplace presque pas, de 20 à 30 cm par an ! -, Xiphinema index est tout de même doté d’une musculature, de fonctions sensorielles et d’un système nerveux. Il se montre en revanche particulièrement résistant et peut adopter un métabolisme ralenti - se tenir en phase de quiescence dit-on - qui lui permet de tenir longuement dans les conditions les plus hostiles à la vie. Enfin, sa capacité à infester la vigne “est virulente”, puisqu’un seul nématode suffit. D’où la difficulté d’organiser une lutte efficace (voir encadré).La solution pourrait venir des plantes nématicides. Mais il faudra encore attendre (voir encadré). Sur le terrain, Mathias K. Wolff, conseiller bio à Fribourg, affirme néanmoins qu’une conjonction de pratiques (pas forcément adaptables à la viticulture française) permet à la vigne de vivre avec le court-noué, sans que ça ne soit significativement préjudiciable à la production : plantes nématicides, choix de porte-greffes vigoureux comme le 5BB, cultures d’interrangs diversifiées en optant davantage pour les crucifères et les légumineuses comme la phacélie, le tournesol, les radis oléifères, le tagète, le sarrasin, le pois, les vesces, le trèfle, la luzerne, l’ail le souci et le lupin (pour sols acides). Il existe enfin d’autres pistes de lutte qui n’ont pas été abordées en détail lors de cette journée. C’est le cas de la prémunition des plants. Expérimentée aussi sur les bans d’Ammerschwihr et de Bennwihr par une équipe de l’Inra de Colmar, il faudra attendre © Copyright Reussir. Tous droits réservés. 20 Page 2 encore quelques années avant d’obtenir les premiers résultats de cette méthode. Et c’est enfin la sélection de plants résistants, issus non pas de manipulation génétique, mais de sélection à partir de souches sauvages, un travail de l’Inra de Montpellier coordonné par Alain Bouquet.D.L. La vision radicalement opposée des BioÀ l’heure où les maladies du bois captent toute l’attention et où le rendement a cédé la primeur à la qualité, difficile de dire si les viticulteurs considèrent toujours la lutte contre le court noué comme une priorité. Pour les producteurs bio, comme Pierre Morey, régisseur du domaine Leflaive à Puligny en Bourgogne, ou comme Mathias K. Wolff, conseiller technique bio en Allemagne, le court noué ne pose pas de problème, d’autant que la biodiversité des sols suffirait selon eux à lutter contre le nématode vecteur d’un virus qui d’ailleurs ne doit pas être considéré que sous son angle néfaste. C’est là leur intuition, mais aucun chiffre n’est scientifiquement avancé. En certaines places, les dégâts peuvent néanmoins être conséquents, pouvant atteindre 80 % de perte de rendement, rappelle toutefois Gérard Demangeat de l’Inra de Colmar. Les limites de la lutte contre le nématodeDe nombreux intervenants ont ainsi fait part des limites de la lutte chimique, interdite en Allemagne depuis 1988, rappelle Ulrike Ipach de l’Institut DLR Rheinpfalz à Neustadt. Et en pratique, vu le morcellement du vignoble alsacien, il faudrait organiser “une lutte concertée entre viticulteurs”, souligne François Montavon. Difficile en effet de contrôler les flux de nématodes entre les parcelles à cause des écoulements d’eaux, de résurgences, des érosions et des réservoirs potentiels que constituent les tournières, les talus, et les chemins. Et qui plus est, les faciès géologiques parfois très stratifiés avec alternances de bandes rocheuses et argileuses limitent la diffusion des produits nématicides. Selon le conseiller, le traitement de dévitalisation de la vigne avant arrachage doit être effectué sur feuillage en août, en sève descendante, avec un feuillage suffisant pour que le produit diffuse bien dans toutes les racines (bonne systémie). Ou bien, le nématode trouvera toujours des racines vivantes même de nombreuses années suivant l’arrachage. Plantes nématicidesAtteindre les profondeursNombreuses sont les équipes qui travaillent à l’alternative des plantes nématicides. En Allemagne, deux substances végétales ont même été isolées : le solidagenon, extrait du solidago ou verge d’or, et un dérivé furanique, extrait de la carline vulgaire (chardon doré). Les firmes agrochimiques n’ont pas donné suite à ce travail, déplore Ulrike Ipach. Côté France, deux équipes travaillent sur la question. À l’Inra de Dijon, l’effet nématicide de plantes comme la phacélie, l’œillet d’inde et le souci serait observé après 19 semaines de culture, explique les chercheurs Léon Fayolle et Sandrine Rousseaux. Dans les parcelles, toute la difficulté consiste à atteindre des enracinements aussi profonds que les zones de vie du nématode, concèdent les chercheurs. Comme à Bordeaux, les résultats sur le terrain de plantes nématicides ne sont pas aussi tangibles que ceux en pot, où le lupin blanc par exemple détruit 96 % des larves. Droits de reproduction et de diffusion réservés © Copyright - PHR : Paysan du Haut-Rhin. Usage strictement personnel. L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions. © Copyright Reussir. Tous droits réservés. Page 3 21 CONFÉDÉRATION PAYSANNE LANGUEDOC-ROUSSILLON communiqué du 26 août 2010 Confédération Paysanne Languedoc - Roussillon Syndicat pour une agriculture paysanne et la défense de ses travailleurs COMMUNIQUE DE PRESSE Saint Géniès de Malgloirès, le 26 août 2010 Après l’action de neutralisation de l'essai vignes-OGM de l'INRA le 15 août dernier et dans un contexte de soutien public réaffirmé à un projet pourtant controversé, la Confédération Paysanne Languedoc-Roussillon réaffirme son soutien aux Faucheurs Volontaires et son opposition à ces essais. Les recherches conduites sur les OGM Vignes ne sauraient être des solutions pertinentes aux crises viticoles actuelles qu’elles soient agronomiques ou économiques. L'essai de vigne OGM résistante au court noué est dangereux et inutile. Dangereux, car contrairement à ce qui est affirmé les risques de dissémination des gènes modifiés et du virus du court noué étaient conséquents. Dangereux, car le recours à un seul gène de résistance peut pousser au contournement du pathogène qui ferait alors évoluer son facteur de virulence. Dangereux aussi par les conséquences économiques de la commercialisation du porte greffe OGM, les consommateurs ne désirant majoritairement pas de produits issus de plantes OGM, ni dans leur assiette ni dans leur verre. Inutile, car l'INRA a par ailleurs mis au point, sans recours aux technologies génétiques, un porte greffe résistant au court noué qui sera prochainement inscrit au catalogue. Bizarrement l'INRA ne fait aucune communication sur ce résultat. Les moyens financiers et humains détournés pour ces essais OGM font cruellement défaut pour des recherches sur des problèmes bien plus importants pour les viticulteurs, tels que l'esca ou la flavescence dorée. Quelles que soient les plantes concernées, les manipulations génétiques sont une impasse pour les paysans. La recherche publique ne doit pas participer à l’accroissement de la dépendance paysanne par rapport aux firmes semencières privées, détentrices finales des brevets sur les biotechnologies. Jean-François Bianco, porte-parole, 06 43 22 48 59 Jean Sabench, 06 73 91 23 78 22 III - Le débat de fond OUEST-FRANCE 35 - tribune du 20 août 2010 23 LEMONDE.FR - tribune du 6 septembre 2010 (deux pages) L'INRA devrait ouvrir un Grenelle de la recherche agronomique Encore un effort pour comprendre, Madame Guillou ! La direction de l'INRA a encore réagi, développant un argumentaire qui somme toute a peu bougé, évoquant la neutralité de l'Institut qui ne serait ni pour ni contre les OGMs, le caractère publique de la recherche, son aspect non-commercial et la nécessité de maintenir en France une recherche sur la biotechnologie et de garder les chercheurs pour éviter de devenir dépendant. Autant le dire tout de suite, je suis de ceux qui pensent que, face aux défis biens réels de l'agriculture dans le monde, les OGMs sont inutiles et incertains. Nous avons suffisamment de recul maintenant dans les pays qui les ont utilisés massivement pour dire que cette opinion est vérifiée. Chères, les semences OGM n'ont d'utilité – et encore seulement à court terme – que pour les agricultures extensives et fortement mécanisées. Bien sûr, ceux qui pensent que l'avenir de l'humanité repose sur une concurrence exacerbée nation contre nation, économie contre économie, entreprise contre entreprise, individu contre individu jugeront que c'est un argument suffisant. Mais depuis la grande crise qui a débuté en 2008, le caractère délétère de cette chimère est malheureusement avéré. Inutile de répéter donc en boucle les argumentaires. Acceptons donc le débat tel que posé par la direction de l'INRA et interrogeons-nous sur la question : qu'est-ce qu'une recherche publique ? Comment et par qui exactement et selon quelles modalités sont décidés les choix de recherche ? Qui détermine les orientations ? Il existe en la matière plusieurs visions. La première, celle qui veut que les chercheurs en décident eux-mêmes. La société serait donc appelée à financer la recherche selon une logique de mécénat. La seconde, dominante dans les années d'après-guerre veut que l'État, dans les faits le pouvoir exécutif et la haute administration plus que le parlement, oriente la recherche. Il l'a d'ailleurs fait en créant de puissants instituts dont l'INRA. La troisième, qui a dominé lors des 30 années néo-conservatrices que nous venons de connaître veut que la recherche avance par partenariat avec des grands acteurs économiques privés. La quatrième et dernière, enfin, considère que les grands enjeux de la recherche publique doivent être déterminés par des processus plus participatifs. Dans tous les cas, ce dont il est question ici n'est pas la co-construction d'un protocole particulier de recherche sur la vigne, mais bien des grandes directions qui en amont structurent sur le long terme la recherche nationale : Quel est le projet de la nation en matière de recherche et pour quel type de société ? Comment sont affectées les grandes masses financières ? Quelles règles en interne pour leur répartition entre les équipes ? Comment sont embauchés, évalués et promus les chercheurs ? Comment la recherche est-elle organisée ? Comment se fait l'arbitrage ? 24 Président dans les années 2000 de l'Institut technique d'agriculture biologique, j'ai été amené à dialoguer avec l'INRA et à mesurer le manque flagrant de consistance du dispositif mis en place par l'institut en matière de recherche en agriculture biologique. Il n'y a évidemment aucune commune mesure entre l'engagement pris par l'INRA depuis les années 1980 en faveur des biotechnologies (à l'époque, l'INRA était le vecteur d'introduction des OGM en France), et les dispositifs transversaux et bien légers supposés répondre à la demande de la société en terme d'agriculture biologique. Dans le premier cas il s'est agit d'une décision stratégique à long terme qui a réorganisé tout le département GAP (Génétique et amélioration des plantes) de l'Inra. Dans le second cas j'ai bien souvent eu l'impression que la direction de l'institut pratiquait le green washing. Pire, son souci était avant tout de donner l'impression d'occuper le terrain pour éviter que, de guerre lasse, ne se développent des institutions alternatives. C'est donc autant la citoyenne Marion Guillou, puisque c'est en tant que citoyenne qu'elle s'est parfois exprimée (Les Échos du 17 août) que la directrice que j'invite à engager une réflexion de fonds sur le rôle d'un institut de recherche publique et son mode de gestion dans nos sociétés en prenant en compte les bouleversements politiques et sociaux qui les traversent. Oui, la recherche est touchée par la perte de confiance provoquée par la fin du compromis fordiste caractéristique des trente glorieuses. Oui, elle doit mieux comprendre la société qu'elle prétend servir. Oui, la croissance du niveau scolaire général de la population associée à quelques désillusions ont entraîné un désenchantement vis-à-vis de l'innovation technique comme solution miracle. Oui, il existe un contexte politique et social tendu où s'affrontent à travers le monde des projets de société parfois antagonistes. Oui la question des orientations et de l'organisation de la recherche est une question politique majeure comme en témoigne d'ailleurs l'activisme des lobbies. Tout cela c'est la réalité humaine et sociale. La citoyenne Marion Guillou ne peut s'en affranchir ni nous servir un argumentaire naïf. Et puisque les Grenelles furent à la mode et que le Comité opérationnel « recherche » du Grenelle de l'environnement fut le seul à exclure le monde associatif, l'INRA devrait ouvrir un Grenelle de la recherche agronomique. Une négociation multipartite sur la manière dont la recherche agronomique devrait s'organiser et fonctionner pour répondre, avec autant d'enthousiasme qu'elle en a montré pour les OGMs, aux enjeux de l'agriculture biologique ou écologique, à la préservation de la biodiversité domestique dans un cadre mutualiste, dans la foulée des prix nobel d'Elinor Ostrom et Oliver Williamson sur les « communs », et qui nous préserve du « drame des privés » incarné par les brevets sur le vivant. Matthieu Calame, agronome, ancien président de l’Institut technique d’agriculture biologique. Matthieu Calame est aussi directeur de la fondation C. L. Mayer pour le progrès de l'homme. Il a publié Une agriculture pour le XXIe siècle (ECLM, 2007) et La Tourmente alimentaire (ECLM, 2008) 25 POLITIS - article du 2 septembre 2010 (deux pages) 26 27 VIVAGORA - édito du 24 septembre 2010 Edito 15 - septembre 2010 - OGM : la portée de Colmar Les faucheurs volontaires ont arraché un essai de l INRA, un porte greffe transgénique résistant au court-noué. Une maladie de la vigne grave et ne pouvant pas être soignée autrement que par l arrachage et des traitements polluants. Pourtant, ce programme avait tout pour lui. D une part, le porte-greffe ne sert que de support au cépage cultivé dont on mange (ou, plus souvent, boit) le produit. D autre part, il ne produit pas de fleurs, seul le greffon fleurit. De toute façon, la vigne est exclusivement reproduite par bouturage, aucune contamination de cépage n est à craindre a priori. Enfin, un important travail de concertation sur ce programme avait été réalisé et avait abouti à un large accord. Alors, ces arracheurs sont-ils des fous totalement opposés à tout progrès pour des raisons purement irrationnelles ? C est sans doute ce que pensent la plupart des chercheurs. Il est vrai que les risques de dissémination sont minimes pour ce qui concerne cet essai. On peut bien sûr invoquer les transferts du porte-greffe au greffon ou la microflore du sol. On peut aussi invoquer l état très insuffisant de nos connaissances sur les conséquences biologiques complexes qu a l insertion d un transgène dans une plante (cela va des questions concernant le repliement des protéines aux conséquences écosystémiques). Mais globalement, les risques sont faibles. En fait, ce qui est en cause, ce sont moins les risques directs que les conséquences des choix stratégiques opérés par la recherche agronomique au cours des dernières décennies. Celle-ci s est mise au service des grands groupes, privilégiant une approche technique et négligeant les conséquences socio-économiques des choix effectués. C est là que la situation devient compliquée. En effet, on peut reprocher aux organismes de recherche publique d avoir adopté une vision du progrès entièrement piloté par la technologie industrielle. De n avoir pas su résister à cette aberration qu est le brevet sur les gènes (même si la direction de l INRA a, par moments, indiqué son opposition à cette pratique). D avoir même, à travers le projet génoplante, montré une tendance à aller dans cette direction (une démarche dérisoire quand on regarde a posteriori le nombre de brevets obtenus par le public comparé au privé dans la même période). Enfin, on peut reprocher à l INRA un investissement ridicule dans les démarches actives de constitution de ressources génétiques (semences paysannes par exemple) ou son acceptation plus ou moins tacite de la mainmise des gros semenciers sur l ensemble de la richesse génétique des plantes cultivées. Comme le fait remarquer Christophe Bonneuil (voir Politis du jeudi 2 septembre 2010, ici), l Etat commet la même erreur qu en informatique où un groupe industriel français a été longtemps privilégié alors que le rôle de la collectivité aurait été de travailler sur le logiciel libre. Si l INRA et les autres organismes de recherche montraient un réel investissement dans les recherches permettant une libre circulation des gènes, dans le développement d une agriculture durable et mettait en place un système de gestion des semences susceptible de créer de la diversité grâce à la participation active des agriculteurs, la situation serait tout autre. Ce qui est combattu dans l arrachage de Colmar, ce n est pas une technique, c est une stratégie. Récemment, au cours d une réunion de l Académie des Sciences consacrée à la biodiversité, j ai eu l occasion d évoquer ces questions et de dire qu actuellement les biotechnologies, en favorisant la culture de variétés homogènes sur d énormes surfaces, et en donnant la propriété du vivant à quelques firmes, faisaient peser une menace effrayante sur la diversité des semences. Un de mes collègues, défenseur ardent des technologies en question m a apostrophé à la sortie en me reprochant de soutenir une idéologie. Il est probablement convaincu qu en ne se préoccupant que des aspects techniques, en cherchant à régler un problème agronomique par la mise en place d OGM, il est totalement hors idéologie. Même si il sait que les OGM en question sont brevetés, que beaucoup d entre eux ont pour but premier de faire vendre les pesticides qui vont avec, même s il voit la propriété des ressources génétiques passer dans l escarcelle d entreprises de taille croissante& Pour lui, cela n a rien d idéologique. Il est regrettable que des travaux de recherche soient détruits mais il est tout aussi regrettable que ceux qui conduisent ces recherches ne veuillent pas voir plus loin que leur génome. Tant que les scientifiques ne verront pas quels intérêts ils servent dans de type de démarche, tant qu ils croiront être idéologiquement neutres, il y aura peu d espoir qu un débat sain puisse voir le jour. 28