Fiche du film

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Fiche du film
Fiche n° 1263
Max et Lenny
Du 22 au 28 avril 2015
France, 2015
Réalisateur(s) : Fred Nicolas
Scénariste(s) : Fred Nicolas et François Bégaudeau
Acteurs : Camélia Pand’or et Jisca Kalvanda
Sortie en salle : 18 Février 2015
Prix : Prix d'interprétation féminine pour Jisca Kalvanda au
Festival International du Film de St Jean de LuzSynopsis :
.
Synopsis :
Lenny a 17 ans. Livrée à elle-même ou presque, elle vit seule avec
son frère Luka, dans une cité des quartiers nord de Marseille, une
de celles que la police a désertées. Lenny a deux obsessions,
récupérer sa fille, qu’elle a eu trop jeune, et le rap, seul moyen
pour elle de s’évader de son quotidien.
Libération - Clément GHYS
Max et Lenny, c’est Thelma et Louise qui n’auraient pas les moyens de s’offrir une décapotable et qui, au
lieu de dévaler les kilomètres d’une route américaine interminable, dérivent entre les différentes couches
de Marseille, des cités pourries aux beaux quartiers. Le film est le premier long métrage de Fred Nicolas,
auteur de quelques courts et ancien assistant de Karim Dridi ou Erick Zonca. Il a été coscénarisé par
l’écrivain François Bégaudeau.
Complémentarité. Lenny est une adolescente livrée à elle-même, qui vit avec un frère dealer de shit dans
les quartiers Nord. Elle participe à ce commerce, fait la vigie en haut d’une tour pour repérer les flics et
bandes rivales. Aucune autorité ne la borde, ni celle de l’école qu’elle vient de quitter ni celle de parents
absents. Son seul cadre est celui de la rue, de ses codes et de sa violence où elle essaie de se faufiler.
Adolescente, elle est mère d’une petite fille de 3 ans, placée en foyer, et passe ses nuits à rapper. Son
personnage de jeune fille perdue et immergée dans sa musique a été inspiré à Fred Nicolas par la
chanteuse marseillaise Keny Arkana, énervée et altermondialiste.
Dans le dossier de presse du film, François Bégaudeau écrit : «Qu’est-ce qu’il reste quand on n’a rien ou
presque rien ? Il reste l’amitié, bien gratuit, à portée de tous. Richesse des pauvres. Il paraît qu’on
apprend de nos parents, de nos maîtres, de nos chefs, de nos artistes. On dit moins qu’on apprend
beaucoup de nos amis. On dit moins tout ce qu’on leur doit.» Cet apprentissage, Lenny la simili-autiste le
fera au contact de Max, une jeune adolescente congolaise sans papiers qui joue à la mère pour ses
petits frères et à la garde-malade pour sa grand-mère. L’une refuse toute responsabilité, l’autre en a trop.
Cette complémentarité est la matrice de cette amitié naissante. Le film suit les pérégrinations du duo
dans un espace explosé, hétéroclite, où elles sont des passagers clandestins.
Piscines des maisons de bourges, calanques vides ou supermarchés où elles chourrent ce qu’elles
peuvent, tout cela forme le décor de cette relation fusionnelle marquée par l’urgence des ados qui n’ont
rien. La réalité que filme Fred Nicolas n’est pas une fiction, elle a la dureté des quartiers Nord de
Marseille, des voies sans issue où sont jetés les jeunes. Le réalisateur : «L’adolescence, l’âge des
possibles, est aussi celui où l’on prend conscience des impasses. Où l’on ressent plus cruellement les
injustices, où l’esprit d’aventure se heurte en permanence aux murs du quotidien et aux épreuves de la
réalité.» Cette réalité est évidemment genrée, elle touche les filles davantage que les garçons,
cantonnés à leur rôle de machos, de dealers et de mauvais garçons.
A fleur de peau. Petit récit initiatique, Max et Lenny offre le portrait de deux jeunes filles que la dureté de
leurs vies va rapprocher, puis séparer. Il faut saluer les deux comédiennes, Camélia Pand’or et Jisca
Kalvanda, excellentes, l’une meurtrie et à fleur de peau et l’autre rassurante. Dans sa modestie formelle,
Max et Lenny prend une dimension politique, nous rappelle l’existence de cette France-là, qui risque à
tout moment de se faire expulser, qui laisse ses ados abandonner le lycée. C’est un conte traversé par
deux fées, mais les princes sont absents et encore moins charmants.
Arrêtée par la police, Max devra retourner au Congo tandis que Lenny va oser monter sur scène et
rapper devant les garçons de son quartier. Il n’est pas ici question de victoire ou de happy ending, mais
d’expression de soi, sans jamais demander d’excuses.
Entretien avec Fred Nicolas
A l’origine du film, il y a votre intérêt pour une rappeuse marseillaise, Keny Arkana...
C’est vrai. Alors que je voulais travailler sur des
grands thèmes que sont l’amitié, l’adolescence,
la musique, mes filles m’ont fait découvrir cette
jeune rappeuse, Keny Arkana, une adolescente
rebelle qui s’est réfugiée dans la musique et a
écrit ses premières chansons à 16 ans. J’ai eu
un coup de coeur pour ses textes acérés et pour
ses mélodies puissantes, son énergie, son
engagement. Le fait que ce soit une fille qui fait
entendre une voix différente, là où elles n’ont pas
souvent droit au chapitre, m’a donné l’envie de raconter une histoire de filles. Et sa personnalité à l’énergie
impressionnante m’a inspiré le personnage de Lenny, une adolescente mal dans sa peau, qui exprime ses
émotions par des textes qu’elle rappe ensuite sur des instrumentaux.
Dans un premier temps, j’ai imaginé que Keny Arkana jouerait le personnage principal. Mais elle ne se sentait pas
actrice. De toute façon, comme elle était plus âgée, on aurait perdu ce côté adolescent du personnage. J’ai écrit le
scénario porté par ses chansons et j’ai puisé dans les souvenirs de mon adolescence pour restituer l’âpreté des
quartiers nord de Marseille, mais aussi sa vitalité et son humanité. Bien sûr le scénario n’est ni un biopic de Keny
Arkana, ni un documentaire sur les cités, Lenny est un personnage de pure fiction et son parcours, un parcours
inventé.
Pourquoi avoir fait appel à François Bégaudeau pour la co-écriture du scénario ?
Entre les murs – aussi bien le livre que le film, ont compté pour moi. Peut-être parce que je suis fils d’institutrice (…)
Assez spontanément, j’ai donc contacté François, pour son expérience de la jeunesse au plus près de la réalité
adolescente, et son regard critique sur la société. J’y voyais une sorte de continuité. à ce moment-là, j’avais déjà
écrit une première version du scénario, le film avait alors
une dimension de conte, c’était une femme qui racontait à
Fred Nicolas a été l’assistant de nombreux
une petite fille son histoire d’amitié qui lui avait sauvé la
cinéastes dont R. Guédiguian, E. Zonca, A.
vie. Avec François, encouragés par Elisabeth Perez ma
Despleschin, P. Salvadori, M. Pradal, B.
productrice, on a décidé d’écrire un film davantage ancré
Roüan, A. Merlet, ou M. De Van.
dans le réel. On a finalement trouvé le film, sur le chemin
Il a réalisé un court métrage, Vivre (30’
du réalisme social en avançant par couches successives,
- 2000), sélectionné entre autres au
comme dans une partie de ping-pong.
Festival Tous courts d’Aix-en-Provence
et deux documentaires dont Rouge Bandit
Avez-vous fait un travail d’enquête sur le terrain pour
(56’ - 2009), consacré à Charlie Bauer.
la préparation du film ?
Max & Lenny est son premier long métrage.
Bien sûr. On a tourné dans la cité Consolat, la première
des quartiers nord. Après, il y a les cités plus dures, la
Castellane, la Bricarde et d’autres. Je l’ai choisie pour son côté cinématographique, avec ses colonnes de béton,
cette autoroute qui passe juste en bas, et cette vue somptueuse sur la mer et l’horizon. Et en plus d’être une cité un
peu préservée, un de mes copains d’adolescence y habite encore. J’y suis allé régulièrement pendant l’écriture,
une fois tous les deux mois environ. Et dès que le film a été lancé, j’y suis allé quasiment tous les jours, pour aller à
la rencontre des gens.
La semaine prochaine au Cinémateur
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