Formation tutorale de nouveaux agents infirmiers
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Formation tutorale de nouveaux agents infirmiers
Formation tutorale de nouveaux agents infirmiers : De l’établissement de référentiels de compétences à la formation des tuteurs Piette, S-A., & Orban, M. (2003). Personnel et Gestion, 12ème année, n°7, Ed. Kluwer. Dans le cadre de deux projets subventionnés par le Fonds Social Européen portant l'un sur la gestion des compétences et l'autre sur le tutorat, le Centre de Recherche sur l'Instrumentation, la Formation et l'Apprentissage (CRIFA) de l'Université de Liège et les Hautes Etudes Commerciales de Liège (HECLiège) coordonnent leurs travaux pour développer une démarche complète allant de l’analyse des besoins de formation sur base de l’identification de compétences à la mise sur pied d’une formation par tutorat. L’article ci-dessous décrit la démarche suivie chez un de nos partenaires de terrain, le Centre Hospitalier Régional de la Citadelle1 (CHR Liège), et, plus précisément, avec les équipes infirmières de deux unités, les services de néonatologie et d'onco-hémato-pédiatrie. 1. Les enjeux pour l’hôpital L’hôpital est intéressé à améliorer la prise en charge de leur nouveau personnel infirmier. Des ressources existent déjà, plus ou moins développées selon les unités de soins, qui visent l’acquisition d’une autonomie plus rapide dans des conditions de sécurité maximale. Cette prise en charge doit aussi réduire autant que possible le stress lié à l’entrée dans une nouvelle fonction et placer les agents, dès leur arrivée, dans un climat de formation continue et de développement personnel. L’enjeu du projet de recherche est de développer et formaliser cette dynamique d’accompagnement, sous la forme d’un ou plusieurs modèle(s) d’accompagnement des nouveaux agents infirmiers, généralisable(s) à l’ensemble de l’hôpital. Cette préoccupation s’inscrit dans le plan stratégique global 2003 de l’hôpital, dans le projet de soins 2003-2008 et dans les objectifs opérationnels 2003-2004 du département infirmier. Les enjeux globaux de ces plans et stratégies sont de : • développer des qualifications médicales « pointues », • améliorer les compétences managériales des infirmiers, • augmenter toujours la qualité des soins et la sécurité, • créer des modèles de transferts d’expertises cliniques et organisationnelles. 2. La problématique des « jeunes infirmier(ère)s» L’hôpital de la Citadelle doit faire face, à l’heure actuelle, au renouvellement annuel d’une centaine d’agents infirmiers, soit environ un dixième de l’effectif total. Les départs anticipés en pension, les aménagements de fin de carrière à partir de 45 ans, la proportion importante (30 %) de travailleurs à temps partiel, les congés prophylactiques de longue durée, expliquent en grande partie ce taux de renouvellement élevé. Les jeunes infirmier(ère)s, gradué(e)s en soins infirmiers (3 ans d'études) ou avec une année de spécialisation complémentaire, doivent prendre en charge très rapidement des activités pour lesquelles ils/elles n’ont pas toujours pu expérimenter suffisamment les pratiques apprises ou les adapter aux procédures spécifiques de l’hôpital. Pour prendre un exemple assez général, les capacités d’organisation de son travail ne peuvent avoir toutes été expérimentées lors des stages ou simulées 1 Cet hôpital compte 1036 lits aigus 1 dans le cadre scolaire : répartir son travail en fonction des urgences, des soins, du nombre de patients, des activités liées à la salle (heures d'école, soins particuliers, départ pour le poste opératoire), des imprévus , … Pourtant, les infirmier(ère)s débutant(e)s doivent être autonomes très rapidement vu les normes imposées d’effectif de personnel soignant. L’hôpital ne peut se permettre de prolonger la formation initiale de ses nouveaux membres. Dans ce contexte, le tutorat semble être une des méthodes de formation efficiente où la compétence individuelle se construit dans l’action à travers l’expérience, l'appropriation et la mise en œuvre concrète de tous les savoirs nécessaires, à commencer par ceux qui sont spécifiques au poste de travail, à l’unité de soins. 3. La réponse complémentaire des deux projets FSE à la demande de terrain Dans le cadre du projet Gestion de Compétences, nous avons conduit la description, avec les partenaires de terrain, des activités liées au métier infirmier des deux salles et l’analyse de ces activités en termes de compétences et de ressources nécessaires. Sur base de ces référentiels, une analyse des priorités de formation des jeunes a été réalisée, rejoignant là les préoccupations du projet Tutorat. Dans le cadre de ce dernier, nous avons poursuivi l’analyse des besoins de formation des tuteurs, puis la formation proprement dite. Celle-ci est conçue en quatre parties : • la transmission d’un bagage pédagogique minimum visant à améliorer les compétences de formateur (au sens large) des futurs tuteurs ; • l’appropriation de supports pédagogiques ; • la conception d’outils de suivi et d’évaluation des acquis ; • la réalisation de ressources de formation relatives aux contenus de formation identifiés. 4. La fonction tutorale 4.1. Définition du tutorat Le tutorat est un dispositif de formation intégré au travail. Il permet " un apprentissage expérientiel dont la principale caractéristique est de s’effectuer dans une situation dont l’objet principal n’est pas la formation, mais le travail. " (Boulet, 1992). L’apprenant évolue dans un processus de construction de compétences spécifiques à un poste de travail réel. Un dispositif de formation est un ensemble de moyens dédié à l’apprentissage et comprend : l’apprenant, le(s) formateur(s), le curriculum (objectifs, contenus, activités), les autres apprenants et les technologies ou supports de formation. L'efficacité de celui-ci est également tributaire du contexte organisationnel et institutionnel dans lequel il s'exerce. " L’intégration du sujet apprenant acteur de son apprentissage et la prise en compte de ses interactions avec l’environnement de formation témoigne d’une approche constructiviste (qui considère que les connaissances sont construites par les sujets au cours de leurs interactions avec l’environnement.)" (Charlier, 2000). 4.2. Fonctions du tuteur Le tuteur, dans cette perspective constructiviste, n’a pas seulement un message à transmettre à propos d'un savoir-faire, mais doit créer les conditions favorables à l’apprentissage en situation de travail : • analyse des besoins de départ, cadrage ; • conception des activités utiles au développement des compétences de la personne ; • conception et développement de ressources utiles à l’apprentissage. 2 • • • mise en œuvre des activités; initiation et approfondissement des pratiques au départ d’activités de terrain; soutien (moral) dans l’intégration et dans l’apprentissage. évaluation continue et finale de l’apprenant afin de juger si le niveau de compétences requis est atteint. Le tuteur est un formateur à part entière qui doit, en plus, gérer les actions dans un environnement de production réelle. Il doit prendre en compte et maîtriser tous les aspects de sécurité et de qualité requis par la situation de travail réel. 5. Facteurs influençant l’organisation du tutorat Dans la pratique, il apparaît que certaines des difficultés rencontrées par la formation tutorale soient dues à l'influence de facteurs appartenant à l'environnement organisationnel. Si le tuteur ne dispose par exemple pas de suffisamment de temps pour former ou si la direction ne soutient pas le projet, il est difficile pour le tuteur et l'apprenant de travailler dans un environnement favorable à l'apprentissage. 5.1. Facteur d'implication Le projet de tutorat pour être efficace doit être conduit comme un projet collectif par l'ensemble de l'entreprise. Comme toute dynamique de changement au sein d'une organisation, c'est naturellement la direction qui doit être le premier acteur du projet en y apportant son appui et en dégageant les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des actions. Notre expérience de travail chez différents partenaires nous a montré l’importance du cadrage de ce type d’action par l’ensemble de la hiérarchie. Quelle que soit la méthode, la communication sur les objectifs est fondamentale. Elle permet de situer des démarches précises dans les plans stratégiques de l’institution. Elle donne du sens aux actions. Elle donne aussi les bases pour évaluer et réguler les actions, pour prendre le recul nécessaire à une cohérence globale. La communication entre les personnes directement impliquées dans l’action et la hiérarchie permet encore à cette dernière de prendre la température du terrain, d’identifier les ressources nécessaires, d’anticiper les problèmes ou d’y réagir, de soutenir les personnes et les propositions ou de les réorienter. Par exemple, lors d’une réunion d'un comité de pilotage, les difficultés liées au moment d’arrivée des nouvelles recrues (juste après l’années scolaire, c’est à dire au moment des congés payés) ont été soulevées et des possibilités d’engagement par « trains successifs » proposées et discutées. 5.2. Facteur de ressources allouées Baudrit (1999) souligne que les bénéfices du tutorat ont plus de chance de se marquer lorsque ses pratiques se déroulent sur une période d'une certaine durée. La direction doit pouvoir créer un cadre propice et à long terme: "A partir du moment où tuteur et tutoré se rencontrent régulièrement, disposent de suffisamment de temps pour mieux se connaître, interagir ou échanger de façon approfondie, il est possible d'attendre des évolutions favorables, chez les uns comme chez les autres, en matière d'apprentissage." La gestion du temps est une des principales contraintes pour l’institution et pour chacune de ses unités en particulier. Cela engendre souvent une réorganisation de l'organigramme de l'unité dans laquelle est entrepris l'activité tutorale, voire l'engagement d'une nouvelle personne pour rééquilibrer la distribution des rôles. En effet, une particularité du tuteur est son ambivalence formateur - producteur et, souvent, si les conditions favorables à la facette tutorale ne sont pas suffisantes, le rôle de producteur doit prendre le 3 pas sur celui de tuteur. Comme le souligne Bouvard (1993), "en entreprise, le temps est capital. Les délais sont impératifs et vous pouvez être amenés à [...] remplacer votre stagiaire pour terminer à temps votre travail. Bien entendu, vous n'avez plus le loisir de tout lui expliquer...". 5.3. Facteur de reconnaissance de la fonction tutorale La fonction tutorale, alors qu’elle induit généralement une charge de travail supplémentaire pour le tuteur, n'est bien souvent pas reconnue, ni statutairement, ni financièrement. Une telle reconnaissance influence pourtant la motivation, l'implication des tuteurs et des apprenants, et permet à chacun des intervenants de discerner les bénéfices et les avantages qui ressortiront de la nouvelle activité. Dans le cas de l’hôpital, il s’agit bien d’une démarche qui implique la hiérarchie et certaines unités de soins. L’objectif est de mener ce projet en tant que pilote afin d’analyser des modèles organisationnels applicables. Dans un second temps, la démarche pourra être élargie à l’ensemble de l’hôpital, ce qui entraînera une série de décisions institutionnelles concernant : • des engagements éventuels, • le suivi des tuteurs, • une monographie de fonction des tuteurs, • des aménagements horaires et/ou organisationnels qui faciliteraient le(s) modèle(s) de tutorat choisi(s),…. • le statut hiérarchique et la responsabilité des tuteurs. 6. Déroulement du projet 6.1. Phase 1. Définition du projet et cadrage des actions Pendant plusieurs réunions, nous avons eu l’occasion de rencontrer le directeur du département infirmier ainsi que l’infirmière chef de service chargée de la formation permanente du département. Nous travaillons dans une perspective de recherche-action, c’est à dire où les échanges entre les actions de terrain auxquelles participent les chercheurs et les apports théoriques, bibliographiques et expérientiels de chacun(e) doivent servir les objectifs des partenaires de terrain tout en assurant la capitalisation des savoirs acquis par le projet. Les problèmes étant clarifiés, deux unités de soins ont été proposées pour participer à l’action pilote sachant qu’elles avaient déjà développé des stratégies de formation des nouveaux agents et ne partaient donc pas de rien dans la réflexion : • L’unité d’onco-hémato-pédiatrie (salle 57) remédie aux lacunes généralement observées chez les nouveaux par une semaine de formation intensive. Ce séminaire de formation est concentré sur des contenus prioritaires comme par exemple le calcul de dosage des médicaments, l’organisation du service. • Dans l’unité de néonatologie intensive (salle 40), une infirmière est détachée pour l’encadrement des nouveaux agents. Elle montre, explique, apprend, fait observer, fait faire, évalue les progrès de l’apprenant : autrement dit, elle joue un rôle de tuteur. Pour chacune de ces deux unités, un comité de travail a été constitué avec l’infirmier(ère) chef de service, infirmière en chef, l’infirmière en chef adjointe et l’infirmières chargées de l’accueil et de l’accompagnement des nouveaux infirmiers. Celui-ci a précisé ses attentes et les contextes d’intervention. A ce stade déjà, apparaissaient de grandes différences de fonctionnement entre les deux salles. Un comité de pilotage de l’ensemble du projet comprenant ces mêmes personnes ainsi que le Directeur du Département infirmier et l’infirmière chef de service chargée de la formation permanente du département s’est réuni a établi un plan de travail (voir figure 1). 4 Projet Tutorat – Gestion des compétences J Préparation / Observation Pilotage Réunion travail Travail seules F M Descriptif activités A Descriptif compétences problèmes M Descriptif compétences tuteur J Formation des tuteurs potentiels J Analyse des formations existantes A S O Descriptif complet des compétences Validation des référentiels Dvpt supports formation par tutorat Suivi formation par tutorat Comparaison Auto-éval des avec pré-acquis équipes supposés Figure 1 6.2. Phase 2. Description des activités des infirmiers des deux unités Cette description ayant pour finalité la formation par tutorat dans chacune des deux salles, nous avons réalisé des listes descriptives distinctes. Un premier document de travail commun a été établi sur base de documents existants (questionnaire d’évaluation des agents, le plan de progression infirmier,…) et sur base de notre observation du travail infirmier. Le travail d’analyse et de rédaction s’est ensuite déroulé en une dizaine d’heures par unité de soins afin de préciser les activités, d’amplifier la liste, d‘analyser les contextes et les ressources, les critères de qualités des activités. Les participant(e)s ont exprimé librement leurs idées. De séance en séance, les listes ont été transformées, complétées, restructurées. Afin de réunifier la réflexion et d’autoriser la comparaison, nous avons retravaillé les listes complètes, leur donnant une structure parallèle en six grands volets (voir figure 2). 5 I. Organiser le travail du service II. Réaliser les soins de chaque patient Restructuration en parallèle S40 // S57 : III. Gérer les relations avec le patient et sa famille • arborescence commune IV. Réaliser le suivi administratif et médical écrit du patient • 6 dimensions principales V. Gérer les contacts avec les services externes • tronc commun + activités spécifiques VI. Développer les compétences et la performance individuelle et collective ! " #$%&'! ( )" *)+'%-,/. 021 3)4)1 365 Figure 2 Elles ont ensuite été relues une dernière fois par les deux groupes, chacun ajoutant encore à ce stade quelques éléments issus de l’autre groupe, avant de valider le tout. Extrait d’une des listes d’activités (figure 3) : 6 II. REALISER LES SOINS DE CHAQUE PATIENT A. Réaliser les soins infirmiers a) Réaliser les soins d'hygiène et de confort • Alimenter l'enfant • Distribuer les médicaments // aux heures des repas • Réaliser la toilette de l'enfant / aider les parents à la faire • Habiller l'enfant • (Re)faire les lits b) Observer, relever, analyser et interpréter des données spécifiques à une population d'enfants (vs adultes) • Observer visuellement l'état général et le comportement de l'enfant • Effectuer la prise de paramètres, les analyser et les interpréter : t°, poids, taille, pouls, PA, respiration, saturation, selles, urines, glycémie, • Relever les données de surveillance appareillée et les analyser spécifiquement à la population cardio-respiratoire, saturation O² (monitoring), PA, glycémie • Déterminer le régime alimentaire approprié pour l'enfant c)Réagir aux observations …de manière autonome • • • • • • Aspirer un enfant encombré Oxygéner un enfant "Resucrer" un enfant en hypoglycémie Réaliser un prélèvement de selles Intensifier la surveillance, augmenter la fréquence d'observation Mettre un enfant qui convulse en position de sécurité …en suivant les prescriptions du médecin (individuelles, ordres permanents) (…) d) Echanger des informations avec les collègues et avec les responsables de la salle (infirmière-chef, médecin) (…) Figure 3 Ces listes constituent la description par les personnes de terrain de ce qui se passe dans leurs unités de soins. Elles pourront servir à mieux informer les nouveaux agents du travail tel qu’il est pratiqué à l’heure actuelle et avec les ressources actuelles dans chacune des salles. Elles peuvent aussi servir à la hiérarchie pour : - mieux visualiser ce qui se passe dans les salles; - envisager, si le besoin s’en fait sentir, l’attribution de ressources particulières; - entamer une démarche prescriptive (et non plus descriptive) des changements attendus, en cohérence avec une politique globale de l’institution. Les activités ont ensuite été classées selon deux axes (figure 4). Premier axe : caractère central de l'activité. D'un côté les activités considérées comme étant "au cœur" du métier et de la responsabilité de l'infirmier(ère). De l'autre, des activités plus périphériques, moins spécifiques. Deuxième axe : caractère problématique par rapport aux nouveaux agents. 7 Les activités ont été classées suivant trois niveaux de fréquence de difficulté posée pour leur maîtrise rapide par les nouveaux agents. V E N T IL A T IO N D E S A C T I V IT E S à p r o b lè m e • a c tiv ité s a u « c œ u r » d u m é t ie r / a c t iv ité s p lu s p é r ip h é r iq u e s « C œ ur » • a c tiv ité s p o s a n t p r o b lè m e a v e c le s n o u v e lle s : to u jo u r s, p a r fo is , p r e sq u e j a m a is P é rip h é riq u e s T o u jo u rs P a rfo is J a m a is 798:; < =>'?A@'; B 86< C'D)?E7/F-G H)I J6K6I J'L Figure 4 Cette ventilation a pour but d'identifier les compétences à considérer en priorité comme contenus de la formation par tutorat, c'est-à-dire celles liées aux activités "cœur qui posent problème". 6.3. Phase 3. Création du référentiel de compétences En utilisant la même méthode que lors de la création du référentiel d’activités, les acteurs de terrain ont dressé la liste des compétences nécessaires à la bonne réalisation des activités. Ces compétences ont été décomposées en savoirs (connaissances), savoir-faire relationnels (en partie décrits dans les activités et dans les critères de la première liste), savoir-faire techniques (ceux-ci étant déjà pratiquement décrits dans les activités) et attitudes. De plus, les ressources spécifiques nécessaires ont également été répertoriées. Nous avons explicité ce qui était attendu et la manière d’opérationnaliser les compétences, puis les infirmières des groupes de travail ont continué le travail seules, en interaction régulière avec nous. Nous avons, ensuite, rendu visible le travail de chaque salle à l’autre salle afin de mettre en parallèle et de compléter les listes. 8 Exemple de mise en correspondance d’activités et de compétences (figure 5) : ACTIVITES Effectuer la prise de paramètres, les analyser et les interpréter. Relever les données de surveillance spécifiquement à la population. SAVOIRS appareillée et les analyser S.-F. S.-F. ATTITUDES RESSOURCES TECHNIQUES RELATIONNELS C • Connaître les • Interpréter • Adopter un 1 un normes des comportement problème et qui n’entraîne paramètres adaptés à réagir en aucun stress l’âge des fonction de ou panique des parents et enfants. l’urgence. des enfants. • Connaître les • Utiliser le normes matériel • Faire appel adéquat aux médecins critiques des quand c’est selon les paramètres âges. nécessaire. selon les pathologies. • Connaissance des personnes à contacter en cas de problèmes (services spécialisés, pédiatres de garde et spécialisés). • Médecins de garde. • Liste des médecins de garde. Figure 5 Tout ce matériau est très précieux. Non seulement, il définit les compétences à acquérir par les nouveaux agents, mais il peut également aider à créer des outils d’évaluation (ou d'auto-évaluation) et permettre, dès lors, d’organiser le développement du savoir individuel, collectif et de l’organisation. 6.4. Phase 4. Choix des tuteurs 6.4.1.Qualités requises du tuteur : Le tuteur est un spécialiste du domaine de la compétence à acquérir, et est formé aux méthodes d’accompagnement ou d’assistance pédagogique dans un dispositif de formation intégré au travail. Le tutorat s’exerce presque exclusivement à l’occasion de formations individualisées et selon Baudrit (1999, p.115) il ne peut fonctionner qu’entre : "un expert et un novice, un spécialiste et un nonspécialiste, un adulte et un enfant, etc." Cet auteur insiste sur la nécessaire asymétrie des compétences entre les partenaires, l'aide des premiers aux seconds découlant tout naturellement de cette asymétrie. 6.4.2. Sélection des tuteurs : La sélection doit se fonder sur au minimum quatre critères : - Expertise professionnelle 9 - Capacités à prendre du recul par rapport à son travail Capacités relationnelles et pédagogiques Volontariat Sur le terrain, les choses ne sont cependant pas toujours aussi simples. D’une part, si l’on souhaite mettre en place la fonction tutorale de façon globale et transversale à toute l'institution, il faut tenir compte du fait que la gestion du personnel (type de communication, désignations, …) ne se déroule pas toujours de la même façon dans les différents secteurs (ou unités). D’autre part, il n’y a pas toujours de volontaires, surtout si des compensations (statutaires, financières,…) ne sont pas clarifiées. Or, lors d'un projet pilote, l’institution ne peut pas prendre d'engagements de ce type à terme. Il s’agit alors de trouver d’autres façons de motiver les individus que l'on aimerait voir s'impliquer dans l'expérience. 6.5. Phase 5. Formation pédagogique des tuteurs 6.5.1. Caractéristiques de la situation d’apprentissage par tutorat : Les caractéristiques suivantes portent sur l’apprentissage au travail qui est d’autant plus efficace que : - le travail a du sens. Pour progresser, la personne a besoin de savoir : a. pourquoi telle ou telle activité doit être réalisée, à quoi elle sert ; b. où se situe ce qu’elle fait dans l'ensemble de l'activité de l'entreprise ; c. pour qui et avec qui elle travaille. - des objectifs de progrès sont définis. - on est sollicité par des problèmes à résoudre en situation de travail. - on est intégré dans une équipe. - on y assume des responsabilités. L’apprentissage au travail n’est pas synonyme de tutorat. Un travailleur apprend par son travail lorsque les caractéristiques ci-dessus sont rencontrées. Le tutorat a pour objet d’accélérer un processus naturel d’apprentissage « sur le tas » et de le rendre « sécure ». A ces caractéristiques, il faut ajouter les qualités pédagogiques du tuteur qui a pour mission d’organiser le dispositif d’apprentissage. 6.5.2. Réflexion sur les actions efficaces des tuteurs : A partir d'une analyse de cas d'apprentissage vécus par les futurs tuteurs comme positifs, nous avons tiré avec eux des leçons en termes de comportements efficaces du tuteur. Quelques exemples suivent dans le tableau ci-dessous (figure 6). Facteurs favorables à l'apprentissage Actions efficaces du tuteur CADRER Motivation, projet personnel, besoin, utilité, Faire percevoir l’utilité, les risques. perception des risques, connaissance des buts. Définir et discuter les objectifs, le plan de formation. […] […] Progressivité de l’apprentissage. INITIER ET APPROFONDIR LES PRATIQUES Construire progressivement la complexité. Structuration de l’apprentissage, des contenus. Apprentissage sans erreur. Mise en œuvre de styles d’apprentissage variés Variété des stratégies de formation (polyvalence (ambivalence mathétique). didactique). […] […] Besoin de feedbacks. EVALUER Donner des FB formatifs: • faire place à l’erreur comme indicateur de besoins d’apprentissage. 10 • […] réguler, relancer, redéfinir les objectifs, adapter la formation. […] Image de soi en tant que « capable de réussir». […] Soutenir, faire exprimer. […] Besoin de ressources : humaines, organisationnelles, matérielles. Mettre des personnes-ressources à disposition pour montrer, expliquer,… Développer des outils de simulation, des exercices, des jeux de rôles,… […] […] SOUTENIR DEVELOPPER DES RESSOURCES Figure 6 Même incomplet, ce tableau montre l'importance pour les futurs tuteurs : - de la variété des situations de travail intéressantes pour l’apprentissage; - de la variété des types d'actions et méthodes qu’ils peuvent mettre en place, en fonction des objectifs à atteindre et du contexte d’apprentissage. Par exemple, en situation à grand risque, on ne se permet pas de laisser l’apprenant trouver une solution à son problème par essais et erreurs. Il s’agit de montrer ce qu’il y a à faire, de vérifier la compréhension hors situation, de faire faire en ne « lâchant la bride » que petit à petit. 6.6. Phase 6. Réalisation de supports pédagogiques L'objectif principal de cette phase de travail2 est de préparer avec les tuteurs des séquences d'activités de tutorat à partir des référentiels d'activités et de compétences définis au cours des phases 2 et 3. Cela suppose d'acquérir des habiletés : - de définition d'objectifs de formation, - de choix méthodologiques, - de conception de supports de formation et d'apprentissage. Le suivi de la progression des apprentissages réclame des outils spécifiques. Il s'agit par exemple de construire avec les tuteurs des grilles d'observation et d'évaluation (auto-et hétéroévaluation) des acquis. Une présentation à différents responsables sera une première validation. L’expérience de tutorat sur le terrain, observée par des personnes extérieures à l’institution, en sera une seconde. Enfin, la discussion avec les apprenants complètera l'évaluation des actions de tutorat mises en place. Un suivi des tuteurs sera organisé afin d’entendre les problèmes rencontrés, de rechercher les solutions possibles et de mettre en place des éventuelles actions correctives. 6.7. Phase 7. Vers un modèle reproductible pour l’hôpital ? La volonté de l’hôpital est de vérifier la pertinence de ce mode d’apprentissage et de parvenir, si les résultats sont jugés satisfaisants, à définir un ou plusieurs modèles d’organisation et de dissémination du tutorat dans l’institution. Suite à l’évaluation du projet, nous pensons pouvoir définir quelques modèles (car les unités de soins ont trop de différences de fonctionnement pour arriver à un modèle unique) qu’il sera utile de discuter avec l’ensemble des responsables de toutes les unités de soins afin d’évaluer la pertinence globale ou les aménagements utiles pour élargir l’action à grande échelle. Au stade actuel du projet, nous ne pouvons encore nous avancer sur ce que seront ces modèles, si ce n’est que le modèle de « doublure » permanente avec le nouvel agent à former, utilisé actuellement en unité 2 Qui sera réalisée dans les prochains mois. 11 d’urgence, n’est sans doute pas reproductible dans des unités de soins dites « banalisées » pour cause d’effectifs moins importants. Il faudra probablement imaginer des solutions moins individualisées, comme par exemple celle d'une « équipe-tuteurs » structurée pour plusieurs apprenants, comprenant un gestionnaire et son assistant, responsable du suivi de l’apprenant et complétée par une série d’experts identifiés et mobilisés en fonction des besoins d’apprentissage. Conclusions La formation par tutorat dans une institution hospitalière semble parfaitement correspondre aux besoins de formation de nouveaux arrivés. L’analyse préalable des métiers permet une grande précision dans la définition des compétences à atteindre et celles qui font défaut à l’arrivée. De plus, les analyses d’activités et de compétences liées à un métier dans une unité donnée permettent de construire des outils de suivi des apprentissages et peuvent être utilisées par les équipes pour autoévaluer leurs faiblesses et s’organiser pour y remédier. La démarche descriptive des activités a pour mérite de décrire "ici et maintenant" le fonctionnement complet d’une unité de soins. Elle peut, par la suite, être transformée en - ou complétée par - une démarche prescriptive. Nous insistons également sur la nécessité de l’implication de la hiérarchie tout au long du processus, sans laquelle les décisions institutionnelles concernant les moyens et l’organisation pour pérenniser l’action ne pourraient pas être prises. Dans ce cadre, avec Baudrit (1999), soulignons que les bénéfices du tutorat auront plus de chances de se marquer si ces pratiques se déroulent sur une période suffisamment longue. La direction doit créer un cadre propice et à long terme. La gestion du temps est une des principales contraintes pour l'entreprise et pour chaque unité de soins en particulier. Cela engendrera certainement une réorganisation de l'organigramme de l'unité dans laquelle sera entreprise l'activité tutorale, voire l'engagement d'une nouvelle personne pour rééquilibrer la distribution des rôles. La responsabilité du tuteur est engagée par rapport aux actions de la personne en formation. Or les conditions de travail du tuteur ne lui permettent pas toujours de « suivre de près » l’apprenant. Il est nécessaire de préciser le statut et les responsabilités de chacun. Rappelons enfin que la particularité du tuteur est son ambivalence formateur - producteur et que, souvent, contraint par les urgences, le rôle de producteur prend le pas sur celui de tuteur. Ce n’est donc pas un rôle très facile à tenir. Il mérite un investissement suffisant en termes de préparation pédagogique. Il est enrichissant car il oblige le tuteur à prendre du recul et à analyser ses propres actions dans le travail. Il est enrichissant aussi par la relation d’apprentissage réciproque et les relations personnelles qui se tissent dans tout travail mené en collaboration. Mais c’est une tâche exigeante qu’il est important de valoriser d’une façon ou d’une autre. Bibliographie BAUDRIT, A. (1999). Tuteur : une place, des fonctions, un métier ? Paris : PUF. BOULET, P., & COURTOIS, B. (1992). Accueillir et former des jeunes dans l'industrie de la Plasturgie. Paris : Editions d'Organisation BOUVARD, C. (1993). Le tuteur minute : guide pratique du formateur sur le poste de travail. Paris : Editions d'Organisation. BUCKLER, B.(1996). A learning model to achieve continuous improvement and innovation. In The learning Organization, Volume 3, Number 3, pp. 31-39, MCB University Press. 12 CERF, J- M. (1995). Guide du tuteur en enterprise. Paris : Foucher. CHARLIER, B.(2000) Pourquoi parler de dispositif ? In notes de cours du DES-TEF, modules enseignement et apprentissage. 13