La socialisation des jeunes musiciens dans les groupes de
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La socialisation des jeunes musiciens dans les groupes de
- Bernard Bosson - ------------------------------------------------------------- La socialisation des jeunes musiciens dans les groupes de musiques actuelles ------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Regards croisés sur le soutien aux jeunes groupes de musiques actuelles dans la Riviera vaudoise ------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Travail présenté à la Haute école de travail social et de la santé, EESP – Vaud pour l’obtention du Diplôme d’animateur socioculturel HES Lausanne, juin 2012 Directrice de mémoire : Doris Pella Référent de mémoire : Jean-Pierre Tabin REMERCIEMENTS : A mes parents et ma sœur qui m’ont soutenu pendant ces longues études. A Doris Pella, ma Directrice de mémoire, qui m’a été d’une aide précieuse et généreuse. A Fréderic Maillard qui m’a donné l’envie de faire ces études d’animateur. A José Marin pour ses cours géniaux qui resteront gravés dans ma mémoire. A Sylvain Buff qui m’a engagé au CRA de Renens et qui a toujours suivi ma formation. A mon cousin Fabrice Jordan ainsi que Tristan Bornet, Jean-Yves Genoud, Vincent Masini, qui ont partagé mes doutes et ont pris le temps de faire la relecture de ce mémoire. A Judith Fatio qui m’a toujours encouragé depuis les cours du soir. A mes places de stage et employeurs, le CRA de Renens, l’AJA d’Aigle et la FCMA de Nyon. A Yuri Tironi, Claudia della Croce, Daisy Aeberhardt pour leurs cours à l’EESP et le suivi de ma formation pratique. A mes collègues de cours : Daphné Zumbrunnen, Valérie Barraud, Cédric Schalter, Zdenka Cimprichova, Nicolas Dubois, Clovis Brahier, Nima Razi et tous les autres. A Madame Sylvie Delerse, ma conseillère à l’ORP de Renens, sans qui ce parcours n’aurait pas été possible. Et dans la foulée les services sociaux et les ORP de Bussigny, Renens, Orbe, Vevey, La Tour-de-Peilz et Montreux qui m’ont permis de faire ces études dans ces conditions. Au canton de Vaud qui m’a octroyé la permission de poursuivre mes études dans ce contexte. A l’EESP et la HEV Valais, écoles dans lesquelles j’ai été formé. A Madame Diallo, secrétaire de la filière animation pour sa gentillesse et sa patience. Aux bibliothécaires de l’EESP, toujours disponibles et de bon conseil. Au service informatique de l’EESP pour leurs dépannages pendant les cours. Aux concierges de l’EESP, souriants, disponibles et sympathiques. Au gymnase du soir de Pully par où tout à commencé. A Jean-Pierre Tabin (référent de mémoire) et Olivier Horner (expert) qui ont apprécié ce mémoire en compagnie de Mme Doris Pella. A toutes les personnes que j’ai interviewées et toutes celles qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire. « Les opinions émises dans ce travail n’engagent que l’auteur. » Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 2 Résumé : Art universel, la musique concerne toutes les cultures et tous les âges. Elle joue également un rôle primordial dans le développement des adolescents. Les modes changent, le look change, le vocabulaire change et de nouveaux courants musicaux apparaissent mais les adolescents restent les mêmes et leurs problèmes demeurent. Les jeunes se créent une identité et se dirigent vers des groupes qui adoptent les mêmes codes qu’eux. C’est à cette période que se construit petit à petit leur personnalité de futur adulte. La musique joue un rôle éminent de soutien dans cette étape de construction personnelle. En outre, elle favorise la socialisation des jeunes, leur permet d’identifier leurs sentiments, leurs questionnements, leurs valeurs propres et de les verbaliser plus facilement. Pour les jeunes musiciens qui pratiquent un instrument, la musique est encore plus importante dans la création de leur identité personnelle. Ils ont besoin d’être reconnus par leurs pairs comme musicien à part entière en effectuant le passage du local de répétitions à la scène. L’une des missions de l’animation socioculturelle est de soutenir le développement des adolescents. Les centres d’animation socioculturels, ou centres de loisirs, ont été créés pour cela et rencontrent aussi le monde culturel des jeunes, et en particulier celui des musiques actuelles. Ce travail cherchera à répondre aux questions suivantes : quelle aide l’animation apporte-t-elle aux jeunes musiciens en émergence ? Comment est-elle perçue par ceux-ci ? Quels sont les besoins que les jeunes expriment quand ils demandent du soutien pour leurs projets musicaux ? Le soutien apporté par l’animation socioculturelle concorde-t-il avec les demandes qu’ils formulent pour avancer dans le domaine de la musique ? Pour répondre à ces questions, je vais présenter un panorama des lieux de diffusion de musique actuelle de la Riviera vaudoise afin de connaître leurs buts et leurs priorités de programmation, surtout en ce qui concerne les jeunes musiciens. Je vais interroger, en outre, les travailleurs sociaux de Vevey et Montreux pour savoir s’il existe des activités ou des aides permettant aux jeunes de progresser dans le domaine musical. Afin de mettre en évidence les opportunités et les manques qui pourraient apparaître entre l’offre des travailleurs sociaux et les besoins des jeunes, je croiserai les réponses des animateurs avec celles de jeunes musiciens, en fonction également de l’offre existante des lieux de diffusion de musique actuelle de la région. Mots clés : - Animation Jeunesse Musique Socialisation Société Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 3 Table des matières 1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 2 2.1 2.2 2.3 2.4 Contexte Introduction IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII.. 6 Hypothèses de recherche IIIIIIIIIIIIIIIIII.. 7 Définition de la tranche d’âge des jeunes artistes interrogés dans ce mémoire I.IIIIIIIIIIIIIIII. 8 Qu’entend-on par « musiques actuelles » ? IIIIIIIIIII 8 L’importance de la musique chez les adolescents comme vecteur de construction personnelle, de socialisation et d’appartenance groupale IIIIIIIIIIIIIIIIII... 12 Le rôle de l’animation socioculturelle dans les musiques actuelles (champs professionnels, compétences, mandants, I)IIIIII. 19 Etat des lieux Présentation des lieux de diffusion des musiques actuelles de la Riviera vaudoise IIIIIIIIIIIIIIIIIIII 25 Présentation de trois structures pouvant aider les jeunes groupes de musique IIIIIIIIIIIIIIIIIIII.. 36 Présentation des centres socioculturels de Vevey et Montreux II. 38 Présentation d’une structure où l’animation socioculturelle joue un rôle essentiel dans la promotion des musiques actuelles pour la jeunesse IIIIIIIIIIIIIIIIIII.III 39 3 3.1 3.2 3.3 Enquêtes de terrain Déroulement des enquêtes IIIIIIIIIIIIIIIII. 43 Enquêtes auprès des professionnels de l’animation socioculturelle. 43 Enquêtes auprès des jeunes musiciens IIIIIIIIIIII 50 4. 4.1 4.3 4.4 Résultats de recherche et analyses Conclusion des enquêtes en termes de socialisation des jeunes par la musique IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII Le rôle et l’impact de l’animation socioculturelle pour la promotion des jeunes musiciens ..IIIIIII.IIIIIII. Réponse aux hypothèses de départ I..IIIII..IIIIII. Conclusion finale IIIIIIIIIIII.IIIIIIIII.. 5. Références bibliographiques II..IIIIIIIII...III. 73 4.2 Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 67 68 70 72 4 1ère partie Le contexte Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 5 Dans cette première partie, je vais expliquer ce qui m’a amené à choisir ce sujet et établir mon hypothèse de recherche. Je vais tenter de définir ce que l’on entend par « musiques actuelles » et expliquer pourquoi la musique est un facteur de socialisation pour la jeunesse. Je vais aussi présenter des institutions et structures auprès desquelles les jeunes musiciens peuvent s’adresser pour évoluer dans le domaine de la musique. Ceci afin de présenter un « état des lieux » de ce milieu dans la Riviera vaudoise avant de passer aux enquêtes de terrain. 1.1 Introduction Le point de départ de ce mémoire vient de ma passion à aider les groupes de musique suisses en émergence. J’ai commencé il y a une vingtaine d’années et à l’époque je ne savais même pas que le métier d’animateur socioculturel existait. J’étais en apprentissage de commerce dans une assurance à Lausanne et un de mes collègues m’a proposé de devenir le manager de son groupe de musique. Du haut de mes même pas vingt ans, je me suis petit à petit intéressé à ce milieu et j’ai découvert les difficultés des jeunes groupes pour trouver des scènes de concerts et se faire une place dans le paysage musical. Je me suis aperçu qu’il n’était pas facile pour des jeunes qui choisissent la musique comme moyen d’expression de faire partager leur art aux autres. Quand un groupe n’est pas connu, les programmateurs des salles de concerts ne les prennent pas facilement. De plus, il faut souvent avoir un métier pour pouvoir louer un local de répétitions qui coûte assez cher. Pourtant, ils tenaient beaucoup à pouvoir se produire sur scène. Je me suis demandé ce qui les motivait tant, malgré les difficultés. N’était-ce que l’attrait de la célébrité, ou y avait-il autre chose derrière ? En effectuant ma formation d’animateur, je me suis aperçu que certains centres socioculturels proposaient des activités et des locaux pour que les jeunes puissent s’exprimer à travers la musique. Dans le cadre des mes emplois et stages dans les centres, j’ai alors réalisé l’importance de la culture musicale pour eux. A travers elle, ils trouvaient non seulement un moyen d’expression, mais ils se créaient également des valeurs propres qu’ils pouvaient échanger avec les autres. La musique devenait ainsi un véritable moyen de socialisation pour eux. Le lien était tout trouvé pour mon sujet de mémoire, entre cette passion de développer les musiques actuelles romandes et la socialisation des jeunes par la musique. Le domaine des musiques actuelles est large et j’ai décidé de délimiter mon sujet aux deux grandes villes de la Riviera vaudoise, Vevey et Montreux. Ceci afin de ne pas me perdre dans un domaine vaste et complexe qui concerne une multitude d’acteurs dans ce domaine. J’aurais aussi pu parler d’autres moyens d’expression comme la danse ou le théâtre mais j’ai décidé de me concentrer sur les musiques actuelles, car c’est certainement l’art le plus apprécié des Suisses comme nous allons le voir plus loin. C’est aussi celui qui concerne le plus les jeunes. Tout le monde écoute de la musique mais tout le monde ne va pas forcément au théâtre ou fait partie d’une troupe de danse. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 6 En ce sens, c’est un art fédérateur et c’est pourquoi je voulais plus particulièrement faire une étude sur l’aide que l’animation socioculturelle peut fournir aux jeunes musiciens débutants. Outre mes recherches sur la Riviera vaudoise, je vais m’intéresser à un centre d’animation de la région genevoise qui offre une salle de concert gérée par des animateurs de la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe) : L’Undertown à Meyrin. Cela me donnera un point de comparaison. J’aimerais savoir dans quel cadre et suivant quels besoins une salle de spectacles a été créée, puis gérée par des animateurs, et quelles sont les activités mises en place dans ce lieu pour promouvoir les jeunes musiciens. Je vais m’intéresser d’abord à l’impact de la musique en termes de socialisation des jeunes par la musique actuelle. Est ce que la musique socialise les jeunes musiciens (ou pas) et si oui comment ? En deuxième lieu, je vais examiner l’aide que l’animation socioculturelle apporte aux jeunes concernant leurs projets dans les musiques actuelles et quels liens celle-ci tisse avec d’autres lieux de spectacles dans lesquels des groupes peuvent se produire. 1.2 Hypothèses de recherche La musique favorise la socialisation des jeunes quand ils l’écoutent simplement ou lorsqu’ils en jouent ou la composent, selon ce que j’ai pu constater. Le but de ma recherche est de savoir si l’animation socioculturelle a un impact dans le développement de groupes de musiques en émergence. Je désire connaître les soutiens que les animateurs des villes de Vevey et Montreux peuvent apporter à de jeunes musiciens. Pour ce faire je vais questionner les animateurs et les responsables des centres de loisirs de Vevey et de Montreux. Je vais également questionner des jeunes musiciens en tentant de savoir ce que représente pour eux la musique et ainsi mieux cerner leurs besoins dans la promotion de leur art. Je désire également connaître ce que peut leur apporter la musique en termes de socialisation. Outre les centres de loisirs de la Riviera vaudoise, je vais également faire un état des lieux des salles de spectacles de cette région, afin de voir quels sont leurs buts associatifs ou privés, connaître leurs politiques de programmation par rapport aux jeunes musiciens et les éventuels liens avec l’animation socioculturelle. A travers une analyse synthétique des différentes réponses et recherches effectuées, je pourrai établir si l’animation socioculturelle apporte une aide aux jeunes en matière de musiques actuelles et mieux cerner les attentes des jeunes dans ce domaine. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 7 Je pose deux hypothèses de départ sur lesquelles je vais revenir à la fin de ce mémoire : 1. Le soutien aux musiciens émergents est utile parce que la musique participe à la socialisation et la construction identitaire du futur adulte. 2. L’animation socioculturelle est un des métiers les plus adapté pour favoriser la socialisation des jeunes musiciens. L’analyse des enquêtes effectuées me permettra de les vérifier, ou de les infirmer. 1.3 Définition de la tranche d’âge des jeunes artistes interrogés dans ce mémoire Dans le cadre de ce travail d’étude, j’ai limité mes recherches à une tranche d’âge précise de la jeunesse. Le Larousse définit la jeunesse comme «période de la vie humaine comprise entre l’enfance et l’âge mûr » (Larousse, 2012). Même si l’on peut estimer à peu près une tranche d’âge avec cette définition, le dictionnaire n’aide pas à la délimiter. Françoise Dolto, dans son livre « La cause des adolescents », définit l’adolescence comme une « période d’âge comprise entre 14 et 18 ans. Période qui, en termes de croissance, peut se prolonger jusqu’à 20 ans » (Dolto, 1998, p. 13). Dans le cadre de ce mémoire, je voulais m’adresser à une tranche d’âge de 14 à 25 ans. Mais je me suis aperçu que les groupes de musique de jeunes de 14 ans sont très peu nombreux. Les groupes se forment souvent plus tard, après l’apprentissage d’un instrument de musique et lorsque le jeune est plus indépendant de ses parents. Les jeunes que j’ai interrogés avaient entre 17 et 25 ans et jouaient tous dans un groupe différent. Je voulais m’adresser à des jeunes musiciens qui se lancent dans l’aventure de créer une formation, car cela implique une vie communautaire et je voulais savoir le rôle tenu par la musique dans leur socialisation. C’est également la tranche d’âge des jeunes accueillis dans les centres socioculturels, ou dont les travailleurs sociaux hors murs s’occupent. Les animateurs peuvent s’occuper de jeunes de moins de 10 ans jusqu’à 25 ans, selon les missions des institutions. C’est pourquoi je me suis adressé à des jeunes de maximum 25 ans. La tranche d’âge des musiciens interrogés est donc de 17 à 25 ans. 1.4 Qu’entend-on par « musiques actuelles » ? Essayons tout d’abord de définir ce que sont les musiques actuelles. On pourrait dire que se sont toutes les musiques que l’on entend à l’heure actuelle, ou les derniers-nés des genres de musique comme la techno ou le rap. Mais nous verrons que les personnes que j’ai interrogées ne sont pas toutes du même avis sur le sujet. Je vais donc essayer de cerner, à travers la littérature et les avis de différents acteurs de ce domaine, ce que sont ces musiques actuelles. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 8 Wikipédia donne la définition suivante des musiques actuelles : « Les musiques actuelles sont une appellation assez floue du ministère de la Culture français, qui caractérise et regroupe les différents styles musicaux de la fin du XXe siècle, début du XXIe siècle. Elle regroupe quatre grandes familles musicales, à savoir la chanson, le jazz, les musiques amplifiées (terminologie de l'administration française) et la musique traditionnelle (si elle est accompagnée d’instruments modernes tels que la batterie ou la guitare basse3). Cette appellation n'est pas véritablement satisfaisante car elle entend non "musique actuelle" mais "musique populaire actuelle". On retrouve dans les musiques actuelles, différentes formes musicales contemporaines, s'appuyant sur les évolutions techniques et structurelles en termes de création sonore et utilisant des technologies nouvelles (musique électronique, multi-diffusion...). » (Wikipédia, 2011). Bien que Wikipédia ne soit pas une référence pour des recherches scientifiques, on peut déjà constater le « flou artistique » qui prévaut quand on essaie de définir précisément ce que sont les musiques actuelles. Il s’agit là d’une difficulté récurrente. Avant de donner la parole à différents acteurs du milieu musical ou social, je vais faire une brève description des différents genres musicaux qui, selon mon expérience dans ce domaine, peuvent entrer dans cette catégorie : - Le rock (ou rock and roll) Nom masculin qui vient du mot anglais to rock (balancer) et to roll (rouler). Musique très populaire, à rythme très marqué, née aux Etats-Unis vers 1954. (Larousse, 2012). Dans le courant « rock » on peut citer nombre de styles musicaux affiliés : la pop, le punk, le hard rock, le métal, le rockabilly, la new-wave, I Le terme « musique rock » est un terme générique qui désigne les musiques amplifiées jouées sur fond de batterie, de basse, de guitare et autres instruments. - La pop (ou pop music) Abréviation de popular. Musique populaire d’origine anglo-saxonne issue principalement du rock and roll et enrichie d’influences. (Larousse, 2012). - Le jazz Nom masculin de l’américain « jazz band ». Musique afro-américaine, créée au début du XXème siècle par les communautés noires et créoles du sud des Etats-Unis, et fondée pour une large part sur l’improvisation, un traitement original de la matière sonore et une mise en valeur spécifique du rythme, le swing1. (Larousse, 2012). - Le folk (ou folksong) Musique traditionnelle des Etats-Unis adaptée et modernisée. (Larousse, 2012). - La musique électronique (ou electro) Musique élaborée à partir de sons créés par des oscillations électriques et reproduite par des amplificateurs ou toute musique composée à l’aide d’ordinateurs. (Larousse, 2012). - Le rap Style de musique soutenant un chant aux paroles scandées sur un rythme répétitif et sur une trame musicale composite (extraits de disques, bruitages par manipulation 1 Manière d’exécuter le jazz, consistant en une distribution typique des accents, donnant un balancement rythmique vivant et souple (Larousse, 2012). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 9 de disques vinyles, sampler, 3). (Larousse, 2012). Il s’agit du mode d’expression musical de la culture hip-hop2. Dérivé du rap on peut citer le slam3. - Le reggae Musique populaire jamaïcaine caractérisée par un rythme binaire syncopé. (Larousse, 2012). Comme courants dérivés du reggae on peut citer le ska4 et le ragga5. Le genre ska est aussi affilié au punk (ska-punk) qui mélange ces deux styles de musique. - La chanson (ou chanson française) Composition musicale divisée en couplets et destinée à être chantée. (Larousse, 2012). Ce style de musique peut aussi regrouper les autres mentionnés ci-dessus, pour autant que les paroles soient chantées en français. Bien que souvent ce terme évoque plutôt les interprétations dans un registre plus « classique », des groupes de rap ou de rock entrent facilement dans cette catégorie (comme Johnny Halliday par exemple). Maintenant que nous connaissons différents styles musicaux qui peuvent entrer dans les musiques actuelles, voyons à présent ce qu’en pensent différents acteurs du domaine musical ou social : En premier lieu, j’aimerais citer Marc Ridet, Coordinateur de la Fondation pour la Chanson et les Musiques Actuelles (voir description de la FCMA au chapitre 2.2) : « On était les premiers à utiliser le mot « musiques actuelles » (nda : en Suisse romande). Au début les gens voulaient que la FCMA s’appelle la « fondation pour le rock » et moi j’avais dit non parce qu’il y avait déjà les rappeurs qui ne voulaient pas s’intituler « rock ». Donc c’est un terme un peu générique qui permet, quand un nouveau genre débarque, de l’intégrer. En France, ils intègrent aussi le jazz et le jazz pourrait tout à fait être intégré dans les musiques actuelles. On pourrait aussi tout à fait s’occuper du jazz ». (Ridet, 2010, cité dans Brahier, 2010, p. 13). Pour Monsieur Stefano Saccon, Directeur de l’Ecole de Jazz et des Musiques Actuelles (EJMA) à Lausanne, que j’ai rencontré pour cette étude, la réponse est la suivante : « Je n’ai pas de définition précise. Pour moi c’est la musique qui se crée maintenant, à notre époque. Je vois quatre styles principaux : les musiques à textes, la funk6 (avec la soul7 et le R&B8), les musiques du monde (salsa9, musiques d’Afrique) et la musique électro. » 2 Culture populaire née dans les années 70 au cœur du Bronx (New-York, USA) qui regroupe trois modes d’expression : la musique (avec le rap, le Djing et le beatbox), la danse et le graffiti. (Larousse, 2012). 3 Poésie urbaine, orale, déclamée dans un lieu public sur un rythme scandé. (Larousse, 2012) 4 Musique chantée d’origine jamaïquaine, apparue au début des années 1960. (Larousse, 2012) 5 Style musical chanté en associant rap et reggae. (Larousse, 2012) 6 Appelée encore « fonk » ; musique populaire américaine issue du rhythm and blues, construite sur un rythme binaire, généralement électrique et synthétique. (Le dico des musiques, 1996). 7 Musique populaire afro-américaine née à la fin des années 1950 aux États-Unis et dérivée, entre autres, du gospel et du rhythm and blues (R&B). (Larousse, 2012). 8 Rhythm and blues. Terme inventé et popularisé aux Etats-Unis dans les années 1940. Mélange de blues, d’énergie rock et du groove des rythmes noirs. (Le dico des musiques, 1996). 9 Musique de danse afro-cubaine au tempo vif. (Larousse, 2012). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 10 Dans un article consulté sur le site « Lignes d’Ecritures »10 (annexe 1), Madame Albena Ivanovitch11 donne la définition suivante des musiques actuelles : « Parler de musiques actuelles revient à évoquer tout à la fois le jazz, le rock, le hip-hop, le reggae, la chanson ou encore la techno... Le terme « musiques actuelles » est généralement associé à la culture jeune, elle-même systématiquement identifiée à la période de l’adolescence. Cette association est d’importance capitale.» (Lignes d’écriture, 2002, p. 1). Dans une expertise réalisée par Daniel Rosselat pour le compte de la ville de Lausanne (un état des lieux des musiques actuelles dans cette commune) la réponse est sensiblement la même : « On entend par musiques actuelles les formes d’expression découlant des mouvements alternatifs comme le rock, la pop, le rap ou le hip-hop, la chanson, les musiques électroniques, les évolutions de folklore y compris le reggae, le ska etc. On définit ce type de musique par opposition aux musiques classiques ou aux musiques populaires (folklore, fanfare, chorales). Les frontières floues de la variété font que cette catégorie est parfois assimilée aux musiques actuelles alors qu’elle est rejetée par d’autres, car considérée comme trop commerciale [...] » (Rosselat & Bernard, 2006, p. 3). Ce que nous pouvons constater à ce point, c’est que ce terme regroupe de nombreux styles musicaux et que la liste des styles énumérés auparavant n’est pas exhaustive, car de nouveaux courants peuvent s’intégrer aux musiques actuelles. C’est un terme générique qui permet de regrouper les musiques créées par les artistes de notre époque (musiques le plus souvent amplifiées) et qui peut être interprété de différentes manières selon les personnes, les pays ou les institutions. Mais ce que l’on peut remarquer c’est que ce terme est souvent associé à la culture des jeunes en opposition aux musiques classiques et populaires. Il permet aussi d’inclure de nouveaux styles musicaux qui pourraient apparaître à l’avenir. Nous verrons plus loin dans les interviews des professionnels de l’animation et des jeunes musiciens quels sont leurs avis sur cette question (voir chapitre 3.2). Pour ma part, quand je parlerai plus tard dans ce mémoire des « musiques actuelles », j’inclurai tous les styles musicaux interprétés par la jeunesse, amplifiés ou non, bien que certains styles musicaux n’entrent peut-être pas dans les différentes définitions ci-dessus des musiques actuelles. Si des jeunes artistes demandent de l’aide pour monter un groupe de folklore des Balkans, il est tout aussi légitime de les aider qu’un groupe de rap. J’inclurai donc leurs styles de musique dans les musiques actuelles pour les besoins de ma recherche. Maintenant que ce terme de musiques actuelles est précisé, je vais effectuer une recherche sur l’importance de la musique chez les jeunes. Que cela soit simplement pour l’écouter mais aussi pour la jouer ou la composer. 10 Site qui diffuse des informations pratiques et éléments de réflexion utiles dans les domaines de la création et de l’expression verbale (écrite ou orale), mais aussi dans d’autres domaines créatifs. URL : www.lignesdecritures.org 11 Auteure de livres pour enfants, formatrice d’éveil sensoriel par la musique. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 11 1.5 L’importance de la musique chez les adolescents comme vecteur de construction personnelle, de socialisation et d’appartenance groupale Comme on l’a remarqué dans le chapitre précédent, la musique (ou la musique actuelle) est, la plupart du temps, liée à la culture de la jeunesse. Quelle est donc l’importance de la musique pour les adolescents et que leur apporte-t-elle ? Plusieurs auteurs citent l’appartenance à un groupe (ou à une « tribu ») comme facteur essentiel de la construction de l’identité personnelle chez les jeunes, elle joue un rôle primordial dans leur socialisation. Pour Albena Ivanovitch l’adolescence correspond à une période de différenciation et de recherche d’identité : « Il s’agit d’un travail de négociation entre le soi, l’individu et les autres groupes. L’adolescence est une période qui précède l’âge adulte, où l’on se construit une identité autour d’une « tribu », d’un style musical. Le partage d’un signe fait référence à une culture, une tribu, une famille. Les cheveux « rasta », les piercings, les vêtements en cuir sont tous des signes d’identification, le « look » renvoie à un comportement qui est parfois marginal, souvent provocateur. Ainsi la notion de « musiques actuelles » est d’abord associée à une culture, à une attitude non-conformiste, souvent rebelle et contestataire.» (Lignes d’écritures, 2002, p. 1). Elle nous dit que dans les années 60, le folk rock contestataire a eu ses stars : Joan Baez, Bob Dylan. C’était l’époque hippie, les cheveux longs, les chemises à fleurs. De nos jours, les jeunes n’ont plus le même look mais même si leurs vêtements, leur musique, leur langage ont changé, les adolescents restent les mêmes et leurs problèmes demeurent. Les jeunes de toutes les générations ont leurs stars et leurs idoles, auxquelles ils s’identifient, qui marquent aussi l’identification d’une époque. Souvent ces nouveaux courants musicaux vont de pair avec une nouvelle mode vestimentaire. L’accoutrement et la mise en scène du corps vont de pair. Il arrive assez souvent que ces nouvelles modes musicales et d’habillement soient vues par les adultes comme des comportements déviants. Dans les années 50, par exemple, les gens étaient autant outrés des déhanchement d’Elvis Presley que certains à notre époque des habillements et des images provocatrices de Madonna, Lady Gaga ou d’autres idoles de notre temps. Dans son livre « La cause des adolescents », Françoise Dolto nous dit : « Au stade de l’adolescence, on retrouve le même « déguisement » : on revêt les uniformes d’un tel clan, d’un tel look : punk, rocker, baba cool, new wave3 A l’intérieur, les jeunes cachent leurs vraies différences » (Dolto, 1988, p. 105). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 12 A notre époque on parlerait plutôt de style hip-hop, skater, rasta ou gothique. Bien que l’on retrouve encore de nos jours des styles plus anciens qui ont perdurés, comme les styles punks ou le hard-rock métal. Les adolescents se démarquent donc autant par leur look que par les musiques qu’ils écoutent. Les jeunes se créent une identité et se dirigent dans des groupes qui adoptent les mêmes codes qu’eux, que cela soit au niveau vestimentaire ou celui du langage parlé. Pourquoi la musique joue-t-elle ce rôle de vecteur dans le comportement des adolescents ? Pour Albena Ivanovitch, la réponse est simple : « La musique fait partie des langages universels et les codes qui découlent de ce langage permettent une très large interprétation et une réception très profonde. Dans la musique c’est l’émotion qui prime. Ce n’est pas un hasard si le thème principal de la chanson populaire est l’amour. La musique est indissociable de l’affectif, de la relation à l’autre. La musique est un art très communicatif, très social. Elle procure un plaisir qui est d’ailleurs ambivalent et qui consiste à être en soi et en même temps hors de soi, donc en dehors de la réalité. Mais la musique peut également être le support et l’expression de la violence, de la révolte, de l’agressivité 3 ». (Ligne d’écritures, 2002, p. 2). Nombre d’auteurs ou de religions parlent de la musique comme d’un langage de l’univers. Fern Nevjinsky12 décrit que, pour la cosmogonie hindoue, « un son suraigu et ineffable d’où découle toute forme de vie serait à la base de la création du monde » (Nevinsky, 1996, p.91). Cette même auteure écrit : « Plus que toute autre forme d’expression artistique ou culturelle, la musique, indissociable des mythes fondateurs de l’univers, s’enracine aux origines de l’humanité, s’articule étroitement avec le magique et le sacré. » (Nevinsky, 1996, p. 90). Etudiant les impacts de la musique sur les adolescents psychanalytique, elle a remarqué dans son étude que : sous l’angle « la musique offre à l’adolescent un cadre, et même une structure étayante, lui permettant de se laisser-aller sans risque. [3] Si l’une des tâches de l’adolescence est bien de faire le deuil de ces premiers objets infantiles, la musique là encore offre une possibilité de représentations pour ce travail de deuil. Elle fournit un espace de projections que le sujet va « remplir » d’une partie importante de ses affects dépressifs ou agressifs, et où son ambivalence va se jouer et se dramatiser. » (Nevinsky, 1996, p. 104). On constate l’importance de la musique dans la construction de l’identité d’un adolescent. Si, comme le disait Françoise Dolto, l’adolescent est un peu comme un homard ayant perdu sa carapace et devant s’en reconstruire une nouvelle en affrontant le monde extérieur, la musique permet aux jeunes de laisser plus facilement libre cours à leurs émotions. Ayant de la peine à les verbaliser, il est 12 Docteur en psychologie à Paris et auteure de livres. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 13 important pour eux de trouver des groupes partageant les mêmes besoins et de se construire une nouvelle famille d’amis, ou une « tribu », ayant la nécessité d’affronter les autres et le monde des adultes. Le look, le langage et la musique sont des vecteurs de cette construction du soi pour les ados. Les médias influencent souvent les choix musicaux des adolescents. Pour Albena Ivanovitch, cette influence des médias n’est pas nouvelle : « L’écoute musicale a commencé à se spécifier grâce à des évolutions technologiques importantes. La radio portable connaît une véritable expansion des 1954. Avant il était très difficile pour un adolescent d’écouter de la musique de manière personnalisée et intime. On était généralement dans le salon familial et il n’y avait pas vraiment d’écoute personnalisée. Il y eu ensuite le juke-box et le transistor. L’adolescent a donc pu avoir une radio dans sa chambre et ainsi commencer à développer des idées, des comportements et un style. » (Lignes d’écriture, 2002, p. 1). Depuis une vingtaine d’années, avec l’avènement d’Internet et des fichiers musicaux mp313, les jeunes écoutent pour une grande majorité de la musique avec des baladeurs mp3 ou des téléphones portables. Un chiffre donné dans une étude de l’OFS14 sur les pratiques culturelles en Suisse (annexe 2) indique que 80% des personnes de 15 à 29 ans déclarent écouter de la musique en utilisant ces moyens (OFS, 2008, p.9). Il est très facile avec ces fichiers mp3 de les copier ou de les envoyer par E-mail pour les donner à une autre personne. De nombreux titres sont échangés illégalement avec des systèmes « pair à pair »15 (comme Napster, E-mule ou Limewire) et les jeunes sont très friands de ces moyens pour télécharger de la musique gratuitement. Les chiffres du marché mondial de la musique en attestent (les chiffres suivants sont tirés de l’étude « Etats généraux des musiques actuelles en Suisse romande » réalisée par Olivier Horner en 2010)16. Le chiffre d’affaires mondial des entreprises qui vendent de la musique (sur tous supports, CD, DVD, vinyles, Internet, I) était de 22.4 milliards en 2004 alors qu’il n’est plus que de 15.8 milliards en 2009. Mais les grands distributeurs de musique au niveau mondial luttent contre ce téléchargement illégal et proposent des sites ou des systèmes pour télécharger légalement de la musique et la payer (comme pour iTunes17 avec l’iTunes Store18). 13 Abrév. de l'anglais MPEG Audio Layer 3, moving pictures experts group Audio Layer 3. Format de compression numérique servant au téléchargement de fichiers musicaux sur Internet. (Larousse, 2012). 14 Office Fédéral de la Statistique. 15 De l’anglais « Peer-to-peer « . Technologie qui permet l’échange direct des données entre ordinateurs reliés à Internet, sans passer pas un serveur central. (Larousse, 2012). 16 Sur ce sujet voir aussi cet article de 24 Heures : http://www.24heures.ch/culture/Les-professionnels-dudisque-orchestrent-leur-riposte/story/21845463 17 iTunes est un logiciel propriétaire de lecture et de gestion de bibliothèque multimédia numérique distribué gratuitement par Apple. Source : Wikipédia. URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Itunes. 18 L'iTunes Store (anciennement iTunes Music Store ou iTMS) est le magasin de musique en ligne d'Apple, accessible depuis iTunes, qui permet d'obtenir musiques, séries TV, films, clips vidéo, livres audio. Source : Wikipédia. URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Itunes. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 14 Les chiffres d’affaires du marché suisse de la musique montrent que les ventes du marché physique (CD, DVD, vinyles, I) diminuent alors que ceux des ventes de supports digitaux (mp3 et affiliés) augmentent. « Le chiffre d’affaires était de 144 millions en 2009 (163 millions pour 2008), auquel il faut ajouter 23.2 millions provenant du marché digital (15.5 millions pour 2008). (Horner, 2010, p. 4). Internet permet aussi aux groupes en émergence de partager leurs musiques avec les internautes et de se faire connaître (sur des réseaux entièrement dédiés à la musique comme MySpace.com ou Mx3.ch et d’autres sites comme Youtube.com, par exemple, qui permet diffuser des clips vidéo). Je reparlerai plus loin dans ce mémoire de MX3 qui permet aux groupes de musique suisses de diffuser leurs œuvres musicales (voir chapitre 2.2). Pour continuer avec les statistiques concernant la pratique et l’écoute des musiques actuelles, je vais plus particulièrement m’intéresser aux personnes qui font de la musique, que cela soit du chant ou un instrument de musique. Je désire connaître la proportion des personnes qui pratiquent de la musique et essayer de faire un parallèle avec la part des jeunes qui en font. Je désire également savoir quels sont les styles de musiques et les instruments les plus populaires. Les tableaux suivants sont aussi tirés de la statistique de l’OFS parue en 2008 sur les pratiques culturelles en Suisse. Cette enquête ne mentionne pas forcément les âges et je cite parfois des chiffres qui concernent l’ensemble de la population et pas seulement les jeunes. L’écoute de la musique est nettement plus répandue que le fait de chanter ou de jouer d’un instrument. Plus de 80% de la population suisse dit écouter de la musique et ce taux monte à plus de 90% pour les 15 – 29 ans. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 15 Seulement 20% de la population joue d’un instrument et 16% pratiquent le chant. 10% des hommes et 3% des femmes qui pratiquent le chant le font dans des ensembles de jazz, de rock et des groupes apparentés. La grande majorité chantent dans des chœurs classiques, d’enfants, religieux, de yodel ou alors seuls (OFS, 2008, p. 11). La proportion des jeunes qui font de la musique doit être sensiblement la même. Si les chiffres des statistiques de l’OFS ne mentionnent pas expressément le pourcentage de jeunes jouant ou composant de la musique, Anne-Marie Green (dans une étude portant spécifiquement sur la création musicale des jeunes en France) parle d’un taux de 18% d’adolescents qui jouent ou écrivent des compositions musicales (Green, 1998, p. 63). Ce qui correspond à peu près au 20% de la population en Suisse qui joue d’un instrument d’après les statistiques de l’OFS. Le piano et la guitare sont les instruments les plus utilisés par les personnes qui font de la musique. 34% pour le piano (7% de la population résidant en suisse) et 21% pour la guitare (4% de la population résidant en suisse). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 16 37% des musiciens jouent dans un ensemble ou un groupe (tous styles confondus). Les 63% restant jouent seuls de leurs instruments. Dans les catégories qui nous intéressent dans ce mémoire, 6% des musiciens jouent dans des groupes de rock ou de musique actuelle, 3% dans des groupes de musiques du monde et 2% dans des groupes de jazz, de blues ou de country. Je fais ici un bref aparté sur la culture musicale par rapport aux classes sociales de la population. Selon cette statistique de l’OFS, les personnes d’un niveau de formation supérieure ont plus souvent l’occasion de suivre une formation musicale. Plus loin dans ce mémoire, je vais essayer de savoir si c’est le cas pour les jeunes qui font de la musique dans les villes de Vevey et Montreux. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 17 Une théorie de Pierre Bourdieu19 appelée « théorie de la légitimité culturelle » a fait l’objet de plusieurs livres de sociologie dont « La Distinction ».20 Il démontre que les pratiques culturelles (dont la création musicale fait partie) sont socialement déterminées et inscrites dans une symbolique du pouvoir et de la représentation de soi : « Pour traiter de la culture, Pierre Bourdieu a fait usage systématique du concept d’habitus21, qu’il associe à la notion de schème profondément intériorisé, n’impliquant pas la conscience des individus pour être efficaces. Il explique que les membres d’une même classe agissent le plus souvent de façon semblable sans avoir besoin de se concerter. Cette interprétation suppose donc de considérer l’individu en référence à sa classe sociale. » (Fleury, 2011, p. 61) Cette théorie semble s’appliquer à la statistique de l’OFS et je reviendrai plusieurs fois dans ce mémoire sur ce concept de légitimité culturelle. A ce stade, nous avons pu constater que l’appartenance à un groupe est un facteur essentiel de la construction de l’identité personnelle chez un jeune. Le partage de signes communs dans l’habillement et le langage verbal sert à se démarquer du monde des adultes et à construire petit à petit une nouvelle identité (autre que celle qui avait été très souvent formatée par les parents et la famille) pour sortir de l’enfance. La musique, langage universel, permet aux jeunes de s’évader, de se laisser aller et de découvrir à travers elle de nouvelles émotions constructrices. La musique leur permet d’être en eux, de ressentir leurs émotions profondes, et en même temps en dehors d’eux, en dehors de la réalité quotidienne. Cela leur permet de faire le deuil de l’enfant qui reste en eux et de se forger petit à petit une nouvelle carapace dans le monde des adultes qu’ils doivent appréhender. De nos jours, les adolescents ont une foison de médias leur permettant un accès très facile à la musique (TV, radios, Internet, baladeurs mp3, I) et l’écoute de musique actuelle est un passe-temps très important pour les jeunes. Il faut être dans le coup et connaître les derniers artistes à la mode. De par les styles de musique écoutés, les ados adoptent souvent le même style vestimentaire que leurs idoles et leurs groupes de copains. Enfin, nous avons vu que les catégories sociales supérieures ont plus souvent l’occasion de suivre une formation musicale et je vais essayer de voir si cela est vrai chez les jeunes musiciens de Vevey et de Montreux que j’ai interrogés. Mais nous avons tout au moins pu constater l’importance de la musique en tant que vecteur de construction personnelle, de socialisation et d’appartenance groupale. Nous allons maintenant examiner si l’animation socioculturelle a un rôle à jouer dans l’aide que les jeunes musiciens pourraient demander pour progresser. Est-ce le rôle des animateurs d’aider d’une manière ou d’une autre les jeunes musiciens ? Quelles sont leurs compétences en ce domaine et quelles sont leurs limites ? 19 Sociologue français (1930-2002). Bourdieu, Pierre. (1979). La Distinction : Critique sociale du jugement. Paris : Les éditions de minuit. 21 En latin, habitus est un mot masculin définissant une manière d'être, une allure générale, une tenue, une disposition d'esprit. Cette définition est à l'origine des divers emplois du mot habitus en philosophie et sociologie. (Wikipédia, 2011). 20 Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 18 1.6 Le rôle de l’animation socioculturelle dans les musiques actuelles (champs professionnels, compétences, mandants, F) Pour commencer, voyons quelle est la définition de l’animation socioculturelle énoncée dans le plan d'études cadre des filières de formation HES en travail social : « Pour le Conseil de l'Europe, l'animation socioculturelle est une action sociale qui s'exerce au travers d'activités diverses au quotidien, en tenant compte des conditions sociales, culturelles, économiques et politiques des populations concernées. Son action vise à organiser et à mobiliser des groupes et des collectivités en vue d'un changement social. Elle s'exerce sur la base d'une participation volontaire et démocratique faisant appel à la notion de citoyenneté. L'animateur-trice socioculturel-le est en effet un-e facilitateur/trice de l'action démocratique : il ou elle favorise les prises de conscience d'identités collectives, il ou elle permet aux communautés d'intérêt de mieux jouer leur rôle et de bâtir des projets pour agir. Il ou elle s'efforce en particulier de faciliter l'accès à l'expression et à l'action des groupes minorisés.» (EESP, 2011). Plus loin dans cette présentation du métier d’animateur, les différents domaines où cette profession s’exerce sont mentionnés. Les deux domaines qui nous intéressent plus particulièrement dans le cadre de ce mémoire sont : - Domaine de la socialisation au travers des activités de loisirs : centres de loisirs, maisons de quartiers, centres de vacances, terrains d'aventures etc... Domaine culturel : promotion et diffusion culturelle, radios et TV locales, théâtres, musées, festivals culturels, etc... (EESP, 2011) On s’aperçoit à ce stade que la promotion et la diffusion de la culture est une des nombreuses missions de l’animation socioculturelle et qu’elle doit s’efforcer, en particulier, de faciliter l’accès à l’expression et à l’action des groupes minorisés. Dans le cadre de ce mémoire, nous avons vu qu’une minorité de jeunes jouent de la musique et je postule que l’animation socioculturelle est un des métiers les plus adaptés pour favoriser la socialisation des jeunes par ce biais. Comme nous avons vu que les musiques actuelles étaient importantes dans la socialisation des jeunes, je suppose que ceux-ci doivent avoir des demandes auprès des animateurs qui correspondent aux deux domaines du métier cités plus haut. Jean-Claude Gillet22, auteur et docteur en sciences de l’éducation, décrit ce métier ainsi : « L’animateur, pour résumer, est un facilitateur de relations capable de comprendre les enjeux sociaux d’une association, d’un quartier, d’une collectivité locale et de faire en sorte que chaque acteur puisse jouer sur la scène sociale, dans des dynamiques repérables, et d’agir sur ces enjeux en fonction de ses intérêts (diront des sociologues), de ses désirs (diront des psychologues), et ce dans une perspective de promotion et de développement social.» (Gillet, 1995, p. 168). 22 Jean-Claude Gillet est professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université de Bordeaux, auteur de nombreux ouvrages et articles sur l’animation socioculturelle. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 19 On retrouve aussi chez Gillet cette notion de promotion. Pour lui aussi, l’animateur est avant tout un facilitateur de relations. Il parle de ce métier comme d’un « art de la facilitation ».23 Cette notion de facilitation est la même que celle du Conseil de l’Europe (voir page précédente). A ce point, j’aimerais clarifier ce que le mot promotion signifie et quelle signification je lui donne moi-même dans l’aide qu’un animateur peut apporter aux jeunes artistes. Le dictionnaire Larousse mentionne en point 4 « Action de favoriser le développement, l’essor de quelque chose ». En point 5 : « Opération commerciale temporaire effectuée en vue de faire connaître un produit ou d’en accélérer la vente ». Le verbe « promouvoir » vient du latin promovere qui signifie : faire avancer (Larousse, 2012). Il me paraît important de préciser ici que lorsque je parle de promotion des musiques actuelles, il s’agit bien d’apporter un cadre dans lequel les usagers trouvent des moyens ou des conseils qui les font avancer. L’animation doit pouvoir mettre à la disposition des jeunes musiciens des outils qui contribuent à leur développement et non effectuer avec eux une opération destinée à les faire connaître et vendre leurs musiques. J’aimerais bien clarifier cela, car ce mot de promotion peut être vu de manière ambiguë quand on aborde le thème de la musique et le business qui entoure ce domaine. Le rôle que je confère à l’animation socioculturelle n’est pas de devenir un manager de jeunes groupes de musiques actuelles, mais de pouvoir aider ceuxci dans l’approche de ce milieu et leur apporter un cadre dans lequel ils trouvent les moyens de se développer et de se socialiser à travers la musique. Comme nous l’avons vu précédemment, la promotion des activités culturelles de la société, y compris les musiques actuelles, est une mission de l’animation socioculturelle. Les jeunes concernés par le fait d’être encadrés dans leur approche des acteurs et des aides envisageables pour un accès facilité au monde de la musique font partie, pour la plupart, de milieux sociaux qui prédisposent relativement moins à se sentir autorisé à la fréquentation des cercles culturels plus « classiques ». C’est en ce sens que je parle de jeunes plus minorisés dans cette approche du monde musical. A ce titre, j’aimerais reprendre une nouvelle fois la théorie de Bourdieu et la mettre en parallèle avec l’action communautaire de l’animation socioculturelle par rapport aux couches dites « populaires ». Les auteurs du livre « L’animation socioculturelle : Fondements et modèles pratiques » mettent en perspective la théorie de Bourdieu par rapport au concept de « popular culture » que l’on doit à John Fiske24 : Selon eux, pour l’animation socioculturelle, « il semble nécessaire d’aller un peu audelà de la théorie de Bourdieu qui met en évidence, dans son étude sociologique, les critères esthétiques des gens distingués par lesquels ceux-ci se différencient des habitudes et intérêts grossiers des couches populaires. [3] En règle générale, dit Bourdieu, les gens simples des couches populaires ne développent pas de goût 23 Traduction orale du mot « animation socioculturelle» du français en anglais donnée par M. Jean-Claude Gillet lors d’un cours donné à l’EESP à Lausanne en 2008. 24 John Fiske est un spécialiste anglais des médias , qui a enseigné à travers le monde, notamment en tant que professeur d'Arts de la communication à l' Université de Wisconsin-Madison . Ses domaines d'intérêt comprennent la culture populaire , culture de masse , et études de télévision . Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 20 propre au-delà de l’utile et du nécessaire. [3] condamnant les gens simples et modestes à des goûts simples et modestes. [3] on ne saurait oublier que Bourdieu propose une radioscopie des années 60, alors que de nos jours, l’univers des cultures populaires n’est plus exclusivement caractérisé par le manque et la nécessité.» (Moser, Müller, Wettstein & Wilener, 2004, p. 84). L’animation socioculturelle devrait donc dépasser la notion de légitimité culturelle et ne pas se cantonner à cette vision des choses, elle serait obsolète. Ces mêmes auteurs analysent ensuite la position de John Fiske à ce sujet : « Fiske reconnaît à la culture populaire un rôle fondamental : « La vie quotidienne est constituée des pratiques de la culture populaire et elle est caractérisée par la créativité des faibles, en tant que ceux-ci exploitent les ressources d’un système qui les affaiblit et refusent en définitive de se plier au pouvoir exercé » (Fiske 1989, p. 47, trad, cité dans Moser, Müller, Wettstein & Wilener,2004, p. 85). » Comment ne pas y voir un parallèle avec la « rébellion » des musiques actuelles par rapport au pouvoir et aux idées bien conçues d’une catégorie « aisée » de la population pour qui les créations nouvelles des « défavorisés » dérangent (musique rock, yéyé, baba, punk, rap, techno I). A voir l’histoire, la musique émergente (ou actuelle) a toujours été mal perçue d’une certaine catégorie élitiste de la population (selon Bourdieu), avant de devenir une référence de la période à laquelle elle a été conçue (selon Fiske). La créativité des faibles devient dans certains cas, après la première rébellion de la nouveauté, un concept identitaire propre à chaque génération. La musique « actuelle, rebelle » de certaines époques (comme le rock, le punk, la new-wave, le rap, I) est de nos jours vue comme de la musique populaire. Cette opposition entre riches et pauvres n’est pas sans rappeler les travaux de Paulo Freire25 dans un modèle de pédagogie qui part aussi d’un concept de culture populaire : « Contre l’oppression, Freire propose une pédagogie de la conscientisation qu’il nomme aussi pratique pédagogique de la liberté. Elle veut que dans le cadre d’une éducation dialogique, les opprimés s’approprient leur culture dans une démarche consciente et découvrent qu’ils ne sont pas simplement aliénés, mais riches de la création de leur propre quotidien. » (Moser, Müller, Wettstein & Wilener, 2004, p. 89). Freire parle dans ses écrits26 de l’oppression des personnes analphabètes contre la culture des pays « riches » qui envahissent les moins nantis avec une culture nouvelle et l’impose. Bien que les travaux de Paulo Freire soient destinés à une population du tiersmonde, on peut y voir un parallèle dans nos pays occidentaux avec une jeunesse « rebelle » qui désire exprimer sa différence par rapport au monde qui l’entoure. Elle 25 Paulo Freire (19 septembre 1921 à Recife, Brésil - 2 mai 1997 à São Paulo) est un pédagogue brésilien. Il est surtout connu pour ses efforts d'alphabétisation visant les personnes adultes de milieux pauvres, une alphabétisation militante, conçue comme un moyen de lutter contre l'oppression. 26 Freire, Paulo. (1982). Pédagogie des opprimés. Paris : La Découverte. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 21 se sert de la musique, du look ou d’un langage verbal différent pour apporter quelque chose de nouveau dans la culture populaire dominante de l’instant. Continuons à présent avec le rôle que l’animation joue dans la promotion des musiques actuelles par la présentation d’un nouveau cours proposé dans le cadre de la formation continue à l’EESP : le certificat de manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles27 (annexe 4). Il est mentionné dans le document de présentation du cours que «cette formation s’adresse aux professionnels exerçant dans des lieux de spectacles (festivals, clubs, salles), des collectivités locales, des sociétés de production et de diffusion musicales, des centres culturels, des maisons de quartier, des associations et des fondations actives dans le domaine.». Ce CAS est centré sur trois grands axes de formation : administratif et technique, ainsi que la communication et le marketing. Il est aussi précisé dans cette présentation qu’il est question d’acquérir « les notions nécessaires à la gestion des carrières d’artistes, aux niveaux local, national et international » (della Croce & Tironi, 2011, p.2). La promotion des musiques actuelles est donc une mission de l’animation socioculturelle, puisqu’elle s’adresse même à des artistes désirant promouvoir leur art au niveau international. Comme il n’existe quasiment pas de structure en animation socioculturelle consacrée uniquement à la promotion de la musique actuelle pour la jeunesse, ce manque doit être en partie comblé par les animateurs des centres socioculturels et les délégués jeunesse des communes, comme nous allons le voir plus loin. Pour les jeunes musiciens, il n’est pas encore question de gestion de carrière, mais de socialisation et d’expression par la musique (de construction d’identité personnelle et d’appartenance à un groupe comme nous l’avons vu au chapitre 1.5). La gestion de la carrière d’un artiste intervient plus tard si le niveau artistique est suffisamment bon pour cela et si l’envie est suffisamment forte. L’animateur du centre de loisirs peut aider dans un premier temps mais son rôle n’est pas de gérer la carrière d’un artiste, il existe des structures et des managers professionnels pour cela. Ces structures de management ne font pas partie de l’animation socioculturelle à proprement parler, même si l’on peut trouver des animateurs engagés dans certaines de ces structures (comme Two Gentlemen28 à Lausanne qui a engagé des animateurs socioculturels). Elles sont axées sur le « music business » et désirent rentabiliser leurs structures et gagner de l’argent en organisant des concerts. Le rôle de l’animateur est bien différent. Son rôle est de guider les groupes en émergence, de les amener à créer du lien, de les responsabiliser dans leurs projets musicaux, tout en les encourageant également pour qu’ils n’abandonnent pas leur avenir scolaire ou professionnel. Au final, on voit que l’animation socioculturelle est un métier tout à fait adapté pour aider et conseiller les jeunes artistes en herbe : l’animation est du domaine de la socialisation et nous avons vu que la musique participe de manière très concrète à la socialisation des jeunes et à leur construction de futur adulte. Elle fait aussi partie du domaine culturel (promotion, diffusion, festivals, ..) tout en y 27 Source : Site Internet EESP, Lausanne. URL : http://www.eesp.ch/actualites/article/cas-de-managersocioculturel-dans-le-domaine-des-musiques-actuelles/ 28 Agence artistique dans le domaine musical qui s’occupe notamment de la gestion de carrière de musiciens et de l’organisation de tournées et de concerts. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 22 organisant des activités liées à la socialisation, la prévention ou l’intégration (et pas seulement des spectacles). Les musiques actuelles sont également étroitement reliées à la jeunesse et il est dans notre rôle d’animateur de travailler avec des adolescents et de les guider. De plus, les animateurs peuvent se former à la gestion de carrières d’artistes dans le domaine des musiques actuelles et les jeunes recherchent probablement aussi un soutien en la matière, même s’il n’est pas encore question de professionnalisation par la musique. Je vais maintenant faire une présentation des divers lieux de la Riviera vaudoise pouvant servir aux jeunes musiciens dans la promotion de leurs musiques. Nous analyserons les buts que se donnent ces structures pour en tirer un parallèle avec les missions de l’animation socioculturelle et voir s’il existe des liens entre ces institutions et celle-ci. Ce sera l’objet du chapitre suivant. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 23 2ème partie Etat des lieux Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 24 2.1 Présentation des lieux de diffusion des musiques actuelles de la Riviera vaudoise Je présente ces lieux dans ce mémoire, car ce sont les endroits où les jeunes groupes de musique peuvent exercer leur art. La socialisation des jeunes musiciens évolue par le passage du local de répétitions à la scène. En jouant leurs premiers concerts, ils acquièrent une reconnaissance de leur travail en tant que musicien. Cela leur donne une place dans la société en tant que tel. Les premières scènes des groupes en émergence se trouvent le plus souvent dans la région où ils habitent, car ils connaissent les structures proches de chez eux. Je désire connaître les priorités de ces scènes en matière de programmation, par rapport aux groupes locaux et aux groupes débutants. Je désire également connaître si ces lieux ont des liens avec l’animation socioculturelle, que cela soit des animateurs de la ville ou des animateurs présents dans leurs structures. Ceci afin de mieux cerner le rôle des animateurs dans la promotion des jeunes musiciens. Cela me permettra aussi de mieux cerner l’offre culturelle générale en matière de diffusion des musiques actuelles et de savoir si elle est suffisante dans les villes de Montreux et de Vevey. Je demanderai leurs avis à ce sujet aux travailleurs sociaux et aux jeunes interviewés Plus loin dans ce chapitre, je présente également trois structures au niveau romand où les jeunes musiciens peuvent s’adresser pour promouvoir leur art. Ce sont des structures que les jeunes utilisent déjà ou qui méritent d’être connues par les musiciens dans la recherche de concerts et d’informations pouvant les aider à évoluer dans le monde de la musique. Les salles subventionnées : (Les italiques signalent les extraits repris tels quels des statuts des structures présentées). Le Rocking Chair (RKC), Vevey Le RKC est géré par l’association ATAC (Association Tous Artistes Confondus) qui a vu le jour en 1992. C’est est une salle de spectacle subventionnée par la commune de Vevey à hauteur de Fr. 130'000.- par année. Il existait à l’époque deux scènes pouvant servir à la diffusion de concerts : la salle principale, qui peut contenir jusqu’à 500 personnes, et une salle à l’étage inférieur qui pouvait contenir environ 120 personnes. Cette dernière sert aujourd’hui comme « backstage »29 pour les artistes. Les buts de cette association sont : 29 De promouvoir et de développer la culture en général. De gérer l’espace culturel associé à l’infrastructure du Rocking Chair. De permettre la mise en œuvre et le financement des projets artistiques. Loges pour les artistes ou coulisses de scène. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 25 - De donner l’occasion à ses membres d’acquérir des compétences dans les domaines d’activités relatifs à ses infrastructures. D’avoir une politique active de recrutement de ses membres. Cette structure a des liens avec l’animation socioculturelle et le service de la jeunesse. La responsable de ce service est dans le comité de l’association « La Ferme Menthée » (voir p. 33) qui s’occupe de gérer les locaux de répétitions que les groupes peuvent louer dans le même bâtiment que celui du RKC. Ces deux associations étant sous le même toit, elles ont tissé des collaborations. Les groupes de l’AFM jouent une fois par année au RKC lors d’une soirée spéciale et l’animation jeunesse programme régulièrement ces groupes au festival Animai (voir p. 31). Trois personnes à temps partiel (dans les bureaux) et un sonorisateur travaillent au fonctionnement de cette salle qui programme non seulement des groupes locaux mais également des artistes renommés (suisses ou internationaux). Le Nouvel Espace Dancer (NED), Montreux Les buts du NED sont : - Le NED est un cercle culturel géré par un comité et une assemblée générale. Il a pour but de développer des activités musicales, artistiques et culturelles à Montreux. Le NED a été créé en 1994, faisant suite à une troupe de danse qui occupait les locaux auparavant. C’est la raison de son nom, « L’Espace Dancer » d’avant laissant place au « Nouvel Espace Dancer ». Le NED est subventionné par la commune de Montreux à raison de Fr. 100'000.- par année. Il existe deux salles pouvant accueillir des spectacles : une salle pouvant recevoir jusqu’à 250 personnes et une grande salle, qui sert occasionnellement à l’organisation de plus grands concerts, d’une capacité de 800 personnes. Le comité du NED compte six personnes qui travaillent bénévolement à l’organisation des activités, en plus des membres actifs de l’association qui y participent occasionnellement. Aucun employé professionnel n’est engagé par cette association, mis à part le défraiement ponctuel des ingénieurs du son. La priorité de cette salle, en terme de programmation, est de produire des groupes de la région, surtout depuis l’élection en 2011 d’un nouveau comité. Auparavant, le NED proposait des groupes internationaux et suisses pour un large public. Désormais cette salle désire se recentrer localement. Il existe une collaboration entre le NED et les travailleurs sociaux de la ville de Montreux. Le délégué jeunesse reçoit des demandes de jeunes musiciens qui désirent trouver des locaux de répétitions, et depuis le mois de février 2012, les scènes de cette salle de concerts sont mises à disposition des jeunes, les soirs où il n’y a pas de spectacles. Les jeunes musiciens paient Fr. 10.- pour deux heures de répétition, ce qui très attractif 30. 30 A ce sujet voir l’article de 24 Heures : http://www.24heures.ch/vaud-regions/riviera-chablais/ned-loue-scenerepetitions/story/17345367 Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 26 Il y a quelques années, les animateurs de la ville organisaient un atelier musical au NED, mais il ne se fait plus. Les jeunes qui participaient à cet atelier ont évolué dans leurs vies et les usagers actuels du centre n’en font plus la demande. La Guinguette, Vevey L’association « Espace Guinguette » (dit « La Guinguette ») a été créée en 2001 dans l’objectif de créer un lieu de partage et de divertissement à Vevey. A ses débuts, des événements culturels tels que pièces de théâtre, défilés de mode, expositions y étaient organisés, ainsi que la tenue une fois par année du « Festival de la Guinguette » sur un weekend. Les buts de l’association sont : - Ouvrir le milieu culturel à un public de tout âge. Offrir une programmation culturelle accessible à un large public. Opter pour une politique de tarification bon marché. Proposer une scène aux artistes régionaux. Découvrir et faire découvrir à la population et aux professionnels du milieu culturel de nouveaux talents. Animer la ville de Vevey en proposant des soirées dansantes et des événements culturels. Offrir un lieu de partage et de discussions entre les artistes et le public dans une ambiance chaleureuse et intimiste. Dès 2002, de nombreux groupes se proposent de venir jouer et le comité décide d’inclure la programmation de concerts dans leurs activités. La programmation devenant hebdomadaire et les charges de travail trop lourdes pour le comité, une administratrice est engagée à 30% dès 2003. Cette administratrice est aujourd’hui animatrice socioculturelle et travaille dans un centre socioculturel lausannois. Le succès de cette association a perduré jusqu’en 2010. Elle touchait une subvention annuelle de Fr. 10'000.- de la commune. Depuis, les locaux devant être détruits, le comité a été dissout et cette salle est à présent louée par différentes associations qui y organisent des spectacles ou des soirées dansantes. Des groupes locaux peuvent donc encore s’y produire occasionnellement. Les lieux associatifs alternatifs : Le Lieu Ouvert pour la Culture et l’Art Local (LOCAL), Vevey Les buts du Local sont : - Proposer un lieu d’expression pour les artistes. Permettre des synergies entre eux et la promotion sur l’extérieur. Organiser des événements (portes ouvertes, vernissages, concerts, soirées) afin de donner l’occasion aux artistes de se faire connaître. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 27 Le Local est né en 2001 dans le quartier disparu des « Toits du Monde ». A ces débuts ce lieu était voué à des expositions, des cours de danse, des soirées DJ’s et proposait un « café social31 ». La destruction du quartier des « Toits du Monde » mit fin à ces activités et l’association hérita d’un petit appartement dans le lieu actuel (qui n’était pas encore une maison d’artistes mais également un lieu d’habitation). En parallèle, le Local gérait une salle appelée le K-VO et organisait des soirées de musiques électroniques dans l’espace culturel des « Temps Modernes » (jusqu’à la destruction de ce lieu en 2005). Les appartements situés dans les locaux actuels du Local furent jugés insalubres comme lieu d’habitation et petit à petit des artistes de tous genres installèrent leurs ateliers dans cette maison (peintres, sculpteurs, DJ’s). Une petite salle, appelée « La Kavazik », destinée à organiser des concerts et servir de local de répétitions, vit également le jour. Avec le temps, cette salle est devenue une association à part entière pour la gestion des locaux de répétitions (voir p. 33) et l’organisation de soirées. Le Local n’est pas subventionné pour ces activités à l’année et fonctionne avec le bénévolat et les cotisations de ces membres (sauf dans le cas du Festivalocal, voir page 32). Chaque artiste paie directement son loyer à la commune de Vevey qui est propriétaire du bâtiment. Cette association organise également les Fêtes de la musique au mois de juin. Un animateur socioculturel fait partie de cette association depuis ses débuts en 2001 et s’occupe plus particulièrement de la programmation des concerts, de la recherche de fonds et de la gestion des bénévoles pour le Festivalocal. Le PAAF, Vevey Le PAAF est une association qui est née en 2010 dans des locaux situés juste à côté de ceux de la Kavazik à Vevey. Les membres du Local et de la Kavazik ont aidé cette association à voir le jour en aidant à débarrasser un caveau inutilisé pour qu’ils s’y installent. Ces trois associations collaborent parfois ensemble pour l’organisation de certains événements (comme le Festivalocal). Les buts de cette association sont : - - 31 Culturels et artistiques Créer des synergies et faciliter l’échange entre les artistes régionaux. Organiser des manifestations de promotion artistique. Offrir des espaces d’expression artistique, culturelle, philosophique et sociologique accessibles à tous. Créer des lieux d’expression libre pour toute personne désirant présenter une oeuvre artistique devant un public. Garantir l’accès à la pratique de divers arts à toutes les classes sociales. Sociaux Favoriser l’intégration de tout être humain afin d’éviter toute exclusion sociale. Rester à l’écoute des jeunes en apportant notre soutien à la réalisation de leurs projets et de leurs rêves. Dans ce lieu Internet était gratuit et le café à Fr. 1.- Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 28 - - Faire de la prévention active et ciblée (drogues, sida, alcool, violence, racisme, discrimination, etc.). Prendre part aux études menées sur la jeunesse et les lieux alternatifs. Eveiller la population et dissiper les peurs sur les différentes cultures étrangères, afin de nous assurer un avenir multiculturel et harmonieux. Générer des débats et encourager l’émergence de solutions alternatives. Environnementaux Promouvoir l’utilisation d’énergies renouvelables et développer une attitude responsable vis-à-vis de l’environnement. Cette association a été créée par des amis qui désiraient partager leurs expériences et promouvoir les artistes régionaux. Ils organisent une fois par année le « Festiloween » qui se déroule le weekend durant les fêtes d’Halloween. Ils organisent aussi des « open mike », c’est-à-dire un micro ouvert aux jeunes artistes de la région qui jouent librement sur la scène (ce sont pour la plupart des jeunes rappeurs de la région qui viennent pour s’exprimer en public). Le PAAF ne touche pas de subvention de la commune et n’a pas de liens avec l’animation socioculturelle. Le Bout du Monde (BDM), Vevey Les activités culturelles du « Bout du Monde » sont gérées par l’association « Autour du Monde ». Les buts de cette association sont : - L’association « Autour du Monde » a pour but d’initier et de soutenir des projets culturels et sociaux au sens large. Cette association est née en 2003. L’idée de départ était de créer un bistrot social avec des activités culturelles. Ce lieu est composé d’un bar et d’une petite salle de concerts. C’est une association indépendante qui ne reçoit aucune subvention. Une centaine d’animations y sont proposées chaque années : concerts, théâtre, contes et chaque jeudi un micro ouvert permet aux artistes débutants de se confronter à la scène. Cette association a aussi organisé un festival deux années durant. La scène du « Bout du Monde » étant trop petite pour un festival, elle collaborait avec le théâtre « L’Oriental » qui lui prêtait ses locaux pour organiser des concerts avec une capacité de public plus élevée. Suite à la fermeture momentanée du théâtre pour sa réfection complète, ce festival est en attente. Ce lieu n’a pas vraiment de contacts avec l’animation socioculturelle, mis à part des échanges et propositions de groupes pour le festival « Animai » (voir p. 31). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 29 Décal’Quai, Montreux Décal’Quai est une association d’artistes née en 2007 qui comprend quatre photographes, une céramiste, deux peintres et une créatrice de bijoux. L’association Décal’Quai s’occupe de la gestion des espaces loués aux artistes et une autre association, « Quai’Son », a vu le jour en 2011 pour s’occuper des activités culturelles de ce lieu. Les buts de l’association Quai’Son sont : - La promotion de la culture et des artistes locaux. La gestion et la promotion de l’espace public de l’association Décal’Quai en proposant plusieurs événements par année tels que concerts, festivals, spectacles, performances, théâtre, projections. Cette association organise deux festivals de musique : Le « Summer Bazar » au mois de juillet et le « X-Mas Bazar » au mois de décembre. Ils organisent également vingt à vingt-cinq concerts par an dans leur espace public. La programmation, qui privilégie les groupes locaux et les groupes suisses, est axée sur le rock, le jazz, la musique électro et l’improvisation. Il n’y a pas de lien entre cette association et les animateurs de la ville et aucun animateur socioculturel ne fait partie du comité. Association Rivier’Anime Cette association s’occupe de gérer les concerts donnés au kiosque à musique de Montreux quelques fois par année, principalement lors des weekends prolongés comme Pâques ou Pentecôte. La programmation est axée principalement sur les groupes locaux. Dans le comité de cette association se trouve une éducatrice sociale qui est la principale programmatrice des concerts. Elle favorise grandement les jeunes groupes pour des premières scènes quand leur niveau est suffisant. Cette association reçoit une subvention de Fr. 10'000.- de la part de Montreux-Vevey tourisme. Comme la programmatrice est éducatrice EESP, elle tisse des liens avec des animateurs socioculturels. Les lieux privés : Le Vème, Vevey Le Vème est un bar privé qui organise, depuis sa création en 2004, des expositions et des concerts. Pour les concerts, 80% de la programmation est axée sur les groupes locaux (un rayon qui va de Lausanne à Monthey) et la priorité est donnée aux groupes de Vevey et Montreux. Les principaux styles de musique joués lors des concerts sont le rock, le hip-hop et le ragga. Les spectacles sont gratuits et attirent de ce fait les jeunes de la région. Le public du Vème va de 18 à plus de 50 ans. Les programmateurs collaborent avec le RCK de Vevey (voir page 25) pour des échanges de groupes de musique. Ils n’ont pas de liens avec l’animation socioculturelle. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 30 Le Little Turtle, Montreux Le « Little Turtle » est un petit bar qui a ouvert en 2010. Deux à trois fois par semaine, des concerts ou des jam sessions32 y sont organisés. Comme les groupes sont rétribués au « chapeau »33, de nombreux groupes locaux et groupes débutants viennent y jouer. C’est un lieu convivial où les patrons sont proches des clients. Ce lieu collabore parfois avec l’animateur socioculturel de l’association « Local » (voir p. 27) qui organise de temps à autre des soirées dans ce lieu en proposant des jeunes groupes de musique locaux. Les festivals de musique : Le Montreux Jazz Festival, Montreux Ce festival né en 1969 donne depuis des années une aura internationale à la ville de Montreux de par la qualité des artistes du monde entier qui s’y produisent. En plus des places de concert payantes, ce festival propose aussi un « festival off » avec plusieurs scènes dont l’accès est gratuit. Les animateurs socioculturels de la ville y tiennent une grande tente destinée à la jeunesse (appellée « Young Planet ») qui propose des animations avec des DJ’s et des spectacles de dance faits par les jeunes du centre de loisirs. Le samedi du dernier weekend du festival, un concert avec de jeunes musiciens est organisé sur une grande scène du festival off. Appelé le « Young Planet on Stage », cet événement est programmé par le délégué jeunesse de Montreux. Ce concert permet à des jeunes musiciens de la région de profiter du nombreux public du festival et de s’aguerrir sur une scène professionnelle. Festival Animai, Vevey Ce festival est organisé depuis 1982 par le service jeunesse de la commune de Vevey et les animateurs socioculturels. D’abord un festival permanent sur un mois proposant de réfléchir et de s’exprimer sous la forme artistique de son choix (musique, peinture, théâtre, poésie, cinéma, photographie, danse, sports, etc.), il concentre désormais ses activités sur 5 jours durant le mois de mai. Outre des concerts, il propose aussi d’autres activités destinées à la jeunesse comme des ateliers de bricolage, d’escrime ou d’improvisation théâtrale. Ce festival collabore avec d’autres structures comme le RKC (pour la gestion de la sonorisation) et l’AFM (pour la programmation de groupes locaux). 32 Ou « bœuf ». Séance d’improvisation musicale à laquelle peuvent se joindre différents musiciens. Sans cachet fixe. A la fin du concert les clients mettent l’argent qu’ils désirent dans un chapeau qu’une personne fait passer dans l’assistance. Le montant recueilli est ensuite distribué aux musiciens 33 Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 31 Festivalocal, Vevey Ce festival a été créé en 2007 sous l’impulsion des membres de l’association Local (voir page 27). Il fait la part belle aux musiciens et autres artistes locaux. La spécificité du Festivalocal est de présenter également des expositions de peinture, de sculpture ou de photographie, en plus des concerts. Depuis 2010 ce festival organise un tremplin musical (en partenariat avec les Docks de Lausanne, le RKC de Vevey et la Case-à-Choc de Neuchâtel) qui permet à des groupes sélectionnés par ces partenaires de se produire sur leurs scènes pour des concerts ou des premières parties. Ce festival réunit les associations Local (organisatrice principale), Kavazik et PAAF, ainsi que tous les artistes de la maison (qui ne sont pas tous forcément membres de ces associations. Comme nous l’avons précédemment vu, un animateur socioculturel a initié ce festival en 2007 et s’occupe principalement de la programmation des groupes, de la recherche de fonds et de la gestion des bénévoles. Ce festival est subventionné à hauteur de Fr. 5000.- par an par la commune de Vevey. Fête interculturelle, Vevey Les buts de cette association sont : - Son but est la mise sur pied d’une Fête multiculturelle annuelle sur la Riviera vaudoise. Elle veille à l’organisation et au bon déroulement de cette manifestation, contribuant ainsi à l’intégration des étrangers et de leurs cultures dans la région. Cette fête a lieu depuis 2001. Elle propose à la fin du mois de juin à toutes les cultures présentes en ville de Vevey de se présenter. Les communautés peuvent y tenir un stand avec de la nourriture ou des produits de leurs pays. La programmation est très hétéroclite et propose parfois de jeunes groupes locaux. L’animation jeunesse de la ville y tient un stand de maquillage pour les enfants. Cette fête touche une subvention de Fr. 5000.- par année de la commune de Vevey. Festival ATM, Vevey L’Association des Amis des Temps-Modernes (ATM) est née en 2007, suite à la destruction en 2005 du lieu alternatif des Temps-Modernes (qui comprenait un bar, une salle de concert de 200 places et des ateliers pour des artistes et artisans). Les clients de cet ancien lieu alternatif ont créé ATM dans le but de se réunir et se revoir suite à la destruction des bâtiments. Cette association organise depuis 2009 un festival. Ce festival a lieu sur un soir en début février et programme des groupes de la région. Un animateur socioculturel bénévole s’occupe de la programmation et de la sonorisation de ce petit festival. Cette association ne touche aucune subvention de la commune. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 32 Divers Les différentes villes de la Riviera organisent, comme beaucoup de communes du monde, les « Fêtes de la musique » qui se déroulent le plus souvent à la date officielle du 21 juin de chaque année (ou le weekend le plus proche du 21 juin dans les communes n’ayant pas signé la charte officielle34 (annexe 5) des « Fêtes de la Musique ». Ces fêtes sont aussi l’occasion pour les jeunes groupes d’effectuer des concerts dans les différentes communes de la Riviera vaudoise. Voyons à présent deux structures dans lesquelles les jeunes musiciens peuvent louer des locaux pour jouer et composer leurs musiques. Les locaux de répétitions : L’Association de la Ferme Menthée (AFM), Vevey Les buts de cette association sont : - De donner aux musiciens la possibilité de développer leur potentiel créatif par la mise à disposition de locaux de répétitions adéquats à un coût modéré. De gérer l’attribution des locaux ainsi que les charges inhérentes à ceux-ci. De développer, sous diverses formes, l’émulation artistique née en son sein. De favoriser les contacts et les échanges extérieurs dans une optique de promotion des groupes. L’histoire de cette association débute au tout début de l’année 1990, suite à un incendie ayant détruit les locaux de l’actuel Rocking Chair (voir p. 25). Ces lieux étaient utilisés par des artistes pour des répétitions musicales, de la peinture, de la danse ou du dessin. La Municipalité décida ensuite de construire à la place une salle de concerts dans ces bâtiments (le RKC) et d’y créer huit locaux de répétitions confortables, uniquement destinés aux musiciens. Au moment des travaux, des abris PC furent utilisés pour reloger les musiciens qui utilisaient les locaux qui avaient brûlé. Depuis, l’association propose toujours des locaux de répétitions dans des abris PC et dans d’autres endroits de la ville, en plus de ceux refaits à neuf. Cette association gère 13 locaux de répétitions, dont 5 qui viennent d'être entièrement refaits à neuf par la commune mais ne touche pas de subvention annuelle. L’AFM entretien des liens étroits avec la déléguée jeunesse (animatrice socioculturelle) qui est dans le comité de cette association et représente la commune. Le service jeunesse programme régulièrement des groupes qui répètent dans ces locaux au festival Animai. La Kavazik , Vevey Ce lieu dispose d’une salle de répétitions, que les groupes partagent à raison d’un jour par semaine chacun, à un prix très attractif (Fr. 65.- par mois). 34 Lancées en 1982, les Fêtes de la musique ont édicté une charte, à laquelle les communes peuvent adhérer ou non, qui impose le 21 juin comme jour de la manifestation. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 33 C’est un local idéal pour des jeunes groupes sans grandes ressources financières pour commencer à jouer ensemble. Souvent, si le groupe fonctionne, les musiciens trouvent ensuite un local ailleurs qu’ils peuvent utiliser plus souvent. La Kavazik ne touche aucune subvention. Cette association organise également des jam sessions tous les jeudis et ponctuellement des concerts ou des soirées DJ’s. La programmation fait la part belle aux groupes locaux et dans sa philosophie cette association aime faire confiance aux jeunes musiciens débutants pour des premières scènes. Il n’y a pas de liens entre le comité de cette association et l’animation socioculturelle Conclusion de ce chapitre La première constatation, après la présentation de ces divers lieux, est que l’offre culturelle en ce qui concerne les musiques actuelles est étoffée, surtout pour la commune de Vevey. On peut compter 12 lieux de diffusion de musique actuelle sur Vevey et 5 à Montreux. On remarque également une grande volonté de faire jouer des groupes de la région et d’aider à la promotion des jeunes groupes de musique dans la plupart des structures. Il est intéressant aussi de voir que Vevey dispose d’une structure qui loue des locaux de répétitions aux groupes de musique (l’AFM), tout en assurant un cadre à ces musiciens. Nombre de groupes sont seuls dans leurs locaux sans pouvoir bénéficier des conseils et du soutien d’un comité avec la présence de la déléguée jeunesse. Pour pallier à la pénurie de locaux de répétitions, le délégué jeunesse de Montreux propose également (en collaboration avec le NED) des espaces pour répéter à de jeunes musiciens avec un suivi et des conseils pouvant les faire progresser. Je désire à présent faire un parallèle entre les buts statutaires de ces lieux et les compétences et fonctions du métier d’animateur. On retrouve dans les buts de ces associations bon nombre de similarités avec l’animation socioculturelle. J’énumère ici quelques-uns des buts de ces associations, tirés des différents statuts que nous venons de voir, en lien avec les compétences de l’animateur socioculturel : - Promouvoir et développer la culture. Gérer un espace culturel. Donner l’occasion aux membres d’acquérir des compétences. Offrir un lieu de partage et de discussion. Permettre des synergies entre les artistes et la promotion sur l’extérieur. Soutenir des projets culturels et sociaux au sens large. Intégrer les étrangers et leurs cultures dans la région. Favoriser l’intégration de tout être humain. Rester à l’écoute des jeunes et leur apportant un soutien à la réalisation de leurs projets. Faire de la prévention active et ciblée. Sans reprendre ici toutes les compétences et fonctions du métier d’animateur socioculturel, on s’aperçoit, si l’on se réfère au chapitre 1.6, que ces associations ont pour la plupart des buts similaires de promotion de la culture dans sa diversité. Elles désirent offrir des lieux de partage, d’écoute, de discussion, de prévention et Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 34 d’intégration permettant des synergies entre les différents acteurs. De ce fait, ces lieux permettent, à travers des projets culturels ou sociaux, une socialisation des différents acteurs, soit comme membres actifs de l’une de ces structures, ou pour une promotion de leurs activités culturelles ou sociales vers l’extérieur. Sans être directement liées à un/e professionnel/le de l’animation socioculturelle, certaines de ces institutions ont des buts qui s’en rapprochent plus ou moins explicitement. Le tableau ci-après récapitule les institutions qui ont des liens, directs ou non, avec les animateurs socioculturels. Tableau récapitulatif des liens avec l’animation socioculturelle Institution ASC dans comité Liens avec ASC Salles subventionnées Rocking Chair Vevey Guinguette Vevey NED Montreux X X X Lieux associatifs et alternatifs Kavazik, Vevey PAAF, Vevey Le Bout du Monde, Vevey Décal’Quai, Montreux Lieux privés Le Vème, Vevey Little Turtle, Montreux X Festivals Montreux Jazz Animai, Vevey Festivalocal (Local), Vevey Fête Interculturelle, Vevey ATM, Vevey Rivier’Anime, Montreux X X X X X X Locaux de répétitions La Ferme Menthée (AFM), Vevey Kavazik, Vevey X 6 / 17 5 /17 Sur les 17 institutions décrites, 11 ont des liens plus ou moins directs avec des animateurs socioculturels ou les centres socioculturels de leurs villes (j’inclus dans ce décompte l’éducatrice qui travaille pour Rivier’Anime, même si elle n’est pas animatrice socioculturelle de formation). Un tiers de ces lieux culturels ont des animateurs dans leurs comités et un tiers ont des liens avec les animateurs de la ville dans l’organisation de leurs activités. L’animation est donc bien présente dans ces structures de diffusion de musiques actuelles, que cela soit comme bénévole au comité de ces associations ou en lien avec les animateurs employés par les communes en question. On notera tout de même que les animateurs ne sont pas présents dans les lieux alternatifs mais qu’ils sont très présents dans l’organisation des festivals. On peut y voir un délaissement Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 35 du côté « militant » des animateurs dans ces structures alternatives, pour celui de « gestionnaire de projets » et de gestion des bénévoles dans les festivals. 2.2. Présentation de trois structures pouvant aider les jeunes groupes de musique Après avoir passé en revue les scènes et les locaux de répétitions de la Riviera vaudoise, je présente ici trois structures actives au niveau romand dans la promotion et la diffusion des musiques actuelles. Elles n’ont pas forcément de liens avec l’animation socioculturelle, mais offrent des services et des structures utiles aux jeunes musiciens. TrocK (tremplin rock), Lausanne Voici le texte de présentation sur leur site Internet : « TrocK est une action bénévole en faveur du développement de la scène musicale suisse. C'est un pont entre les artistes et les clubs mais c'est surtout une plate-forme d'échanges pour tous les acteurs du milieu, qu'ils soient amateurs, confirmés ou professionnels. La découverte, la formation et les échanges de compétences sont les mots d'ordre de TrocK. » (Trock, 2012). Cette association bénéficie d’une base de données des lieux de concerts en Suisse et les groupes membres peuvent y avoir accès pour trouver des concerts. Ils organisent des concerts dans diverses salles avec des groupes suisses faisant partie de leur association. Ils éditent également plusieurs CD par année (avec une compilation de ces groupes) qu’ils diffusent à des professionnels de la musique, à leurs membres et au public. Le délégué jeunesse de la ville de Montreux connaît cette association et aiguille les groupes qui peuvent en avoir besoin sur leurs services. Trock dispose d’un stand d’informations pour les jeunes musiciens lors du festival Animai à Vevey depuis plusieurs années. FCMA (Fondation pour la Chanson et les Musiques Actuelles), Nyon La FCMA se présente comme suit sur son site Internet : « Rock, rap, musique électronique, chanson3 Les artistes qui s'expriment aujourd'hui à travers ce qu'on appelle les “musiques actuelles” sont bien plus nombreux en Suisse romande qu'on ne l'imagine généralement. Qu’ils soient auteurs ou qu’ils soient interprètes, qu’ils s’expriment en solo ou en groupe, ils investissent toute leur énergie dans la musique. Un album, des concerts, une tournée: très vite, ils affrontent le public et se battent “avec les moyens du bord”. Mais nombre d'entre eux rêvent d'aller plus loin, de mieux s’organiser, d’avoir un jour les moyens de toucher un public plus large, de traverser les frontières. La FCMA veut leur en donner les moyens. Elle s'est fixé comme objectif de : - Les conseiller et les soutenir le plus efficacement possible - Leur donner les meilleurs outils pour se développer - Promouvoir leur travail et diffuser leur musique » (FCMA, 2012). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 36 La FCMA s’adresse surtout aux groupes ayant déjà une bonne expérience et désirant faire une carrière dans la musique mais tous les musiciens peuvent s’y adresser. Les artistes peuvent y obtenir des conseils sur la gestion d’une carrière ou d’une tournée. La FCMA finance également des résidences35 dans des salles de concerts quand un groupe prépare une tournée. Cette fondation propose aussi des formations pour les acteurs de la musique en général comme « Profession producteur », « Mieux communiquer avec les médias écrits » ou « Le management d’artiste »36, qui sont très accessibles financièrement et qui peuvent très bien convenir aux groupes débutants pour mieux connaître le marché de la musique. Depuis 2012, elle aide également à la production discographique en octroyant des subventions aux groupes qui désirent sortir un album. C’est cette fondation qui a mis sur pieds, en collaboration avec l’EESP, le CAS de « Manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles ». Elle forme également des stagiaires de la filière HES-SO dans le cadre de leur formation pratique en animation socioculturelle. MX3, Lausanne Voici comment cette structure se présente : « Un carrefour où se rencontrent musiciens, professionnels, fans, labels, clubs, festivals, associations et radios ! » (MX3, 2012). MX3 est un site Internet créé par les radios Couleur3, DRS3, Rete Tre, DRS Virus et Radio Rumantsch. Les musiciens peuvent s’y inscrire gratuitement, créer une page présentant leur groupe et proposer des morceaux de musique à l’écoute. Ils peuvent également y tenir un agenda de leurs concerts que les utilisateurs peuvent consulter. Ce site fait donc également office d’agenda culturel en ligne pour les groupes suisses et les organisateurs de concerts. Les programmateurs de concerts peuvent aussi y découvrir des groupes et les contacter pour les faire jouer. Les radios mentionnées ci-dessus programment sur leurs ondes des « coups de cœur » de groupes inscrits sur le site, ce qui favorise aussi leur promotion. Les groupes peuvent aussi accéder aux pages des organisateurs de concerts et les contacter. Il existe d’autres sites pouvant aider les jeunes dans la promotion de leurs musique comme MySpace, Facebook ou des sites plus spécifiques à tel ou tel genre musical (nous verrons plus loin qu’Internet est un moyen de promotion très utilisé par les jeunes artistes). Ces sites fonctionnent tous, à peu près, suivant le même mode de fonctionnement que MX3 mais permettent de s’adresser à un public plus large que la population suisse, car ce sont des sites qui présentent des artistes du monde entier. 35 Location d’une salle de concert pendant quelques jours permettant de répéter en condition de concert (sonorisation, light show) permettant de régler un spectacle en vue d’une tournée. 36 Pour plus d’information voir sur http://fcma.ch/fr/formations.php. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 37 Les musiciens peuvent aussi s’adresser à d’autres institutions comme les cantons, Swiss Music Export37, le Pourcent Culturel Migros38 ou Pro Helvetia39 pour demander des aides. Mais elles sont plus aptes à aider des groupes qui ont déjà une certaine assise et des perspectives de tournée plus grandes que celles des jeunes groupes de musique en devenir, c’est pourquoi je ne les présente pas ici. A présent, je vais faire une brève description des centres de loisirs qui sont concernés par mon étude. 2.3 Présentation des centres socioculturels de Vevey et Montreux Equinox (Vevey) Equinox est un centre de loisirs qui a vu le jour en 1995 (suite au déménagement d’une ancienne structure d’animation datant de 1955) et qui est destiné aux jeunes âgés entre 13 et 19 ans et habitant Vevey et sa région. Ce centre est géré par trois animateurs qui participent activement, en collaboration avec le service jeunesse, à l’organisation du festival Animai. Les animateurs sont des employés de la commune. Le centre est placé sous la responsabilité d'un animateur et la déléguée jeunesse assure la responsabilité de l'entier du service jeunesse (y compris le travail social de proximité). Ce lieu est en train de se restructurer et va également changer de nom. Les animateurs et la déléguée jeunesse ont remarqué qu’ils ouvraient les accueils pour une minorité de jeunes, quinze à vingt qui « squattaient » le centre, et ils avaient l’impression qu’ils ne remplissaient plus leurs missions envers les autres jeunes de Vevey. Décision a été prise de fermer les accueils et de faire des activités à l’extérieur, en animant à tour de rôle différents quartiers de la ville, pour se rapprocher des autres jeunes qui ne venaient pas au centre. Le Point et la Virgule (Montreux et Clarens) Montreux dispose de deux centres de loisirs destinés à la jeunesse : Le Point à Montreux et la Virgule à Clarens. Les animateurs sont des employés de la commune. Le premier cité à vu le jour en 2003 et le second en 2004. Le délégué jeunesse de Montreux en est le coordinateur, sous l’égide de la municipale en charge des affaires sociales, de la famille et de la jeunesse. Chaque centre est ensuite dirigé par un animateur responsable. Les animateurs employés ou les stagiaires peuvent aussi bien travailler dans l’un ou l’autre des centres suivant les besoins. L’équipe, hormis les deux responsables, est composée de deux apprenants socio-éducatifs, de deux stagiaires HES et d’une secrétaire à temps partiel pour chaque centre. 37 Swiss Music Export (SME) est une organisation nationale dont le but est de promouvoir et de diffuser les musiques actuelles suisses à l’étranger. URL : http://www.swiss-music-export.com. 38 Le Pour-cent culturel Migros encourage la création artistique ainsi que la transmission et la conservation de la culture en Suisse. URL : http://www.pour-cent-culturel.ch. 39 Pro Helvetia encourage la création artistique, soutient la médiation culturelle et entretient les échanges culturels à l’intérieur du pays et avec l’étranger. URL : http://www.prohelvetia.ch. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 38 Comme expliqué au chapitre 2.1, l’animation jeunesse de Montreux tient une tente destinée aux jeunes lors du Montreux Jazz Festival (le Young Planet) et collabore également avec le festival de jazz dans la programmation d’un groupe de la région qui joue chaque année sur une grande scène du « festival off » lors du « Young planet on stage ». 2.4 Présentation d’une structure où l’animation socioculturelle joue un rôle essentiel dans la promotion des musiques actuelles pour la jeunesse Je désire ici présenter un lieu où l’animation socioculturelle est en lien direct avec les musiques actuelles et propose une scène et des activités directement liées avec la jeunesse. Ces lieux ne sont pas nombreux. Celui-ci est un exemple de ce qui peut exister dans le domaine de l’animation socioculturelle pour aider et former les jeunes dans les domaines de la musique. L’Undertown de Meyrin Cette salle de concerts a ouvert en 1995 suite au constat des acteurs politiques de la ville qu’il manquait un lieu, ouvert le soir, dédié aux musiques actuelles pour la jeunesse et que l’insertion sociale et professionnelle des jeunes était problématique à l’époque. Ce projet est né lors de la construction du « Forum de Meyrin » abritant un théâtre, la bibliothèque municipale, un restaurant et des locaux pour des expositions artistiques. Ces acteurs politiques (en collaboration avec des animateurs des deux autres centres de loisirs de Meyrin) avaient conclu à l’époque que dans ce nouveau forum ne se trouvait que des activités destinées à une « élite » et que les jeunes n’étaient pas pris en compte. Ce projet de salle de spectacle a donc été mis à l’étude et accepté, l’Undertown était né. Les buts de l’association selon les statuts sont : « A. Fédératrice a) Réunissant les jeunes autour de ce qu’ils ont en commun et de leurs spécificités. b) Favorisant les échanges entre cultures et générations. c) Soutenant des initiatives associatives et/ou collectives. B. Intégratrice Favorisant l’intégration à la vie sociale et culturelle. C. Culturelle Soutenant la création et l’expression. » Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 39 On peut lire également sur le site de la FASe40 la description suivante : « L'Undertown est un lieu aux multiples facettes. C'est dans un premier temps un lieu socioculturel, organisant plus de 80 concerts et diverses soirées par an. Il soutient également la pratique musicale amateur, que ce soit par le biais d’ateliers ou par la mise sur pied de concerts «découvertes», notamment la programmation de groupes locaux. Mais l'Undertown est aussi un lieu inscrit dans un réseau social, collaborant avec les autres structures meyrinoises en charge des questions de la jeunesse. C'est dans ce cadre que l'Undertown participe à l’insertion de jeunes au travers de stages dans le domaine technique et de l'accueil (particulièrement le bar). [3] » (FASe, 2012) C’est une salle de concerts de 200 places dont le budget de fonctionnement est couvert en majeure partie par une subvention communale. Elle est gérée par quatre animateurs qui occupent un taux de 220% de temps de travail. Elle est directement liée à la FASe de Genève qui paye les salaires des animateurs. La FASe et la commune de Meyrin financent conjointement ces salaires et ceux du staff technique (sonorisation, light show, I). La moitié des concerts organisés sont produits directement par l’Undertown et l’autre moitié en coproduction avec d’autres organisateurs. Les animateurs de ce lieu organisent quatre ateliers dans le cadre du centre : - Un atelier pour DJ’s. Un atelier de danse Un atelier de création de vidéos (tournage aussi de concerts en « live »). Un atelier qui propose aux formations musicales un accompagnement technique, administratif et artistique : « Catapulte ton groupe ». Lors de ce dernier atelier, les groupes reçoivent un coaching musical pour travailler leurs morceaux, effectuent un enregistrement sonore pour créer une maquette sur support CD, jouent un concert public dans la salle, bénéficient d’un suivi administratif et peuvent aussi obtenir d’autres aides des animateurs suivant les besoins. Cet atelier est organisé sur une période de 6 mois et coûte Fr. 250.- au groupe de musique. L’autre mission de l’Undertown, avec les ateliers, est l’organisation de concert, dont la tenue une fois par mois d’une soirée spéciale pour les groupes locaux (appelée « New gang in town »). Ils programment également les jeunes musiciens lors de premières parties de concerts avec des têtes d’affiche. La programmation privilégie d’abord les groupes de Meyrin, du canton de Genève ensuite et d’autres régions en dernier lieu. L’Undertown n’a pas de réseau avec les autres salles de Genève. La raison est que les autres salles gèrent leurs affaires comme elles l’entendent et ne sont pas liées à l’animation socioculturelle, elles n’ont pas pour priorité de programmer des jeunes musiciens. L’Undertown collabore parfois avec d’autres salles pour des projets spécifiques mais l’animateur que j’ai rencontré trouve qu’un réseau bien établi avec d’autres salles de concerts du canton manque à Genève. 40 Fondation pour l’animation socioculturelle genevoise. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 40 Autres : Il existe peu de structures du même style que l’Undertown où des animateurs professionnels organisent des activités et des concerts pour les groupes émergents. A Lausanne, il existe le festival « Grand V rock » qui fait lui partie de la FASL41 et du centre de loisirs de Grand-Vennes. Les animateurs socioculturels de ce centre organisent des concerts lors de ce festival qui fait la part belle aux jeunes groupes et à la socialisation des jeunes par la musique. Mon but ici n’est pas de présenter toutes ces structures mais de démontrer que, dans d’autres régions que celles traitées dans mon mémoire, des animateurs socioculturels s’occupent bel et bien de lieux de promotion de musiques actuelles avec la jeunesse et travaillent dans des salles de concerts où les jeunes peuvent jouer ou se former dans les divers métiers liés à la musique (son, vidéo, bar, sécurité, publicité, etc I). Mais dans le cadre de mes recherches, l’Undertown de Meyrin est la seule salle de concerts que j’ai trouvée en Suisse romande gérée de manière associative par des animateurs socioculturels et des jeunes qui participent à l’organisation du lieu. Suite à cet exemple, voyons maintenant quelles sont les réponses de l’animation socioculturelle par rapport aux attentes des jeunes musiciens, à travers les enquêtes de terrain que j’ai pu remplir avec les délégués jeunesse, un animateur et sept jeunes musiciens de la région de Vevey et Montreux. 41 Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 41 3ème partie Enquêtes de terrain Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 42 3.1 Déroulement des enquêtes Je voulais à la base m’adresser aux animateurs des centres de loisirs. En contactant les responsables, je me suis aperçu qu’ils étaient également les délégués jeunesse de Vevey et de Montreux. Je n’ai pu interviewer qu’un animateur de centre de loisirs (à Montreux) pour avoir une vision « du terrain ». A Vevey, pour ne pas faire de « doublons » dans les réponses, la déléguée jeunesse a préféré répondre seule. J’ai d’abord contacté les professionnels du travail social, avant de répondre aux questionnaires avec les jeunes musiciens. Je voulais en premier lieu savoir quelles étaient les attentes des jeunes qui s’adressaient aux centre de loisirs. Mon but était de savoir si des musiciens font des demandes aux animateurs et quelle était la nature de ces demandes. Ensuite, mon désir était de questionner des jeunes musiciens qui ne s’y adressaient pas forcément pour cerner leurs besoins et leurs connaissances du monde des musiques actuelles. Cette approche en deux temps m’a permis de cerner plus précisément les questions que je voulais poser aux jeunes musiciens. En analysant ce que l’animation socioculturelle leur proposait, je pouvais mieux demander aux jeunes ce qui leur manquait. Ce qui m’a permis aussi de prendre contact avec des jeunes qui ont fait des demandes aux centres de loisirs, suite aux conseils des travailleurs sociaux. J’ai trouvé les autres jeunes car je connaissais certains d’entre eux et ils m’ont présenté d’autres musiciens qu’ils fréquentaient. En parlant avec des organisateurs de spectacles (pour me renseigner au mieux sur le chapitre 2.1), les personnes interrogées m’ont aussi aiguillé sur des jeunes de la région qui avaient joué chez eux. J’ai pu de ce fait rencontrer un grand éventail d’acteurs du domaine des musiques actuelles de cette région : salles de concerts privées et subventionnées, associations subventionnées et alternatives, travailleurs sociaux et jeunes musiciens. 3.2 Enquêtes auprès des professionnels de l’animation socioculturelle Mon enquête a été réalisée auprès de trois personnes : les délégués jeunesse de Vevey et Montreux et l’animateur responsable du centre « Le Point » à Montreux. Deux d’entre eux ont été formés à l’EESP en animation socioculturelle (la déléguée jeunesse de Vevey et l’animateur responsable du centre de Montreux). Le délégué jeunesse de Montreux a une formation d’enseignant, il a ensuite bifurqué dans l’animation à Bex et à Montreux avant de devenir responsable du service de la jeunesse de Montreux. J’énumère ci-après les questions que je leur ai posées, avec une synthèse des réponses obtenues. Par souci de simplification, je nommerai parfois la déléguée jeunesse de Vevey (DJV), le délégué jeunesse de Montreux (DJM) et l’animateur responsable du centre «Le Point » (ARP). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 43 Question 1 : Pour vous, quelle serait une définition des musiques actuelles ? Quelles styles musicaux y incluez-vous ? Quels sont ceux qui n’en font pas partie ? A cette question, les réponses vont dans le même sens que ce que nous avons pu voir au chapitre 1.4. A savoir que ce terme est assez flou : - « Toutes les musiques qui intéressent les jeunes en particulier » (DJV). « Le rock, le rap, 3 en fait à l’exception de tout ce qui n’est pas de la musique classique, contemporaine ou le jazz » (DJM). « L’idée c’est que cela soit facile d’accès au niveau du support » (DJM). « Pour moi c’est ce qui passe à la radio » (ARP). J’ai trouvé très intéressante la réponse du délégué jeunesse de Montreux qui classe ces musiques actuelles en deux parties et inclut dans sa vision (sans la nommer expressément) une notion de légitimité culturelle, chère à Bourdieu (comme nous avons pu le voir au chapitre 1.5). C’est pourquoi je la cite in extenso : « Pour moi il y a deux sortes de musiques actuelles majeures. La première, tout ce qui est européen, le rock, avec guitare, basse, batterie, synthé modelé sur la musique anglo-saxonne, c’est un ensemble, tu peux mettre beaucoup de styles musicaux là-dedans. On a une demi-douzaine de groupes de ce genre sur la commune. Ce sont des jeunes qui ont un certain capital social, un certain niveau, ils ont les moyens matériels de par leurs parents qui sont là, ils ne jouent pas dans la rue pour se faire de l’argent si tu comprends ce que je veux dire. Ils font des études et suivent une formation minimum CFC, donc ils ont une vie et la musique c’est un peu leur hobby, des amateurs au sens positif du terme. Après, comme deuxième groupe, il y a les musiques que j’appelle les musiques immigrantes. Comme le kuduro, une musique congolaise, mais qui en Suisse a été complètement modernisée. Je mets aussi le rap dans ces styles de musique. Les jeunes qui font ces musiques ont beaucoup moins de moyens mais ils ont un réseau beaucoup plus étendu, ils travailleront par exemple avec d’autres jeunes de Neuchâtel. Les communautés migrantes sont beaucoup plus éclatées, ils ont des ressources souvent beaucoup plus limitées, ne serait-ce que dans la qualité de son, mais ils trouvent des studios d’enregistrement par leurs propres moyens à travers leur réseau. C’est souvent un peu du « bricolage », mais c’est normal, c’est à l’image de leur réseau social. Mais ils se sont suffisamment intégrés maintenant pour vouloir commencer à sortir des disques. Souvent par rapport à leur besoin d’identité, pour dire « voilà maintenant qui on est, voilà ce qu’on écoute et ce que l’on fait ». Nous accompagnons beaucoup plus ces jeunes-là. Je te donne l’exemple d’un de ces jeunes qui organise des discos qui a déjà des gros problèmes de vue, ses parents sont très absents, il est déstructuré, il a commencé un apprentissage de cuisinier mais il a arrêté. Des gens comme cela misent beaucoup plus sur une « carrière », la musique donne un sens à leur vie et ils se disent qu’ils vont réussir. Pas comme les autres jeunes que je citais avant qui misent d’abord sur leurs études et le travail. Pour ces jeunes plus déstructurés cela ne fait que repousser le problème car c’est quasiment impossible de réussir en faisant de la musique. Avec eux on les aide beaucoup plus au niveau des démarches, on les met en contact avec des gens pour les aider dans le développement musical ». Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 44 Si le terme « musiques actuelles » est assez flou ici aussi quant aux styles de musiques que les gens y incluent ou pas, il est intéressant de noter que le délégué jeunesse de Montreux classe les musiques actuelles en deux groupes distincts qui se superposent à deux catégories sociales : les natifs européens et les migrants. Comme Bourdieu l’explicite dans sa théorie de la légitimité culturelle, le délégué jeunesse de Montreux voit clairement une différence entre les différentes strates de population. Les jeunes migrants jouent des styles de musique plus porteurs de messages personnels engagés (comme le rap et le kuduro) et demandent plus d’aide aux animateurs socioculturels. Les jeunes plus favorisés sont plus aidés par leur famille ou travaillent, ce qui leur permet plus de pratiquer leur art sans demander de l’aide aux travailleurs sociaux. J’ai par contre noté une contradiction dans la fin de la réponse citée plus haut. Pourquoi donc aider des jeunes déstructurés à faire de la musique, si cela est quasiment impossible de réussir dans ce domaine et ne fait que repousser le problème de leur insertion professionnelle ? La réponse du délégué jeunesse de Montreux est la suivante : « C’est une manière de garder le lien avec eux. On ne les finance pas mais on les aide dans des activités annexes au niveau socioculturel tout en les encourageant au niveau scolaire et professionnel en espérant la possibilité d’une prise de conscience de leur part. Mais ils sont libres, ils ont le droit de ne pas voir la vie comme nous on l’entend. Nous serons aussi là après au besoin en gardant ce lien avec eux. » Je remarque, suite à cette réponse, qu’il est important de soutenir des jeunes qui choisissent une voie différente des autres ou ne désirent plus réussir d’études. Même si le chemin le plus adapté pour trouver du travail est celui d’effectuer une formation scolaire, le fait de suivre des jeunes qui ont décidé de faire carrière dans la musique permet de garder un lien avec eux. Les animateurs pourront encourager plus tard ces jeunes dans une voie professionnelle plus traditionnelle, s’ils n’arrivent pas gagner leur vie avec la musique. Question 2 : Quelles sont les activités que vous mettez en place en relation avec les musiques actuelles ? A Vevey, le centre de loisirs Equinox soutient les mouvements musicaux qui débutent, comme le rap à l’époque. Les animateurs ont organisé des ateliers d’écriture de texte pour le rap, ils prêtaient leurs locaux pour des répétitions et ont fait venir des rappeurs reconnus pour jouer en concert dans leurs locaux et partager avec les jeunes. Comme le centre est en pleine restructuration et ne fait plus d’accueil, ce genre d’activités n’est plus proposé. Mais le centre reste ouvert aux demandes des jeunes le cas échéant. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 45 Le festival Animai est organisé par le service de la jeunesse et Equinox en collaboration avec le RKC (voir chapitre 2.1). Comme nous l’avons vu dans ce même chapitre, ce festival fait la part belle aux groupes locaux et aux jeunes musiciens. La déléguée jeunesse de Vevey est membre du comité de l’AFM qui loue des locaux de répétitions. Elle m’a précisé que les locaux de l’AFM, même s'ils étaient à la base réservés aux jeunes veveysans, accueillent des musiciens de tout le canton. Certains d'entre eux n'habitent plus Vevey et alentours mais ont gardé leur local dans cette structure. La déléguée jeunesse déplore qu'il n'y ait pas de locaux de répétitions dans les autres communes de la Riviera. Enfin, via le service jeunesse, les jeunes musiciens jusqu’à 25 ans peuvent obtenir des soutiens financiers pour des projets collectifs. Le but est de favoriser la socialisation et l’entraide, c’est pourquoi ce soutien ne s’adresse pas à un musicien seul. En parallèle, le service culturel offre des subventions aux productions des musiciens veveysans (y compris pour des projets non collectifs). A Montreux, les animateurs suivent les demandes des jeunes. Ils ont fait des ateliers d’écriture rap ou prêté les locaux pour que des groupes de rap répètent mais ce n’est plus d’actualité. Pour l’animateur, il semble que les jeunes ont tout le matériel disponible chez eux avec les ordinateurs et n’ont plus besoin de celui du centre. Ils organisent de temps en temps des discos où les jeunes peuvent s’improviser DJ. Des concerts sont organisés dans le cadre du Montreux Jazz Festival avec le « Young Planet on stage » (voir chapitre 2.1). Un jeune groupe de la région est sélectionné par le délégué jeunesse pour jouer sur une grande scène du « festival off ». Le service jeunesse collabore depuis 2012 avec le NED et propose de louer cette salle aux jeunes musiciens pour des répétitions (ainsi qu’un suivi des groupes, comme le fait l’AFM à Vevey). L’animation jeunesse de Montreux bénéficie d’un budget qui permet d’aider les projets musicaux collectifs, comme c’est également le cas à Vevey. Question 3 : Pensez-vous que la musique est un moyen de socialisation pour la jeunesse ? Pouvez-vous me donner un ou deux exemples ? La déléguée jeunesse de Vevey pense que les jeunes qui jouent de la musique le font avec leurs pairs et que, de ce fait, ils sont déjà socialisés dans ces groupes-là. Elle remarque aussi que les musiciens se mélangent ethniquement : « [3] les jeunes qui font de la musique se mélangent, ce n’est pas juste un « clan » ethnique qui forme un groupe. Ce qui est justement très intéressant en termes de socialisation. » Elle trouve aussi que la musique est un moyen de responsabilisation et d’apprentissage de la vie communautaire. A l’AFM les jeunes doivent payer un loyer, respecter les locaux, savoir les partager avec d’autres groupes, faire partie de la vie associative de l’AFM (ils doivent devenir membres et assister aux séances). De plus, les jeunes partagent leurs connaissances musicales et cela contribue à créer des liens entre eux et aussi des liens intergénérationnels avec des musiciens plus âgés. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 46 Le délégué jeunesse de Montreux voit cette socialisation par la musique sur deux plans. Premièrement, il trouve que d’une manière générale cela donne une reconnaissance aux jeunes par rapport à la population indigène (de leur pairs et du monde des adultes). Nous parlions de cette reconnaissance d’être musicien dans le chapitre 1.5 comme vecteur de socialisation et d’appartenance groupale. Deuxièmement, il nous parle de la socialisation des jeunes migrants : « Cela leur permet aussi de garder cette partie d’identité nécessaire de leur pays pour évoluer dans leur pays d’accueil, de rester en lien avec leur identité de migrant. C’est une sorte de visibilité positive du jeune migrant. Cette socialisation est pour moi plus visible pour les jeunes migrants que pour les jeunes nés ici. » L’animateur responsable de Montreux pense que la musique socialise en général. Mais il remarque aussi que, dans le cadre de son métier, un seul style de musique est diffusé et écouté par les jeunes dans le centre et qu’il n’y a pas de discussions et d’échanges autour de la musique, donc pas de socialisation par la musique. La musique est donc clairement perçue comme un moyen de socialisation par les travailleurs sociaux interrogés, en particulier pour les jeunes musiciens. Question 4 : Avez-vous des demandes de jeunes qui désirent monter un projet musical ? Quelle est la nature de ces projets ? A Vevey, la plus grande demande des jeunes est de trouver des locaux de répétitions. Sinon certains jeunes demandent du soutien pour organiser des comédies musicales, mélangeant le théâtre et la musique. Les animateurs aident ces jeunes à monter un dossier de recherche de fonds, leur transmettent des adresses et peuvent les aider financièrement, pour autant que le projet corresponde à leurs critères. Pour l’animateur de Montreux, il y a de moins en moins de demandes. Ils ont aidé financièrement des jeunes il y a quelques années qui désiraient enregistrer dans un studio. Il s’aperçoit qu’avec les nouvelles technologies, les jeunes ont accès plus facilement à des outils de création musicale et que, du coup, ils ont moins de demandes de ce genre. Ils ont parfois des demandes pour des locaux de répétitions mais ils ont peu de locaux à louer, voire plus du tout. Auprès du délégué jeunesse de Montreux, la plus grande demande des jeunes est également de trouver des locaux de répétitions. Sinon ils demandent aussi de pouvoir faire des concerts et obtenir des soutiens financiers pour des enregistrements en studio. Question 5 : Avez-vous des liens avec des lieux de diffusion de musiques actuelles ? Si oui lesquels ? Comment et dans quels buts collaborez-vous avec eux ? A Vevey, les animateurs et la déléguée jeunesse collaborent avec le RKC qui dépend historiquement du service jeunesse. Le Bout-du-Monde fait partie du comité de programmation d’Animai et ils avaient également des liens avec la Guinguette dans le cadre d’un prêt de matériel (voir chapitre 2.1). Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 47 A Montreux, les collaborations se font principalement avec le NED et le Montreux Jazz Festival. Ils ont aussi un lien avec le Mayfair (un bar sur la Grand’Rue de Montreux) pour les musiques électroniques et les DJ’s. Des jeunes sont parfois envoyés par le délégué jeunesse pour mixer de la musique dans ce bar et il existe aussi des échanges de groupes avec le festival Animai à Vevey. On s’aperçoit que les travailleurs sociaux interrogés collaborent principalement avec des institutions subventionnées par leurs communes. Question 6 : L’offre de l’animation socioculturelle est-elle suffisante pour la promotion des musiques actuelles pour la jeunesse ? Pour la déléguée jeunesse de Vevey, on pourrait toujours faire plus. Mais elle précise que l’animation doit rester quelque chose qui n’est pas de la consommation. Cela doit venir d’un besoin des jeunes et l’animation ne doit pas créer des besoins artificiels. Mais les locaux de répétitions sont un manque auquel on pourrait remédier. Elle rajoute qu’elle trouve que ce n’est pas forcément un mal si des jeunes doivent attendre un peu avant d’avoir un local. Cela leur permet d’apprendre la patience et de vérifier leur motivation. Pour le délégué jeunesse de Montreux, c’est vraiment la mise à disposition de locaux de répétitions qui pourrait être améliorée. Il précise que c’est vraiment le nerf de la guerre concernant les jeunes musiciens. L’animateur du centre de loisirs de Montreux pense que l’offre est suffisante. Voici sa réponse : « Oui. On est à l’écoute des jeunes. Comme tout ce qui est digital prend le dessus, les jeunes y ont accès. Des outils qui coutaient très chers à l’époque sont maintenant disponibles gratuitement sur Internet, donc on a de moins en moins de demandes. » On peut noter ici que le fait d’être à l’écoute des demandes des jeunes est la priorité des travailleurs sociaux. On peut noter une baisse des demandes des jeunes à l’heure actuelle, sauf en ce qui concerne les besoins en locaux de répétitions. Question 7 : A vos yeux, la promotion des musiques actuelles pour la jeunesse fait-elle partie du champ d’activité d’un animateur socioculturel ? La réponse est clairement oui pour la déléguée jeunesse de Vevey. C’est un besoin et un intérêt de la part des jeunes. Les animateurs doivent toujours s’adapter à ce qui se passe autour d’eux afin de répondre aux besoins des usagers. Les musiques actuelles font partie de la culture des jeunes et c’est le travail des animateurs socioculturels que de les soutenir et de les promouvoir. Cela lui fait plaisir de voir des groupes comme Rectangle ou Solange la Frange, qu’ils ont aidés dans le passé, jouer ensuite au Paléo. Ils ont pu aider au bon moment des jeunes qui avaient du talent. A cette question, le délégué jeunesse de Montreux répond que cela dépend de l’organisation des centres de loisirs. Cela revient surtout au délégué jeunesse de la ville de s’en occuper dans les communes qui ont créé un tel poste. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 48 Ce qui corrobore bien la réponse de l’animateur responsable du centre de loisirs de Montreux, pour qui la réponse est non. Il considère qu’il n’a pas un travail de promotion à faire mais plutôt d’être à l’écoute des jeunes et de favoriser la création de liens entre les différents musiciens et, dans le cadre de son mandat, il transfère leurs demandes au délégué jeunesse. Les animateurs sont donc à l’écoute des jeunes musiciens mais ils estiment qu’il revient plutôt aux délégués jeunesse de les aider lorsque ceux-ci ont des questions ou demandent des aides pour un projet. Question 8 : Pensez-vous que l’offre culturelle générale pour la jeunesse est suffisante dans la région ? Pourrait-elle être améliorée ? Existe-il des projets à l’étude ? La déléguée jeunesse de Vevey effectue en ce moment une recherche sur ce sujet et n’a pas encore de réponse précise pour l’instant. Ce qui en ressort à l’état actuel c’est que les jeunes sont très « consuméristes », ils aimeraient avoir des choses toutes prêtes et n’aiment pas organiser eux-mêmes. Le délégué jeunesse de Montreux pense que dès que le NED sera rouvert42 l’offre sera belle, même s’il se peut que de nouveaux lieux voient le jour à l’avenir. Pour l’animateur du centre de loisirs de Montreux l’offre est conséquente, il y a une foule de choses dans ce domaine à Montreux et dans la région. Conclusion de ces interviews D’une manière générale, on s’aperçoit que les demandes des jeunes dans le domaine des musiques actuelles sont plus dirigées vers les délégués jeunesse que vers les animateurs de « terrain ». D’ailleurs ceux-ci remontent les demandes des jeunes auprès du responsable du service de la jeunesse, plus apte à leur donner du soutien. Les animateurs peuvent prêter les locaux des centres de loisirs pour des répétitions mais ne disposent pas (ou très peu) de budget spécifique pour les musiciens. Les délégués jeunesse peuvent apporter ce soutien financier aux artistes qui le demandent, selon certaines conditions (comme le fait d’être un groupe et pas une personne seule pour favoriser la socialisation et l’entraide entre les jeunes). Les délégués jeunesse, de par leur fonction, sont aussi plus en contact avec des institutions locales citées dans le chapitre 2.1 (en priorité avec celles qui sont subventionnées par leurs communes). La pénurie de locaux de répétitions a souvent été citée et constitue, encore plus à Montreux qu’à Vevey, un manque pour les musiciens que les services de la jeunesse peinent à améliorer, au vu de la situation immobilière actuelle. De plus les jeunes désirent trouver des locaux à bon marché et ce genre d’espaces est difficile à obtenir. On notera que pour les travailleurs sociaux interrogés, la musique actuelle est un moyen de socialisation non négligeable pour les jeunes. On remarque aussi que, même si elle n’est pas nommée comme telle, l’idée de légitimité culturelle est présente dans les réponses des délégués jeunesse. 42 L’interview a eu lieu avant la réouverture du NED en septembre 2011. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 49 A Vevey (bien qu’il ne faut pas généraliser), les jeunes plus à l’aise socialement organisent plus d’activités (comédies musicales) et demandent plus de soutiens pour monter des dossiers de recherche de fonds pour leurs projets. Les moins favorisés paraissent plus « consuméristes » et aiment moins faire par eux-mêmes. Le délégué jeunesse de Montreux fait aussi cette distinction entre les jeunes plus favorisés et ceux, souvent migrants, qui le sont moins. A son niveau, ce sont les plus défavorisés qui demandent le plus des aides, alors que les autres se débrouillent plus par eux-mêmes. Les plus aisés ont plus facilement accès à des locaux de répétitions payés par leurs parents, ou par leurs propres moyens, que les jeunes moins favorisés. Même si ces deux villes font partie de la même région, la Riviera lémanique, les demandes des jeunes ne sont donc pas symétriques, sauf en ce qui concerne la demande de locaux de répétitions. Il existe beaucoup plus d’endroits associatifs et alternatifs à Vevey qu’à Montreux. Les jeunes trouvent, de ce fait, plus de solutions dans sur Vevey pour faire des concerts ou obtenir des aides. Voyons à présent quelles sont les attentes et les besoins des jeunes musiciens que j’ai rencontrés et nous verrons si leurs réponses correspondent à celles des travailleurs sociaux. 3.3 Enquêtes auprès des jeunes musiciens J’ai interviewé sept jeunes musiciens de 17 à 25 ans dans les villes de Vevey et de Montreux (et environs) en essayant de m’adresser à différentes couches sociales et différents styles de musique joués ou composés. Je n’ai malheureusement pas trouvé de fille. J’avais bien une jeune artiste de rap à qui je pouvais m’adresser mais elle n’était pas disponible sur le moment. Ce qui montre déjà une plus grande attirance des garçons pour la composition musicale, car je n’ai eu aucune peine à trouver sept garçons pour mes entretiens. Ces musiciens proviennent tous de groupes de musique différents. Dans le but de vérifier la notion de légitimité culturelle de Bourdieu (voir chapitre 1.5), je leur ai demandé de se placer eux-mêmes parmi cinq catégories sociales : basse, moyenne basse, moyenne, moyenne aisée et aisée. Nous verrons plus loin les résultats obtenus sur des tableaux analysant leurs conditions sociales et leurs activités professionnelles ou scolaires. Je leur ai proposé de choisir entre différents mots, ceux qui expriment le mieux leurs rapports à la musique. Je fais en fin de ce chapitre une synthèse des mots choisis par ces jeunes. Les autres questions étaient axées sur leurs manières d’aborder la musique à leur niveau. Comment ils trouvaient des concerts, comment ils trouvaient de l’aide, quels étaient les lieux et les institutions d’aide qu’ils contactaient, s’il jugeaient l’aide apportée suffisante ou non, s’ils s’adressaient à l’animation socioculturelle et ce que leur apportait la musique en termes de socialisation. Ces questions ont pour but de tirer un parallèle avec les réponses des professionnels de l’animation socioculturelle questionnés et pouvoir mieux cerner les attentes des jeunes auprès des animateurs et des autres structures existantes. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 50 Les musiciens interviewés ont préférés que je cite leurs prénoms, sans indiquer le nom de famille. Pour ne pas trop entrer dans leurs vies familiales, je cite le niveau d’études mais pas le métier exercé par leurs parents. Voici une description des sept musiciens rencontrés : ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pierre-Yves, 22 ans Employé dans une entreprise de ventilation La Tour-de-Peilz Nationalité : Situation familiale : Instruments : Apprentissage des instruments : Style musical : Suisse, père suisse, mère brésilienne. Moyen à aisé. Le père a une maîtrise fédérale. La maman a fait l’université au Brésil. Ils sont mariés. Saxo, voix, flûte à bec. Cours de saxo dès 7 ans à l’école des cadets de Montreux. 1ère formation : ska, reggae, punk - 2ème formation : jazz. La musique c’est : « Quelque chose qui m’accompagne tout le long de ma vie, suivant les humeurs et les moments. » Mots choisis : Emotion, évasion, communication. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pedro, 22 ans Au bénéfice du revenu d’insertion sociale Montreux A arrêté une formation de cuisinier Aimerait faire de la musique sa vie Nationalité : Angolaise. Situation familiale : Classe moyenne. Ses parents sont décédés. Instruments : Piano, voix. Apprentissage des instruments : Cours privés à 17 ans. Style musical : Kuduro (musique angolaise). La musique c’est : « Ma respiration, c’est vital ». Mots choisis : Plaisir, identification, communication. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------Cal, 22 ans Apprenti dessinateur architecte Vevey Nationalité : Suisse. Père suisse, mère anglaise. Situation familiale : Classe moyenne. Parents non mariés, sans études ni CFC. Instruments : Guitare, voix. Apprentissage des instruments : Cours de guitare et de saxophone à 10 ans. Style musical : Métal. La musique c’est : « C’est ma passion, je pense à ça toute la journée ». Mots choisis : Emotion, plaisir, identification. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 51 Pierre, 24 ans Vevey Nationalité : Situation familiale : Instruments : Apprentissage des instruments : Style musical : Au bénéfice du chômage En formation de tailleur de pierre Suisse. Classe moyenne, basse. Etudes des parents niveau CFC. Le père a fait faillite, il cherche du travail. La mère est à l’AI. Ils sont divorcés. Basse, guitare, voix. En autodidacte. Chanson, punk, rock approximatif. La musique c’est : « Un mode d’expression, un divertissement ». Mots choisis : Evasion, plaisir, communication. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------Thomas, 17 ans Au gymnase de Burier à Montreux Tour-de-Peilz Nationalité : Suisse. Situation familiale : Classe moyenne, aisée. Etudes des parents niveau CFC. Ils sont mariés. Instruments : Basse, voix. Apprentissage des instruments : En autodidacte dès l’âge de 13 ans. Style musical : Metal core, death core, death metal. La musique c’est : « Un moyen d’expression pour passer mes nerfs et pouvoir ressortir ce que je veux exprimer dans la vie ». Mots choisis : Loisir, plaisir, communication. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------Greg, 20 ans Fait un apprentissage dans la publicité Vevey Nationalité : Espagnole. Situation familiale : Classe moyenne. Parents divorcés, sans études ni CFC. Instruments : Voix, écriture. Apprentissage des instruments : En autodidacte, dès 13 ans avec l’écriture de paroles. Style musical : Rap. La musique c’est : « Un mode d’expression pour passer mes sentiments ». Mots choisis : Emotion, plaisir, communication. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 52 John, 25 ans Vevey Nationalité : Situation familiale : Instruments : Apprentissage des instruments : Style musical : Au bénéfice du revenu d’insertion sociale A arrêté une formation de vendeur Suisse. Classe moyenne. Etudes des parents niveau CFC. Ils sont mariés. Voix, écriture. En autodidacte dès 15 ans. Rap. La musique c’est : « Tout ce qui me raccroche à la vie, cela m’aide à ne pas péter les plombs ». Mots choisis : Emotion, identification, communication. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- A ce stade, j’aimerais faire une synthèse des situations sociales de ces jeunes. Occupations professionnelles ou scolaires: Gymnase 1 Apprentissage 2 Social 2 Chômage 1 Employé 1 Sur les musiciens interrogés, près de la moitié sont sans emploi. Les deux jeunes au bénéfice du revenu d’insertion sociale ont arrêtés leurs apprentissages respectifs. Classes sociales : Basse Moyenne, basse Moyenne Moyenne, aisée Aisée 0 1 4 2 0 Aucun ne dit se trouver dans une classe basse de la population. Même le jeune dont les parents sont décédés, au bénéfice du revenu d’insertion sociale, se classe dans la classe moyenne qui est largement majoritaire. D’ailleurs les deux jeunes au bénéfice du revenu d’insertion sociale se positionnent dans cette classe. J’y vois pour ma part une certaine retenue à se considérer comme « pauvre ». Même au bénéfice du revenu social, aucun de ces jeunes n’est à la rue. On peut supposer que ces jeunes refusent d’être stigmatisés en s’avouant d’une classe sociale « basse » ou, qu’à l’inverse, certains autres ressentent une gêne à se classer dans la catégorie « aisée ». Je vais tenter dans les tableaux suivants d’analyser les instruments et les styles musicaux joués en fonction des deux tableaux précédents que je récapitule. Il est clair que le nombre de jeunes interrogés ne permet pas de faire une statistique réaliste sur l’ensemble des jeunes musiciens, mais je désire quand même essayer d’avoir une vision plus claire des styles musicaux et instruments joués suivant ces critères. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 53 Selon l’activité professionnelle : Gymnase 1 Basse Voix Metal Apprentissage 2 Social Chômage 2 1 Instruments joués Guitare Piano Basse Voix (2) Voix (2) Guitare Ecriture Ecriture Voix Styles musicaux joués Metal Rap Kuduro Rap Chanson Punk Rock Employé 1 Saxo Voix Flûte à bec Ska Reggae Punk Jazz Dans ce tableau, je note que toutes les catégories d’activités professionnelles pratiquent le chant dans un groupe ou participent aux voix. Dans les faits, six jeunes interrogés sur sept pratiquent la voix dans leurs groupes, soit comme chanteurs principaux, soit comme chanteurs accompagnants. Les instruments joués ne varient pas en fonction des différentes activités des jeunes mais en fonction des styles musicaux joués. Les deux jeunes au bénéfice du revenu d’insertion sociale jouent des musiques que le délégué jeunesse de Montreux désigne comme « musiques migrantes » (voir chapitre 3.2). Des musiques qui tendent plus à exprimer des valeurs qui aident les jeunes à s’affirmer personnellement dans la vie, privilégiant l’écriture et les textes. Ce n’est peut-être pas un hasard si les jeunes avec le plus de difficultés de formation et d’intégration professionnelle ont besoin de s’affirmer autrement et pratiquent plutôt du rap ou du kuduro, musiques qui privilégient souvent des textes plus personnels et engagés. Ils ont un plus grand besoin de s’affirmer par la musique pour trouver une identité autre que celle transmise par le fait d’avoir un travail. Deux jeunes sur trois qui jouent ces genres de musique sont au bénéfice du revenu d’insertion sociale. Selon la classe sociale : Basse Moyenne, basse 0 1 Basse Guitare Voix Chanson Punk Rock Moyenne Moyenne, aisée 4 2 Instruments joués Piano Saxo Voix (4) Voix (2) Guitare Flûte à bec Ecriture (2) Basse Styles musicaux joués Kuduro Metal Rap (2) Aisée 0 Ska Reggae Punk Jazz Metal Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 54 Les instruments comme la basse, la guitare et la voix sont pratiqués par toutes les classes sociales. On peut remarquer que des instruments plus rares dans des groupes de musiques, comme le saxophone et la flûte à bec, sont joués par la catégorie « moyenne à aisée ». Ces jeunes-là ont suivi des cours de musique, ce qui leur a permis l’apprentissage de ces instruments. Encore une fois, le peu de jeunes interrogés ne permet pas une statistique fiable, mais on remarque que les styles précédemment relevés (kuduro et rap) se trouvent dans la catégorie moyenne et non la catégorie moyenne-aisée. Ce qui tend une nouvelle fois à démontrer que le style de musique choisi par les jeunes dépend, en partie, du niveau social de la famille et que l’envie des jeunes de s’affirmer par ces styles musicaux (plus porteurs de messages personnels et de besoin d’affirmation de soi par la musique) correspond aux besoins des jeunes moins favorisés, souvent issus de la migration. Ce qui tend à confirmer la théorie de « légitimité culturelle » de Bourdieu (voir chapitre 1.5). Quatre jeunes sur sept ont appris la musique en autodidactes. Les trois autres ne sont pas forcément d’une classe aisée, ce qui tend cette fois à infirmer la théorie de Bourdieu. Les jeunes qui ont fait des cours d’instruments de musique sont aussi bien de classe moyenne-aisée qu’au bénéfice du revenu d’insertion sociale. Suite à cette analyse des pratiques musicales suivant les situations sociales des jeunes musiciens, voyons à présent les réponses aux autres questions que je leur ai posées. 1. As-tu un local de répétitions? Comment l’as-tu trouvé ? Si oui, le prix est-il correct ? Comment est financé ce local ? A cette question, il est important de noter la différence selon les styles musicaux joués. Les musiciens pratiquant le rock, le ska, le punk, le métal, le reggae ou le jazz (styles joués par les jeunes interrogés) ont besoin d’une batterie. Ce qui implique la location d’un lieu bien insonorisé, où l’on peut laisser la batterie en place d’une répétition à l’autre. Ce qui n’est pas le cas pour les rappeurs que j’ai interrogés. Ils peuvent amener des morceaux de musique enregistrés chez eux et chanter dessus en les jouant sur un CD ou une clé USB. Les besoins pour les locaux de répétitions ne sont donc pas les mêmes suivant le style de musique adopté. Les deux jeunes qui pratiquent le rap répètent dans des appartements d’un de leurs collègues musiciens. Ils n’ont pas de frais pour répéter, car leurs copains prêtent le local et participent souvent aux répétitions avec eux. Le musicien qui joue du kuduro est le seul qui s’est adressé à l’animation socioculturelle pour obtenir un local de répétitions. Le centre de loisirs de cette ville lui prête le centre deux fois par semaine. Il n’a par conséquent pas de frais non plus pour s’entraîner. On remarque que les deux jeunes au bénéfice du revenu d’insertion sociale ont trouvé des locaux gratuitement. Pour les quatre autres jeunes qui pratiquent des musiques avec batterie, les réponses sont plus disparates. Un musicien loue un local à l’association Kavazik (voir chapitre 2.1). Il le finance luimême avec ses collègues musiciens. Un autre joue dans le local du père du batteur de son groupe, qui leur prête ce local de répétitions gratuitement. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 55 Les deux autres jeunes ont trouvé des locaux par le bouche-à-oreille et ils le partagent avec d’autres groupes. Ce sont des locaux loués à des gérances et chacun paie sa part dans la location. Tous trouvent le loyer correct car ils sont plusieurs à cotiser pour les lieux. Mais un des musiciens trouve que leur local est « super pourri » et il cherche un autre local avec son groupe. 2. Pour toi, qu’est-ce que cela veut dire « musiques actuelles » ? Etonnamment, les réponses des jeunes sont plus simples que celles des adultes interrogés sur le sujet. Ils ne s’attardent pas à une définition mais plutôt à ce qu’ils entendent ou à ce qu’ils vivent. Six musiciens sur sept répondent que c’est ce qui passe à la radio, la musique que l’on écoute maintenant, ce qui est le plus commercial. Un seul rajoute que c’est aussi la musique que les jeunes jouent. Pour l’un d’entre eux, toutefois, c’est tout l’inverse. C’est la musique qui est en dehors de l’industrie du disque. Pour lui, ceux qui font de la musique actuelle sont plutôt : « les musiciens indépendants qui triment pour s’exprimer plutôt que de se vendre ». Quant aux styles musicaux qu’ils incluent là-dedans, chacun y va avec les différents styles que nous avons énumérés au chapitre 1.4. Les styles exclus des musiques actuelles sont la musique classique, le funk, le blues et le jazz. 3. Vas-tu ou est-tu allé auparavant au centre de loisirs de ta région ? Si non pourquoi ? Deux jeunes sont allés souvent dans les centres de loisirs de leur ville. Un autre y est allé une fois et n’y est pas retourné car le style des usagers du centre ne correspondait pas au style auquel il s’identifiait Les quatre autres musiciens n’y sont jamais allés. Soit parce qu’ils n’en avaient pas le besoin (« j’allais voir mes potes »), soit parce qu’ils ne connaissaient pas l’existence des centres de loisirs. On peut déduire que, si plus de la moitié des jeunes interrogés ne sont jamais allés dans un centre de loisirs, c’est qu’ils étaient déjà socialisés avec d’autres amis, musiciens ou non, et qu’ils avaient des activités sans avoir besoin de fréquenter un centre pour rencontrer du monde (je remarque que, pour la plupart, c’est aussi ceux qui effectuaient des cours d’instruments de musique). Il est à noter que les deux musiciens qui fréquentaient des centres de loisirs ont obtenu des aides (prêt de local, concerts, organisation de soirée) de la part des animateurs. J’y reviens à la question suivante. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 56 4. As-tu déjà fait des demandes aux animateurs pour obtenir de l’aide dans le domaine de la musique ? Si oui, quelles demandes ? Les deux musiciens qui, dans la question précédente, disaient passer souvent au centre de loisirs ont fait des demandes aux animateurs. Ils ont organisé des soirées DJ dans le centre de loisirs de Montreux. L’un d’eux a obtenu le droit de répéter deux jours par semaine dans ce centre. Les deux ont également pu jouer en concert lors du « Young Planet on stage » durant le Montreux Jazz Festival ou d’autres scènes que le délégué jeunesse propose (comme les fêtes de la musique sous le marché couvert). Les autres, ne connaissant pas les centres de loisirs de leurs régions, n’en ont pas le besoin et s’adressent ailleurs (à leurs réseaux ou auprès des lieux de promotion des musiques actuelles présentés au chapitre 2.1). Suite à l’entretien que j’ai eu avec lui, un rappeur qui n’a jamais fréquenté les centres de loisirs désire un jour les contacter, pour voir s’il peut organiser un atelier d’écriture pour les jeunes. 5. Quand tu en as besoin, à qui demandes-tu de l’aide pour tes projets musicaux ? Six musiciens sur sept citent leurs réseaux musicaux ou leurs amis comme principale ressource pour leurs projets. Il ont parfois emprunté de l’argent, qu’ils ont ensuite remboursé, pour sortir un CD. D’autres s’adressent à des copains qui disposent d’un studio pour leurs enregistrements. Un jeune rappeur fait partie d’une association qu’il a créée avec d’autres musiciens qui font le même style de musique. Ils paient une cotisation de Fr. 50.- par année qui peut servir à financer des petits projets (comme l’achat de T-Shirts qu’ils peuvent ensuite vendre). Autrement, les jeunes s’adressent à d’autres musiciens ou aux organisateurs de concerts qui peuvent soit les aider, soit les aiguiller vers d’autres personnes du monde de la musique. Leurs demandes sont surtout axées sur la recherche de concerts. Sur les sept interrogés, un seul répond que lui et les musiciens de son groupe font tout eux-mêmes et s’autofinancent. Ils disposent d’un petit revenu qu’ils investissent dans le groupe de musique et se font aussi aider par leurs parents. Ceux qui ont des contacts avec les animateurs ou le service de la jeunesse de leurs communes font des demandes suivant les besoins du moment. 6. Trouves-tu qu’il existe suffisamment de locaux de répétitions dans ta région ? Six musiciens sur sept trouvent que les locaux ne sont pas assez nombreux ou trop chers. A Montreux, il n’y a rien de disponible pour jouer de la musique fort. Ils déplorent que les régies ne louent pas de locaux aux jeunes pour faire de la musique car le bruit fait peur. A cette question, un jeune de Vevey m’a fait la réponse suivante : « Pour une ville soi-disant culturelle non. On a fait nos meilleures répètes au bord du lac, ça veut tout dire 3 ». Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 57 Il s’agit d’un rappeur qui répète chez un copain qui lui prête son studio. Avec d’autres collègues musiciens, ils sont allés quelques fois faire des concerts improvisés au kiosque à musique qui se trouve au bord du lac à Vevey. Ils ont pu jouer plus fort que dans un appartement et ont plus progressé de ce fait, selon ses dires. Il fustigeait un peu le slogan de la ville de Vevey : « Vevey, ville d’images ». Il trouvait un peu « lourd » que, pour une ville comme Vevey qui fait de l’art son étendard, des jeunes musiciens doivent faire des concerts sauvages au bord du lac car ils ne trouvent pas de locaux bon marché. Un seul jeune m’a répondu que l’on pouvait en trouver, que cela dépendait aussi des relations. C’est celui qui dispose deux fois par semaine du centre de loisirs de Montreux. 7. Trouves-tu facilement des concerts ? Fais-tu des demandes dans ta région ? A cette question, les réponses sont assez partagées. Un artiste dit que cela serait plus simple s’il avait un manager. D’autres disent trouver assez facilement des dates dans la région mais que cela est plus difficile pour trouver des concerts ailleurs en Suisse romande. Un des musiciens m’a dit que lui et son groupe ne cherchaient pas vraiment des concerts, que cela venait gentiment tout seul. Mais j’ai remarqué que tous aimeraient pouvoir jouer plus souvent, ce que je peux comprendre. Des jeunes qui font du sport rencontrent d’autres adversaires à qui se confronter. Les jeunes musiciens aimeraient eux pouvoir se confronter au public sur une scène et sortir plus souvent de leur local de répétitions. 8. Comment est organisé ton groupe pour trouver des concerts ? Avezvous un manager ? Si oui, comment avez-vous trouvé ce manager ? Un seul des groupes a un manager, un groupe de rock métal. Le manager les aide et « fait ce qu’il peut », me dit le musicien interrogé (le manager est un passionné de disque vinyles qui les a vus en concert et a décidé de les aider à trouver des dates). Comme il a aussi d’autres activités, les musiciens cherchent aussi des concerts par eux-mêmes. Les rappeurs recherchent par eux-mêmes des concerts de manière solitaire ou à travers l’association de musiciens dont ils font partie. Dans les autres groupes, tous les membres du groupes recherchent des dates de concerts. Un des groupes avait trouvé un manager dans son entourage de copains mais, suite à un désaccord, ils se sont séparés de lui et font des recherches par eux-mêmes. On s’aperçoit à cette question que les jeunes s’investissent personnellement pour la promotion de leurs musiques, sans trop compter sur une tierce personne. Ils se responsabilisent dans les recherches de concerts et se sociabilisent également en prenant des contacts avec des organisateurs de spectacles. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 58 9. Peux-tu me citer les endroits de la Riviera vaudoise où tu as joué en concert ? Je répertorie les réponses des musiciens dans un tableau pour déterminer quels sont les endroits où les jeunes que j’ai interrogés trouvent le plus facilement des concerts. RKC PierreYves X Pedro Cal Pierre Thomas John X X Kavazik 1 X Festivalocal X Animai X X X 1 X X X 5 2 PAAF X X X Total 2 NED Vème Young Planet on stage Fêtes de la musique Montreux Fêtes de la musique à Villeneuve Little Turtle Greg X 2 X 2 X 2 X 1 X 1 X X Autres * 2 2 2 * = bar du Bouveret, salle communale de Blonay Sur ce tableau, on remarque que le Festivalocal (voir chapitre 2.1) tient le haut du pavé dans l’organisation de concerts pour les jeunes musiciens que j’ai interrogés. Je pense que c’est parce que c’est un petit festival sans grand budget, avec plus de 20 groupes programmés sur trois jours, dont environ une quinzaine sont des jeunes groupes débutants de la région ou d’autres villes de Suisse romande. Ce festival organise également un tremplin musical qui permet à ces jeunes groupes d’être repérés pour jouer sur de plus grandes scènes, s’ils sont sélectionnés. Sinon tous les autres lieux sont à peu près équivalents quand aux passages en concert des musiciens que j’ai rencontrés. On peut noter également le fait que les rappeurs jouent facilement au PAAF, lors des « Open mic »43 du mardi. C’est un lieu d’expression qu’ils apprécient, car ils peuvent passer librement et profiter de la scène un instant sans avoir besoin d’être programmés. Les sept jeunes interrogés ont joué 23 concerts en tout dans 13 lieux différents. Cela tend à prouver que les lieux de diffusion de musique actuelle sur la Riviera vaudoise font confiance aux jeunes musiciens et n’hésitent pas à les programmer, 43 Micro ouvert. Les musiciens viennent sans être programmés et peuvent passer sur scène tour à tour. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 59 ou que les jeunes passent plus facilement en concert dans leur région car ils ont créé des réseaux et des contacts avec ces lieux. 10. Pour toi, quels sont les meilleurs moyens de faire la promotion de ta musique ? Internet et les réseaux sociaux viennent en tête et sont cités par six musiciens sur sept. Quatre jeunes sur sept citent aussi les concerts comme bon vecteur de promotion de leurs musiques. Trois citent également le bouche-à-oreille. Avec une seule réponse, il y a : contacter des organisateurs, faire un CD et être sincère dans sa démarche et sa musique. On voit ici l’importance d’Internet pour la jeunesse qui l’utilise prioritairement pour se faire connaître par le biais des réseaux sociaux (comme Facebook ou MySpace), de sites de diffusion de vidéos (tels que Youtube), ou de sites plus spécialisés pour les musiciens comme MX3 (voir chapitre 2.2). Mais il semble qu’il manque aux jeunes des connaissances pour faire de la promotion autrement que par Internet. Il est important en effet de disposer de matériel de promotion (comme un CD démo, un press-book44 ou une fiche technique45) pour constituer un dossier pour des demandes d’aide ou les envoyer à des organisateurs de spectacles afin de trouver des dates de concerts. En effet, ceux-ci ne sélectionnent pas des musiciens seulement avec Internet mais souvent également avec un dossier de présentation sur papier et un CD des groupes. 11. Pour ton groupe, as-tu déjà réalisé un press-book, une fiche technique, une démo CD ? Trois d’entre eux ont réalisé un press-book, une fiche technique et un CD démo, ou ont déjà sorti des albums qu’ils utilisent pour la promotion. Ce sont les jeunes ayant le plus joué en concerts ou ceux qui font partie d’un collectif d’artistes. Les autres n’en sont pas là, n’y ont pas pensé ou ne savent pas ce que c’est. Ils ont plutôt inscrit leurs groupes sur des sites Internet mais n’ont pas fait de support papier avec les informations de leurs groupes respectifs. Deux de ces groupes ont réalisé un press-book suite à mes conseils. Ils m’ont fait part ensuite que cela les avait bien aidés pour trouver des concerts. Il semble donc bien que, si les jeunes trouvent des conseils utiles, ils les utilisent et que cela les fait progresser dans la gestion de leurs groupes de musique. Cela leur permet de « professionnaliser » leurs démarches. Le fait de faire un press-book permet aussi de réfléchir sur l’image que le groupe donne : trouver un logo, faire un texte décrivant le groupe, réfléchir à une identité commune, etc I Autant de démarches qui vont dans le sens de l’affirmation de soi, de l’insertion sociale et de la construction identitaire. 44 Genre de Curriculum Vitae pour les musiciens et groupes. Présentant le groupe par un texte, une liste des concerts déjà joués, quelques photos, s’il y a lieu la discographie, les liens pour contacter le groupe ou le manager et des liens sur les sites Internet du groupe. 45 Feuille à l’intention des sonorisateurs listant les instruments joués sur scène et les besoins en matériel des musiciens (micros, amplis, CD, platines de disques, matériel spécial, etc.. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 60 12. Trouves-tu qu’il existe assez d’aide pour la promotion des musiques actuelles des jeunes artistes ? Pourquoi ? Pour quatre personnes sur sept, la réponse est clairement non. Ils notent un manque de structures pour aider dans le domaine musical. L’un d’eux aimerait pouvoir trouver un « conseiller musical » qui pourrait l’aider dans ses démarches et l’encadrer. Un autre musicien m’a dit que, comme seule une minorité de jeunes veut percer dans la musique et que c’est très dur d’y parvenir en Suisse, les pouvoirs publics ne s’inquiètent pas vraiment de la question. Les trois autres sont plus flous dans leurs réponses : « Oui sûrement mais je ne connais pas assez », « On peut faire toujours plus », « Je ne sais pas, on fait tout seul ». Les jeunes interrogés pensent, d’une manière générale, que les concerts sont plus faciles à trouver que des aides pour les faire avancer. On remarque bien un manque d’information à ce niveau, ce qui va se confirmer dans les réponses suivantes. 13. Connais-tu des structures d’aide au niveau romand ? (canton, FCMA, Trock, F) Leur as-tu déjà fait des demandes ? Aucun des musiciens ne connaît les structures ci-dessus ou ils ne savaient pas pouvoir s’y adresser. Un seul jeune m’a cité la Loterie Romande comme institution pouvant aider au financement d’un CD. Après leur avoir expliqué le rôle des structures citées plus haut, trois d’entre eux m’ont dit qu’ils allaient s’inscrire prochainement chez Trock. Cela démontre encore un manque de connaissance chez les jeunes des structures existantes dans le domaine des musiques actuelles. Il suffit pourtant de leur en parler pour qu’ils s’y intéressent et s’y inscrivent. 14. Comment fais-tu pour te renseigner sur les structures existantes d’aide pour les musiciens dans ta commune ou en Suisse romande ? Un musicien me dit qu’il chercherait sur Internet. Trois me répondent que le boucheà-oreille serait le meilleur moyen de se renseigner. Un me dit qu’il demanderait aux animateurs de la commune (le jeune qui dispose du local du centre de loisirs de Montreux en prêt pour ses répétitions). Deux disent qu’ils me le demanderaient, vu que je les ai renseignés sur le sujet. On voit que, si l’on s’intéresse au sujet avec eux, les jeunes sont preneurs des informations que l’on peut leur donner. Ces jeunes musiciens manquent de repères et de connaissances pour s’adresser à des structures pouvant les aider et ils ne reconnaissent pas vraiment les travailleurs sociaux comme une aide dans ce domaine. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 61 15. Quelles sont les aides dont toi ou ton groupe pourraient avoir le plus besoin pour progresser ? Chaque musicien pouvait répondre plusieurs choses pouvant le faire progresser, c’est pourquoi les réponses sont plus nombreuses que le nombre de jeunes interrogés. Trois aimeraient avoir plus de contacts pour jouer des concerts. Deux musiciens aimeraient avoir une aide financière pour produire un CD. Un aimerait trouver un bon chanteur pour son groupe et pouvoir également faire un enregistrement plus professionnel. Un musicien aimerait trouver plus de lieux de rencontre sous forme de jam session. Un répond qu’il aimerait une aide financière pour créer un studio. Il a déjà fait un dossier de présentation pour une recherche de fonds mais il ne trouve pas de locaux disponibles. Un autre aimerait avoir un vrai local de répétitions. On remarque à cette question que le fait de jouer en concert et d’enregistrer un CD sont les réponses les plus citées. Cela dénote bien une envie de se faire connaître, se montrer ou pouvoir montrer un CD. Je pense que cela fait vraiment partie de cette recherche d’identité et de reconnaissance sociale en tant que musicien qui prime, avant celle de réussir une carrière dans la musique. 16. Si cela était possible, ferais-tu de la musique ton métier ? Les sept jeunes sont catégoriques et répondent par l’affirmative. Ils aimeraient pouvoir faire de leur passion un métier. Cela montre bien l’importance de cette activité pour eux. 17. Tes meilleurs amis font-ils aussi de la musique ? A cette question, un m’a répondu « oui, tous. » Quatre m’ont répondu que la plupart de leurs amis faisaient aussi de la musique. Un m’a répondu que la moitié de ses amis étaient musiciens. Un seul m’a répondu que non. Ces réponses tendent à démontrer que les jeunes musiciens se socialisent prioritairement à travers le monde musical et développent leurs réseaux personnels surtout par ce biais. 18. Choisis trois mots qui expriment le mieux ton rapport à la musique entre ceux que je te propose ou d’autres de ton choix : J’ai proposé aux musiciens de choisir trois mots, parmi ceux énumérés ci-après, qui expriment le mieux leurs rapports à la musique. Ils pouvaient aussi me donner d’autres mots qui n’étaient pas dans ma liste, mais aucun ne l’a fait. Les mots proposés sont tirés de l’article d’Albena Ivanovitch, que j’ai déjà cité dans le chapitre 1.4 (que l’on trouve en annexe 1). J’ai mis entre parenthèse le nombre de mots donnés par les musiciens. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 62 - Communication (6) Plaisir (5) Emotion (4) Identification (3) Evasion (2) Loisir (1) Détente (0) Divertissement (0) Indépendance (0) Comme on le voit, la communication est citée par la quasi totalité des musiciens. C’est vraiment un moyen pour eux de s’exprimer. Viennent ensuite le plaisir avec cinq réponses et l’émotion avec quatre réponses. Cela corrobore aussi l’analyse d’Anne-Marie Green : « Cette restructuration de la personnalité de l’individu est issue directement de la pratique musicale, qui tout d’abord, leur apporte du plaisir. Ce plaisir est exprimé de manière claire par tous les musiciens interrogés. [...] Le plaisir éprouvé, est mis en valeur dans leur discours : il est en quelque sorte le contrepoids des difficultés, de la lassitude, du désespoir, vécus pas ces personnes. » (Green, 1998, p. 208). Cela correspond aussi bien aux petites phrases qu’ils m’ont données lorsque je leur demandais ce que représentait la musique pour eux. On retrouve bien chez ces jeunes cette notion de plaisir lié à la pratique musicale et le fait qu’elle les aide à « se raccrocher à la vie et ne pas péter les plombs », « passer leurs nerfs et ressortir ce que je peux exprimer » ou « un mode d’expression pour passer les sentiments » (voir la présentation des musiciens). Ce qui me frappe ici, c’est que pour les jeunes musiciens la musique n’est pas juste de la détente, du divertissement ou du loisir. On peut en déduire que c’est vraiment pour eux un mode d’expression dans lequel ils s’investissent fortement, afin de faire passer leurs émotions. Comme nous avons pu le voir au chapitre 2.1, la musique sert à la construction de leur identité, permet de laisser libre cours à leurs émotions et de mieux les verbaliser. Comme quatrième réponse, on trouve l’identification qui s’apparente plus à l’affirmation de soi et au fait de se retrouver dans une « tribu » ou un groupe d’amis partageant les mêmes besoins (voir chapitre 1.5). Cette identification est aussi pour eux un moyen de se faire considérer comme musicien à part entière par leurs pairs et les adultes comme nous l’avons vu précédemment. On remarque aussi que, malgré leur envie de faire de la musique un métier si cela était possible, ils ne la voient pas comme un moyen d’indépendance. Ce qui semble contradictoire à première vue. Est-ce que parce que tout en désirant faire de la musique un métier ils n’osent pas trop y croire ? L’entourage, prônant la réussite des études et le monde du travail « traditionnel », semble avoir plus de poids que leur passion pour la musique dans leur avenir professionnel. Les jeunes musiciens semblent avoir une vraie conscience de la difficulté à réussir financièrement dans le monde des musiques actuelles. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 63 J’ai voulu également croiser les réponses des jeunes musiciens avec celles d’adultes (que l’on trouve dans le livre d’Anne-Marie Green déjà cité). Les adultes devaient répondre ce qu’ils pensaient que la musique représentait pour les jeunes. Ce questionnaire n’était pas lié directement aux jeunes qui font de la création musicale, mais à tous les jeunes en général : « Les enquêtés affirment que, pour les jeunes, la musique c’est : - La distraction (85%) La détente (83%) L’occasion de se regrouper (76%) Le passe-temps (74%) Le rêve (73%) Le contact avec les autres (71%) Un moyen d’expression (71%) Un moyen de s’identifier (60%) Une passion (53%) Un besoin (53%) Le moyen de s’affirmer (53%) La contestation (45%) Une forme d’équilibre (42%) » (Green, 1998, p. 275) Il est étonnant de remarquer ici que dans les cinq premières réponses on trouve celles qui, pour la plupart, n’ont pas été citées par les jeunes musiciens. Car je fais un parallèle entre distraction, détente, passe-temps, rêves avec détente, loisir, évasion et divertissement, que les jeunes que j’ai interrogés n’ont pour ainsi dire pas choisis. Pour ces jeunes, la musique ne semble donc pas être aussi futile et il se peut que les adultes projettent leurs propres visions de la musique sur celles qu’ils s’imaginent pour la jeunesse. On peut noter tout de même que le fait de se regrouper et d’avoir du contact avec les autres sont également cités. Ce qui tend à démontrer que selon les adultes, la musique est un vrai instrument de socialisation, surtout pour la jeunesse musicienne. Anne-Marie Green dit à ce propos : « Le fait de jouer d’un instrument modifie les tendances des résultats. Ainsi les perceptions de ceux qui jouent d’un instrument s’orientent-elles vers la musique comme passion et comme « sens de la vie » individuel ». [...] La perception d’une socialisation à travers la musique est plus celle des enquêtés qui ne jouent pas d’un instrument, ils voient davantage dans les conduites musicales des jeunes les aspects formels (influence des comportements, des sorties, l’occasion de se regrouper). » (Green, 1998, p. 287). Je souligne ici la différence de perception entre la vision des adultes sur le rôle que joue la musique pour les jeunes et leurs réalités. Ils semblent la vivre d’une manière bien plus impliquée que de la simple distraction ou de la détente. Comme ce sont des musiciens que j’ai interrogés il semble normal (suite à la lecture des propos d’Anne-Marie Green cités plus haut) que ceux-ci vivent plus la musique en termes de communication, de plaisir et d’émotion, car ils la vivent comme artistes et pas seulement comme auditeurs. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 64 Cela explique peut-être également pourquoi ils vivent la musique si intensément, voudraient en faire un métier, mais n’y croient pas vraiment. Les adultes, qui s’imaginent que la musique n’est que distraction ou détente pour les jeunes, ne doivent pas vraiment les pousser à en faire un vrai métier, par peur de les encourager dans une voie trop instable. Les adultes voient, par contre, la musique comme un facteur d’intégration, ce dont les jeunes musiciens que j’ai rencontrés ne se rendent pas compte. Pour eux, la musique est un plaisir et une passion mais ils ne l’assimilent pas à un moyen de socialisation, cela y contribue d’une manière automatique sans qu’ils s’en soucient. Voyons à présent les résultats de cette recherche en termes de socialisation des jeunes à travers la musique, l’impact et le rôle de l’animation dans l’aide aux jeunes musiciens et les réponses à mes hypothèses de départ. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 65 4ème partie Résultats de recherche et analyses Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 66 4.1 Conclusion de ces enquêtes en termes de socialisation des jeunes par la musique La partie théorique 1.5 nous a mis sur la piste de l’importance que la musique pouvait avoir comme moyen de socialisation. J’ai pu remarquer, dans mes entretiens avec les musiciens interrogés, qu’ils vivent vraiment la musique comme une passion leur permettant de transmettre leurs émotions, leur plaisir et que cela leur apporte beaucoup sur le plan de leur développement personnel : par rapport à d’autres jeunes que j’ai rencontrés dans les centres de loisirs et qui se contentent d’écouter de la musique, j’ai trouvé chez les jeunes musiciens une très grande ouverture au monde et un sens critique plus développé. Ils se posent plus de questions sur le monde qui les entoure et se servent de la musique pour les exprimer, notamment dans leurs textes. L’un deux m’a rapporté que par le passé il était « braqué » exclusivement sur le rap et ne voulait rien savoir des autres styles de musiques. Petit à petit, il s’est intéressé à d’autres styles et courants musicaux. Cela l’a beaucoup aidé à respecter davantage ceux qui ne s’identifient pas à la même musique que lui. Il est en quelque sorte sorti du groupe restreint des premiers amis avec lesquels il a entamé son parcours (comme nous en parlions au chapitre 1.5), pour s’ouvrir à d’autres styles de personnes et de musiques pour les inclure dans son horizon. Ce qui l’a fait progresser, tant dans sa manière personnelle d’aborder la vie et les autres, que dans sa propre musique. La région de Vevey – Montreux n’est peut-être pas grande mais lorsqu’ils se rencontrent, ces jeunes se reconnaissent en tant qu’artiste ou musicien et se respectent de ce fait. Ce respect est plus développé chez les musiciens que chez les jeunes qui ne font qu’écouter de la musique et qui s’ouvrent souvent moins à d’autres styles et à d’autres groupes de copains. On pourrait dire que les jeunes musiciens sortent petit à petit de la première « tribu » qu’ils avaient trouvée pour entrer dans la famille des compositeurs et interprètes, ce qui leur donne un autre statut et améliore leur compréhension d’eux-mêmes, tout en faisant grandir leur estime propre. Ce statut de musicien leur donne une place dans la société. Le fait de devoir s’impliquer activement dans un processus de création les invite à décloisonner leur perception du monde avec plus de facilité que leurs camarades non musiciens. En outre, le fait de devoir s’organiser à plusieurs pour jouer de la musique est pour eux un moyen de socialisation très important. Partager des locaux, se responsabiliser pour payer les loyers, créer un groupe de musique à plusieurs et affronter le principe de la vie communautaire, aller voir ou envoyer des dossiers à des organisateurs pour trouver des concerts, rechercher des fonds ou tisser des relations pour enregistrer un CD, affronter la peur de monter sur scène pour se « mettre à nu » et jouer sa musique devant un public, tout cela contribue à une socialisation et à l’acquisition de compétences relationnelles très positives. Cet apprentissage de la vie à travers la musique leur permet de rencontrer le monde des adultes et de s’y positionner, de se responsabiliser, de gérer des conflits, de se familiariser aux règles de la vie communautaire, de gérer les peurs et le stress et de mobiliser des ressources internes pour avoir plus confiance en eux. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 67 Voyons à présent quel est l’impact de l’animation socioculturelle dans la socialisation et la promotion des jeunes musiciens. 4.2 Le rôle et l’impact de l’animation socioculturelle pour la promotion des jeunes musiciens Comme nous avons pu le voir précédemment, les animateurs socioculturels de Vevey et de Montreux organisent des activités (ateliers, concerts, festivals, prêt de locaux) pour les jeunes musiciens. Mais le plus souvent, ils remontent les demandes des jeunes au délégué jeunesse, qui est le plus à même de leur apporter du soutien. Il se trouve que je n’ai pu rencontrer qu’un seul animateur à Montreux et que ce sont les délégués jeunesse responsables des centre de loisirs de chaque ville qui m’ont appris cet état de fait. Les délégués jeunesse, de par leur fonction, disposent d’un budget pour aider les jeunes musiciens, ce que n’ont pas (ou très peu) les animateurs. Les délégués jeunesse sont aussi plus en réseau avec des institutions du domaine culturel (locaux de répétitions, salles de concerts, délégués culturels, I) et sont, de ce fait, plus à même d’aiguiller les jeune musiciens vers des structures ou des personnes pouvant les aider. Les mandats des animateurs, hormis l’organisation d’ateliers et la participation à l’organisation d’événements culturels (comme Animai à Vevey ou le « Young planet on stage » dans le cadre du festival de Jazz de Montreux), ne permettent pas d’aider plus les jeunes musiciens que de réaliser avec eux un « press-book », de leur louer (ou prêter) le centre pour répéter et de les diriger vers des institutions plus compétentes en la matière ou vers le délégué jeunesse de leur ville. Une minorité des jeunes musiciens que j’ai rencontrés savent que les animateurs peuvent les aider dans certaines démarches concernant la promotion de leur musique. Pourtant les deux jeunes qui se sont adressés aux animateurs et délégués jeunesse ont obtenu des locaux en prêt ou des scènes pour des concerts, ce qui tend à démontrer qu’ils parviennent à répondre aux besoins des jeunes musiciens qui s’adressent à eux. En théorie, comme nous l’avons vu au chapitre 1.6, il appartient à l’animation socioculturelle de soutenir et d’aider les jeunes dans leurs projets culturels, dont les musiques actuelles font partie. Mais les centres de loisirs ne sont pas encore reconnus par les jeunes musiciens comme une aide possible dans leurs projets. Ceci par méconnaissance de leur part concernant le rôle de l’animation et parce qu’institutionnellement elle s’adresse à tous les jeunes sans distinction, sans mettre en avant le rôle qu’elle pourrait jouer pour les jeunes musiciens. J’ai pu remarquer que dans le domaine des musiques actuelles, les jeunes se débrouillent plutôt par eux-mêmes, en s’appuyant sur leurs réseaux. Pourtant, les animateurs peuvent suivre une formation spécifique comme « manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles » (comme nous l’avons vu au chapitre 1.6). Cette formation continue est destinée à former ceux-ci dans la gestion de carrière des musiciens (au niveau local, national et international, l’organisation de tournées en Suisse et à l’étranger, les droits d’auteurs et autres notions juridiques afférant au domaine du spectacle, connaître les différents courants musicaux liés aux musiques actuelles, aborder l’approche des médias, etcI). Toutes ces compétences sont plus directement liées à la professionnalisation des artistes musiciens ou à une approche plus spécifiquement orientée « marketing » et Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 68 « business », qui ne correspond pas encore aux besoins des jeunes artistes qui débutent. Ceux-ci recherchent avant tout des locaux, à réaliser un CD ou à mieux connaître les aides régionales et romandes pouvant contribuer à les faire progresser dans leurs démarches artistiques, avant de pouvoir penser à une professionnalisation ou à une « carrière » dans la musique. Dans leur parcours musical, les jeunes ont une première étape à franchir, celle de la reconnaissance par leurs pairs de leur statut de musiciens. Ils doivent aussi apprendre comment fonctionne une scène de concert. Jouer sur une scène n’est pas comparable au fait de jouer dans un local de répétitions. Un jeune groupe doit apprendre comment un sonorisateur fait la balance des instruments. Les jeunes n’ayant jamais fait de scène doivent s’entraîner à s’entendre avec des haut-parleurs « de retour » (pour qu’ils puissent s’entendre eux-mêmes) et les haut-parleurs « de façade » (destinés au son pour le public). Les jeunes musiciens désirent aussi trouver une identité à leur groupe. Le fait de réaliser un press-book est précieux pour cela. Cela leur permet de réfléchir à un logo ou de créer un texte de présentation. Ils doivent aussi apprendre à vivre cette expérience musicale ensemble et durer dans le temps, avant de penser plus sérieusement à vivre éventuellement cette aventure sur un plan plus professionnel. Ensuite, ils pourront passer à la deuxième étape qui consiste à effectuer une tournée, vendre des disques, faire un clip vidéo, faire des interviews avec des journalistes, engager un manager, etcI (et c’est précisément ce domaine d’activités qui correspond à la formation du CAS de manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles). Au lieu de prendre en considération la « promotion professionnelle » de la musique, l’animateur peut, quant à lui, apporter aux jeunes une socialisation par la musique, avec ce qu’elle peut leur apporter d’un point de vue personnel et d’échanges avec autrui. L’exemple de l’Undertown de Meyrin est parlant à ce sujet : une décision politique a été prise dans le but de créer des espaces d’animation dans le domaine musical. Cette mission de gérer la salle de concerts a été confiée à des animateurs socioculturels, ce qui a permis de créer des ateliers favorisant la création musicale et la gestion de la promotion des groupes de musique. Cette offre sert bel et bien un but de socialisation par la musique, et ne vise pas le lancement de groupes de jeunes musiciens dans une carrière professionnelle. Les différentes options politiques concernant la jeunesse et les musiques actuelles n’ont pas les mêmes visions selon les régions quant à l’animation socioculturelle et le rôle qu’elle peut jouer dans l’aide et la promotion des jeunes musiciens en particulier : en théorie, et parfois en pratique comme à Meyrin, il appartiendrait à l’animation socioculturelle d’aider au développement des jeunes musiciens et de favoriser leur intégration dans le monde de la musique. Par contre, dans les communes de Vevey et Montreux, au sein desquelles il n‘existe pas encore d’animateurs spécialisés dans ce domaine, la tâche en revient plutôt au délégué jeunesse, dont ce n’est pas le rôle principal et qui n’est pas directement un travailleur social de « terrain ». Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 69 Le fait de confier à des animateurs des mandats dans le but de promouvoir les jeunes musiciens est une décision politique, comme c’est le cas à Meyrin. Les institutions communales de Vevey et Montreux comptent plutôt sur des structures associatives qu’elles subventionnent (RKC, NED, AFM, I) sans passer par l’animation culturelle. Mais à travers le service de la jeunesse ou le service culturel, ces communes soutiennent des structures avec qui elles collaborent ou qu’elles subventionnent pour des projets ponctuels (Animai, Young Planet on Stage, Festivalocal). Cependant, il existe dans la région de la Riviera bon nombre d’associations alternatives ou de bars privés qui font la part belle à la programmation de groupes régionaux (Festival ATM, Bout du Monde, Little Turtle, Vème, I) et les jeunes se forment en autodidactes aux métiers de la scène en s’adressant à ces structures, ou peuvent se construire un réseau à travers elles pour échanger et trouver ensemble des solutions (comme la recherche de locaux ou de studios d’enregistrement abordables). Les structures auxquelles ils recourent n’ont pourtant pas les mêmes buts sociaux que les centres de loisirs en termes de socialisation (même si nous avons pu remarquer dans leurs statuts des buts similaires). Les jeunes sont un peu isolés et j’ai pu remarquer que la quasi totalité d’entre eux ne connaissent pas les structures romandes d’aide aux musiciens (comme Trock ou la FCMA), ou ne voient pas l’utilité d’un press-book ou d’une fiche technique. C’est à travers cela que l’on peut observer l’existence d’un certain manque institutionnel en ce qui concerne le conseil aux jeunes musiciens. Il serait utile pour eux de pouvoir trouver une personne qui puisse les mettre en lien avec les institutions pouvant leur apporter du soutien et qui pourrait aussi leur apporter des connaissances pratiques pour débuter au mieux dans leurs projets musicaux. Cela pourrait être un animateur de terrain, spécialisé dans le domaine des musiques actuelles, qui pourrait mettre en place des ateliers ou des activités permettant aux jeunes de mieux connaître les institutions d’aide existantes, pouvant les conseiller pour réaliser des dossiers et faire avancer au mieux leurs projets. Un « conseiller musical », comme me l’a suggéré un musicien interrogé, qui pourrait aider à les former eux-mêmes dans l’apprentissage de la promotion de leurs groupes, tout en les encadrant. 4.3 Réponse aux hypothèses de départ Faisant suite à ce que nous venons de voir, la réponse à ma première hypothèse peut se faire en deux temps. 1. Le soutien aux musiciens émergents est utile parce que la musique participe à la socialisation et la construction identitaire de futur adulte. Premièrement, cette hypothèse est amplement vérifiée, puisque nous nous sommes aperçus que la musique est un facteur essentiel dans le développement et la construction identitaire des jeunes. Elle leur permet de s’évader, de se laisser aller, de découvrir à travers elle de nouvelles émotions constructrices, de faire le deuil de l’enfant qui reste en eux et de se forger petit à petit une nouvelle carapace dans le monde des adultes qu’ils doivent appréhender. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 70 Cependant, ils ont besoin d’aide pour franchir les étapes d’une socialisation par la musique (du local de répétition à la scène). Ils n’ont pas encore besoin d’un manager (au sens du CAS de manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles, qui est plutôt axé sur la gestion d’une carrière professionnelle), mais de trouver des appuis leur permettant d’évoluer par eux-mêmes. Ce n’est pas à la période de groupe émergent qu’ils ont besoin d’une personne qui s’occupe de toute la gestion de promotion de leur groupe. Il apparaît ainsi en deuxième lieu qu’il est bon qu’ils se « débrouillent » tout seuls pour se confronter aux réalités du monde des musiques actuelles. Comme nous l’avons constaté, le fait de faire par eux-mêmes les rend actifs dans la réalisation de leurs objectifs et contribue par cela grandement à leur socialisation et à une meilleure image d’eux-mêmes. De plus, la musique actuelle est perçue comme un art « rebelle » qui prétend être affranchi d’une institutionnalisation ou d’une récupération politique. Néanmoins, audelà de ces questions-là, nous avons vu qu’un animateur socioculturel peut s’avérer très utile à la fois comme personne de ressource et de lien entre les institutions concernées en respectant son rôle premier, à savoir être celui qui fixe un cadre et aide à s’orienter. En effectuant ce rôle de facilitateur de relations qui favorise les prises de conscience, permet aux communautés minorisées de mieux jouer leur rôle et de bâtir des projets pour agir (comme nous l’avons vu au chapitre 1.6), l’animateur socioculturel peut être ce lien qui aide les jeunes musiciens dans l’apprentissage de la socialisation par la musique. Ceci m’amène à répondre à ma deuxième hypothèse : 2. L’animation socioculturelle est un des métiers les plus adapté pour favoriser la socialisation des jeunes musiciens. Comme nous avons pu le voir, les animateurs des centres de loisirs ne sont pas tous suffisamment formés dans le domaine des musiques actuelles et transmettent les demandes des jeunes musiciens aux délégués jeunesse de leurs communes, ceci bien qu’ils participent au déroulement de manifestations culturelles (comme « Animai » ou la « Young planet on stage », qui permettent aux jeunes groupes locaux de se produire) et qu’ils prêtent parfois leurs locaux pour des groupes qui veulent répéter. Les délégués jeunesse ont plus de moyens, au niveau du budget et des relations avec les institutions dans le domaine des musiques actuelles, que les animateurs. Les délégués jeunesse souffrent pourtant d’un déficit de reconnaissance de la part des musiciens qui ne sont pas au courant qu’ils peuvent demander de l’aide à cet endroit (sauf pour une minorité de jeunes musiciens qui fréquentent les centres de loisirs et qui sont redirigés vers les délégués jeunesse suite à leurs demandes). Une raison est qu’ils ne sont pas directement sur le « terrain » et doivent s’occuper de la politique de la jeunesse en général et pas uniquement des jeunes musiciens. De plus, les délégués jeunesse n’organisent pas des ateliers comme « Catapulte ton groupe », en comparaison avec l’Undertown de Meyrin. Il manque dès lors parfois aux jeunes musiciens quelqu’un qui les encadre et les accompagne dans leurs démarches artistiques. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 71 D’un point de vue pratique, les musiciens ne savent pas vraiment où s’adresser pour être accompagnés et ne reconnaissent pas, pour la plupart, l’animation socioculturelle et les délégués jeunesse comme des soutiens à qui s’adresser. C’est là que l’on peut noter l’existence d’un « chaînon manquant » entre la gestion d’une carrière de musicien (comme le propose le CAS de manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles) et l’offre des animateurs des centres de loisirs et celle des délégués jeunesse. D’un point de vue théorique, le métier d’animateur socioculturel est le métier le mieux placé pour aiguiller les jeunes musiciens émergents. Parce qu’il a spécifiquement le souci de la socialisation, de la responsabilisation et de la construction d’identité du futur adulte, tout en ayant également celui de favoriser l’accès à la culture à toutes les catégories de la population. Une de ses fonctions est de mettre en liens et d’être un facilitateur de relations. Sachant la facilité d’accès pour les jeunes aux musiques actuelles, sachant l’étendue de leurs moyens d’expression, sachant que l’appartenance à un tel groupe joue un rôle favorable dans la construction identitaire des jeunes et dans leur apprentissage social, il serait dommage de passer à côté du potentiel offert par ces groupes de musiques actuelles. Il serait dès lors souhaitable que l’on assiste à la mise en place également d’un mandat d’animateur spécialisé dans l’accompagnement des jeunes dans le domaine des musiques actuelles. Les compétences acquises par les jeunes au sein de ces activités musicales pourront certainement s’avérer profitables dans leur vie de futur adulte (création de documents de promotion, prise de contact avec des professionnels, maîtrise de la technique sur scène, gestion du stress, I) même s’ils ne deviennent pas musiciens de métier, dans la mesure même où les compétences acquises ne sont de loin pas que musicales. 4.4 Conclusion finale Ce travail m’a montré toute l’importance que représente la musique pour la jeunesse et l’utilité de pouvoir aiguiller, responsabiliser et aider les jeunes musiciens. J’ai découvert une grande richesse de lieux culturels dans la région de la Riviera vaudoise qui donnent une grande place aux groupes locaux et débutants, ce qui est réjouissant pour les musiciens en émergence. Ces lieux ont souvent des buts qui se rapprochent des missions de l’animation socioculturelle, bien qu’ils n’aient pas pour objectif majeur de conseiller les jeunes musiciens dans leur démarche de socialisation à travers la musique. On constate donc qu’il serait parfaitement envisageable, au vu des compétences de l’animation socioculturelle et des besoins des jeunes musiciens, de créer un poste spécifique dans ce domaine. Il serait bon à cet égard d’effectuer un travail de valorisation et de mise en visibilité de ces jeunes musiciens régionaux auprès des acteurs politiques, afin qu’ils puissent mieux se rendre compte du manque actuel d’informations et de difficulté de mise en lien que nous avons constaté. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 72 Il existe bien des structures associatives, cantonales ou communales pouvant les aider mais les jeunes n’en connaissent, pour la plupart, pas l’existence. En outre, il serait bon qu’ils puissent obtenir des conseils dans la gestion de la promotion de leurs groupes mais il n’existe, pour l’heure, pas de structure d’animation socioculturelle spécialisée dans ce domaine où ils pourraient s’adresser. J’espère que des décisions politiques permettront un jour à des animateurs socioculturels d’être ce « chaînon manquant », que souvent les jeunes musiciens recherchent, qui peut leur permettre d’avancer dans le domaine de la musique. Ils le méritent amplement, au vu de la qualité de la musique qu’ils produisent et des émotions qu’ils savent transmettre aux autres. Il existe dans cette région un grand nombre de groupes de qualité qui ont vraiment envie de représenter leur région et en sont fiers. De plus, ils favorisent grandement une socialisation positive de la jeunesse. Ils prouvent également que les jeunes peuvent être actifs et apporter quelque chose à la société : l’identité culturelle d’une époque et d’une région donnée dans les musiques actuelles. Bernard Bosson - Animation socioculturelle / EESP 73 5. Références bibliographiques Altwegg, D. (2008, 10 octobre). Les pratiques culturelles en Suisse : enquête 2008, musique. Récupéré de http://www.bak.admin.ch/aktuelles/03026/03038/index.html?lang=fr Brahier, C. (2010). Musiques actuelles dans le Jura: coopérer pour mieux s’affirmer. Lausanne : Haute école de travail social et de la santé - EESP. della Croce C. & Tironi, Y. (2011, 20 août). Certificat de manager socioculturel dans le domaine des musiques actuelles. Lausanne : Haute école de travail social et de la santé - EESP. Récupéré de http://www.eesp.ch/bachelor/travail-social/travailsocial/animateur-ou-animatrice-socioculturel-le/ Dolto, F. (1988). 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