16 44 38 28 - Guide Gai du Québec

Transcription

16 44 38 28 - Guide Gai du Québec
1
17 mai
Journée internationale
contre l’homophobie
2
Sommaire
Éditorial
…6
Actualités
…8
Janik Bastien-Charlebois
…16
Paroles d’étudiantes
…20
Vanessa Rodrigues
…24
Hélène Bédard (F.L.A.G.)
…26
Zanale Muholi
…28
Livres
…36
atelier b.
…38
Ariane Moffatt
…44
Critique musique
…46
Artsida
…48
Calendrier …50
AutoStraddle
…54
Photos sorties
…55
Coiffure Lorane
…56
Cabanes à sucre
…58
Recette
…62
Vin
…64
4
16
28
38
44
Éditrice :
Ginette Lauzon
[email protected]
Éditorial
Éditorial
Directrice artistique :
important rattrapage réalisé par les femmes et l’ensemble de la société
québécoise depuis que l’Assemblée nationale avait décidé en 1968 de geler les
frais de scolarité dans une perspective de gratuité scolaire et de créer le réseau
de l’UQ.
Carolina Ramirez
[email protected]
Collaboratrices :
Sophie Delorme, Vanessa Girouard,
Shawn Thompson
[email protected]
Réviseure :
Monique Désy-Proulx
Ventes :
Joanne Ansell (Montréal, Montérégie et Estrie)
(514) 903.1782
Grace Arnaudo (Montréal, Montérégie et Estrie)
(514) 903.5537
Christine Brindamour (Laval, Laurentides,
Lanaudière, Ottawa et Gatineau)
(514) 442.0606 - (613) 238.3873
Maude Desjardins (Québec, Centre et Est du
Québec)
(581) 983.1083
Madeleine Parent serait dans la rue...
Comme nous toutes !
La rédaction
Si elle en avait eu la force, si elle était toujours parmi nous, la célèbre féministe, véritable
pasionaria de la justice sociale depuis les années 1930, serait aujourd’hui dans la rue ou
sur une tribune aux côtés des étudiantes et étudiants qui se battent contre la hausse des
frais de scolarité. Comme elle n’avait pas hésité à le faire en 1990, quand le mouvement
étudiant avait combattu le premier dégel des frais de scolarité depuis 1968.
Crédit photo de la une :
Gabrielle Sykes
couverture :
Janik Bastien-Charlebois
Entre Elles
est une division d’Elles Média
Tél. : (514) 903.5537
Toute reproduction en tout ou en partie de cette publication est
strictement interdite sans l’autorisation de l’auteur de l’article ou
du photographe. ISSN 1709-4755
Adresse postale
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Montréal, QC H2L 4V2
6
Madeleine Parent n’aurait pas manqué de
rappeler comment dès ses études à l’Université
McGill à la fin des années 1930, alors qu’elle
faisait partie des rares femmes à accéder aux
études universitaires, elle militait pour que des
bourses soient accordées aux enfants des familles
défavorisées. Tout comme elle avait été parmi
nous pour la Marche du Pain et Des Roses en
1995; tout comme elle avait été avec nous pour
revendiquer l’accès égal au mariage pour les
lesbiennes et les gais en 2003.
À sa mémoire, Lise Payette a rappelé, dans sa
chronique dans les pages du Devoir daté du 16
mars dernier, comment l’accessibilité aux études
postsecondaires était un acquis important qui a
permis aux femmes comme à l’ensemble de la
société québécoise d’avancer. À cet égard, elle
a rappelé comment sa mère avait dû faire des
ménages pour lui permettre de poursuivre des
études que son père ne jugeait pas nécessaire
« pour changer des couches ».
Lise Payette a poursuivi en dénonçant les choix
du gouvernement Charest qui n’hésite pas à
gaspiller les fonds publics dans un amphithéâtre
ou un Plan nord dont la rentabilité est mise
sérieusement en doute (si ce n’est pour ses amis!),
plutôt que de faire avancer la gratuité scolaire,
se déclarant de tout c’ur avec les mouvement
étudiant.
Grâce aux luttes des femmes du siècle dernier,
notre condition comme femmes et lesbiennes a pu
avancer grandement. Si peu de femmes avaient
accès aux études supérieures il y a à peine 50 ans…
Aujourd’hui nous sommes maintenant majoritaires
sur la plupart des campus, même si nous
demeurons souvent cantonnées dans les secteurs
d’études reliés aux emplois traditionnellement
féminins et la plupart du temps moins bien payés.
Les lesbiennes ont souvent été parmi
les pionnières à étudier dans des secteurs
traditionnellement masculins. Il s’agit d’un
Comme nos salaires demeurent moins élevés que celui des hommes, toute
hausse des frais de scolarité nous pénalise encore plus. Quand le gouvernement
Charest clame que « les étudiants doivent faire leur juste part » en acceptant
une hausse de 75% des frais de scolarité, il « oublie » ce léger détail dans son
démagogique calcul des coûts de l’université3: si son calcul prévoit les salaires des
personnels, il « oublie », à des fins de propagande, que pendant leurs études, les
étudiantes et étudiants ne vivent pas de l’air du temps, qu’ils et elles se privent
de revenus d’emploi pendant des années, que les moins fortunés s’endettent le
plus souvent pour étudier…
Les « oublis » du gouvernement Charest
Il s’agit déjà là d’un « investissement » important « dans son capital
humain » dont ce gouvernement ne tient aucunement compte pour réduire
la seule contribution étudiante aux frais de scolarité… comme si on ne faisait
qu’acheter un diplôme.
Au-delà de ces questions économiques, c’est la conception même de
l’université qui est menacée. Car la seule logique d’une hausse brutale des
frais de scolarité est d’accentuer la pression du marché du travail sur les futures
étudiantes et étudiants.
Cela s’accompagne d’une présence et d’un contrôle de plus en plus grands
des entreprises dans tous les domaines de recherche, ce qui profile une université
de plus en plus loin du savoir et de plus en plus tournée vers la seule rentabilité.
C’est ce qu’on appelle la marchandisation de l’éducation où les étudiantes et
étudiants deviennent des clientèles, les fameux « utilisateurs-payeurs ».
On comprend très bien dans ce contexte la difficulté de développer des études
féministes ou des études gaies et lesbiennes jugées « non prioritaires » et pourtant
absolument nécessaires pour former ceux et celles qui devront intervenir demain
pour corriger les discriminations séculaires.
À ce jour, le gouvernement ne répond aux manifestations étudiantes que par
la violence et ose se surprendre que celle-ci donne lieu à des débordements. À
nous de lui répondre en étant solidaires de la lutte étudiante qui vise d’abord et
avant tout à défendre un acquis des plus importants de la Révolution tranquille,
l’accessibilité aux études supérieures, que les gouvernements libéraux au service
de leurs amis dans les chambres de commerces, attaquent depuis plus de 20
ans. À notre tour d’être solidaires comme toutes ces femmes qui se sont battues
pour les droits que nous avons acquis et qui sont de nouveau attaqués par ces
gouvernements néolibéraux et conservateurs.
Sahar Shafia
Actualités nationales
AU MUSÉE DE
LA CIVILISATION
© Peter Morneau.
© Georges Seguin (Okki)
© Arnaud Baty
Récompense
Musique
Intimidation
Fabienne Larouche,
prix contre l’homophobie 2012
Et Ariane parla…
Line Chamberland participe
à une étude nord-américaine
L’organisme parle de la manière « habile »
utilisée par Fabienne Larouche pour « intégrer les
réalités homosexuelles dans son œuvre, en mettant
en scène des femmes lesbiennes et des hommes
gais dans leur vie quotidienne, comme c’est le cas
dans la vraie vie ».
Fabienne Larouche recevra ce prix le 7 mai. Cette
récompense est remise chaque année depuis dix ans,
dans le cadre de la Journée internationale contre
l’homophobie qui a lieu chaque année le 17 mai.
8
Ce n’était plus vraiment un secret depuis qu’elle
avait présenté son amoureuse lors du Gala de
l’ADISQ en 2009, mais Ariane Moffatt a profité de
son passage à Tout le monde en parle, le 26 février,
à l’occasion de la sortie de son nouveau disque
pour parler pour la première fois publiquement de
son homosexualité.
L’Univers de
Michel Tremblay
À QUÉBEC - DÈS LE 14 MARS
Véritable hommage à l’homme de théâtre, cette installation
multimédia, inspirée de ses personnages les plus colorés et
du quartier qu’ils ont habité, illustre l’ampleur de l’œuvre
de ce grand dramaturge et romancier québécois.
La professeure du département de sexologie va
collaborer à une étude visant à mieux comprendre
le phénomène de l’homophobie en milieu scolaire.
« J’avais envie d’être entière, a-t-elle affirmé. Je
ne voulais pas (jusqu’à maintenant) être associée
uniquement à mon orientation sexuelle. Ça me
touche d’en parler car il n’y a pas beaucoup de
modèles féminins. »
Cette étude consistera notamment à évaluer les
méthodes efficaces pour combattre l’homophobie
dans ces établisements. « Elle rendra possible le
repérage et la diffusion des bonnes pratiques
pour lutter contre l’intimidation homophobe et
surtout l’examen des facteurs qui favorisent une
implantation réussie lorsqu’on les introduit dans
d’autres écoles », explique Line Chamberland.
Elle avait déjà évoqué Florence Marcil-Deneault
qui partage sa vie, « mais le grand pas n’avait pas
encore été entièrement fait », a-t-elle reconnu. Elle
a affirmé apprécier que les médias aient respecté le
rythme de sa démarche.
Le travail est financé à hauteur de deux millions
de dollars sur cinq ans par les Instituts de recherche
en santé (IRSC) du Canada. Les résultats serviront
aux recherches effectuées sur les sujets par la
Chaire contre l’homophobie.
Avec la collaboration
Photo : Tony Hauser
La scénariste et productrice québécoise
succèdera à Xavier Dolan pour cette récompense
remise chaque année par la Fondation Émergence.
L’organisme basé à Montréal met en avant le travail
de l’ancienne journaliste dans la représentation
des GLBT à la télévision.
présente
WWW.MCQ.ORG
85, RUE DALHOUSIE - 1 866 7 10-8031
Le Musée de la civilisation est subventionné par le ministère de la Culture,
des Communications et de la Condition féminine.
9
Actualités nationales
© Mathieu Rivard
© A.A.
© abdallah
Assemblée Nationale
Village
Trans
Djemila Benhabib amère
Aires libres menacé ?
Recherche sur le vieillissement
L’essayiste québécoise Djemila Benhabib,
auteure de Ma vie à contre-Coran , n’a pas apprécié
les tractations politiques menées par les députés du
Parti Libéral du Québec concernant l’adoption, par
l’Assemblée Nationale, début mars, d’une motion
dénonçant l’intimidation à l’égard des personnes
qui critiquent les intégristes religieux.
Le président du conseil d’administration de la
SDC du Village, Denis Brossard, est intervenu lors
du conseil de l’arrondissement Ville-Marie du 6
mars pour dénoncer l’intention de l’administration
Tremblay de réduire la durée et l’espace dévolu à
l’événement estival Aires Libres, durant lequel une
partie de la rue Sainte-Catherine est rendue piétonne.
L’équipe de recherche du département de
sexologie de l’Université du Québec à Montréal mène
depuis un an une vaste étude sur le vieillissement et
l’état de santé des transsexuels et des transgenres.
La motion avait été déposée par la députée
péquiste d’Hochelaga-Maisonneuve Carole Poirier et
portait expressément le nom de madame Benhabib
comme victime d’intimidation. Les libéraux ont refusé
de l’adopter comme tel, revenant le lendemain avec
un texte dans lequel l’appellation « toute personne »
était préférée.
Les trois orientations envisagées consistent
concrètement à réduire d’une semaine (au début et
à la fin) l’événement, diminuer de 25 % du nombre
de places assises sur les terrasses et surtout réduire
la distance de la rue piétonne pour en exclure la
portion comprise entre Berri et Amherst.
Pour madame Benhabib, « les libéraux sont
tièdes à l’idée de montrer du doigt les intégristes.
On sent que ce n’est pas leur combat. »
10
Le maire Gérald Tremblay, qui a avancé des
raisons de sécurité, a affirmé que les discussions
se poursuivaient. On devrait en savoir plus au cours
du mois d’avril.
L’équipe est dirigée par Line Chamberland « C’est
la première fois au Québec et probablement au
Canada qu’une équipe universitaire se penche sur
ces questions », dit-elle.
Les chercheurs s’attardent aux conditions de
vie, à l’état de santé et aux problèmes particuliers
auxquels peuvent faire face les trans qui ont atteint
l’âge de la retraite.
Les résultats préliminaires de cette vaste enquête
seront dévoilés à Ottawa le 23 mars lors de la
conférence 2012 de l’Organisme Santé Arc-en-ciel
Ontario (20-23 mars).
11
Actualités Internationales
© Princess stand in the rain
© Leandro’s World Tour
© Wikipedia / Manfred Werner - Tsui
Zoologie
ONU
Annie Lennox
Le secret des singes bonobos « lesbiennes »
Un débat pro-LGBT crée des remous
Pas assez féministes les gais ?
Dans une étude publiée dans la revue Scientific
Reports, les chercheurs Zanna Clay et Klaus
Le 7 mars dernier, l’ONU a tenu un conseil sur
la question de la reconnaissance des droits des
homosexuels et des transgenres. La présence de
l’Organisation de coopération islamique et de
plusieurs pays africains a donné un ton tumultueux
à ce débat abordé pour la première fois par le
Conseil des droits de l’homme.
Annie Lennox, chanteuse et icône des années
80, fermement engagée dans la cause féministe,
a affirmé, dans une récente entrevue au Guardian
qu’elle regrettait que les homosexuels se soucient
si peu de la cause féministe. Zuberbühler ont cherché à mieux comprendre les
relations « lesbiennes » entre bonobos. L’observation
de trois groupes dans leur milieu naturel en
République Démocratique du Congo a ainsi permis
de montrer que les relations sexuelles entre ces
femelles représentent un outil de pouvoir social.
Ainsi, toutes les femelles en bas de l’échelle
hiérarchique interagissent sexuellement entre elles,
alors qu’il n’en va pas de même pour les femelles
haut placées. Les chercheurs ont par ailleurs
observé que les sons émis par les femelles bonobos
gagnent en puissance quand elles se trouvent en
présence de la femelle alpha.
12
L’organisation tenait une session à Genève
précisément axée sur la question de la
discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Ban
Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, a ouvert
la discussion avec un discours rappelant que le
moment d’agir était venu. « Laissez-moi dire à ceux
qui sont lesbiennes, gais, bisexuels ou transgenres :
vous n’êtes pas seuls », a-t-il ajouté.
« Je voudrais les voir intégrer le combat. Le
féminisme est une cause magnifique qui n’exclut
pas les hommes », explique celle qui s’est aussi
impliquée dans la lutte contre le sida. « Ne pas être
inclusif envers tous peut sembler agressif pour la
popultion », ajoute-t-elle.
Les gais ont tout à y gagner, indique l’artiste. « Je
pense que le mouvement a pu perdre en popularité
à cause de certains discours radicaux par le passé »,.
Actualités Internationales
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États-Unis
Religion
Saint-Pétersbourg
Une juge lesbienne refuse de marier
les hétéros L’Église catholique agit contre le mariage gai
Le projet de loi homophobe adopté
L’exemple est venu d’en haut. Le 9 mars,
Benoît XVI, recevant une délégation d’évêques
américains, s’en est implicitement pris au mariage
pour les lesbiennes et les gais. Évoquant « la crise
contemporaine du mariage et de la famille », il
s’est dit conscient que « des courants politiques
et culturels puissants cherchent à modifier la
définition légale du mariage ».
Vingt-neuf voix pour, cinq contre et une
abstention : le 29 février, les députés de SaintPétersbourg ont largement voté en faveur du projet
de loi homophobe.
Dans les heures qui ont suivi, les religieux
catholique du Royaume-Uni (où le mariage pour les
couples de même sexe pourrait être bientôt légalisé)
ont pris le relais du Vatican. Une lettre contre cette
reconnaissance des droits des homosexuels, signée
par l’une des plus hautes autorités du pays, a été
lue dans quelque 2.500 églises lors de la messe.
Le texte prévoit que toute personne faisant
publiquement la « promotion de la sodomie, du
lesbianisme, de la bisexualité et du transgendrisme »
à des mineurs sera condamnée à une amende allant
jusqu’à 3.000 roubles (103 dollars canadiens). Le
montant peut aller jusqu’à 50.000 roubles (1.700
dollars) pour les organisations LGBT.
C’est une autre manière de protester contre la
discrimination vécue par les LGBT américains. Une
juge lesbienne de l’État du Texas aux États-Unis,
Tonya Parker a décidé de poser ce geste pour,
dit-elle, « donner une leçon sur l’inégalité de la
législation sur le mariage dans cet état »
La magistrate a décidé de référer les couples
hétérosexuels qui veulent se marier à d’autres
juges : « Je suis désolée, leur déclare-t-elle. Je ne
célèbre pas de mariage parce que nous sommes
dans un état qui ne reconnaît pas l’égalité du
mariage, et jusqu’à ce qu’il le fasse, je ne vais pas
appliquer à un groupe de personnes une loi qui ne
s’applique pas à un autre ».
14
En novembre dernier, le texte avait été présenté
en première lecture devant le Parlement local, puis
une deuxième fois au début du mois de février.
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15
Société
Janik Bastien-Charlebois La prof qui monte
Vanessa Girouard
Professeure au département de sociologie de l’UQÀM, Janik Bastien-Charlebois fait partie de la relève dans la recherche universitaire
sur les réalités LGBT, notamment l’homophobie en milieu scolaire. Féministe et lesbienne affirmée, militante au GRIS-Montréal, son
parcours et son profil rappellent ceux d’une autre grande figure dans ce domaine, Line Chamberland.
Née au beau milieu des années 1970, Janik Bastien-Charlebois a dû faire
face à la « différence » et à une certaine forme de violence. Venue au monde «
avec un corps considéré comme sexuellement ambigu, la pression sociale [l’]
a amenée, à 17 ans, à passer par le processus d’intersexuation, une machine
à normaliser le corps ». Habituellement, ce processus impose cette chirurgie
dès l’enfance, « contre le consentement des principaux intéressés, le tout sous
le prétexte d’une urgence psychologique, celle des parents ».
Selon la chercheuse, un tel sentiment d’urgence apparaît souvent suite aux
pressions du corps médical et les incertitudes autour d’une possible prévalence
sexuelle chez le bébé. Ils se baseraient alors sur l’idée que l’enfant détient un
sexe véritable et qu’ils peuvent l’identifier. Dans ses travaux de recherche à
venir, Janik Bastien-Charlebois veut « questionner l’oppression que cela exerce
sur les personnes dont les sexes sont considérés comme étant inadéquats ».
Ce tabou sociétal et l’invisibilité qui en découlent sont ainsi devenus deux de
ses chevaux de bataille.
La lutte contre l’homophobie en constitue un autre. Arrivée au GRIS-Montréal
(Groupe de Recherche et d’Intervention Sociale) en 1998, la jeune femme se
propose pour occuper le poste de coordonnatrice de la recherche. « J’ai été
élue grâce à un vote par acclamation. J’avais alors très peu d’expérience,
16
j’étais en train de terminer ma maitrise, bref dans ma petite bulle. J’avais juste
ma passion pour m’animer ». Elle occupe son poste jusqu’en 2003, quand son
doctorat devient la priorité, tout en restant dans le même domaine.
Et une journaliste se lève…
Son sujet de doctorat (sorti depuis en livre*) se présente pourtant un peu
« de façon fortuite », en assistant à la conférence du professeur Michel Dorais
et de Simon Louis Lajeunesse sur l’étude Mort ou fif. Une journaliste se lève,
visiblement irritée, pendant la période des questions/réponses : « Il faut se
rendre à l’évidence, tout ça fait partie du développement identitaire des
garçons ».
L’idée « d’étudier les perceptions que les garçons ont des gais en prenant
pour point de départ leurs propres mots, leurs propres associations d’idées et
leurs propres expériences » prend forme dans l’esprit de la chercheuse. Janik
Bastien-Charlebois veut surtout remettre en question la tendance à naturaliser
les comportements homophobes, en creusant pour savoir si ceux-ci prennent
leur source dans leur nature profonde ou dans une socialisation.
Pour celle qui est aujourd’hui professeure au département de sociologie de
l’UQÀM, associée à la nouvelle Chaire de recherche sur l’homophobie (dirigée
© Gabrielle Sykes
17
Société
© Gabrielle Sykes
par Line Chamberland), le lien entre sexisme et homophobie est évident. À
travers les insultes homophobes, les garçons tendraient à dissocier les gais de
la catégorie « homme », en les relayant à celle des « femmes », notamment en
raison de comportements jugés plus « féminins ».
Pas de Quatrième dimension
« Si on leur demande de ne plus les utiliser, c’est comme si on leur disait qu’on
allait leur arracher les dents, raconte l’universitaire. Ils soutiennent qu’il s’agit
seulement d’expressions, mais en creusant, il devient clair que, pour eux, les
« tapettes » et les « fifs » ne représentent pas le symbole de la masculinité. En
touchant au sexisme qui se situe en dessous, on parvient à toucher tout le
monde ».
Selon Janik Bastien-Charlebois, les remarques ou les comportements
homophobes sont fréquents à l’extérieur des murs de l’école, tant dans les
équipes sportives que chez un oncle ou une tante. « L’école n’est pas une
Quatrième dimension. Oui, c’est un petit univers, mais pas totalement détaché
de l’univers social global. Les groupes à l’école qui se font écœurer sont des
18
groupes qui se font écœurer également dans la société. Cela démontre une
continuité ».
Ses recherches, comme celles de ses consœurs et confrères nécessitent
de l’argent… mais pas à n’importe quel prix. Questionnée au sujet du
financement privé des universités publiques, problème notamment soulevé
suite à la pétition déposée par 70 professeurs de l’Université Laval à Québec,
la professeure en recherche et animation culturelle persiste et signe, en
se disant contre l’immixtion du privé dans le financement des universités
publiques.
Cette « vision entrepreneuriale des universités est à proscrire, notamment
pour la survie des domaines qui n’ont pas la ‘‘ cote ‘‘ en bourse (les domaines
pharmaceutique, économique, etc.) », déclare-t-elle, en arborant fièrement le
« carré rouge » cher aux étudiants grévistes.
* La virilité en jeu. Perception de l’homosexualité masculine par les garçons
adolescents (Éditions Septentrion).
Société
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Quels enjeux
pour les femmes ?
Vanessa Girouard
Le deuxième budget du ministre des Finances Raymond Bachand (2011-2012) fait couler bien de l’encre. Parmi celles et ceux qui
militent contre la tarification des services publics et l’augmentation des frais de scolarité, on retrouve les étudiantes, les femmes et les
groupes minoritaires ou marginalisés. Comment cette idéologie de l’« utilisateur-payeur » affecte-t-elle davantage les femmes et ces
différents groupes? Rencontre avec des militantes anti-tarification.
« Ce que le gouvernement fait avec sa hausse, c’est pénaliser les femmes déjà
désavantagées. Jean Charest rajoute un autre fardeau qui, pour plusieurs, sera
insurmontable. Et ce n’est pas tout : pour les jeunes mères de famille, la situation
est encore plus sombre », a affirmé amèrement Martine Desjardins, présidente de
la FEUQ, à L’Avantage. Le ton est donné.
Selon elle, une femme diplômée gagnera, en moyenne, 863.269$ de moins
qu’un diplômé masculin au cours de sa vie active. De plus, lors de leurs études,
« seulement 14% des stages obligatoires que doivent suivre les étudiantes sont
rémunérés contrairement à 55% chez les hommes », affirme-t-elle.
Les lesbiennes, deux fois plus affectées
Pour Myriam Djahnine, étudiante à la maîtrise en sociologie, cette tendance
lourde qu’ont les femmes à être désavantagées tire également son origine dans
l’histoire. « Dans leur construction sociale, [les femmes] se sentent responsables du
domestique. Cela fait en sorte qu’elles participeront moins à la course économique,
à la rentabilisation de leur carrière », avance-t-elle.
20
Cette situation à l’origine pernicieuse pour la femme est soulevée à un autre
niveau lorsque l’on aborde la question des lesbiennes. En effet, à entendre Myriam
Djahnine, il ne fait aucun doute que « deux femmes ensemble, cela ne donne pas
les ménages les plus riches au Québec ».
Katerine Martineau, étudiante au baccalauréat par cumul de certificat et militante
active dans la grève étudiante, partage cet avis. Les lesbiennes seront davantage
touchées par la hausse des frais de scolarité puisqu’elles sont « handicapées »
en raison de leur sexe et marginalisées par leur orientation sexuelle. « C’est
tout le principe d’intersectionalité. Plus on rajoute des couches, plus elles seront
défavorisées », par rapport à la masse dominante soulève-t-elle.
De son côté, Pascale Brunet, étudiante et membre du P!NK bloc, estime que
le gouvernement omet également de prendre en considération l’impact qu’aura
l’augmentation des frais de scolarité sur les plus vulnérables. Notamment, lorsqu’il
est question des LGBT « [venant] de familles où les relations avec les parents sont
brisées ou abimées à cause des enjeux [relatifs à] l’homophobie ». « Ça ne facilite
21
Société
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pas une belle intégration dans le milieu scolaire lorsque l’Aide financière considère
que tes parents donnent plus d’argent alors qu’en réalité, tu es en rupture de
famille », a-t-elle expliqué au magazine gai RG.
À bas la militance !
Pour Katerine Martineau, la militance reste nécessaire pour la conservation
des « acquis » obtenus par les luttes sociales, puisque le gouvernement
libéral « tente de restreindre les contestations sociales ». Le meilleur moyen
de parvenir à ses fins - c’est ce qui se passe actuellement, selon la militante
- consisterait à faire en sorte que les étudiant(e)s et étudiants, ainsi que la
population en général, n’aient plus le temps de remettre en question les
décisions gouvernementales.
22
Un salon accueillant
Des professionnels d’expérience
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« Plus tu dois travailler, moins tu as de temps ; moins tu as de temps, moins tu
milites ; moins tu milites, moins tu remets les choses en question ; moins tu remets
les choses en question, moins la société change ; moins la société change, plus le
pouvoir reste entre les mains de ceux qui ont toujours eu le pouvoir ; plus le pouvoir
reste à la même place, plus les choses restent de la même manière », détaille-t-elle.
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« Le temps c’est très important et c’est exactement ce que le capitalisme nous
enlève », affirme encore celle qui se dit pour la gratuité scolaire.
Le 20 mars, un troisième « budget Bachand » a été déposé, réitérant la « nécessité »
pour les contribuables de faire leur « juste part ». Pour plusieures, la contribution
existe déjà, par les taxes et impôts prélevés sur les produits consommés et les salaires.
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23
Société
Association LGBTQA Momo
Vanessa Rodrigues
a forcé la porte
La rédaction
À l’heure où il est beaucoup question d’intimidation scolaire et du mal-être des étudiants, certains jeunes n’ont pas attendu qu’on s’intéresse
à eux pour se retrousser les manches. Vanessa Rodrigues, 21 ans, en dernière année de sciences humaines au cégep de Montmorency, a mis
sur pied un groupe d’aide pour les jeunes LGBTQ de son établissement. Rencontre avec une jeune fille spontanée et dynamique.
Entre Elles. En quoi consiste l’association LGBTQA Momo ?
Vanessa Rodrigues. Ça s’appelle LGBTQA parce que ce n’est pas juste
ceux de la communauté qui font partie du groupe, mais aussi les amis (le A)
qui nous soutiennent. C’est une place d’écoute, d’entraide où les personnes
qui ont vécu une sortie du placard ou non, qui vivent facilement ou non leur
sexualité, peuvent poser des questions, venir nous parler. Si les gens ne sont
pas prêts à dire ouvertement ce qui se passe dans leur vie, ils peuvent écrire
à une adresse courriel anonyme, demander des conseils sans jugement. Selon
les membres qui auront rejoint la cause, j’aimerais aussi faire des soiréescauseries pour qu’on apprenne à se connaître.
Entre Elles. Depuis combien de temps l’association existe-t-elle ?
V.R. Le projet a été finalisé fin janvier. Je travaille dessus depuis le 17 mai
dernier. Ce jour-là, je m’attendais à voir quelque chose à Montmorency pour la
journée [mondiale de lutte contre l’homophobie]. Mais il n’y a eu absolument
rien et ça m’a fâchée. Les pancartes étaient encore dans les boîtes. J’ai été voir
le syndicat et j’ai dit « à partir de maintenant, il va y avoir quelque chose ». Je
trouve ça incompréhensible qu’une école, supposée être une place où les gens
peuvent être eux-mêmes, ne soutienne pas la communauté. Qu’ils le voient ou
non, il y a plein d’élèves gais, lesbiennes, bisexuels. On a même des transgenres.
Entre Elles. Comment votre projet a-t-il été reçu à l’école ?
V.R. L’administration l’a bien pris. Le syndicat était très content de voir que
quelqu’un voulait mener un tel projet. Des professeurs m’apportent leur aide.
Néanmoins, certains disent ne pas soutenir la cause ou ne disent rien pour ne
pas déranger les gens. C’est malheureux.
24
Entre Elles. Il y a donc un travail de sensibilisation à faire…
V.R. Oui, surtout quand on voit que ça vient d’un professeur ! J’ai déjà
vécu de la discrimination à l’école, c’est pour ça que je trouve ça important.
Malheureusement, les gens pensent que, rendu en 2012, il n’y en a plus de
discrimination, or ce n’est pas vrai. À l’école, je me fais souvent traiter de
certains noms. Les gens me regardent puis rient, ils me pointent du doigt et
disent « Ah regarde, la lesbienne ! ».
Entre Elles. Malgré tout, vous avez réussi à vous construire un
groupe..
V.R. Au niveau personnel, je suis comblée. J’ai beaucoup d’amis qui me
soutiennent, ma famille me dit que c’est une bonne chose, même si, la
première fois que j’ai fait ma sortie auprès de mes parents, j’avais 15 ans. Ils
ont dit alors que j’étais dans une phase et que ça allait passer. Finalement,
la deuxième fois, à 19 ans, ils n’avaient pas d’autre choix que de bien le
prendre.
Entre Elles. Vous partez bientôt pour l’université. Serez-vous
accompagnée au bal de fin d’année ?
V.R. Absolument ! Je suis très ouverte sur qui je suis et c’est sûr que je vais
me présenter avec une Valentine !
Pour rejoindre le groupe ou recevoir du soutien de façon anonyme, vous
pouvez écrire à:
[email protected]
ou vous rendre sur lgbtqamontmorency.wordpress.com
Document remis
25
Société
Hélène Bédard
Une retraite altruiste
La rédaction
En fondant l’association Fierté Lesbienne Association Gatineau, Hélène Bédard ne se doutait pas de l’ampleur que prendrait son travail
pour rendre la vie des femmes homosexuelles meilleure. Elle les aide à affronter les problèmes du quotidien, organisant notamment
différents types d’activités (danse, soirées cinéma, soupers entre filles) et aidant celles des autres groupes.
Établie en 2009, F.L.A.G. voulait dès le début s’adresser à tout le Canada et
visait d’abord à offrir des lieux et des activités pour les lesbiennes, notamment
celles entre 35 et 70 ans. Hormis les soirées privées, « plusieurs d’entre elles
devaient se rendre en Ontario pour sortir et rencontrer », dénonce la femme
de 55 ans.
Parmi les activités offertes par F.L.A.G., Hélène Bédard a rapidement voulu
proposer une ligne d’écoute disponible tous les jours de la semaine, 24h/24
(819 439.1131), afin d’offrir un soutien émotif, des conseils et des ressources
dans les moments les plus pénibles.
Par ailleurs, elle organise régulièrement un clavardage privé sur Facebook
auquel les lesbiennes peuvent s’inscrire. « Plein de femmes se sont liées
d’amitié et ont trouvé l’amour, se réjouit-elle. Six mariages sont prévus cette
année ». Depuis juin 2011, Hélène Bédard célèbre même des mariages et
souhaite désormais devenir révérende.
Son implication ne s’arrête pas là. Amenée à intervenir dans différents
types de situations, Hélène Bédard n’hésite pas à accompagner une personne
à l’hôpital, à la référer à un CLSC ou à un travailleur social. Elle envisage
parfois le recours aux forces de l’ordre, par exemple dans les cas de violence
conjugale.
Le réseau F.L.A.G s’est peu à peu formé, grâce entre autres aux contacts que
Hélène Bédard avait noués lorsqu’elle parcourait les bars en tant qu’auteurecompositeure-interprète. « Quand j’ai commencé, en 1997, je chantais au
café Hollywood. J’y amenais mes ami(e)s. Au bout d’un certain temps, la
propriétaire nous a dit qu’elle allait nous ouvrir le deuxième étage afin que
l’on puisse avoir un endroit pour sortir ».
Ainsi, jusqu’en 2009, Hélène Bédard a organisé des activités et des
événements pour Entre L, association qu’elle a cofondée pour faire sortir les
lesbiennes, avant de mettre sur pied F.L.A.G. « Avec Facebook, en tout, on
rallie près de 1.500 personnes. Dans la communauté lesbienne de l’Outaouais,
à travers les activités de F.L.A.G, nous en rejoignons 350. Nous pourrions en
recruter plus, mais je n’ai pas de publicité ». D’où son but cette année : se
trouver des commanditaires et avoir une page Internet. Sans oublier, bien sûr,
des bénévoles.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur la page Facebook Hélène
Bédard(F.L.A.G.) ou écrire à [email protected].
Bientôt un site Internet ?
Selon elle, l’homosexualité féminine reste encore relativement cachée
en Outaouais. Il en résulte, selon la bénévole, une plus grande détresse
psychologique. « Depuis que je fais ça ici et que je m’implique auprès de la
communauté, il y a moins de problèmes, les gens se cachent moins derrière
leur orientation. Je les remercie pour leur confiance », affirme la retraitée.
Pour rejoindre ces lesbiennes invisibles, Hélène Bédard a dû user d’une
stratégie qui lui était alors presque inconnue : Facebook. Utiliser le réseau
social pour faire la promotion de F.L.A.G.
26
27
International
Afrique du Sud
Zanele Muholi,
militante visuelle
Shawn Thompson
En s’intéressant notamment aux lesbiennes d’Afrique du Sud, la photographe cherche à obtenir une avancée dans la reconnaissance de ces
femmes par ailleurs violentées par de nombreux hommes de leur pays. Mais plutôt que de se pencher sur ces actes d’agression, la militante
a choisi de montrer ces modèles de manière plus « heureuse », n’enlevant rien à la force de son travail.
L’Afrique du Sud présente un curieux paradoxe en matière de droits pour les
LGBT. Il est le cinquième pays au monde (juste après le Canada) à avoir autorisé
les mariages homosexuels, et donne aux membres de cette communauté toute
une gamme de droits. Ils peuvent ainsi élever des enfants, en adopter, servir
dans l’armée et même changer de sexe.
Pourtant, le pays le plus développé du point de vue économique sur le
continent noir reste le foyer d’horreurs qui font état d’une situation plus
qu’alarmante : les fréquents « viols correctifs », où les assaillants usent de la
violence physique (du viol jusqu’au meurtre) pour « guérir » les lesbiennes et
en faire des hétérosexuelles.
Cette réalité illustre bien qu’adopter des lois progressistes sur le plan
institutionnel ne protège en rien la sécurité des habitants. Dans le même
temps, ces décisions ont aussi permis l’émergence de militants LGBT sudafricains puisque leurs actions sont, d’un point de vue légal du moins,
tolérées.
« Amener le changement »
Zanele Muholi, née à Durban en 1972, en est l’exemple. La photographe
a pris la voie des arts pour faire un travail d’historienne : documenter la vie
au quotidien des femmes lesbiennes, bisexuelles, trans et intersexuées (LBTI).
« C’est arrivé plus tard, après avoir terminé l’école secondaire, expliquet-elle par Skype. Je dirais que je viens d’un espace où, tout d’abord, je ne
28
me souviens pas d’avoir vu une seule femme dans les townships avec une
caméra à l’époque, sans parler d’une femme noire, lesbienne, travaillant
comme photographe et militante. C’était une de mes frustrations. J’ai
dû littéralement amener le changement. »
Après avoir complété son cours de photographie, Zanele Muholi s’est lancée
dans le photoreportage pour la revue sud-africaine et lesbienne Behind The
Mask, pour laquelle elle a capté les réalités des lesbiennes vivant dans les
townships (qui regroupent les habitants de couleur des catégories pauvres).
Durant cette période (en 2002), elle a cofondé le Forum for Empowerment of
Women (FEW), un organisme pour les lesbiennes noires où elle a agi comme
agente de relations communautaires. Elle l’a ensuite quitté pour venir s’établir
à Toronto (en 2007), le temps de faire sa maîtrise en média documentaire à
l’Université Ryerson.
Elle travaille présentement comme photographe indépendante et
continue de documenter la vie des LGBTI dans différents townships sudafricains.
« Dans les médias, tu vois des couples hétéros s’embrasser et tu penses:
pourquoi est-ce que je ne peux pas avoir la même image ? Pourquoi ne puis-je
pas nous voir dans ces positions ? J’ai donc produit quelques photos qui faisaient
état des réalités amoureuses homosexuelles. C’était très amusant pour moi,
mais en même temps politique. Parce qu’il était aussi question d’existence et
de résistance, en quelque sorte. »
Zanele Muholi (2012) © LINDEKA QAMPI
29
International
© One Off Man Mental
Zanele Muholi scrute donc son environnement, à Johannesbourg, s’appliquant
à « juste regarder de près les gens, certains couples, les maisons, les enfants, les
mères lesbiennes ». Elle cherche surtout à ne pas répéter la manière dont on
montre ces femmes habituellement. « Ça ne peut pas toujours être à propos de
la violence. Être noire et lesbienne doit être regardé autrement que sous cette
lunette. Quelqu’un, quelque part, devait changer cette situation », raconte-t-elle.
Exposée dans le monde entier
Son travail, largement exposé en Amérique, en Europe et en Afrique du Sud,
lui a valu de nombreux prix, dont le Casa Africa pour la meilleure photographe
femme (2009) ainsi que le prix du public pour son documentaire Difficult Love,
à Durban l’année dernière. Celui-ci se trouve également à l’affiche dans le
cadre du Festival international des Films de Femmes de Séoul (Corée du Sud).
L’œuvre de Zanele Muholi prend la forme d’une présence, celle des femmes
LBTI où la sexualité est moins le thème qu’un générateur de liens.
L’esthétique est marquée par une douceur chromatique d‘où émane une
harmonie, une histoire tout d’abord humaine et non une figuration de la
30
violence. Par ses portraits, notamment, on tend à inclure l’autre à soi, à
chercher à faire cohabiter les réalités dépeintes puisque le visage qui nous
regarde nous met devant l’exigence de la connaissance de l’autre. C’est de
l’amour dont elle parle, en ébauchant même une sorte d’éthique.
Zanele Muholi souligne que son art n’est pas à propos d’elle-même,
mais des lesbiennes impliquées, celles qui croient en l’Histoire et celles qui
en ont été écartées. « Mon travail a eu un impact positif à bien des égards,
mais juste donner une visibilité à ces corps invisibles signifie beaucoup,
explique-t-elle. Il s’agit de commencer à penser positivement à propos de​​
nos corps et de nous-mêmes. Je sais que dire ‘‘ revendiquer un espace ‘‘ est
cliché, mais il faut commencer à penser que l’on peut les récupérer car ils
nous ont été enlevés racialement et de biens d’autres manières », racontet-elle.
La plupart des projets artistiques de Zanele Muholi ne sont pas achevés.
Elle continue plutôt à bâtir sur ceux-ci, comme éternellement en expansion,
aussi longtemps qu’elle pourra y voir quelque chose. Car là commence la
transformation.
31
International
Afrique du Sud
Portraits de femmes
© Zanele Muholi. Courtoisie de la Galerie Stevenson
Mbali Zulu, KwaThema, Springs, Johannesbourg, 2011
Phumzile Nkosi, Vosloorus, Johannesbourg, 2011
Sindi Shabalala, Parktown, Johannesbourg, 2007
Sunday Francis Mdlankomo, Vosloorus, Johannesbourg, 2011
Funeka Soldaat, Makhaza, Khayelitsha, Le Cap, 2010
« Je veux juste nous voir comme des êtres humains, au-delà des
victimes ou des survivants et ça, c’est un projet de vie. Je parle d’une
archive vivante, d’une Histoire positive qui est au-delà de tout ce qui se
passe au quotidien. C’est là et c’est pourquoi ça grandit ». Zanele Muholi
32
Gazi T Zuma, Umlazi, Durban, 2010
33
International
Thobe & Phila, Pietermaritzburg,KwaZulu Natal, 2012
34
35
Livres
La rédaction
Rosa bonheur:
liberté est son nom
Étranges retrouvailles
à la rivière Churchill
(Paskapoo)
Alors qu’elle vient de rompre avec son mari
volage, Claire, bientôt 50 ans, est envoyée au
Canada par son grand-père pour une mission :
retrouver Louise, la sœur de celui-ci, qui a quitté
sans un mot, voilà des annés, les montagnes
savoyardes pour les prairies de la Saskatchewan.
Dans son périple, elle croisera de nombreux
personnages, dont des amérindiens ou un couple de
lesbiennes. Tous, liés sans le savoir, se retrouveront
sur les rives de la rivière Churchill, là où la parole
pourra se libérer et leur vie s’éclaircir.
Écrit de manière simple et limpide, on est
rapidement entraîné par la quête du personnage. Un
court roman qui témoigne de l’amour de l’auteure
pour le Canada, où elle se rend fréquemment.
36
(Gonzague Saint Bris)
Elle fait partie de ces artistes féministes qui, en
plein XIXème siècle, ont bousculé l’ordre établi
masculin. À la manière d’une George Sand (avec
qui elle a en commun l’amour de la campagne)
pour la littérature, la peintre et sculptrice Rosa
Bonheur a su se faire un nom dans les milieux
intellectuels français.
Gonzague Saint Bris prend à bras le corps
l’histoire unique de cette artiste obligée de toute
faire elle-même quand les institutions parisiennes
lui ferment leurs portes à cause de son sexe. Son
triomphe, à partir des années 1850, dans le monde
entier, n’en sera que plus délicieux.
Il faut lire cet ouvrage sur cette « grande »
femme qui n’a pas hésité à afficher ses préférences
amoureuses, donnant lieu à deux grandes histoires
(avec la peintre française Nathalie Micas, puis
l’Américaine Anna Klumpke).
À cause d’un baiser
(Brigitte Kernel)
Au premier abord, ça peut sembler une
histoire très classique : une femme avoue à sa
compagne avoir embrassé quelqu’un d’autre. La
rupture devient peu à peu inévitable. Analyse des
sentiments, de la psychologie humaine dans ces
moments fragiles. On a déjà entendu ça quelque
part, pense-t-on.
Sauf qu’il est rare de le lire dans un livre édité en
France quand ça concerne un trio lesbien, d’autant
plus que la romancière est elle-même ouvertement
homosexuelle. La rupture et ses douleurs ont déjà
fait le succès de l’animatrice de radio, notamment
lors de la sortie de Fais-moi oublier en 2007. À
cause d’un baiser a été salué à sa sortie pour sa
sensibilité et sa justesse dans la description de la
passion amoureuse.
37
mode
mode
atelier b.
100% québécoise,
madame !
Photos
César Ochoa
www.cesarochoa.com
Farah Bardissy et Maude Filteau
Assistante Bianca Lecompte
Coordonnateur Jérimi Scott
Maquillage & Coiffure Pelusa Glamour
Modèles
pelusaglamour.blogspot.com
Parlons d’abord d’atelier b., griffe de vêtements signée Anne-Marie Laflamme et Catherine
Métivier. Les deux conceptrices souhaitent créer des vêtements simples, minimalistes et
interchangeables. Nos deux modèles mettent de l’avant ce style épuré, ainsi que la création
québécoise en général, puisque l’on retrouve également une robe d’Ariane Proteau et des
bijoux d’Émilie Trudel.
www.atelier-b.ca
38
Chemise blanche – voile 100% coton, 90$
Jupe – 100% lyocell, 85$
Broche en argent sterling et or 18K, 650$
39
mode
Jumpsuit – 100% lin, 110$
Bracelet en argent sterling (série limitée), 190$
Robe en chiffon de soie Ariane Proteau
Collier en argent sterling,
or 18K et fluorites de chine (pièce unique), 5.000$
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Bague en argent sterling (série limitée), 135$
Robe courte mauve – 100% lin, 135$
Maillot rouge – coupe années 50,
bretelles ajustables 90% coton bio 10% spandex, 75$
Chemise ample – voile de coton bio, 110$
Collier en argent sterling (série limitée) - Fermoir fait main, 280$41
mode
À gauche :
Veston bleu – 100% lyocell, 120$
Pantalon beige – 100% coton bio, 95$
T shirt – 70% laine 30% lyocell, 55$
Boucles d’oreille en argent sterling
et péridot (série limitée), 185$
Bague en argent sterling (série limitée), 80$
À droite :
Robe beige – Twill 100% coton bio,145$
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Musique
MA d’Ariane Moffatt Entre silences
et bilinguisme
Vanessa Girouard
Le lancement de MA a eu lieu le 29 février dernier au Théâtre Rialto, dans le Mile End, devant un public conquis. Le dernier album
d’Ariane Moffatt, grandement inspiré par ce quartier bilingue, est empreint de rythmes électroniques et de textes instinctifs se jouant des
conventions. Dissection d’un processus créatif hors du commun.
MA, c’est d’abord les initiales d’Ariane Moffatt
en verlan, puis un mot n’ayant aucune allégeance
linguistique. « MA » représente également, dans la
culture japonaise, un concept évoquant le « vide »,
une pause entre deux instants. Celui d’Ariane
Moffatt « exprime le silence entre deux notes de
musique », a-t-elle indiqué à Radio-Canada.
L’exploration musicale à laquelle elle se
livre n’est pourtant pas le fruit d’une culture
ésotérique, mais plutôt le laisser-aller de
l’inconscient, cet univers à la fois vide et plein. À
mi-chemin entre la quête profonde et l’abandon
ont émergé des mots, ornement d’une musique
instinctive.
Cet état d’esprit et de corps a non seulement
un rôle dans sa vie au quotidien, mais aussi dans
ses compositions. « Ça m’a peut-être influencée
quand j’arrivais au studio. J’étais fascinée dans ce
processus-là, par la force des mots, par l’évocation
derrière ceux prononcés, par les symboles. On dirait
que ça m’a un peu nourrie quand c’était le temps de
coucher des mots sur des musiques déjà écrites »,
affirme l’artiste de 32 ans.
Ce quatrième album constitue une première pour
Ariane Moffatt qui a vécu son processus créatif à
« l’envers ». Partant de la musique composée pour
y accrocher ensuite des mots, elle s’est laissée
44
imprégner par son environnement quotidien, le
quartier du Mile End.
« Certaines chansons sortaient en anglais,
d’autres en français, a-t-elle expliqué à La Presse.
De toute façon, c’était un désir que j’avais de par
mes influences musicales. Le processus s’est installé
comme ça et je ne l’ai pas retenu. Je me suis dit que
c’était complètement à l’image de la réalité bilingue
dans laquelle j’évolue ici […]. C’est aussi d’actualité
dans notre société. »
ßL’album présente des influences électroniques
assumées, notamment grâce à l’usage de claviers
analogiques, de rythmes synthétiques et de guitare
électrique Supro Dual Tone branchée à un ampli.
Plus populaire qu’électro, le résultat demeure assez
accessible. MA impressionne surtout par l’effort
considérable qu’exige la réalisation d’un One
woman Album.
Une francophone francophile
Loin de faire l’apologie d’une langue qui n’est
pas sienne, l’auteure-compositeure-interprète, qui
a également joué les rôles de réalisatrice et de
productrice pour ce disque, soutient que la langue
française constituera toujours sa priorité, malgré
cette « pénétration » anglophone assumée.
« C’est une question que je prends moi-même
très au sérieux, assure-t-elle. Je suis une francophile
francophone. C’est ma langue première, que je
défends et qui a une poésie avec laquelle je danse
depuis le début de ma carrière. » Dans ce contexte,
il s’agissait plus d’une « envie de prendre une
photographie de cet endroit où j’ai créé l’album, du
Mile End montréalais […] où il y a une scène musicale
parallèle, une en anglais, une en français ».
45
Musique
Sophie Beaudet
Sinéad O’Connor
Fanny Bloom
Garçonne (GSI Musique)
How about I be me
(and you be you) (One Little Indian) Apprentie Guerrière (Grosse Boîte)
Lauréate de quatre prix remportés lors de l’édition
2008 du concours Ma première Place des Arts,
Sophie Beaudet lance son premier album. Réalisé
par Marc Pérusse, la jeune artiste y chante les textes
signés notamment par - on croirait qu’ils sont les
seuls paroliers au Québec - Luc De Larochellière,
Pierre Flynn et Daniel Lavoie (la chanteuse fait
aussi la première partie de son spectacle). Si
quelques titres sont supportables voire agréables,
l’équipe derrière Sophie Beaudet devrait peut-être
prendre note que ce sont principalement les rares
compositions de la chanteuse qui figurent parmi les
chansons potables (À quoi tu penses, Garçonne). Au
final, il s’agit quand même d’un (autre) produit de
la pop franco-québécoise dans ce qu’il y a de plus
générique, sans âme et franchement quelconque.
(Shawn Thompson)
Entre un appel à l’aide psychologique lancé sur
son compte Twitter et un autre sur son blogue du
type « J’aime le sexe anal, qui est intéressé ? »
(et qui lui a valu un mariage d’une duré de trois
semaines avec son quatrième mari) la chanteuse
irlandaise férue de rastafarisme continue sa
croisade contre l’Église catholique et sort son
neuvième album après cinq ans d’absence. À 45
ans, la mère de quatre enfants qui s’est déclarée
lesbienne en 2000… avant de changer d’idée,
nous revient avec un opus folk-rock-gothique qui
ouvre avec la rythmée 4th and vine, une chanson
reggae-folk qui célèbre le mariage (?). Mais c’est
la chanson suivante qu’on retiendra, Reason with
me, puisqu’il s’agit malheureusement du seul titre
rappelant vaguement la force poignante qu’avait
jadis la chanteuse. (S.T.)
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Voici le premier album solo de la chanteuse
du groupe La Patère Rose (R.I.P.). Réalisé par
Étienne Dupuis-Cloutier, Fanny Bloom nous offre
douze titres synth-pop francophones oscillant
entre l’excellent premier titre Ce que je voudrais
et l’agaçant Tes Bijoux. Voilà néanmoins un album
qui a ses moments forts : le piano sur La Barque,
le violon sur Shit, la pièce Tootles et le duo avec
Pierre Lapointe sur Annie. Pour autant, Apprentie
Guerrière s’apprécie surtout en pièces détachées.
L’opus aurait gagné à s’en tenir aux sonorités
contemplatives que Fanny Bloom rend très bien
à défaut de donner dans les airs pop dansants.
Dernière remarque : l’art comme catharsis,
d’accord, mais douze textes à propos d’une femme
qui s’auto-flagelle parce l’être aimé est parti, ce
n’est pas intéressant. (S.T.)
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Arts visuels
ARTSIDA - Jessica MacCormack
Sortir de la cellule
Shawn Thompson
Jessica MacCormack participe pour la première fois à ARTSIDA. Comme des dizaines d’autres artistes LGBT, une de ses œuvres sera exposée
à la Galerie Dentaire et la Galerie V. Trimont du 23 mars au 9 avril, puis mise à l’encan, le 7 avril au Musée d’art contemporain, pour aider à
financer les services de l’organisme SIDA Bénévoles Montréal. L’événement constitue une bonne raison pour rencontrer une artiste impliquée
notamment dans le domaine carcéral.
Originaire de Vancouver, l’artiste montréalaise et professeure à l’université
Concordia, Jessica MacCormack, a commencé sa carrière avec la peinture abstraite.
Elle s’en est tranquillement désintéressée pour s’attaquer à la vidéo, la performance
et l’installation – ce qu’elle fait principalement encore aujourd’hui.
Elle a longtemps vécu des frustrations par rapport au monde de l’art : « Je
trouvais que c’était un univers privilégié et très fermé aux réalités de nos vies et de
celles des gens autour du globe, raconte-t-elle. Ses politiques me dérangeaient et
je devais trouver une façon de m’y faire une place de militante. »
Donner un espace de liberté
Le déclic a finalement eu lieu. Alors qu’elle avait une exposition solo à Kingston,
elle a tout annulé et demandé à faire une résidence dans la prison de sécurité
minimale pour femmes de la ville. « Ça a fait boule de neige. J’ai ensuite été engagée
pour travailler dans un centre d’art pour femmes et pour jeunes qui sortaient de
prison à Winnipeg, avant d’être engagée à travailler dans la prison psychiatrique de
Montréal. Par la suite, j’ai appliqué pour être professeure à Concordia ».
Dans les milieux carcéraux, Jessica MacCormack implique directement les
femmes dans divers projets artistiques, comme de l’animation vidéo ou des
autoportraits. « En prison, il y a peu d’espace pour qu’elles puissent s’exprimer
sans être réprimandées en plus d’être constamment observées, indique-t-elle. Je
voulais créer un espace sans l’idée de prisonnières et du système pour faire une
place à de vraies interactions humaines - dans la mesure du possible - et où elles
pouvaient être entendues. »
Elle fait remonter son désir de militer et d’aider ces femmes à son enfance. «
J’ai été abusée sexuellement. J’ai dû faire face à des problèmes de santé mentale
toute ma vie et très sérieusement quand j’étais jeune. Alors j’ai voulu faire de la
recherche sur le sujet ». Elle s’est notamment intéressée à ces « institutions de
santé mentale qui fermaient un peu partout dans le pays et à ces gens qui se
48
retrouvaient dans la rue pour ensuite être criminalisés et condamnés à faire de
la prison, alors que plupart souffraient de problèmes mentaux ».
Selon ses recherches, environ 80% des femmes ont été victimes d’abus sexuels
ou physiques avant de rentrer dans le système carcéral. Ce cycle de violence et
de marginalisation aux racines profondes se rapproche ainsi d’une oppression
systématique, surtout envers les femmes autochtones.
Les souliers des autres
La stigmatisation et la criminalisation, les deux pierres angulaires du travail de
Jessica MacCormack, trouvent également un triste écho chez les personnes vivant
avec le VIH/SIDA car ces dernières sont, devant la loi, des criminels - beaucoup de
frontières leurs sont fermées dans le monde en plus de pouvoir se retrouver en
prison pour avoir « transmis » la maladie.
L’artiste se dit en désaccord avec la loi, estimant que les préoccupations de la
société canadienne devraient se porter ailleurs. « Je pense que les gens qui finissent
par contracter le virus ont souvent un passé traumatique. Les criminaliser ajoute
une autre de couche de honte. Pour moi, le problème le plus pressant est le stigma
qui entoure la maladie. »
Elle voit cette dernière de près puisque plusieurs de ses amis sont séropositifs.
Certains ont déjà été agressés sexuellement, d’autres se trouvent encore aux prises
avec des problèmes de dépendance(s). Bref, la roue de la violence continue de tourner.
Qu’est-ce qui aiderait à guérir ? « Comprendre les effets de la stigmatisation sur une
personne, combien il est difficile de vivre dans ce monde avec n’importe quel type de
stigma, pour trouver du travail, une maison, pour survivre quoi ! Je pense qu’il faudrait
que les gens se mettent un peu dans les souliers des autres et voir à quoi ca ressemble. »
© Irene Izquierdo
Informations : jessicamaccormackrmack.tumblr.com ou artsida.org
49
sorties
Calendrier
Vanessa Girouard
Dance in Dark
@Belmont
Jeudi 12 avril
Rangez vos talons aiguilles mes chères amies,
mais prenez tout de même le temps de vous
fringuer un peu et venez danser à Dance in Dark,
sous les vinyles de Matthew Dear ! Ce producteur
de musique dance et DJ saura vous faire user vos
bottines. Matthew Dear a (entre autres) produit des
remix commandés par The XX, Hot chip, Charlotte
Gainsbourg, The postal Service et bien d’autres.
C’est une soirée à ne pas manquer à Montréal !
Les billets sont d’ores et déjà disponibles à l’Atom
Heart (364 Sherbrooke Est), à l’Off The Hook (1021
rue Saint-Catherine Ouest, auMoog Audio (3828
boulevard Saint-Laurent) et au Cheap Thrills (2044
rue Metcalfe).
Le Belmont
4483 boulevard St-Laurent (Montréal)
Entrée : 12$ + taxes (prévente) ou
15$ + taxes (à la porte)
50
Patsy Sanders
et Cathy Laplante
@ l’OtreZone
Meow Mix (Cabaret show)
@ la Sala Rossa
Vendredi 13 avril dès 19H00
Samedi 21 avril 2012
Préparez-vous à être charmées par le duo Cathy
Laplante (au micro) et Patsy Sanders à la guitare !
La première est bien connue dans le coin pour ses
passages au Liverpool, accompagnée de Sylvain
Landry. Pour le rendez-vous de la rue Dufferin, elle
sera cette fois aux côtés de celle avec qui elle dit
former un duo folk plein de magie et de plus en plus
prisé. De 19h à 21h, les deux artistes sauront vous
faire vibrer au son des notes pincées et chantées
(et peut-être aussi à la vue de leur physique
attrayant… qui sait). La soirée sherbrookoise se
poursuit avec DJ Crevette jusqu’aux petites heures
de la nuit. Pour plus d’informations : lotrezone.ca
Pour les non-initiées, le Cabaret Meow Mix offre
des spectacles de drag kings, des représentations
burlesques ou encore des jeux subvertissant les
catégories sexuelles dans lesquelles la société
traditionnelle cherche à nous insérer. Bref, il s’agit
de mettre de l’avant la culture queer vue depuis la
métropole québécoise. Histoire de ne pas oublier
de faire la fête, quelques heures vous permettront
également de danser sur les planches de la Sala
Rossa. Bien implantées, les soirées Meow Mix, qui
ont lieu plusieurs fois par année depuis 2002, se
veulent une alternative à la maigre scène lesbienne
prenant place dans le Village montréalais.
Bar l’OtreZone
252 rue Dufferin (Sherbrooke)
819.565.5333
La Sala Rossa
4848 boulevard Saint-Laurent (Montréal)
Entrée : 10$
51
sorties
© Nathan and Friends photos
© François Hogue
© teotwawki
Friday FIXXX, Friday Ladies
Night @ Lookout Bar
Beast of the East (Roller Derby)
@ L’aréna Saint-louis
Notre Dame des Quilles
Tous les vendredis
Chaque semaine, le Lookout bar sort ses plus
beaux atouts pour les vendredis Ladies Night, afin
de réveiller les lesbiennes de la capitale fédérale. À
noter que de 20h à 22h, à l’occasion du PreFIXXX,
aucun cover n’est demandé et les cocktails, les
martinis et les verres de vin sont seulement à 5$!.
De quoi bien commencer la soirée non ? Derrière les
platines, DJ Isabelle Bechamp enchainera les succès
pour faire danser vos corps engourdis par les
martinis. Alors, n’attendez plus : vous savez ce qui
vous reste à faire tous les vendredis soir à Ottawa !
Plus d’informations : thelookoutbar.com.
Lookout bar
41 rue York marché Byward (Ottawa)
613.789.1624
Entrée gratuite avant 22h
52
Vendredi 20 et samedi 21 avril
Beast of East est LE tournoi de Roller Derby à ne
pas manquer. Ayant lieu tous les ans depuis 2007,
l’évènement sportif haut en couleurs déterminera
l’équipe la plus performante de l’année. Dans
cette édition 2012, 16 équipes en provenance du
Québec, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario
auront l’occasion de s’affronter lors d’une série de
matchs de 20 minutes chacun. En 2011, le tournoi
avait été remporté par les Slaughter Daughters
(Rideau Valley Roller Girls) d’Ottawa, après une
domination, en 2009 et 2010, des Filles du roi.
Pour plus d’informations : mtlrollerderby.com.
Aréna St-Louis
5633 St-Dominique (Montréal)
Tous les jours
Un bon bowling entre filles, avec une bière
et un hambourgeois en prime, ça vous tente ?
Ouvert depuis moins d’un mois, ce resto-bar offre
également deux allées…de quilles ! Que ce soit
pour apprécier un black-velvet (cidre + Guinness),
pour déguster un Mac + fromage, pour s’offrir l’un
des autres mets offerts au menu ou encore pour
compléter le trio avec une partie de quilles, le
déplacement risque d’être fort apprécié. À découvrir
du côté de la Petite Patrie ! Heures d’ouverture : du
lundi au mercredi, de 15h à 1h, du jeudi au samedi,
de 15h à 3h et le dimanche, de 15h à 1h. 32 rue Beaubien Est (Montréal
)
514.507.1313
Comptant seulement
53
sorties
sorties
Californie
royal phoenix
Edson Emilio Photography A.K.A. El Negro
Camping sauvage
version lesbienne
© Gord McKenna
Shawn Thompson
Vous retrouver à faire du camping dans les bois californiens avec une centaine d’autres lesbiennes à la fin avril, ça vous tente ? C’est ce
que l’équipe du site Internet américain spécialisé dans la culture lesbienne AutoStraddle, vous propose.
Pour cette première édition, le projet pilote, nommé A-Camp, comprend
un séjour de trois jours au centre de retraite Alpine Meadows, situé dans
Angelus Oak, à deux heures de route de Los Angeles. En plus de faire de la
publicité pour le site Internet, l’évènement se veut un genre de communauté
lesbienne temporaire qui sera assurément propice aux rencontres ainsi que
pour chanter Kumbaya.
Certaines font peut-être encore des cauchemars en pensant au temps où
elles étaient au camp de vacances. Elles feraient alors peut-être mieux de
s’abstenir puisque A-Camp propose des hébergements dans des cabines
comprenant toilettes, tapis, et lits superposés. Bref, un mélange explosif.
Du basket au Jeopardy
Pour 300 $ américains (billet d’avion non inclus), vous aurez droit à trois nuits
dans ces conditions, trois repas par jour – avec, bien entendu, des options
vegan, végétarienne, casher et sans gluten – ainsi que l’accès aux activités, aux
spectacles du soir animés par le duo de comédiennes Julie Goldman et Brandy
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Howard, à un t-shirt exclusif du camp (pour être sure de pas se tromper), ainsi
qu’aux autres campeuses.
Au programme, on retrouve différents types d’activités : des ateliers
d’écriture, du basket-ball, de la randonnée, du yoga, de la cuisine, du bricolage,
de la photographie, de l’escalade, des conférences sur des sujets comme
les queer dans les communautés ethniques et même un Jeopardy version
lesbiennes féministes, histoire de tester ses connaissances sur les figures
marquantes du mouvement.
De plus, plusieurs jeunes lesbiennes connues sur Internet seront sur place,
telle Hannah Hart de My Drunk Kitchen. Cette dernière a fait un tabac avec ses
capsules YouTube où elle cuisine… saoule.
Si vous êtes déjà convaincue, vous pouvez dès maintenant réserver votre
place moyennant un dépôt de 50$ US. Le A-Camp se tiendra du 26 ou 29
avril. Pour plus d’informations, rendez-vous sur autostraddle.com
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Mieux-Être
Lorane coiffure
Aux petits soins
La rédaction
Le salon de la rue Amherst est à l’image de sa propriétaire, Patricia Bec : chaleureux, accueillant et distingué. « Je souhaitais un nom
évoquant la féminité, l’élégance. Un nom court tout en douceur. Je crois que Lorane incarne toutes ces choses », raconte-t-elle. L’espace se
veut un endroit ouvert à tous, femmes comme hommes.
Forte de plus de 20 ans d’expérience rien qu’au Québec, la styliste d’origine
parisienne explique que son parcours a débuté dans l’une des plus grandes
écoles de coiffure de la capitale française. Ainsi, ses premières expériences
professionnelles se sont faites dans des salons majeurs comme Jean Louis
David et Marianne Gray.
Sa vie l’a ensuite amenée au Québec où elle continue de travailler pour
de grands noms. Elle exerce longtemps pour le centre de beauté O coiffure &
Spa, célèbre salon de la boutique Ogilvy. Elle a passé plusieurs années chez
Tonic, sur le boulevard Saint-Laurent. Durant ces années, elle a développé une
clientèle fidèle qui la suit d’un établissement à l’autre.
Discussion sur les cheveux secs
Patricia Bec a toujours caressé le rêve d’avoir un jour son propre espace
commercial, un salon à son image, offrant un service beaucoup plus personnel
et chaleureux. Il y a plus de trois ans, son rêve s’est réalisé et la styliste a ouvert
les portes du Salon Lorane coiffure, aux abords du Village.
Quand il entre, le client se voit tout de suite pris en charge pour une
consultation sur les cheveux secs. «Cette discussion est essentielle, elle me
permet de mettre la personne en confiance et de découvrir ses goûts et
ses attentes. C’est aussi le moment où je partage mes suggestions et mes
conseils », explique la principale intéressée. On passe ensuite au shampoing,
suivi de la coupe et du stylisme. Toujours avec le sourire.
Lorane coiffure
1632 rue Amherst (Montréal)
514.523.2660
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© César Ochoa
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Escapades
Cabanes à sucre
Où se remplir la panse ?
La rédaction
Certes, les températures printanières font déjà leur retour, mais mars-avril reste la période des cabanes à sucre. Histoire de ne pas aller
n’importe où, notre équipe vous a concocté une liste d’établissements testés et approuvés. Plus qu’une chose à dire : bon appétit les filles !
La P’tite Cabane d’la Côte (Mirabel)
Le lieu idéal pour les nostalgiques, à moins
d’une heure de Montréal : du bois, des techniques à
l’ancienne, des recettes familiales (soupe aux pois,
jambon fumé, galettes de sarrasin), et activités en
plein air (balades en traîneau, marches en forêt). Pour
le prix, comptez autour de 25-30 dollars.
Informations : petite-cabane.com
Le Domaine des Trois Gourmands
(Saint-Alexis-de-Montcalm)
Du haut niveau question cuisine ! Le chef, JeanMichel Maître, est un vrai artiste lorsqu’il s’agit de
créer avec du bœuf, du porc ou de la volaille. Après
avoir festoyé, on vous le confirme : vous êtes entre de
bonnes mains. Entre 30 et 50 dollars.
Informations : 3gourmands.com
Passions gourmandes
(Sainte-Marie-de-Beauce)
Érablière Laurent Bernier
(Cap-Saint-Ignace)
Un régal dont on se souvient encore. À une
vingtaine de minutes de Québec, ce qu’offre Michel
Doyon s’avère tout simplement divin. L’homme aime
la nourriture et le client qu’on a été l’en remercie
encore. Nos conseils : la crème aux pois (accompagnée
par une petite surprise) et le jarret de porc. Prix : 40
dollars tout compris.
Plus de 40 ans de plaisirs simples pour
l’établissement de Laurent Bernier. « Saucer la
palette et manger de la tire sur la neige », voilà ce
que vous offrent les propriétaires. Le sucré reste le
maître, accompagné par des activités de plein air
(promenades à pied ou avec des raquettes). Du bon
classique en perspective !
Informations : passionsgourmandes.com
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Sucrerie de la Montagne (Rigaud)
Là encore, c’est tout à l’ancienne, même la récolte
de l’eau d’érable. L’établissement est reconnu comme
« site du patrimoine ». Question nourriture, rien que du
bon : fèves au lard, omelette, tarte au sucre, crêpes… Le
tout en musique avec des chansonniers. Réservations
indispensables. Prix : comptez entre 30 et 35 dollars.
Informations : sucreriedelamontagne
Informations : erablierebernier.com
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Recette
Smoothie
La Belle Verte
de Crudessence
Par l’équipe de Crudessence
Ingrédients (Donne 16oz) :
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¾ banane
2 grandes feuilles de kale
2 morceaux d’ananas
1/4 tasse de persil (bien tassé)
1 ou 2 dattes (au goût)
2 c. à table de graines de chanvre écalées
Une pincée de sel de mer
Eau
Préparation:
Mettre tous les ingrédients au mélangeur et
ajouter l’eau jusqu’à 16 oz.
Mélanger jusqu’à obtenir un smoothie sans
morceaux. Pour déguster frais, utiliser des fruits
que vous avez préalablement congelé ou ajouter
des glaçons.
EFFEUILLÉ DE SAUMON FUMÉ ET FROMAGE DE CHÈVRE
Hauts de gamme sur mesure
Resto
www.crudessence.com
Traiteur
Terrasse
Disco
www.ambroisie.ca
PIZZA GERMANICA
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Événements privés
4020 Saint-Ambroise, Montréal
514 932 0641
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menus Plaisirs
Chronique Vin
La SAQ dépôt :
« à fond la caisse » !
Sophie Delorme
Difficile de saisir la logique derrière la sélection des vins de la SAQ Dépôt. On pourrait penser qu’il s’agit de vins que l’on veut écouler
pour différentes raisons. Il n’en est rien… Vous y trouverez un vaste choix de qualité, pour tous les goûts. À l’achat de douze bouteilles
(pas nécessairement identiques), vous obtiendrez un rabais de 15% (10% pour six bouteilles). Voici une sélection de douze de ces vins.
Trois vins du Rhône Sud
Le Côtes du Rhône de Guigal 2007
(00259721 – 17,95 $*), une valeur sûre. Un vin
épicé, poivré, des tanins mûrs et joufflus. Un
vin plaisir. Dans le même registre (un brin plus
croquants) le Côtes du Rhône Belleruche
2010 (00476846 – 17,75 $), de la maison
Chapoutier, un vin aux parfums de prune fraîche,
de cerise mûre, de poivre, avec une touche d’anis,
et le Château des Tourelles – Costières de
Nîmes 2010 (00387035 – 13,30 $), rond, fruité,
aux délicates notes poivrées et épicées. Trois vins
pour le BBQ.
Un très bon Cahors
Château Gaudou Tradition Cahors 2009
(00919324 – 14,90 $), un vin noir comme l’encre,
au nez puissant de fruits, d’épices et de goudron.
Des tanins assez fermes, mais à la fois ronds et bien
charnus. Un vin sans prétention et parfaitement
réussi.
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Un italien original
Le Grandarella Appassimento IGT Venezie
2008 (10431306 – 28,95 $) de la maison Masi est
un vin élaboré avec des raisins que l’on laisse sécher
après les vendanges (comme l’Amarone), ce qui
donne un vin concentré, très riche, aux saveurs de
pruneaux, de fruits cuits et de cacao. Un vin ample
à la texture soyeuse. Belle expérience gustative
avec un morceau de Parmigiano-Reggianno.
Quelques rouges en rafale
Château de Cruzeau 2006 – Pessac-Léognan
(00113381 – 24,95 $). Un bordeaux classique, au nez
complexe et terreux avec des saveurs de fruits rouges
acidulés. Du corps et de la persistance en bouche.
Belle bouteille. Également très réussie, la Syrah Max
Reserva 2010 – Errazuriz valle de Aconcagua
(00864678 – 18,95 $) du Chili. Rond, charnu, un brin
vanillé et intensément fruité. Finalement, le délicieux
vin espagnol le Casa de la Ermita Crianza Jumilla
2008 (00638486 – 17,25 $). Puissance et finesse
dans un ensemble gourmand, fruité et épicé. Un autre
bon candidat pour le BBQ.
Quelques blancs pour compléter la caisse
Le sauvignon blanc néo-zélandais Oyster Bay
Marlborough 2011 (00316570 – 19,35 $), au
parfum caractéristique de pamplemousse blanc et à
l’acidité vive. De Anselmi, le San Vincenzo – Veneto
IGT 2011 (00687004 – 14,60 $), impeccable, aux
parfums d’abricot et de melon sur une trame minérale
qui lui confère un côté très frais en bouche. De
l’Alsace, l’excellent Riesling Léon Beyer Réserve
2010 (00081471 – 18,15 $), aux saveurs de citron
et de limette entremêlées de notes d’hydrocarbure.
Finalement, le Château de Chasseloir – Ceps
centenaires – Muscadet-Sèvre et Maine sur
lie 2009 (00854489 – 16,80 $), idéal pour l’apéritif.
Une bouche vive, fraîche, des notes de pommes
vertes et de fleurs printanières. Très désaltérant.
* Les prix indiqués ne tiennent pas compte du rabais.
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