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Dialogues 14 0123 Dimanche 29 - Lundi 30 avril 2007 La mouche Médiatrice Véronique Maurus P lantu a un fan-club. D’aimables groupies qui ne reculent devant aucun dithyrambe – « Vous avez au Monde un génie… » (Claire Verlet et Alain Bottéro, Paris) – et ponctuent leurs lettres de : « Heureusement qu’il y a Plantu ! » (Jean Cooren, courriel). Ils déplorent son absence des pages Web, tiennent un compte fidèle de ses apparitions à la « une » : « La dernière dizaine a été exceptionnellement faste en dessins de Plantu » (Michèle Pfeiffer, Bras), et s’inquiètent des moindres éclipses : « Depuis un certain nombre de jours, les dessins de Plantu ont disparu de la première page. Est-ce un indice ? » (F. Jullian, Sausset-les-Pins). Plantu a aussi ses détracteurs, parmi les cégétistes, papistes et intégristes de tout bord choqués de voir leurs causes brocardées ou Pie XII faisant le salut nazi… Ils sont rares. Mieux vaut avoir les rieurs de son côté ; et chacun sait que, dans ce journal comme ailleurs en bonne démocratie, la liberté du dessinateur de presse est sacrée – le procès des caricatures de Mahomet l’a récemment confirmé. Plantu, pourtant, n’a pas échappé aux batailles qui opposent les lecteurs à coups de courriels furieux, en cette fin de campagne présidentielle. Les « ségophiles » ont tiré les premiers, fin mars, pour déplorer qu’on « ressasse en boucle la “bravitude” » (Bernard Laplagne, Guebwiller) ou que le dessin fasse, « d’une femme plutôt jolie, une véritable mégère » (Henri Rosenthal, Paris), quand ce n’était pas une petite sirène, ou une « grande cruche ravie » (Pierre Bourdariat, courriel). A la mi-avril, les partisans de « Sarko » ont contre-attaqué. Le premier, Claude Guérinon (courriel), s’est inquiété du ton des « premières pages d’actualité (…) cornaquées par l’ineffable et teigneux Plantu… ». De jour en jour, le tir s’est fait plus précis, accusant le dessinateur tantôt de « ségolâtrie » (Charles Maulino, Paris), tantôt de « vilenie » (Pierre Bergès, Toulouse), jusqu’à la vraie offensive, menée au lendemain du 22 avril. En quelques heures, une pluie de « dégoûts », de « bles- sures », accompagnées d’accusations (de « démagogie », de « haine », etc.) s’est abattue sur l’infortuné trublion. Dans un même élan, les lecteurs s’offusquent du brassard rouge et noir, marqué « I. N. » (pour « identité nationale »), dont Plantu affuble régulièrement le candidat de l’UMP, ainsi que des mouches qui survolent son crâne de temps à autre. Ces attributs, réservés d’habitude à M. Le Pen, sont « une offense », disentils. « Il convient de modifier une caricature, dérive scandaleuse concernant le futur président de la République française » (en capitales dans le texte), écrit Jacqueline Le Goaster, en exigeant, comme plusieurs correspondants, que Plantu fasse amende honorable : « Présenter des excuses pour un comportement inacceptable me semble un impératif catégorique. » C’est très mal le connaître. Jean Plantu est de la race des provocateurs doux. Il accepte volontiers les critiques : « Les gens aiment ou détestent, il est très sain qu’ils l’expriment. » Mais les intimidations ne l’arrêtent pas, au contraire, elles le stimulent. A preuve l’histoire des mouches. Succédant à une série de moustiques nommés « Sarkungugna », la première apparut sur un dessin du 14 décembre 2005. Jacques Chirac, très ému, déposait une gerbe à la mémoire des esclaves ; dans son dos, un élu UMP en short et casque colonial murmurait une traîtrise à l’oreille du ministre de l’intérieur. Il faisait chaud, la mouche volait bas, un peu Au courrier des lecteurs Les sondages se sont encore trompés A la télévision, dès l’annonce des résultats du premier tour de la présidentielle (…), un commentaire étrange a fleuri dans la bouche de nombreux commentateurs : contrairement à 2002, les sondages ne se seraient pas trompés. Or, dans les faits, ils se sont trompés, plus qu’en 2002, et sur le même sujet, mais dans l’autre sens : s’il y a cinq ans, les sondages ont sous-estimé le score de Jean-Marie Le Pen, cette année, ils l’ont surestimé. Et cette erreur ne fut sûrement pas sans conséquence : des éditorialistes et des politiques nous ont fait remarquer que les sondages donnaient à Jean-Marie Le Pen, quelques jours avant le premier tour, un meilleur score qu’à date équivalente en 2002, sa présence au second tour restait donc possible. La conséquence pour eux était donc évidente, il fallait voter « utile » pour faire barrage à JeanMarie Le Pen, et donc pour un des deux que les sondages plaçaient en tête ! Michel Bancal Versailles Question à M. Sarkozy Sympathisant du candidat UMP depuis les premières heures, je n’ai cependant jamais succombé à la tentation « sarkomaniaque », à l’instar de nombreux militants, auxquels il est nécessaire de rappeler quelques ambiguïtés du candidat. Je pense surtout ici à ses relations avec les Etats-Unis, bien différentes de celles qu’entretenaient Jacques Chirac et tous les autres présidents de la Ve République auparavant. Une déclaration sur le sujet s’impose donc avant le second tour afin de clarifier son point de vue, qui n’a pas ou peu été exprimé. Nicolas Sarkozy serait-il allé en Irak avec George Bush ? Le suivra-t-il en Iran ? Les réponses à ces questions sont susceptibles d’influencer le report au second tour de beaucoup d’électeurs qui, comme moi, sont soucieux de la souveraineté et de l’indépendance de la France… Avis à l’intéressé. Tristan de Francqueville Paris Feu l’intérêt général Le fait divers le moins médiatisé de cette campagne présidentielle, c’est bien le meurtre de l’intérêt général. (…) Sous couvert d’intérêt national, chacun des candi- dats tente, par des propositions, de satisfaire des volontés particulières, donc des intérêts particuliers. Il drague un collectif, une communauté, une tranche d’âge, un électorat. En réalité, aucune proposition audacieuse, réalisable, concrète n’est formulée en vue de l’intérêt général – sur le financement des retraites, la réduction de la dette ou, plus grave encore, l’enjeu écologique. Ce dernier est relégué à une sorte de charte de bonne conduite dont le simple paraphe suffirait à régler le problème, pire : à soulager les consciences. Faut-il rappeler aux candidats que l’intérêt général est bien moins l’addition des intérêts particuliers qu’un intérêt supérieur visant au bien commun ? La stratégie électoraliste des candidats semble se résumer à la simple équation : un intérêt particulier satisfait = une voix. Cela ne nous mènera qu’à la dissolution du pacte qui nous lie. Romain Griere, étudiant en science politique Puteaux (Hauts-de-Seine) Pouvoir au féminin Le chef de l’Etat canadien, la gouverneure générale (sic) son excellence la très honorable Michaëlle Jean, également commandante en chef des armées, est une jeune femme noire (née en Haïti). Cette année, elle a célébré le 8 Mars, lors d’une visite officielle en Afghanistan, en soutenant les femmes afghanes à Kaboul, puis avec les troupes canadiennes en opération à Kandahar, où elle a demandé aux hommes de rendre hommage aux femmes-soldats, ce qu’ils firent… en s’agenouillant devant elles. Vous excuserez, je l’espère, l’audace de cette petite note, qui est, en quelque sorte, ma façon de saluer le courage de mon épouse, Michaëlle Jean, et de vous assurer qu’il y a une approche féminine du pouvoir. Je peux en témoigner. S. E. Jean-Daniel Lafond « Dangers d’avenir » (…) Des analogies me frappent avec les débuts du national-socialisme en Allemagne dans les années 1930. Un pays inquiet, un chômage important, une stagnation économique, l’impression d’être brimé et menacé par l’étranger (hier les puissances victorieuses de la première guerre mondiale, aujourd’hui l’Europe, la Chine, la mondialisation), la tentation de mettre la responsabilité des difficultés sur le dos de l’autre (les juifs, les Polonais hier ; les Ara- par hasard, se souvient Plantu. Lequel fut fort étonné, le lendemain, de voir débarquer un motard en tenue, pour lui remettre une lettre à en-tête du ministère de l’intérieur. Nicolas Sarkozy, après des compliments d’usage, disait : « Je n’ai pas manqué de remarquer un détail qui agrémente ma présence sur votre dessin (…) : une mouche. (…) Je sais qu’elles accompagnent généralement la représentation de Jean-Marie Le Pen. (…) J’ignore sincèrement ce qui me vaut un tel traitement, tant je considère avoir, tout au long de ma vie politique, combattu les idées de l’extrême droite : le racisme, l’intolérance, l’antisémitisme et, de manière générale, tout ce qui atteint l’homme dans sa dignité, à commencer par l’esclavage. » Suivait une proposition d’entretien pour dissiper le « malentendu ». « Bien sûr, le lendemain, j’ai dessiné trois mouches ! », raconte Plantu en riant. Depuis, Nicolas Sarkozy a aggravé son cas en se plaignant auprès de la direction du journal d’avoir été croqué en petit chien, « en roquet », selon lui, puis d’avoir été affublé du brassard « I. N. ». « Il provoque lui-même la réaction qu’il redoute, note le caricaturiste. Là où il y a une mouche, il en crée trois… » Notre impertinent dessinateur n’est pas un ingénu. Il « assume », dit-il, « son rôle excessif ». Et explique pourquoi : « Je tords le cou à la rumeur. Depuis six mois, Le Monde est taxé, à tort, de rouler pour Sarko. Quand le président du conseil de surveillance, Alain Minc, a fait savoir qu’il voterait en sa faveur, j’ai eu d’autant plus envie de réagir, pour faire l’équilibre. Le fait est que, depuis trois semaines, on nous accuse beaucoup moins d’être sarkozystes… » Force de l’habitude, les protestations, officieuses ou officielles, ne le touchent guère. « Je ne le vis pas comme une tentative de pression car j’ai la chance d’être soutenu par la rédaction et la direction du Monde. » Mais ailleurs, note-t-il, ce genre de méthode peut marcher. « Sarkozy impressionne tellement que, s’il y a un pétochard dans la rédaction en chef, la liberté du dessinateur est fichue. » Le plus drôle, note le caricaturiste, est que Nicolas Sarkozy, qui lui reproche, pêle-mêle, brassard, mouches et petit chien, oublie un autre déguisement, pourtant récurrent : celui d’Iznogoud, le vizir félon qui veut être calife à la place du calife. « Il ne me reproche pas de le dessiner en traître. C’est curieux… » a Second tour par Riber bes, les Noirs aujourd’hui), la défiance vis-à-vis des partis et des hommes politiques, l’espérance diffuse d’un changement (mais on ne sait pas très bien lequel). Et un homme, un parti qui émettent des propos musclés : sur l’exaltation de l’identité nationale, sur la célébration du plus fort et le mépris des faibles, sur le déterminisme génétique (qui conduit inévitablement à l’eugénisme), sur le travail (lequel ? pour qui ?) qui serait le remède à tous les maux. (…) Saurons-nous regarder en face les leçons du passé ? Oui, je suis inquiet. Daniel L’Huillier Aix-en-Provence Bayrou comme Balladur Alors que beaucoup s’extasient devant un score soi-disant impressionnant de François Bayrou, il faut rappeler qu’Edouard Balladur avait obtenu (sur un créneau très proche) le même score, ainsi que Raymond Barre, sans oublier Alain Poher, qui avait, lui, obtenu 4,5 % de plus que François Bayrou. Il faut donc relativiser ce score. Bernard Le Tallec Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) Par pitié, François, pas de consigne de vote ! Electeur UDF depuis toujours, par adhésion aux idées portées par le centre, fier de François Bayrou et des députés qui l’ont suivi dans son opposition au parti des godillots et dans son ouverture face aux sectaires, militant lors de la campagne ayant subi, tout comme notre candidat, les « attaques » des deux camps, je ne me reconnais dans aucun des messages et projets incarnés par les deux finalistes : ni droite ni gauche. Pour la première fois de ma vie de citoyen, je voterai blanc, ni droite ni gauche, la mort dans l’âme. Par pitié, François, pas de consigne de vote, qui serait en contradiction avec ton message : ni droite ni gauche. Les électeurs du centre gauche et du centre droit retourneront au bercail puis reviendront à leur nouvelle famille ; les électeurs du centre se désespéreront que le vote blanc ne soit pas encore considéré. Bientôt, François, il le sera, grâce à toi. Laurent Rambaud Militant UDF du 14e arrondissement de Paris Si j’étais président Si j’étais président, j’instaurerais une nationalité à points (…). Un Dessin de Riber publié par « Sydsvenskan » (Suède). [email protected] permis de bonne conduite. Tout manquement évident de civilité : xénophobie, intolérance, homophobie, etc., entraînerait une suppression d’un certain nombre de points, qui pourraient être récupérés par une période de conduite irréprochable. Bien sûr, tout le monde serait concerné (…). Qu’arrivera-t-il à ceux qui n’auront plus de points ? Ils devront suivre un stage où ils recevront beaucoup d’amour (…). Jean-Pierre Simon Rennes RECTIFICATIFS ET PRÉCISIONS Election présidentielle. Timothy Garton Ash. Ségolène Royal est arrivée en tête dans le 12e arrondissement de Paris devant Nicolas Sarkozy et non l’inverse, contrairement à ce que nous avons indiqué dans notre article sur les résultats du premier tour (Le Monde du 26 avril). La candidate du PS devance de 59 voix le candidat de l’UMP. Elle totalise 32, 13 % des voix contre 32,05 % pour celui-ci. L’auteur de l’article « Présidentielle : la victoire de Blair » (Le Monde du 21 avril), Timothy Garton Ash, n’est plus directeur du Centre d’études européennes du St Antony’s College à l’université d’Oxford (Grande-Bretagne). Il reste, en revanche, professeur d’études européennes à l’université d’Oxford et président honoraire du Centre d’études européennes. IL Y A 50 ANS DANS « LE MONDE » Le congrès de l’UDCA APRÈS deux journées de travaux préparatoires auxquelles ont participé les membres du conseil national et les responsables des « unions parallèles », le congrès national de l’UDCA s’ouvre aujourd’hui à Saint-Céré, où il siégera jusqu’à jeudi. Les cinq cents congressistes attendus dans la petite ville du Lot, berceau du poujadisme, entendront les exposés des responsables départementaux, puis auront à se prononcer sur sept rapports généraux, dont deux seulement sont présentés par des parlementaires. M. Pierre Poujade présentera à la discussion et à l’approbation du congrès un rapport comportant trois chapitres principaux : organisation de la défense professionnelle, moyens à mettre en œuvre pour « arracher » les états généraux, développement de l’effort de propagande. En dépit des déconvenues qui furent les siennes depuis les dernières assises du mouvement, et en dépit notamment de ses insuccès électoraux, le chef de l’UDCA semble n’avoir aucunement perdu confiance en lui-même ni en les destinées du poujadisme. L’attitude prise au mois de janvier par un certain nombre de parlementaires – dont MM. Le Pen et Démarquet –, qui avaient rompu avec le mouvement, sera évoquée à Saint-Céré. Sans doute permettra-t-elle au papetier de SaintCéré de justifier comme plus nécessaire que jamais le « nettoyage ». a Raymond Barrillon (30 avril 1957.)