Sesto San Giovanni entre passé et avenir. Pour une valorisation du

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Sesto San Giovanni entre passé et avenir. Pour une valorisation du
Sesto San Giovanni entre passé et avenir.
Pour une valorisation du patrimoine matériel
et immatériel de la “Stalingrad italienne”
Giorgio OLDRINI
The Mayor of Sesto San Giovanni is a strong supporter and bold promoter of the re-development of his city based on a new generation
of activities. However, he does not conceive that re-development if
not related to the preservation of the major material extant material
structures of Sesto’s industrial heritage, and yet more, to the memory of the labour force who has elaborated, in the course of the XXth
century, a technical, social and political culture which he deems to be
a main asset for the city’s future. He is keen to share with all citizens
the ambition of keeping safe the link between a brilliant past and the
coming future which is already starting in the current years.
Sesto San Giovanni compte aujourd’hui 83.000 habitants, elle est la
cinquième ville la plus peuplée de la
Lombardie. Elle est située aux portes
de Milan, même si nous, gens de Sesto,
nous disons, avec un peu d’ironie et
d’effronterie, que c’est en réalité Milan qui se dresse aux limites de Sesto
San Giovanni. Sesto a derrière elle une
tradition industrielle tout à fait particulière: en effet, c’est ici, entre 1903
et 1911, selon les historiens de l’industrie, que s’est accompli un épisode
majeur du développement industriel
de l’Europe, dans une concentration
temporelle et spatiale exceptionnelle.
En effet, au cours de huit années seulement, se sont installées sur notre territoire des entreprises aussi extraordinaires par leurs dimensions que par la
qualité de leurs produits, telles que la
Breda, la Falck, l’Ercole Marelli, la Campari, la Garelli et d’autres encore qui
nous considérions comme d’importance mineure, mais qui en n’importe
quelle autre région de l’Italie – et pas
seulement d’Italie – auraient été considérées comme de grandes entreprises.
La présence de ces usines a été de nature à conférer à notre commmunauté deux caractéristiques principales.
Une grande capacité d’innovation,
puisque c’est à Sesto qu’Ercole Marelli
a inventé l’industrie électromécanique
italienne, qu’Ernesto Breda a entre
autres construit le seul avion quadrimoteur jamais réalisé en Italie, que
Davide Campari, outre qu’il a conquis
le monde avec ses apéritifs, a créé la
publicité moderne dans notre pays,
tandis que la Falck a été la première
entreprise à introduire le cycle continu
dans la sidérurgie, et que la Garelli a
conçu des motos qui ont remporté des
championnats du monde dans les catégories des 125 et 250 cm3.
La seconde qualité décisive a été celle
d’une grande cohésion sociale, et donc
d’une profonde solidarité. Au cours
de la lutte pour la Libération, c’est de
nos usines que sont parties les grandes
grèves de 1943 et 1944 qui se sont
ensuite répandues en Italie et en Europe, et ont porté un coup très dur au
fascisme et au nazisme. Plus de 600
personnes originaires de Sesto ont été
déportées dans les camps hitlériens
et plus de 300 ont été assassinées à
Gusen, Mauthausen, Harteim et dans
d’autres camps d’extermination. Une
centaine sont tombées au combat dans
les quartiers de Sesto ou de Milan ou
dans les régions montagneuses au sein
de corps de partisans.
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Sesto San Giovanni entre passé et avenir
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Autour des grandes usines qui s’étendaient sur quatre kilomètres carrés
(sur les onze couverts par l’ensemble
du territoire de Sesto San Giovanni),
sont apparus les villages ouvriers et les
maisons des cadres, se sont multipliés
les Cercles “rouges” ou “blancs”, où
les travailleurs se rencontraient pour
s’organiser ou pour jouir de leurs
heures de liberté.
Après la Libération, Sesto San Giovanni est devenue un laboratoire politique et social; outre qu’elle a été le
lieu d’invention et de production d’articles et de machines qui ont amélioré
la vie de millions de personnes dans le
monde entier. L’administration municipale de la “ville des ouvriers” a mis
fortement l’accent sur la culture au
cours de la reconstruction. Parmi les
premiers services publics alors créés
on compte une Bibliothèque municipale qui est devenue un centre de la
culture milanaise, et trois écoles municipales de formation artistique.
Plus tard, à partir des années quatrevingts, a débuté le déclin de la grande
industrie, et en 1996 la dernière grande
entreprise, la Falck Unione, a définitivement fermé ses portes. En l’espace
de quelques mois dix mille emplois
ont été perdus, et le premier effort remarquable de la Ville a été d’éviter un
désastre social. Grâce à l’engagement
de la Municipalité, des organisations
syndicales et politiques ou encore sociales, à celui d’un vaste réseau de solidarité, il n’y a pas eu à déplorer chez
nous des drames sociaux tels que celui
qui est retracé par le film anglais Full
Monty, même si les difficultés des particuliers et des collectivités ont parfois
revêtu un caractère dramatique.
En même temps, cependant, les administrations municipales ont dessiné les
contours de l’avenir de la ville, en partant de l’ambition de conserver à Sesto
San Giovanni un rôle qui désormais
lui appartient, celui d’être un point de
référence pour le pays, bien au-delà de
ses dimensions physiques.
Partir du meilleur de ses traditions
est le choix qui a été fait, en les utilisant tout naturellement en vue de la
conquête d’un futur qui soit à la hauteur du passé de la cité. De ce fait, le
rôle du travail et de la culture sont
pour nous des éléments déterminants.
Le patrimoine matériel et moral de la
ville est préservé, pour servir de base
fondamentale au développement, ancien et nouveau à la fois.
Avant tout, on a identifié des bâtiments ou des complexes qui ont eu
beaucoup de signification dans l’histoire de Sesto San Giovanni, et audelà, et on les a réhabilités ou on se
propose de les réutiliser pour la ville
de l’avenir. Afin de stimuler ce travail
et la conformité de la réhabilitation, il
a été prévu dans les règlements d’urbanisme que les édifices historiques en
mains privées considérés par la Municipalité comme importants pour un
développement évolutif, s’ils sont restructurés et utilisés par leurs propriétaires, reçoivent un prix en relation
avec les volumes restaurés.
Dans diverses parties de la ville le travail de transformation est très avancé. Je pourrais en donner beaucoup
d’exemples, mais j’aime particulièrement citer le cas de la zone du pont
roulant de l’ex-Breda, département de
la sidérurgie. Cette immense grue, avec
son squelette métallique, aurait dû être
démolie, selon les plans primitifs. Mais
après que furent tombés les murs du
hangar qui l’abritait, nous sommes
tombés sous le charme de cet énorme
objet. Nous avons donc décidé de le
maintenir sur pied et de le transformer en un théâtre à ciel ouvert, le plus
grand de Lombardie. A côté des nouvelles usines qui ont pris la place de
la Breda, sur le côté du centre commercial et du complexe de salles de cinéma, à l’arrière du nouveau Musée de
l’Industrie et du Travail où s’organise
entre autres, depuis trois ans, la pres-
Giorgio OLDRINI
tigieuse saison du Teatro Filodrammatici,
qui a quitté le centre de Milan pour
venir en ce lieu, est né un espace où
se rencontrent toutes sortes de gens,
principalement des jeunes, pour assister à des concerts, des fêtes, des manifestations de toute nature. Les jeunes
gens ne connaissaient même plus
l’existence d’un objet dénommé Carroponte, dont le souvenir s’était perdu
dans la mémoire des grands-parents ou
de quelques parents. Mais maintenant,
quand je demande à mon fils âgé de
vingt-trois ans: “Où vas-tu ce soir faire
de la musique avec tes amis ?”, je l’entends me répondre: “Au pont roulant”.
Et je suis ému de voir et de savoir que
nous avons contribué à reconquérir un
lieu, un objet, un mot pour la jeunesse
d’aujourd’hui, en même temps qu’une
structure pour l’avenir.
A présent le défi concerne la zone des
usines Falck, sans doute la plus grande
friche qui soit actuellement à récupérer
en Europe: un territoire à l’abandon
de presque deux millions de mètres
carrés. Sur la plus grande partie de ce
territoire – autour d’un million et demi
de mètres carrés – il existe un projet
de Renzo Piano qui, entre autres, prévoit de restructurer et de rendre à une
nouvelle vie des joyaux de l’architecture industrielle du XXème siècle. Les
immenses hangars “T3” et “T5” où
s’effectuaient les coulées, le laminoir,
l’”Omec” (Officina meccanica = ateliers
de mécanique) qui est le plus long bâtiment industriel d’Italie, le “Bliss” où
s’installera la nouvelle Bibliothèque
municipale, la tréfilerie où trouveront
place les écoles d’art municipales, l’
”Esedra”, ancienne entrée de la Falck
Concordia déjà réhabilitée, et le “Mage”
(les Magasins Généraux) qui deviendra
et est déjà en partie un grand espace
d’accueil pour la culture de la jeunesse.
Ainsi la tradition et la mémoire s’entrelacent-elles pour servir de base au
développement, dans une démarche de
défense des traditions et des caracté-
ristiques les plus valables de la collectivité qui apportent, en même temps,
le courage nécessaire à la conquête
d’un avenir qui soit à la hauteur du travail accompli par nos grands-parents
et nos parents.
Giorgio Oldrini est Maire de Sesto San Giovanni
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