LE «PROBLEME DES FEMMES
Transcription
LE «PROBLEME DES FEMMES
LE «PROBLEME DES FEMMES» DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 1915-1922 Francesca Cini Introduction «Le processus de réalisation d'une vie indépendante pour les femmes commence avec la naissance de Xin Qingnian et le mouvement du 4 mai en est une des périodes-clé.» (1) Même si, à la lumière des multiples études effectuées à ce jour sur la libération des femmes chinoises (2), cette affirmation de Chen Dongyuan est en partie discutable, nul ne peut contester le rôle fondamental de Xin qingnian et de ses animateurs dans le processus auquel il est fait allusion (3). C'est à un moment où la Chine traverse une période d'incertitude, où elle peut voir, sous la présidence de Yuan Shikai, s'achever le naufrage de la Révolution du 1911, que Chen Duxiu (4) crée la revue pour adjurer les jeunes de ne pas se laisser emporter par la décadence des mœurs de leur époque, d'abandonner tout intérêt pour la politique traditionnelle, et de rechercher les causes profondes de la défaite de la République. Née en 1915 à Shanghai malgré la sévérité des lois qui limitent la liberté de la presse, Xin qingnian s'impose tout de suite au public et le premier numéro est vendu à 200 000 exemplaires. Dirigée pendant trois ans par le seul Chen Duxiu, la revue se fait remarquer par l'audace de ses propos, par la variété et la richesse des thèmes abordés. Le «problème des femmes» va vite devenir l'un des principaux. 134 F. CINI Parmi les collaborateurs de la revue, nombreux sont les jeunes qui ont fait leurs études à l'étranger, ce qui explique pour une part la grande ouverture de Xin qingnian sur la culture occidentale. De nombreuses œuvres sont traduites, et quelquefois publiées avec le texte original en regard. C'est d'ailleurs aux Etats-Unis que s'engage la discussion qui aboutira au plus grand succès de Xin qingnian : celle qui concerne la réforme de la langue chinoise. En effet le remplacement du wenyan (langue classique) par le baihua (langue parlée) dans les textes littéraires est d'abord discuté, puis expérimenté dans la composition de poèmes et de romans, par u n groupe d'étudiants chinois de l'université Columbia à New York. Parmi eux Chen Hengzhi, première femme professeur d'université chinoise, et seule femme, à partir de 1918, à collaborer régulièrement à Xin qingnian. Née dans une famille de magistrats où, déjà, sa mère et sa grand-mère avaient reçu un minimum d'éducation, Chen est élevée par des oncles maternels qui lui apprennent à suivre l'exemple des femmes occidentales libres et indépendantes. Après avoir étudié dans des écoles privées et avoir refusé le mariage arrangé par son père, elle p a r t pour les Etats-Unis avec une des deux premières bourses d'études attribuées en Chine à des femmes. Elle y fait la connaissance de Hu Shi (5) et de Ren Hongzhun, son futur mari, et commence avec eux à utiliser le baihua pour écrire des poèmes et des nouvelles qu'en 1918 elle envoie à Xin qingnian. Ecrivain, poétesse, journaliste et professeur, elle ne s'est jamais occupée dans ses œuvres du «problème des femmes», et elle est l'une des rares femmes écrivains de son époque à ne pas avoir écrit de roman autobiographique ou intimiste (6). Xin qingnian et le problème des femmes C'est à cette époque que l'expression «problème des femmes» (funù wenti, traduisible aussi par «question LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 135 féminine») commence à se répandre en Chine, du moins dans les milieux urbains, et que les revues consacrées au sujet se multiplient (7). De nombreuses publications d'intérêt général lui consacrent articles, rubriques et numéros spéciaux - et parmi elles, Xin qingnian. Deux grandes catégories thématiques s'y trouvent groupées sous cette étiquette. D'une part, les valeurs négatives qu'il convient de critiquer : la chasteté, le suicide, le concubinage, l'ignorance érigée en vertu féminine, le confinement des femmes à la maison, les mariages arrangés et la dépendance économique des femmes. D'autre part, les éléments qu'il faut encourager : la liberté de choix en amour, l'égalité dans les jugements moraux portés sur hommes et femmes, l'égalité des droits politiques, des possibilités de travail et d'étude, la monogamie, la liberté de divorce, l'éducation publique des enfants, le droit de la femme à l'héritage... Il est également fréquent que ces points de vue soient pris en considération dans des articles généraux sur le confucianisme, la famille, les problèmes des jeunes, des ouvriers, et même les problèmes de langue (8)! La revue sert à la fois de porte-parole et de guide spirituel pour les protagonistes des événements politiques et culturels de l'époque; elle constitue donc un facteur essentiel dans l'histoire du mouvement des femmes, considéré dans le contexte plus vaste du mouvement du 4 mai. Nous verrons en effet que le développement du débat dans Xin qingnian anticipe en quelque sorte sur l'évolution du mouvement féministe proprement dit, passant comme ce dernier, mais avec une légère avance dans le temps, d'une approche romantique et individualiste à une approche plus matérialiste et collectiviste, sur laquelle s'exercera l'influence marxiste. C'est pendant cette phase d'épanouissement et d'ouverture de la société chinoise que le mouvement des femmes atteindra son sommet. Pour la première fois l'on va voir des Chinoises participer en masse à un mouve- 136 F. CINI ment politique, créer leurs propres revues et leurs propres associations, exiger, et parfois obtenir, le droit de voter et d'être élues; elles réclament en outre la possibilité de recevoir la même éducation et d'exercer les mêmes emplois que les hommes, et d'aimer librement dans ou en dehors de l'institution du mariage. La plupart de ces revendications ne sont pas nouvelles (9), mais nouvelle est la façon de les présenter en soulignant l'aspect psychologique des problèmes, en m o n t r a n t comment les limitations subies par les femmes dans leur vie privée, tout a u t a n t que leur mise à l'écart de la vie publique, rendent impossible le développement de personnalités autonomes et indépendantes. Cette attitude nouvelle découle pour une p a r t des discussions menées dans Xin qingnian, qui a ainsi fourni, sans que ce fût toujours son objectif délibéré, des points de repère au mouvement des femmes. Et, de même que les idées exprimées dans Xin qingnian finiront par s'aligner sur des principes marxistes imposant avec rigidité le sacrifice de la liberté individuelle a u nom du bien-être collectif, de la même manière le mouvement des femmes sacrifiera son essence au nom d'une politique fondée sur la lutte des classes, et donc sur la division des femmes en groupes antagonistes. Le problème des femmes dans Xin qingnian avant le 4 mai Une question parmi d'autres Pendant les deux premières années d'existence de Xin qingnian (1915-1916), le problème des femmes n'y est jamais traité de façon spécifique : tout au plus intervient-il à l'intérieur d'articles plus généraux où la revue en appelle aux jeunes pour qu'ils se réveillent et sauvent le pays. Dans son premier éditorial, par exemple, Chen Duxiu, LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 137 sans faire de distinction entre femmes et hommes, incite l'ensemble de la jeunesse à repousser les vieux principes moraux et à s'émanciper. «S'émanciper signifie se libérer de l'esclavage et conquérir une personnalité libre et indépendante» (10) : nombre d'articles reprennent cette exhortation, dont il va de soi qu'elle s'impose particulièrement dans le cas des femmes. Même si elle ne se consacre pas spécialement à la question féminine, la revue n'en présente pas moins de la femme une image complexe et contradictoire. Le texte qui reflète le mieux ce type féminin est «Thoughts on women» de Max O'Rell, qui abonde en lieux communs particulièrement représentatifs d'une certaine tradition occidentale : «La femme est u n ange qui peut devenir un diable...», «les femmes n'ont pas été créées pour commander, mais elles ont un pouvoir inné qui leur permet de commander l'homme qui commande...», ou encore : «L'intuition de la femme est plus aiguë que sa vue : en réalité c'est un sixième sens que la n a t u r e lui a donné, plus puissant encore que les cinq autres.» (11) Dans «An idéal husband», Oscar Wilde accentue encore cette description du type féminin sensible, frivole et dangereux, et fait avouer à l'une de ses héroïnes : «La force des femmes dérive du fait que la psychologie n'arrive pas à nous comprendre : l'homme peut être analysé, la femme... seulement adorée.» (12) Au sein du petit monde bourgeois dont parle Wilde, la protagoniste, «génie le jour, beauté la nuit», n'est pas seulement «adorable», mais tellement intelligente qu'elle arrive à démasquer et à humilier un homme important. Les romans de Tourgueniev (13) complètent le panorama avec des héroïnes déchirées par des amours compliquées et passionnées. Tous ces personnages sont apparemment très loin de la réalité chinoise, ou alors peu utilisables comme modèles : telle est du moins l'opinion de Chen Duxiu, qui q u a n t à lui propose en exemple sept Européennes d'un style totalement différent. Louise 138 F. CIN1 Michel, Marie Curie, Florence Nightingale, Madame Roland, Sophia Petrovskaia, Jeanne d'Arc et Clémence Royer (14) ne sont pas spécialement connues pour leur sensibilité ou pour leurs amours, mais plutôt pour avoir marqué l'histoire par une action typiquement «masculine». Elles symbolisent la femme émancipée et indépendante, patriote, ou exerçant une profession libérale; ce symbole l'emportera sur celui de la femme romantique et gardera sa force en Chine jusqu'à nos jours. Un an plus tard, dans «Le Confucianisme et la vie moderne», Chen Duxiu va examiner la condition féminine plus en profondeur. Il propose les Occidentales comme modèles non plus seulement sur le plan professionnel ou politique, mais aussi sur celui de leur vie privée. Grâce à une comparaison entre les conditions de vie des veuves et des belles-filles, les rapports sexuels, et le rôle économique des femmes en Occident et en Chine respectivement, il montre à quel point les principes confucéens qui règlent encore la société chinoise sont arriérés et inhumains. «Etre femme signifie être soumise», «il est interdit aux hommes et aux femmes de s'asseoir sur la même natte», «les femmes doivent couvrir leur visage en sortant», «il est interdit à un homme et à une femme de se toucher en se donnant quelque chose», «une femme doit servir ses beaux-parents comme ses propres parents» (15) : ces principes vont, certes, à l'encontre des idéaux de liberté et d'autonomie individuelle défendus par la revue pendant cette période, et il n'est pas surprenant que nombre d'articles dénoncent à grands cris l'injustice du confucianisme envers les femmes et affirment qu'il faut en venir à bout si l'on veut que la société chinoise progresse effectivement (16). Individualisme, romantisme, fureur iconoclaste, refus de la politique traditionnelle, occidentalisme et anticonfucianisme sont donc les tendances qui caractérisent Xin qingnian pendant ces deux premières années. Le problème des femmes n'est pas encore posé de façon spécifique : LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 139 ce n'est qu'un aspect, certes fondamental, des problèmes d'arriération morale et culturelle qui se posent à la Chine. Il est donc soumis aux mêmes critères d'analyse, et relève des mêmes solutions. Un problème spécifique En février 1917 paraissent dans la revue deux articles signés par des femmes et regroupés sous une même rubrique, intitulée : «Le problème des femmes». Animés d'un patriotisme ardent, ces textes dénoncent l'état d'infériorité dans lequel sont maintenues les femmes en Asie, et y voient l'une des causes majeures de l'affaiblissement de la Chine. Pour Li Zhang Shaonan (17), on en a l'illustration dans le fait que les Occidentales sont capables de remplacer les hommes partis à la guerre dans n'importe quelle activité, alors que les Chinoises restent illettrées et demeurent confinées à la maison. Chen Qian Qichen (18), de son côté, estime que l'éducation féminine devrait avoir pour objectif de former des «bonnes épouses» et des «bonnes mères», capables à leur tour d'éduquer une jeunesse saine et forte en mesure de sauver le pays. Cette vision utilitariste du rôle de la femme est présente pendant toute la période d'élan patriotique, et nombreux sont les journaux progressistes qui considèrent les femmes soit comme u n boulet pour la nation chinoise, soit en fonction de leur utilité potentielle comme épouses et mères. Par contre, l'appel lancé aux femmes pour qu'elles s'instruisent et prennent sur elles la responsabilité de sauver la Chine, par lequel Chen conclut son article, est le symptôme d'une prise de conscience des femmes, d'une volonté de ne plus être complices de leur propre soumission. Ces deux articles inaugurent une série consacrée a u problème des femmes, publiée pendant toute l'année 1917, et due presque entièrement à des auteurs 140 F. CINI femmes. L'éducation féminine reste un des principaux thèmes abordés. Rappelons ici que les Chinoises n'ont été admises à l'école qu'à la fin du XIXe siècle, et qu'avant le 4 mai 1919 le nombre d'écoles supérieures mixtes restait dérisoire. La grande majorité de la population féminine demeure donc illettrée et le principe confucéen, encore très généralement accepté, selon lequel plus une femme est ignorante et plus elle sera vertueuse, engendre une forte résistance à l'entrée des filles à l'école. En outre, la femme é t a n t considérée comme un facteur d'instabilité, de confusion et même de perversion, on la tient le plus possible à l'écart, et, quand il devient nécessaire de la scolariser, on essaye de ne pas lui donner plus que quelques notions élémentaires et de l'enfermer dans u n ghetto éducatif où elle apprendra les disciplines féminines liées aux travaux ménagers. Même les progressistes sont partagées sur ce sujet. La majorité, comme on l'a vu, considère que le b u t de l'éducation doit être de former des bonnes épouses et des bonnes mères qui élèveront une génération nouvelle capable de relever le sort de la patrie. D'autres pensent au contraire que pour devenir un pays moderne la Chine doit donner dès l'abord aux femmes la possibilité de recevoir la même éducation que les hommes, et ce dans tous les domaines. D'autres encore considèrent les écoles mixtes comme le seul moyen de former des hommes et des femmes capables de vivre en bonne intelligence. L'amour et le mariage sont un autre thème de discussion important. La publication d'une traduction du texte d'Emma Goldman, «Le mariage et l'amour» (19), représente le sommet de la vision libertaire et idéaliste des rédacteur de Xin qingnian dans ce domaine. Le point de vue audacieux d'Emma Goldman, difficilement applicable même en Occident, est en fait pris en considération dans le cadre d'une réflexion sur les contradictions vécues p a r les femmes d'Occident, contradictions LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 141 également analysées par le biais de traductions de textes d'Ibsen et par l'illustration des idées de Carpenter (20). Il nous semble en effet difficilement imaginable, vu le nombre d'articles défendant dans la revue le mariage et le couple monogame (21), que les rédacteurs aient pu sérieusement envisager de propager en Chine l'amour libre tel que l'envisageait Goldman (22). De toutes manières, on voit pendant cette période se côtoyer dans Xin qingnian les positions les plus diverses et les plus irréalistes. Quelques exemples : Liang Hualan (cf. n. 18) imagine une France dans laquelle les contraceptifs sont utilisés par toutes les femmes qui refusent de travailer et sont en proie à l'oisiveté et à la perdition; Emma Goldman, on l'a vu, défend l'amour libre, tandis que Chen Huazhen se contente de demander l'éducation publique des enfants (cf. n. 21). En fait, ce n'est pas t a n t le caractère réaliste ou non des théories et des modèles présentés qui importe ici; c'est plutôt leur variété et leur caractère contradictoire, preuve d'une ouverture d'esprit qui malheureusement ne durera pas longtemps. Une autre caractéristique intéressante est le fait que ces articles sont tous écrits par des femmes. Il ne faut en effet pas perdre de vue que Xin qingnian n'est pas une revue féministe, qu'elle n'est pas rédigée par des femmes et qu'elle n'est pas destinée à un public féminin. Cette série d'articles ouvre et clôt la seule et brève période de présence féminine dans la revue. L'article de Wu Zenglan (23) sur l'égalité des droits politique entre hommes et femmes mérite encore qu'on s'y arrête. Wu affirme que les problèmes des femmes résultent non de l'oppression subie à l'intérieur de la famille, mais de leur totale absence de pouvoir politique au sein de la société, et qu'on ne saurait par conséquent parler de réforme de la famille avant d'avoir obtenu l'égalité des individus devant la loi. Cette prise de position n'est que le premier exemple d'un discours sur la participation politique et l'intégration sociale de la femme 142 F. CINI que l'on retrouvera plus tard en Chine, mais qui n ' a u r a guère de suite dans Xin qingnian. E n 1918, le comité de rédaction s'est élargi. Il comprend désormais les intellectuels progressistes les plus importants de l'époque, réunis à l'université de Pékin. Tao Menghe est le premier à publier u n article sur la question féminine (24). Ayant constaté que tous les articles parus sur le sujet ne font que répéter les mêmes analyses sur les dégâts causés par le confucianisme et les mêmes lieux communs sur la merveilleuse avance des pays occidentaux, il tente une analyse sociologique des causes économiques et spirituelles du degré supérieur d'émancipation des Occidentales. Recourant aux théories évolutionnistes, et considérant les mécanismes économiques comme la cause principale des problèmes des femmes, aussi bien en Occident qu'en Chine, Tao conclut que les différences de conditions de vie dans les deux populations ne font que correspondre à deux phases d'un même processus : l'Europe et les Etats-Unis ne sont pas des sociétés mythiques et lointaines, mais la simple projection du futur de la Chine. C'est ensuite au tour de Zhou Zuoren (cf. n. 20) d'aborder, même si ce n'est qu'indirectement, le problème féminin. La traduction d'un article de la poétesse japonaise Akiko (25) lui est en effet l'occasion d'ouvrir un débat sur la chasteté qui va avoir un retentissement considérable. Conscient de ce qu'un tel sujet provoquera immanquablement u n choc dans l'opinion, Zhou espère susciter la discussion, jusqu'alors esquivée, sur ce grave problème qui concerne aussi bien les hommes que les femmes. Même si elle n'a rien contre le principe l u i même, Akiko considère le fait d'imposer la chasteté aux seules femmes comme responsable de l'oppression dont elles sont victimes et de la corruption qui règne dans la société. Pour elle, pareille discrimination ne peut qu'induire des comportements et des sentiments faux, et empêcher l'édification d'une société saine et libre. Q u a n t LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 143 à la chasteté elle-même, elle considère qu'il s'agit d'un choix individuel qui ne saurait être imposé par une morale quelconque. La quantité énorme d'articles et de commentaires publiés en réponse prouve la perspicacité de Zhou Zuoren et démontre que la question est effectivement d'une brûlante actualité. Les premiers à réagir sont Lu Xun et Hu Shi, qui abordent le problème des femmes en dénonçant la conséquence la plus tragique, en Chine, d'une morale prêchant la chasteté : le suicide. Hu Shi (26) dénonce concrètement les lois barbares récompensant les familles des veuves ou des fiancées-veuves qui se sont donné la mort, tandis que Lu Xun (27) condamne l'ambiguïté et l'hypocrisie du comportement masculin, décrit la souffrance d'être femme et démontre l'absurdité de toute cette arriération morale. Tous deux s'accordent avec Akiko sur le caractère nécessairement privé du choix de la chasteté. On notera encore, sur le même sujet, les interventions de Lan Zhixian, rédacteur en chef du Guomin gongbao (28), qui défend la fidélité conjugale réciproque en t a n t que modérateur des pulsions sexuelles, et celle de Chen Qixiu (29), qui analyse l'évolution du concept de chasteté au cours des siècles en recourant au matérialisme historique. Pour dénoncer l'horrible réalité, la revue publie non seulement des articles théoriques, mais aussi de nombreux témoignages. Particulièrement cruelle est l'histoire racontée dans «Une fille chaste» (30), où l'on voit un père laisser mourir de faim sa fille, qui a perdu son fiancé, pour obtenir les honneurs et les primes réservés a u x familles des fiancées-veuves s'étant donné la mort. Cela dit, la dénonciation des souffrances imposées aux femmes, l'illustration du chemin qui reste à parcourir pour qu'elles sortent de cette situation, ne passent pas seulement par l'étude de sujets aussi spécifiques. Dans le numéro consacré aux œuvres d'Ibsen (31), on retrouve l'analyse du rôle de la femme dans la famille occidentale, 144 F. CINI et la revue propose à nouveau aux Chinoises le modèle de l'Européenne émancipée. Le personnage de Nora fera désormais de fréquentes apparitions dans les pages de Xin qingnian, et il va devenir un symbole pour les étudiantes du 4 mai. L'analyse du problème des femmes a donc fait un pas en avant. L'idéal des «bonnes épouses» et des «bonnes mères» est considéré comme dépassé, et l'on reproche surtout aux femmes leur manque d'indépendance et de personnalité : il leur faut se considérer comme des individus autonomes, et pas simplement comme u n appendice du monde masculin. Telle est du moins la théorie de Hu Shi, auteur d'articles sur Nora et sur les autres personnages féminins d'Ibsen, ainsi que d'une étude sur la vie des femmes américaines. Dans ce dernier texte (32), Hu exalte l'image d'une femme a r r i v a n t à concilier son travail avec ses rôles de mère et d'épouse; c'est en fait la première fois que l'on rencontre en Chine des concepts et des expressions qui évoquent de très près le féminisme contemporain. L'existence d'une telle position, où est affirmée ouvertement la nécessité d'une participation autonome et indépendante des femmes à la vie sociale et politique si l'on veut que la société change radicalement (un tel changement é t a n t impossible sans la libération de la femme), aide à comprendre comment, pour la première fois dans l'histoire de la Chine, les femmes ont pu participer en masse à un mouvement politique. Le problème des femmes dans Xin qingnian et le mouvement du 4 mai 1919 Dès la deuxième moitié de 1918, les principaux thèmes qui animeront le mouvement du 4 mai font leur apparition dans la revue, de même que s'y fait jour l'influence des théories marxistes répandues en Chine à la suite de la Révolution d'octobre. Surtout connues, au départ, à LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 145 travers leurs aspects libertaires et humanitaires, les idées marxistes et socialistes se diffusent très rapidement parmi les intellectuels et les étudiants chinois; cette diffusion va provisoirement donner naissance à un amalgame bizarre dans lequel entrent également les théories libérales et anarchistes déjà répandues en Chine. Ainsi, pour nous en tenir a u problème féminin, l'article de Hua Lin, «La société et le problème de la libération des femmes» (33). Après avoir théorisé sur l'interdépendance absolue entre la libération de la femme et le développement de la société, l'auteur constate deux obstacles. Le premier est la décadence morale de la société, à laquelle on peut remédier par l'institution d'écoles mixtes, seul moyen de former des individus honnêtes et des personnalités autonomes. Le deuxième obstacle, la pauvreté de la Chine et son faible développement économique, s'explique par le système de propriété privée, dont Hua Lin propose p a r conséquent l'abolition. Cocktail des idées déjà exprimées dans la revue sur le problème de l'éducation et des nouvelles idées marxistes sur l'économie, cet article est le premier dans lequel se trouve érigée en théorie l'identification des intérêts des femmes à ceux des travailleurs. A partir de mai 1919, la revue publie avec une certaine régularité des articles sur le marxisme, tout en commençant à donner une interprétation marxiste des divers problèmes qu'elle aborde. La séparation entre ceux qu'on pourrait schématiquement appeler les «marxistes», autour de Li Dazhao, et les «libéraux», autour de Hu Shi, se fait dès lors de plus en plus nette. Seule l'action politique et la participation au mouvement du 4 mai préviennent la rupture, qui deviendra inévitable un an et demi plus tard. Ces divergences se manifestent aussi dans les articles sur le problème des femmes. On retrouve la vision marxiste dans «Le Matérialisme historique et le problème de la chasteté» de Chen Qixiu (cf. n. 29) et dans «Le 146 P. CINI Problème de la femme après la guerre» de Li Dazhao (34); la position libérale s'exprime dans «Le Problème de la chasteté» (cf. n. 26) et «Les Femmes américaines» (cf. n. 32) de Hu Shi. Comme c'était le cas pour le problème de la chasteté, déjà évoqué, la description de la vie des Occidentales dans Xin qingnian reflète deux approches totalement différentes. Le choix du sujet déjà est révélateur : tandis que Hu Shi s'attarde avec u n optimisme sans doute excessif à décrire la vie indépendante et autonome d'une bourgeoise américaine, Li Dazhao dépeint dans les tons les plus grisâtres la vie toute de souffrance des mères et des épouses des travailleurs européens qui remplacent les hommes partis à la guerre. Si ces points de vue sont désormais irrémédiablement opposés, la complexité et les incertitudes du temps empêchent Li Dazhao de prendre ouvertement parti contre le mouvement des femmes en train de ressurgir. Il conclut donc son article d'une manière ambiguë, incitant l'ensemble des femmes à s'unir pour lutter contre l'arbitraire des hommes, et les femmes prolétaires à combattre les riches. E n même temps que cette nouvelle vague de dénonciation des m a u x de la société traditionnelle, suscitée par la diffusion des idées socialistes, la recherche de nouveaux modèles se poursuit. Une série d'articles sur l'expérience japonaise dite du Nouveau Village (35) et sur l'éducation des enfants (36) nous présente la libération de la femme dans le cadre plus général d'une nouvelle organisation sociale fondée sur u n égalitarisme absolu, et dans laquelle la vie de chacun est strictement réglementée pour garantir l'égalité des individus dans l'intérêt de la communauté. Ces textes sont imprégnés d'un puritanisme qui rappelle fort la tradition confucéenne, et qui a souvent marqué les articles sur le mariage, l'amour ou le sexe publiés p a r la revue. Mais si, au départ, cette tendance a pu côtoyer des attitudes plus ouvertes, comme celle LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 147 d'Emma Goldman, elle prédomine désormais et va à la rencontre des exigences organisationnelles et de la discipline propres au style de vie du parti communiste en t r a i n de naître. Alors que ces nouvelles idées prennent forme dans les pages de Xin qïngnian, le mouvement des femmes s'organise; que ce soit aux côtés de ses alliés masculins ou de façon autonome, il va agir pour répandre et mettre en œuvre les idées sur la liberté du mariage et sur l'égalité dans l'éducation que la revue avait véhiculées pendant la période précédente. Le marxisme s'impose Après la sortie de prison de Chen Duxiu et une suspension de six mois, Xin qingnian reparaît avec une toute a u t r e structure organisationnelle : la revue est désormais l'organe de la «Société de la nouvelle Jeunesse», et elle publie u n manifeste (37) censé préciser ses buts. L'enthousiasme de l'action politique a momentanément fait taire les divergences, et ceci explique sans doute que ces nouveaux principes, pourtant fort différents de ceux qui avaient animé la revue à ses débuts, ont reçu l'approbation unanime des rédacteurs. Le manifeste, il est vrai, n'est qu'une assez vague déclaration d'intentions dans laquelle est réaffirmée la volonté de lutter contre l'ancien système et contre la tradition, sans vraiment rien proposer de nouveau. Lutte des classes et marxisme-léninisme sont des concepts que rejette encore Chen Duxiu lui-même, l'initiateur et l'auteur du manifeste. Un changement important est tout de même à noter : la nécessité de l'appartenance à une organisation politique, et donc des partis, est en effet affirmée. Cette volonté d'engagement politique (dans le sens traditionnel du terme), combinée à u n patriotisme qui n'envisage la libération des femmes qu'en fonction du salut national, 148 P. CINI inspire de toute évidence la seule phrase du manifeste qui soit consacrée à ces dernières : «Nous considérons que le respect des droits et de la personnalité de la femme est à l'heure actuelle indispensable pour faire progresser la société; nous espérons en outre que les femmes sont elles-mêmes conscientes de leurs responsabilités sociales.» (38) Bien que ces propositions initiales s'inspirent d'une sorte de socialisme idéaliste plutôt que du marxisme-léninisme proprement dit, la tendance qui va s'affirmer peu à peu pendant cette période favorise clairement ce dernier. Les colonnes de la revue s'ouvrent de plus en plus souvent à des enquêtes sociales sur les conditions de vie des ouvriers et des paysans (39); on inaugure une rubrique consacrée aux activités et aux programmes des associations estudiantines, et les articles d'auteurs soviétiques, ou décrivant la vie dans la Russie socialiste, font leur apparition. Le problèmes des femmes perd définitivement sa spécificité et se trouve inséré, lui aussi, dans ces nouveaux schémas. A partir de 1920, les idées de Bebel (40) et de Lénine (41) s'imposent dans les articles où il est question de la libération des femmes. La femme russe (42) prend la place de l'Américaine, et la condition féminine est considérée uniquement comme un aspect de la condition ouvrière (43), quand elle n'est pas u n simple prétexte pour parler de cette dernière (44). E n revanche, alors même que Chen Duxiu évolue rapidement vers le marxisme, e n t r a î n a n t Xin qingnian derrière lui et provoquant au début de 1921 le départ de Hu Shi, de Lu Xun et d'autres rédacteurs de tendance libérale, le mouvement autonome des femmes manifeste une activité grandissante. Cette fois c'est la réalité qui va influencer les écrits, et le thème des droits politiques des femmes est repris dans Xin qingnian après une longue période d'oubli. Parmi d'autres, on signalera l'intervention de Chen Duxiu (45), qui considère la participation des LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 149 femmes à la gestion politique comme une garantie de paix, de sécurité et de tranquillité; et celle d'une lectrice, peut-être fictive (46), qui appelle les femmes à se révolter et à conquérir le droit de vote, fût-ce au prix d'une dure répression. J u s q u ' a u départ des libéraux, la revue reste donc très perméable aux influences extérieures, et Li Dazhao lui-même, dans un article de tendance clairement marxiste (47), parle de la libération de la femme dans des termes très féministes. L'hésitation des intellectuels marxistes à prendre position contre un mouvement des femmes autonome se manifeste également dans les articles de Chen Wangdao (48). Certes, celui-ci reproche au mouvement des femmes chinoises de n'avoir pas saisi l'importance de la lutte des classes : toujours à la traîne des hommes, elles en sont encore au stade du mouvement politique, par opposition à u n mouvement social se définissant en termes de classes... Mais il n'en approuve pas moins un mouvement japonais «pour l'oppression des hommes par les femmes»! En revanche il faut signaler u n «Manifeste révisé de la Ligue des femmes chinoises», publié en septembre 1921 (49), qui ressemble fort aux futurs manifestes des organisations féminines du Parti communiste. Le mensuel Xin qingnian finit par disparaître après u n numéro isolé paru en juillet 1922. Il réapparaîtra en juin 1923 à Canton comme organe officiel du Parti communiste chinois. Conclusions Nous l'avons rappelé au départ, Xin qingnian est la revue la plus importante de cette période, et elle couvre une multiplicité de sujets. Comme la plupart des journaux de son époque, sa rédaction et son public sont essentiellement masculins. Ce n'est pas là un choix, mais la conséquence d'une réalité : les femmes sont en grande 150 F. CIN1 majorité illettrées. Cette audience masculine explique peut-être la vision patriotique donnée de la libération des femmes, considérée en fonction du progrès et du salut de la nation plutôt que comme une fin en soi. Mais, indépendamment de ce facteur constant, les positions prises p a r la revue sur la question féminine entre 1915 et 1922 évoluent à peu près comme évoluera le mouvement des femmes dix ans plus tard. Après avoir en effet contribué à l'élaboration des idées courageuses exprimées dans Xin qingnian, après les avoir acceptées, propagées et mises à l'essai, les étudiantes et les ouvrières chinoises ont été contraintes d'affronter les mêmes choix que le mouvement intellectuel et patriotique, et... elles ont suivi. Vingt ou trente années ne suffisent certainement pas pour réfuter deux millénaires de tradition et pour assimiler des idées, des attitudes et des façons de penser totalement nouvelles. Ce qui aurait pu être, en Chine, l'équivalent de ce que fut la révolution française en Occident, a été trop tôt étouffé par la guerre, par l'invasion étrangère, et p a r une situation économique catastrophique. Les espoirs offerts à la démocratie et a u libéralisme en ont été dramatiquement contrariés. L'histoire du mouvement des femmes illustre bien cet étouffement, dans la mesure où c'est lui qui a peut-être souffert le plus de ces conditions. Déchiré entre nationalisme et féminisme, le mouvement féministe a sombré en sacrifiant son essence - celle d'être le porte-parole de toutes les femmes - pour des conquêtes certes fondamentales, mais bientôt rendues éphémères parce que récupérées, comme toujours, par une société fondée sur l'oppression de l'homme par l'homme et surtout de la femme par l'homme. Francesca Cini prépare une thèse de troisième cycle à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales sur les aspects sociologiques de la libération de la femme pendant la période du 4 mai. LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 151 NOTES 1. Chen Dongyuan, Zhongguo funû shenghuo shi, Shanghai : Shangwu yinshuguan, 1937, p. 364. 2. Sur les débuts du mouvement féministe en Chine, voir notamment : Emmanuel Bellefroid, «Qiu Jin et le féminisme chinois au début du XXe siècle», thèse de doctorat de n i e cycle, Paris : EHESS, 1979; Catherine Gipoulon, Qiu Jin. Pierres de l'oiseau Jingwei, Paris : Editions des femmes, 1976; Leslie Collins, «The New Women. Psychohistorical Study of the Chinese Feminist Movement from 1900 to the Présent», thèse de doctorat, New Haven : Université de Yale, 1976; Charlotte Beahan, «The Women Movement and Nationalism in Late Ch'ing China», thèse de doctorat, New York : Université Columbia, 1976. 3. Cela même si à notre connaissance on n'a pas encore examiné la place de la question féminine (comme nous le faisons ici) dans les revues à grande diffusion antérieures à Xin qingnian, par exemple le Minbao ou Dongfang zazhi, pour ne citer que les plus connues. 4. Après avoir accepté le mariage arrangé par sa famille, Chen Duxiu (1879-1942) avait abandonné sa femme et il eut par la suite de nombreuses aventures sentimentales. Cf. Howard L. Boorman et Richard C. Howard, Biographical Dictionary of Kepublican China, New York : Columbia University Press, 1967, vol. I, p. 240. 5. La position de Hu Shi (1891-1962) à l'égard du problème des femmes a été complexe et changeante. En 1914, il défend le modèle traditionnel chinois et se montre hostile aux comportements libéraux qu'il observe aux Etats-Unis. Aussi accepte-t-il le mariage arrangé par sa mère, bien qu'il soit alors épris d'une étudiante américaine. Ayant abandonné cette position, il réfutera par la suite la thèse suivant laquelle les femmes doivent se contenter d'être de «bonnes épouses» et de «bonnes mères», et se fera l'un des principaux défenseurs de leur statut en tant que personnes et de leur vocation à étudier, travailler, etc. sur un pied d'égalité avec les hommes (cf. infra). Sur ses rapports avec les femmes, voir Jérôme B. Grieder, Hu Shi and the Chinese Renaissance. Liberalism in the Chinese Révolution, 1917-1937, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1970, p. 351. 6. Sur Chen Hengzhi et ses écrits, cf. Huang Ying, Xiandai Zhongguo nûzuojia, Shanghai : Beixin shuju, 1934, et Xue Fei, Xiandai Zhongguo nûzuojia chuangzuo xuan, Shanghai : Zhonghua shuju, 1932. Voir également Biographical Dictionary of Republican China, op. cit., vol. I, p. 183. 7. Sur la presse féminine en Chine, voir l'étude et la bibliographie de Jacqueline Nivard dans le présent numéro, ainsi que, du même auteur : «Histoire d'une revue féminine chinoise : Funû zazhi, 1915-1931», thèse de doctorat de Hle cycle, Paris : EHESS, 1983. Sur la période du 4 mai, voir également Roxane Witke, 152 F. CINI «Transformation of Attitudes Towards Women During the May Fourth Era of Modem China», thèse de doctorat, Berkeley : Université de Californie, 1970, et du même auteur, «Female Emancipation in the May Fourth Movement», in The May Fourth Movement in China - Major Papers Prepared for the XXth International Congress of Chinese Studies, Prague : Orientalni Ustav, 1968. Selon R. Witke, plus de cent publications traitant du «problème des femmes» font leur apparition durant la période du 4 mai. Chow Tse-tsung (Research Guide to the May Fourth Movement, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1963, p. 297) n'en recense qu'une vingtaine. 8. Cf. «Yingwen she zi yifa zhi shangque» (Sur la façon de traduire le mot anglais she), lettre de Qianxuan à Qiming, Xin qingnian (ci-après XQN), VI-2 (fév. 1919). 9. Le mouvement des femmes, dès son apparition à la fin du XLKe siècle (cf. note 2), revendique l'égalité d'éducation et celle des droits politiques, ainsi que le droit au travail et la liberté du mariage. Sur l'évolution du mouvement et ses revendications à l'époque du 4 mai, voir le panorama présenté par Catherine Gipoulon dans ce même numéro. 10. Chen Duxiu, «Jinggao qingnian» (Respectueux appel à la jeunesse), XQN, 1-1 (sept. 1915). 11. Le texte de Max O'Rell est publié en anglais et accompagné d'une traduction en chinois par Chen Duxiu. XQN, 1-1 (sept. 1915). 12. Même présentation en deux langues pour l'œuvre de Wilde, traduite par une femme, Xue Qiying, fille de lettré, diplômée d'anglais et l'une des rares Chinoises à exercer le métier de traducteur. XQN, 1-2, 3, 4, 6 (oct.-déc. 1915, fëv. 1916), II-2 (oct. 1916). 13. «Premier amour», XQN, 1-5, 6 (janv.-fév. 1916), II-l, 2 (sept.-oct. 1916), et «Eaux printanières», ibid., 1-1, 2, 3, 4 (sept.-déc. 1915). Les deux traductions sont vraisemblablement l'œuvre d'une femme, Chen Jia, sur laquelle la revue ne donne aucune information. 14. «Ouzhou qi nûjie» (Sept Héroïnes européennes), XQN, 1-3 (nov. 1915). 15. «Kongzi zhi dao yu xiandai shenghuo», XQN, II-4 (déc. 1916). 16. Voir par exemple : Chen Duxiu, «Xuanfa yu kongjiao» (La Constitution et le confucianisme), XQN, II-3 (nov. 1916); Wu Yu, «Jiazu zhidu wei zhuanzhizhuyi» (Le Système clanique fonde l'absolutisme), ibid., II-6 (fëv. 1917); Chang Naite, «Wo zhi kongdaoguan» (Mon Opinion sur le confucianisme), ibid., III-1 (mars 1917). Dans «Zhi sheng pian» (Pour une Réglementation de la vie), ibid., H-4, 5 (déc. 1916, janv. 1917), Yang Changji consacre un paragraphe aux progrès récents de la condition féminine dans la famille chinoise. LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 153 17. «Ai qingnian» (Jeunes à plaindre), XQN, II-6 (fév. 1917). L'auteur, vraisemblablement l'épouse d'un collaborateur de la revue, écrit d'Angleterre. Elle a également signé «Yu zhi bingyuan zhong jingyan» (Expériences dans un hôpital), ibid., Itt-4 (juin 1917), et «Xiketong tannanji» (Biographie de E. H. Shakelton), ibid., IH-6 (août 1917). 18. «Xianmu zhi yu Zhongguo qiantu zhi guanxi» (Les Mères vertueuses et l'avenir de la Chine), XQN, II-6 (fév. 1917). Sur le même sujet, voir Liang Hualan (f.), «Nûzi jiayu» (L'Education féminine), ibid., HI-1 (mars 1917), qui expose la même opinion, alors que Gao Susu (f.) ne veut pas que le but de l'éducation féminine soit la formation d'esclaves dociles. Cf. «Nûzi wenti zhi da jiejue» (Grandes Solutions au problème des femmes), ibid., HI-3 (mai 1917). 19. XQN, IH-5 (juil. 1917). 20. Les idées de cet auteur sont exposées par Zhou Zuoren dans «Suiganlu» (Au Fil de mes pensées), no. 34, XQN, V-4 (oct. 1918). Frère cadet de Lu Xun, écrivain et traducteur, Zhou Zuoren a fait ses études a u Japon, où il s'est marié. D enseigne à partir de 1917 à l'Université de Pékin. Cf. Biographical Dictionary ofRepublican China, op. cit., vol. I, p. 424. 21. Les articles sur le mariage et la famille constituent un ensemble à part, que nous n'avons pas ici analysé en t a n t que tel. Le seul (outre Emma Goldman) à s'attacher à l'aspect spécifiquement «féminin» de la question est celui de Chen Huazhen, «Lun Zhongguo nûzi hunyin yu yuer wenti» (Le problème du mariage e t de l'éducation des enfants pour les femmes chinoises), XQN, III-4 (juin 1917). Bien que femme, Chen Huazhen considère que la société chinoise n'est pas à même de réaliser l'égalité entre hommes et femmes et adhère pleinement au discours des «bonnes épouses» et «bonnes mères». 22. «La plus importante affaire de la vie», XQN, VI-3 (mars 1919), n'a pu être représentée dans aucune école de femmes, sans doute en raison du caractère «révolutionnaire» du dénouement : l'héroïne s'enfuit avec l'homme qu'elle aime et que ses parents, malgré leurs idées «modernes», lui interdisent d'épouser... «Nan-nû wenti» (Le problème homme-femme), de Zhang Shenfu, XQN, Vl-3 (mars 1919), est la première exposition en Chine des thèses de Russell, en même temps qu'une apologie de l'amour, dont l'auteur compare le caractère naturel et spontané aux changements atmosphériques. Sur le féminisme (et le «libertinage») de Zhang Shenfu, celui des collaborateurs de XQN qui est allé le plus loin dans la défense de la liberté en amour, voir Vera Schwarcz, «Libertine or Liberationist : Zhang Shenfu's Views of Women in the May Fourth Era», communication au congrès de l'Association for Asian Studies, 1985. 23. «Nûquan pingyi» (Sur l'Egalité des droits des femmes), XQN, III-4 (juin 1917). Journaliste née dans une famille mandari- 154 F. CINI nale, épouse de Wu Yu, l'un des principaux collaborateurs de la revue, Wu Zenglan (1876-1917) partage l'intérêt de son mari pour la littérature et pour la philosophie taoïste. Cf. Biographical Dictionary of Republican China, op. cit., III, p. 465. 24. «Nûzi wenti» (Le Problème des femmes), XQN, IV-1 (janv. 1918). Professeur de sciences sociales à Beida, Tao est le premier doyen à admettre des femmes à l'Université. Il quittera la revue en même temps que Hu Shi en 1921. Cf. Biographical Dictionary of Republican China, op. cit., III, p. 116, et Chow Tse-tsung, op. cit. 25. Yosano Akiko (1878-1942), «Sur la chasteté», XQN, IV-5 (mai 1918). Voir les éléments biographiques donnés par Jacqueline Nivard, op. cit. 26. «Zhencao wenti» (Le problème de la chasteté), XQN, V-l (juil. 1918). 27. «Wo zhi jielie guan» (Mon opinion sur la chasteté), XQN, V-2 (août 1918). Bien qu'il ait accepté le mariage arrangé par sa mère, Lu Xun (Zhou Shuren) ne vivra jamais avec son épouse mais il ne la répudiera pas non plus. 0 épouse en 1927 Xu Guangping. Ses personnages féminins, analysés avec une grande sensibilité, sont à la fois complexes et réalistes. Cf. notamment «Le remède», nouvelle publiée en mémoire de Qiu Jin, XQN, VI-5 (mai 1919). Et voir Biographical Dictionary of Republican China, op. cit., I, p. 416. 28. Cf. «Zhencao wenti : Pinyin wenzi wenti - Gexinjia laidu wenti» (Les problèmes de la chasteté, de la romanisation et de l'attitude des réformateurs), XQN, VI-4 (avril 1919); ce texte comprend une lettre de Hu Shi à Lan Zhixian, la réponse de ce dernier à Hu Shi, une réponse de Zhou Zuoren à Lan Zhixian, la réponse de ce dernier à Zhou Zuoren, et une réponse de Hu Shi à Lan Zhixian. Le Guomin gongbao est un journal gouvernemental. 29. «Makesi de weiwu shiguan yu zhencao wenti» (Le matérialisme historique de Marx et le problème de la chasteté), XQN, VI-5 (mai 1919). Economiste connu, Chen est le traducteur du Capital. Il fréquente le groupe marxiste de Pékin. 30. Jue An (pseudonyme de Sun Shaohou), «Yige zhenlie de nûhaizi» (Une Jeune fille chaste), XQN, VII-2 (janv. 1920). 31. IV-6 (juin 1918). Ce numéro spécial contient un article de Hu Shi intitulé «Yibushengzhuyi» (Sur l'Ibsénisme), les traductions de Maison de poupée, d'Un ennemi du peuple et du Petit Evolf, ainsi qu'une biographie d'Ibsen. 32. «Meiguo de furen» (Les Femmes d'Amérique), XQN, V-3 (sept. 1918), est le texte d'un discours prononcé par Hu Shi à l'Ecole Normale déjeunes filles de Pékin. 33. «Shehui yu funû jiefang wenti», XQN, V-2 (août 1918). 34. «Zhanhou zhi furen wenti», XQN, VI-2 (fév. 1918). Li s'est marié jeune, vraisemblablement de manière traditionnelle, à une paysanne qu'il n'a jamais répudiée. Cf. Biographical Dictionary of LES FEMMES DANS LA NOUVELLE JEUNESSE 155 Republican China, op. cit., H, p. 3. 35. Zhou Zuoren, «Riben de xincun» (Le nouveau village au Japon), XQN, VI-3 (mars 1919). Cet article - l'un de ceux qui décrivent une expérience dont Zhou s'est fait le porte-parole en Chine - comporte les indications suivantes : «Parmi les travaux quotidiens, certains conviennent plutôt aux hommes, d'autres plutôt aux femmes... Quant aux rapports entre les sexes, l'expérience nous enseigne qu'il faut imposer des règles : vivre en couple monogame, interdire la prostitution, les querelles et les violences entre époux. L'idéal social auquel tout le monde doit tendre est la pudeur». Cf., du même auteur, «Xincun de qingsheng» (L'esprit du nouveau village), XQN, VII-2 (janv. 1920), et «Fang Riben xincun» (Visite aux nouveaux villages du Japon), Xinchao, II-l (janv. 1920). 36. Shen Jianshi, «Ertong gongyu» (L'éducation publique des enfants), XQN, VI-6 (nov. 1919). 37. «Ben zhi xuanyan» (Manifeste de la revue), XQN, VI1-1 (déc. 1919). 38. Ibid. 39. Meng Zhen (pseudonyme de Fu Sinian), «Shandong yibufen de nongmin zhuangkuang dalueji» (Notes générales sur la condition paysanne dans une partie du Shandong), XQN, VII-2 (janv. 1920), décrit la journée de travail ordinaire des paysannes. 40. A. Bebel, «Les femmes dans l'avenir», XQN, Vil 1-1 (sept. 1920). 41. Lénine, «Sur la théorie de la libération des femmes», XQN, LX-2 (juin 1921), traduit par Li Da. 42. «Les femmes en Russie», XQN, VTO-5 (janv. 1921), traduit par Chen Ying à partir de l'hebdomadaire Soviet Russia. 43. Gao Junmo, «Shanxi laodong zhuangkuang» (La Condition des travailleurs dans le Shanxi); Mo Jia, «Nanjing laodong zhuangkuang» (La Condition des travailleurs à Nankin); Li Zishan, «Shanghai laodong zhuangkuang» (La Condition des travailleurs à Shanghai); Ye, «Changsha laodong zhuangkuang» (La Condition des travailleurs à Changsha), XQN, VII-6 (mai 1920), numéro spécial consacré à la fête du travail. 44. Cf. «Shanghai Fusheng shachan Hunan niigong wenti» (Le Problème des ouvrières hunanaises de l'usine textile Fusheng à Shanghai), XQN, VII-6 (mai 1920); il s'agit d'un recueil d'articles consacrés à l'embauche de cinquante ouvrières du Hunan par un industriel «éclairé». Le fait qu'on parle d'ouvrières e t non d'ouvriers est absolument secondaire. 45. «Shixing minzhi de jichu» (Les Fondements pratiques de la démocratie), XQN, VII-1 (déc. 1919) : «En réalité, je ne vois aucun inconvénient à ce que les femmes prennent part à la vie politique. J e pense au contraire que cela comporterait plusieurs avantages : les femmes sont pacifiques, stables, ordonnées; elles tiennent à leur réputation et sont animées d'un esprit de 156 F. CINI compréhension... Elles peuvent repeindre un grand souffle de propreté sur le corps social...» 46. «Funû xuanjuquan» (Le Droit de vote pour les femmes), lettre de Minghui à la rédaction, XQN, VII-3 (fév. 1920). Prénom féminin, Minghui est également l'un des nombreux pseudonymes de Lu Xun... 47. «You jingji shang jieshi Zhongguo jindai sixiang biandong de yuanyin» (Explication économique des causes des changements intervenus dans la pensée moderne chinoise), XQN, VI1-2 (janv. 1920). V. aussi Maurice Meisner, Li Ta-chao and the Origins of Chinese Marxism, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1967. 48. «Suiganlu» (Au Fil de mes pensées), no. 108, «Nùren yapo nanren de yundong» (Le Mouvement des femmes qui oppriment les hommes), et «Cong zhenzhi de yundong xiang shehui de yundong» (Du mouvement politique au mouvement social), XQN, VIII-6 (avr. 1921). 49. «Zhonghua nûjie lianhehui gaizao xuanyan», XQN, IX-5 (sept. 1921).