Ocean Indien juillet aout 2012
Transcription
Ocean Indien juillet aout 2012
madagascar De Diego-Suarez Lat. 12,5° Long. 49,2° à Nosy Be Texte : Yves HARDY & Photos : Séphane Francès Vous voilà prévenus, de Diego Suarez à Nosy Be en passant par les Tsingy rouges, les beautés de la région septentrionale se découvrent à un rythme tranquille - « mora mora » signifiant « doucement, doucement ». Autre atout majeur de la région, le sens de l’hospitalité des habitants, devenu légendaire, contribue à faire de ce territoire une destination de plus en plus plébiscitée par les touristes. 52 53 madagascar madagascar Charme d’antan à Diego Suarez La ville nordique au charme désuet, transpire la nostalgie. Est-ce dû à la noria de 4L jaunes, taxis locaux pimpants ou rafistolés, qui sillonnent la ville ou bien aux colonnades de la rue Colbert, jolis témoignages de l’architecture coloniale de jadis ? Ici, le temps semble s’être arrêté. Un peu à l’écart du centreville, la façade délabrée de l’imposant hôtel de la Marine renforce l’impression. Détruit par le cyclone Kamisy en 1984, il n’offre plus qu’un lointain souvenir de son faste d’antan. La nature a repris ses droits… des palmiers « sauvages » s’échappent de ce qui tenait lieu de fenêtres. Son surnom, « le Marine », rappelle que Diego a servi de port à la flotte française de l’océan Indien jusqu’en 1973. Les accords militaires devenus caducs, nos détachements de pompons rouges ainsi que la Légion étrangère ont plié bagage. Ce havre s’est alors transformé en chantier de constructions et de réparations navales. Depuis la place Joffre attenante, le panorama sur la baie de Diego, la plus grande au monde après celle de Rio de Janeiro, est spectaculaire. L’œil est aussi attiré par quelques navires échoués, comme cette épave d’un torpilleur anglais coulé lors de la Seconde Guerre mondiale qui continue à rouiller dans la rade… SUR LA PLAGE DE RAMENA L’ancienne ville de garnison a aujourd’hui des allures de puzzle humain. Rebaptisée Antsiranana, elle s’affirme comme la cité la plus cosmopolite de Madagascar. Là cohabitent dans la bonne humeur, autochtones antakarana (« Ceux des rochers ») et sakalava, une importante communauté de commerçants comoriens reconnaissables à leurs djellabas blanches et bleues, des descendants de tirailleurs sénégalais, d’inévitables émissaires chinois et un fort contingent de seniors français expatriés. Diego-Suarez n’a pas attendu l’arrivée 54 des navires tricolores pour s’ouvrir au monde. Dès le XVIe siècle, la quête de l’ambre attira des boutres arabes et une armada de pirates. Selon la légende, la région fut même au XVIIe siècle la terre d’élection d’une éphémère utopie libertaire, la « République de Libertalia », fondée par un aventurier français, le capitaine Misson. A la tombée de la nuit cependant, la ville s’arrache au culte du passé et s’anime tout autour du Grand Hôtel. Les bars s’improvisent en discothèques. Parfois jusqu’au bout de la nuit. 55 madagascar madagascar Un spot unique au monde ! La mer d’Émeraude… un bijou ! On rejoint le littoral par une mauvaise route défoncée qui conduit dix-huit kilomètres plus loin au petit port de pêche alangui de Ramena. Seules les femmes s’activent en ce début de matinée. Quelques unes réparent les filets de pêche, d’autres tentent de vendre un petit lot de poissons. La plupart ont le visage couvert d’un « masque » à base d’argile. Une curiosité qui suscite des interrogations. « Il me protège du soleil et éclaircit mon teint », nous assure Tania, que nous questionnons sur l’origine de cette pratique. Ses copines, plus coquettes peut-être, arborent des dessins de fleurs sur les joues et le front : 56 un vrai masque de beauté. Tout sourire, elles confient : « Nous le réalisons avec une plante qui provient d’Anjouan, une île de l’archipel des Comores. » Une parure naturelle qui rehausse encore des traits gracieux. Sur la plage attend notre piroguier. Il nous conduit sur l’îlot Suarez posé au milieu de la sublime et bien nommée mer d’Émeraude. C’est une symphonie envoûtante de bleus et de verts d’une pureté saisissante qui invite à la baignade. Nous prolongeons ce moment inoubliable par un festin succulent : un barbecue de poissons-perroquets pêchés quelques minutes plus tôt au harpon. 57 madagascar madagascar Les Tsingy rouges patrimoine naturel et historique Descente vers la côte ouest par la Route Nationale 6, en marquant une pause à Ambilobe, histoire de remonter le temps. C’est en fait là que siège le roi Tsimahiro III, ancien gendarme. Il perpétue la fierté des Antakaranas, qui au XIXe siècle ont opposé une résistance farouche au peuple dominant des hauts plateaux, les Merinas. Dans sa maison, le souverain conte volontiers l’histoire de son royaume et exhibe ses trophées : un bicorne remis à ses ancêtres par Louis-Philippe et un sabre offert par le président Sadi Carnot. Aujourd’hui les pouvoirs du « roi » sont plus symboliques que 58 réels, mais il reste un notable reconnu dont la voix porte lorsqu’il lui faut défendre les « terres sacrées » que des étrangers voudraient accaparer. Certains des prédécesseurs du roi Tsimiraho III sont enterrés dans le massif de l’Ankarana où se trouvent d’étonnantes forêts stalagmites, les Tsingy rouges. Au XIXe siècle, le roi Radama Ier buttera contre ces défenses inexpugnables, ce labyrinthe abritant aussi de nombreuses grottes qui servaient de refuge aux combattants locaux. Aujourd’hui, du côté des Tsingy rouges, l’ambiance est nettement plus pacifique. Au coucher du soleil, cette formation rocheuse originale composée de grès, marne et calcaire, sculptée par les pluies et l’érosion éolienne, hésite entre les teintes ocre et les reflets irisés. Un site magique et un spectacle à ne pas manquer. On se remet de ses émotions à l’Iharana Bush Camp voisin, un campement de brousse insolite et charmant. Les huit « cottages » ou « cabanas », dispersés au bord d’un lac, sont construits dans la plus pure tradition de l’habitat malgache : murs en torchis, toits de palme et cloisons végétales. Une véritable immersion - sans télévision - dans un cadre naturel remarquable. A 100 kilomètres plus au sud la région d’Ambanja est l’occasion de se familiariser avec un monde rural aussi méconnu qu’attachant. Depuis quelques mois, des communautés paysannes reçoivent les visiteurs le temps d’un déjeuner au village. Et à chaque fois, les produits du terroir, de la vanille au poivre, tout comme l’artisanat local sont au rendez-vous. Ils améliorent l’ordinaire de ces ruraux aux revenus modestes (voir encadré). 59 madagascar madagascar ©Stéphane Portier LE LAC ANJAVY L'IHARANA BUSH CAMP DONNE SUR UN LAC SPLENDIDE, FACE À UN MASSIF DE TSINGY, PRÈS DU PARC NATIONAL DE L'ANKARANA, À QUELQUES ENCABLURES DU FLEUVE MAHAVAVY. RIEN DE TEL POUR RETROUVER LA SÉRÉNITÉ DES GRANDS ESPACES. SA SITUATION PERMET DE NOMBREUSES EXCURSIONS AUX ALENTOURS... LA DÉCOUVERTE DE VILLAGES, L'EXPLORATION DU FLEUVE, DES RANDONNÉES PÉDESTRES, LA VISITE DES GROTTES OÙ SE TROUVENT LES SÉPULTURES DE L'ETHNIE QUI PEUPLE LA RÉGION, LES ANTANKARANA. IL EXISTE D'AILLEURS DE MULTIPLES "FADY" ("INTERDITS" OU "TABOUS") COMME PARTOUT DANS L'ÎLE, LIÉS À DE VIEILLES SUPERSTITIONS. LIEUX SACRÉS, LE PARC COMME LES GROTTES NE SONT PAS ÉPARGNÉS. AINSI, NE VOUS AVISEZ NI DE MANGER DU PORC, DU SANGLIER OU ENCORE DU VOANJOBORY (SORTE DE POIS CHICHE) DANS LE PARC, NI D'Y FAIRE VOS BESOINS. POUR CE QUI EST DES GROTTES, L'ACCÈS EST REFUSÉ AUX FEMMES AYANT LEURS RÈGLES. IL Y A TANT D'ANECDOTES À RACONTER, LE SOIR, À LA LUEUR DE TOUTES CES LANTERNES COMME AUTANT D'ÉTOILES QUI ENCHANTENT L'IHARANA BUSH CAMP. QUE LA MAGIE SOIT ! ET LA MAGIE FUT... 60 61 madagascar À chacun son Nosy Be Le port d’Ankify, à proximité d’Ambanja, est le point d’embarquement vers des destinations paradisiaques. Au choix, vous pouvez opter pour l’Eden Lodge, qui mérite bien son nom, ou la destination phare, l’île de Nosy Be. Ou mieux encore, goûtez successivement aux deux. L’Eden Lodge, situé sur la Grande 62 madagascar Ile, n’est accessible que par bateau. Un gage de tranquillité que la seule intrusion d’une tortue géante peut perturber ! Les huit lodges de luxe, comme le bar et le restaurant, sont disséminés sur la plage parmi de majestueux baobabs plusieurs fois centenaires. Cet Écolodge de luxe possède une particularité remarquable : c’est le 1er hôtel du monde 100 % solaire ! Pas surprenant qu’il ait été aussi le premier hôtel à recevoir en 2011 la certification « Green Globe », synonyme d’excellence en matière environnementale. On croise les pirogues à balanciers des pêcheurs avant d’atteindre l’île de Nosy Be. Surnommée, l’île aux parfums, elle exhale les senteurs de l’ylang-ylang, de la vanille et de multiples épices. Ses plages de rêve invitent au farniente et la température de l’eau, qui avoisine les 28 degrés, est un argument de choix pour qui souhaite par exemple s’initier à la plongée. L’îlot de Tany Kely pour cela est idéal. Vêtu d’une combinaison, lesté d’une ceinture de plomb, plus deux bouteilles dans le dos, nous descendons très vite et sans appréhension jusqu’à sept mètres, où évoluent nullement perturbés par notre présence, rascasses, mérous, tortues de mer et raies. Une bande d’oursins daigne néanmoins nous saluer, toutes antennes hérissées… A 40 MILES DU PORT DE NOSY BE, LE TSARABANJINA CONSTANCE LODGE EST L’UN DES PARADIS DE L’A RCHIPEL DES MITSIO 63 madagascar Les plongeurs plus expérimentés auront le loisir d’admirer à d’autres profondeurs de magnifiques buissons de corail, et d’approcher des poissons lions, des langoustes, voire des requins léopards. A Nosy Be, un détour par le marché s’impose, le temps de flâner entre les pyramides de savoureux litchis de couleur rouge écarlate, qui contrastent avec les bacs de vase ou grouillent des colonies de crabes de mangrove. À deux pas, les stands de mangues fraîches pansues rivalisent avec d’élégantes piles de bâtons de vanille séchée. Si vous souhaitez échapper à la foule, partez à la découverte de la flore et de la faune locale de la réserve de Lokobe, où vivent des milliers de caméléons. Madagascar recèle les deux tiers des 64 madagascar espèces connues dans le monde. Du plus grand qui peut atteindre 70 cm au plus petit, le Brokesia minima, d’à peine 2 centimètres. Et surtout, bienvenue en « Lémurie » ! Car ici, 90 % des lémuriens de la planète, diurnes et nocturnes, s’en donnent à cœur joie. On compte une bonne trentaine d’espèces. Ils vous fixent de leurs grands yeux étonnés, avant de sauter de branche en branche avec une incroyable dextérité. Nosy Be est aussi surnommée « l’île aux parfums ». Appellation méritée à en juger par les nombreuses plantations de vétiver, de vanille, de poivre… et en particulier d’ylang-ylang. Visitez la société des produits à parfums de Madagascar (SPPM), temple olfactif qui exporte une bonne part de sa production vers Grasse. Riaz Barday, le PDG est un industriel karane, d’origine indienne. C’est un fidèle de Gandhi dont le portrait est affiché dans l’entrée de l’usine. Des groupes de femmes se succèdent bientôt et déposent au sol des sacs de pétales de 10 à 14 kilos. Chaque sac est pesé, puis les fleurs sont séchées. La distillation peut alors commercer. « 500 kilos de fleurs immergées dans 300 litres d’eau, nous précise Riaz, sont nécessaires pour produire 12,5 litres d’huile essentielle », au terme de 12 heures de passage dans un vieil alambic. « Je crois pouvoir dire, reprend-il, que nous produisons la meilleure qualité d’huile essentielle d’ylang-ylang de Madagascar, en raison des riches terres volcaniques de Nosy Be. » Il ne vous reste plus qu’à vous rendre à la boutique pour acquérir un modeste flacon du précieux et envoûtant parfum. À l’heure de la pause, on apprend que la petite Nosy Be n’a pas encore sacrifié ses côtes aux 5 étoiles. « C’est notre nature qui est cinq étoiles » disent à juste titre les autochtones. Elle propose en conséquence une succession d’hôtels de charme tels que le Royal beach, l’Heure Bleue, la Maison des Parfums, les Boucaniers, l’Amarina ou le Nosy Lodge, situés sur la plage d’Ambondrona. 65 madagascar madagascar On aime : les Tsingy rouges à la tombée de la nuit. Pratique : pour vos déplacements aériens intérieurs - Diégo-Suarez / Nosy Be - vérifiez que votre billet d’avion vous garantisse un embarquement effectif, car le serveur informatique de la compagnie Air Madagascar n’est pas toujours très fiable. A faire absolument : à environ 30 km d’Ambilobe, au village d’Andranonakoho, vous aurez l’occasion d’admirer des gemmes bleutées à l’état brut. Des boutiques y vendent légalement, bijoux et parures de pierres précieuses. A noter : attention aux mokafohy (prononcer « moucafouille »), petites mouches friandes de votre épiderme qui apprécient certaines plages de Nosy Be. En appliquant du citron vert ou de la citronnelle sur les piqûres, vous limiterez les démangeaisons. A savoir : « Papillons de nuit », sortez couverts ! Le « vazaha » (étranger), dont le pouvoir d’achat est sans commune mesure avec les revenus locaux, suscite toutes les convoitises. La frontière est souvent ténue entre une (possible) histoire d’amour et les classiques relations sexuelles tarifées. L’EDEN LODGE, SITUÉ SUR LA POINTE D’A NJANOJANO, EST ACCESSIBLE À 30 MN EN BATEAU DEPUIS NOSY BE Cabotage d’un paradis à l’autre ©Marco Casiraghi Nosy Be est la partie du territoire malgache 66 qui attire le plus grand nombre de touristes au kilomètre carré. Les îles environnantes en revanche fournissent des refuges de rêve. Ainsi, à Nosy Komba, quelques jeunes ont réussi à se maintenir sur l’île en construisant des embarcations traditionnelles dans des troncs de jacquier et d’albizia. Côté hébergement local, mention particulière au Tsara Komba. A flanc de colline, fondus dans un jardin tropical, la maison principale servant aussi de restaurant et six lodges de grande taille avec terrasse face à l’océan donnent directement sur une belle plage de sable blanc. Mobilier en bois traditionnel, lit à baldaquin et décoration raffinée. C’est un lieu magique où tout respire l’harmonie, le calme et la beauté de la nature. La cuisine mêle avec brio saveurs d’Orient et d’Occident. Pensez à réserver votre table à l’avance. Autres îles, même plaisir. Pourquoi ne pas se laissez tenter par un plaisant cabotage d’île en île, avec bivouac au gré de vos envies ? Par exemple, en planifiant une première halte à Nosy Iranja, célèbre pour ses plages de sable d’or ombragées de filaos. Puis un deuxième arrêt dans l’archipel des Mitsio où les adeptes de plongée apprécieront la richesse des fonds coralliens. Là encore, un hôtel enchanteur, le Constance Lodge Tsarabanjina, doté de vingtcinq bungalows en bois de rose, trône au milieu d’une végétation luxuriante. Pour continuer à jouer les Robinson Crusoé – un brin privilégiés - dans une île à l’écart de tout. 67