Courrier TA 28 - Le Conseil d`État

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Courrier TA 28 - Le Conseil d`État
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- Edition papier - Tirage limité -
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SOMMAIRE
ORGANIGRAMME DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF
Les formations de jugement ................................................................................ p. 6
La répartition des matières par chambre ............................................................. p. 7
Le greffe du tribunal............................................................................................ p. 8
ARTICLES
Point de vue sur le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes
handicapées dans les fonctions publiques, par M. Raymond CHABROL,
Premier conseiller au Tribunal administratif de Strasbourg................................ p. 10
La notion de dialogue dans la loi relative au port de signes d’appartenance
religieuse dans les écoles, note sous les jugements du Tribunal administratif
de Strasbourg rendus le 25 juillet 2005 dans les affaires Mlle Akkus et
autres, par Mme Nelly Ach, docteur en droit public, assistante de justice au
Tribunal administratif de Strasbourg................................................................... p. 18
FICHES DE JURISPRUDENCE
Aide sociale ......................................................................................................... p. 26
Collectivités territoriales ..................................................................................... p. 26
Comptabilité publique ......................................................................................... p. 28
Contributions et taxes.......................................................................................... p. 29
Eaux..................................................................................................................... p. 30
Enseignement ...................................................................................................... p. 31
Etrangers.............................................................................................................. p. 33
Expropriation pour cause d’utilité publique........................................................ p. 34
Fonctionnaires et agents publics ......................................................................... p. 35
Marchés et contrats administratifs....................................................................... p. 37
Nature et environnement ..................................................................................... p. 39
Responsabilité de la puissance publique ............................................................. p. 41
Transports............................................................................................................ p. 43
Travail et emploi ................................................................................................. p. 43
Urbanisme et aménagement du territoire ............................................................ p. 45
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CONCLUSIONS DES COMMISSAIRES DU GOUVERNEMENT
Les droits des conseillers municipaux d’opposition ........................................... p. 47
Transporteurs routiers et remboursement de la TVA.......................................... p. 52
Régie municipale et exonération de l’impôt sur les sociétés .............................. p. 59
Le droit applicable à un aumônier d’un hôpital public ....................................... p. 61
La procédure à suivre pour une décision de redoublement ................................. p. 66
Etranger et refus de titre de travail ...................................................................... p. 69
Le contrôle d’une déclaration d’utilité publique pour une déviation routière..... p. 74
L’absence de prise en compte de services accomplis comme ancien employé
des forces américaines stationnées en Allemagne dans le reclassement d’un
ouvrier de l’Etat................................................................................................... p. 81
La responsabilité de l’Etat engagée à la suite d’un refus d’autorisation
d’absence sollicitée par un militaire pour un examen ......................................... p. 84
La responsabilité administrative à l’égard d’un fonctionnaire ayant présenté
une démission conditionnelle .............................................................................. p. 88
La règle de la limitation des cumuls de rémunérations publiques ...................... p. 90
La responsabilité du maître d’ouvrage à l’égard des sous-traitants .................... p. 93
Le caractère transparent d’une association.......................................................... p. 98
Les règles de distance à respecter par une extension d’une installation
consacrée à l’élevage de volailles ....................................................................... p. 105
5
ORGANIGRAMME DU TRIBUNAL
ADMINISTRATIF
6
FORMATIONS DE JUGEMENT
CHAMBRE
I
CHAMBRE
II
Président : Jean-Paul PIETRI
Président : Jacques ROUVIERE
Conseillers-rapporteurs :
Cathy SCHMERBER
Mélanie BILOCQ
Blanche GUILLEMOT
Conseillers-rapporteurs :
Anne BLIN
Aline EVRARD
Commissaire du Gouvernement :
Laurent GRAVIERE
Commissaire du Gouvernement :
Michel RICHARD
CHAMBRE III
CHAMBRE
Président : Dominique PRUVOST
IV
Président :Bernard EVEN
Conseillers-rapporteurs :
Conseillers-rapporteurs :
Raymond CHABROL
Henri SIMON
Jacques MIET
Christophe MICHEL
Sylvain HUMBERT
Commissaire du Gouvernement :
Georges GUIDAL
CHAMBRE
Commissaire du Gouvernement :
Alexandre LOMBARD
V
Président : Philippe BOCQUET
Conseillers-rapporteurs :
Michel WIERNASZ
Claude CARRIER
Commissaire du Gouvernement :
Julienne BONIFACJ
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Chambre I
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8
GREFFE DU TRIBUNAL
GREFFIER en CHEF :
Danièle GELDREICH
CHARGÉ DE MISSION auprès du PRÉSIDENT : Gérard LINDACHER
Secrétariat :
Marie-Rose FISCHER
CHARGÉ DE MISSION auprès du GREFFIER EN CHEF : Patrick SOUHAIT
Secrétariat particulier du Président : Brigitte-Marie CAMBOULIVES-WIRRMANN
ASSISTANTES
DU CONTENTIEUX
Marie-Hélène RICHERT
Sylvie MARCANTONIO
GREFFE 1 - Greffier :
Nathalie POHIER
Odile WAGNER
Liliane MEYER
GREFFE 2 - Greffier :
Christine ROSE
Béatrice SCHMITT
Brigitte KRAUSS
GREFFE 3 - Greffier :
Gabrielle RANDRIANASOLO
Sylvie FROEHLY
Etienne VITZIKAM
GREFFE 4 - Greffier :
Philippe HAAG
Pia MESSMER
Annick ROEHRIG
GREFFE 5 - Greffier :
Nathalie TOURTIAU
Christiane TRIPLET
Geneviève TRINITE
CELLULE des URGENCES : Gérard LINDACHER - Responsable
Sylvie RETTIG
Françoise MARTIN
Evelyne de ANGELI
Raphaëla GENSBITTEL
ASSISTANTS
DE JUSTICE
Nelly ACH
Anne-Catherine BOUL
Aysel BURGUN
Julien IGGERT
Caroline PARIS
BIBLIOTHEQUE
Georges DEVEAUX
ACCUEIL
et STANDARD
Christian BOHN
Marie-Rose BRILL
COURRIER et SERVICE INTERIEUR : Alain SCHMITT
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ARTICLES
10
Le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans les fonctions
publiques
de la loi du 10 juillet 1987 à celle du 12 février 2005*
par Raymond CHABROL, Premier conseiller au Tribunal administratif de Strasbourg
L’insertion professionnelle des personnes handicapées aussi bien dans le secteur privé que
public a été posée comme une obligation nationale bien avant la loi du 30 juin 1975 en faveur
des personnes handicapées. Cette loi a considérablement refondé des obligations qui longtemps
ont eu pour origine les effets de la première guerre mondiale.
Les emplois dits réservés sont issus de cette législation mais aussi le guide barème permettant
aux commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel et aux commissions
départementales d’éducation spéciale d’évaluer les taux d’inaptitude de celles et ceux qui se
présentaient devant elles pour obtenir la reconnaissance de leurs handicaps et les prestations qui
y étaient attachées.
Mais devant la lenteur des résultats obtenus y compris après la loi du 30 juin 1975 et face aux
revendications légitimes de beaucoup de personnes handicapées privées de travail et niées dans
leur droit à une citoyenneté effective, la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi
des travailleurs handicapés a fixé les principes et les règles applicables aux travailleurs
handicapés dans le secteur privé et dans le secteur public.
Cette loi dispose que l’obligation d’emploi de personnes handicapées devait atteindre dans
chaque unité de plus de 20 salariés 6 % de l’effectif réel en fonction auprès des employeurs
publics comme privés. Cette obligation a été codifiée aux articles L. 323-1 et L. 323-2 du code
du travail.
Elle constitue le fondement du dispositif français d’insertion professionnelle des personnes
handicapées.
Depuis longtemps des différences notoires opposent secteur privé et secteur public. Ce dernier
ne bénéficiait que d’un fonds réduit qui, de surcroît, ne concernait que l’Etat, et donc le
conduisait à ne consacrer à l’insertion professionnelle des personnes handicapées que des
moyens financiers limités. 1
Seul donc était disponible, au sein de la fonction publique de l’Etat, un fonds interministériel
destiné à faciliter le recrutement ou l’insertion des personnes handicapées2, Les deux autres
fonctions publiques, territoriale et hospitalière ne disposant pas d’un dispositif similaire. En
clair, la totalité de la charge de l’insertion professionnelle d’une personne handicapée reposait
sur les crédits de fonctionnement et d’investissement de droit commun, autrement dit, sur le bon
vouloir des décideurs confrontés à la difficulté de faire des choix dans des budgets forcément
contraints.
1
Le fonds pour le secteur privé se dénomme AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion des
Personnes Handicapées).
2
D’abord imputé sur les crédits sociaux, il a fait l’objet d’une inscription spécifique depuis 2000. Doté
annuellement de 2,29 millions d’euros (15 millions de francs) pendant les premières années, ses moyens ont été
portés à 6,56 millions d’euros en 2002, 6,58 millions d’euros en 2003 et 7,64 millions d’euros en 2004 afin de
compléter les crédits sociaux des ministères, sans s’y substituer (source DGAFP).
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Le nouveau dispositif, issu de la loi du 12 février 2005 sur l’égalité des chances et des droits, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées, permet aux trois fonctions publiques
de rejoindre le « droit commun ». Elle crée par son article 36 un fonds pour l'
insertion des
personnes handicapées dans la fonction publique. Elle met ainsi sur le même plan, les fonctions
publiques et le secteur privé. Ce dernier ressentait les sanctions financières qui lui étaient
imposées de manière unilatérale comme inéquitables, voire injustifiées. Le nouveau dispositif
permettra de faire converger les stratégies et les volontés.
La création du fonds : un progrès incontestable
Cette nouveauté ne réside pas uniquement dans la création du fonds et dans l’alignement du
secteur public sur le secteur privé. Considéré sous cet angle, la création du fonds ne serait alors
qu’une simple remise à niveau.
Il s’agit de bien plus. En fait, avec la création du fonds, le secteur public passe d’une obligation
sans sanction à une obligation sanctionnable. Et le défi qu’il aura à relever sera de ne pas en
rester, le cas échéant, à l’acquittement d’une sanction financière, mais de transformer cette
obligation en tremplin pour des actions innovantes et, de surcroît, financées. Ainsi, en raison
même de l’existence de financements réservés, il incombera dès lors à l’employeur de faire la
preuve de l’impossibilité où il se trouve de recruter une personne handicapée et de respecter
l’obligation d’emploi.
Sans être construit sur le même modèle que l’AGEPHIP3, le fonds s’en rapproche quelque peu
ne serait-ce qu’en raison de la sanction financière qui l’alimente et qui permet de financer un
certain nombre d’actions facilitant l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans les fonctions
publiques
Sa définition et ses missions, ses objectifs, son organisation :
a) La définition et les missions du fonds
La loi du 12 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées le définit ainsi :
« Il est créé un fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique,
géré par un établissement public placé sous la tutelle de l'Etat. 4Ce fonds est réparti en trois
sections dénommées ainsi qu'il suit : « 1° Section "Fonction publique de l'Etat" ; « 2° Section
"Fonction publique territoriale" ; « 3° Section "Fonction publique hospitalière". ».
Les missions du fonds sont vastes : « Ce fonds a pour mission de favoriser l’insertion
professionnelle des personnes handicapées au sein des trois fonctions publiques, ainsi que la
formation et l’information des agents en prise avec elles. »
3
Comme l’Unedic, il s’agit d’une association. Elle n’est pas sous la tutelle de l’Etat. Elle pratique un paritarisme
employeurs-salariés plus affirmé que celui pourtant existant que l’on retrouve néanmoins dans le futur fonds pour
l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.
4
Ces termes « sous la tutelle de l’Etat » doivent être compris aussi en fonction de l’article 2 de la loi du 12 février
2005 : « L’Etat est le garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire(…).
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Ainsi, le fonds pourrait-il financer 5 :
-
l’accompagnement et la sensibilisation des employeurs publics à l’insertion des
personnes handicapées ;
l’aménagement des postes de travail ;
le surcoût auquel conduit pour une personne handicapée une mobilité professionnelle
et géographique ;
l’aménagement des moyens de transport utilisés par les personnes handicapées pour
rejoindre leur lieu de travail ;
des actions de formation ou d’information à destination des personnes handicapées
ou des personnels ;
des outils de recensement des bénéficiaires de l’obligation d’emploi prévue à
l’article L. 323-2 du code du travail ;
le versement de subventions à des organismes contribuant, par leur action, à
l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique ;
la réalisation d’études et les frais de gestion du fonds6.
b) Ses objectifs
Ils sont simples puisqu’il s’agit d’atteindre le taux de 6 % de personnes handicapées dans les
effectifs de chacune des fonctions publiques. Mais cette simplicité cache bien des défis à
relever :
-
L’entrée dans la fonction publique est un axe important, mais le maintien dans
l’emploi et le reclassement sont deux autres axes tout aussi importants.
-
La situation au travail (conditions de travail, aménagement des postes, accessibilité
des locaux, mobilité professionnelle) mérite la plus grande attention, tout comme la
formation des chefs de service et celle de l’ensemble de leurs collaborateurs,
indispensable à une réussite de l’intégration, la capacité à travailler en réseau et tout
particulièrement avec le dispositif des maisons départementales des personnes
handicapées comme avec les médecins du travail, la pré-qualification et la
qualification des personnes handicapées.
c) Son organisation
Si la loi n’est pas très explicite, son article donne deux pistes importantes.
« Un comité national, composé de représentants des employeurs, des personnels et des
personnes handicapées, définit notamment les orientations concernant l'utilisation des
crédits du fonds par des comités locaux. Le comité national établit un rapport annuel qui est
soumis aux conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique
territoriale et de la fonction publique hospitalière, ainsi qu'au Conseil national consultatif
des personnes handicapées. ».
5
Selon le premier projet de décret soumis actuellement à la concertation.
Ces frais de gestion doivent être limités de sorte à ce que les financements aillent en priorité à l’insertion
professionnelle des personnes handicapées.
6
13
La représentation des personnes handicapées est essentielle. Leur présence permet de prendre
en considération leurs besoins réels.
La présence des employeurs et des syndicats ouvre la voie à un enrichissement du dialogue
social.
la nouveauté que représente la création du fonds impose à ce dernier de relever certains
défis.
La mise en place du fonds ne peut obéir à la seule atteinte d’un objectif gestionnaire
consistant :
a) à mettre des moyens financiers à la disposition des trois fonctions publiques.
b) à faciliter grâce aux sanctions financières le recensement des personnes handicapées et à
mesurer l’écart à combler par rapport à l’obligation d’emploi.
La mise en place du fonds doit avant tout s’appuyer sur les valeurs qui soutiennent la loi du
11 février 2005 : pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées.
La complexité des situations des personnes handicapées exclut en effet toute réponse qui se
limiterait à du « prêt à porter ». Il est nécessaire que le fonds détermine des orientations et
laisse aux comités locaux, sous réserve de contrôle, le soin de les traduire concrètement. Fins
et moyens n’ont pas à être nécessairement déterminés au plan national.
Le fonds doit avoir pour ambition de porter les valeurs de la loi du 12 février 2005.
a) Il est nécessaire qu’il s’inscrive tout d’abord dans la définition que la loi donne du handicap.
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de
participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison
d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques,
sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé
invalidant. »
Comme l’indiquait le Président de la République le 8 février 2005 en recevant les membres du
Conseil National des Personnes Handicapées : « L'
un des mérites de la loi qui vient d'
être votée
est d'
avoir enfin défini le handicap. De l'
avoir défini dans toutes ses composantes : handicap
physique, sensoriel, mental, cognitif, psychique. Mais surtout de l'
avoir défini, non pas comme
une déficience qui sépare et en quelque sorte qui exclut, mais comme des obstacles rencontrés
dans la vie quotidienne et dans la participation à la vie sociale. Des obstacles douloureux pour
celles et ceux qui les vivent et pour leur entourage mais des obstacles qui peuvent, en tout ou
partie, être surmontés pour peu que l'
on s'
en donne les moyens ».
Nombre d’obstacles matériels pourraient être supprimés avec les crédits du fonds et rendre
l’environnement de la personne handicapée plus favorable à son insertion professionnelle.
14
Il est ensuite indispensable que le fonds place la personne handicapée au centre du
dispositif qu’il met en place :
En prenant totalement en compte le projet de vie de la personne handicapée.
-
L’insertion professionnelle d’une personne handicapée capable de travailler est la même que
celle que la République reconnaît à tout citoyen.
Les fonctions publiques doivent travailler à la construction d’un vrai avenir professionnel pour
la personne handicapée si ses compétences le lui permettent. Dans le cas contraire un projet de
formation professionnelle doit lui être proposé.
La loi du 12 février 2005 pose que le projet de vie de la personne handicapée est un préalable à
la formulation de propositions de la part notamment de la commission des droits et de
l’autonomie.
L’article 64 de la loi (L. 146-3 du code de la famille et de l’action sociale) prévoit : « La maison
départementale des personnes handicapées assure à la personne handicapée et à sa famille
l'aide nécessaire à la formulation de son projet de vie, l'aide nécessaire à la mise en oeuvre des
décisions prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées,
l'accompagnement et les médiations que cette mise en oeuvre peut requérir. ».
-
En valorisant et en augmentant le nombre de personnes handicapées recrutées
par contrat.
Le recrutement par contrat, outil dérogatoire qui ne substitue pas au concours et de ce fait n’est
pas ouvert aux titulaires, est un instrument moderne et souple de recrutement.
Le recrutement par contrat trouve son origine dans la loi du 10 juillet 1987. Il est aujourd’hui
ouvert à l’ensemble des catégories C, B et A. A la différence du recrutement par concours, ce
type de recrutement peut s’inscrire dans un véritable projet bien préparé et intégrant l’ensemble
des adaptations nécessaire à l’insertion professionnelle et à la titularisation de la personne
handicapée.
Ce recrutement peut devenir alors le projet d’une équipe ou d’un service.
Il devra travailler en liaison étroite avec les maisons départementales des personnes
handicapées.
Les comités locaux devront entretenir des relations étroites avec les maisons départementales
des personnes handicapées et notamment avec leurs correspondants emploi. En effet, la loi du
12 février 2002 indique que les maisons départementales comportent « un référent pour
l’insertion professionnelle » au sein de chacune d’entre elles.
Il devra intégrer tout l’apport du concept de compensation du handicap :
-
Elle est indispensable pour rendre effective l’insertion professionnelle.
La loi est de ce point de vue très précise :
Son article 11 (L. 114-1-1 du code de la famille et de l’action sociale) indique : « la personne
handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quelles que soient
l’origine et la nature de sa déficience, de son âge ou de son mode de vie. Cette compensation
consiste à répondre à ses besoins qu’il s’agisse (…) de l’insertion professionnelle. (…) Les
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besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des
aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie formulé
par la personne elle-même ou à défaut son représentant lorsqu’elle ne peut exprimer son avis ».
-
Elle met en valeur les aptitudes des personnes handicapées qui doivent être
déterminées compte tenu des possibilités de compensation du handicap.
La suppression des COTOREP fonction publique comme la création du fonds renforce cette
insertion des fonctions publiques dans le droit commun. La loi du 12 février 2005 donne tout
son sens à cette orientation en précisant que si le médecin agréé de l’administration est seul à
pouvoir vérifier que le handicap d’une personne n’est pas incompatible avec l’exercice des
fonctions postulées, cette vérification doit tenir compte des possibilités de compensation. Il ne
fait aucun doute que la création du fonds ouvre de ce point de vue des perspectives qui donnent
aux aptitudes une autre place que celles encore trop souvent accordées aux déficiences.
Celles-ci sont vécues comme très difficiles à dépasser en l’absence de compensation.
La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées doit permettre de garantir l’équité du traitement des personnes handicapées lors de
la réalisation de cet examen. En effet, l’article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'
Etat (titre II du statut général)
prévoit expressément que « Aucun candidat ayant fait l'objet d'une orientation en milieu
ordinaire de travail (…) ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un
emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction
postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa
fonction ».
Il ne devra pas se contenter d’une stabilité des taux d’emploi.
Le taux d’emploi atteint dans chacune des fonctions publiques est comparable.
Dans la fonction publique territoriale, le taux d’emploi de personnes handicapées s’élève en
2001, dans les collectivités employant au moins 20 agents, à 4,4 % (soit 44 000 bénéficiaires),
taux légèrement supérieur à celui constaté pour l’État, qui est de 4,2 % en 2001.
Celui de la fonction publique hospitalière est estimé à 4,5 % en 20027.
Le taux légal d’emploi est stable depuis plusieurs années. Il est probable que cette stabilité après
la progression constatée jusqu’en 1999, reflète davantage l’amélioration de la qualité de
l’indicateur qu’une véritable mesure de l’évolution du nombre de bénéficiaires. On remarque
ainsi que la plupart des ministères ont fait d’importants efforts pour affiner leur taux d’emploi et
répondre ainsi aux enquêtes de la direction générale de l’administration de la fonction publique.
Il devra se donner pour objectif de réduire l’hétérogénéité des recrutements.
Un premier constat concerne la forte hétérogénéité de situations qui existent au sein des
différents départements ministériels ou établissements publics : le taux d’emploi des
bénéficiaires de l’obligation d’emploi varie de moins de 1 % à plus de 10 % . Pour plusieurs
administrations, le taux d’emploi est supérieur à l’objectif de 6 % : le ministère en charge de
l’Emploi (6,6 %), le ministère de l’Outre-Mer (8,6 %), la Poste (6,3 %), Météo France (9,7 %)
7
Estimé, car l’enquête procède par sondage et extrapolation.
16
et l’office national des forêts (10,1 %). Il convient néanmoins de relever que Météo France et
l’office national des forêts dépasse le taux légal grâce à une forte proportion d’anciens militaires
valides dans leurs effectifs. D’autres administrations progressent et s’approchent du taux de 6
%, comme les ministères en charge des Affaires Etrangères (4,7 %), de l’Equipement (5,4 %),
de l’Intérieur (5,5 %) et de la Santé (4,5 %). En revanche, plusieurs autres ministères et
établissements publics présentent un taux d’emploi inférieur : les ministères de l’Agriculture,
des Finances, de la Défense, les services du Premier ministre ou encore le CNRS, l’INRA ou
l’INSERM qui ne dépassent pas les 4 % de bénéficiaires. On peut supposer que les contraintes
liées à l’activité spécifique de l’employeur, à la culture de l’administration et au volontarisme
des politiques de ressources humaines construisent ces paysages divers.
L’enquête 2003 permet de calculer un taux avec une méthode similaire à celle qui est appliquée
aux employeurs soumis au droit du travail. Ce taux d’emploi s’élève en 2003 à 4,8 %, pour
4,6 % en 2002. Il s’agit de la dernière année de réalisation de cette étude dans la mesure où la
loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées prévoit un alignement des règles applicables au secteur privé sur
celles du secteur public.
Il devra organiser une véritable mobilité professionnelle.
Les travailleurs handicapés relèvent en majorité de la catégorie C.
Les données relatives aux types d’emplois occupés par les agents handicapés révèlent que les
emplois de catégorie C sont très largement majoritaires. Ils représentent 53,3 % de l’ensemble
des bénéficiaires.
Mais il faut noter que cette répartition reste sensiblement identique à celle de 2002.
Il devra œuvrer pour une véritable égalité homme-femme.
Il devra être très attentif à la jurisprudence Melle Monnier.
L’arrêt du Conseil d’Etat Melle Monnier du 30 avril 2004 (n° 254106 - conclusions de M.
Pierre Colin, AJDA 2004p. 1716 ou BJCL n° 7-2004) donne de précieuses indications sur la
manière dont le juge administratif analyse le droit à compensation posée comme un principe par
l’article L 114-1 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à celle
de la loi du 12 février 2005.
Aussi dans le sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat, il est possible d’indiquer que le fonds
doit pouvoir permettre de financer des compensations qui rendent plus aisée l’insertion
professionnelle des personnes handicapées puisque, jusqu’au vote de la loi du 12 février 2005,
le seul handicap pouvait être en soi une cause du refus de recrutement d’une personne
handicapée.
En effet, une des conséquences qu’il convient de tirer de l’arrêt précité du Conseil d’Etat est que
le droit à compensation oblige les fonctions publiques à trouver des solutions de compensation.
Et ce n’est que dans la mesure où celles-ci ne sont pas possibles que la personne handicapée
peut se voir refuser son entrée dans la fonction publique.
17
Dans le cas de Melle Monnier, le Conseil d’Etat a considéré que « si le handicap de l’intéressée
ne lui permettait pas d’effectuer certains gestes de sécurité au cours des exercices de
gymnastique que pourrait exiger la situation de ses élèves et si elle ne pouvait pas effectuer avec
ses élèves une partie des activités sportives potentiellement enseignées » cela ne pouvait pas
conduire l’administration à s’arrêter à ces difficultés. Le juge a considéré que le poste devait
être adapté de manière à être compatible avec les capacités de Melle Monnier et a suggéré que
l’intéressée pouvait être accompagnée dans son enseignement, recevoir l’aide de collègues. En
clair un minimum de volontarisme et d’imagination est indispensable. Ce n’est que dans le cas
seulement où cet effort ne pourrait pas compenser le handicap, que la personne handicapée ne
serait pas admise à intégrer la fonction publique. 8
* Point de vue libre qui n’engage pas la juridiction.
8
Encore faudrait-il qu’elle n’intègre pas le secteur privé à un poste similaire !
18
La notion de dialogue dans la loi relative au port de signes d’appartenance religieuse dans
les écoles
Note sous les jugements du Tribunal administratif de Strasbourg rendus le 25 juillet 2005
dans les affaires Mlle Akkus et autres*
Par Nelly Ach,
docteur en droit public,
assistante de justice au Tribunal administratif de Strasbourg
Contrairement à ce que l’on pouvait redouter au moment de l’adoption de la loi du 15 mars
2004 un an d’application tend à prouver que les prétoires n’ont pas été surchargés par les
affaires relatives au port de signes distinctifs en milieu scolaire (pour plus de précisions sur la
loi n°2004-228 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues
manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, voir H.
Cherifi, Rapport au ministre de l’Education nationale sur le port de signes religieux ostensibles
dans les établissements d’enseignement public, juillet 2005).
Si la jurisprudence semble fixée quant aux conditions d’exclusion d’un(e) élève qui refuserait
de se départir de son signe d’appartenance religieuse au sein des locaux scolaires, certains
points paraissent faire l’objet de divergences jurisprudentielles.
Dans plusieurs jugements en date du 25 juillet 2005, les juges du Tribunal administratif de
Strasbourg ont été amenés à se prononcer sur les requêtes de Mlles Akkus, Bourhayel, Karakok
et autres. En l’espèce, les lycéennes demandaient au tribunal d’annuler plusieurs types de
décisions : les mesures prises par les chefs d’établissements avant la mise en œuvre de la
procédure disciplinaire, les règlements intérieurs en vigueur dans leurs établissements
respectifs, ainsi que les décisions prononçant l’exclusion définitive du lycée.
La question du règlement intérieur peut être rapidement évoquée. Le juge, admettant
naturellement qu’il était face à une décision exécutoire faisant grief aux intéressés (CE, 2
novembre 1992, Kherouaa, Lebon p. 349, AJDA p. 833, concl. D. Kessler ; CE, 27 novembre
1996, Ligue islamique Nord, Chabou, Lebon p. 461), a fait application des règles classiques en
matière de police administrative. Dans certaines affaires, le règlement du lycée prévoyait que
« le port de tout couvre-chef est interdit dans les salles de cours sous peine de renvoi ». Le juge
a décidé qu’en délimitant précisément le champ d’application de l’interdiction, les auteurs des
dispositions litigieuses n’avaient pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de
la vie privée, à la liberté d’expression ou à la liberté religieuse reconnus aux élèves par les
textes nationaux et internationaux.
A l’inverse, dans l’affaire Akkus, la disposition contestée prévoyait que « le port de tout couvrechef est interdit ». Considérant à juste titre qu’il était face à une interdiction générale et absolue
(CE, 19 mai 1933, Benjamin, GAJA, Dalloz, 15ème éd., 2005), de surcroît non justifiée, le juge a
estimé que « les auteurs de la disposition […] ont excédé l’étendue des pouvoirs dont dispose
l’autorité administrative pour assurer le bon ordre dans l’établissement ». En ce sens, la
jurisprudence ne fait que reprendre les formules employées par le Conseil d’Etat au début des
années 1990 (CE, 14 mars 1994, Yilmaz, Lebon p. 129, concl. D. Kessler ; AJDA 1994, p. 415)
et réaffirmer la nécessité de mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence
européenne relative à l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (v. notamment CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin
c. Turquie, n° 44774/98).
19
En définitive, lorsque la disposition interdisant le port d’un couvre-chef est circonstanciée – en
l’occurrence limitée dans l’espace – le juge décide qu’elle « est de nature à préserver le bon
ordre au sein de l’établissement et en particulier le respect de règles de sécurité, d’hygiène et de
civilité entre les différents membres de la communauté scolaire ». La limitation de son champ
d’application semble impliquer sa justification ; par contre, le caractère illimité d’une telle
interdiction la rend injustifiée et disproportionnée au regard tant des exigences nationales
qu’européennes.
Une fois cette exception d’illégalité résolue, il s’agissait de se prononcer sur la légalité des
mesures prises par les chefs d’établissement durant la phase de dialogue rendue obligatoire par
la loi de mars 2004, ainsi que sur les mesures d’exclusion elles-mêmes. Sur ce dernier point, il
ne faisait guère de doute que la décision d’exclusion était la seule décision possible au regard de
la loi, dès lors qu’il était avéré que les élèves portaient habituellement un foulard en signe
d’appartenance religieuse. Certes, on ne peut nier qu’il existe une contradiction entre la
circulaire du 18 mai 2004 et la marge d’appréciation laissée aux chefs d’établissement. Selon la
circulaire – jugée légale par le Conseil d’Etat (CE, 8 octobre 2004, Union française pour la
cohésion nationale, RFDA 2004, p. 977, concl. R. Keller ; AJDA 2005, p. 43, note F. Rolin) –
« le principe de laïcité s’oppose évidemment à ce que l’Etat ou ses agents prennent parti sur
l’interprétation de pratiques ou de commandements religieux ». Malgré tout, comme le souligne
M. Bernard Toulemonde, « la mission confiée aux chefs d’établissement consiste à identifier,
sous le contrôle du juge, le signe ou la tenue manifestant une appartenance religieuse » (« Le
port de signes d’appartenance religieuse : la fin des interrogations ? », AJDA 31 octobre 2005,
p. 2045). Dans les affaires jugées par le Tribunal administratif de Strasbourg, il s’agissait de
foulards islamiques dont on ne pouvait douter qu’ils conduisaient « à se faire immédiatement
reconnaître par son appartenance religieuse » (circulaire du 18 mai 2004 ; quant aux questions
soulevées par le turban sikh, le sous-turban keshi ou les bandanas, v. CAA Paris, 19 juillet
2005, Singh, AJDA 2005, p. 2009, conclusions B. Bacchini ; TA Caen, 7 juin 2005, Kervanci,
req. N° 0500301).
Si ces aspects méritent d’être mentionnés, les décisions du Tribunal de Strasbourg sont surtout
intéressantes du point de vue de la légalité des mesures prises par les chefs d’établissement
durant la phase de dialogue prescrite par le législateur. Cela impliquait de s’interroger sur la
nature des mesures litigieuses afin de savoir si elles faisaient effectivement grief. Le juge ayant
répondu par l’affirmative, encore fallait-il déterminer le fondement permettant au chef
d’établissement de les adopter et par là-même son champ d’action.
I.
La nature de la décision portant refus d’accès aux cours
Dans les jugements prononcés en juillet 2005, les faits présentaient d’importantes
ressemblances. Les jeunes filles s’étaient présentées à la rentrée 2004 coiffées d’un foulard
porté par conviction religieuse. Dans tous les cas, les proviseurs ont, selon la formule du
tribunal, engagé un dialogue avec les intéressées, échangé des correspondances et des
discussions relatives au port du foulard. Or, préalablement à l’engagement de toute procédure
disciplinaire, les chefs d’établissement ont décidé de prendre des mesures refusant aux élèves
concernées l’accès aux enseignements. Ces mesures ont consisté dans l’accueil de l’élève dans
une salle d’études – sous la surveillance du personnel de l’établissement – et dans la
transmission aux élèves mises à l’écart des documents et cours distribués aux camarades
scolarisés dans la même section.
20
Face à ces mesures, les élèves ont adopté des comportements divers. Sans se départir de leur
voile, certaines ont sollicité le droit de pouvoir se rendre dans la cour de récréation avec leurs
camarades, d’autres ont fait valoir leur droit à une scolarité normale. Le recteur de l’académie
de Strasbourg a pour sa part indiqué clairement, lors de la rentrée 2004-2005, que pendant toute
la phase de dialogue, puis la phase disciplinaire, temps évalué à trois ou quatre semaines,
l’élève resterait scolarisée mais, autant que possible, à l’écart de la classe (Journal L’Alsace, 2
septembre 2004).
La circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi du 15 mars 2004 donne
certaines informations sur la phase de dialogue précédant la procédure disciplinaire : « Pendant
la phase de dialogue, le chef d’établissement veille, en concertation avec l’équipe éducative,
aux conditions dans lesquelles l’élève est scolarisé dans l’établissement ». Cette période, qui
doit nécessairement se révéler temporaire, est vouée à déboucher soit sur l’engagement d’une
procédure disciplinaire, soit sur la reprise d’une scolarité normale selon le comportement de
l’élève.
En l’espèce, l’existence d’un suivi pédagogique n’est généralement contestée ni par les
requérantes, ni par le rectorat. Il semble effectivement que les enseignants remettaient les cours,
travaux et devoirs aux élèves. Mais la durée entre le début de cette mise à l’écart et la réunion
du conseil de discipline s’est prolongée pendant deux mois.
On sent bien, au regard des mesures prises, que celles-ci n’ont pas un caractère disciplinaire. Le
but du chef d’établissement résidait dans une tentative de conciliation entre le respect de la loi
qui interdit le port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse et le
dialogue prescrit par le législateur lui-même. Par la volonté de transmission des cours et
travaux, par le suivi pédagogique instauré, les mesures ne peuvent être considérées comme des
mesures à caractère disciplinaire.
Cependant, entre le caractère disciplinaire et le caractère préparatoire avancé par le recteur à
l’appui d’une fin de non-recevoir, le tribunal a trouvé un juste milieu. Après avoir considéré que
la décision avait eu « pour effet de priver de façon durable [la requérante] de la possibilité de
bénéficier dans des conditions normales des enseignements dispensés dans le service public
scolaire », il a été décidé que la mesure litigieuse faisait grief et était ainsi susceptible de
recours en excès de pouvoir.
Dans une affaire dont les faits sont comparables, le Tribunal administratif de Grenoble a estimé
au contraire que l’ensemble des dispositions prises par le proviseur devaient être considérées
comme une mesure conservatoire (TA Grenoble, 25 mai 2005, Mlle Essakaki, n° 0406566,
AJDA 2005, p. 1745, concl. S. Morel). Selon les conclusions du commissaire du gouvernement
Morel, « afin de concilier [l’application effective de l’interdiction du port de signes religieux et
la mise en œuvre d’un dialogue préalable], le fait d’organiser un mode de scolarisation
particulier à l’intérieur de l’établissement n’est pas en soi illégal. Il pourrait s’analyser comme
une mesure conservatoire n’ayant pas en soi un caractère disciplinaire mais étant rendue
nécessaire pour la mise en œuvre du dialogue préalable à la procédure disciplinaire, dialogue
ayant pour but justement d’éviter cette procédure disciplinaire » (op. cit., p. 1747). Peut-être le
droit de la fonction publique a-t-il ici inspiré la juridiction. En effet, la notion de « mesure
conservatoire » peut être retrouvée dans l’interprétation de l’article 30 de la loi du 13 juillet
1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Selon cette disposition, le fonctionnaire
qui a commis une faute grave peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ; cette
dernière saisit alors immédiatement le conseil de discipline et la situation du fonctionnaire doit
être réglée dans un délai de quatre mois. Or la jurisprudence a justement qualifié la suspension
de mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service (CE, ass., 13 juillet 1966, Fédération de
21
l’Education nationale et syndicat général de l’Education nationale (CFTC), Lebon, p. 497). Si
l’objectif de la mesure est comparable dans les deux situations, la loi de 1983 encadre les
pouvoirs du supérieur, notamment quant à la durée que peut revêtir la mesure. A l’inverse, la loi
de mars 2004 prévoit certes une phase de dialogue, mais les prérogatives du chef
d’établissement durant cette période sont, en l’état actuel, laissés à la discrétion de
l’administration agissant sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir.
Si les juridictions s’entendent sur le fait qu’il ne s’agit pas là d’une mesure disciplinaire –
auquel cas la procédure éponyme aurait dû être respectée sous peine d’illégalité des actes pris
par le chef d’établissement – la qualification choisie diffère. Les choix respectifs des tribunaux
n’ont pas d’incidence directe sur la recevabilité de la requête, puisque tous deux examinent le
bien-fondé des moyens avancés par les requérantes et se prononcent sur le fond du droit.
Cependant, la qualification choisie semble d’emblée impliquer une appréciation juridique sur
les mesures en cause. Pour preuve, alors que les juges de Strasbourg décident d’annuler les
décisions prises pendant la phase de dialogue, les juges de Grenoble concluent au contraire au
rejet de la requête.
Quoiqu’il en soit, le refus de considérer de telles mesures comme des actes préparatoires ou des
mesures d’ordre intérieur témoigne de la volonté du juge administratif d’ouvrir de plus en plus
largement le recours en excès de pouvoir aux administrés, y compris à l’encontre d’actes
considérés traditionnellement comme mineurs (de minimis non curat praetor). Un tel
mouvement se vérifie régulièrement, que ce soit dans le cadre des établissements scolaires ou
des établissements pénitentiaires (CE, 30 juillet 2003, Ministre de la Justice c. M. Remli,
D. 2003, p. 2331, note M. Herzog-Evans) pour ne citer qu’eux.
Dès lors, si la « vie intérieure » de l’administration subsiste nécessairement (v. M. Hauriou, note
sous CE, 22 février 1918, Cochet d’Hattecourt, S. 1921.3.9), celle-ci n’échappe plus au contrôle
juridictionnel lorsqu’elle génère des effets durables et importants sur les usagers. Cependant, le
fait d’admettre la recevabilité du recours intenté à l’encontre des mesures prises par le chef
d’établissement durant la phase de dialogue imposée par l’article L. 141-5-1 du Code de
l’éducation ne signifie pas que celles-ci doivent nécessairement être jugées illégales.
II.
L’illégalité de la décision portant refus d’accès aux cours
Divers moyens de légalité pouvaient être envisagés au soutien d’une telle requête. Sur le
fondement de la légalité externe, les tribunaux de Strasbourg et de Grenoble ont considéré qu’il
ne s’agissait pas là de mesures disciplinaires ; dès lors, aucun vice de procédure ne pouvait être
fondé sur le non-respect les règles inhérentes au droit disciplinaire (sur ce point, v. Y. Buttner,
A. Maurin, B. Thouveny, Le droit de la vie scolaire, Dalloz, 3ème édition, p. 153 et s.). Quant à
la question de la compétence, le commissaire du gouvernement Morel rappelle à juste titre que
« c’est au proviseur qu’incombe la responsabilité d’assurer l’application » de la loi du 15 mars
2004 (préc.). En effet, selon l’article 8 du décret du 30 août 1985 relatif aux établissements
publics locaux d’enseignement, en tant que représentant de l’Etat au sein de l’établissement, « il
est responsable de l’ordre dans l’établissement. Il veille au respect des droits et des devoirs de
tous les membres de la communauté scolaire et assure l’application du règlement intérieur ».
Dès lors, le proviseur était, dans l’ensemble des affaires jugées à Strasbourg et à Grenoble,
compétent pour prendre certaines mesures durant la phase de dialogue. Cependant, dans les
espèces considérées, il s’agissait d’établissements du second degré. Or, comme le souligne M.
Toulemonde, « reste une incertitude : dans l’enseignement primaire, à défaut d’établissement
public analogue à l’EPLE, qui est responsable de la procédure et doit conduire le dialogue ? »
(op. cit., AJDA 2005, p. 2045). Là encore, malgré l’absence de texte exprès, la logique veut que
22
le directeur de l’école assume la responsabilité de l’application du principe de légalité au sein
des locaux scolaires (ibid.).
Quant aux moyens de légalité interne, le juge devait examiner si le proviseur avait fait une
exacte application de la règle de droit, en sachant que ses pouvoirs en la matière sont largement
discrétionnaires. Selon le Tribunal administratif de Strasbourg, « en l’absence notamment
d’indication quant à sa nature, sa durée et ses modalités d’application [la décision litigieuse
portant refus d’accès aux cours et mise à l’écart de la requérante] n’est pas au nombre des
mesures éducatives et pédagogiques que le proviseur du lycée pouvait légalement prendre alors
même qu’elle ne vise pas en elle-même à sanctionner l’intéressée mais tend à garantir le respect
de la loi du 15 mars 2004 en assurant, au bénéfice de l’élève, un minimum de suivi
pédagogique ». A défaut de précisions suffisantes, la mesure prise par le chef d’établissement
doit ainsi être annulée. Au contraire, le Tribunal administratif de Grenoble estime pour sa part
que les dispositions de l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation « ne limitent pas la durée de
la procédure de dialogue dont elles prévoient le principe, et que la décision attaquée, ne
préjugeant pas de la durée nécessaire en l’espèce, a pu légalement ne pas fixer de terme
prédéterminé à son application ».
On voit bien en quoi les deux décisions s’opposent. Les juges de Strasbourg ont considéré que
l’absence de précisions dans la loi quant aux modalités du dialogue ne devait pas emporter
l’octroi d’un blanc-seing au profit de l’administration. Les juges de Grenoble ont estimé quant à
eux qu’une certaine latitude devait être laissée, tant d’ailleurs au chef d’établissement qu’à
l’élève, pour leur permettre de sortir d’une telle situation. Dans ce sens, imposer un carcan
risquerait d’être préjudiciable au bon déroulement de la phase de dialogue. Malgré tout, les
préoccupations de la juridiction alsacienne n’ont pas pour autant échappé à la juridiction
iséroise. D’après les conclusions du commissaire du gouvernement Morel, « il ne faudrait pas
que la durée de ce mode particulier de scolarisation excède celle nécessaire au déroulement du
dialogue préalable. Sinon nous serions en présence, en quelque sorte, d’un détournement de
procédure visant à sanctionner l’élève sans lui faire bénéficier des garanties inhérentes à la
procédure disciplinaire » (op. cit., p. 1746).
Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a lui aussi été amené à se prononcer sur la question
de la longueur du dialogue préalable. Dans l’affaire relative au port d’un turban par des élèves
sikhs, c’est par la voie d’un référé-injonction que le juge a rendu sa décision. Il a estimé que le
fait d’exclure des élèves des cours sans engager une procédure disciplinaire constitue une
atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense. Pour ce faire, le juge des
référés s’appuie sur le fait que « les modalités d’accueil [du requérant] au lycée Louise-Michel
depuis la rentrée scolaire […] ne lui permettaient pas d’accéder aux salles de cours ni de
bénéficier d’un véritable enseignement, eu égard notamment à leur durée, sans que l’intéressé
ait pu présenter sa défense devant un conseil de discipline […] il y a lieu, dans ces conditions,
d’enjoindre au proviseur […] dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la
présente ordonnance, de saisir le conseil de discipline » (TA Cergy-Pontoise, ord. 21 octobre
2004, M. Bikramjit Singh, n° 0407980). En l’espèce, il faut préciser que le refus d’accès aux
cours avait été délivré le 23 septembre, date à partir de laquelle les élèves ont été placés en salle
de cantine, et le tribunal a été saisi le 19 octobre. Il semblerait, d’après M. Toulemonde, que le
délai de quinze jours fixé par le juge des référés pour saisir le conseil de discipline corresponde
aux instructions officieuses délivrées par le ministère de l’Education nationale (op. cit., AJDA
2005, p. 2045).
23
Finalement, on constate à la lecture de ces différentes décisions une sorte d’embarras bien plus
qu’une opposition sur le fond. Si la circulaire du 18 mai 2004 spécifie que le dialogue répond au
« souci de convaincre les élèves de l’importance du respect du principe de laïcité »,
l’administration se contente de préciser qu’il « devra être poursuivi le temps utile pour garantir
que la procédure disciplinaire n’est utilisée que pour sanctionner un refus délibéré de l’élève de
se conformer à la loi ». Pour éviter les dérives susceptibles de se produire au sein des
établissements scolaires – tant au regard de l’ampleur des mesures que de leur durée
d’application – et devant les hésitations justifiées des juges du fond, il serait souhaitable que le
débat arrive rapidement devant le Conseil d’Etat. Celui-ci pourrait ainsi imaginer un cadre pour
les décisions adoptées durant la phase de dialogue, tout en laissant subsister une marge
d’appréciation au profit de l’administration en fonction des circonstances de chaque espèce.
* Article de libre analyse doctrinale qui n’engage pas la juridiction.
24
FICHES DE JURISPRUDENCE
25
Aide sociale
Collectivités territoriales
Comptabilité publique
Contributions et taxes
Eaux
Enseignement
Etrangers
Expropriation pour cause d’utilité publique
Fonctionnaires et agents publics
Marchés et contrats administratifs
Nature et environnement
Responsabilité de la puissance publique
Transports
Travail et emploi
Urbanisme et aménagement du territoire
26
AIDE SOCIALE
ASSISTANTE MATERNELLE
Agrément, refus pour raison de sécurité.
L’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que : «L’agrément est
accordé…si les conditions d’accueil garantissent la santé, la sécurité et l’épanouissement des
mineurs accueillis ». Il en est de même du renouvellement.
Sur le fondement de ces dispositions, le président du conseil général, autorité compétente pour
délivrer ou renouveler les agréments des assistantes maternelles a pu opposer, pour des motifs
tirés de la sécurité, un refus à l’assistante qui, dans son jardin, a une piscine hors sol et refuse de
la clôturer. Il existait, en effet, des risques qu’un enfant accueilli par l’assistante maternelle se
hisse dans la piscine à l’aide d’une chaise ou table de jardin (référence était faite à des cas
répertoriés dans les statistiques).
La circonstance que les dispositions de l’article L. 128-1 du code de la construction et de
l’habitation n’exigent une clôture que pour les seules piscines enterrées est sans incidence sur la
légalité dudit refus.
Mme Chantal JUNG, chambre V, 8 novembre 2005, 0500980 (M. Bocquet, pdt., M. Wiernasz,
rapp., Mme Bonifacj, c. du g.).
COLLECTIVITES TERRITORIALES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ELUS MUNICIPAUX
Par courrier du 5 septembre 2004, M. Bernard FOUCAULT et M. André MASIUS ont demandé
au maire de la commune de Metz un droit d’expression dans le bulletin municipal, la mise à
disposition d’un local pour la préparation des réunions du conseil municipal et la mise à
disposition d’une salle municipale pour l’organisation d’une réunion d’information en
novembre 2004. Le maire, par courrier du 30 septembre 2004, les a informés qu’il avait pris
trois décisions consistant en l’octroi d’un local pour la préparation des réunions du conseil
municipal, en un refus du droit d’expression dans le bulletin municipal et en un refus de leur
mettre à disposition une salle municipale pour une réunion d’information.
Les conclusions des requérants ont été analysées par le tribunal comme tendant à l’annulation
du refus d’expression dans le municipal et du refus de mettre à leur disposition une salle
municipale pour une réunion d’information.
27
En ce qui concerne le refus du droit d’expression dans le bulletin municipal :
Les requérants estimaient que le maire n’avait pas respecté l’article L. 2121-27-1 du code
général des collectivités territoriales résultant de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 qui
précise que : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous
quelque forme que ce soit, un bulletin d'
information générale sur les réalisations et la gestion du
conseil municipal, un espace est réservé à l'
expression des conseillers n'
appartenant pas à la
majorité municipale. Les modalités d'
application de cette disposition sont définies par le
règlement intérieur. ».
Le Tribunal a constaté que pour refuser le droit d’expression aux requérants, le maire s’était
fondé sur l’article 55 alors en vigueur du règlement intérieur qui réserve ce droit aux seuls
groupes d’élus « légalement constitués ». La commune de Metz soutenait que son conseil
municipal avait modifié le règlement intérieur pour octroyer ce droit aux conseillers municipaux
n’appartenant pas à la majorité municipale et qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ce point du
litige. Cependant la décision du maire avait eu des effets juridiques et, par suite, le tribunal a
déclaré le recours recevable. Il a ensuite considéré que le refus opposé par le maire aux
requérants, alors que les dispositions sus-rappelées ouvraient un droit à l’expression des
conseillers municipaux n’appartenant pas à la majorité municipale dans les bulletins
d'
information générale quelle que soit leur forme, était illégal.
En ce qui concerne le refus de mettre à disposition une salle municipale :
Les requérants soutenaient que le maire n’avait pas respecté les dispositions de l’article
L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que : « Des locaux
communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font
la demande. Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés,
compte tenu des nécessités de l'
administration des propriétés communales, du fonctionnement
des services et du maintien de l'
ordre public. Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la
contribution due à raison de cette utilisation. » ;
Le tribunal a estimé que, si le maire avait le pouvoir de refuser de mettre à la disposition des
associations, des syndicats ou des partis politiques des locaux communaux, il ne pouvait
légalement le faire que pour des motifs tirés des nécessités de l’administration des propriétés
communales, du fonctionnement des services, du maintien de l’ordre public ou pour un motif
d’intérêt général. En l’espèce, la décision du maire de la commune de Metz, qui se fondait sur
une délibération du 27 mai 2004 qui limitait la mise à disposition des salles communales à des
membres des groupes politiques de l’assemblée municipale officiellement constitués et aux
seuls candidats officiels à une élection, n’était justifiée par aucun des motifs énoncés ci-dessus.
Le tribunal a annulé sur ce motif la décision.
M. Foucault et autres c/ Ville de Metz, chambre IV, 3 octobre 2005, 0404911
(M. Pruvost, pdt., M. Simon, rapp., M. Lombard, c. du g, conclusions publiées dans le présent
courrier).
28
REGIONS
Attribution d’une subvention, légalité, conditions.
La commission permanente de la région Lorraine a décidé d’attribuer le 29 octobre 2004 à
l’association des salariés de RONAL une subvention de 30 000 euros. Cette association a été
créée à la suite de l’annonce de la délocalisation de la société RONAL dans un des nouveaux
pays entrant dans l’Union Européenne et de l’annonce du licenciement de la totalité de ses
salariés. Le but de cette subvention était de venir en aide aux membres de l’association afin de
leur permettre de financer les études juridiques nécessaires à l’évaluation de leur situation.
Le préfet de la région Lorraine a adressé le 20 décembre 2004 au président de la région Lorraine
un recours gracieux par lequel il lui demandait de procéder au retrait de la décision en cause. Le
refus opposé par le président de la Région Lorraine l’a conduit à demander au tribunal
administratif l’annulation de cette décision.
Le tribunal a considéré que la commission permanente du conseil régional, nonobstant l’intérêt
local de sa décision, s’était immiscé dans un conflit du travail et avait méconnu les dispositions
de l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales.
Préfet de la région Lorraine, Chambre IV, 10 novembre 2005, N° 0500912 (M. Miet, pdt.,
M. Chabrol, rapp., M. Richard, c. du g)
COMPTABILITE PUBLIQUE
CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES
Etat exécutoire, formalités à observer pour le compte de cumul de rémunérations.
Aux termes de l’article 5 du décret modifié n°58-430 du 11 avril 1958 fixant les conditions
d’application de l’article 12 du décret du 29 octobre 1936 dans sa rédaction issue du décret
n°72-201 du 9 mars 1972 : « Lorsque le compte de cumul arrêté dans les conditions fixées cidessus fait apparaître soit un dépassement de la limite de cumul des rémunérations, soit le
cumul des émoluments qui ne peuvent être perçus qu’au titre d’un seul emploi, un relevé de
compte est adressé à l’agent. Le relevé du compte arrêté au 31 décembre est renvoyé au plus
tard le 30 juin de l’année suivante. Si le compte est clos en cours d’année, le relevé est envoyé
dans le délai de six mois suivant l’arrêté du compte. ».En l’espèce, l’administration compétente
n’établit pas et n’allègue d’ailleurs pas avoir notifié en temps utile au fonctionnaire concerné le
compte de cumul de l’année 2002. Par suite, l’intéressé est fondé à soutenir que le titre
exécutoire concernant l’année 2002 a été pris à la suite d’une procédure irrégulière.
M. Jean-Michel PFIRSCH, chambre V, juge statuant seul, 22 novembre 2005, n° 0402734.
(M. Bocquet, rapp., M. Wiernasz, c. du g, conclusions publiées dans le présent courrier).
29
CONTRIBUTIONS ET TAXES
IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES, EXONERATION
Régie de service public, champ d’application.
L’article 207 du code général des impôts prévoit que : « 1-Sont exonérés de l’impôt sur les
sociétés…6°-…les communes …ainsi que leurs régies de services publics… ». La régie
municipale de télédistribution d’Alsting (Moselle), qui gère depuis 1992 le réseau câblé de
distribution de chaînes TV sur le territoire de la commune et est dotée de la personnalité morale
et de l’autonomie financière, se prévalait de sa qualité de service public pour soutenir qu’elle
n’était pas soumise à l’impôt sur les sociétés.
Le champ d’application de l’article 207-6° du code général des impôts a été précisé par une
ancienne jurisprudence du Conseil d’Etat, toujours en vigueur, selon laquelle peuvent seules
bénéficier de l’exonération de l’impôt sur les sociétés celles des régies locales qui ont pour objet
l’exploitation ou l’exécution d’un service indispensable à la satisfaction des besoins collectifs
des habitants de la collectivité concernée. (CE 16/01/1956 « Régie municipale des eaux
minérales de Z. », rec.p.17 et Dupont 1956 p.239 avec observations du Pt Poussière ; CAA
Bordeaux, 20 mai 1997, régie autonome du marché d’intérêt national de Bordeaux-Brienne, RJF
10/97, n°894, conclusions PEANO, BDCF 97 n°95).
Pour justifier son exonération, la régie requérante faisait notamment valoir que, lors de sa
création, il y avait des zones d’ombres dans la réception par voie hertzienne.
Il résulte cependant de l’instruction que la régie exerce aujourd’hui son activité en concurrence
avec des opérateurs privés et selon des modalités comparables, en particulier en matière de
fixation de ses tarifs. Dès lors, elle ne peut être considérée comme étant un service
indispensable à la satisfaction des besoins collectifs des habitants de la commune au sens de
l’article 207-6° du code général des impôts.
Régie municipale de télédistribution d’ALSTING, chambre V, 6 décembre 2005 n°0300132.
(M. Bocquet, pdt., M. Wiernasz, rapp., Mme Bonifacj, c. du g, conclusions publiées dans le
présent courrier).
Possession de facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 271 II 2° du CGI) Circonstances particulières - Condition non exigée des usagers d’infrastructures autoroutières
pour les péages d'
autoroutes acquittés avant le 1er janvier 2001.
S’il résulte des dispositions précitées du 2 du II de l'
article 271 du code général des impôts que
la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée est, en principe, subordonnée à la possession d’une
facture ou de tout autre document en tenant lieu sur laquelle figure ladite taxe1, les formalités
prévues par la loi fiscale ou imposées par l’administration ne doivent pas rendre impossible ou
excessivement difficile l’exercice du droit à déduction2. Jugé, en l’espèce, que l’usager des
infrastructures autoroutières, qui dispose de factures ne mentionnant pas de montant de taxe sur
30
la valeur ajoutée mais conformes à l’état du droit applicable au moment de leur émission (art.
266-1 h et 273 ter du CGI), a droit à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les
péages acquittés avant le 1er janvier 2001, même s’il n’a ni obtenu ni même demandé la
délivrance de factures rectificatives, eu égard à la circonstance que par lettre du 27 février 2001,
le secrétaire d’Etat au budget a informé le délégué général de la fédération nationale des
transports routiers de ce que les usagers redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ne pourront
prétendre au remboursement de la taxe afférente aux péages qu’ils ont acquittés avant le 1er
janvier 2001 et que, par lettre du 15 janvier 2003, le directeur de la législation fiscale a informé
le président du comité des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes de ce que,
à l’exception de celles qui ont sollicité et obtenu une restitution de taxe conformément aux
dispositions du VII de l’article 2 de la loi du 30 décembre 2000, celles-ci n’étaient pas fondées à
délivrer des factures rectificatives faisant apparaître la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par
les usagers avant le 1er janvier 2001, lettres qui ont été annulés par une décision du Conseil
d’Etat statuant au contentieux du 29 juin 2005.
1. Comp. CE 17 février 1982 n° 19434 M. Jean-Pierre Raymond (non publié) RJF 4/82 n° 364
2. Rappr. CJCE 14 juillet 1988 aff. 123 et 330/87, Jeune homme SA e. a. c/ Etat belge Rec.
1988, p. 04517
Sté Seegmuller International, 3ème chambre, 10 novembre 2005, 0201130, classé B,
(M. Pruvost, pdt., M. Humbert, rapp., M. Guidal, c. du g, conclusions publiées dans le présent
courrier).
EAUX
GESTION DE LA RESSOURCE EN EAU
Redevance perçue par l’agence de l’eau Rhin-Meuse pour pollution, portée du droit d’option
ouvert à toute entreprise assujettie à cette redevance d’obtenir que ses paramètres de pollution
soient établis soit forfaitairement soit au réel.
Une blanchisserie industrielle a, au cours de l’année 2001, fait l’objet de la part de l’agence de
l’eau Rhin-Meuse d’un contrôle relatif à la nature des rejets dans l’eau provoqués par son
activité. Ce contrôle a conduit l’agence à lui notifier une redevance pour pollution de l’eau dont
le montant était le double de celui des années précédentes en raison de la très forte hausse d’un
des paramètres de pollution pris en compte jusque là et dont la valeur était fixée forfaitairement.
Le recours préalable obligatoire de la société dirigé contre le titre exécutoire établi pour l’année
2001 ayant fait l’objet d’un rejet de la part de l’agence, celle-ci a demandé et obtenu à
bénéficier d’un nouveau contrôle. Celui-ci a conduit l’agence, en 2002, à relever une très forte
diminution, de l’ordre de 75%, du paramètre de pollution.
La société a alors demandé, sur la base des résultats de ce contrôle, l’annulation du titre
exécutoire et la décharge de la redevance relative à l’année précédente.
31
Le droit de la redevance aux agences de l’eau a été fixé par l’article 14-1 de la loi du 16
décembre 1964, par le décret n° 75-996 et l’arrêté du 28 octobre 1975 portant application des
dispositions de l’article 14-1 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à
la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.
L’article 8 de cet arrêté permet à une entreprise de demander, avant le 1er juillet de chaque
année, un nouveau contrôle des paramètres utilisés pour le calcul des quantités de pollution.
Les résultats de ce contrôle conduisent à les fixer forfaitairement sauf si l’entreprise ou l’agence
demandent qu’ils soient déterminés par la mesure de la pollution réelle ou de la pollution
supprimée ou évitée. Ces résultats servent ensuite au calcul, sauf nouveau contrôle, des
redevances des années suivantes.
Le tribunal indique l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 8 du dit arrêté. Il rejette
ensuite la demande de la société en jugeant que le contrôle opéré à la demande d’une entreprise
avant le 1er juillet de l’année durant laquelle il est réalisé ne peut conduire à une révision de la
redevance de l’année précédente car il n’est qu’une des modalités du droit d’option ouvert à
toute entreprise assujettie à cette redevance d’obtenir que ses paramètres de pollution soient
établis soit forfaitairement soit au réel. Ce droit ne peut valoir que pour l’année suivante.
Société Est Blanchisserie, chambre IV, le 21 octobre 2005 n° 0303053. (M. Miet, pdt.,
M. Chabrol, rapp., M. Lombard, c. du g).
ENSEIGNEMENT
BOURSES D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Exception d’illégalité de la circulaire à caractère réglementaire du 23 avril 2003 – Pas d’atteinte
au principe d’égalité des usagers du service public.
Aux termes de l’article 15 du décret du 9 janvier 1925 : « Des décrets et des arrêtés ministériels
règleront (…) les conditions particulières d’attribution des bourses nationales dans
l’enseignement supérieur (…) ». Aux termes de la circulaire du ministre de la jeunesse, de
l’éducation nationale et de la recherche n° 2003-061du 23 avril 2003 fixant les modalités
d’attribution des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux, prise en application du
décret précité : « (…) les bourses sur critères sociaux sont attribuées en fonction des ressources
et des charges parentales, ainsi que des charges de l’étudiant, appréciées au regard du barème
national. (…) Les ressources retenues sont celles se rapportant à la seule année de référence (n2 par rapport à l’année du dépôt de la demande) qui figurent à la ligne « revenu brut global » ou
« déficit brut global » du ou des avis fiscaux. (…) Les charges de famille : enfants à charge (…)
Sont considérés à charge de la famille, les enfants rattachés fiscalement aux parents ou au tuteur
légal (…) » ;
Sept points de charges avaient été attribués à Mlle BOEHLER, dont trois points au titre de
l’éloignement de son domicile familial de l’établissement auquel elle était inscrite au titre de
l’année 2003-2004, et quatre points pour les quatre autres enfants non étudiants à charge de la
32
famille. L’intéressée faisait valoir que trois points supplémentaires auraient dû lui être attribués
dès lors qu’une autre de ses sœurs, étudiante, devait être regardée comme étant également à
charge de la famille, alors que celle-ci n’était plus fiscalement rattachée à ses parents.
La requérante soutenait que les dispositions de la circulaire du 23 avril 2003 portaient atteinte
au principe d’égalité entre les usagers du service public, et que l’administration aurait dû, soit
lui octroyer trois points supplémentaires, soit déduire du revenu brut global le montant de la
pension alimentaire versée à sa sœur étudiante par leurs parents. Il a cependant été considéré
que ce texte réglementaire avait légalement pu pour apprécier les charges familiales, ne pas
tenir compte des enfants majeurs étudiants qui avaient opté pour l’imposition de leurs revenus
dans les conditions de droit commun, eu égard au caractère objectif de ce critère. La circulaire
pouvait aussi légalement, pour apprécier la part des revenus des parents disponibles pour le
financement des études de leurs enfants, ne pas tenir compte du montant de ladite pension, dans
la mesure où, d’une part, elle détermine les charges de famille sous forme d’attributions de
points et, d’autre part, en raison de l’autonomie de ces dispositions avec celles du droit fiscal, la
prise en compte du revenu brut global fait obstacle à ce que, dans le cadre du calcul ainsi
effectué, il soit déduit de ce revenu des charges et, en particulier, la pension versée à un enfant
étudiant. Pas de méconnaissance du principe d’égalité entre les usagers, les dispositions
susmentionnées de la circulaire du 23 avril 2003 ne sauraient être regardées comme ayant pour
effet d’introduire une discrimination entre les candidats à une bourse d’enseignement supérieur.
Mlle BOEHLER, chambre II, 8 novembre 2005, n° 0403457. (M. Rouvière, pdt., Mme Blin,
rapp., M. Richard, c. du g).
Questions propres aux différentes catégories d’enseignement, second degré, orientation,
décision de la commission d’appel, motivation.
L’article 13 du décret du 14 juin 1990 relatif à l’orientation et à l’affectation des élèves prévoit
une procédure d’appel des décisions des chefs d’établissement relatives à l’orientation des
élèves, et notamment au redoublement des classes de fin de cycle. La décision de la commission
d’appel, qui se substitue à celle du chef d’établissement, doit être motivée en application de
l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 en vertu duquel doivent être motivées les décisions qui
refusent une autorisation.
La décision par laquelle la commission d’appel a maintenu la décision du principal du collège
prononçant l’orientation d’un élève en classe de seconde professionnelle ou de redoubler la
classe de troisième ne comportait pas l’énoncé des circonstances de fait et de droit sur lesquelles
elle était fondée.
M. MELIANI, chambre II, 8 novembre 2005, nos 0502860-0502861 (M. Rouvière, pdt.,
Mme Evrard, rapp., M. Richard, c. du g).
33
Questions propres aux différentes catégories d’enseignement, second degré, orientation,
décision de la commission d’appel, composition, droits de la défense.
Le décret du 14 juin 1990 relatif à l’orientation et à l’affectation des élèves prévoit une
procédure d’appel des décisions des chefs d’établissement relatives à l’orientation des élèves, et
notamment au redoublement des classes de fin de cycle. L’arrêté pris pour l’application de ce
décret prévoit que le dossier de l’élève est notamment présenté à la commission d’appel par le
conseiller d’orientation intervenant dans l’établissement scolaire fréquenté par l’élève. Par
ailleurs, le même décret dispose que les parents de l’élève disposent d’un délai de 8 jours pour
faire appel de la décision du chef d’établissement, et qu’ils peuvent faire valoir auprès de la
commission d’appel tout élément qu’ils jugent à même d’éclairer ladite commission.
Le conseiller d’orientation du collège n’a pas siégé au sein de la commission d’appel appelée à
statuer sur la décision du principal du collège prononçant le redoublement d’un élève scolarisé
en classe de troisième. En outre, les parents de l’élève n’ont disposé que d’un délai de 4 jours
pour faire appel, et n’étaient pas en possession du bulletin du 3eme trimestre de l’élève lors de
la réunion de la commission d’appel. Annulation.
Mme WINNINGER, chambre II, 20 septembre 2005, n° 0502835 (M. Bocquet, pdt.,
Mme Evrard, rapp., M. Richard, c. du g, conclusions publiées dans le présent courrier).
ETRANGERS
EMPLOI DES ETRANGERS
Mesures individuelles, Titre de travail, Conditions de délivrance du titre de travail, Situation de
l’emploi dans la profession et la région (article R. 341-4 du code du travail), Détermination de
la catégorie professionnelle, Erreur manifeste d’appréciation.
M. KOSANAK demandait l’annulation de la décision en date du 3 avril 2003 par laquelle le
préfet du Bas-Rhin avait refusé d’accorder à M. Sahin KOSANAK, son frère, une autorisation
de travail en vue de permettre à celui-ci d’occuper un emploi de cuisinier dans le restaurant
« Antalya Grill », dont le requérant est propriétaire à Strasbourg.
Il faisait valoir que l’emploi proposé nécessitait un degré de qualification élevé et une
spécialisation dans la cuisine traditionnelle turque, sans rapport avec la cuisine traditionnelle
française.
Le Tribunal a jugé qu’en se fondant, pour refuser l’autorisation de travail sollicitée, sur la
circonstance qu’à la date de la demande l’ANPE enregistrait dans le département du Bas-Rhin
174 personnes recherchant un emploi de cuisinier pour 84 offres d’emploi dans la même
profession, le préfet du Bas-Rhin n’avait pas fait une appréciation manifestement erronée de la
situation de l'
emploi au regard de la demande de l’intéressé.
M. Riza KOSANAK c/ Préfet du Bas-Rhin, chambre III, 10 novembre 2005, n° 0304495
(M. Pruvost, pdt., M. Michel, rapp., M. Guidal, c. du g, conclusions publiées dans le présent
courrier).
34
EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITE PUBLIQUE
NOTIONS GENERALES ET REGLES DE PROCEDURE
Dossier d’enquête, Etude d’impact, Etude d’incidence, Convention d’Aarhus, Commission
d’enquête. Notion d’utilité publique.
L’association pour la qualité de vie dans le Sundgau et la commune de Heidwiller contestaient
l’arrêté du 19 août 2004 du préfet du Haut-Rhin portant déclaration d'
utilité publique du projet
de déviation de la RD 466 au droit de l’agglomération d’Aspach sur le territoire des communes
d’Aspach, de Carspach et de Heidwiller et mise en compatibilité des plans locaux d'
urbanisme
des communautés de communes d’Illfurth et d’Altkirch.
Au titre de la légalité externe, il a été considéré que l’étude d’impact avait été suffisante, les
travaux engagés ne pouvant être regardés, au sens des dispositions de l’article 2 du décret du 12
octobre 1977, comme constituant un programme d’ensemble avec le projet de création d’un
nouvel axe nord-sud Altkirch-Burnaupt ou Mulhouse.
Il a ensuite été considéré qu’une étude d’incidence n’était pas requise : si le projet jouxte le lit
majeur de la Largue, répertorié parmi les zones humides remarquables du Haut-Rhin, et dont
l’intérêt écologique a justifié son inscription en zone Natura 2000 par une décision de la
commission européenne du 7 décembre 2004, il ne ressortait pas des pièces du dossier que le
projet litigieux était susceptible d’affecter de façon notable et avérée, au sens des dispositions
susmentionnées de l’article R.214-34 du code de l’environnement, le site précité.
En troisième lieu, l’arrêté attaqué ayant été adopté à l’issue d’une procédure qui a fait l’objet
d’une enquête publique, il n’avait, par suite et en tout état de cause, pas été édicté à l’issue
d’une procédure qui méconnaîtrait les stipulations du 2 de l’article 6 de la convention signée à
Aarhus le 25 juin 1998, aux termes desquelles : "Lorsqu'
un processus décisionnel touchant
l'
environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière
efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du
processus".
En dernier lieu, il a été considéré que le rapport de la commission d’enquête avait suffisamment
répondu aux préoccupations qui étaient exprimées par les requérantes, en particulier en ce qui
concerne le choix du tracé retenu et ses conséquences sur l’environnement, et que la
commission d’enquête avait suffisamment motivé son avis et formulé un avis personnel et
circonstancié.
Au fond, il a été considéré qu’eu égard à l’intérêt du projet, ayant pour objet d’améliorer la
sécurité sur la route départementale 466, s’agissant plus particulièrement de la traversée de la
commune d’Aspach, les inconvénients de l’opération ne pouvaient être regardés comme
excessifs, alors que des mesures compensatoires ont été prévues pour limiter l’impact sur
l’environnement de l’opération en cause.
Association pour la qualité de la vie dans le Sundgau c/ Commune de Heidwiller, chambre II,
22 novembre 2005, n° 0404413-0404450. (M. Rouvière, pdt., Mme Blin, rapp., M. Richard,
c. du g, conclusions publiées dans le présent courrier).
35
FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS
INTEGRATION ET RECLASSEMENT
Intégration de personnels n’appartenant pas antérieurement à la fonction publique, Ouvrier
professionnel du ministère de la défense demandant la prise en compte des services accomplis
en qualité de personnel civil étranger des forces américaines en Allemagne, Légalité du refus
s’agissant de services civils qui n’ont pas été accomplis en qualité d’agent non titulaire de
l’Etat, Absence de discrimination.
M. SAHLING demandait l’annulation de la « note express » du 12 novembre 2003 par laquelle
le commandant de la région Terre Nord-Est avait refusé de prendre en compte les services
effectués du 16 août 1978 au 31 août 2000 en tant que personnel civil étranger auprès des forces
américaines stationnées en Allemagne pour la détermination de son ancienneté en qualité
d’ouvrier professionnel auprès du ministère de la défense.
Le Tribunal a jugé que les contrats de travail conclus entre M. SAHLING en qualité de
personnel civil local et les forces américaines stationnées en Allemagne sont des contrats de
droit privé soumis à la législation du travail allemande et que les litiges nés de la conclusion, de
l’exécution et de la rupture de ces contrats relèvent de la compétence des juridictions
allemandes. Dès lors, le commandant de la région Terre Nord Est pouvait légalement estimer
que l’activité antérieure accomplie à ce titre par M. SAHLING ne pouvait être regardée, en tant
qu’il n’avait pas la qualité d’agent non titulaire de l’Etat français, comme constitutive de «
services civils » au sens des dispositions de l’article 6 du décret n° 70-79 du 27 janvier 1970
relatif à l’organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C et D, aux termes duquel :
« Les agents non titulaires de l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics
qui en dépendent recrutés par application des règles statutaires normales à l’un des grades ou
emplois mentionnés à l’article 1er ci-dessus sont classés en prenant en compte à raison des trois
quarts de leur durée les services civils qu’ils ont accomplis, sur la base de la durée moyenne de
service exigée pour chaque avancement d’échelon. »
Le moyen tiré par le requérant de la discrimination opérée, au regard de la prise en compte des
services antérieurs, entre les personnels civils locaux auprès des forces alliées stationnées en
Allemagne et les agents publics contractuels rémunérés précédemment par le même organisme
et ayant effectué le même travail que lui, a été écarté car le principe d’égalité de traitement
invoqué par M. SAHLING ne peut recevoir application que concernant des personnes placées
dans la même situation alors que les personnels employés auparavant sous un régime de droit
privé sont dans une situation différente de ceux ayant exercé la même activité en tant qu’agents
publics contractuels.
Enfin, le Tribunal a observé que si M. SAHLING affirme que certains de ses collègues ayant
également travaillé auprès des forces alliées en Allemagne auraient bénéficié de la prise en
compte de leur ancienneté, un tel traitement favorable, à le supposer établi, n’est pas de nature à
créer un droit à son profit et est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
M. Romain SAHLING c/ Ministre de la défense, chambre III, juge statuant seul, 3 octobre
2005, n° 0400105 (M. Vincent, rapp., M. Michel, c. du g, conclusions publiées dans le présent
courrier).
36
DEMISSION
Notion, volonté non équivoque de cesser ses fonctions, absence.
L’article 87 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique hospitalière dispose que la démission ne peut résulter que d’une demande écrite du
fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions.
Un agent des service hospitaliers, en poste dans une maison de retraite et exerçant des fonctions
d’animateur et des fonctions d’entretien, convoqué par le directeur de l’établissement à propos
du fonctionnement de la « structure animation » a rédigé, au terme de l’entretien, une lettre de
démission de son poste qui a été acceptée dès le lendemain. Toutefois, l’agent a continué à se
rendre à son travail et, informé de la décision de radiation des cadres, a, de suite, par lettre
adressée au directeur, déclaré son état d’énervement et demandé le retrait de sa démission en
précisant que celle-ci ne portait que sur l’exercice des fonctions d’animateur.
Compte tenu des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, cette démission ne peut être
regardée comme traduisant la volonté non équivoque de l’intéressé de cesser d’exercer ses
fonctions d’agent de service hospitalier. Annulation de la décision de la directrice de la maison
de retraite acceptant la démission et prononçant la radiation des cadres.
Mme Marie-Jeanne HOFFBECK, chambre V, 15 mars 2005, n° 0404274 ( M. Bocquet, pdt
rapp., Mme Bonifacj, c. du g).
CONTENTIEUX DE L’INDEMNITE
Informations erronées dispensées sur les droits à obtention d’une indemnité de départ
volontaire, acceptation d’une démission conditionnée par le versement d’une indemnité sans
s’assurer de l’application du décret instituant ladite indemnité. Faute de nature à engager la
responsabilité de l’administration.
Le secrétaire général d’un syndicat interhospitalier a accepté la démission d’un agent
d’entretien présentée sous réserve de percevoir l’indemnité de départ volontaire instituée par le
décret n°98-1220 du 29 décembre 1998 et l’a radié des cadres. Près de six mois après la date
d’effet de cette décision, la même autorité informe l’intéressé que l’indemnité ne sera pas
versée.
En calculant le montant prévisible de l’indemnité de départ volontaire, sans tenir compte de
l’état récapitulatif transmis par l’agence régionale d’hospitalisation sur ladite indemnité et
concernant exclusivement deux agents ayant le grade d’ouvrier, le secrétaire général du syndicat
interhospitalier a contribué, de façon fautive, à inciter l’agent d’entretien à déposer sa demande
de démission. De surcroît, en acceptant sa démission, sans avoir pris la précaution de s’assurer à
la date de sa décision, de l’application certaine des dispositions du décret du 29 décembre 1998,
alors pourtant que la démission était conditionnée par le versement de cette indemnité, le
secrétaire général a également commis une faute de service susceptible d’engager la
responsabilité de l’administration.
Mlle Patricia LOPRIORE, chambre V, 31 mai 2005, n°042615 (M. Bocquet, pdt rapp.,
Mme Bonifacj, c. du g, conclusions publiées dans le présent numéro).
37
REMUNERATION, CUMULS
Règle de limitation des cumuls des rémunérations publiques posée par l’article 9 du décret du
29 octobre 1936.
Aux termes des dispositions de l’article 9 du décret du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de
retraites, de rémunérations et de fonctions : » la rémunération effectivement perçue par un
fonctionnaire, agent ou ouvrier des collectivités ou services susvisés à l’article 1er ne pourra
dépasser, à titre de cumul de rémunérations, le montant du traitement principal perçu par
l’intéressé majoré de 100%… ». Ces dispositions ont pour objet de limiter le montant des
rémunérations publiques perçues par les agents visés à l’article 1er du décret de 1936. Ni la
circonstance que ces agents aient été autorisés à exercer ces activités, en sus de leur emploi
principal, ni la circonstance que ces activités ne seraient pas soumises aux règles d’interdiction
de cumul d’emploi posées par l’article 7 du même décret ne permettent de faire obstacle à
l’application de la règle de limitation des cumuls de rémunérations publiques posées par
l’article 9. Par suite, M. PFIRSCH, secrétaire de la commune de Montreux-Vieux, (820
habitants), mais également secrétaire de mairie des communes de Woolfersdorf et de Bretten
(340 et 125 habitants) étaient soumis, à supposer même que ces fonctions de secrétaire de
mairie ne puissent être regardées comme constituant un emploi au sens des dispositions de
l’article 7 du décret de 1936, à la limitation des cumuls de rémunération publiques fixées par les
dispositions susrappelées.
M. Jean-Michel PFIRSCH, chambre V, juge statuant seul, 22 novembre 2005, n° 0402734
(M. Bocquet, rapp., M. Wiernasz, c. du g, conclusions publiées dans le présent courrier).
MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS
Décompte des marchés – procédure de contestation.
Selon les stipulations de l’article 13 du CCAG-Travaux, aux fins de contester le décompte
général qui lui a été notifié, l’entrepreneur doit adresser au maître d’œuvre, dans un délai de 45
jours à compter de la notification (si le délai d’exécution du marché est supérieur à 6 mois), un
mémoire de réclamation exposant les motifs et le montant des sommes auxquelles il prétend. A
défaut, le décompte général est réputé accepté par l’entrepreneur.
Les différends survenus lors de la procédure d’établissement du décompte général doivent être
regardés comme des litiges opposant directement l’entrepreneur à la personne responsable du
marché, le maître d’œuvre devant obligatoirement transmettre le mémoire de réclamation à la
personne responsable du marché, seule compétente pour se prononcer sur la contestation.
Dans ce cadre, au regard du rôle du maître de l’ouvrage, la notification à ce dernier d’un
mémoire de réclamation dans les délais alors qu’il est parvenu au maître d’œuvre après
l’expiration de ce délai, doit être regardée comme ayant fait obstacle à l’acquisition, par le
décompte, d’un caractère définitif.
Société Dietsch & Cie, chambre I, 4 juillet 2005, n° 02-230 et 02-1618 (M. Pietri, pdt.,
Mme Bilocq, rapp., M. Pommier, c. du g).
38
Notion de contrat administratif, caractère transparent d’une association.
Les oppositions à exécution relèvent de la compétence de la juridiction administrative si les
titres de recettes sont afférents à des créances administratives.
Présentent un caractère administratif les créances résultant d’un marché de travaux sous
maîtrise d’ouvrage d’une association ne disposant pas d’une autonomie réelle à l’égard de la
collectivité publique et qui doit, par suite, être regardée comme transparente. Tel est le cas
d’une association créée par la collectivité et domiciliée dans ses locaux, dont les organes
dirigeants sont des d’élus de celle-ci et qui est chargée de l’exploitation d’une zone de loisirs
dont les ouvrages ont été indirectement financés par la collectivité.
Société Eiffage Construction, chambre I, 25 octobre 2005, n° 0404049, 0404052 et 0404054
(M. Pietri, pdt., Mme Bilocq, rapp., M. Gravière, c. du g, conclusions publiées dans le présent
courrier).
Responsabilité du maître de l’ouvrage à l’égard des sous-traitants
En application des dispositions combinées des articles 3 et 6 de la loi n° 75-1334 du 31
décembre 1975 relative à la sous-traitance, le paiement direct du sous-traitant par le maître de
l'
ouvrage, pour « la part du marché dont il assure l'
exécution », est subordonné à la double
condition que, sur la demande de l'
entrepreneur principal, le sous-traitant ait été "accepté" par le
maître de l'
ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été
"agréées" par ce dernier.
Un maître d’ouvrage ayant, alors qu’il était informé du prix du contrat de sous-traitance et de la
nature des travaux sous-traités, limité le droit à paiement direct du sous-traitant à une seule
partie des travaux réalisés, a méconnu les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975
et commis une faute de nature à engager sa responsabilité, alors qu’il n’est pas établi que le
paiement direct de l’ensemble des prestations sous-traitées et réalisées aurait excédé le montant
des sommes dues à l’entrepreneur principal.
Toutefois, la responsabilité du maître de l’ouvrage est atténuée par les fautes qu’ont commises
tant l’entrepreneur principal qui a limité le droit à paiement direct du sous-traitant que ce
dernier qui a accepté une telle limitation.
Société Lurgi, chambre I, 29 novembre 2005, n° 02-2114 (M. Pietri, pdt., Mme Bilocq, rapp.,
M. Gravière, c. du g, conclusions publiées dans le présent courrier).
FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES
Décision de signer un marché selon la procédure de conception-réalisation ; appréciation des
conditions justifiant le recours à cette procédure ; recours non justifié ; illégalité de la décision.
L’article 37 du code des marchés publics issu du décret du 7 mars 2001 prévoit de déroger aux
principes posés par la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique, en
confiant à un entrepreneur la conception et la réalisation d’un ouvrage. Il conditionne le recours
à cette procédure à l’existence de motifs d’ordre technique rendant nécessaire l’association de
l’entrepreneur aux études de l’ouvrage, et précise que « sont concernés des ouvrages dont la
39
finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception et la réalisation
ainsi que des ouvrages dont les caractéristiques, tels que des dimensions exceptionnelles ou des
difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propre
des entreprises » .
Pour décider, en décembre 2001, d’engager la passation d’un marché de conception-réalisation
en vue d’attribuer la construction d’un ouvrage d’assainissement, le comité syndical d’un
syndicat mixte s’est fondé sur l’existence de « difficultés techniques propres à ce projet » sans
préciser la nature de ces difficultés. L’avis d’appel public à la concurrence, publié en vue
d’attribuer ledit marché, mentionne deux motifs tirés de « la multiplicité des solutions
techniques pour la mise en œuvre du programme fonctionnel » et des « difficultés techniques
propres à cette opération liées essentiellement au peu d’emprises disponibles en surface » ; et
précise que « la prise en compte du savoir-faire des entreprises apportera des solutions globales
et innovantes pour cette opération ainsi que des améliorations sur la qualité des ouvrages, le
coût de l’opération et la durée du chantier ».
De telles considérations ne sont pas, eu égard à leur caractère général, de nature à justifier le
recours à un marché de conception-réalisation et il ne ressort pas des pièces du dossier que les
motifs ainsi évoqués soient suffisamment établis pour constituer des motifs d’ordre technique
au sens de l’article 37 du code des marchés publics. Annulation de la décision par laquelle le
président du syndicat mixte a signé le marché litigieux, prise sur le fondement d’une
délibération entachée d’illégalité, avec laquelle la décision annulée forme une opération
complexe.
M. Laurans, chambre I, 12 juillet 2005, n° 0404893 (M. Pietri, pdt., Mme Guillemot, rapp.,
M. Pommier, c. du g.).
NATURE ET ENVIRONNEMENT
INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
La EARL FRITSCH JEAN-MARIE exploite sous le régime déclaratif prévu par les dispositions
de l’article L. 512-8 du code de l’environnement relatives aux installations classées pour la
protection de l’environnement un élevage de 12 000 poulets depuis 1987. Le 30 mars 1999 la
requérante a déposé une demande d’extension de son élevage de 19 000 têtes pour le porter à 31
000 animaux. Le préfet du Bas-Rhin, après avis défavorable du commissaire enquêteur et du
conseil départemental d’hygiène rendus respectivement le 12 novembre 1999 et le 5 février
2002, a refusé cette autorisation par décision du 11 avril 2002 au motif que les bâtiments
existants sont implantés à une distance de 70 mètres des habitations ou locaux habituellement
occupés par des tiers alors que l’arrêté du 13 juin 1994 prévoit une distance de 100 mètres.
La EARL FRITSCH JEAN-MARIE a saisi le juge, entre autres, au motif que l’arrêté était
entaché d’une erreur de droit dans la mesure où la distance de 100 mètres ne s’appliquait qu’aux
nouveaux bâtiments mais non aux anciens.
Le Tribunal a estimé que si l’exploitation de la EARL FRITSCH JEAN-MARIE était soumise
pour son fonctionnement actuel au régime de la déclaration de l’article L. 512-8 du code de
40
l’environnement, elle était une installation existante au sens des dispositions de l’article 2 de
l’arrêté du 13 juin 1994. En conséquence la distance de 100 mètres requise par les dispositions
de l’article 4 de cet arrêté entre les bâtiments et les locaux habituellement occupés par les tiers
ne s’appliquait qu’aux nouveaux bâtiments. Or il n’était pas contesté que les bâtiments que
projète de construire la requérante seraient implantés à une distance conforme à cette exigence.
La décision du préfet de refus d’autorisation de l’extension a donc été annulée sur le motif de
l’erreur de droit. L’autorisation a été délivrée à la requérante par le Tribunal et injonction a été
faite au préfet de prendre un arrêté contenant les prescriptions destinées à limiter l’impact de
l’installation sur l’environnement telles qu’elles résultaient de l’étude d'
impact annexée à
l’enquête publique.
EARL FRITSCH JEAN-MARIE c/ préfet de la Moselle, chambre IV, 3 octobre 2005,
n° 0202033 (M. Pruvost, pdt., M. Simon, rapp., M. Lombard, c. du g).
PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA FLORE
Par arrêté du 30 juillet 2004 le ministre de l'
écologie et du développement durable a classé en
site Natura 2000, zone de protection spéciale, un espace délimité sous l’appellation Ried de
Colmar à Sélestat. Ce classement était justifié par une liste de 19 espèces d’oiseaux au titre du
1er alinéa du II de l’article L. 414-1 du code de l’environnement et une liste de 35 espèces
d’oiseaux au titre de 2ème alinéa de cet article. Cet arrêté avait été pris après consultation des
collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale concernées
par le zonage conformément à l’article R. 214-18 du code de l’environnement.
L’arrêté était attaqué devant le tribunal, en particulier, au motif que la consultation des
collectivités territoriales n’avait pas été faite conformément au code de l’environnement.
Le juge a estimé qu’il ressortait des pièces du dossier que cette consultation portait sur un
document détaillant que 8 espèces d’oiseaux susceptibles, il est vrai, de justifier, à elles seules,
le périmètre de ladite zone, alors que l’arrêté se fondait sur 54 espèces. En outre, aucun élément
ni comptage d’oiseaux relatif à la pertinence du périmètre de la zone retenue pour protection des
espèces d’oiseaux figurant dans la liste de l’arrêté attaqué ne figurait dans les documents soumis
aux collectivités . Dès lors le Tribunal a jugé que cette consultation, qui ne permettait pas aux
collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale de rendre
un avis en toute connaissance, ne répondait pas aux exigences de l’article R. 214-18 du code de
l’environnement et a annulé l’arrêté du 30 juillet 2004.
M. et Mme. ROLLI et autres c/ le ministre de l'écologie et du développement durable,
chambre IV, 10 novembre 2005, 0404911 (M. Pruvost, pdt., M. Simon, rapp., M. Lombard, c.
du g).
41
RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE
Responsabilité et illégalité, Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique,
Refus d’autorisation d’absence à un sous-officier de carrière convoqué aux épreuves d’un
examen, Faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Caractère direct du préjudice,
Préjudice résultant de la perte d’une chance de participer à un examen, Candidat ne s’étant pas
inscrit à l’examen organisé l’année suivante, Préjudice limité à la période comprise entre les
deux examens. Réparation, Préjudice, Evaluation du préjudice, Troubles dans les conditions
d’existence, Troubles de toute nature subis du fait de s’être vu injustement privé d’une
perspective de reconversion après avoir consacré son temps et ses efforts à la préparation d’un
examen.
M. MONPETIT, sous-officier de carrière de l’armée de terre, a demandé, après quinze années
de service, à bénéficier d’un emploi réservé au titre de l’article L. 397 du code des pensions
militaires d’invalidité et des victimes de la guerre afin d’accéder à un poste de technicien
supérieur des services du ministère de l’agriculture. Appelé par ailleurs à suivre dans le cadre de
son activité militaire une formation de six semaines à l’école supérieure et d’application du
matériel de Bourges, l’intéressé a, au reçu de la convocation aux épreuves écrites
d’admissibilité de l’examen d’aptitude technique spéciale ouvert aux bénéficiaires de la
législation sur les emplois réservés, présenté une demande d’autorisation d’absence pour le 27
février 2003. Cette autorisation lui ayant été refusée, M. MONPETIT n’a pu se rendre aux
épreuves. Estimant avoir perdu une chance sérieuse de réussir cet examen, il a demandé la
condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 247 632 euros en réparation de son préjudice
financier et des troubles dans ses conditions d’existence.
1/ Sur la responsabilité de l’Etat :
Le Tribunal s’est d’abord fondé sur les dispositions de l’article 19 du décret du 28 juillet 1975
susvisé portant règlement de discipline générale dans les armées, aux termes desquelles : « 1 –
Compte tenu des nécessités du service, les militaires peuvent bénéficier : De permissions de
courte durée n’excédant pas soixante-douze heures ; D’autorisations d’absence du service d’une
durée inférieure à vingt-quatre heures ; » pour estimer que les seuls éléments d’appréciation à
prendre en compte par l’administration lorsqu’elle se prononce sur une demande d’autorisation
d’absence momentanée du service sont ceux tirés des nécessités du service.
L’autorisation sollicitée a été refusée par le directeur de la formation au motif qu’il n’entendait
pas accorder une telle autorisation d’absence à un sous-officier exprimant le désir de quitter
l’armée.
Le Tribunal a jugé qu’un tel motif n’est pas au nombre de ceux susceptibles de fonder
légalement un refus d’autorisation d’absence d’une journée. Il a relevé que les pièces du
dossier, faisant apparaître que le directeur du stage, le chef de cours et le commandant de la
division technique d’électronique d’armement, supérieur hiérarchique de l’intéressé, avaient
émis un avis favorable à sa demande, ces deux dernières personnes soulignant expressément
que la récupération des heures de cours perdues pouvait être envisagée, contredisaient
l’argumentation du ministre de la défense selon laquelle l’intérêt du service commandait que
M. MONPETIT suive en totalité la formation qu’il accomplissait, compte tenu de son caractère
indispensable pour son régiment. Le Tribunal n’a pas non plus été convaincu par l’argument
que l’administration a cru pouvoir tirer du fait que le stage de six semaines auquel participait
M. MONPETIT comportait deux sessions ultérieures et qu’en connaissance de la date des
épreuves écrites, qui coïncidait avec la première session du stage, l’intéressé aurait pu différer
son inscription à ce stage pour pouvoir participer auxdites épreuves.
42
Il en a conclu que M. MONPETIT était fondé à soutenir que le refus d’autorisation d’absence
qui lui avait été opposé était constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de
l’Etat, le ministre de la défense ne pouvant par ailleurs sérieusement soutenir que ce refus
constituerait une simple mesure d’ordre intérieur insusceptible de servir de fondement à une
demande de dommages-intérêts.
2/ Sur le préjudice :
M. MONPETIT soutenait avoir perdu une chance sérieuse de réussir à l’examen en cause dès
lors qu’il avait obtenu à la session 2001 du concours externe donnant accès aux mêmes
fonctions une moyenne de 67/140 sans s’y être préparé et que cet examen n’avait réuni que
deux candidats, dont lui-même, pour six postes offerts.
Le ministre de la défense faisait valoir que l’administration détermine librement le seuil
d’admissibilité, qui était notamment fixé à 94/140 pour le concours externe de la session 2001.
Le Tribunal a jugé qu’il n’était pas établi ni même allégué qu’alors même que les épreuves du
concours externe et de l’examen d’aptitude technique spéciale propre aux emplois réservés pour
l’accès à l’emploi de technicien supérieur des services du ministère de l’agriculture étaient
identiques, le jury n’aurait pas fixé un seuil d’admissibilité sensiblement inférieur et plus proche
de la moyenne de 10 sur 20 fixée par le règlement de cet examen, compte tenu, d’une part, du
faible nombre de candidats, d’autre part, de la nature même d’examen au titre des emplois
réservés.
Il en a tiré la conséquence, qu’eu égard aux notes obtenues à la session de 2001, aux notes
honorables obtenues en 2001 et 2002 à l’admissibilité et à l’admission au concours d’officier
d’active des écoles d’armes préparé en 2001, 2002 et 2003, et à la circonstance que le requérant
prouvait indirectement s’être spécialement préparé à l’examen en cause en produisant divers
documents attestant, d’une part, de son intention d’intégrer la fonction publique, d’autre part, de
ses qualités professionnelles reconnues par ses supérieurs hiérarchiques, M. MONPETIT devait
être regardé en l’espèce comme ayant perdu une chance sérieuse d’être reçu à cet examen.
Il a cependant observé que M. MONPETIT ne s’était pas représenté à la session 2004 de
l’examen donnant accès à l’emploi brigué alors même qu’un dossier de candidature aux emplois
réservés ayant une durée de validité de deux ans, l’intéressé était en mesure de se représenter
sans avoir à renouveler les différentes démarches nécessaires à la constitution de son dossier de
candidature. L’intéressé n’avait pas non plus établi, alors surtout qu’il s’était représenté à la
session 2004 du concours d’officier d’active des écoles d’armes, à l’issue de laquelle il avait
d’ailleurs été déclaré admissible, avoir été mis dans l’impossibilité pour des raisons familiales
de préparer à nouveau l’examen d’aptitude technique spéciale à l’emploi de technicien
supérieur des services du ministère de l’agriculture. Ainsi seul le préjudice subi au titre de la
période séparant la publication des résultats de la session 2003 et celle des résultats de la
session suivante présentait un lien direct de causalité avec la faute de l’administration.
Le Tribunal a estimé le préjudice financier subi du fait de la perte de chance sérieuse de réussir
l’examen en cause, eu égard aux éléments fournis par l’intéressé concernant la différence entre
le traitement et les indemnités afférentes à l’emploi brigué et la solde perçue en tant qu’adjudant
de l’armée de terre, ainsi que le montant brut de la pension militaire qu’il aurait perçue,
cumulable avec un traitement d’activité, à la somme de 7 000 euros.
43
Il a en outre évalué à la somme de 3 000 euros les troubles de toute nature subis par le requérant
dans ses conditions d’existence du fait de s’être vu injustement privé d’une perspective de
reconversion raisonnablement envisageable dès 2003 alors qu’il avait consacré son temps et ses
efforts à la préparation de l’examen en cause.
M. Romuald MONPETIT c/ Ministre de la défense, chambre III, juge statuant seul, 3 octobre
2005, n° 0302680 (M. Vincent, rapp., M. Michel, c. du g, conclusions publiées dans le présent
courrier).
TRANSPORTS
TRANSPORTS ROUTIERS
Sanction – Contrôle du juge de l’excès de pouvoir – Appréciations soumises à un contrôle
normal.
En application des dispositions prévues par l’article 37 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre
1982 modifiée d’orientation des transports intérieurs, le préfet de la région Alsace a, par un
arrêté du 17 novembre 2003 pris après avis de la commission des sanctions administratives du
comité régional des transports d’Alsace, retiré à la société d’exploitation des TPS JUNG cinq
copies conformes de la licence communautaire détenue par celle-ci, pour une durée de six mois.
Si certains des délits relevés à son encontre par l’inspection du travail des transports du BasRhin ne pouvaient être retenus à l’appui de la décision contestée, les faits reprochés étant
entachés d’inexactitude matérielle, le préfet aurait prononcé la même sanction en se fondant
seulement sur les faits constitutifs d’infraction aux dispositions relatives aux conditions de
travail et à la sécurité, lesquels ont été régulièrement retenus (dix infractions à l’article R. 24148-I du code du travail imposant un examen médical avant l’embauchage ou au plus tard avant
l’expiration de la période d’essai des personnels recrutés, et infractions à la réglementation
sociale européenne constituées du délit de travail illégal par dissimulation d’emploi salarié). Eu
égard à la nature des infractions relevées à son encontre, la décision du préfet de région n’est
entachée d’aucune erreur d’appréciation.
Société d’exploitation des TPS JUNG, chambre II, 4 octobre 2005, n° 0400095 (M. Rouvière,
pdt., Mme Blin, rapp., M. Richard, c. du g).
44
TRAVAIL ET EMPLOI
Médecine du travail - agrément et approbation de la compétence géographique et
professionnelle d’un service de santé au travail - agrément sous condition.
Aux termes de l’article R.241-21 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : « Les
décisions fixant la compétence géographique et professionnelle d'
un service de santé au travail
ainsi que leurs modifications doivent, avant d'
être mises en application, être approuvées par le
ou les directeurs régionaux du travail, de l'
emploi et de la formation professionnelle, après avis
du ou des médecins-inspecteurs régionaux du travail et de la main-d’œuvre. Lorsque le service
de santé au travail est organisé en secteurs médicaux tels que définis à l'
article R. 241-13,
chaque secteur médical fait l'
objet d'
un agrément par période de cinq années par le directeur
régional du travail, de l'
emploi et de la formation professionnelle, après avis du médecininspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre. Les approbations et agréments prévus aux
deux alinéas précédents ne peuvent être refusés que pour des motifs tirés des besoins en
médecine du travail ou de la non-conformité aux prescriptions du présent titre. Les demandes
d'
approbation, d'
agrément ou de renouvellement d'
agrément sont accompagnées d'
un dossier
dont les éléments sont fixés par arrêté du ministre chargé du travail. Lorsque le directeur
régional du travail, de l'
emploi et de la formation professionnelle constate que les conditions de
fonctionnement du secteur médical ne satisfont pas aux obligations résultant des prescriptions
du présent titre, il peut, après avis du médecin inspecteur régional du travail et de la maind’œuvre, et sous réserve d'
un engagement précis et daté de mise en conformité de la part du
service de santé au travail, mettre fin à l'
agrément précédemment accordé et délivrer un
agrément pour une durée maximale d'
un an, non renouvelable. Si, à l'
issue de cette période, le
service de santé au travail satisfait à ces obligations, l'
agrément lui est accordé pour cinq ans.
Tout refus d'
approbation ou d'
agrément doit être motivé. Le silence gardé pendant plus de
quatre mois sur une demande d'
approbation, d'
agrément ou de renouvellement d'
agrément vaut
décision de rejet. Le silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre chargé du travail
saisi d'
un recours hiérarchique sur une décision prise en application du présent article vaut
décision de rejet. » . L’article R.241-23 du même code prévoit : « Lorsque sont constatées des
infractions au présent titre, le directeur régional du travail et de l'
emploi peut, après avis du
médecin-inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre, modifier ou retirer, par une
décision motivée, l'
approbation ou l'
agrément donnés en application de l'
article R. 241-21./ Ces
mesures ne peuvent intervenir que lorsque le président du service médical interentreprises aura
été invité par lettre recommandée avec demande d'
avis de réception à faire cesser l'
infraction
dans un délai fixé par le directeur régional à six mois au maximum et n'
aura pas accompli dans
ce délai les diligences nécessaires ».
Le directeur régional du travail, de l'
emploi et de la formation professionnelle d'
Alsace a décidé
d’approuver la compétence géographique et professionnelle de l’association interentreprises de
médecine du travail du Bas-Rhin et d’agréer les secteurs médicaux proposés par cette
association pour une durée limitée sous condition de satisfaire à des prescriptions définies à
l’article 2 de chacune des décisions d’agrément. Les décisions cessaient de produire
automatiquement effet à une date déterminée en cas de non-respect par l’association des
prescriptions susmentionnées.
45
Il résulte des dispositions précitées du code du travail, que l’administration ne peut légalement
approuver la compétence géographique et professionnelle d'
un service de santé au travail, ni
agréer ses secteurs médicaux pour une période temporaire inférieure à cinq ans, sous conditions
de satisfaire à certaines prescriptions. Il s’ensuit que l’administration, en accordant pour une
durée inférieure à cinq ans sous conditions les décisions susmentionnées à l’association
requérante, a commis une erreur de droit.
Association interentreprises de médecine du travail du Bas-Rhin, chambre V, 6 septembre
2005, n° 033445 (M. Bocquet, pdt., M. Carrier, rapp., Mme Bonifacj, c. du g).
URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
AUTORISATION D’URBANISME COMMERCIAL
Procédure, Recours administratif préalable devant la Commission nationale d’équipement
commercial, Absence.
La SOCIETE BRICORAMA contestait la décision, en date du 15 septembre 2004, par laquelle
la commission départementale d’équipement commercial du Haut-Rhin avait accordé à la SA
Leroy Merlin France et à la SA L’Immobilière Leroy Merlin l’autorisation en vue de créer un
magasin de bricolage de 10 000 m² de surface totale de vente sur le territoire de la commune de
Morschwiller-le-Bas ;
Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires organisent une procédure obligatoire de
recours administratif préalable à l’intervention d’une juridiction, le respect de cette procédure
s’impose à peine d’irrecevabilité du recours contentieux à toute personne justifiant d’un intérêt
lui donnant qualité pour introduire ce recours contentieux. Il en va ainsi même dans le cas où les
dispositions régissant la procédure de recours administratif préalable, dans l’énumération
qu’elles donnent des personnes susceptibles de le former, auraient omis de faire figurer toute
autre personne justifiant d’un intérêt suffisant pour l’exercer. Or, il résulte des dispositions de
l’article L. 720-10 du code de commerce que tout recours formé contre une décision prise par
une commission départementale d’équipement commercial doit être présentée à la commission
nationale d’équipement commercial. En conséquence, une telle décision ne peut faire l’objet
d’un recours direct pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative. Cette exigence
s’impose non seulement au préfet, au demandeur ainsi qu’aux membres de la commission mais
également à tout tiers justifiant d’un intérêt suffisant pour contester la légalité de la décision
prise par le conseil départemental. En l’espèce, il n’était pas contesté que la requête n’avait pas
été précédée d’un recours préalable auprès de la commission nationale. Irrecevabilité de la
requête.
Le tribunal a fait application de l’arrêt du Conseil d’Etat du 28/09/05, Louis, à publier au
Lebon, relatif à un recours formé par un praticien contre une décision prise par un conseil
départemental de l’ordre des médecins statuant en matière d’inscription au tableau.
Société Bricorama France, chambre II, 6 décembre 2005, n° 0404954 (M. Rouvière, pdt.,
Mme Blin, rapp., M. Richard, c. du g).
46
CONCLUSIONS DES COMMISSAIRES
DU GOUVERNEMENT
47
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CONCLUSIONS
prononcées par M. Alexandre LOMBARD
Dans l’affaire « Foucault et Masius »
à l’audience du 8 septembre 2005
MM. Foucault et Masius sont conseillers municipaux d'
opposition à Metz, mais n'
appartiennent
à aucun groupe d'
élus constitué en application des dispositions de l'
article L. 2121-28 du code
général des collectivités territoriales. Par courrier en date du 5 septembre 2004, ils ont sollicité
du maire de Metz :
- la possibilité de s'
exprimer dans le bulletin municipal « Vivre à Metz » du mois
d'
octobre 2004 et dans ceux des mois suivants ;
- la possibilité de se réunir dans un local de la mairie pour préparer les réunions du
conseil municipal ;
- la possibilité de disposer d'
une salle municipale ou d'
une salle associative liée à la
municipalité pour organiser une, je cite, « réunion municipale d'
information en novembre 2004
pour les habitants de la ville de Metz [...] présidée par Mme Zimerman et M. Masson ».
Par un courrier en date du 30 septembre 2004, le maire de Metz a répondu à ces 3 demandes en
indiquant :
- pour la demande d'
expression dans le bulletin municipal, qu'
une modification des
dispositions du règlement intérieur, qui l'
interdisait alors, serait envisagée au cours de la réunion
du mois d'
octobre 2004 (mais, si un projet de délibération a été déposé à cette date, il n'
a
néanmoins pas été délibéré) ;
- pour la demande de local, que les services de la mairie étaient à leur disposition pour
répondre à leur demande ;
- pour la demande d'
une salle de réunion, que celle-ci n'
était pas possible dans la mesure
où ces salles étaient réservées aux seuls candidats officiels à une élection ou membre des
groupes politiques de l'
assemblée municipale officiellement constitués.
En conséquence, les requérants demandent :
- d'
annuler le refus de les autoriser à s'
exprimer dans le bulletin municipal et de
condamner le maire de Metz à leur accorder une surface d’expression correspondant à ce qui
leur a été refusé auparavant ;
- d'
annuler le refus de mettre à leur disposition un local ;
- d'
annuler le refus de les autoriser à louer une salle municipale ou para municipale pour
l'
organisation d'
une réunion publique au cours du dernier trimestre 2004 ;
- de mettre à la charge de la ville de Metz une somme de 1500 EUR au titre des frais de
l'
instance.
En défense, la ville de Metz conclut au rejet de la requête et à ce qu'
il soit mis à la charge des
requérants la somme de 1 000 EUR au titre des frais de l'
instance.
48
I.
Ce dossier pose d'abord une question de recevabilité.
En effet, les conclusions à fin d'
annulation du refus de mis à disposition d'
un local pour préparer
les réunions du conseil municipal ne nous paraissent pas recevables, pour une raison simple,
c'
est qu'
une telle décision ne semble pas exister au dossier.
Au contraire, les pièces du dossier font apparaître, qu'
à la suite de leur demande, les requérants
ont obtenu la possibilité de bénéficier d'
un tel local, sous réserve de contacter la direction
générale des services de la mairie de Metz.
Or, les requérants admettent dans leurs développements ne pas avoir donné suite dans
l'
immédiat à leur demande, dans la mesure où le local qui leur était proposé par les services se
trouvait hors du bâtiment dans lequel les groupes politiques du conseil municipal sont localisés.
Il s'
ensuit qu’il n'
existe aucune décision de refus du maire de Metz sur ce point. Or, votre
tribunal ne peut être saisi que par la voie d'
un recours formé contre une décision et c'
est aux
requérants, lorsque cette décision n'
existe pas, d'
en provoquer l'
intervention.
En réalité, les pièces du dossier font clairement apparaître que la seule décision qui existe est
une décision d'
acceptation de la demande. Il ne nous semble pas, dès lors, qu’il s’agisse ici
d’une irrecevabilité susceptible de régularisation en cours d’instance, supposant une mise en
demeure du tribunal avant d’être soulevée.
II.
Le dossier pose ensuite une question relative au non-lieu à statuer concernant les
conclusions à fin d'annulation du refus d’autoriser les requérants à s’exprimer
dans le bulletin municipal.
En effet, par une délibération en date du 24 février 2005, le conseil municipal a finalement, sous
la pression du présent recours, modifié son règlement intérieur pour le mettre en conformité
avec des dispositions de l'
article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales et
permettre à l'
ensemble des élus municipaux, y compris ceux n'
appartenant à aucun groupe
constitué, de disposer d'
un espace d'
expression dans le bulletin municipal.
Cette délibération n'
a pour effet que d'
abroger le refus contesté qui a produit ses effets
antérieurement, notamment lors de l'
édition du bulletin municipal d'
octobre 2004. La production
de tels effets, limités car non rétroactifs, justifie que votre tribunal ait à statuer et se prononce
sur la légalité du refus litigieux (voir l’arrêt CE du 19 avril 2000, Borusz, n° 207469, page 157,
qui prévoit que « dans le cas où l’administration se borne à procéder à l’abrogation de l’acte
attaqué, cette circonstance prive d’objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition
que cet acte n’ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la
décision procédant à son abrogation soit devenue définitive » ; l’intervention ultérieure à cet
arrêt de la jurisprudence Confédération nationale des syndicats dentaires du 30 décembre 2002,
n° 238032, publié au Tables, ne change pas cette solution, dans la mesure où, s’il permet le nonlieu à statuer après une abrogation devenue définitive alors même que l’acte attaqué a reçu
exécution pendant la période où il était en vigueur, il vise le cas particulier des refus
d’abrogation de décisions réglementaires, abrogation qui obéit à un régime spécifique comme le
rappelait alors le commissaire du gouvernement). Il n’y a, dès lors, pas non-lieu à statuer, même
si, dans le cas présent, l'
annulation de la décision de refus n'
aura que peu d'
intérêt pratique.
49
Vous pourrez, en conséquence, sans difficulté annuler la décision litigieuse dans la mesure où
elle méconnaît directement les dispositions de l'
article L. 2121-27-1 du code général des
collectivités territoriales qui prévoient simplement qu'
un espace est réservé dans le bulletin
municipal à l'
expression des conseillers n'
appartenant pas la majorité municipale, sans
distinguer selon qu'
ils appartiennent ou non à des groupes d'
élus constitués.
Le maire de Metz ne pouvait à ce titre opposer les dispositions du règlement intérieur en
contradiction avec cet article et était tenu de faire droit à la demande des requérants sans même
avoir besoin de modifier au préalable de telles dispositions illégales pour en écarter
l’application.
Une telle annulation ne saurait cependant impliquer nécessairement, comme cela est demandé,
qu’il soit enjoint à la ville de Metz d’accorder aux requérants une surface d’expression
correspondant à ce qui leur a été refusé auparavant.
III.
Restent, au fond, les conclusions à fin d'annulation du refus de salle de réunion.
Soulignons d’abord, sur ce point, qu’il n’y a, ici, aucune cause de non-lieu, dans la mesure où,
contrairement au cas de refus examiné auparavant, la délibération produite par le maire de Metz
en date du 27 février 2005, qui a pour objet de modifier le règlement intérieur et d'
élargir les
possibilités d'
utilisation des salles communales, n'
entraîne pas le retrait du refus contesté.
Il convient de souligner, par ailleurs, que les nouveaux critères établis ne permettent pas plus
aux requérants d'
obtenir gain de cause.
Les requérants vous demandent l’annulation de ce refus en invoquant plusieurs moyens.
Ils estiment, d'
abord, que ce refus méconnaît les dispositions de l'
article L. 2143-3 du code
général des collectivités territoriales qui prévoient que des locaux communaux peuvent être
utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande.
Ils soutiennent, ensuite, que la délibération du conseil municipal du 27 mai 2004 réservant la
possibilité d'
organiser des réunions périodiques dans des salles communales aux groupes
constitués du conseil municipal et sur laquelle le maire de Metz fonde son refus, est illégale en
ce qu’elle crée une discrimination entre les conseillers municipaux, selon qu'
ils appartiennent ou
non à un groupe constitué, voire une discrimination entre eux et l'
ensemble des autres citoyens.
Ils soutiennent, enfin, que ce refus porte atteinte à la liberté de réunion.
Le refus en cause nous semble certainement illégal. Mais, vous pouvez hésiter sur le fondement
juridique de votre décision annulant un tel refus. Vous pouvez, en premier lieu, sur les
dispositions de l'
article précité L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, vous
fonder sur une vision large des notions d'
association, de syndicat et de parti politique.
À ce titre, il convient de souligner, d'
une part, qu'
il n'
y a pas de définition légale du parti
politique et, d'
autre part, qu'
il est assez aisé de considérer, dans les circonstances de l'
espèce,
que MM. Thomas et Masius constituent un groupement politique ou une association de fait.
50
Mais, d'
un autre côté, rien n'
empêche les requérants de créer une association pour pouvoir
obtenir gain de cause sur ce terrain. Surtout, la possibilité, pour le maire, d'
autoriser, à titre
gratuit ou non, l'
occupation de salle municipale pour l'
organisation de réunions, à caractère
politique ou non, existe indépendamment de la loi.
L'
article en cause du code général des collectivités territoriales ne vient que consacrer, pour
certaines catégories de personnes, cette possibilité.
Vous pourriez, en second lieu, vous fonder sur la délibération du 27 mai 2004, qui prévoit la
possibilité d’autoriser l’occupation de salle municipale pour l’organisation de réunions par les
groupes d’élus constitués au sein du conseil municipal, pour annuler le refus contesté.
En effet, il nous semble qu'
il n'
est pas difficile de voir dans cette délibération une discrimination
illégale entre les élus selon qu'
ils appartiennent ou non à un groupe constitué. Car rien ne nous
semble justifier, au même titre que pour l'
expression dans le bulletin municipal, une telle
différence de traitement.
La différence des situations dans lesquelles se trouvent les élus appartenant à un groupe
constitué et les autres peut justifier une différence de traitement dans la priorité et la fréquence
auxquelles ces salles peuvent être octroyées. Mais, en aucune façon, elle ne peut justifier une
différence de traitement quant à l'
autorisation même de solliciter de telles salles de réunion.
Sur ce fondement, vous pourriez annuler le refus en tant qu’il est fondé sur une délibération
illégale pour méconnaissance du principe d'
égalité.
Mais, il nous semble qu'
il existe un fondement beaucoup plus simple et plus pertinent à
l'
annulation de ce refus.
En effet, s'
il est toujours possible de refuser l'
occupation d'
une dépendance du domaine public à
celui qui en fait la demande, encore faut-il que le motif invoqué ne soit pas erroné en droit ni en
fait.
Or, au cas d’espèce, le refus du 30 septembre 2005 est illégal, d'
une part, parce qu'
il repose sur
un motif qui est faux (en effet, la délibération du 27 mai 2004 si elle prévoit la possibilité pour
les groupes d'
élus constitués de bénéficier gratuitement de salles de réunion dans des quartiers
chaque trimestre, ne réserve pas à cette catégorie d'
usagers l'
utilisation des salles communales
pour des réunions publiques à finalité politique) et, d'
autre part, parce que ce motif n'
est pas un
motif légal de refus d'
utilisation de toute salle communale, puisqu'
il n'
est motivé, ni par les
nécessités de l'
administration des propriétés communales, ni par les nécessités du maintien de
l'
ordre public, ni par toute autre considération d'
intérêt général (voir, en ce sens, CE 8 juillet
1970, commune de l'
Hermitage, nº 77765, classé en A ; 21 mars 1979, commune de Tourrettessur-Loup, nº 07117, classé en B).
Ces motifs légaux de refus consacrés par la jurisprudence sont d'
ailleurs ceux qui sont rappelés
dans le texte de l'
article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales.
51
IV.
Enfin, concernant les conclusions relatives aux frais de l'instance, si vous deviez
rejeter celles de la commune de Metz, partie perdante à cette instance, vous
rejetterez également celle des requérants, dans la mesure où, n'étant pas défendus
par un avocat, ils ne justifient pas des frais engagés dans la présente instance,
quand bien même il est possible d’imaginer sans peine le temps qu'il leur a fallu
consacrer à leur requête.
Par ces motifs, nous concluons :
- à l'
annulation du refus du maire de Metz d'
autoriser l'
utilisation d'
une salle communale
pour l'
organisation d'
une réunion publique par MM. Foucault et Masius ;
- à l'
annulation du refus d'
expression dans le bulletin municipal ;
- au rejet du surplus les conclusions ;
- au rejet des conclusions de la ville de Metz au titre des frais d'
instance.
52
CONCLUSIONS
prononcées par M.Georges GUIDAL
dans les affaires SA SEEGMULLER, SA SAMAT EST, SA FM LOGISTIC
à l’audience du 6 octobre 2005
Les dispositions des articles 266-1-h et 273 ter du code général des impôts, en vigueur jusqu'
à
leur abrogation par le I de l'
article 2 de la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du
30 décembre 2000, prévoyaient un régime spécifique de taxe sur la valeur ajoutée consistant à
imposer les concessionnaires d'
autoroutes sur la seule fraction des péages conservée en
rémunération des prestations de construction et de gestion des autoroutes rendues à l'
Etat et,
corrélativement, à interdire la déduction par ces concessionnaires de la taxe afférente aux
travaux de construction et aux grosses réparations des ouvrages concédés. Par une décision du
12 septembre 2000, Commission c/ France, la Cour de justice des Communautés européennes a
jugé ces dispositions non conformes aux objectifs poursuivis par les articles 2 et 4 de la sixième
directive du 17 mai 1977. La Cour a considéré qu’il résultait de ces dernières dispositions que
les péages perçus par les sociétés concessionnaires d'
autoroutes constituaient la contrepartie
directe des prestations fournies par ces sociétés aux usagers de ces ouvrages et devaient être
regardés non pas comme des recettes fiscales mais comme le prix d'
une prestation de services
soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
Cet arrêt condamnait le système français, dans lequel les péages n’étaient pas soumis à la TVA,
motif pris de ce que l’activité de construction puis d’exploitation des ouvrages moyennant la
perception de péages étaient exercés dans le cadre d’un mandat pour le compte de l’Etat.
Prenant acte de cette décision, le parlement, sur proposition du gouvernement, a modifié les
dispositions alors en vigueur du CGI, pour assujettir à la TVA les péages autoroutiers à compter
du 1er janvier 2001, tout en adoptant pour les exploitants d’infrastructures autoroutières un
dispositif spécifique. Ainsi le I de l’article 2 de la loi de finances rectificative du 30 décembre
2000 a abrogé, à compter du 1er janvier 2001, les dispositions du 1-h de l’article 266 du code
général des impôts et celles de l’article 273 ter. Le VII du même article dispose : "Les
exploitants d'ouvrages de circulation routière dont les péages sont soumis à la taxe sur la
valeur ajoutée peuvent formuler des réclamations contentieuses tendant à l'exercice du droit à
déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant, le cas échéant, grevé à titre définitif les
travaux de construction et de grosses réparations qu'ils ont réalisés à compter du
1er janvier 1996 au titre d'ouvrages mis en service avant le 12 septembre 2000./ Le montant
restitué est égal à l'excédent de la taxe sur la valeur ajoutée qui a ainsi grevé les travaux sur la
taxe sur la valeur ajoutée afférente aux péages qui n'a pas été acquittée du 1er janvier 1996 au
11 septembre 2000".
53
Après s’être livré à un calcul rapide la plupart des exploitants d’ouvrages ont renoncé à
demander la déduction de la TVA qu’ils avaient acquittée sauf deux : la société des autoroutes
Paris Normandie et la société Française du tunnel routier de Fréjus.
Le système repose donc sur l’idée selon laquelle l’arrêt de la CJCE a révélé l’assujettissement à
la TVA des sociétés concessionnaires d’autoroute qui, s’il n’était pas prévu par la législation
nationale, n’en découlait pas mois de la 6ème directive.
Par une instruction du 27 février 2001, publiée au bulletin officiel des impôts (3 A-4-01) du
16 mars 2001, le secrétaire d’Etat au budget a précisé les modalités de mise en œuvre de ces
dispositions applicables aux exploitants d’ouvrages de circulation routière à péage, ainsi que les
conditions dans lesquelles les usagers des ouvrages de circulation routière pourraient exercer
leur droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les péages acquittés à compter
du 1er janvier 2001. Cette instruction ne comporte, par contre, aucune prescription relative à
l'
exercice par les usagers de ce droit à déduction au titre de la période antérieure.
Cependant comme l’a jugé le Conseil d’Etat dans une décision de section du 14 décembre 1979,
Comité de propagande de la banane (GAJF, n° 42, p 686), un assujetti qui facture une prestation
ou la livraison d’un bien sans mentionner le montant de la taxe doit être réputé avoir émis une
facture TTC, si bien que le prix facturé comprend la TVA. C’est ce que les fiscalistes désignent
dans leur jargon sous l’expression « TVA en dedans », par opposition à la « TVA en dehors »,
qui est celle que l’on ajoute à un prix calculé hors taxe.
Le mécanisme ainsi mis en place ne pouvait, dans ces conditions, qu’éveiller l’attention de
certains usagers et notamment les transporteurs routiers. Par l’intermédiaire de leur fédération
nationale ils se sont inquiétés de savoir s’ils pouvaient prétendre à la restitution de la TVA qui
avait grevé les péages qu’ils avaient acquittés avant le 1er janvier 2001. Par un courrier du
27 février 2001, le secrétaire d'
Etat au budget a répondu au délégué général de la fédération
nationale des transports routiers, pour lui signifier que les principes régissant la TVA et les
règles du contentieux de l’impôt s’opposaient à ce qu’un redevable obtienne la restitution d’une
taxe à laquelle les services qu’il a utilisés n’avaient pas été soumis. Les prescriptions de ce
courrier viennent d’être annulées par le Conseil d’Etat dans une décision du 29 juin 2005 SA
établissements LOUIS MAZET et autres.
C’est dans ce contexte que vous êtes saisi par trois sociétés, la société Seegmuller International,
la Samat Est et la FM Logistic, toutes trois ayant pour activité le transport routier de
marchandises, de requêtes tendant à obtenir la restitution de la TVA qu’elle estime contenue
dans le prix des péages autoroutiers qu’elles ont acquittés du 1er janvier 1996 au 31 décembre
2000.
Nous examinerons successivement ces trois requêtes en restitution de la TVA, étant précisé que
celles présentées pour les sociétés Samat Est et FM Logistic, qui sont représentées par le cabinet
d’avocat Francis Levebre, le sont en des termes identiques.
Précisons d’abord que l’arrêt de la Cour Commission c/ France du 12 septembre 2000 doit être
regardé sans aucun doute comme un événement au sens de l’article R 196-1 c) du Livre des
procédures fiscales (LPF) qui rouvre le délai de réclamation (Voyez sur ce point, par analogie
avec l’arrêt de la CJCE Ampafrance SA du 19 septembre 2000 : CAA paris 5 décembre 2003
Association Comité Colbert, RJF 2004, n° 244, ainsi que l’analyse de Laurent Olléon dans sa
chronique à la RJF 2002, « Clause de gel et TVA sur les frais de représentation… », p. 650).
54
Les réclamations des trois sociétés requérantes ont en l’espèce été reçues par les services
fiscaux dans le délai de réclamation du c) de l’article R 196-1, lequel permet la présentation
d’une réclamation au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la
réalisation de l’évènement qui motive la réclamation.
L’arrêt de la CJCE doit être également regardé comme une décision juridictionnelle révélant la
non-conformité de la règle française avec la législation communautaire au sens de l’article L
190 du LPF. Le 3ème alinéa de cet article prévoit que dans ce cas, l’action en paiement des droits
à déduction non exercés ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la 4ème
année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. La réclamation
peut donc valablement porter sur la déduction de la TVA acquittée sur les dépenses exposées à
partir du 1er janvier 1996, ce qui est le cas en l’espèce pour les trois requêtes présentées.
A) La requête présentée par la société Seegmuller International (0201130)
La société, se fondant sur l’arrêt de la CJCE, fait valoir que l’exploitation des infrastructures
autoroutières entre incontestablement dans le champ de la TVA. Elle ajoute que les prix des
péages autoroutiers, pour la période antérieure au 1er janvier 2001, doivent dans ces conditions
être réputés comme incluant la taxe et que cette règle s’applique alors même que les sociétés
concessionnaires d’autoroute ne l’auraient pas facturée de manière distincte ou ne l’aurait pas
acquittée. Elle ajoute que si elle n’a pu obtenir jusqu’à présent la déduction de la TVA cette
situation résulte des dispositions illégales du droit national, alors que le droit à déduction de la
TVA d’amont est une condition essentielle du mécanisme de la TVA.
En défense le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin soutient d’abord que pour obtenir le
remboursement de la taxe il appartient à la société de justifier de factures et dans la mesure où
la taxe n’a pas été facturée, sa récupération rétroactive ne peut s’envisager qu’avec l’émission
de factures rectificatives dans les conditions prévues par l’article 272-1 du CGI. Il fait ensuite
valoir que l’exploitation d’ouvrage de circulation à péages demeure placée en dehors du champ
d’application de la TVA dans tous les cas où cette activité est réalisée par une personne de droit
public agissant en qualité d’autorité publique et qu’il appartient à la société requérante de
démontrer que les exploitants des péages ne se trouveraient pas dans cette situation.
L’administration ajoute enfin que le remboursement reste subordonné à ce que l’exploitant de la
concession autoroutière ait demandé et obtenu par voie de réclamation contentieuse, le droit à
déduction de la taxe ayant grevé les travaux de construction et de grosses réparations des
ouvrages.
1) S’agissant tout d’abord des règles de fond du droit à déduction invoquées par
l’administration :
Au vu du relevé récapitulatif présenté par la société requérante on apprend que celle-ci a
acquitté le prix de péages autoroutiers de 1996 à 2000, auprès des sociétés Cofiroute, SANEF,
ASF, SAPN, ESCOTA, SAPRR, AREA, ATMB, SFTRF.
Précisons tout d’abord qu’il est exact comme l’indique l’administration que la CJCE n’a
condamné la France que pour défaut d’assujettissement des péages autoroutiers lorsque le
service est fourni par un opérateur privé. Elle a par contre admis, contrairement à la thèse de la
Commission, que l’exploitation d’une autoroute à péage par un organisme de droit public
pouvait, si elle était accomplie dans le cadre d’un régime de droit public, se rattacher à l’action
d’une autorité publique et être exonérée de la TVA. Il faut donc en conclure et c’est d’ailleurs la
55
conséquence qu’en a tirée l’administration, que les péages autoroutiers doivent être soumis à la
TVA, à l’exception des péages perçus par des personnes de droit public agissant en qualité
d’autorité publique. Les concessionnaires d’autoroutes étant en France soit des sociétés à
capitaux entièrement privés comme Cofiroute, soit des sociétés d’économie mixte, qui sont des
personnes de droit privé, ce cas devrait rester en pratique exceptionnel.
Dans sa décision du 29 juin 2005 SA établissements LOUIS MAZET et autres le Conseil d’Etat
ne fait aucune référence à cette exception. Il estime que les dispositions des articles 266-1-h et
273 ter du code général des impôts ne sont pas conformes aux objectifs des articles 2 et 4 de la
sixième directive du 17 mai 1977, desquels il résulte que les péages perçus par les sociétés
concessionnaires d'
autoroutes constituent la contrepartie directe des prestations fournies par ces
sociétés aux usagers de ces ouvrages et doivent être regardés non pas comme des recettes
fiscales, mais comme le prix d'
une prestation de services soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
Il en déduit qu'
il y a lieu d'
écarter l'
application de ces dispositions pendant la période antérieure
au 1er janvier 2001. Il en conclut que les péages perçus durant cette période par les sociétés
concessionnaires d'
autoroutes sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des
dispositions générales du I de l'
article 256 du code général des impôts.
En effet contrairement à ce que laisse entendre l’administration, ce n’est pas à compter du 1er
janvier 2001 que les péages autoroutiers ont été soumis à la TVA. Le 1er janvier 2001 est
seulement la date à partir de laquelle le droit positif français s’est trouvé en conformité avec la
6ème directive. L’inconventionnalité révélée par la CJCE n’a pas pour autant créer un vide
juridique : les péages doivent seulement être regardés comme relevant du droit commun en
matière de champ d’application de la TVA et de droit à déduction.
En l’espèce, la société vous donne toutes les précisions utiles sur les péages qu’elle a acquittés.
Nous pensons que c’est à l’administration et non au contribuable d’établir que certains de ces
péages auraient été, le cas échéant, perçus par une personne de droit public agissant en qualité
d’autorité publique. Pour notre part nous n’avons trouvé au dossier aucune indication en ce sens
et à notre connaissance aucun des concessionnaires cités n’est une personne morale de droit
public.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions du VII de l'
article 2 de la loi du
30 décembre 2000 devaient être interprétées d'
une manière compatible avec les dispositions des
articles 2 et 4 de la sixième directive. Il en a déduit que le seul fait que les sociétés
concessionnaires d'
autoroutes n'
auraient pas obtenu, à leur demande, un remboursement de taxe
sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions de la loi du 30 décembre 2000, ne
sauraient faire obstacle à l'
assujettissement des péages à la taxe. Comme le relevait à cet égard,
Laurent Olléon dans ses conclusions, la TVA « en dedans », réputée acquittée par les usagers
des autoroutes n’est pas un élément qui apparaît ou disparaît selon que l’assujetti qui l’a facturé
a, de son côté, demandé ou non la déduction de la TVA qu’il a lui-même exposée.
Sur ce point l’argumentation de l’administration doit également être écartée.
Les péages versés aux sociétés concessionnaires d'
autoroutes, avant le 1er janvier 2001, doivent
donc être regardés comme ayant été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions,
les dispositions de l'
article 271 du code général des impôts ouvrent à la société requérante,
assujettie à cette taxe, le droit de déduire la taxe exigible au titre de ces péages, sous réserve
bien entendu des conditions relatives à l'
exercice du droit à déduction et tenant notamment à la
détention de factures.
56
Son montant doit être déterminé comme on l’a dit dans les conditions prévues aux articles 266
et suivants du code général des impôts. Il résulte de ces dispositions que l'
assiette imposable est
constituée du prix de ces péages, diminué de la taxe exigible.
Précisons également que, contrairement à ce que laisse entendre l’administration, la
circonstance que la taxe sur la valeur ajoutée n'
aurait pas été acquittée par les sociétés
concessionnaires d'
autoroutes au titre des péages perçus avant le 1er janvier 2001 ne saurait
faire obstacle à l'
exercice du droit à déduction. Comme l’a relevé le Conseil d’Etat, celui-ci est
en effet est subordonné par les dispositions du 2 de l'
article 271 du code général des impôts à
l'
exigibilité de la taxe, et non à son versement effectif par le redevable.
2) Reste donc à examiner si la société satisfait également aux conditions de forme relatives à
l'
exercice du droit à déduction et tenant notamment à la détention de factures.
La société requérante a versé au dossier l’intégralité des factures de péages qu’elle a acquittées.
Celles-ci, bien évidemment, ne comportent pas de mention de TVA. La requérante doit-elle,
comme le soutient l’administration, obtenir la production de factures rectificatives pour obtenir
la restitution de la taxe ou convient-il au contraire de la dispenser de la production de tels
documents ?
Il résulte des dispositions combinées de l'
article 271 du code général des impôts et de l'
article
223-1 de l'
annexe II au même code que la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du
prix d'
opérations imposables est déductible, dans le cas de services facturés à l'
entreprise, de la
taxe à laquelle celle-ci est assujettie à raison des opérations en cours, à condition que les
factures mentionnent cette taxe.
Par application de ces dispositions nous pensons que, contrairement à ce que soutient la société
requérante, il incombait, dans le principe, aux transporteurs routiers d’obtenir des sociétés
concessionnaires d’autoroute des factures rectificatives faisant apparaître le montant de cette
taxe pour en obtenir des remboursements. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs estimé dans la décision
SA établissements LOUIS MAZET que le refus de la délivrance de telles factures pénalisait
directement les entreprises de transport routier susceptibles d’en demander la production en vue
d'
obtenir la déduction de la taxe supportée au titre de cette période. Il a également précisé que
les sociétés concessionnaires d'
autoroutes, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée est exigible
au titre des péages acquittés par les transporteurs routiers assujettis à cette imposition, doivent
délivrer à ces derniers, à leur demande, une facture mentionnant la taxe exigible.
La difficulté, dans la présente espèce, tient au fait que la décision SA établissements LOUIS
MAZET, ainsi que les pièces figurant dans le dossier des sociétés Samat Est et FM Logistic
révèlent que, par un courrier du 15 janvier 2003, du directeur de la législation fiscale adressé au
nom du ministre au président du comité des sociétés d’économie mixte concessionnaires
d’autoroutes, l’administration fiscale faisait savoir que les sociétés concessionnaires n’étaient
pas fondées à délivrer des factures rectificatives faisant apparaître la taxe sur la valeur ajoutée
au titre des péages acquittés avant le 1er janvier 2001, à l’exception de celles qui avaient
sollicité et obtenu une restitution de taxe conformément aux dispositions du VII de l’article 2 de
la loi du 30 décembre 2000. La décision contenue dans cette correspondance a été annulée par
le Conseil d’Etat. Vous ne manquerez d’ailleurs pas au passage, de relever l’attitude paradoxale
de l’administration fiscale qui consiste, au contentieux, à exiger des transporteurs des factures
rectificatives, tout en donnant par ailleurs comme instruction aux sociétés concessionnaires
d’autoroutes de ne pas en délivrer.
57
Comme on l’a déjà indiqué, seuls deux concessionnaires ont demandé à bénéficier de ce régime,
la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) et la société française du tunnel routier du
Fréjus (SFTRF).
Comme vous le savez, la CJCE a posé la règle selon laquelle les formalités prévues par le droit
national ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à
déduction (CJCE 14 juillet 1988 aff. 123 et 330/87 Jeune homme SA et SA EGI RJF 12/88). En
l’espèce, les instructions illégales du 27 février 2001 du secrétaire d’Etat au budget, invoquées
d’ailleurs par les concessionnaires d’autoroute pour s’opposer à la délivrance de factures
rectificatives, faisaient nécessairement obstacles à ce que les transporteurs puissent obtenir de
telles factures. Comme on l’a dit, un assouplissement est intervenu à compter du 15 janvier
2003, le directeur de la législation fiscale ayant admis à compter de cette date que les
concessionnaires qui avaient obtenu le remboursement de la taxe, c’est à dire en pratique la
SAPN et la SFTRRF, puissent délivrer des factures rectificatives aux transporteurs. Ce qu’elles
se sont cependant refusées à faire, en pratique, comme l’illustre le refus opposé, non pas à la
société Seegmuller, qui n’a pas fait de demande en ce sens, mais aux deux autres requérantes.
Nous pensons que compte tenu de ces circonstances particulières, et par dérogation à la règle
subordonnant la déductibilité de la taxe à sa mention sur la facture, en l’espèce, la production
des factures, même sans les mentions relatives à la TVA, était suffisante pour justifier du
montant de la TVA déductible. Une hésitation est, il est vrai permise s’agissant de la TVA ayant
grevé les péages acquittés à la SAPN et à la SFTRRF. La société Seegmuller International ne
justifie pas comme on l’a dit avoir fait de démarches auprès de ces deux concessionnaires à
compter de janvier 2003 pour obtenir des factures rectificatives, alors que cela paraissait dans le
principe possible à partir de cette date. Cependant comme l’illustre l’expérience des deux autres
requérantes, il existait une position de principe de ces deux concessionnaires pour refuser,
nonobstant la position du directeur de la législation fiscale, la délivrance de ces factures et sa
démarche serait certainement restée vaine.
Précisons que le calcul de la TVA « en dedans » réalisé par la société est conforme à la règle
énoncée aux articles 266 et suivants du code général des impôts, desquels il résulte que l'
assiette
imposable est constituée du prix de ces péages, diminué de la taxe exigible.
Nous vous proposons, dans ces conditions, d’accorder à la société Seegmuller International la
restitution de la TVA ainsi calculée.
La société vous demande également le paiement des intérêts moratoires dus au contribuable en
vertu de l'
article L.208 du livre des procédures fiscales. Mais ces intérêts, en cas de
remboursements effectués en raison de dégrèvements d'
impôt prononcés par un tribunal ou par
l'
administration des impôts à la suite d'
une réclamation sont, en application de l'
article R.208-1
du même livre, "payés d'
office en même temps que les sommes remboursées au contribuable
par le comptable chargé du recouvrement des impôts". Il n'
existe aucun litige né et actuel entre
le comptable et le requérant concernant lesdits intérêts. Par voie de conséquence, les
conclusions de la société ne sont pas recevables.
B)
Les requêtes des sociétés Samat Est (0203087) et FM Logistic (0203088)
Ces requêtes n’appellent pas de développement particulier quant aux moyens relatifs aux
conditions de fond tenant aux règles de déduction de la TVA. Nous vous renvoyons sur ce point
à nos observations précédentes.
58
S’agissant par contre des règles de forme, les deux sociétés Samat Est et FM Logistic font valoir
que les sociétés d’autoroutes n’étaient pas légalement autorisées à faire figurer la TVA sur les
factures de péages délivrées à leurs clients, de sorte qu’on ne peut exiger d’elles de produire des
factures portant mention de la TVA. Elle invoque une justification impossible et une
méconnaissance du principe de confiance légitime. Il n’en demeure pas moins que les deux
sociétés ont, en cours d’instance, cherché à obtenir la délivrance de factures rectificatives auprès
de la SAPN et de la SFTRF qui n’étaient pas visés par l’interdiction du directeur de la
législation fiscale.
Cette démarche n’a pas été couronnée de succès, les deux sociétés concernées opposant une fin
de non recevoir aux demandes des requérantes. Les sociétés concessionnaires invoquent
notamment les dispositions de la lettre susmentionnée du 27 février 2001 du secrétaire d’Etat au
budget adressée au délégué général de la Fédération des transporteurs routiers. Les prescriptions
de cette lettre viennent, comme on l’a dit, d’être annulées. La SFTRF, précise également que la
lettre du 15 janvier 2003 du directeur de la législation fiscale étant contraire au principe énoncé
par la secrétaire d’Etat au budget, elle ne se sentait pas tenue par ses dispositions.
Comme nous l’avons dit, aussi bien les principes énoncés par le secrétaire d’Etat au budget que
par le directeur de la législation fiscale sont erronés en droit. Et les concessionnaires ne
pouvaient se réfugier derrière des prescriptions illégales pour refuser d’établir les factures
rectificatives réclamées par les requérantes.
Il ne faudrait pas qu’un refus illégal conduise à rendre impossible l’exercice d’un droit à
déduction par ailleurs fondé dans son principe. Dans ces conditions, nous vous proposons
d’accorder aux deux sociétés la restitution des sommes qu’elles réclament, suivant les mêmes
modalités de calcul qu’énoncées précédemment, étant précisé que l’administration fiscale qui a
été mise en mesure de consulter les factures produites par les deux sociétés et n’a jamais allégué
que ces factures ne correspondraient pas à des prestations effectivement acquittées par les
requérantes.
Nous vous proposons d’accorder, par ailleurs, à chacune des sociétés requérantes la somme de
1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
59
!"
CONCLUSIONS
prononcées par Mme Julienne BONIFACJ
dans l’affaire « régie municipale de télédistribution d’Alsting »
à l’audience du 8 novembre 2005
La régie municipale de télédistribution d’Alsting, créée en 1992 est un organisme de droit
public qui gère le réseau câblé de distribution de programmes télévisés de la commune.
Elle conteste son assujettissement à l’impôt sur les sociétés et vous demande la décharge de
l’impôt auquel elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 pour un montant total
en droits de 18.724
En principe les collectivités publiques sont assujetties à l’impôt sur les sociétés lorsqu’elles se
livrent à une exploitation ou a des opérations à caractère lucratif, toutefois l’article 207-1-6° du
code général des impôts exonère de l’impôt sur les sociétés notamment les communes et leur
régies de services publics.
La portée de cette exonération a été précisée par la jurisprudence qui la réserve aux seules
régies ayant pour objet l’exploitation ou l’exécution d’un service indispensable à la satisfaction
de besoins collectifs des habitants de la collectivité territoriale (Cf : CE 16 janvier 1956, régie
municipale des eaux minérales,p.17, CAA Bordeaux, 20 mai 1997, régie autonome du marché
d’intérêt national de Bordeaux-Brienne, RJF 10/97, n°894).
Il y a lieu d’apprécier dans chaque cas si le service assuré est bien indispensable à la satisfaction
des besoins collectifs.
Au soutien de ses conclusions, la régie fait valoir qu’elle assure la gestion d’un service public à
vocation culturelle. Ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par l’administration fiscale.
La seule question en débat porte sur le caractère indispensable de ce service pour assurer la
satisfaction des besoins des habitants de la commune.
Il convient d’examiner si les services proposés ne sont pas offerts en concurrence dans la même
zone géographique avec des entreprises commerciales ou si la collectivité répond à des besoins
qui ne sont pas correctement satisfaits par ces entreprises, notamment en pratiquant des tarif
modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.
60
La cour administrative d’appel de Douai a eu l’occasion de juger qu’une régie municipale
assurant la gestion d’un laboratoire d’analyses chimiques et micro- biologiques ne peut
bénéficier de l’exonération, compte tenu des modalités de développement de son activité (CAA
Douai, 30 décembre 2003, commune du Havre, DF 2004, n°745).
En l’espèce, la régie distribue 20 chaînes : deux chaînes publiques françaises, 7 autres chaînes
de langues françaises, dix chaînes allemandes et une chaîne d’information locale. Elle fait valoir
qu’elle a été créée à une époque où une partie de ses habitants était dans l’impossibilité de
recevoir les trois chaînes nationales qui relevaient alors du service public.
Il résulte toutefois de l’instruction que la régie n’a pas le monopole de la distribution des
programmes sur le territoire de la commune, des opérateurs privés proposent des prestations
identiques à celle de la régie avec des moyens de réception différents ; ainsi 18% des habitants
de la commune ne sont pas abonnés au réseau câblé. Les tarifs appliqués dépendent du nombre
de chaînes reçues et sont déterminés de manière à assurer l’équilibre financier de la régie, mais
sans tenir compte de la situation financière ou familiale des abonnés.
Aussi nous pensons que compte tenu de son mode d’organisation, la régie qui exerce son
activité en concurrence avec des entreprises du secteur privé, ne peut être regardée comme
assurant un service public indispensable et n’est pas en droit de bénéficier de l’exonération
sollicitée.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête et des conclusions tendant à l’application
des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
61
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CONCLUSIONS
prononcées par M. Georges GUIDAL
dans l’affaire Mlle Ornella BRUNO
à l’audience du 23 septembre 2004
Mlle BRUNO, après avoir reçu de l’archevêque de Strasbourg une mission de service pastoral à
l’aumônerie du centre hospitalier de Mulhouse, a été recrutée par le centre hospitalier. Elle a
conclu avec celui-ci un contrat, en date du 25 février 2000, en qualité d’aumônier à temps plein
à compter du 1er mars 2000 pour une durée indéterminée. L’intéressée ayant semble-t-il
quelques difficultés à travailler en équipe, l’archevêque de Strasbourg a mis fin le 31 août 2002
à sa mission, en lui proposant toutefois une autre affectation au centre hospitalier de Rixheim.
Le directeur du centre hospitalier de Mulhouse a alors, par une décision du 2 septembre 2002,
résilié à compter du 1er novembre 2002 le contrat de Mlle BRUNO. Celle-ci, qui a refusé le
poste à Rixheim, se trouve depuis sans emploi, mais bénéficie du versement par le centre
hospitalier d’une allocation pour perte d’emploi.
Mlle BRUNO vous demande à titre principal :
- l’annulation « de toutes les décisions à caractère personnel prises par l’archevêché de
Strasbourg et le centre hospitalier ayant porté atteinte à son contrat de travail comme
aumônier à plein temps ».
- que vous ordonniez sa réintégration dans son emploi d’aumônier à compter du 1er
novembre 2002, ainsi que la reconstitution de sa carrière.
- la condamnation solidaire de l’archevêché de Strasbourg et du centre hospitalier de
Mulhouse à lui verser à titre de réparation le traitement qu’elle aurait du percevoir du 1er
novembre 2002 à la date de sa nouvelle affectation, sur la base d’un traitement brut de
1724, 58
valeur mensuelle de 460, 40
perçoit.
La requérante vous demande à titre subsidiaire la condamnation solidaire de l’archevêché de
Strasbourg et du centre hospitalier de Mulhouse à lui verser en réparation de son préjudice une
somme calculée sur la base de son dernier traitement pour la période courant de sa date
d’éviction à celle de ses 60 ans, sous réserve des modifications indiciaires à intervenir, ainsi
qu’au versement d’une indemnité de licenciement de 2 026, 19
62
A titre encore plus subsidiaire elle vous demande la condamnation solidaire de l’archevêché de
Strasbourg et du centre hospitalier de Mulhouse à lui verser, en réparation de son préjudice, une
somme de 10 806, 32
au moins la somme de 7 622,45 à titre de dommages et intérêts.
L’archevêque de Strasbourg, à qui la requête a été communiquée par le greffe, a produit en se
présentant comme un intervenant volontaire à l’instance. On comprend, à la lecture du mémoire
en défense, que cette qualité est invoquée en raison des maladresses de rédaction du mémoire
introductif d’instance qui est dirigée contre « l’archevêché de Strasbourg – diocèse de
Strasbourg ». L’archevêque vous indique que l’archevêché est la circonscription territoriale
soumise à la juridiction ecclésiastique d’un évêque et qu’elle est donc dépourvue de toute
personnalité morale. Il ne s’estime donc pas mis en cause. Certes. Mais vous pourrez sans
difficulté regarder la requête comme dirigée contre la ou les décisions de l’archevêque et non
contre l’archevêché. Celui-ci doit donc être regardé comme une partie à l’instance et non
comme un intervenant.
1. Sur la recevabilité des conclusions de la requête :
L’archevêque de Strasbourg invoque trois fins de non recevoir de portée inégale.
ère est tirée de ce que la requête est dirigée contre « l’archevêché de
Strasbourg – diocèse de Strasbourg », et qu’elle serait irrecevable dans la mesure où une
décision ne peut en tout état de cause émaner d’une personne inexistante. Mais comme nous
l’avons indiqué précédemment, il est dans l’office du juge d’interpréter les conclusions d’une
requête. Pour leur donner une portée utile, vous pourrez regarder ces conclusions dirigées contre
la décision de l’archevêque de Strasbourg qui a mis fin à la mission pastorale de Mlle BRUNO.
ête, ne
vous permettrait pas de déterminer les décisions attaquées. Comme nous l’avons rappelé plus
haut, la requérante demande l’annulation « de toutes les décisions à caractère personnel prises
par l’archevêché de Strasbourg et le centre hospitalier ayant porté atteinte à son contrat de
travail comme aumônier à plein temps ».
Mais parmi les différentes lettres produites par la requérante, deux correspondances révèlent
selon nous l’existence d’une décision faisant grief à la requérante. Il n’y a donc pas de doute
quant aux décisions que Mlle Bruno entend attaquer.
La première décision se déduit de la lettre du 29 mai 2002 adressée à Mlle BRUNO. Elle émane
du vicaire de l’archevêché, agissant selon les termes de ce courrier en accord ou sur instruction
de l’archevêque. Il indique à l’intéressée « Le moment est venu d’envisager la suite de votre
mission dans l’aumônerie des hôpitaux…. Le responsable de pastorale de la santé envisage de
renouveler l’équipe de l’aumônerie du centre Emile Muller de Mulhouse… Un nouveau service
vous sera proposé comme aumônier à l’hôpital de Rixheim… Votre nouvelle mission débutera
le 1er septembre. » On peut déduire des termes de cette correspondance qu’il est mis fin par les
autorités ecclésiastiques à la mission pastorale de Mlle BRUNO à l’hôpital de Mulhouse.
63
La seconde correspondance du 2 septembre 2002 émane du directeur du centre hospitalier de
Mulhouse. Elle est rédigée dans les termes suivants: « Concernant votre situation au regard du
contrat de travail passé le 11 avril 2000 je vous notifie par la présente le préavis prévu par
l’article 6 du contrat. Compte tenu de ce que la mission qui vous a été confié par Monseigneur
l’archevêque de Strasbourg a pris fin le 31 août 2002, ce préavis de deux mois expire le
31 novembre 2002 … Il vous appartient de prendre vos dispositions pour libérer le logement de
fonction le 1er novembre 2002 ». Même s’il n’est pas signifié expressément la fin du contrat, la
référence à la décision des autorités religieuses, à la notion de préavis et à l’obligation de libérer
le logement nous semble suffisamment explicite.
Dans cette mesure vous écarterez la seconde fin de non recevoir invoquée.
êque de Strasbourg invoque, enfin, une troisième fin de non recevoir tirée
de ce que la requête serait irrecevable en tant qu’elle tendrait à l’annulation d’une décision prise
par les autorités religieuses sur lesquelles le Tribunal serait incompétent pour statuer. Il précise
que les décisions prises par une autorité religieuse, extérieure à l’administration, ne peut être
utilement contesté devant le juge administratif à qui échappe, en vertu de la loi du 9 décembre
1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, toute compétence sur ces actes.
La référence faite à la loi de 1905 ne nous paraît pas en l’espèce pertinente, dans la mesure où
les dispositions de cette loi ne sont pas applicables en Alsace Moselle. En effet, les quatre cultes
reconnus, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dont le culte
catholique, relèvent du régime concordataire. Il en résulte que la seule circonstance qu’une
décision émanerait d’une autorité religieuse n’est pas en soi un obstacle à ce que vous vous
statuiez sur sa légalité : c’est ainsi que le Conseil d’Etat s’est reconnu compétent pour se
prononcer sur la légalité de la décision du président du consistoire israélite du Bas-Rhin
refusant d’intervenir dans un litige opposant un requérant à l’association Adath-Israel (CE, 13
mai 1964, Mlle Eberstarck, AJDA 1964, p. 485). Ajoutons que vous vous êtes déjà reconnus
compétents, par un jugement du 29 octobre 1987, pour statuer sur la légalité d’une décision du
directoire de l’Eglise de la confession d’Ausbourg d’Alsace et de Lorraine, procédant à la
suspension sans traitement d’un pasteur, en raison des compétences conférées à cette instance
par le décret du 26 mars 1852 (TA Strasbourg, M. Charles-Léon KOEHLHEFFER c/ Directoire
de l’église de la confession d’Ausbourg d’Alsace et de Lorraine). Voyez également, s’agissant
d’une décision de l’archevêque de Strasbourg relative à l’admission à la retraite d’une personne
exerçant une mission pastorale, votre jugement du 23 novembre 2001, Mme Mertz c/ Mense
épiscopale de Strasbourg.
Par contre, et nonobstant l’existence du régime concordataire, au nom du principe qui s’attache
au respect de la liberté des cultes, principe dont nous n’avons aucune hésitation à considérer
qu’il a valeur constitutionnelle, vous avez toujours refusé de vous ingérer dans leur vie et leur
fonctionnement. Ainsi vous avez toujours estimé que les décisions par lesquelles les autorités
religieuses portaient une appréciation sur la manière dont un ministre du culte exerçait les
devoirs de sa charge n’étaient pas susceptibles d’être discutées devant vous. Voyez en ce sens,
s’agissant de l’appréciation sur la manière pour un pasteur d’exercer sa mission pastorale, votre
jugement précité du 29 octobre 1987 et s’agissant de l’appréciation portée par l’autorité
ecclésiastique sur la capacité d’un ministre du culte catholique à remplir les devoirs de sa
charge, votre jugement de plénière du 19 mai 1994 Abbé K. c/ Ministre de l’intérieur, publié au
Recueil juridique de l’Est, 1995, n° 1 avec les conclusions de notre collègue Jean-Jacques
Louis.
64
Par application de cette jurisprudence, vous ne pourrez, à notre sens, que juger que la décision
par laquelle l’archevêque de Strasbourg a mis fin à la mission pastorale de Mlle BRUNO, qui
trouve son fondement dans l’appréciation portée sur la manière de l’intéressée d’exercer cette
mission, n’est pas susceptible de relever de votre contrôle. Vous rejetterez, pour ce motif, les
conclusions de la requête en tant qu’elles sont dirigées contre cette décision.
Par contre, les conclusions de la requête sont recevables en tant qu’elles sont dirigées contre la
décision du centre hospitalier de Mulhouse.
2. Sur la légalité de la décision du 2 septembre 2002 du directeur du centre
hospitalier de Mulhouse :
Pour procéder à la résiliation du contrat passé avec Mlle BRUNO, le directeur du centre
hospitalier s’est borné, selon les termes de la sa lettre du 2 septembre 2002, à constater que
l’archevêque de Strasbourg avait mis fin à la mission de Mlle BRUNO et à en tirer toutes les
conséquences juridiques.
De façon liminaire, il y a lieu de préciser qu’aucun texte normatif ne régit le régime des
aumôniers hospitaliers, qu’il s’agisse d’ailleurs du droit général ou du droit local. A l’heure
actuelle et s’agissant du droit général, la matière est organisée par une circulaire du 19 janvier
1976. Celle-ci indique que les aumôniers sont recrutés en qualité de contractuels « sur
proposition des autorités religieuses dont elles relèvent ». Elle ajoute que ces autorités doivent
être consultées avant une éventuelle résiliation du contrat intervenue à l’initiative de
l’administration. Mais cette circulaire, selon ses auteurs, ne s’applique pas en Alsace Moselle.
Au demeurant, elle ne prévoit pas l’hypothèse inverse, qui est en cause ici, où ce sont les
autorités religieuses qui souhaitent qu’il soit mis fin au contrat.
En l’absence de tout texte, le Conseil d’Etat dans un arrêt du 17 octobre 1980, Pont, a été amené
à dire le droit. (CE Pont, Rec. p 374, aux conclusions du président Labetoulle, AJDA 1981, p.
256).
En présence d’une telle situation et dès lors que les autorités religieuses ont retiré leur agrément
à l’aumônier, le Conseil d’Etat a considéré que cette décision a pour conséquence nécessaire la
rupture des liens de l’aumônier avec le service hospitalier. Le centre hospitalier est en situation
de compétence liée et ne peut, en présence d’une décision émanant d’une autorité représentative
du culte que l’intéressé a la charge de représenter, que tirer la conséquence du retrait de sa
mission d’aumônier par les autorités de cette église en constatant la rupture de ses liens avec le
service hospitalier et, par voie de conséquence, mettre fin à ses fonctions.
Cette jurisprudence est d’ailleurs en harmonie avec celle de la Cour de Cassation qui répond par
la négative à la question de savoir si les ministres du culte, dans l’exercice de leur ministère,
peuvent et doivent, au regard du droit du travail, être considérés comme des salariés (Cass. soc.
20 novembre 1986, Bull. civ. V n° 549). Selon la Cour, la nature éminemment spirituelle de leur
ministère apparaît incompatibles avec l’existence d’un contrat de travail, qu’il s’agisse des
prêtres et des religieux catholiques, placés sous l’autorité d’un évêque ou d’un supérieur, ou des
ministres des autres cultes, lesquels « ne concluent pas, relativement à l’exercice de leur
ministère, un contrat de travail avec les associations cultuelles légalement établies ».
65
Nous vous proposons, en l’espèce, de faire application de la jurisprudence Pont précitée. Dès
lors, les nombreux moyens invoqués par la requérante et qui sont tirés de ce que la décision du 2
septembre 2002 du directeur du centre hospitalier aurait été prise par une autorité incompétente
ou au terme d’une procédure irrégulière, que les droits de la défense auraient été méconnus, que
cette décision serait entachée d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation sont
inopérants. Voyez en ce sens, outre la décision Pont précitée, CE 27 mai 1994, Bourges, aux
Tables.
A vrai dire, dans une telle situation vous vous bornez à vérifier que la décision des autorités
religieuses existe et que l’administration a pu valablement en tenir compte. Les moyens qui
peuvent être utilement invoqués à l’encontre de la décision de l’administration par le requérant
sont donc des plus limités.
On a pu reprocher au juge une telle limitation de son contrôle. Mais ce reproche ne nous paraît
pas justifié. Nous voudrions à cet égard rappeler ici les quelques mots tenus par Briand,
rapporteur de la loi de 1905, devant la chambre des députés le 22 avril 1905. Il s’adressait plus
précisément à l’un de ses collègues qui suggérait, pour défendre la liberté des prêtres et des
communautés de fidèles, que les tribunaux puissent passer outre à la décision de la hiérarchie
religieuse et Briand de répondre « Le prêtre auquel vous vous intéressez, et qui dans sa paroisse
exerce son sacerdoce s’est librement plié à la discipline de l’Eglise. Il la connaissait. Il savait
quelle garantie elle pouvait lui donner. Mais il savait aussi quelles obligations elle lui imposait.
On nous dit : vous le livrez. Non, il s’est livré lui-même ; et tant qu’il est dans cette
organisation catholique, où il n’est pas obligé de rester, après tout, il faut bien qu’il en subisse
les règles ; quand demain, par la reprise de sa liberté, il sera sorti de l’église catholique, vos
tribunaux auront beau dire qu’il reste quand même un curé, ce ne sera plus un curé de l’Eglise
catholique apostolique et romaine. Voilà le fait ».
L’application de ce principe de non ingérence dans la vie et le fonctionnement des cultes nous
paraît commander la solution du litige. La solution inverse pourrait, au demeurant, conduire à
maintenir en place un aumônier, contre le gré de son Eglise, ce qui à l’évidence serait une
immixtion dans son fonctionnement.
Compte tenu de ce qui précède, vous rejetterez donc les conclusions de la requête dirigée contre
la décision du directeur du centre hospitalier de résilier le contrat de Mlle BRUNO. Vous
rejetterez par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à ce que Mlle BRUNO
soit réintégrée dans son emploi.
La décision du 2 septembre 2002 qui n’est pas ainsi qu’il vient d’être dit, entachée d’illégalité,
n’est pas constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de
Mulhouse. Les conclusions par lesquelles Mlle BRUNO demandant à être indemnisée du
préjudice qui lui aurait été causé par cette décision doivent, par suite, être rejetées.
Par ces motifs, nous concluons donc au rejet de la requête.
* Cette affaire a fait l’objet d’une fiche de jurisprudence publiée dans le précédent numéro du courrier du
Tribunal administratif de Strasbourg.
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CONCLUSIONS
prononcées par M. Michel RICHARD
dans l’affaire Mme WINNINGER
à l’audience du 20 septembre 2005
P. M. WINNINGER est élève en classe de 4ème au collège Kléber de Strasbourg situé non loin
d’ici. Le conseil de classe du 16 juin 2005 propose son redoublement au regard de ses résultats
jugés insuffisants et le chef d’établissement décide de suivre la proposition de ce conseil le
lendemain, à savoir le vendredi 17 juin . La mère de Paul-Mathieu, requérante en l’espèce,
décide de faire appel de cette décision auprès de la commission d'
appel qui doit se tenir
quelques jours plus tard le 21 juin 2005 . Cette commission confirme la proposition de
redoublement par une décision du 21 juin 2005 dont Mme WINNINGER demande l’annulation
par la présente requête qui ne pose pas de problèmes de recevabilité.
A cet effet, Mme WINNINGER invoque d’abord toute une série de moyens de légalité externe :
Les moyens invoqués à l’encontre des décisions ou propositions survenues avant la décision de
la commission d'
appel, pour méconnaissance des dispositions des articles 8-9-10-12 du décret
du 14 juin 1990 seront écartés : en effet, il résulte des dispositions des articles 12 et 13 de ce
décret relatif à l’orientation des élèves que le recours adressé à la commission d'
appel est un
recours administratif obligatoire et que la décision de la commission d'
appel se substitue aux
décisions antérieures. En application d’une jurisprudence tout à fait transposable concernant les
décisions des recteurs se prononçant sur les recours formés devant eux contre les sanctions
disciplinaires infligées aux élèves, Mme WINNINGER ne peut utilement invoquer des vices qui
entachent les propositions ou décisions antérieures à la décision de la commission d'
appel, à
savoir celles du conseil de classe ou du proviseur (voyez sur ce point en matière de sanctions
disciplinaires l’arrêt de la CAA Nantes du 19 décembre 2002 Kervanci). La solution pourrait
être toute autre si vous décidez de considérer que la requérante doit implicitement mais
nécessairement être regardée comme ayant invoqué le moyen tiré du défaut de motivation de la
décision de la commission d'
appel et non pas seulement de la décision du chef d’établissement.
Par un jugement du 7 janvier 2003, le tribunal administratif de Dijon, suivant un raisonnement
que nous faisons nôtre et qui a également été repris par le tribunal administratif de Grenoble, a
estimé que l’exigence de motivation de la décision de redoublement valait également au stade
de l’appel, or cette motivation doit porter sur les connaissances, les capacités et l’intérêt de
l’élève. (cf article 12 du décret). On notera également, mais la requérante ne semble pas se
placer sur ce terrain, que la Cour administrative d’appel de Paris, dans son arrêt Epoux Lemaire
du 1er octobre 2002 a estimé que la décision de la commission d'
appel était soumise aux
exigences de la loi du 1et juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs,
vraisemblablement parce qu’une décision de redoublement constitue un « refus d’autorisation »
de passer en classe supérieure encore que cela ne soit pas clairement affirmé par cet arrêt, or la
motivation en droit de la décision qui nous occupe est inexistante. Si vous estimez que le moyen
tiré du défaut de motivation de la décision de la commission d'
appel est soulevé, ce qui n’est pas
évident, alors nous vous proposerons de l’accueillir, car la simple énonciation selon laquelle
67
Paul-Mathieu n’a pas atteint les objectifs du cycle considéré ne saurait tenir lieu de la
motivation exigée. La motivation pourrait être reproduite à l’infini quels que soient les enfants
concernés. Par ailleurs, cette motivation lacunaire survient alors que la décision a pu être
éclairée par une audition des parents lors de la réunion de la commission d'
appel qui réunit
également un professeur de la classe et un conseiller d’orientation censés présenter le cas de
l’élève : une motivation plus étoffée que celle-ci ne paraît pas être une épreuve insupportable
pour les membres de la commission d'
appel. Nous vous proposons en tous les cas de retenir ce
premier moyen d’annulation.
En ce qui concerne, sans qu’aucun effort d’interprétation ne soit requis, la décision de la
commission d'
appel elle-même, Mme WINNINGER fait valoir que le principe du contradictoire
n’a pas été respecté dès lors qu’elle n’a pu être présente lorsque le professeur de la classe de son
fils a été entendu, le tout en méconnaissance des dispositions de l’article 3 de l’arrêté du 14 juin
1990 relatif à la commission d'
appel . Mais cet article 3 n’exige pas la présence des parents lors
de l’audition du professeur sous peine d’irrégularité de la procédure, l’article 13 du décret
prévoyant seulement que les parents soient entendus par la commission d’appel sur leur
demande… Par contre, la requérante soutient également que les conditions dans lesquelles elle a
été mise à même de saisir la commission d'
appel, d’y présenter des documents et des
observations méconnaît également le principe du contradictoire qui inspire les articles 4 et 5 de
l’arrêté du 14 juin 1990 relatif à la commission d'
appel . Nous sommes enclins à lui donner
raison et nous la rejoignons en tous les cas pour considérer que la procédure n’a pas été
régulière. En effet et pour mémoire, le conseil de classe a lieu le 16 juin, le principal la reçoit
ainsi que son fils le 17 juin en lui donnant un document dans lequel figure le choix de faire ou
non appel, sans qu’aucun délai ni texte ne soit mentionné, et en lui expliquant qu’elle peut être
entendue lors de la séance qui est fixée au mardi suivant soit 4 jours plus tard. Tout cela révèle
la précipitation dans laquelle est organisée la procédure d’orientation en cause, en ne laissant
pas aux parents le temps de s’informer correctement, de réfléchir aux suite à donner à la
proposition de redoublement, de faire parvenir des documents à la commission d'
appel alors que
c’est une possibilité envisagée par l’article 5 du décret. Mme WINNINGER ne disposait pas
non plus du bulletin du 3ème trimestre, ce qui est également gênant, car chacun sait que c’est un
trimestre déterminant en ce qui concerne les décisions d’orientation. Enfin, et c’est un
raisonnement de bon sens, l’article 12 du décret prévoit que les parents ont un délai maximum
de 8 jours pour faire appel. Ce n’est certes pas un délai minimum mais il est quand même
singulier que les parents de P.M Winninger n’aient pu profiter de tout le temps que leur laisse
l’article 12 du décret pour faire appel sachant que s’ils l’avaient fait, leur demande d’appel ne
serait intervenue qu’après la séance prévue de la commission d'
appel. Eu égard à l’ensemble des
éléments précités, nous estimons que la décision de la commission d'
appel est survenue à la
suite d’une procédure irrégulière, la place réservée aux parents par le décret lui-même n’ayant
pas été suffisamment prise en compte en l’espèce. C’est dès lors un second motif d’annulation,
si vous retenez également celui tiré du défaut de motivation .
Enfin, Mme WINNINGER fait valoir que le conseiller d’orientation prévu à l’article 3 du décret
n’était pas présent lors de la séance de la commission d'
appel et nous vous invitons à dire qu’en
effet, ce vice est substantiel dès lors que ce conseiller d’orientation, qui ne prend pas part au
vote mais qui fait son rapport sur l’élève, a toute sa place pour éclairer le sens de la décision.
Tout comme une consultation peut être une formalité substantielle lorsqu’elle participe à la
pleine information de l’organisme, le Conseil d’Etat a jugé que la lecture d’un rapport présentait
un caractère substantiel avant le prononcé d’une suspension d’un permis de conduire et voyez
sur ce point l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 7 octobre 1994 ( Ministre de l’intérieur contre
Charles, au Lebon p,428). Dans cette perspective, nous vous proposons d’adopter la position
selon laquelle l’absence du conseiller d’orientation est de nature à vicier la décision, suivant en
68
cela la position retenue par vos collègues de la CAA Nantes dans l’arrêt Epoux Marcel du
18 octobre 2001. Il en va ainsi selon nous alors même que l’alternative se résume au passage ou
au redoublement – à la différence du cas traité par l’arrêt du 18 octobre 2001- sans véritable
autres questions en matière d’orientation. Enfin, et si j’ose dire surtout, vous avez déjà estimé
que l’absence du conseiller d’orientation de l’établissement où l’enfant suit sa scolarité
constitue un vice substantiel de nature à entraîner l’annulation de la décision de la commission
d'
appel (voyez en ce sens votre jugement du 4 novembre 2003 Mebarki ou Lebrun). Vous
pourrez donc également retenir ce moyen d’annulation.
Au titre de la légalité interne et si vous estimez que par ses considérations sur les résultats de
son fils dans son mémoire en réplique, la requérante entend invoquer le moyen tiré de l’erreur
manifeste d'
appréciation puisque vous exercez en la matière un contrôle restreint (CAA Paris,
Epx Lemaire. Précité), alors nous vous proposerons de l’écarter eu égard aux résultats
insuffisants de Paul-Mathieu dans les principales matières, à savoir les mathématiques et le
français, auxquels s’ajoutent cumulés à des problèmes de concentration de l’élève dont les
bavardages incessants ont été systématiquement relevés dans les 3 bulletins scolaires. La
décision de ne pas le laisser passer en 3ème n’est pas manifestement erronée. La balle est donc
désormais dans le camp de l’administration scolaire, à savoir laisser Paul-Mathieu passer en
classe supérieure ou reprendre une procédure régulière pour réévaluer sa position et prendre une
décision informée et motivée.
C’est ainsi que nous vous invitons à annuler la décision de la commission d'
appel du 21 juin
2005 pour l’un ou l’ensemble des vices de procédure dont elle est entachée, voire pour son
insuffisance de motivation .
Tel est le sens de nos conclusions dans cette affaire.
69
#
$
CONCLUSIONS
prononcées par M. Georges GUIDAL
dans l’affaire M. Riza KOSANAK
à l’audience du 6 octobre 2005
M. Riza KOSANAK est propriétaire à Strasbourg du restaurant « Antalya Grill », spécialisé
dans la cuisine traditionnelle turque. A la recherche d’un cuisinier capable de le seconder et au
besoin de le remplacer, il a déposé une offre d’emploi à l’ANPE. Les candidats qui ont répondu
à cette offre ne présentant pas, semble-t-il, les qualités exigées de leur futur employeur, celui-ci
a demandé l’introduction en France de son frère Sahin, qui exerce la profession de cuisinier en
Turquie.
Le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du BasRhin, agissant par délégation du préfet, a refusé le 3 avril 2003 d’autoriser M. Sahin
KOSANAK à occuper l’emploi en cause, au motif que dans la profession considérée, la
situation de l’emploi était défavorable, les demandes étant très supérieures aux offres.
M. Riza KOSANAK a formé le 28 avril 2003 un recours hiérarchique contre cette décision,
auquel n’a pas répondu le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, laissant
naître ainsi une décision implicite de rejet de ce recours.
M. KOSANAK vous demande l’annulation de la seule décision en date du 3 avril 2003 du
directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Ces
conclusions sont assorties d’une demande d’injonction tendant à ce que soit délivrée à son frère
l’autorisation sollicitée.
Avant d’en venir à l’examen de la légalité de la décision attaquée, il est nécessaire de s’arrêter
quelques instants sur la recevabilité de la requête.
70
A) Sur la recevabilité de la requête
1) S’agissant d’abord de l’intérêt à agir du requérant
Le refus d’une autorisation de travail préjudicie d’abord à l’étranger auquel il est opposé, qui se
trouve ainsi empêché de venir travailler en France où il bénéficie d’un contrat de travail. Dès
lors l’employeur a-t-il vraiment intérêt à agir contre cette décision ? En réalité, ce refus
préjudicie également à l’entreprise qui se voit privée de la faculté d’employer la personne
qu’elle avait choisie d’embaucher. Le Conseil d’Etat dans une décision du 19 juin 1992,
Hayashi et société la Tour d’argent, aux tables du Lebon, a admis l’intérêt à agir de l’entreprise
contre le refus d’autorisation de travail opposé à son futur employé, dans la mesure où ce refus
est de nature à préjudicier à l’intérêt commercial de la société. Nous nous trouvons ici dans une
situation proche et nous pensons que M. KOSANAK, en qualité d’employeur potentiel de son
frère, a intérêt à demander l’annulation de la décision refusant à celui-ci une autorisation de
travail.
2) S’agissant ensuite de la tardiveté invoquée par le préfet du Bas-Rhin
Le préfet du Bas-Rhin oppose en défense une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la
requête.
Il fait valoir que le recours hiérarchique de M. KOSANAK ayant été reçu le 2 mai 2003 par le
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, une décision implicite de rejet de ce
recours est née deux mois plus tard, le 2 juillet suivant et que le délai de recours contentieux de
deux mois contre cette décision expirait donc le 2 septembre 2003. La requête enregistrée le 21
novembre 2003 serait donc tardive selon le préfet. Celui-ci prend soin de préciser que le
ministre des affaires sociales a accusé réception du recours hiérarchique par une lettre du 24
juillet 2003, laquelle précisait à l’intéressé les conditions de naissance d’une décision implicite
de rejet et les délais de recours contentieux.
Vous relèverez d’abord que le ministre ne s’est pas pressé pour accuser réception du recours,
dans la mesure où cet accusé de réception a été adressé alors que la décision implicite de rejet
était déjà née.
Comme vous le savez, il résulte des dispositions combinées des articles 18 et 21 de la loi du 12
avril 2000 que, sauf dans le cas où un décret en Conseil d'
Etat prévoit un délai différent, le
silence gardé pendant plus de deux mois par les autorités administratives sur les recours
gracieux ou hiérarchiques qui leur ont été adressés, font fait naître une décision implicite de
rejet. Il résulte également de la combinaison des articles 18 et 19 de la même loi qu'
à compter
de l'
entrée en vigueur du décret du 6 juin 2001 pris notamment pour l'
application de cet article
19, le délai de recours ne court à l'
encontre d'
une telle décision implicite que si la demande, à
laquelle est assimilé le recours gracieux ou hiérarchique par la loi, a fait l'
objet d'
un accusé de
réception comportant les mentions exigées par l'
article 1er du décret précité.
Selon le 1° de l’article 1er du décret du 6 juin 2001 l’accusé de réception doit notamment
comporter la date de réception de la demande et la date à laquelle à défaut d’une décision
expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée.
71
En l’espèce, un accusé de réception a bien été adressé au conseil du requérant le 23 juillet 2003
par le ministre. Il aurait semble-t-il été reçu le 24 juillet. Cependant cet accusé de réception s’il
est lui-même daté, ne comporte pas la mention de la date de réception du recours hiérarchique.
Il ne comporte pas non plus vraiment la date à laquelle à défaut d’une décision expresse, celuici sera réputé rejeté. En effet, la seule mention selon laquelle « faute de réponse dans le délai de
2 mois à compter de la réception de votre recours celui-ci doit être considéré comme rejeté
implicitement » ne permet de fixer précisément la date à laquelle le recours hiérarchique sera
réputé rejeté, en l’absence de toute précision sur la date de sa réception par les services du
ministère des affaires sociales. En l’absence de ces informations, les délais de recours ne sont
pas opposables au requérant par application des dispositions de l’article 19 de la loi du 12 avril
2000.
La fin de non recevoir doit donc être écartée.
B) Sur la légalité de la décision attaquée
Comme vous le savez, la législation en matière d’autorisation de travail est constituée
principalement par l’article L 341-4 du code du travail qui dispose « qu’un étranger ne peut
exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable
l’autorisation mentionnée à l’article L 341-2 », c’est à dire délivrée par l’autorité
administrative. Ces dispositions sont complétées par celles de l’article R 341-4 du même code,
lequel précise que pour statuer sur la demande d’autorisation de travail, qui doit être
accompagnée selon l’article R 341-3 de la production d’un contrat de travail, le préfet prend
notamment en considération « La situation de l'emploi présente et à venir dans la profession
demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte exercer cette
profession (…) ».
Ces règles étant rappelées, la question tient en l’espèce au point de savoir si l’appréciation de la
situation de l’emploi à laquelle se serait livrée le directeur départemental du travail et de
l’emploi serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Celui-ci relève dans la décision
attaquée, qu’à la date de la demande, l’ANPE enregistrait dans le département du Bas-Rhin 174
personnes recherchant un emploi de cuisinier pour 84 offres d’emploi dans la même profession.
Le requérant soutient que le préfet aurait commis une erreur de droit en lui opposant la situation
de l’emploi dans la profession de cuisinier et non pas dans celle de cuisinier spécialisé dans la
cuisine traditionnelle turque. Mais tel grief, s’il est fondé, est constitutif selon la jurisprudence
d’une erreur manifeste d’appréciation et non pas d’une erreur de droit (Voyez en ce sens : CE 8
juillet 1988, Ministre des affaires sociales c/Sow, Rec. p. 278 et CE 19 juin 1992, Hayashi et
société la Tour d’argent précité). C’est donc sur le terrain de l’erreur manifeste d’appréciation
que vous devez examiner le moyen du requérant.
On peut aisément admettre que le critère de la spécialité cuisinée n’est pas négligeable et que
selon qu’il s’agit d’une cuisine française plus ou moins élaborée, d’une cuisine alsacienne,
chinoise, japonaise, indienne, ou turque comme en l’espèce, le déséquilibre des offres et des
demandes emplois sera plus ou moins net.
Cependant le Conseil d’Etat s’est toujours refusé à accepter la pertinence d’un contrôle sur la
situation de l’emploi limité à la profession de cuisinier dans telle ou telle spécialité. Cette
jurisprudence est ancienne et a été depuis constamment réaffirmée. Voyez par ex : CE
19 février 1988, Ministre des affaires sociales c/Hamzaoui, pour un cuisinier spécialisé dans la
72
cuisine tunisienne ; CE 30 septembre 1991 Ministre des affaires sociales c/ Li Chi Wai, pour un
cuisinier chinois spécialisé dans la cuisine asiatique à la vapeur « Dim Sum » ; CE 25 mai 1994
Mlle Mezdagui, pour une cuisinière spécialisée en cuisine marocaine ; CE 12 avril 1995
Ministre de l’intérieur c/ M. Moraby-Mohammadi, pour un cuisinier spécialisé en cuisine
persane ; CE 16 octobre 1998 M. Shanavas, pour un cuisinier spécialisé en cuisine indienne.
Cette position du Conseil d’Etat tient à deux considérations si l’on se réfère aux conclusions de
M. Dutreil prononcées dans l’affaire ministre de la solidarité c/Gacem, 10 juin 1992. D’une
part, l’absence de statistiques détaillées dès lors qu’il s’agit d’une branche très spécialisée d’une
profession et d’autre part le contrôle restreint, limité à l’erreur manifeste d’appréciation, qui est
exercé en la matière et sur lequel le Conseil d’Etat n’est jamais revenu à ce jour. C’est dans
cette perspective qu’il faut placer la remarque faite en défense par le préfet du Bas-Rhin, qui
précise que les professionnels de la restauration se sont attachés à définir les différents type
d’emplois existants dans la convention collective des hôtels cafés et restaurants d’avril 1997,
laquelle ne comporte que la classification « cuisinier » à l’exclusion de toute référence à celle
de cuisinier spécialisé en cuisine régionale ou étrangère.
D’ailleurs, le requérant serait sans doute bien en peine d’apporter des précisions sur l’état du
marché du travail relatif aux cuisiniers turcs dans le Bas-Rhin ou même en Alsace. La seule
indication selon laquelle deux personnes se seraient présentées pour occuper l’emploi n’est pas
à cet égard très significative : Le poste a été proposé à l’ANPE du 18 juin 2002 pour être retiré
le 8 août 2002, puis de nouveau le 7 février 2003, le dossier de demande d’autorisation de
travail étant présenté dès le 27 février 2003.
Ce n’est en réalité que dans des cas très limités que le Conseil d’Etat s’attache à tenir compte de
certaines situations particulières. Vous en trouverez une illustration dans sa décision du 19 juin
1992, Hayashi et La Tour d’argent. Par cette décision le Conseil d’Etat a admis que le refus
opposé à un ressortissant japonais employé par le restaurant la Tour d’argent, comme
sommelier-caviste, de l’autorisation d’exercer en France une activité salariée était entaché d’une
erreur manifeste d’appréciation. Mais la décision, rendue dans les circonstances particulières de
l’espèce, prend soin de relever que M. Hayashi était chargé par la société La Tour d'
Argent, qui
souhaitait développer ses relations avec ses clients japonais, de promouvoir les produits
proposés par cet établissement auprès de cette clientèle et que seul un sommelier-caviste de
nationalité japonaise pouvait occuper ces fonctions dans des conditions permettant d'
établir de
véritables contacts avec les clients japonais.
Nous ne pensons pas qu’il existe, en l’espèce, de circonstances particulières qui conduiraient à
s’écarter de la jurisprudence du Conseil d’Etat sur « les cuisiniers » que nous avons mentionnée.
Nous vous proposons donc d’écarter le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.
Le requérant invoque également à l’appui de sa requête la circonstance que le candidat qu’il
recherche doit être capable de le remplacer efficacement lorsqu’il s’absente et que faisant
pleinement confiance à son frère, celui-ci a toutes les qualités pour occuper l’emploi de
cuisinier dans son établissement. Mais ces considérations sont étrangères à l’appréciation à
laquelle se livrent les services du ministère du travail lorsqu’ils instruisent une demande
d’autorisation de travail : ils prennent en compte la situation de l’emploi dans le département,
mais n’ont pas normalement à s’intéresser à l’adéquation entre le salarié et son futur emploi.
Ces circonstances sont donc sans influence sur la légalité de la décision attaquée.
Il est vrai que le débat rebondit sur cette question d’adéquation entre le profil du candidat et le
poste à pourvoir, suite à un mémoire complémentaire du préfet du Bas-Rhin qui a fait procéder
à des investigations à Istanbul par les services du consulat de France pour s’assurer que les deux
73
attestations de travail produites par le frère du requérant à l’appui de sa demande d’autorisation
n’étaient pas des documents de complaisance. Le préfet, se fondant sur les éléments qui lui ont
été communiqués par le consulat de France d’où il résulte que l’une des entreprises qui avait
établi un certificat de travail aurait déclaré ne pas connaître l’intéressé et que l’autre entreprise
aurait disparu, fait valoir que l’expérience du candidat en tant que cuisinier n’est pas établie. Le
requérant s’est empressé de répondre à cette production par deux nouvelles attestations, l’une
indiquant que le premier employeur de M. Sahin KOSANAK n’avait, dans un premier temps,
déclaré ne pas le connaître parce qu’il avait déjà quitté l’établissement au moment où une
nouvelle direction était entrée en fonction, l’autre établie par son employeur actuel, à une date
postérieure au courrier du consulat, circonstance de laquelle on peut déduire que le restaurant
n’est pas fermé.
Mais ce débat ne nous semble pas déterminant pour la solution du litige. D’une part, la décision
attaquée n’est pas fondée sur le motif tenant au profil du candidat. D’autre part, l’adéquation
entre le profil du candidat et le poste proposé relève davantage des attributions des services
consulaires lors de la délivrance des visas de long séjour, que de celles des services du ministère
du travail en France, qui ne sont pas nécessairement les mieux placés pour apprécier
l’expérience d’un candidat qui réside dans un pays étranger. Précisons d’ailleurs que la
délivrance de l’autorisation de travail par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de
la formation professionnelle n’entraîne pas de compétence liée des autorités consulaires pour
délivrer le visa de long séjour demandé. Celles-ci, alors même qu’une autorisation de travail a
été délivrée au ressortissant étranger par le directeur du travail, peuvent légalement refuser la
délivrance d’un visa de long séjour, notamment lorsque l’expérience professionnelle alléguée en
rapport avec l’emploi pour lequel l’intéressé postule n’est pas établie (Voyez en ce sens : CE 29
mai 2002 Ben Ali, CE 27 octobre 2004 SARL la Favorite /M. Mhha).
Nous pensons donc que la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur manifeste
d’appréciation.
Par ces motifs nous concluons au rejet de la requête de M. KOSANAK, y compris des
conclusions aux fins d’injonction et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative.
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CONCLUSIONS
prononcées par M. Michel RICHARD
dans les affaires « Association pour la qualité de la vie dans le Sundgau » et « commune de
Heidwiller »
à l’audience du 18 octobre 2005
Les conditions de circulation sur la route départementale 466, notamment lors de la traversée de
la commune d’Aspach, sont connues pour être difficiles et donnent lieu à des accidents parfois
tragiques tout particulièrement depuis quelques années. Cela s’explique essentiellement par
l’importance du trafic observé sur cette voie qui permet de relier Altkirch au Sud et l’autoroute
A 36 ainsi que Mulhouse au Nord, via la même A 36, pour ne parler que des principaux flux de
véhicules.
L’une des solutions élaborée pour contourner le village d’Aspach, dont la population
s’établissait à la fin des années 1990 à environ 1000 habitants, a consisté à créer une déviation
routière, soit une nouvelle voie de 3 kilomètres et demi environ, avec zones de dépassement et
voies de circulation pour véhicules lents, nouvelle voie contournant Aspach en son côté Ouest et
dont les extrémités sont situées, comme l’ancien tracé de la route départementale 466 devant
être contourné, au croisement de la route départementale 18 au Nord et de la route
départementale 419 au Sud.
Ce projet porté par le département du Haut-Rhin dans le cadre de sa politique globale
d’amélioration de la circulation et de restructuration du réseau routier dans le Sundgau, a
finalement été déclaré d’utilité publique par le préfet du Haut-Rhin qui a pris à cet effet un
arrêté du 19 août 2004. C’est cet arrêté que l'
association pour la qualité de la vie dans le
Sundgau et la commune de Heidwiller vous demandent d’annuler par deux requêtes qui ne
posent pas de problème de recevabilité, (le Conseil d’Etat admettant notamment l’intérêt pour
agir d’une commune dont le territoire est concerné par la procédure d’expropriation en cause voyez dernièrement et de façon implicite CE 25 juin 2003 commune de Dampvalley les
Colombes) et que vous pourriez joindre sans difficulté dès lors qu’elles concernent la même
décision et se présentent quasiment dans les mêmes termes.
La critique de l'
association pour la qualité de la vie dans le Sundgau et de la commune de
Heidwiller se concentre sur les atteintes nombreuses et importantes qui sont faites à
l’environnement dans le cadre du projet litigieux et sur une concertation jugée insuffisante.
Vous trouverez dans ces deux requêtes un certain nombre de moyens communs portant à la fois
sur la légalité externe et sur la légalité interne de l’arrêté du 19 août 2004 :
75
Au titre de la légalité externe, les requérantes invoquent tout d’abord le moyen tiré de
l’insuffisance de l’étude d’impact. L’article 2 du décret du 12 octobre 1977 dispose que « le
contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et
aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement ». Les
requérantes ne disconviennent pas de ce que, pour l’essentiel, l’étude d’impact portant sur le
périmètre retenu pour le projet de déviation est suffisante au regard des exigences posées
notamment par le décret précité mais elles estiment que le périmètre retenu a été sous estimé et
que l’étude d’impact n’analyse pas suffisamment les impacts du projet en ce qui concerne les
prolongements de la déviation envisagée, à savoir le franchissement de la commune de
Spechbach le Bas, le contournement de Carspach et le lit majeur de la Largue. Le projet de
déviation fait selon elle partie d’un programme plus important d’aménagement des liaisons
routières entre Mulhouse et Altkirch et l’absence d’analyse sur l’ensemble du programme serait
source d’illégalité au regard de l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 qui dispose que
« lorsque l’opération est échelonnée dans le temps, l’étude d’impact de chacune des phases de
l’opération doit comporter une appréciation des impacts de l’ensemble du programme ». Selon
nous, vous ne ferez pas vôtre cette argumentation car l’opération en cause est clairement
circonscrite au contournement d’Aspach sur une longueur de 3 kilomètres, la traversée actuelle
d’Aspach représentant d’ailleurs une longueur de deux kilomètres. Les points de jonction Nord
et Sud entre la déviation et les routes départementales 18 et 419 font bien évidemment partie
intégrante du projet et le périmètre du projet qui concerne les modalités de circulation entre la
partie Sud de spechbach le bas et Altkirch via Aspach été correctement déterminé. Vous noterez
d’ailleurs que le projet se circonscrit au contournement d’Aspach et comprend dans son
périmètre d’étude l’ancienne route départementale 466 qui rejoignait déjà la route
départementale 18 au Nord. Au Sud, la jonction ne se fait plus au niveau d’Altkirch mais entre
Carspach et Altkirch mais l’ensemble de cette « zone Sud » est également compris dans le
périmètre d’étude. La jurisprudence citée par les requérantes n’est pas transposable car dans
l’affaire jugée le 2 mars 1999 par la CAA de Paris, les travaux d’aménagement d’une route
départementale s’inscrivait effectivement dans le cadre d’un programme plus général,
impliquant des travaux sur des sections plus importantes de cette voie départementale ainsi
qu’une autre voie routière, travaux pour lesquels des financements avaient été prévus et décidés.
Tel n’est pas le cas ici malgré l’existence d’études menées par le département du Haut-Rhin
dans le cadre de son schéma directeur routier du Sundgau. Vous trouverez de nombreuses
décisions par lesquelles il a été jugé qu’une opération routière peut être réalisée de façon
autonome sans qu’il soit besoin de procéder à l’analyse de la situation au regard de l’ensemble
de la chaîne routière dont elle n’est qu’un maillon ce que vous explique clairement le
commissaire du gouvernement Lasvignes dans ses conclusions sous l’arrêt du Conseil d’Etat du
7 mars 1994 (Association pour le tracé ouest du contournement routier de Carling) et ce qu’ a
jugé encore très récemment la Cour administrative d’appel de Bordeaux par son arrêt du
14 avril 2005 (Association des opposants à la liaison « les Leches-Saint Médard Demussidan »).
Il est bien évident que n’importe quel projet routier pourrait être étudié sur un périmètre plus
important mais en termes de légalité, vous pourrez juger que l’étude d’impact satisfait aux
exigences des textes applicables et notamment du décret du 12 octobre 1977, tant par son
contenu en soi que par le périmètre d’étude retenu étant précisé que l’on ne saurait exiger une
réalisation concomitante de l’ensemble des objectifs du schéma directeur de la part du
département du Haut-Rhin . Vous pourrez donc juger que l’absence d’études spécifiques
concernant les sites situés dans le prolongement de la déviation n’est pas de nature à affecter la
légalité de l’arrêté critiqué.
76
Toujours dans le cadre de leur moyen relatif à l’insuffisance de l’étude d’impact, l'
association
pour la qualité de la vie dans le Sundgau et la commune de Heidwiller développe un argument
tiré de l’absence d’étude d’incidence du projet sur le lit majeur de la Largue. L’illégalité ne
découlerait plus seulement de la méconnaissance du décret précité, dont nous avons dit que ses
exigences étaient respectées en l’espèce, mais de la méconnaissance des dispositions de l’article
R.214-34-2 du code de l'
environnement qui exigeraient une telle étude d’incidence pour ce site
qui accueille la plus grande zone inondable du Sundgau et qui est intégré au réseau européen
des sites natura 2000, la vallée de la largue ayant été inscrite comme site d’importance
communautaire sur la liste publiée à cet effet au journal officiel de l’union européenne du 28
décembre 2004 ; mais le moyen manque à tout le moins en fait puisqu’il ne ressort pas des
pièces du dossier que le projet, qui n’est pas compris dans le périmètre de ce site d’importance
communautaire, ait une incidence sur ce site du moins pas d’incidence notable et avérée au sens
des dispositions de l’article R.214-34-2 du code de l'
environnement concernant les projets situés
en dehors du périmètre d’un site natura 2000. Le franchissement du site par une route
préexistait au projet et les requérants n’établissent pas que l’impact du projet autorisé par la
déclaration d'
utilité publique soit tel que cela changerait les données de façon radicale en ce qui
concerne la vallée de la Largue laquelle est séparée du projet litigieux par le canal Rhin Rhône.
Les requérants ne procèdent sur ce point que par des affirmations faiblement étayées, tant en ce
qui concerne l’impact de l’augmentation du trafic que le rejet des eaux pluviales ou les
opérations de remembrement. Vous pourrez donc en tout état de cause écarter le moyen comme
manquant en fait sinon comme étant inopérant comme on vous le suggère : en effet, il ne ressort
pas des pièces du dossier qu’à la date de l’arrêté litigieux, la vallée de la Largue ait été désignée
comme site natura 2000 par un arrêté ministériel en application de l’article L. 414-1. parag. IV
du code de l'
environnement et voyez l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 juin 2005 Association jeune
canoë kayak avignonnais sur la nécessité d’un tel arrêté, ce que ne saurait pallier la proposition
française d’inscription du site de la Largue transmise à la commission qui a d’ailleurs inscrit
ledit site dans sa propre liste publiée au JO de l’UE du 28 décembre 2004. La vallée de la
Largue ne saurait donc être qualifiée de site natura 2000 au sens des dispositions combinées des
articles L .414-4 et R.214-34-2 du code de l'
environnement. Aucune étude d’incidence n’était
donc requise et vous ne pourrez qu’écarter ce moyen inopérant et manquant en tout état de
cause en fait.
Les requérants s’en prennent ensuite aux conditions dans lesquelles le public a pu participer à la
prise de décision et invoquent, concrètement, la méconnaissance des stipulations de l’article 6
de la convention signée à Aarhus le 25 juin 1998 dont la ratification a été autorisée par la loi du
28 février 2002 et qui a été finalement publiée le 21 septembre 2002 par un décret du
12 septembre 2002, convention qui traite rappelons le, de l’accès à l’information, de la
participation du public au processus décisionnel et de l’accès à la justice en matière
d’environnement. Dans un arrêt du 28 juillet 2004 CRILAN (fiché sur ce point au Lebon,
p.710) le Conseil d’Etat a jugé que les stipulations de cet article 6 sont d’effet direct. Qu’en estil exactement de cet article 6 qui traite de la participation du public aux décisions relatives à des
activités particulières et qui est selon nous applicable en l’espèce dès lors que le projet en cause
correspond aux projets visés à l’article 20 de l’annexe I à laquelle renvoie l’article 6 de la
convention : Le 4° de l’article 6 que les requérants citent en invoquant à tort le petit 3 stipule
que « chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au
début de la procédure, c'
est à dire lorsque toutes les options sont possibles et que le public peut
exercer une véritable influence ». Pour les requérants, ces exigences sont méconnues dès lors
que le public en général et les associations de défense de l’environnement en particulier n’ont
pu influer sur le cours des choses, notamment en amont de la définition du projet et des choix de
tracé. Il ne nous semble pas que vous puissiez faire droit au moyen pour deux types de raison :
Premièrement et c’est le bon sens, parce que lorsque les stipulations de la convention sont
77
devenues opposables, à savoir le 21 septembre 2002, le processus décisionnel était déjà
largement engagé et les premières options retenues et il ne nous semble pas pertinent d’exiger
que l’ensemble des projets visés par l’annexe I de la convention puissent être gelés et repris à
zéro du fait de l’entrée en vigueur de la convention. D’ailleurs fin 2002, un grand nombre de
réunions et d’échanges de vues avaient eu lieu, peut-être pas directement avec le public, mais à
tout le moins avec les principaux acteurs publics et institutionnels concernés par ce projet, les
conseils municipaux des communes d’Aspach, Heidwiller, et Carspach notamment, ayant à
plusieurs reprises débattu du projet de déviation de la route départementale 466.
Deuxièmement, vous pourrez estimer que la mise à enquête publique du projet permet de
considérer que le public a été mis à même de participer au processus décisionnel, qui conduit à
la déclaration d'
utilité publique, de façon satisfaisante au regard des exigences de la convention.
C’est en tous les cas en ce sens que vous pourrez interpréter la solution retenue par l’arrêt du
CE précité CRILAN même si cette solution de votre juge de cassation apparaît à bien des
égards sévère et réduit de façon notoire les conséquences concrètes à attendre des stipulations
de la convention d’Aarhus. Il n’en reste pas moins que le moyen, s’il est opérant, n’est pas
fondé et vous devrez donc l’écarter .
L'
association pour la qualité de la vie dans le Sundgau et la commune de Heidwiller invoquent
ensuite le moyen tiré de l’irrégularité de l’enquête publique, moyen qui se présente sous
diverses branches. Tout d’abord, les requérants laissent entendre que la commission d’enquête
n’a pas effectué son travail de manière impartiale, et que plus particulièrement l’un de ses
membres avait une position déjà arrêtée et favorable a priori au projet. L’association précise à
cet égard qu’elle s’est rendue à Aspach pour rencontrer la commission d’enquête alors qu’une
dizaine d’habitants était également présents et que le ton est monté entre l’un des commissaires,
qui persistait à faire valoir ses observations favorables au projet, et le président de l’association
émettant quant à lui ses critiques, rendant impossible la conversation et la prise de notes par les
membres de la commission d’ enquête… Outre le fait que l’on ne nomme pas lequel des
commissaires aurait été impartial, vous jugerez surtout que l’on ne vous démontre pas, loin s’en
faut, une quelconque attitude partiale dans cette affaire, quel que soit le membre en cause. A cet
égard et en tout état de cause, il convient de souligner que le CE a déjà jugé dans son arrêt du
16 novembre 1998, que la circonstance, à la supposer établie, qu'
un membre de la commission
d'
enquête, dont la mission est notamment de rencontrer les personnes intéressées par le projet,
se serait exprimé avant la conclusion de la procédure, ne suffit pas, à elle seule, à établir que la
procédure n'
a pas respecté le principe d'
impartialité qui s'
impose, alors qu'
il n'
est pas même
allégué que ladite personne avait un intérêt personnel dans la réalisation de – ce qui était en
l’espèce- une autoroute ; Les remarques de l’association sur la présentation biaisée et tronquée
de la réalité des observations du public, à savoir que seules auraient été mises en avant les
opinions favorables du public et non les avis défavorables, nous semblent quelque peu
déplacées et en tous les cas ne sauraient vous conduire à censurer la procédure d’enquête pour
cause de partialité, le rapport d’enquête publique faisant la part sinon belle du moins tout à fait
réelle, aux critiques émises par le public. La première branche du moyen sera écartée.
Une deuxième branche du moyen relatif à l’irrégularité de l’enquête publique nous semble
pouvoir être distinguée lorsque l'
association pour la qualité de la vie dans le Sundgau et la
commune de Heidwiller estiment que l’enquête publique ne s’est pas déroulée de façon
satisfaisante, se fondant sur les difficultés à se faire entendre et écouter par la commission
d'
enquête, l’exemple du passage de la commission d'
enquête à Heidwiller semblant être
révélateur de ce malaise…On vous explique ainsi que plus de 250 personnes se sont rendues en
mairie pour discuter avec les commissaire enquêteurs mais que la gestion difficile de cette foule
n’a pas permis un déroulement satisfaisant de l’enquête publique. L’on vous explique qu’il
appartenait à la commission d'
enquête de prendre ses dispositions pour favoriser un bon
déroulement de l’enquête publique et que le public puisse émettre ses observations dans de
78
bonnes conditions, ce à quoi nous voulons bien souscrire, mais outre que l’on ne vous indique
pas la date de cette séance houleuse et perturbée, l’on omet aussi de vous dire que la
commission d'
enquête a tenu 12 permanences dans les mairies d’Aspach, Carspach et
Heidwiller dont 4 pour la seule commune de Heidwiller. On ne sait pas si les 250 personnes se
sont rendues aux 4 permanences, ce dont nous doutons et il nous semble plutôt que l’afflux
massif de personnes à Heidwiller participait aussi d’une action délibérée, sinon d’intimidation,
du moins de forte revendication et d’affichage de la grande détermination des habitants à
s’opposer au projet soumis à enquête. Il a peut-être été difficile de prendre beaucoup de notes
lors de la permanence qui a été perturbée, mais rien n’empêchait le public de venir à un autre
moment et d’émettre ses observations par écrit, ce qui a du reste été largement fait. Les
conditions dans lesquelles l’enquête publique s’est déroulée matériellement étaient donc
satisfaisantes, globalement, et cette branche du moyen relatif à l’irrégularité de l’enquête
publique sera aussi écartée.
Reste la troisième et dernière branche, qui est relative à l’absence de prise en compte des
observations du public en général et surtout des remarques émises par l’association requérante
répertoriée p. 94 du rapport d’enquête publique . Il est vrai que la jurisprudence censure des
déclarations d'
utilité publique survenues alors que les observations du public n’ont pas été prises
en compte et analysées à l’issue de l’enquête publique par la commission d'
enquête mais une
jurisprudence constante des juridictions administratives précise les choses à cet égard en
nuançant les exigences du code de l'
expropriation pour cause d’utilité publique en rappelant que
la commission d'
enquête ne doit pas forcément répondre, spécifiquement, à chaque observation
émise par le public (il y en a sur environ 150 pages du rapport d’enquête dans notre affaire)
mais doit les avoir analysé, le cas échéant globalement et doit répondre aux principaux sujets de
préoccupations exprimés dans le cadre de l’enquête publique. Il ressort des pièces du dossier et
notamment des conclusions motivées que la commission d'
enquête a pris en compte les
observations du public et celles de l’association requérante, notamment en ce qui concerne la
proposition de tranchées couvertes pour certaines parties de la déviation, mais également sur les
remarques émises sur le fait que le tracé choisi est le plus défavorable pour l’environnement ou
encore le point de jonction au sud mal choisi… La commission d'
enquête a analysé les
observations émises en les regroupant par grandes thématiques et l’on ne vous établit pas
qu’une thématique importante qui aurait concentré de nombreuses observations émises par le
public aurait été omise. Certes, la commission d'
enquête n’a pas procédé à une analyse détaillée
du tracé alternatif proposé par l’association, alors d’ailleurs qu’elle l’a fait pour une autre
association, mais cela ne saurait remettre en cause la solution que nous allons vous proposer.
Chacun imagine aisément la paralysie qui résulterait d’une obligation de répondre à chaque
projet alternatif. Un peu comme on a coutume de le dire pour l’équipe de France de football
pour laquelle il y a autant de sélectionneur que de supporters, il y aurait autant de tracés
alternatifs que de personnes concernées par le projet. L’objectif de clarification et de
transparence recherché via l’enquête publique, s’éloignerait d’autant plus vite que les projets
seraient nombreux… Pour ce qui nous concerne, nous vous proposons de juger que la
commission d'
enquête a procédé à une analyse des observations tout à fait satisfaisante, qu’elle
a émis un avis personnel et motivé alors même qu’il est fait référence aux réponses du maître
d’ouvrage, qu’elle a fait siennes en grande partie, et vous écarterez le moyen tiré de
l’irrégularité de l’enquête publique .
En fait, l’ire de l’association et de la commune requérante résulte largement du fait qu’elles
n’ont pu suffisamment influer sur le cours du projet et le choix du tracé . La plus grande critique
concerne l’insuffisante prise en compte de l’environnement, ce qui est d’ailleurs présenté
comme un moyen de légalité externe mais qui constitue en fait un argument à l’appui du moyen
de fond tiré de l’absence d’utilité publique du projet et en tous les cas d’inconvénients
notamment environnementaux qui excèdent les avantages ce qui enlèveraient son utilité
79
publique au projet. Il est tout à fait clair que l’atteinte portée par un projet à l’environnement est
portée au passif d’une opération, et la jurisprudence du CE recèle de nombreux exemples où
l’élément environnemental est pris en compte dans le fameux contrôle du bilan auquel vous
procédez en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique ( parmi tant d’autres arrêts,
CE 17 novembre 1995 Union juridique Rhône méditerranée, au Lebon, p. 412). Voyons en
détail la critique de la légalité interne émise par l'
association pour la qualité de la vie dans le
Sundgau et la commune de Heidwiller : Elle conteste d’abord l’analyse des avantages du projet
telle qu’elle est faite par ses promoteurs. Rappelons sur ce point que le projet vise à améliorer la
sécurité sur le route départementale 466 et notamment lors de la traversée d’Aspach, à préserver
la qualité de vie des riverains, à fluidifier et finalement réduire le trafic sur la route
départementale 466 –ancienne version- en contribuant à améliorer le trafic entre le Sundgau et
Mulhouse.
Pour l’association et la commune de Heidwiller, le projet ne va pas permettre de réduire le trafic
dans Aspach autant que souhaité et, tacitement mais implicitement, n’améliorera donc pas tant
que ça la sécurité des riverains et des automobilistes. Elles exploitent à l’appui de cette
assertion, les données du CETE, le centre d’études techniques de l’Equipement relatives à
l’année 1999, et concluent que le projet ne va réduire que de 30% le trafic observé dans Aspach
entre d’ici à 2015. Mais cet aspect de la démonstration des requérants n’est pas convaincant :
d'
une part, le trafic sera réduit de plus de moitié en 2015 avec la déviation. D'
autre part,
l’association ne contredit pas utilement la défense qui souligne que le tracé actuel de la route
départementale 466 est extrêmement sinueux, qu’il est difficile d’y procéder à des dépassements
- et chacun sait que ce type de situation est particulièrement accidentogène -, que 60% de la
portion de la route départementale 466 est située en agglomération et que le trafic interne des
habitants d’Aspach est rendu invivable par le transit observé dans Aspach entre Altkirch et
Mulhouse ou l’autoroute.A36…ce qui rend éminemment utile la déviation projetée… Vous ne
suivrez pas non plus les requérants qui vous expliquent que le tracé retenu est le plus mauvais
pour l’environnement en méconnaissance du décret de 1977 mais le décret n’oblige pas les
décideurs à choisir obligatoirement un tracé ou des modalités qui sont les moins nocifs pour
l’environnement : le décret ne pose pas des obligations de fond mais des obligations de forme,
notamment sur l’étude de l’impact de ces projets ou tracés sur l’environnement. L’impact des
deux tracés AD et BD a bien été étudié. Il est vrai que l’étude d’impact constate que le tracé AD
est moins intéressant du point de vue de la défense de l’environnement que le tracé BD, lequel
est d’ailleurs proche du tracé alternatif qui avait été préconisé par l’association . Mais il ne vous
appartient que de juger de la légalité du projet tel qu’il a été décidé et déclaré d’utilité publique
pour voir s’il reste d’utilité publique : vous mettrez donc en balance les inconvénients
environnementaux, et plus particulièrement les impacts paysagers au passage du coteau de la
Vallée de la Largue et du vallon du Haesselbaechel, les pollutions sonores et chimiques par
émission de produits toxiques qui augmenteront du fait de l’augmentation du trafic, la ponction
importante d’espace, notamment sur les bans de Carspach et heidwiler, l’obstacle à la libre
circulation de la faune que constituera cette déviation… le tout rapproché à des avantages
présentés comme insuffisants - mais nous avons déjà traité ce point- alors que selon les
requérantes, le projet ne résulte que du lobbying exercé par les agriculteurs dont l’avis a pesé
beaucoup plus que celui des populations et des défenseurs de l’environnement. L’étude
d’impact pointe, il est vrai très clairement le problème de la ponction d’environ 6 hectares
d’espaces boisés dont l’intérêt écologique est certain…
Il n’en reste pas moins que selon nous, les effets négatifs sur l’environnement sont toutefois pris
en compte, du mieux possible, par les initiateurs de la déviation via des ouvrages de
franchissements avec aménagements de clôtures le long de la voie et l’acquisition de terrains
pour protéger au mieux faune et flore en compensant la perte d’habitats naturels préexistants et
des mesures de plantations sur environ une dizaine d’hectares. Certes, les requérants indiquent
80
qu’une déviation moins longue, c'
est à dire contournant simplement le centre d’Aspach aurait
été plus judicieuse mais là n’est plus la question puisque tel n’est pas le projet critiqué. Ce
projet présente l’avantage indéniable de fluidifier la circulation par le contournement d’Aspach,
village où de nombreux accidents se sont produits. Il a été choisi de perturber le moins possible
les activités agricoles du secteur, au détriment de l’environnement il est vrai, mais la balance
nous semble, au final, plutôt peser du côté des avantages que des inconvénients. Tout projet met
en conflit des intérêts de diverses natures. Il est exact que les intérêts des bois et des animaux et
celui des promeneurs n’est pas servi par le projet qui crée 3 kilomètres de route dans un paysage
naturel intéressant, voire remarquable… Mais les habitants d’Aspach, commune dont le
développement potentiel vers l’Ouest est préservé, et les automobilistes qui se déplacent entre
Altkirch et Mulhouse ou l’A35, verront leur conditions de circulation s’améliorer sensiblement
et leur sécurité renforcée sans que les activités agricoles soient trop perturbées. Les
inconvénients environnementaux ne sont pas de nature à retirer au projet son utilité publique :
vous écarterez le moyen tiré du défaut d’utilité publique et pourrez en venir au dernier moyen
de la requête.
Reste en effet le moyen tiré de la méconnaissance des engagements internationaux de la France
sur le climat… mais les requérants n’invoquent aucune norme qui puisse être opposable au
projet déclaré d’utilité publique par le préfet du Haut-Rhin. Plus particulièrement, les requérants
ne sauraient utilement se prévaloir de la méconnaissance de l’article L. 229-1 du code de
l'
environnement qui dispose en substance que la lutte contre l’effet de serre est une priorité
nationale. C’est peut-être vrai, même sûrement puisque le législateur l’a dit, mais cela demeure
sans effet juridique en l’espèce. Le moyen est inopérant et sera écarté.
Nous vous proposons dès lors de rejeter les requêtes de l'
association pour la qualité de la vie
dans le Sundgau et de la commune de Heidwiller .
Au titre des frais exposés par le départ du Haut-Rhin, nous vous proposons de mettre à la charge
de chacun des requérants une somme de 500 euros .
Tel est le sens de nos conclusions dans cette affaire.
81
%
CONCLUSIONS
prononcées par M. Christophe MICHEL
dans l’affaire M. Romain SAHLING
à l’audience du 9 septembre 2005
M. Romain SAHLING est ouvrier professionnel au 57ème régiment d’artillerie de Bitche
(Moselle). Avant son recrutement, à la suite de sa réussite à un concours, dans le corps des
ouvriers professionnels, le requérant a été employé du 16 août 1978 au 31 août 2000, en qualité
de personnel civil local, par les forces armées américaines stationnées en Allemagne.
Il a sollicité la prise en compte des services ainsi effectués, ce que son administration lui a
refusé par une note du 12 novembre 2003 dont il demande l’annulation.
Cette validation des services antérieurs de M. SAHLING ne saurait être opérée, comme
l’administration l’a bien compris, que sur le fondement de l’article 6 du décret n° 70-79 du 27
janvier 1970 relatif à l'
organisation des carrières des fonctionnaires des catégories C et D, aux
termes duquel « Les agents non titulaires de l'
Etat, des collectivités territoriales ou des
établissements publics qui en dépendent recrutés par application des règles statutaires normales
à l'
un des grades ou emplois mentionnés à l'
article 1er ci-dessus sont classés, en prenant en
compte à raison des trois quarts de leur durée les services civils qu'
ils ont accomplis, sur la base
de la durée moyenne de service exigée pour chaque avancement d'
échelon. ».
Aussitôt, une première objection s’impose : ancien employé des forces américaines,
M. SAHLING ne saurait être regardé comme ayant été un agent non titulaire de l’Etat, c’est-àdire de l’Etat français, ni des autres personnes publiques visées par les dispositions que nous
venons de citer, au nombre desquelles ne sont pas compris les Etats étrangers. La jurisprudence
refuse une telle assimilation même dans le cas d’un enseignant employé par un Etat étranger
mais dont la rémunération a été assurée par l’Etat français au titre de la coopération (CE 27
février 1995, n° 80642, CHAIX). Dès lors, M. SAHLING ne saurait bénéficier de la mesure de
reclassement prévue au profit des agents publics français.
Ajoutons, même si ces considérations sont superfétatoires, que les personnels civils locaux des
forces françaises stationnées en Allemagne ne sont pas mieux lotis. En effet, par une décision
du 25 juillet 2001 (CE n° 228909, Association de défense des personnels civils étrangers des
forces françaises stationnées en Allemagne de nationalité française sous régime de droit privé
allemand), invoquée d’ailleurs inutilement en l’espèce par l’administration, le Conseil d’Etat a
confirmé que si ces personnels civils étrangers (PCE) participent au fonctionnement du service
82
public français de la défense, il résulte des stipulations pertinentes de la convention entre les
Etats parties au traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leur force, signée à Londres le 29 juin
1951 et de l’accord du 3 août 1959 complétant cette convention, que les contrats de travail
conclus entre ces personnels et les forces françaises stationnées en Allemagne sont des contrats
privés, soumis à la législation du travail allemande et au contrôle du juge allemand.
M. SAHLING se prévaut aussi du « principe d’équité républicaine » pour soutenir qu’il est
victime d’une discrimination.
Cependant, si les considérations d’équité ne sont pas indifférentes au juge administratif, qui se
doit notamment de respecter le principe d’équité dans le déroulement du procès, cette notion ne
trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
En revanche, le principe d’égalité, affirmé par l’article 6 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen, qui s’oppose aux traitements discriminatoires, trouve un de ses
domaines d’élection dans le droit de la fonction publique (dans une jurisprudence
particulièrement abondante, on se bornera à citer, s’agissant de l’égalité entre les fonctionnaires
appartenant à un même corps, CE Ass. 21 juillet 1972 Union interfédérale des syndicats de la
préfecture de police et de la sûreté nationale, Rec. 584). Le Conseil constitutionnel lui a
reconnu, dans la même matière, valeur constitutionnelle (voir notamment, sur des dispositions
intéressant le statut général des fonctionnaires, CC 15 juillet 1976 ou 14 janvier 1983).
Le respect du principe d’égalité n’impose pas toutefois d’appliquer à chacun un traitement
identique mais permet au contraire de traiter différemment ceux qui sont dans une situation
différente ou d’y déroger en considération de l’intérêt général (CC 15 juillet 1976, cité supra, ou
12 septembre 1984 ; CE 16 mai 1980, n° 12691, CHEVRY et autres, Rec. 227, à propos de la
situation des agents publics de l’Etat en poste outre-mer).
La différence de situation est ici évidente. On comprend que le pouvoir réglementaire a entendu
réserver le bénéfice de la prise en compte d’une partie des services effectués à ceux qui ont
occupé un emploi public et qui, bien que n’étant pas encore fonctionnaires, en avaient, pour
ainsi dire, exercé les fonctions.
La situation de ces agents publics n’est pas comparable avec celle des salariés du secteur privé,
catégorie dont relève les personnels civils étrangers, qu’ils aient d’ailleurs été employés, comme
on l’a vu, par les forces françaises ou par les forces américaines.
Rappelons, pour terminer, que les fonctionnaires étant dans une situation statutaire et
réglementaire, ils ont droit au traitement correspondant à l’indice attaché à leur grade et à leur
échelon. Ce traitement ne dépend donc directement, contrairement à ce qui peut être le cas pour
les salariés dont la situation est régie par le droit du travail, ni de l’emploi occupé ni de
l’expérience professionnelle qu’ils ont pu éventuellement acquérir dans leur emploi précédent.
Il n’y a ainsi aucune anomalie, au regard des règles de la fonction publique, à ce que des agents
accomplissant le même travail perçoivent des rémunérations différentes ou même que des
fonctionnaires titulaires du même grade et ayant un traitement comparable exercent des
fonctions correspondant à des niveaux de qualification ou des degrés de responsabilité inégaux.
Nous ne voyons, dès lors, en l’espèce ni discrimination ni atteinte au principe d’égalité, sans
que la circonstance, à la supposer établie, que certains collègues de M. SAHLING aient pu
individuellement bénéficier d’un traitement plus favorable soit de nature à créer aucun droit au
profit de celui-ci.
83
Vous jugerez donc, si nous vous avons convaincu, que le requérant n’est pas fondé à demander
l’annulation de la décision du 12 novembre 2003 lui refusant la prise en compte de ses services
antérieurs.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête de M. SAHLING.
84
$
$
CONCLUSIONS
prononcées par M. Christophe MICHEL
dans l’affaire Romuald MONTPETIT
à l’audience du 9 septembre 2005
M. Romuald MONPETIT est adjudant au 6ème régiment du matériel de Phalsbourg (Moselle).
Bien noté par ses chefs, il a aspiré cependant, après plus de 15 ans de services, à mettre un
terme à sa carrière militaire pour accéder à un emploi réservé, ce qui lui aurait permis de
cumuler un traitement de fonctionnaire avec une pension militaire de retraite.
A cet effet, il s’est inscrit à l’examen d’aptitude spéciale, ouvert aux bénéficiaires de la
législation sur les emplois réservés, organisé en 2003 en vue de recruter des techniciens
supérieurs des services du ministère de l’agriculture. Nous pourrions nous interroger sur la
relation existant entre les fonctions auxquelles ouvre ce corps, classé dans la catégorie B et
comprenant 4 spécialités : vétérinaire, travaux forestiers, génie rural et techniques agricoles, et
la qualification actuelle du requérant, qui est un spécialiste de la guerre électronique, mais cette
question ne commande pas la solution du litige.
Nous observerons simplement que cet examen d’aptitude spéciale ressemble beaucoup au
concours externe, organisé parallèlement par la même administration et auquel il emprunte son
programme, variant, à l’exception de l’épreuve de culture générale, selon les spécialités que
nous venons d’énumérer, mais portant essentiellement sur les connaissances scientifiques. Il
s’en distingue par le fait que les candidats admis ne sont pas classés par ordre de mérite.
Les épreuves écrites de cet examen se sont déroulées le 27 février 2003. M. MONPETIT, qui a
reçu sa convocation le 7 février, suivait alors un stage de formation de 6 semaines, du 26 janvier
au 7 mars 2003, à l’école supérieure et d’application du matériel (ESAM) de Bourges. Il a donc
sollicité le 24 février une autorisation d’absence en vue de se présenter aux épreuves. Sa
demande a reçu l’avis favorable de chacun des échelons de la chaîne hiérarchique, directeur de
stage, chef de cours, commandant de la division technique d’électronique d’armement, ces deux
derniers observant que l’intéressé aurait la possibilité de récupérer les heures de cours
manquées. Cependant, le colonel Dupuy, directeur de la formation a refusé, par une décision du
26 février 2003, l’autorisation d’absence au motif que le « sous-officier en formation [qui la
sollicite] exprime le désir de quitter l’institution ».
M. MONPETIT, qui n’a évidemment pas pu participer à l’examen, en est d’autant plus contrarié
que le ministère de l’agriculture offrait cette année-là 6 postes au recrutement par la voie des
emplois réservés et n’avait reçu que 2 candidatures, dont celle du requérant. Un seul candidat
aura été présent ; nous ne savons pas si le jury l’a déclaré admis. M. MONPETIT est pour sa
85
part convaincu que, dans cette conjoncture, il est vrai extrêmement favorable, il aurait été
recruté à coup sûr.
Il vous demande donc la réparation du préjudice subi du fait du refus d’autorisation d’absence
qui lui a été opposé. Il a saisi d’une demande préalable successivement, la commission des
recours des militaires, qui s’est déclarée incompétente, s’agissant d’un recours de plein
contentieux, et le chef d’état-major de l’armée de terre, qui ne lui a pas répondu, laissant naître
une décision implicite de rejet.
Le requérant, qui estime que le traitement de technicien supérieur qu’il aurait perçu aurait été
sensiblement égal à sa solde de sous-officier, évalue son préjudice à la somme de 247 632
représentant, outre les troubles dans ces conditions d’existence qu’il apprécie forfaitairement à
15 000
par mois, depuis le moment où il a été empêché de se présenter au concours et jusqu’à l’âge de
la retraite, fixé à 60 ans. Il conclut également au versement des intérêts légaux depuis la date de
son recours gracieux ainsi qu’au remboursement de ses frais irrépétibles, chiffrés à la somme de
1 500 .
Pour que la demande de M. MONPETIT soit satisfaite, il faut, comme vous le savez, que soit
démontrée l’existence d’une faute, d’un préjudice – en l’espèce, comme l’indique expressément
le requérant, il s’agit du préjudice résultant de la perte d’une chance et des troubles dans les
conditions d’existence – et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Il ne nous parait pas utile d’examiner longuement si le refus opposé à M. MONPETIT est fautif.
Si l’administration tente de vous convaincre que l’intéressé aurait pu éviter d’effectuer ce stage
de formation professionnelle de 6 semaines à une période où il pouvait prévoir que se
dérouleraient les épreuves de l’examen où il était inscrit, ou encore qu’il n’aurait pas vraiment
de droit de reconversion à faire valoir, ces considérations sont vaines.
L’article 19 du décret n° 75-675 du 28 juillet 1975 portant règlement de discipline générale dans
les armées, récemment abrogé par le décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005, prévoyait que les
autorisations d’absence du service, comme les permissions de courte durée, sont accordées aux
militaires « compte tenu des nécessités du service ».
L’adjudant MONPETIT, qui avait demandé le 25 mars 2002 l’autorisation de se présenter à des
concours de la fonction publique a reçu un avis favorable de ses supérieurs hiérarchiques,
commandant de compagnie et chef de détachement. Sa démarche était donc légitime. Au
surplus, les motifs de la décision en cause comme les avis au vu desquels elle a été rendue font
suffisamment apparaître que l’intérêt du service n’était nullement menacé par l’absence
éventuelle de l’intéressé et que le refus qui lui a été opposé résulte de la volonté de brimer un
sous-officier ayant choisi de mettre un terme à sa carrière militaire.
Cette attitude, qui ne s’inspire d’aucune considération d’intérêt général, alors, au surplus, que
c’est le législateur lui-même qui a voulu, dans un souci de bonne gestion des ressources
humaines, promouvoir la reconversion civile des militaires, manifeste une grande légèreté quant
aux conséquences du refus sur la situation de celui auquel il est opposé et ressemble fort, en
outre, à un détournement de pouvoir. Elle est sans conteste fautive.
Ecartons également, sans nous y attarder, le moyen tiré par l’administration de ce qu’une
mesure d’ordre intérieur ne serait pas susceptible de causer un préjudice. Si de telles mesures,
d’ailleurs définies de plus en plus restrictivement par la jurisprudence - en particulier depuis les
décisions (CE Ass. 17 février 1995) Marie et Hardouin, ce dernier étant un militaire - ne
86
peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et si, toujours en application de l’adage
« De minimis non curat praetor », on a pu penser qu’elles n’étaient pas susceptibles d’engager
la responsabilité de l’administration, le refus d’autorisation d’absence dont M. MONPETIT
demande réparation constitue bien une décision faisant grief qui, loin d’être anodine, a eu, que
son auteur l’ait ou non mesuré, des conséquences importantes sur la situation professionnelle et
personnelle de l’intéressé.
Celui-ci vous explique que, n’ayant pu se présenter à l’examen, il n’a pu être nommé technicien
supérieur et vous demande d’indemniser la perte de rémunération en résultant. Les choses ne
sont cependant pas si simples.
En premier lieu, la réussite à un concours ou même à un examen n’est jamais assurée. Même
admis, le candidat n’a d’ailleurs aucun droit à être nommé par l’administration qui est
seulement tenue, si elle procède à une nomination, de faire porter son choix sur les candidats
proposés par le jury. Le requérant ne saurait dès lors demander que l’indemnisation de la perte
de la chance qu’il avait d’être nommé et non de l’absence de nomination (sur la perte d’une
chance de se présenter aux épreuves d’un concours : CE 22 janvier 1986, n° 51300, Grellier,
concl. Denoix de Saint Marc).
Il vous appartient, dès lors, d’évaluer la chance qu’aurait eu l’intéressé d’obtenir sa nomination
dans le corps des techniciens supérieurs. A cet effet, vous devrez prendre en considération non
seulement le fait invoqué par M. MONPETIT qu’il n’y avait cette année là que 2 candidats pour
6 postes mais aussi ses chances de réussir les épreuves en regard de son niveau.
M. MONPETIT fait valoir qu’il avait obtenu au concours externe organisé en 2000 une note de
67/140, donc légèrement inférieure à la moyenne, et des notes très honorables, 12,47 et 11,85,
aux concours d’officier d’active des écoles d’armes, en 2001 et 2002, concours auquel il a été
même admissible en 2004.
Si l’administration en défense objecte que les résultats de l’intéressé ont été beaucoup moins
bons en 2003, mais il avait peut-être cette année-là concentré ses efforts sur les concours civils,
vous pouvez considérer que M. MONPETIT avait de très bonnes chances de réussir l’examen
auquel il n’a pu se présenter, d’un niveau incontestablement moins élevé qu’un concours
externe ou qu’un concours d’officier, alors au surplus qu’il n’avait pas à craindre cette année-là
la concurrence de candidats éventuellement plus méritants. Nous pensons que la probabilité
pour l’intéressé d’obtenir une nomination en qualité de technicien supérieur était très élevée.
Il faut encore déterminer, en second lieu, l’étendue du préjudice résultant de l’absence de
nomination.
Observons tout d’abord que M. MONPETIT ne s’est pas présenté à la session suivante,
organisée en 2004. Or si le dommage causé à l’intéressé par la décision en cause se poursuit
dans le temps, un fonctionnaire étant nommé, sauf incident de carrière, jusqu’à ce qu’il atteigne
la limite d’âge de son corps, le lien de causalité entre la faute commise par l’administration et le
préjudice subi par le requérant s’interrompt au moment où celui-ci pouvait à nouveau être
candidat au même examen et où l’administration cesse, par la même, de supporter la
responsabilité de l’avoir empêché d’y prendre part.
N’ayant pas été candidat en 2004, le requérant ne saurait se prévaloir de ses charges de famille,
qui ne dépendent pas de l’administration. Il ne saurait davantage tirer argument du plus ou
moins grand nombre de candidats selon les années, circonstance imprévisible qui participe de
l’aléa inhérent à tout concours ou examen et, d’ailleurs, déjà prise en compte pour évaluer ses
87
chances de réussite en 2003. Dans ces conditions, la perte de revenu subie par M. MONPETIT
du fait du refus d’autorisation qui lui a été opposé ne saurait ouvrir droit à indemnisation audelà de la session d’examen suivante. Le préjudice financier réparable sera donc limité à celui
qui a été subie pendant la première année.
Le requérant, qui n’est pas contredit sur ce point, estime le montant du revenu qu’il a perdu à
celui de la pension de retraite qu’il aurait pu cumuler avec son traitement civil, soit 718
!
mois = 8 616
"
#
$
appréciation du préjudice subi de ce chef par M.
MONPETIT en lui accordant une indemnité égale à 7 000 euros.
M. MONPETIT fait également état des troubles causés dans ses conditions d’existence,
préjudice qu’il évalue à 15 000
%
in que le requérant, qui a été
admissible à un concours d’officier en 2004, soit si démotivé qu’il vous le dit. Nous ne vous
recommandons pas non plus de vous engager à nouveau, comme il vous y invite, sur le terrain
de la perte de chance, pour déterminer ce que pourrait valoir celle de se fixer
géographiquement, conséquence un peu lointaine, nous semble-t-il, de la réussite à un concours
de fonctionnaire.
En revanche, vous serez sans doute sensible au fait que M. MONPETIT, poursuivant une
perspective de reconversion légitime et d’ailleurs encouragée par le législateur, a consacré son
temps, ses efforts et, sans doute, consenti quelques sacrifices personnels, pour se préparer à un
concours auquel il a été empêché de se présenter par le mouvement d’humeur d’une autorité
dont nous avons déjà décrit la légèreté. Au regard de ces considérations, vous feriez, selon nous,
une juste appréciation du préjudice moral causé au requérant en lui allouant la somme de
3 000
Rien ne s’oppose à ce que ces sommes soient assorties de l’intérêt de droit à compter du 3 avril
2003, date de son recours gracieux. Le requérant ayant eu recours au ministère d’un avocat vous
pourrez également lui accorder les 1 500
&
irrépétibles.
Par ces motifs, nous concluons à la condamnation de l’Etat au versement à M. MONPETIT de
la somme de 10 000
êts légaux à compter du 3 avril 2003, ainsi que de la somme
de 1 500
' -1 du code de justice administrative.
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CONCLUSIONS
prononcées par Mme Julienne BONIFACJ
dans l’affaire Mlle Patricia LOPRIORE
à l’audience du 3mai 2005
Mlle LOPRIORE qui exerçait les fonctions d’agent d’entretien qualifié buandier au syndicat
interhospitalier de blanchisserie de Metz a entendu bénéficier des indemnités de départ
volontaire versées par le fonds d’accompagnement social pour la modernisation des
établissements de santé. Après s’être assurée du montant auquel elle pouvait prétendre, elle a,
par un courrier du 15 janvier 2003, présenté sa démission à compter du 1er septembre 2003,
sous réserve toutefois de percevoir une indemnité de départ d’un montant de 14.064, 66
Par une décision du 10 mars 2003, le secrétaire général du syndicat inter-hospitalier a accepté sa
démission et l’a radiée des cadres à compter du 31 août 2003. Ce n’est que le 3 février 2004 que
la requérante a été informé du rejet de sa demande d’indemnité.
Mlle LOPRIORE fait valoir que l’établissement a commis une faute en lui donnant des
informations erronées et acceptant sa démission sans tenir compte de sa réserve et vous
demande de lui accorder une indemnité en réparation de son préjudice.
1/ La fin de recevoir tirée de la tardiveté de la requête n’est pas fondée. Le recours de
Mlle LOPRIORE est dirigé contre la décision du 18 mai 2004 par laquelle le secrétaire général
a rejeté sa demande d’indemnisation. La requête enregistrée le 14 juin est bien recevable.
Contrairement à ce qui est soutenu, la requérante n’était pas tenue de présenter sa demande
d’indemnisation dans le délai de deux mois après le refus qui lui a été opposé le 3 février 2003.
Au demeurant dès lors que les voies et délais de recours ne lui ont pas été notifiés, aucune
forclusion ne peut lui être opposée.
2/ Sur le fond, le secrétaire général du syndicat fait valoir qu’à la date à laquelle il a accepté la
démission de la requérante, rien ne permettait d’envisager une issue défavorable à sa demande
et que la réponse négative de l’agence régionale de l’hospitalisation n’est intervenue qu’en
décembre 2003.
Il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision du directeur de l’agence régionale
d’hospitalisation de Lorraine du 16 juillet 2002, portant agrément de l’opération de
89
restructuration du syndicat interhospitalier précisait que deux ouvriers professionnels pouvaient
bénéficiait de l’indemnité de départ volontaire.
Contrairement à ce que soutient l’établissement, aucune disposition de cette décision ne
permettait de penser que d’autres agents pouvait être concernés.
Au demeurant, le syndicat était informé dès le 20 juin 2003 de la position de l’agence. Compte
tenu de la réserve clairement formulé par la requérante, il appartenait au secrétaire général de
s’assurer qu’elle remplissait bien les conditions requises pour bénéficier d’une indemnité de
départ avant de prononcer sa radiation des cadres.
Nous pensons que les fautes ainsi commises par le secrétaire général engage la responsabilité de
l’établissement.
Mlle LOPRIORE est fondée à demander réparation de son préjudice matériel correspondant au
montant de l’indemnité de départ volontaire indiqué dans sa lettre de démission soit
14 064,66
En revanche, elle n’apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l’étendue des troubles
dans ses conditions d’existence et du préjudice moral dont elle se prévaut.
L’indemnité portera intérêt mais seulement à compter du 10 mai 2004 date de réception par
l’établissement de la réclamation préalable du 7 mai 2004.
Par ces motifs, nous concluons :
-
à la condamnation du syndicat inter hospitalier de blanchisserie de Metz à verser à
Mlle LOPRIORE la somme de 14 064,66
êt à compter du 10 mai 2004 et la
somme de 750
' -1 du code de justice
administrative ;
-
au rejet du surplus des conclusions de la requête.
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CONCLUSIONS
prononcées par M. Jean-Michel WIERNASZ
dans l’affaire M. PFIRSCH
à l’audience du 18 octobre 2005
1- M. PFIRSCH, secrétaire de mairie dans la commune de Montreux-vieux (820 hab.) a cumulé
cet emploi avec les fonctions de secrétaire de mairie des communes de Bretten (125 hab.) et
Wolfersdorf (340 hab.).
Pour les années 2002 et 2003, des comptes de cumul ont été établis et la commune de
Montreux-Vieux a émis un titre exécutoire le 23 février 2004 pour une somme de 25037,63 à
l’encontre de M.PFIRSCH.
Un commandement de payer a été pris par le trésorier de Dannemarie pour un montant restant
dû de 19223,34 .
Dans sa requête enregistrée le 23 juin 2004, M. PFIRSCH vous demande :
-
d’annuler l’état exécutoire et le commandement de payer
d’ordonner la levée de l’hypothèque inscrite sur son immeuble
d’ordonner le reversement des sommes qui ont été prélevées sur son salaire
d’imputer le montant ainsi que l’erreur à l’administration.
2- Les conclusions aux fins d’annuler le commandement de payer sont, à la lettre, irrecevables
(Cf CAA Nancy 23/12/1993 req.92-514).
De même sont irrecevables les conclusions visant à imputer à l’administration les montants en
cause, d’ordonner la levée de l’hypothèque et aussi d’ordonner le reversement des sommes
payées (NB : sur ce dernier point, l’annulation entraîne en elle-même l’obligation de
rembourser : l’injonction est inutile).
3- Il reste à examiner l’opposition au titre exécutoire du 23 février 2004.
a-Vous pourrez sans difficulté écarter le moyens tirés de la circonstance que les différentes
administrations connaissaient le cumul de fonctions de l’intéressé et également que
l’administration s’acharne contre lui.
Ces moyens sont en effet sans incidence sur la légalité du titre exécutoire attaqué.
91
b- Le requérant soutient ensuite que les fonctions qu’il exerce à Bretten et Wolfersdorf ne
constituent pas des emplois au sens de l’article 7 du décret loi du 29 octobre 1936.
Cet article dispose que : « Nul ne peut exercer simultanément plusieurs emplois rémunérés sur
les budgets des collectivités visées par l’article 1ier. Est considéré comme emploi pour
l’application des règles posées au présent titre toute fonction qui, en raison de son importance,
suffirait à occuper normalement à elle seule l’activité d’un agent et dont la rémunération, quelle
que soit sa dénomination, constituerait, à raisons de sa quotité, un traitement normal ».
Dans un arrêt Meunier du 20/05/1994, le CE a estimé que ne constituait pas un emploi des
fonctions de secrétaire de mairie exercée à hauteur de 22 h par semaine…
En l’espèce, le requérant exerce 28 h à Wolfersdorf et 13 h à Bretten en plus d’un temps plein à
Montreux-Vieux
Si l’on cumule les deux fonctions (soit 41 h), il est incontestable que l’on est alors dans le
champ de l’article 7 et qu’il s’agit bien d’un emploi au sens de cet article. Il en est de même de
la rémunération ( puisque les critères sont cumulatifs) : elle atteint, sur la période, plus de
2800 &
munes pour un montant sensiblement équivalent par
mois pour la commune de Montreux-Vieux.
Mais, la lettre du texte permet-elle cette assimilation à « un » emploi du cumul de « deux ou
plusieurs » fonctions ?
Nous somme loin d’en être certain au vu notamment de la jurisprudence du Conseil d’Etat sur la
question (Cf. CE 03/10/2003 commune de Levainville req.249160 avec les conclusions F.
Seners) de laquelle il ressort que l’appréciation de la notion d’emploi se fait activité par activité.
En tout état de cause, il nous semble que le requérant dirige la discussion vers une question
qu’il vous sera inutile de trancher
En effet, l’éventuelle question du cumul d’emploi au sens de l’article 7 n’a aucune incidence sur
celle de cumul de rémunération au sens de l’article 9 du décret-loi du 29 octobre 1936 : ce
dernier n’admet qu’un complément de rémunération au plus égal au double du traitement
principal perçu par l’agent public intéressé, ce traitement étant constitué par la rémunération la
plus élevée soumise à retenue pour pension.(Cf. CE 25/01/1989 Ministre de l’éducation
nationale c/ M.Calamarte req.49729 in AJDA 1989 p.261 avec le conclusions Fornacciari)
En l’espèce, les chiffres ne sont pas contesté hormis, pour 2003, l’IFTS qui ne figure plus dans
la base de calcul alors qu’il devrait l’être dû selon le requérant, mais tel n’est pas le cas parce
que le requérant n’a pas perçu cet IFTS et, au surplus, nous avons vu, dans la requête 0402392,
qu’il ne devait pas le percevoir.
Il est donc établi que M. PFIRSCH n’a pas respecté la règle du cumul de rémunération pour les
deux années en cause
c- Le requérant soutient également que le compte de cumul de l’année 2002 n’a pas été établi au
31/12/2002 ni notifié avant le 30/06/2003 contrairement à ce que prévoit l’article 5 du décret du
11 avril 1958 fixant les conditions d’application de l’article 12 du décret du 29 octobre 1936.
92
La question est de savoir si ce délai est imposé à peine de nullité du compte de cumul en effet,
l’administration peut n’avoir connaissance d’un risque de dépassement qu’après les 6 mois
suivant le 31/12 d l’année concernée…
Dans un jugement du 6 octobre 2000, le tribunal administratif de Versailles (Cf. req. 90-485,
91-4315 et 92-6013 M. Kehl) a estimé que ce délai avait été instauré à peine de nullité dans le
cadre de la garantie institué en faveur des fonctionnaires visés par les règles du décret du
29 octobre 1936 ; le tribunal a notamment relevé que l’administration n’alléguait pas ne pas
avoir eu les informations nécessaires pour établir le compte de cumul.
Dans ces conditions, nous vous proposons d’annuler le titre exécutoire pour le montant
concernant la seule année 2002 soit à hauteur de 11 360,68
Par ces motifs, nous concluons :
-
à l’annulation du titre exécutoire à hauteur d’une somme de 11 360, 68
;
-
à ce qu’une somme de 750
à la charge de la commune de Montreux-Vieux au
titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
-
et au rejet du surplus de la requête et de la demande de frais irrépétibles par la commune.
93
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CONCLUSIONS
prononcées par M. Laurent GRAVIERE
dans l’affaire Société Lurgi
à l’audience du 25 octobre 2005
Le SIVOM de l’agglomération mulhousienne a décidé de la construction d’une usine
d’incinération des déchets urbains de l’agglomération, usine implantée à Sausheim, pour la
réalisation de laquelle il a passé, le 15 mai 1996, un marché avec un groupement d’entreprises
conjointes composé de la société Sogéa, chargée de la partie génie civile, la société ABT
France, chargée de la partie process et de la société Serete industrie, chargée de l’ingénierie
générale et des autres équipements qui était aussi le mandataire commun solidaire du
groupement. En 1998, la société Jacobs Serete est venue aux droits de cette dernière.
La société ABT France avait sous-traité une partie de son marché à la société Corneloup qui a
bénéficié d’un paiement direct de ses prestations, en application de l’article 6 de la loi 75-1334
du 31 décembre 1975, pour un montant équivalent aux trois quarts des prestations prévues.
Cette société s’étant révélée défaillante dans l’exécution de son sous-traité, la société ABT
France a décidé de confier à la société Lurgi les travaux restant à réaliser ainsi que ceux
nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements de l’ouvrage en cours de réalisation,
imputables à la société Corneloup. En date du 8 février 1999, la société ABT France a signé un
contrat de sous-traitance avec la société Lurgi, relatif au système de manutention des
incombustibles et lits de four pour un montant total de 23 000 000 francs HT, soit
3 506 327 euros. Par un acte spécial du 1er mars 1999, le SIVOM a accepté le sous-traitant et
agréé les conditions de paiement, mais pour un montant de 2 450 580 francs HT. Ce montant
correspondait au solde dû à la société Corneloup, impayé en raison de sa défaillance.
Par un second contrat, conclu le 12 août 1999, la société ABT France a décidé de confier à la
société Lurgi la mission de mise en service des équipements installés par elle. D’un montant de
24 147 755 francs HT, ce contrat n’a pas été présenté au SIVOM aux fins d’acceptation et
d’agrément.
La société Lurgi a été payée directement par le SIVOM, dans le cadre du premier contrat de
sous-traitance, pour le montant prévu de 2 450 580 francs HT. Après avoir essuyé un refus de
paiement d’un sixième acompte au titre de ce contrat de la part d’ABT France, la société Lurgi
s’est retournée, le 17 mars 2000, vers le maître d’ouvrage pour obtenir paiement des sommes
qu’elle estimait lui être dues, faisant valoir l’illégalité des clauses limitant le montant des
sommes devant faire l’objet d’un paiement direct. Cette demande était réitérée les 3 mai et 1er
août 2000 après que la société ABT France s’était retirée du marché en cédant l’ensemble de ses
droits et obligations à la société Jacobs Serete. En date du 17 avril 2001, la société ABT France
est déclarée en liquidation judiciaire. Par suite, le sous-traitant demande au SIVOM paiement de
l’intégralité des sommes qui lui restent dues en exécution des deux marchés de sous-traitance,
soit un montant de 12 692 188 francs. Ayant aussi saisi le Tribunal de commerce de Paris, aux
94
fins de voir fixer le montant de sa créance envers ABT France au titre du premier contrat, le
tribunal, dans un jugement du 13 mars 2002, a fixé celle-ci à 834 624,28 euros en principal
portant intérêts.
Enfin, par une décision du 19 décembre 2002, postérieure à l’introduction de la requête, le
maître d’ouvrage a décidé de résilier le marché de construction aux torts exclusifs du
groupement avec effet au 6 janvier 2003, ainsi que le marché d’exploitation de l’usine
d’incinération passé avec un autre groupement d’entreprises conjoint. En effet, les normes de
fonctionnement de l’usine n’ont pas atteint les niveaux prévus, de nombreuses difficultés
d’exploitation étant rencontrées.
Dans ce contexte, la société Lurgi vous saisit d’une requête, déposée le 17 juin 2002, par
laquelle elle demande la condamnation du SIVOM de l’agglomération mulhousienne à lui payer
une somme de 1 787 884,22 euros assortie des intérêts légaux, somme qui correspond aux
soldes des deux contrats de sous-traitance. Au titre du premier contrat, la société réclame une
somme arrêtée par le Tribunal de commerce de Paris, 834 624,28 euros. Au titre du second
contrat, la société réclame une somme de 915 711,52 euros en principal et de 37 548,42 euros
d’intérêts.
Fondement juridique
La société requérante ne demande pas au maître d’ouvrage le paiement direct des sommes qui
lui sont dues en vertu des contrats de sous-traitance. Sur le fondement de l’article 6 de la loi du
31 décembre 1975, la société n’aurait pas eu droit à paiement direct dès lors que le second
contrat de sous-traitance n’avait pas été présenté au maître d’ouvrage et les conditions de
paiement, en conséquence, pas agréées, et que ses droits découlant du premier contrat ne
pouvaient s’apprécier qu’au regard du montant prévisionnel figurant dans l’acte spécial (CAA
Paris 25 janvier 2001 Société d’économie mixte départementale pour l’aménagement du Val
d’Oise c./ société Décor’Home). Or, il est constant que la société avait obtenu paiement direct
des sommes qui figuraient dans l’acte spécial, soit 2 450 580 francs HT.
La société Lurgi demande l’indemnisation des préjudices subis par elle à raison des fautes
commises par le SIVOM de l’agglomération mulhousienne tenant à ce qu’il n’avait pas exigé la
régularisation de la situation de la société alors qu’il avait connaissance de son existence par
l’acte spécial du 1er mars 1999 qui se référait au contrat du 8 février 1999, à ce qu’il avait
procédé au paiement de l’entreprise principale et d’un sous-traitant de la société Corneloup
après avoir été destinataire de demandes de règlements de sa part, à ce que, pour ce faire, le
maître d’ouvrage ne pouvait s’abriter derrière des clauses de limitation du paiement direct du
sous-traitant, qui sont nulles au regard de la loi du 31 décembre 1975, qui interdit toute clause
de renonciation au paiement direct, et à ce qu’il ne pourrait se prévaloir des malfaçons affectant
les travaux réalisés par elle dès lors que le montant de la créance a été fixé par le juge judiciaire.
En matière de litiges survenant dans l’exécution d’un marché public, vous savez que depuis une
décision du Conseil d’Etat en date du 30 juin 1999 rendue dans l’affaire commune de Voreppe
c./ SA Renault Automation SA et Bureau Véritas (BJCP 7/1999 p. 595) la voie de la
responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle est fermée au maître d’ouvrage pour demander au
sous-traitant l’indemnisation d’un préjudice résultant d’un vice de conception ou d’exécution de
l’ouvrage. Une telle voie n’est possible que si le débiteur recherché a participé à une opération
de travaux publics en étant lié au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.
Confirmation de cette position a été donnée récemment (CE 25 juin 2004 commune de Gap). En
revanche, en cas d’action du sous-traitant contre le maître d’ouvrage en vue d’obtenir réparation
d’un préjudice, il est possible de se placer dans le cadre de la responsabilité délictuelle dès lors
95
qu’il y a eu, de la part du maître d’ouvrage, défaut d’acceptation du sous-traitant ou d’agrément
des conditions de paiement (CE 7 novembre 1980 SA Schmidt-Valenciennes, recueil p. 416).
En l’espèce, la demande d’indemnité découlant du second contrat de sous-traitance s’inscrit
exactement dans ce contexte. C’est la première demande, fondée sur le premier contrat de soustraitance, qui pose problème. Ce premier contrat a bien donné lieu à acceptation de la part du
maître de l’ouvrage et à agrément des conditions de paiement direct du sous-traitant. Un acte
spécial, prévoyant le montant qui ferait l’objet d’un paiement direct, a été établi et signé du
maître d’ouvrage, de l’entrepreneur principal et du sous-traitant. Ainsi, il apparaît difficile
d’admettre une responsabilité délictuelle du premier envers le troisième alors que les éléments
finalement en litige étaient arrêtés dans un document qui, s’il n’a pas de valeur contractuelle,
fixaient les engagements des uns et des autres quant au paiement direct du sous-traitant. C’est
ce principe que semble retenir la doctrine telle qu’elle est exprimée dans « Droit des marchés
publics », chap. L’exécution des marchés publics, paragraphe Sous-traitance, notion et champ
d’application par Rémi Rouquette.
Toutefois, aucune décision de justice n’est venue valider cette position qui interdirait donc au
sous-traitant de rechercher la responsabilité délictuelle du maître d’ouvrage dans l’hypothèse où
la sous-traitance aurait été acceptée par ce dernier. Par ailleurs, la société requérante soutient
que la limitation de son droit au paiement direct résulte d’une faute du SIVOM qui connaissait
l’étendue des prestations qui lui avaient été confiées par le sous-traité et aurait donc dû agréer
son paiement à hauteur de la totalité du montant qui lui était sous-traité. En reprenant cette
thèse, vous admettriez la responsabilité pour faute alors qu’il y a bien eu acceptation du soustraitant, la faute tenant à ce qu’il n’était pas possible de limiter le montant du paiement direct
accordé au seul montant résultant de l’exécution d’un sous-traité passé avec une autre
entreprise, devenu depuis défaillante.
Plusieurs raisons militent en ce sens. Tout d’abord, la solution retenue dans l’arrêt commune de
Voreppe ne concerne pas le cas du sous-traitant qui recherche la responsabilité du maître de
l’ouvrage. Il s’agit, comme il a été dit, de l’hypothèse inverse. La solution très restrictive de
cette jurisprudence trouve certainement sa raison d’être dans la volonté de ne laisser au maître
de l’ouvrage que le seul fondement contractuel pour rechercher la responsabilité des
constructeurs lorsqu’un vice de conception ou une faute dans l’exécution de l’ouvrage est
dénoncée. Une telle solution a le mérite de la simplicité en ne permettant que la seule
confrontation des parties à un contrat de location d’ouvrage, la responsabilité définitive d’un
sous-traitant ne pouvant être prononcée qu’une fois purgé le litige entre le maître d’ouvrage et
le constructeur. Ce sera dans le cadre d’un procès distinct ou d’un appel en garantie que la
charge de la réparation résultant des responsabilités respectives de l’entreprise principale et du
sous-traitant sera établie. Ces motifs ne se retrouvent pas dans l’hypothèse dont vous êtes saisis.
Le bénéficiaire de la sous-traitance ne peut engager d’action en responsabilité contractuelle ou
quasi contractuelle à l’égard du maître d’ouvrage. Il ne peut non plus agir dans le cadre du
paiement direct, sa demande de réparation étant fondée sur une mise en oeuvre fautive des
modalités de paiement direct. Seule lui est ouverte la voie de la responsabilité délictuelle.
Ensuite, le recours à ce fondement est justifié au cas d’espèce par le fait qu’il s’agit du seul
moyen de sanctionner la méconnaissance des dispositions de l’article 6 de la loi du 31 décembre
1975 qui prévoient le paiement direct du sous-traitant pour la part du marché dont il assure
l’exécution.
96
Enfin, reconnaître la possibilité pour le sous-traitant agréé de fonder son action en indemnité sur
la responsabilité délictuelle du maître de l’ouvrage lui assure un traitement équivalent au soustraitant qui n’aurait pas été agréé. Il y aurait quelque chose d’incongru à admettre que celui qui
a participé à l’exécution de travaux publics de manière occulte, de son fait ou non, soit mieux
traité que celui qui a été agréé par le maître d’ouvrage mais qui revendique une indemnisation
de préjudices qu’il allègue avoir subi.
Vous pourrez donc examiner la requête de la société Lurgi sur le fondement invoqué pour
chacun des deux montants dont il est demandé l’indemnisation.
Responsabilité pour faute
La ligne de partage entre reconnaissance d’une faute du maître de l’ouvrage envers le soustraitant et son absence passe par la connaissance que le premier avait de l’intervention du
second dans l’exécution du marché. Si la réponse est positive, la responsabilité est retenue, si
elle est négative, la demande indemnitaire du sous-traitant est rejetée.
Sur la faute commise à l’occasion de l’exécution du premier contrat de sous-traitance, il est
certain que le SIVOM connaissait l’activité de la société Lurgi dès lors qu’il l’avait agréée dans
ce but. La question traditionnellement posée devant les tribunaux est ici déplacée vers la
connaissance par le maître de l’ouvrage de l’étendue des prestations que la société devait
réaliser pour le compte de l’entrepreneur principal sous couvert du sous-traité et leur montant
total. Or, il résulte de l’instruction que l’acte spécial par lequel était agréée la société Lurgi
faisait référence au contrat de sous-traitance qui prévoyait explicitement l’étendue des travaux
confiés par ABT France à cette société et leur montant, 23 000 000 francs HT. Certes, le soustraité prévoyait aussi que le paiement direct ne serait acquis qu’à hauteur de 2 450 580 francs
HT. Mais, le fondement de cette limitation du droit au paiement direct semble bien mal assuré,
le SIVOM le faisant par référence à un premier sous-traité passé par ABT France avec la société
Corneloup. Dans ces conditions, le maître d’ouvrage a commis une faute en limitant le droit au
paiement direct sans tenir compte de la part du marché dont le nouveau sous-traitant assurait
l’exécution, méconnaissant les dispositions de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975. Par
ailleurs, contrairement à ce qu’il soutient, il ne résulte pas de l’instruction que, s’il avait agréé la
société requérante pour un montant égal à son sous-traité, il courrait le risque de devoir payer
des sommes supérieures au marché signé avec ABT France. En effet, il est démontré que le
SIVOM a réglé à cette société des montants importants, par exemple 13 951 887,95 francs HT
payés le 26 juin 2000. La défense du SIVOM qui, sur ce point, en appelle à la jurisprudence
Mergui ne tient pas, aucune preuve n’étant faite de ce qu’il serait condamné à payer une somme
qu’il ne doit pas.
La faute du maître d’ouvrage est donc démontrée en ce qui concerne les sommes réclamées à
raison du premier contrat de sous-traitance. Pour autant, cela n’ouvre pas droit à une
indemnisation à hauteur de la totalité de ces sommes. En effet, la responsabilité du maître de
l’ouvrage peut être atténuée par la faute de l’entrepreneur principal, mais aussi par celle
commise par le sous-traitant (arrêt Schmidt Valenciennes précité). Au cas présent, le SIVOM
relève que le sous-traitant a accepté une situation dans laquelle son droit au paiement direct était
limité, certes irrégulièrement si vous partagez mon analyse, en raison de l’acte spécial qui était
connu du sous-traitant quand bien même il n’avait pas à le signer, conformément aux
dispositions de l’article 186 bis du CMP alors en vigueur. C’est à juste titre que le SIVOM
oppose ces circonstances au sous-traitant.
Il n’en est pas de même pour ce qui est des défaillances alléguées de la société Lurgi dans
l’exécution de ses prestations. Le fond des accusations portées par le SIVOM n’est pas démenti
97
par la société requérante. Alors que le Conseil d’Etat admet que ce type de considérations
puisse avoir une incidence sur le montant admis en paiement direct, il me semble logique de
transposer cette solution lorsque c’est une indemnisation pour faute que recherche le soustraitant (CE 28 avril 2000 Société Peinture Normandie, BJCP n° 11 p. 240). Toutefois, la
société Lurgi soutient que, du montant qu’elle réclame au SIVOM, le Tribunal de commerce de
Paris a déjà déduit le coût de certaines malfaçons. Le maître d’ouvrage n’apporte pas
d’éléments permettant de considérer les malfaçons dont il fait état sont le fait de la société
Lurgi. Ainsi, il n’y a pas lieu de limiter le montant de la somme réclamée par la société,
montant qui servira à déterminer la part pouvant lui être accordée sur le fondement de la faute.
Dès lors, vous admettrez la demande de la société requérante en retenant toutefois sa
responsabilité et celle de la société ABT France dans l’élaboration et le suivi de la procédure
d’agrément du sous-traitant. Vous fixerez le niveau de ces causes exonératoires à deux tiers de
la somme réclamée. Le SIVOM sera donc condamné à payer une somme de 278 208,09 euros
augmentée des intérêts légaux à compter du 17 juin 2002, jour d’enregistrement de la requête.
Je serai plus bref en ce qui concerne la demande d’indemnisation résultant de la mise en oeuvre
du second contrat de sous-traitance qui avait pour objet la mise en service de l’usine. La ligne
de défense du SIVOM est la méconnaissance dans laquelle il était de l’intervention de la société
Lurgi sur le chantier à un nouveau titre que celui pour lequel il l’avait agréée. La société produit
plusieurs documents pouvant laisser penser que le maître d’ouvrage connaissait l’intervention
de la société. La plupart de ces documents, rapports d’exploitation relatifs à la mise en service
de l’usine et rapports hebdomadaires, datent du second semestre 1999. Pendant cette période, la
société est intervenue en application des deux sous-traités. La circonstance qu’elle aurait été
présente aux réunions retranscrites par certains de ces comptes rendus ou qu’elle aurait été
destinataire de documents de la part du maître d’ouvrage ne démontrent pas que ce dernier avait
connaissance de son intervention. Il en est de même quant à la circonstance que son nom serait
mentionné dans l’un des rapports d’exploitation relatifs à la mise en service de l’usine alors
qu’elle était chargée de la mise en service d’une partie des équipements de l’usine en vertu du
premier contrat de sous-traitance. Certes, il ressort d’un compte rendu d’un réunion du 3 mai
2000 que la société Lurgi faisait état du contrat de mise en route dont le dernier terme de
paiement était dû à la réception de l’usine. Au vu de ce seul élément, il me semble toutefois
difficile de soutenir que le SIVOM avait connaissance de l’intervention de la société à un autre
titre que le premier sous-traité (CAA Nantes 12 mars 2004 société Colomat). Par ailleurs, la
présence de sous-traitants à quelques rendez-vous de chantiers n’est pas suffisante pour que la
sous-traitance soit considérée comme connue (CE 6 novembre 1985 commune de Chécy c./
société Sabam et autres, recueil p. 144). Vous écarterez donc la seconde demande indemnitaire.
Appel en garantie
Le SIVOM de l’agglomération mulhousienne appelle en garantie la société Jacobs Serete, venue
aux droits de la société ABT France. Elle fonde son appel, en partie, sur les stipulations de
l’avenant par lequel Jacobs Serete s’est substituée au titulaire du marché. Dès lors qu’en
application de ces stipulations, cette société déclarait faire son affaire de tous les contentieux
pouvant naître avec les sous-traitants, elle doit être condamnée à garantir le maître d’ouvrage
des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre d’un litige avec un sous-traitant.
Par ces motifs, je conclus à ce que le SIVOM de l’agglomération mulhousienne soit condamné
à payer la somme de 278 208,09 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 17 juin 2002
à la société Lurgi et à ce que la société Jacobs Serete garantisse le maître d’ouvrage à hauteur de
100 % des condamnations prononcées.
98
CONCLUSIONS
prononcées par M. Laurent GRAVIERE
dans l’affaire Société Eiffage Construction
à l’audience du 27 septembre 2005
Les neuf requêtes dirigées contre la commune d’Amnéville visent à vous faire juger la légalité
d’arrêtés municipaux et de titres de recette exécutoires émis par elle à l’encontre de la société
Eiffage Construction. Les requêtes 0404047, 0404051 et 0404053 sont présentées par la société
Eiffage et tendent à l’annulation des arrêtés 114/2004, 115/2004 et 116/2004 du 6 juillet 2004
par lesquels la commune a mis à sa charge les sommes de 1 108 190,15 euros, de 654 857,90
euros et de 115 843,17 euros. Les déférés préfectoraux, enregistrés sous les n° 0404784,
0404786 et 0404788 ont le même objet. Enfin, par les requêtes 0404049, 0404052 et 0404054,
la société Eiffage Construction demande l’annulation des 3 titres de recette exécutoire émis le 6
août 2004 portant sur les sommes précitées.
Ces litiges procèdent d’un même marché, fort ancien, qui a donné lieu à un contentieux
abondant et interminable devant les juridictions judiciaires. Le 23 juin 1972, la commune
d’Amnéville a confié à la société Fougerolle, aux droits de laquelle vient la société Eiffage
Construction, la réalisation des travaux de construction d’un complexe sportif comprenant, entre
autres, une piscine et une patinoire. Un avenant n° 1 signé le 1er février 1974 transférait le
marché à l’association Centre de Loisirs d’Amnéville (CLA), à la suite d’une délibération du
conseil municipal pris en ce sens le 6 juillet 1973. La réception provisoire des travaux assortie
de réserves était prononcée le 21 décembre 1974. Le maître d’ouvrage, CLA, refusait le
décompte produit le 27 août 1975 par l’entrepreneur, évènement qui va déclencher un feuilleton
judiciaire de près de 30 ans.
La société Fougerolle ayant assigné l’association devant le juge des référés du Tribunal de
grande instance de Metz pour obtenir une provision d’un million de francs et la désignation
d’un expert, une ordonnance du 27 avril 1976 désigne deux experts et sursis à statuer pour le
surplus. Un rapport est déposé le 9 mai 1979, faisant état de différents désordres imputés à la
société. En date du 13 novembre 1979, la société assigne au fond l’association pour le paiement
de la provision d’un million de francs en contrepartie de l’exécution des travaux prescrits par les
experts pour remédier aux désordres constatés et, notamment, la mise sous séquestre d’une
somme de 3 millions de francs par l’association. Le Tribunal de grande instance rend un
jugement en date du 27 novembre 1980 par lequel il rejette les demandes de provision et de
mise sous séquestre et renvoie l’affaire à un juge de la mise en état. L’association dépose une
requête en vue d’obtenir l’autorisation de réaliser les travaux urgents aux frais de la société.
Cette requête est rejetée par une ordonnance du juge de la mise en état du 8 décembre 1981.
Une nouvelle requête en ce sens ayant été déposée par l’association, le juge de la mise en état,
dans une ordonnance prise le 15 juin 1982, l’autorise à exécuter les travaux « à ses frais avancés
pour le compte de qui il appartiendra » et condamne Fougerolle à lui verser une provision de
2 009 659 francs. Les travaux seront exécutés, mais la provision jamais versée.
99
A la suite de l’apparition de nouveaux désordres, un second rapport d’expertise est déposé le
25 avril 1983. Apparemment non satisfaite des conclusions des différents experts, la société
sollicite une nouvelle expertise et l’obtient par une ordonnance du juge de la mise en état, en
date du 28 octobre 1988, en vue d’établir les comptes entre les parties. Le rapport, déposé le
25 novembre 1990, reconnaît l’existence d’une créance de la société sur CLA à hauteur de
2 366 672 francs, soit 360 796,82 euros. En conséquence de quoi, la société demande la
condamnation de l’association à lui payer la somme de 6 787 860,12 francs, correspondant au
principal augmenté des intérêts. Je passe sur certains développements secondaires de l’affaire
pour retenir un litige dans le litige qui va voir la commune d’Amnéville contester la compétence
de la juridiction judiciaire. La réponse du Tribunal de grande instance de Metz, par un jugement
du 24 août 1994, et de la Cour d’appel de Metz, par un arrêt du 11 décembre 1996, est sans
équivoque, le litige relève de la juridiction judiciaire. Le dossier au fond ayant peu évolué, le
Tribunal de grande instance de Metz, dans un jugement du 3 mai 2000, arrête les comptes entre
les parties et condamne la commune à payer à la société la somme de 360 796,82 euros avec
intérêts à compter du 4 décembre 1984, ceux-ci devant être capitalisés.
Le jugement était assorti de l’exécution provisoire. La commune d’Amnéville a interjeté appel
et demandé le sursis à exécution du jugement, ce qui lui a été refusé par ordonnance du premier
président de la Cour d’appel de Metz, en date du 17 juin 2004. Cette demande de sursis était
motivée par la circonstance que la société Eiffage avait demandé au préfet de la Moselle de
procéder à l’inscription d’office de sa créance. Le mandatement d’office a été opéré le 29 juin
2004. C’est alors que le maire d’Amnéville a pris les 3 arrêtés attaqués, puis les 3 titres de
recettes exécutoires pour les sommes précitées en se fondant sur l’ordonnance du 15 juin 1982
prise par le juge de la mise en état qui condamnait l’entrepreneur au versement d’une provision
d’un million de francs. Le recours gracieux du sous-préfet de Metz campagne a été rejeté par le
maire d’Amnéville. Par suite, le préfet a introduit 3 déférés à l’encontre des arrêtés, imité par la
société Eiffage qui demande aussi l’annulation des titres de recettes exécutoires. Les déférés
préfectoraux étaient assortis d’une demande de suspension d’exécution à laquelle il a été fait
droit par 3 ordonnances du juge des référés du tribunal prise le 1er décembre 2004.
Dernière précision avant d’aborder l’examen des questions juridiques que posent ces affaires, la
commune d’Amnéville est présente dans la procédure judiciaire depuis le milieu des années
1980 en raison du rachat fait par elle en 1984 des ouvrages construits par la société.
Compétence
Vous avez soulevé un moyen d’ordre public tiré de ce qu’une personne privée ne peut pas être
condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas. En réponse, la commune soutient que le
tribunal cherche à se prononcer sur le bien-fondé de la requête déposée par la société Fougerolle
devant le Tribunal de grande instance de Metz, tendant à sa condamnation au versement d’une
somme de 360 796,82 euros augmentée de 1 034 802,60 euros au titre des intérêts moratoires.
Ce faisant, le juge administratif méconnaîtrait le champ de compétences du juge judiciaire.
Cette argumentation de la défense pose la question de votre compétence pour trancher le litige
dont vous êtes saisi.
La question de la compétence juridictionnelle a déjà été abordée dans une étape antérieure des
démêlés judiciaires opposant les parties à la présente instance. La production, au cours de la
procédure judiciaire, du marché initial de travaux a conduit le juge judiciaire à statuer sur sa
compétence. Par un jugement du Tribunal de grande instance de Metz du 24 août 1994,
confirmé par la Cour d’appel de Metz le 11 décembre 1996, compétence a été reconnue à la
100
juridiction judiciaire pour connaître du litige né du marché litigieux. La motivation retenue
reposait sur les circonstances suivantes : l’association s’était substituée à la commune dans le
contrat de marché signé (avenant du 1er février 1974) ; l’association avait assuré la maîtrise
d’ouvrage des travaux ; l’absence d’incidence des stipulations du marché se référant au code
des marchés publics, du fait que le marché avait été transmis au préfet et que la commune était
devenue propriétaire de l’ouvrage achevé.
Malgré cette prise de position du juge judiciaire, l’arrêt de la Cour d’appel étant devenu
définitif, vous n’êtes pas tenu de vous déclarer incompétent. L’appréciation qui a été faite par le
juge judiciaire n’est pas revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée qui n’est attachée qu’aux
constatations de fait du juge pénal (CE section 28 juillet 2000 Préfet de police c./ Diagola,
recueil p. 340). Dès lors, il est nécessaire de déterminer si les litiges dont vous êtes saisi relève
de votre compétence. Si la nature privée de la créance est démontrée, le juge judiciaire sera
compétent même si la commune a utilisé le procédé du titre de recette exécutoire
(TC 22 octobre 1979 Dame Rulhe c./ OPHLM de Toulouse, recueil tables p. 678).
La commune d’Amnéville avait signé un marché de travaux publics avec la société Fougerolle,
puis avait transféré ce contrat à l’association CLA, de même que la maîtrise d’ouvrage, alors
que les travaux étaient en cours d’exécution. L’association est devenue propriétaire des
ouvrages construits lorsque les opérations de réception ont eu lieu en 1974. Ce n’est qu’en
1984 que la commune a acquis la propriété desdits ouvrages. Ainsi, les litiges procèdent,
semble-t-il, d’une opération privée de construction et des obligations découlant d’un contrat qui
liait deux personnes privées. Par ailleurs, aucune des pièces contractuelles ne laisse supposer
que les ouvrages auraient été construits par l’association pour le compte de la commune,
pouvant faire présumer l’existence d’un mandat passé entre les deux personnes dans ce but.
La seule voie qui permettrait de retenir votre compétence juridictionnelle pour connaître des
litiges serait de recourir à la notion d’association transparente. Il s’agit de tirer toutes les
conséquences de l’absence d’autonomie réelle d’une association par rapport à une personne
publique pour, par exemple, rechercher en lieu et place de l’association ayant commis un
dommage la responsabilité de la personne publique. Cette notion, qui avait été énoncée par la
doctrine et reprise par les instances gouvernementales (rép. du ministre de l’intérieur JO débats,
Sénat 13 décembre 1990 p. 2657), a été retenue en matière de responsabilité contractuelle des
constructeurs par la Cour administrative d’appel de Nancy dans un arrêt du 15 avril 1993
Département de la Marne (Revue de Droit Immobilier 1994/447). La Cour avait jugé que, si
certaines conditions d’organisation et de fonctionnement étaient remplies, une association ayant
passée des marchés de travaux devait être regardée comme ayant agi pour le compte du
département dans un but d’utilité générale. Dès lors, les marchés donnant lieu à contentieux
étaient des marchés publics, la juridiction administrative étant compétente pour en connaître.
Hélas, cet arrêt novateur a été annulé par le Conseil d’Etat le 17 juin 1998 (Département de la
Marne) qui, sans se prononcer sur la pertinence de l’analyse faite par la Cour, a choisi un autre
terrain pour retenir la compétence de la juridiction administrative, le caractère public des
travaux exécutés, dans ce qui semble une lointaine application de la jurisprudence commune de
Monségur. Si, à ma connaissance, aucune autre décision de justice ne s’est engagé dans la voie
qu’avait tracée la Cour de Nancy en matière de responsabilité à raison d’une opération de
construction, la notion d’association transparente a récemment retrouvé force, la rendant
pleinement opérante pour admettre la compétence de la juridiction administrative. Par trois
arrêts du même jour, la Cour administrative d’appel de Marseille a suivi le raisonnement de la
Cour de Nancy dans des hypothèses de mise en jeu de la responsabilité d’une commune dans le
licenciement d’agents d’une association gérant un centre aéré et un jardin d’enfants (CAA
101
Marseille 14 septembre 2004 Mme Martin-Métenier c./ commune de Marignane ; Mme Bonini
c./ commune de Marignane ; Mme Parent c./ commune de Marignane).
Les critères de l’association transparente se divisent en deux grandes catégories, l’une tenant à
la composition de ses organes et l’autre à ses conditions de fonctionnement. Dans la première
catégorie, on retrouve la composition du conseil d’administration de l’association, l’identité de
ses dirigeants, la participation de membres de l’assemblée de la collectivité locale ou de son
exécutif tendant à prouver la transparence de l’association. Dans la seconde catégorie, figurent
les modes de surveillance ou de tutelle exercée par la collectivité locale sur l’association, le lieu
d’exercice de l’activité de l’association, la concordance avec ceux de la collectivité étant un
indice supplémentaire de son absence d’autonomie, les conditions de prise en charge des frais
immobiliers et d’équipement de l’association, un financement par la collectivité étant un autre
indice en faveur de la transparence, la mise à disposition de personnel par la collectivité va dans
le même sens, et, enfin, le mode de financement de l’association et la nature des missions qui
lui sont confiées peuvent accroître sa dépendance vis-à-vis de la collectivité. Par ailleurs, la
création de l’association par la collectivité locale peut être un élément qui combiné aux critères,
relevés dans chacune des deux catégories, peut mieux étayer la thèse de sa transparence.
Ayant énuméré ces conditions posées par la jurisprudence pour donner corps à la théorie de la
transparence, vous devrez passer à leur crible les modalités d’organisation et de fonctionnement
de l’association Centre de Loisirs d’Amnéville pour dessiner sa véritable nature. Les statuts de
l’association prévoit qu’elle est administrée par un conseil d’administration de 12 membres de
droit, le maire et 11 conseillers municipaux désignés par le conseil municipal, et de 8 membres
élus par l’assemblée générale. Au vu des missions de l’association, elle oeuvre dans un but
d’utilité générale, pour le moins. S’agissant des ressources, elles sont constituées des cotisations
des membres, des droits d’entrée et d’utilisation des ouvrages, des subventions, notamment
publiques, ainsi que de ressources crées à titre exceptionnel. Toutefois, il y a lieu de souligner
que l’intégralité des travaux de construction a été financée par la commune qui subventionnait
pour ce faire l’association. L’association a été créée par la commune d’Amnéville. Enfin, son
siège se trouve au 36, rue des Romains à Amnéville, adresse de la mairie. Ainsi, de ce faisceau
d’indices, certes incomplet en l’état du dossier, il me semble que nous avons suffisamment
d’éléments pour regarder l’association Centre de Loisirs d’Amnéville comme transparente. Par
suite, le marché de travaux signé avec l’entreprise Fougerolle est un marché public passé pour
le compte de la commune d’Amnéville. Vous êtes donc compétent pour connaître de la
demande de décharge de l’obligation de payer résultant des 3 états exécutoires et de
l’annulation des arrêtés.
Recevabilité
A ce stade, la recevabilité des 6 recours dirigés contres les arrêtés municipaux doit être
envisagée dès lors que vous avez soulevé d’office dans les 6 dossiers le moyen tiré de ce que les
conclusions qui tendent à l’annulation d’un acte qui ne fait pas grief sont irrecevables.
Les arrêtés pris par le maire contiennent trois articles : le premier établit le montant de la
somme à verser par la société Eiffage Construction et indique qu’elle fera l’objet d’un titre de
perception ; par le deuxième, le maire certifie le caractère exécutoire de l’arrêté et informe que
cet acte peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif; le
troisième est un article d’exécution.
102
Les arrêtés, tout comme les titres de recettes, sont fondés explicitement sur l’ordonnance du
juge de la mise en état du 15 juin 1982. Or, une décision de justice passée en force de chose
jugée a force exécutoire et peut fonder la procédure de recouvrement de la créance qu’elle
reconnaît. Si ces conditions sont remplies, le créancier n’a pas besoin d’un titre de recette
exécutoire pour procéder au recouvrement des sommes qui lui sont dues. La décision de justice
vaut titre exécutoire (Cour Comptes 28 septembre 1972 Receveur de la commune de Vincennes,
Revue Administrative 1973 p. 286). Si nous étions dans ce cas de figure, tant les arrêtés
municipaux que les titres de recettes seraient inutiles pour procéder au recouvrement des
créances. Apparemment, le maire de la commune n’a pas cru devoir agir sur le seul fondement
de l’ordonnance du juge.
Avait-il besoin de passer par l’édiction d’arrêtés avant d’émettre les titres de recettes ? En tant
qu’ordonnateur de la commune, le maire a compétence pour constater les droits de cette
dernière, ce qu’il peut faire par l’émission d’un titre exécutoire (article 5 du règlement général
de la comptabilité publique du 29 décembre 1962). Par suite, les arrêtés attaqués étaient inutiles
et doivent être considérés comme des actes superfétatoires. De tels actes ne sont pas toujours
irrecevables, mais à l’examen d’une jurisprudence peu éclairante quant à ses motifs, il semble
que ce n’est que dans le cas où la décision attaquée n’est pas dépourvue de toute conséquence
ou est susceptible d’exécution (par exemple CE section 3 décembre 1993 commune de
Villeneuve-sur-Lot, recueil p. 344). En l’espèce, on ne voit pas bien quelles peuvent être les
conséquences des arrêtés pris, la constatation des créances ne dépendant pas en droit de leur
existence. Il en est de même d’une éventuelle exécution qui ne peut être distinguée de
l’exécution des titres de recettes qui ne procèdent pas de leur édiction.
Vous pourrez donc déclarer les 6 recours dirigés contre les arrêtés du 6 juillet 2004 comme
irrecevables. S’agissant de demander l’annulation d’actes ne faisant pas grief, les requérants
sont dépourvus d’intérêt à agir.
Bien-fondé des titres de recettes exécutoires
Dans les instances opposant la société Eiffage Construction à la commune d’Amnéville, vous
avez soulevé d’office le moyen tiré de ce qu’une personne privée ne peut être condamnée à
payer une somme qu’elle ne doit pas, les titres exécutoires étant fondés sur une créance éteinte
par une décision juridictionnelle. Le seul moyen qui était soulevé par la requérante, sans
d’ailleurs l’assortir de justifications très développées, était le détournement de pouvoir commis
par la commune en prenant les titres de recettes. Selon elle, la commune cherchait à faire échec
à deux décisions de justice exécutoires et à en paralyser l’exécution.
Si la société requérante demande l’annulation des trois arrêtés, vous devrez vous prononcer
selon les règles propres au contentieux de pleine juridiction, le contestation des titres de recettes
exécutoires relevant de cette catégorie (CE section 27 avril 1988 M’Bakam, recueil p. 172).
Dans ce cadre, il vous était loisible de soulever d’office le moyen d’ordre public tiré de ce
qu’une personne privée ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas, principe
dégagé par le Conseil d’Etat ( Section 17 mars 1978 SA Entreprise Renaudin, recueil p. 140)
faisant le pendant à celui garantissant d’une même condamnation toute personne publique (CE
section 19 mars 1971 Mergui, recueil p. 235).
Quant en est-il du solde des rapports financiers entre la commune et la société ? Il est vrai que le
juge de la mise en état avait, le 15 juin 1982, condamné la société Fougerolle au paiement d’une
somme de 1 million de francs à l’association CLA. Mais, le jugement du Tribunal de grande
instance de Metz du 3 mai 2000 établissait le compte définitif entre les parties au marché en
103
fixant une créance en faveur de la société pour un montant de 2 366 672 francs, soit 360 796,82
euros, portant intérêts légaux à compter du 4 décembre 1984 et capitalisation de ces intérêts.
Le Tribunal de grande instance a repris les conclusions du rapport d’expertise déposé le
25 novembre 1990 qui retenait un solde du marché s’élevant à 2 366 672 francs alors que les
travaux autorisés par le juge de la mise en état, par ordonnance du 15 juin 1982, avaient été
réalisés, tout comme ceux résultant d’un protocole d’accord entre entreprises du 22 août 1983.
Les juges relevaient que le solde du marché avait été dégagé « après que l’expert a procédé à la
revalorisation du marché de base et a également fait la part, dans le montant total des travaux
financés par CLA, de ce qui constituait pour lui une amélioration pure et simple de l’installation
initiale, et n’avait pas à être mis à la charge de la société, et également du coût de la vétusté de
l’installation initiale remplacée. » Les juges continuaient ainsi « Il en résulte que sur un montant
total de travaux de réfections de 2 427 996,83 francs, et après déduction de la valeur du marché
de base du lot n° 7 « traitement des eaux » actualisée à 1983, le montant des travaux à ventiler
s’élève, selon l’expert, à 1 426 495,63 francs dont 607 816,51 francs à la charge de la société, le
surplus constituant soit une amélioration, soit un amortissement de vétusté. » En conséquence,
les juges ont entériné les conclusions du rapport d’expertise relatives aux comptes entre les
parties. D’où la condamnation de la commune d’Amnéville à payer la somme 2 366 672 francs
à la société Eiffage Construction.
Au vu des éléments analysés par le juge judiciaire, dont il n’y a pas de raisons de s’écarter, il y
a lieu de constater que le décompte entre les parties a été arrêté en tenant compte de toutes les
sommes dues par l’un ou l’autre des cocontractants au titres des différentes opérations de
construction, qu’elles résultent du marché initial, de l’ordonnance du juge de la mise en état ou
d’un protocole d’accord. Dans ces conditions, l’argumentation de la commune tenant au
caractère non définitif du décompte, faute pour ce dernier de détailler les créances et dettes des
parties, ne pourra qu’être écarté. En effet, si elle critique le fait que seuls 607 816,51 francs des
travaux ordonnés ont été mis à la charge de la société Eiffage, elle n’apporte pas plus
d’éléments probants que devant le Tribunal de grande instance qui permettraient de réfuter
l’analyse de l’expert tenant à ce qu’une partie importante des travaux s’était traduite par des
améliorations apportées à l’ouvrage qui n’étaient pas prévues dans le marché initial ou qui
résultaient de l’application d’une réglementation plus stricte, non encore en vigueur à l’époque
de l’achèvement des travaux objet du marché initial. Elle ne conteste pas non plus utilement
l’application d’un amortissement de vétusté sur les ouvrages construits pour déterminer le coût
actualisé des travaux réalisés. Enfin, les juges relevaient que la commune n’avait pas conservé,
comme il lui avait été demandé à un stade antérieur de la procédure, des échantillons de divers
matériaux qui auraient permis de mieux départager les responsabilités.
Devant vous, la commune n’apporte aucun élément nouveau, ni argumentation qui lui
permettrait de critiquer utilement les conclusions de l’expert reprises dans les attendus du
jugement du Tribunal de grande instance. Il résulte de toutes ces pièces qu’il a été tenu compte
par le Tribunal de grande instance du coût des travaux ordonnés par le juge de la mise en état,
qu’était censée couvrir la provision d’un million de francs. Vous ne pourrez qu’écarter la
défense de la commune sur ce point, sans que l’absence de force jugée du jugement du 3 mai
2000 n’ait d’incidence votre décision.
Quant à la question du fondement des titres de recettes exécutoires, l’ordonnance du 15 mai
1982, l’argumentation présentée par la commune m’apparaît totalement infondée. Il faut
d’ailleurs noter qu’elle se retranche derrière le caractère exécutoire de l’ordonnance sans trop
détailler sur le raisonnement juridique qui en ferait le fondement textuel des titres de recettes.
104
Le caractère exécutoire de l’ordonnance de 1982 n’a plus d’incidence dès lors que cette mesure
judiciaire provisoire ne produit plus d’effets, une décision au fond étant intervenue avec le
jugement du 3 mai 2000. Il est donc particulièrement audacieux de vouloir tirer une quelconque
conséquence d’une décision qui est éteinte tout comme les mesures qu’elle emportait. Enfin,
une décision de justice provisoire ou conservatoire, l’ordonnance avait, sans contestation
possible, un tel caractère, n’a pas l’autorité de la chose jugée. Tel en dispose le nouveau code de
procédure civile, dans ses articles 484 et 488 : « L’ordonnance de référé est une décision
provisoire » ; « elle n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée ».
Vous écarterez la défense de la commune et ferez droit au moyen d’ordre public tiré de ce qu’il
n’est pas possible de condamner une personne privée à payer une somme qu’elle ne doit pas
pour décharger la société Eiffage Construction de l’obligation de payer les sommes de
1 108 190,15 euros (titres 114/2004), de 654 857,90 euros (titre 115/2004) et de 115 843,17
euros (titre 116/2004).
Telles sont mes conclusions dans ces neuf affaires.
105
CONCLUSIONS
prononcées par M. Alexandre LOMBARD
dans l’affaire « EARL Fritsch »
à l’audience du 8 septembre 2005
L'
EARL Fritsch a déposé une demande d'
autorisation pour l'
extension de ses installations
consacrées à l'
élevage de volaille. Les installations en place constituent une installation classée
déclarée pour un élevage de 12 000 volailles. L'
EARL souhaite étendre ses capacités à 31 000
volailles, ce qui correspond à une installation classée soumise à autorisation.
La procédure suivie pour l'
instruction de cette autorisation l'
a été régulièrement et a donné lieu,
la plupart du temps, à des avis favorables, accompagnés parfois de certaines réserves.
Cependant, le commissaire enquêteur chargé de suivre l’enquête publique a remis, en novembre
1999, un avis défavorable au projet d'
extension, jusqu'
à ce que certaines des réserves émises
soient levées, notamment, pour ce qui concerne le plan d'
épandage.
En outre, le conseil départemental d'
hygiène a rendu également, en février 2002, un avis
défavorable, au motif que cette extension ne permettait pas le respect des prescriptions de
distance fixées par la réglementation applicable.
Cette dernière motivation a été reprise par le préfet du Bas-Rhin pour refuser, par un arrêté en
date du 11 avril 2002, l'
extension sollicitée.
La société requérante demande, d'
une part, d'
annuler le refus du préfet du Bas-Rhin et, d'
autre
part, d'
autoriser l'
extension sollicitée. Il convient de rappeler qu'
effectivement le contentieux des
installations classées pour la protection de l'
environnement relève de la pleine juridiction.
Il est dès lors possible pour votre tribunal, non seulement d'
annuler le refus d'
autorisation
contestée, mais également d'
autoriser cette extension en l’assortissant des conditions que vous
jugerez indispensables (voir CE, 15 décembre 1989, nº 70316, Société SPECHINOR, publié au
recueil).
En conséquence de ces pouvoirs, il appartient à votre tribunal d'
apprécier la légalité du refus
d'
autorisation d'
extension, en se plaçant à la date de votre jugement, c'
est-à-dire en prenant en
considération la situation de fait existant à cette date et en faisant application de la législation et
de la réglementation en vigueur à cette même date (voir CE, 27 janvier 1967, Société Massilia,
recueil, p. 825).
106
La société requérante appuie sa requête sur un unique moyen tiré de l'
erreur droit commise par
le préfet dans l'
application des règles relatives aux distances à respecter par les installations
classées de production de volailles.
Quelles sont ces règles ? Elles résultent de l'
arrêté du 13 juin 1994 fixant les règles techniques
auxquelles doivent satisfaire les élevages de volailles et (ou) de gibiers à plumes soumis à
autorisation au titre de la protection de l'
environnement.
À l’article 4 de cet arrêté, en effet, il est indiqué que de tels bâtiments d’élevages doivent être
situés à au moins 100 mètres des habitations de tiers. L'
article 2 précise néanmoins que ces
dispositions ne s'
appliquent, dans le cas d’extension des installations existantes, qu'
aux
nouveaux bâtiments.
En l’occurrence, si le bâtiment existant de la société est situé à 70 mètres de la plus proche
habitation, en revanche, l'
extension qu’il est envisagée de bâtir est, quant à elle, située à plus de
100 mètres. Cependant, le préfet estime que la dérogation prévue par l'
article 2 précité ne
s'
applique pas au cas d'
espèce.
Il est, à vrai dire, difficile de comprendre pourquoi le préfet retient une telle interprétation de la
règle de droit et il nous semble que l'
erreur de droit invoquée par le requérant est fondée.
En effet, le fait que l'
installation existante corresponde à une installation classée soumise à
déclaration et que l'
extension envisagée conduise à changer de régime et à passer à une
installation classée soumise à autorisation, ne permet pas d'
exclure l'
application des dispositions
de l'
article 2.
Ce n'
est pas parce que les dispositions de l'
arrêté de 1994 concernent les installations classées
soumises à autorisation que la notion d'
installations existantes visées par l'
article 2 ne s'
entend
que des installations existantes rentrant dans le régime des installations classées soumises à
autorisation.
Il n'
y a aucune raison de voir une telle nuance dans ces dispositions, comme le montre d'
ailleurs
fort bien le requérant dans son mémoire en réplique. En conséquence, il convient de considérer
que le préfet a ajouté à la règle de droit existante et qu'
il a ainsi commis une erreur de droit.
En conséquence, vous pourrez, non seulement, annuler la décision attaquée mais également,
puisqu'
il s'
agit d'
un des rares contentieux ou vous pouvez faire office d’administrateur, autoriser
l'
extension sollicitée, dans la mesure où rien, dans les pièces du dossier, ne semble
véritablement s'
opposer à cette autorisation et où il n'
y a pas eu de changement notable des
circonstances de fait relatives à cette installation depuis 2002.
Par ces motifs, nous concluons à :
-
l'
annulation de l'
arrêté de refus du préfet du Bas-Rhin en date du 11 avril 2002 ;
-
l'
injonction au préfet du Bas-Rhin d'
autoriser l'
extension sollicitée dans le respect des
prescriptions figurant à l'
étude d'
impact.
107
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Réalisation-conception : Brigitte-Marie CAMBOUVILES-WIRRMANN
Mise en page : Christiane TRIPLET- Geneviève TRINITE
Numéro ISSN : 1294-5153
Impression : Imprimerie du Conseil Général du Bas-Rhin