GRASSECULTURE GRASSECULTURE

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GRASSECULTURE GRASSECULTURE
grasseCULTURE
grasseCULTURE
Farina et
l’eau de
Cologne
L’eau de Cologne, premier parfum moderne à base d’alcool
neutre et d’huiles essentielles,
fut créÉ par Jean-Marie Farina
en 1709 comme l’aboutissement
d’un long apprentissage commencé à Venise. certains textes
évoquent le grand tour réalisé
par l’artiste à la rencontre
du monde des parfums.
Ses pas l’auraient conduit
jusqu’à Grasse à la découverte
d’une ville de contrastes et de
senteurs.
Difficile d’imaginer la ville telle qu’a
pu la voir Jean-Marie Farina. Grasse
est alors entièrement entourée par
l’enceinte du XIVe siècle. Elle compte
8000 habitants, comprend sept
portes et plusieurs tours. Riches
et pauvres vivent dans les mêmes
quartiers. Les animaux sont présents
dans les rues avec les détritus de
toutes sortes qui attendent la pluie
pour aller fertiliser les jardins qui se
trouvent en bas sous les remparts. Le
nez délicat de Jean Marie ne s’émeut
probablement pas de ces odeurs,
lui qui affectionne les quartiers de
tanneurs malgré la pestilence qui s’en
dégage. À l’époque, la ville est l’un des
grands centres de production de cuirs
de la Provence. Il s’agit de cuirs verts
tannés à la poudre de myrte caractéristiques de la production locale.
Notre voyageur se rend peut-être au
Rouachier et sur la place aux Aires
dans la partie haute de la ville où se
trouvent certains de ces artisans qui
utilisent largement l’eau de la Foux.
Il y voit sans doute les cuirs dans les
fosses de tannage. Il passe sous les
peaux qui sèchent, suspendues dans
les rues. Dans le bas de la ville, au pied
du Puy, se trouvent plutôt les fabricants
de cuirs fins, savetiers, pelletiers et
gantiers. C’est là aussi que se trouvent
les marchés aux herbes, à la viande
et aux poissons. Sur la colline du Puy,
l’air y est meilleur.
C’est le centre religieux et administratif : l’évêché, la cathédrale, la maison
des chanoines, le siège du tribunal
de la Sénéchaussée et l’Hôtel de ville
construit au XIIIe siècle. Grasse, ville
prospère et active est vraiment la
capitale de la Provence orientale.
Ce qui intéresse en particulier notre
visiteur, ce sont les nouveaux parfums
qui sont recherchés à la charnière des
deux siècles.
On délaisse peu à peu les senteurs
fortes destinées à masquer les mauvaises odeurs pour des parfums plus
légers et surtout plus floraux. JeanMarie Farina découvre les nouvelles
plantes, venues d’orient, cultivées à
Grasse. Enfant, il adorait la senteur
des narcisses sur les pentes du lac
de Garde. Il veut sentir le jasmin, la
plus prestigieuse de ces nouveautés
mais aussi la rose, la tubéreuse et les
plantes aromatiques de la montagne.
C’est le climat de la région qui autorise
ces cultures et c’est la demande de la
cour qui en assure le débouché.
Quelques années
plus tôt un gantier
parfumeur a fait
fortune en devenant le fournisseur de la cour
de France : Jean
Gallimard.
Il a été, parmi
d’autres, à l’origine
du développement
des cultures de
fleurs à parfum à
Grasse. Les « gantiers parfumeurs »
grassois, en extrayant les parfums
par enfleurage
produisent des huiles
parfumées, des pommades et des baumes
qui assouplissent et
parfument les cuirs et
les gants.
Une autre plante intéresse particulièrement Jean-Marie Farina, c’est la fleur
d’oranger. On la cultive à Grasse dès
le XVIe siècle avec l’arrivée des populations venues d’Italie et le mariage du
roi Henri II avec Catherine de Médicis.
L’eau de fleur d’oranger, produite par
infusion, est largement utilisée par les
privilégiés pour leur toilette.
Jean-Marie Farina deviendra un
spécialiste des agrumes et notamment
de la variété bergamote dont Grasse
utilisera les fruits pour fabriquer des
boîtes parfumées.
Jean-Marie Farina s’intéresse enfin à la distillation qui commence à être
utilisée à Grasse. C’est
précisément lui qui collabore à la mise au point d’un
alcool neutre, sans odeur
qui devient la base de l’« eau
de Cologne », d’après une
recette héritée de son oncle
Giovanni Paolo Feminis.
Vendue à l’origine comme un
médicament, l’eau admirable
de Farina conquiert peu à
peu les cours d’Europe et devient le parfum favori de Louis
XV, Louis XVI puis de Napoléon
qui, dit-on, se faisait un canard
Farina trempé dans l’eau de
Cologne pour se donner du courage avant de partir au combat.
Hydrolat additionné d’eau de
vie, les premiers prospectus vantent
ses vertus : toilette, maux d’estomac,
produit de beauté, sédatif, dentifrice,
désinfectant, tonique, il n’est pas d’organe à qui elle n’est indispensable. Plus
de deux siècles après sa création, l’eau
de Farina reste un produit très prisé,
peut-être - nous aimons à le croire parce que sa composition tire une partie
de son succès de l’inspiration grassoise
de son auteur.
Retrouvez Robert VERLAQUE pour
sa présentation de « Grasse sous
l’Ancien Régime ».
Conférence du Cercle Culturel du Pays
de Grasse.
Mercredi 6 janvier à 17h
Au Palais des Congrès
(6 € pour les non adhérents).
FARINA a été mis à l’honneur lors d’une émission d’Arte diffusée le 15 novembre 2015 « Le parfum, une histoire des senteurs »
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KIOSQUE janvier 2016 GRASSE
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