Editorial radiologue

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Editorial radiologue
Pour une fois nous ne parlerons pas des ACP mais des radiologues. Ou
plutôt de la cour des comptes (CC) qui a visiblement des comptes à régler
avec nos honorables confrères.
Le rapport 2010 de la CC sur la sécurité sociale consacre un assez long
chapitre à ce sujet et plus particulièrement à l’IRM.
Nous y apprenons que « En moyenne, un cabinet disposant d’une IRM qui
prend en charge près de trois patients par heure perçoit donc un montant
d’honoraires de 207 € » et qu’ « à cette rémunération, s’ajoutent les
marges sur forfait technique évoquées plus haut comprises entre 24 et 27
€ par acte, soit entre 72 et 81 € par heure, pour un total de rémunération,
avant charges sociales, compris entre 280 et 290 € par heure, hors dépassement
d’honoraires, ce qui correspond à plus de dix consultations pour les autres spécialités
médicales. ». La cour des comptes en conclut qu’il « s’agit d’un taux horaire très élevé,
anormalement coûteux pour la collectivité et inéquitable vis à vis des autres spécialités. » et
propose donc « une baisse du taux horaire » afin de « conduire à un rapprochement avec les
autres spécialités ».
Ca n’est pas tout. La CC considère que « Le dispositif de tarification rend l’acte
d’imagerie en coupe si onéreux pour la collectivité (212 € pour un IRM) qu’il a induit une
crainte de voir le parc des IRM s’étendre et les dépenses de radiologie déraper ».
Un radiologue étant par ailleurs un médecin libéral, la CC profite de son rapport pour
nous donner son opinion sur le sujet.
Selon elle, « La logique de cette prise en charge d’un forfait à la pathologie », « quand un
patient est hospitalisé à l’hôpital public » conduit « les praticiens à ne prescrire et pratiquer
que les actes utiles ».
Bien entendu, là où il y a un paradis, il y a forcément en face un enfer qui semble être situé,
pour la CC, dans la clinique en face de l’hôpital public, où, « au motif que les médecins
libéraux sont rémunérés à l’acte, le principe d’une incitation à une prescription plus
vertueuse, tant au bénéfice d’une maîtrise des dépenses de santé que dans l’intérêt des
patients, ne s’applique pas »
Bien entendu cette situation conduit à des « niveaux de rémunération annuelle très différents,
à hauteur de 83 000 € en moyenne à l’hôpital et de 202 800 € dans le secteur libéral. »
Je suis peut être un grand naïf mais j’espérais encore que la cour des comptes, cette vénérable
institution, échappe au parti pris politicien et à la mauvaise foi.
J’avais tort.
Reprenons plus en détail les différentes affirmations de la cour des comptes.
Un radiologue libéral perçoit environ 285 € de l’heure, TTC et avant charges, quand il
interprète des IRM. Soit. Quel est le tarif actuel d’un avocat spécialiste, travaillant dans un
domaine un peu « à la mode » ? Environ du même ordre voir sensiblement plus. Le médecin
serait-il moins utile à la société qu’un avocat ? Sa responsabilité serait-elle moins grande ?
La CC compare ensuite cette rémunération à celle liée aux consultations médicales,
effectivement nettement moindre. Cette comparaison est totalement malhonnête puisque les
consultations sont notoirement sous évaluées. Preuve en est que les spécialités médicales qui
ne vivent que de consultations (les spécialités dites cliniques) sont en bas de l’échelle de
rémunération des médecins libéraux. Donc, quand la CC dit vouloir « une baisse du taux
horaire » afin de « conduire à un rapprochement avec les autres spécialités », d’une part elle
outrepasse son rôle, qui n’est pas de définir la juste rémunération des médecin libéraux
(pourquoi, en effet, le rapprochement entre spécialités ne se ferait pas en mettant tous les
spécialistes au niveau des radiologues), mais propose en fait que toutes les spécialités soient
mises au même niveau que les spécialités actuellement les moins rémunérées (rémunération
d’ailleurs inférieure à celle des radiologues hospitaliers).
Une IRM serait selon les termes de la CC «si onéreuse pour la collectivité » que cela
entrainerait des effets pervers. Si onéreux par rapport à quoi ? A qui ? Il s’agit là d’une
affirmation totalement gratuite, indigne de la CC, et ne reposant sur aucun fondement
économique. D’une part, le coût d’une IRM en France est dans la moyenne de ce qui se
pratique dans les autres pays développés. D’autre part il est temps d’arrêter de ne considérer
la médecine que comme un coût : Dans son rapport, la CC indique, entre autre, qu’une IRM
réalisée à un stade très précoce d’un AVC permet, par la mise en place d’un traitement « la
régression partielle ou totale des symptômes ». L’IRM n’est donc pas un coût mais un
investissement, d’abord au service du malade, ensuite au service des comptes de la nation
pour qui la prise en charge des conséquences d’un AVC dépasse de très loin les 212 € de
l’IRM.
Reprenons enfin le « comparatif » médecine publique / médecine libérale auquel se
livre la CC.
Entendons-nous bien, quoique moi-même libéral, je n’ai rien contre les médecins hospitaliers,
mais il faut quand avouer que la présentation de la CC est « légèrement » caricaturale et
« légèrement » de parti pris. Son argumentation est d’ailleurs contredite par les autres
informations que nous délivre le rapport.
Les médecins hospitaliers ne prescriraient et ne pratiqueraient que des actes utiles ? Comment
la cour des CC explique elles alors les déficits chroniques des hôpitaux, les dépassements
majeurs de l’ONDAM hospitalier et l’explosion des MIGAC qu’elle dénonce dans ce même
rapport ?
La médecine à l’acte conduirait à une multiplication inutile des actes ? Mais alors que penser
de ce paragraphe « Si la croissance des dépenses d’imagerie apparaît en première lecture
mesurée, c’est notamment parce que la CNAMTS n’assure qu’un suivi partiel de la
consommation des actes d’imagerie en coupe. Celui-ci ne porte que sur les actes réalisés par
les médecins libéraux, soit une dépense de 1141 M€ en 2008. ». Il semble donc que les
libéraux soient plutôt vertueux.
Enfin, la CC fait un amalgame honteux entre le niveau de rémunération des radiologues,
libéraux et hospitaliers, et le coût supposé pour la société de l’imagerie en coupe. La CC nous
propose l’équation simpliste suivante : comme un radiologue hospitalier « gagne » 83000 €
alors qu’un radiologue libéral gagne 202000 €, la radiologie hospitalière coûte moins cher.
Cette équation aurait au bac mérité un 0 pointé pour utilisation de données fausses et pour
erreur de raisonnement et ce pour au moins deux raisons :
- Depuis maintenant quelques années les radiologues se voient systématiquement, au
moins en public, attribuer la place de spécialité médicale la mieux rémunérée par le
gouvernement et affiliés (j’espérais que la CC ne fasse pas partie de cette catégorie),
l’assurance maladie, et les journalistes dépourvus d’esprit critique. Sans rentrer dans une
bagarre de chiffre entre les données gouvernementales émanant de la DRESS et celles de la
CARMF qui ont le mérite de ne porter que sur les radiologues et sur tous les radiologues, il
est certain qu'il ne s'agit pas de la spécialité la plus rémunérée. Le niveau de rémunération
qu’indique la CARMF est peut être sous-évalué mais il n’y aucune raison méthodologique,
contrairement à la méthodologie de la DRESS, que la hiérarchie indiquée par la CARMF soit
fausse. Or, depuis que la CARMF édite annuellement le niveau de revenus de ses adhérents
(soit la quasi-totalité des médecins), obtenu par la feuille d’impôt, les radiologues n’ont
jamais été en tête. La « pôle position » étant occupée en alternance par les biologistes, les
médecins nucléaires et les radiothérapeutes. Ainsi, en 2007, la CARMF crédite, secteur I et II
confondus, les radiologues de 132000 €, contre 160 000 € pour les biologistes et un peu plus
de 150000 pour les cardiologues et anesthésistes. Nous sommes très loin des 202 000 € !
- Dans son chapitre 2, la CC nous apprend qu' « une étude sur 20 établissements
volontaires, publics et privés (…) relève que la part de temps d’utilisation à pleine capacité
d’un scanner varie de 14 à 42 %, soit de 1 à 3 et que le nombre d’actes produits à l’heure est
compris entre 1,7 et 7,2. Des observations comparables sont faites sur les appareils d’IRM,
avec un nombre annuel d’heures de fonctionnement de l’IRM qui va de 676 à 3 674 heures et
avec un nombre d’actes par heure d’ouverture qui s’étend de 1,4 à 3,3 actes. »
Comme en parallèle la CC nous apprend que moins de 1% des appareils d'IRM libéraux sont
sous utilisés, on ne peut que conclure que la productivité la plus faible est trouvée dans le
secteur public.
Les chiffres donnés par la CC permettent donc de déduire que pour faire le travail d'un
radiologue libéral, il faut au moins deux radiologues hospitaliers. Le coût pour la société de
ces deux radiologues hospitaliers est donc de 2 X 83000 € plus les charges au minimum
250000 € contre 202000 € dans le libéral selon les chiffres surévalués de la DRESS. A cela
se rajoute, toujours selon les dire de la CC, le fait que, compte tenu des sommes alloués au
titre du forfait technique, un scanner ou une IRM sous utilisé est structurellement déficitaire.
Au total, les éléments chiffrés que nous donne la CC montrent que la radiologie hospitalière
est plus coûteuse pour la société que la radiologie libérale. Soit tout le contraire de ce qu’elle
tente de nous faire croire.
Certes, pour compenser la réalité des chiffres, la CC prétend que les actes réalisés par les
libéraux sont inutiles. Tous les médecins libéraux, dont les pathologistes, ainsi que leurs
patients sauront apprécier cette opinion pour le moins insultante. Et il ne s'agit bien que d’une
opinion que la CC ne prend même pas la peine de justifier.
En conclusion, le but que poursuit la CC est évident : Les radiologues sont les spécialistes les
plus nombreux. Ils sont donc la cible idéale pour récupérer un peu d'argent pour poser une
rustine de plus sur le « trou » de la sécu. Ce véritable hold-up étant justifié par des
affirmations mensongères mais qui, dans le contexte de crise actuelle, ne peuvent que trouver
écho auprès de la population. Il a de plus le mérite d'être plus simple à réaliser que de
s'attaquer aux vrais problèmes. Aujourd’hui, les radiologues libéraux, et demain ? Tous les
libéraux sans doute puisque nos gouvernants n’ont pas le courage d’affronter les syndicats
hospitaliers.
Alors certes, tout n'est certainement pas rose dans la radiologie libérale ni dans la médecine
libérale en général. Néanmoins, nous ne pouvons que nous élever contre les méthodes
gouvernementales actuelles, allant jusqu'à contaminer une institution comme la cour des
comptes et utilisant la désinformation comme outil au service d'une politique au jour le jour
qui conduira inévitablement à une destruction d'un système de santé qui, il y à peine plus de
10 ans avait été classé comme le meilleur du monde par l'OMS.