Lire la Lettre numéro 19 (septembre 2010) - Cantal Patrimoine
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La Lettre de Cantal-Patrimoine La Lettre de Cantal Patrimoine n° 19, sept. 2010 Vie de l’association Sommaire Journées du patrimoine en pays condatais 1 Excursion sur les pas de 10 Géraud d’Aurillac Exposition Pierre Granger à Aurillac 14 Lira, une association de libraires auvergnats 16 Cantal Patrimoine en pays condatais pour les journées du patrimoine Dimanche 19 septembre Pour sa sixième année d’existence, en ce dimanche 19 septembre ensoleillé, Cantal patrimoine avait choisi de visiter le nord Cantal, autour de Condat. Quatre-vingt personnes étaient présentes sur la place du petit village de Montgreleix, le plus haut chef-lieu de commune du département (1238 m). Un temps superbe permettait d’apprécier le magnifique panorama des étendues sauvages du Cézallier, dans lequel se dégageaient parfaitement le mont Chamaroux (1476 m) et le massif du Sancy. Montgreleix souffrit d’un tragique incendie, le 2 octobre 1884, lors duquel 57 chaumières sur 72 maisons partirent en fumée. Occasion de rappeler combien la disparition du chaume fausse notre vision de la physionomie des villages aujourd’hui couverts d’ardoises. Après la reconstruction, la presse locale compara le nouveau et rutilant Montgreleix à Rome, la ville éternelle, qui « de briques, par l’initiative des Césars, fut transformée en marbre »... Un élément patrimonial se cache dans l’église, discret, presque invisible, mais original et même unique dans le Cantal : une plaque de fondation en cuivre, couverte d’une fine et belle écriture, et qui contient le testament spirituel complet de Claude Champois, marchand chaudronnier natif de la paroisse, passablement enrichi, constructeur de la chapelle où sa plaque est enchâssée et où il repose depuis 1627 (voir le premier numéro de notre revue). Mais Montgreleix, c’est surtout le lieu d’un très important culte à saint Roch, saint antipesteux, spécialisé ensuite dans la protection du bétail. L’église en comporte de nombreux témoignages : bannière, vitrail et statues, qui nous rappellent que dans le passé le saint montpelliérain était ici comme chez lui. Les traditions qui entouraient ce culte furent évoquées par la lecture du très beau texte de Marie-Aimée Méraville (1902-1963), tiré du Coffre à sel, où celle-ci raconte comment s’organisait la fête à « Marchefroid », alias Montgreleix. Le poète riomois Jean-Jacques Bellet a offert à l’auditoire, rassemblé au pied de la croix de saint Roch, une lecture vivante de ce beau texte difficile, où brille le style si original de Marie-Aimée Méraville. 2 Ci-dessus, un extrait de la plaque de fondation de Claude Champois, marchand chaudronnier de la paroisse de Montgreleix, datée de 1627, encore visible dans l’église. Ci-dessous, Francis Humbert présente les reliefs tandis que Jean-Jacques Bellet se concentre avant sa lecture ... 3 Après un sympathique repas pris à l’auberge du Chamaroux, les différentes ressources locales en matière d’eaux minérales ont été présentées sous la forme d’un diaporama par Francis Humbert, spécialiste de la question. La source de Saute-Bedel à Condat, par exemple, donne une eau très riche, bicarbonatée, sodique, calcique et magnésienne. Les sites d’émergence sont aussi parés de magnifiques couleurs qui en font d’excellents lieux de promenade. Durant l’après-midi le groupe s’est rendu sur le site des ruines de l’abbaye de Féniers afin de découvrir l’histoire de cette maison prestigieuse, disparue à la Révolution. Fondée en 1173 par Béraud VII de Mercœur, elle eut ses heures de gloire jusqu’au XIVe siècle et vécut une renaissance au XVIIe siècle, notamment sous l’abbatiat de Louis-Géraud de Cordemoy qui releva ses ruines et commanda de somptueux retables. Trois d’entre eux sont aujourd’hui conservés dans l’église de Marcenat. S’il ne reste rien du cloître, et seulement quelques pans de murs de l’église, on peut facilement deviner la taille imposante de l’ensemble au temps de sa splendeur. La petite chapelle construite à côté conserve la statue en pierre de la Vierge du lieu, datée du XVe siècle. Elle vaut le détour, ainsi que son petit retable-écrin mêlant esprit baroque et art populaire. La population de Condat au milieu des ruines de l’abbaye de Féniers vers 1900. Archives diocésaines de Saint-Flour. 4 La chapelle de Féniers, bâtie en 1830 afin de recevoir la statue de Notre-Dame du ValHonnête, qui « refusa » de rester dans l’église de Condat et « revint » à deux reprises dans les ruines de l’abbaye. 5 La visite de l’église néo-gothique SaintNazaire de Condat, sous la conduite de Pierre Moulier, a donné l’occasion d’admirer une réalisation de l’architecte diocésain Aiguesparsse datée de 1883, ainsi qu’un ensemble de vitraux de Félix Gaudin (1851-1930). Celui-ci prit la succession du verrier Thibaud à Clermont, l’un des ré-inventeurs du vitrail en France, et inonda l’Auvergne de ses productions avant de s’installer à Paris. À Condat, certains vitraux offrent une iconographie très localisée : chapelle de Féniers, de Laborie d’Estaules ou encore saint Florus. Dans le chœur, une série de médaillons présentent les sept sacrements, un thème rare dans l’art du vitrail ; plus rare encore est la mention « donné par le gouvernement en 1882 » au bas du vitrail de l’archange Michel (la république laïque était alors peu familière de ce mélange des genres) ! Le vitrail de l’ange gardien, protecteur de l’enfance, avait suscité un commentaire de l’abbé Chabau, qui regrettait que celui-ci pousse le marmot vers la sortie au lieu de le diriger vers l’autel… 6 Vitrail de l’archange Michel donné par le gouvernement en 1882. Le vitrail de l’ange gardien et la chapelle de Féniers. Ci-dessous, les saisissantes statues qui ornent l’abat-voix de la chaire de Condat, chef-d’œuvre du sculpteur chaudesaiguois Jean-Baptiste Roche. 7 La remarquable chaire néogothique de l’église de Condat est due au ciseau du sculpteur JeanBaptiste Roche, de Chaudes-Aigues (18321893). Il s’agit de sa création la plus septentrionale, mais aussi de son chef d’œuvre, sculpté dans « une épaisse couche de bois », comme le souligna la presse de l’époque, admirative. Quant à la châsse de sainte Blandine, une curiosité, elle s’inscrit dans le phénomène de « mode » des martyrs romains, autour des années 1840, auquel on doit la présence dans le Cantal de sainte Atilie à Marcenat, sainte Flavie -Valérie à Saint-Flour, puis sainte Philomène à Mauriac en 1899. Découverts en 1830 dans les catacombes, les ossements de sainte Blandine (qui n’est pas la martyre lyonnaise) furent placés dans une statue de cire modelée à Rome en 1847, elle-même d’abord exposée dans le tombeau de l’autel à Condat. La châsse actuelle fut réalisée par les carmélites d’Aurillac en 1884, après la reconstruction de l’église. 8 Les membres de Cantal Patrimoine se sont ensuite rendus à Montboudif pour y visiter le musée Georges Pompidou, bonne occasion de coller à la thématique nationale des journées du patrimoine : Quand hommes et femmes construisent l’histoire. Les origines auvergnates de Georges Pompidou forment une magnifique diagonale cantalienne, car son père fut élevé à l’ombre des ruines du château de Naucaze (commune de Saint-Julien de Toursac), tandis que sa mère était une Chavagnac de Montboudif. Ce musée qui bénéficie d’une très belle muséographie présente les rapports privilégiés que le président a entretenus avec son pays natal. La journée s’est terminée au bord du lac de La Crégut, d’où l’on pouvait découvrir, grâce à Francis Humbert encore, les caractéristiques exceptionnelles de ce site, le plus grand lac d’origine glaciaire du Massif Central, malheureusement menacé par un envasement progressif qui pourrait transformer à court terme ce lieu enchanteur en tourbière. Francis Humbert nous communiquera très bientôt un article qui fera état des actions menées aujourd’hui pour tenter de sauver ce lieu enchanteur. 9 Le musée Georges Pompidou à Montboudif. Ci-dessous, le lac de La Crégut. Sortie d’été sur les pas de Géraud d’Aurillac En Châtaigneraie et dans le Lot Une trentaine de personnes avaient accepté de cheminer sur les pas de Géraud d’Aurillac le dimanche 8 août 2010. Cette sortie était l’occasion de revenir sur certains aspects du culte et du personnage à la suite de la publication de l’ouvrage Sur les pas de Géraud d’Aurillac en France et en Espagne, édité par Cantal Patrimoine en mars de cette année. Il s’agissait ici de visiter quelques hauts-lieux géraldiens, dans le Lot et le Cantal, que Géraud, le fondateur de La légende du rocher de l’abbaye et de la ville d’Aurillac, avait fréquenMarcolès par le graveur Pierre Granger. tés il y a mille-cent ans : Aurillac bien sûr, Marcolès, Roumégoux, Saint-Cirgues et Linac, non loin de Maurs. La journée a débuté sur l’esplanade du château Saint-Etienne où Pierre Moulier a rappelé qui fut cet étonnant et atypique comte d’Aurillac. Nicole Charbonnel a ensuite esquissé les grandes étapes du développement de l’abbaye fondée par Géraud en 895. À Marcolès, nous avons écouté la légende du rocher relatée dans la Vita : Géraud et sa suite passant à Marcolès, un certain Adrald s’amusait à sauter d’un bond au sommet d’un rocher arrondi. Soupçonnant l’aide du diable dans la réussite d’un saut si prodigieux, Géraud fit sur le sorcier un signe de croix qui rendit celui-ci incapable de rééditer son exploit. L’émotion des participants était grande face à ce rocher de Marcolès, aujourd’hui surmonté d’une petite croix de fer, et qui correspond parfaitement à la description du texte d’Odon de Cluny, biographe de Géraud vers 930. 10 À Roumégoux, rassemblés devant la fontaine du Bournioux, nous avons entendu le récit de la translation du corps de Géraud, de la halte du convoi mortuaire près d’une source, puis du miracle qui y eut lieu et qui est à l’origine du culte et de la construction de l’oratoire. Cette petite chapelle était ornée d’une antique statue de la Vierge d’origine inconnue mais dotée d’une légende à la fois classique et originale : découverte miraculeusement par des bergers qui avaient soulevé le chaume d’une ruche pour en extraire le miel (les abeilles se plaisaient particulièrement sur ce plateau couvert de fleurs de brousse), les habitants du mas del Bos emportèrent la statue chez eux mais à deux reprises celle-ci fut retrouvée à son emplacement d’origine, ce qui les incita à la déposer dans la chapelle du Bournioux. Une autre tradition rapporte qu’une des mules portant ceux qui accompagnaient le corps de saint Géraud, grattant le sol de son pied parce qu’elle avait soif, laissa l’empreinte de son fer sur une pierre. L’empreinte serait encore visible, là où sourd l’eau dans le bassin. Puis le groupe s’est rendu à Quézac, où l’accueil du père Rul, curé du lieu, fut particulièrement chaleureux. Les fresques de l’église de Quézac ont été présentées par Pascale Moulier. En 1926-28 on confie au peintre Jean Ningres la conception d’un ensemble de fresques dédiées au culte marial en France et dans le diocèse. Cet artiste originaire de Toulouse, né en 1878, fut l’élève de Benjamin Constant et de Jean-Paul Un ange de Jean Ningres dans l’église de Quézac 11 Ci-dessus, lou roc de san Guiral à Saint-Cirgues (Lot). Ci-dessous, statue et vitrail dans l’église de Saint-Cirgues. Laurens. Il est appelé par le chanoine Faucher pour réaliser cet extraordinaire ensemble mêlant la technique de la fresque et du marouflage. Sur les arceaux du chœur on découvre quatre figures de l’ancien testament (Rebecca, Esther, Judith et Déborah) auxquelles répondent les quatre Sibylles, des prophétesses païennes. Dans les bras du transept se trouvent les scènes de la vie de la Vierge, et dans la nef, les évangélisateurs auvergnats accompagnés de grands anges portant les maquettes des sanctuaires mariaux du diocèse de Saint-Flour. Dans le porche d’entrée, deux fresques représentent un pèlerinage au Moyen Âge devant l’église de Quézac, et la procession du couronnement de la statue en 1920. Ningres avait développé un style inspiré de l’Art Nouveau et un vocabulaire narratif néo-médiéval teinté de nabisme qui donne à ses compositions un charme, une originalité et une intemporalité tout à fait adaptés au sujet. Jean Ningres a réalisé plusieurs décors d’église, des portraits et des paysages. Il a enseigné dans plusieurs institutions toulousaines et devint restaurateur pour les Monuments Historiques. Décédé en 1964, les décors de l’église de Quézac restent son œuvre la plus importante. L’étape suivante nous entraîna dans le Lot, à Saint-Cirgues où saint Géraud serait mort. De multiples témoignages de l’attachement millénaire des habitants au « Bon Comte » existent encore dans le village et dans l’église, notamment une statue, un vitrail, et une grosse pierre auprès de laquelle saint Géraud, dit-on, aimait à prier. Pour finir, c’est dans la très belle église de Linac que l’épisode du curé Géraud et du miracle du poisson fut évoqué. Sur tout ceci, bien entendu, on nous permettra de renvoyer à l’ouvrage précité, publié par notre société, et que tout ami du Cantal se doit de posséder ! 12 Le rocher de Marcolès et l’église Saint-Géraud d’Aurillac, vue depuis la terrasse du château Saint-Étienne. Saint Géraud dans les Alpes À la suite de la publication du livre Sur les pas de Géraud d’Aurillac, M. Denis Veyrat, d’Auris-en-Oisans en Isère (site géraldien important qui fait l’objet d’une notice dans l’ouvrage), nous transmet l’extrait d’un registre de catholicité où se trouve mentionné le baptême de Géraud Dusser, fils de Jean, en 1678. Le prénom était donc porté sans déformation à Auris au XVIIe siècle, preuve supplémentaire que le culte y était vivant, bien que le saint soit très éloigné de son « pays natal ». 13 « Endroit-Envers » exposition Pierre Granger à Aurillac L’exposition des œuvres de Pierre Granger, qui a lieu au musée d’Art et d’Archéologie d’Aurillac depuis le 17 septembre et jusqu’au 6 novembre, est à recommander sans réserve. Pierre Granger est l’un des artistes les plus actifs du département, et sa notoriété le porte bien au-delà de nos montagnes puisqu’il remporte régulièrement des prix de gravure dans de nombreux pays. Sa technique de prédilection est l’eau-forte, dont une sélection de ses plus belles réalisations est présentée dans cette exposition, mais il pratique aussi le dessin à l’occasion, et a contribué plusieurs fois à l’illustration de notre revue. Les articles « La délivrance de Salers » et « La recluse de Saint-Flour » ont bénéficié de ses illustrations inédites ; les plaquettes Sans chagrin de Jean-Claude Sordelli et Sainct Gérauld, comte et confesseur de Jacques Branche ont également été agrémentées de ses créations originales, ainsi que le deuxième boîtier de rangement de nos revues sur le thème des légendes d’Auvergne. Pierre Granger est né en 1935 à Orléansville. Il a enseigné l’Allemand en Algérie puis à Aurillac au lycée Émile Duclos, où des générations de jeunes aurillacois ont bénéficié de ses cours sans se douter que derrière ce professeur de langue sérieux et un brin austère se cachait un artiste original et fantasque… À partir de 1996 il expose dans le monde entier ses gravures, développant un univers onirique peuplé de créatures tirées du passé comme du futur, de machines infernales et de personnages mythologiques ou littéraires. Un article plus complet consacré à l’œuvre de Pierre Granger sera présenté dans un prochain numéro de la revue, mais en attendant, on ne saurait trop inviter tous les amateurs d’art à découvrir son univers graphique en visitant l’exposition d’Aurillac. À ne pas manquer également, sur place, le film réalisé par Cécile Granger, son épouse, qui explique la technique de la gravure et offre en musique un voyage au cœur de certaines de ses compositions les plus fourmillantes. Ci-dessous, une composition autour du personnage de Gerbert, réalisée pour le deuxième boîtier de rangement de nos revues. 14 Psychomania Inauguration de l’exposition Pierre Granger au musée d’Art et d’Archéologie d’Aurillac. 15 LIRA, une association auvergnate qui défend les libraires indépendants Créée en 2007, l’association LIRA (Libraires Indépendants en Région Auvergne) a pour objectif l’accompagnement et le soutien de la librairie indépendante en Auvergne. Le libraire indépendant est un acteur important de la vie culturelle sur les territoires, tant urbains que ruraux : il joue son rôle d’animateur tout en faisant face aux impératifs économiques de sa situation d’entrepreneur. L’association LIRA, par son action, permet une meilleure visibilité de ce travail des libraires et une amélioration continue de la professionnalisation de ses membres, afin qu’ils puissent aborder la modernité avec de nouveaux outils permettant de répondre aux exigences du consommateur, tout en restant fidèles à une éthique de respect et de liberté. De septembre 2010 à juin 2011, l’association LIRA mobilise à nouveau ses adhérents dans une action commune d’animation autour du livre : « Auteurs Nomades : les rencontres de Lira ». Il s’agit d’une manifestation d’envergure autour du livre et des auteurs qui permet de mettre en valeur la diversité culturelle offerte par la chaîne du livre. Des rendez-vous à consommer sans modération… Anne Branger et Odette Roquette, présidente et déléguée de LIRA. Une librairie rurale à Murat Aux Belles Pages est une librairie affiliée au réseau LIRA qui entre parfaitement dans le cadre de la valorisation culturelle d’un secteur rural. Daniel Kiernan revendique d’ailleurs le nom de librairie rurale ce qui ne l’empêche pas d’avoir des fonds très spécialisés en poésie, en littérature ou en philosophie. Aux Belles Pages existe depuis bientôt un an et sa clientèle, déjà fidèle, vient parfois de loin, sachant qu’elle y trouvera toujours de bons livres, un accueil chaleureux et une conversation stimulante… Cantal Patrimoine une association - une revue - un esprit 58, rue de Belloy, 15100 Saint-Flour http://cantalpatrimoine.free.fr/ Imprimé par Cantal Reprographie, 15000 Aurillac 16