Un esprit non-violent dans un corps apaisé - Non
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Un esprit non-violent dans un corps apaisé - Non
Non violence www.nonviolence-actualite.org - N° 347 - Juillet-août 2016 - 6 € Actualité Revue bimestrielle sur la gestion non-violente des relations et des conflits - Fondée en 1978 Un esprit non-violent dans un corps apaisé Approches et techniques corporelles pour prévenir la violence Information aux lecteurs : NON-VIOLENCE ACTUALITÉ Centre de ressources sur la gestion non violente des relations et des conflits BP 20241, 45202 Montargis cedex - FRANCE Tél. 02 38 93 67 22 - Fax 09 75 38 59 85 nonviolence.actualite@wanadoo. fr www.nonviolence-actualite.org Directeur de publication : Vincent Roussel Secrétaire de rédaction : Fabien Parthelot Rédaction : Bernadette Bayada, Anne-Catherine Bisot, Sabine Chevalier, Susan Clot, Dominique Demaria, Marie Echelard, Marie Garrigue Abgrall, Marie Lebrun-Benard, Didier Lescaudron, MarieChristine Loiseau, Sandra Longin, Fabien Parthelot, Vincent Roussel, Édith Tartar Goddet. Pour des raisons économiques, l’association Non-Violence Actualité a déposé au mois de juin au Tribunal de Grande Instance de Montargis une demande de sauvegarde judiciaire. Celle-ci sera examinée à l’audience du 15 septembre 2016. Profitez des promos d’été sur notre site Internet www.nonviolence-actualite.org pour bien préparer la rentrée ! Abonnements - commandes de numéros achats de livres, jeux et documentations : tél. 02 38 93 67 22 [email protected] Annonces, bloc-notes : Gratuit pour les organismes abonnés [email protected] Éditeur : Association Non-Violence Actualité N° de SIRET 322 940 263 00021 Code APE 5814Z Code TVA FR30 322 940 263 Coordonnées bancaires : Crédit Mutuel Montargis 45200 IBAN : FR76 1027 8374 0500 0102 3390 293 BIC-SWIFT : CMCIFR2A C’est par exemple faire 10% d’économie sur le lot « Pratiques de non-violence » Des guides pour l’éducation 0162 Impression /photogravure : Imp. Leloup, 45700 Villemandeur. Commission paritaire : CPPAP 0720 G 86951 ISSN n° 0295-4141 Date de création : janvier 1978 Dépôt légal : à parution Retrouver les livres de la collection « Pratiques de non-violence » 0164 0166 0167 Abonnements - Bimestriel, 6 n° par an France : 35 euros - Europe : 40 euros Par avion : 50 euros Publicité : tél. 02 38 93 67 22 Diffusion en librairies : DIF’POP, tél. 01 43 62 08 07 Diffusion en magasins : Alterrenat Presse, tél. 05 63 94 15 50 Édité avec le soutien de 47 avenue Pasteur, 93100 Montreuil Tél 01 45 48 37 62. Collecte de dons et legs destinés à soutenir financièrement des projets associatifs d’action et d’éducation non-violente - www.nonviolence21.org 2 Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 - Communiquer autrement - Prévenir la violence à l'école - Face aux violences urbaines - Comportements agressifs - Les ados - Les écrans - Les valeurs Au prix de 31,50 euros 0168 0169 Venez découvrir des outils pour prévenir la violence et gérer les conflits à petits prix… s sur u o n z e : rejoligens réseaux 0170 ssi Mais au nomie o c é ’ d 50 % iens c n a s e l sur s numéro www.facebook.com/nonviolenceactualite @NonViolenceActu - www.twitter.com/NonViolenceActu ÉDITO NVA 347 Sommaire Un esprit non-violent dans un corps apaisé Approches et techniques corporelles pour prévenir la violence • Un esprit non-violent dans un corps apaisé, approches et techniques corporelles pour prévenir la violence, Édito page 3 • Éducation : Réinjectons de la corporéité ! Entretien avec Omar ZANNA page 4 • Anticiper la violence : S’entraîner grâce aux techniques théâtrales, par Guillaume TIXIER page 8 • Ressource pour l’école maternelle : des pratiques pour rendre les enfants disponibles, par Michèle GUILLAUD page 10 • La méthode éducative 3C : une éducation à la non-violence, par Michèle DREIDEMY page 11 • Yoga et école : apaiser les élèves, par Liberté KIEFFER page 13 • P.E.A.C.E. : Méditer à l’école ? Sous la direction de Candice MARRO page 16 • Pratiquer le massage à l’école, par Laurence LOMBARD page 19 •Sophrologie : nettoyer son espace intérieur, par Françoise RAFFAULT page 21 • Livres page 23 • Bloc-notes page 24 • Formations page 25 • La chronique de l’Institut Charles Rojzman page 28 COUVERTURE : Natalia Chircova L e vocabulaire lié à la violence - gifles, fessées, coups de poing, combats, rixes, meurtres, etc. - évoque principalement les images de corps qui s’affrontent et de leurs actions destructrices. Notre corporalité est associée à « l’animalité » de l’Homme et son contrôle est un enjeu important de l’organisation des sociétés ; que ce soit pour préparer la guerre ou pour garantir la paix sociale. Et perdure l’idée qu’un moyen de rejeter cette animosité véhiculée par cette enveloppe charnelle serait de la nier, de l’enchaîner et de la mettre à distance. Cela peut se traduire au quotidien par le refoulement ou la négation de nos sensations, de nos émotions et de nos affects. Depuis l’avènement de la science et de l’esprit des Lumières, l’intellect s’est imposé comme une valeur supérieure de la culture occidentale. Élever l’intelligence, quelle que soit la manière de le faire, est devenu un credo qui est notamment porté par l’éducation dispensée de plus en plus largement aux citoyens. Mais progressivement s’est introduit un biais dans les croyances : le corps et l’esprit pourraient être dissociés. Le projet mené par ces hommes qui espèrent un jour réussir le transfert d’une conscience dans une machine en est un symbole paroxystique : le dépassement de l’incarnation apporterait une réponse définitive aux maux de notre condition humaine… L’homme sans chairs sera-t-il toujours un être sensible ? Mais nous le savons aujourd’hui, l’intellect se développe et grandit notamment grâce aux sensations, aux affects et aux émotions transmises par le corps. Notre condition humaine est un tout inséparable alliant corps et esprit. Considérer « un esprit sain dans un corps sain » appelle à prendre soin de l’un et de l’autre ! La richesse du langage non verbal est rarement transmise. Or, il est possible de l’apprendre pour mieux l’entendre. Et cet apprentissage peut être d’une grande utilité pour désamorcer les tensions lors d’une situation de conflit, tout comme le sont celui de l’écoute active et de la communication non violente. Dans un contexte conflictuel se produit un déséquilibre dont le corps et l’esprit cherchent à se dégager avec les moyens à leur disposition, au risque d’agir avec violence. Être vigilant aux signes annonciateurs de ces comportements, en étant capables de les décoder chez soi et chez l’autre, est une contribution importante à la résolution non violente des conflits. Car il devient possible d’agir en amont pour stabiliser la situation en émettant les signes de la recherche de l’apaisement. Pour alimenter vos idées sur ce thème, les éducateurs qui placent ces approches et techniques dans leur démarche vous livrent leurs expériences afin de cultiver des esprits non-violents dans des corps apaisés ! Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 3 D OSSIER Éducation Réinjectons de la corporéité ! Entretien avec Omar ZANNA Omar ZANNA est docteur en sociologie et en psychologie habilité à diriger des recherches. Maître de conférences de l’université du Maine, il est actuellement responsable du laboratoire Violences, Identités, Politiques – Site Le Mans. Il intervient régulièrement sur les questions de prévention dans les réseaux de l’Éducation nationale, de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l’animation des politiques de la ville. Il est l’auteur de « Restaurer l’empathie chez les mineurs délinquants » (Dunod, 2010), « Le corps dans la relation aux autres » (PUR, 2015), « Apprendre à vivre ensemble en classe » (Dunod, 2015). Il a coordonné l’ouvrage « Corps et climat scolaire » (Revue EPS, avec C. Veltcheff et P-Ph Bureau, 2016). - Quel chemin a placé le corps au centre de vos recherches ? - Le corps est un espace d’expérimentation et nous pouvons grâce à lui aller à la recherche de nos limites et des autres. Et cette façon de voir s’est inscrite dans ma biographie. Très tôt, dès l’âge de 8/10 ans, et comme tous mes copains de quartier, j’ai pratiqué le football autant en club qu’au pied de nos immeubles. À l’adolescence et par la suite, comme beaucoup de mes copains également, j’ai pratiqué les sports de combat et l’athlétisme jusqu’à un bon niveau. Après l’obtention du baccalauréat, je commençais des études de sociologie. Rapidement, mon intérêt sociologique se centra sur la question du sport, du corps et à la manière dont ils pouvaient participer à la construction du lien aux autres. Il me semblait être un lieu susceptible de tisser des liens entre les différents espaces et offrir aux individus la possibilité de passer d’un monde à l’autre. Après quatre années d’étude en sociologie, j’eus à opérer une bifurcation. Je me présentais en deuxième année de STAPS (sciences et techniques des activités phy4 Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 siques et sportives) où je fus accepté. Après le Deug, la licence et une maîtrise « éducation et motricité », j’obtins le CAPEPS et j’enseignais pendant quatre ans en collèges et lycées, sans jamais perdre de vue la sociologie. Par la suite, je fus détaché dans l’enseignement supérieur à Brest en STAPS. Cela me donna l’occasion de reprendre mes études de sociologie. J’ai réalisé un DEA sur les pratiques sportives en milieu carcéral et dans la foulée, une thèse, soutenue en 2003, sur l’entrée en délinquance des mineurs incarcérés - C’est alors que vous entreprenez d’expérimenter un programme d’éducation par le corps à l’empathie ? - Lors de mes recherches en prison, j’observais que les mineurs incarcérés avaient du mal à accepter de parler des personnes chez qui ils avaient généré de la douleur/souffrance. Pour beaucoup de ces mineurs, tout se passait comme s’ils ne pouvaient solliciter cette disposition à percevoir les composantes et significations émotionnelles de l’autre lors du passage à l’acte. Ce qui m’a amené à émettre l’hypothèse selon laquelle la disposition à l’em- pathie émotionnelle notamment serait temporairement anesthésiée au moment d’agir. La situation se traduit alors par une difficulté à entrer dans le système d’interprétation de leurs victimes, qu’ils peinent à envisager comme des versions possibles d’eux-mêmes. On comprend mieux alors pourquoi ils convoquent rarement le mal causé aux autres pour raisonner sur leur propre comportement. Le déni des conséquences des actes commis contre l’autre, c’est-à-dire le refus de ce qui lui est dû, signe dans ce cas l’échange suspendu et rend saillante une grammaire sociale momentanément défaillante. Dénier à ce point la réalité de l’autre – ce qui est un peu du même ordre que le fait de lui dénier son aptitude à ressentir, à avoir des émotions – participe à le dévitaliser, à lui refuser son appartenance à l’humanité et même au vivant. Tout laisse donc à penser qu’il existe un lien entre anesthésie momentanée de l’empathie et délinquance violente, notamment. Il m’a donc fallu changer de lunettes pour interroger les dimensions psychologique et psychique afin de compléter mes observations sociologiques. Le circuit training Par la suite, il m’est apparu que dans le milieu carcéral comme à l’école, l’acte éducatif emprunte souvent, pour ne par dire systématiquement, le seul chemin de la cognition. Or une relation indissociable existe entre émotions, sentiments, conscience et raison, c’est-à-dire entre corps et esprit. Le cogito seul est en effet un handicap en ce sens qu’il ne permet pas à l’affect d’advenir. De fait, seule une éducation qui combine, sans les hiérarchiser bien sûr, corps/émotions et paroles/cognition est susceptible de conduire à l’avènement d’individus épanouis et équilibrés. J’ai alors pensé qu’il serait pertinent d’utiliser le corps comme une occasion, un support d’éducation. C’est ce que je développe dans mes travaux sur l’éducation par le corps à l’empathie. Pour ce faire, j’ai mis en place plusieurs programmes pour éprouver l’hypothèse de la restauration de l’empathie des mineurs délinquants en passant par les éprouvés des corps. À titre d’exemple, on peut citer le « circuit training », une situation mise en place avec les mineurs incarcérés pour rebooster chez eux l’empathie (Cf. encart cicontre). À la lumière des résultats stimulants obtenus dans le cadre de ces différents programmes, il m’a progressivement semblé intéressant d’intervenir aussi en amont pour éduquer, avant même d’être réduit à réprimer ou à rééduquer. Convaincu qu’un entraînement à la sensibilité pour développer l’empathie concerne tout un chacun, je me suis naturellement orienté vers l’école. C’est le cheminement qui m’a conduit à concevoir et mettre en œuvre des programmes d’éducation à l’empathie à l’adresse d’écoliers et de collégiens. - Pouvez-vous nous parler de ce projet que vous avez mené dans la Sarthe avec l’Éducation nationale ? - Un programme a été mis en place au cours de deux années scolaires consécutives (20122014) avec des élèves de 20 classes (CM1 puis CM2) dans 14 écoles primaires. Il s’est déroulé sous la forme d’une recherche-action-intervention en partenariat entre l’Inspection académique de la Sarthe et le laboratoire VIP & S de l’Université du Maine. Les élèves ont bénéficié d’une quinzaine d’interventions par an. À l’instar des programmes menés avec les mineurs délinquants, le cœur des interventions est l’occasion de proposer aux élèves de vivre des situations permettant d’accéder à la reconnaissance de l’autre, de s’ouvrir à autrui. Dans cette perspective, il s’agissait d’utiliser la médiation des émotions provoquées par la mise en jeu des corps au travers d’activités physiques, de théâtre-forum, de jeux de rôle, de jeux dansés… Le jeu des mousquetaires (Cf. encart ci-dessous) illustre les modalités d’intervention Les observations révélaient que dès la 5/6ème séance les élèves acceptaient plus facilement les regards de jugement d’autrui, des pairs notamment. S’exposer leur a posé moins de problèmes et le regard critique d’autrui était plus acceptable ; cela était une avancée. Nous avons également observé que chacun était capable à un moment donné de mettre davantage de mots sur ses émotions, sur Le circuit training est une méthode de préparation physique conçue à partir d’un ensemble d’ateliers où l’on réalise des exercices sollicitant différentes parties du corps. Plusieurs ateliers (3 à 6) composent le circuit en question (développés couchés, abdominaux, triceps…). Ce jeu met en scène un affrontement de plusieurs équipes (2 à 4) de trois à cinq détenus. Sous la double pression du partenaire et des spectateurs, tous les détenus ont joué le jeu et se sont engagés pleinement dans l’exercice. J’ai donc assisté à une lutte acharnée. Comme on pouvait s’y attendre, la fin du circuit était l’occasion pour les uns d’exprimer leur fatigue, comme en attestaient les postures, les rictus et les propos du style « Putain, je suis explosé », « Ça fait mal ton truc », « Je vais exploser » ; les autres, ceux qui n’étaient pas encore passés, observaient, avec une légère inquiétude et empathie, ce qu’ils allaient sans doute vivre une fois leur tour venu. Les conditions de partage de l’expérience de ressentis physiques étaient bel et bien réunies. Le jeu des mousquetaires Ce jeu consiste à faire jouer ensemble plusieurs équipes de 4 élèves. Dans chaque équipe, les élèves ont une position à tenir. L’un a, par exemple, les bras tendus parallèles au sol, l’autre fait la chaise appuyé contre le mur, le troisième se tient sur une jambe et le quatrième (le joker) court autour de la salle selon un parcours prédéfini. Les trois premiers peuvent interpeller le joker pour se faire remplacer. Le groupe qui tient le plus longtemps toutes les positions gagne la manche… Au cours de ce jeu, il faut placer les joueurs de telle sorte que tous les élèves prennent en considération leurs partenaires afin de repérer celui qui va lâcher la position au risque de faire perdre son équipe. Chacun doit, par conséquent, être Image tirée de l’émission de France 5 « les maternelles - Comment prévenir le harcèlment à l’école ? » attentif aux mimiques, aux expressions du visage, aux cris, aux appels à l’aide… Dans ce jeu, comme dans tous les autres, ce sont les corps qui s’expriment. En répondant immédiatement par une réaction appropriée, l’observateur transmet de façon précise et éloquente à la fois sa conscience de la situation de l’autre et son propre engagement. En tant qu’intuition vécue des états affectifs de ses camarades, la faculté d’empathie inscrit les autres en soi. Partager des sensations vécues – rictus, grimaces, souffles, rougeurs… – donne à chaque élève la possibilité de reconnaître ses camarades comme une version possible de lui-même. C’est alors que l’empathie prend corps. Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 5 D OSSIER Anticiper la violence S’entraîner grâce aux techniques théâtrales Par Guillaume TIXIER Un conte oriental raconte la discussion suivante entre quatre maîtres des arts martiaux : - le premier dit : moi, en un seul coup, je terrasse mon ennemi, - le second : moi, en un seul cri, je terrasse mon ennemi, - le troisième : moi, il suffit que l’ennemi me voit pour qu’il s’avoue vaincu, - le dernier : je n’ai pas d’ennemi. Ce conte peut être interprété de différentes manières. Pour moi, il évoque d’abord toute l’importance de l’anticipation dans un conflit pour prévenir la violence : voir venir les émotions qui montent, et les accueillir pour les apaiser avant qu’elles ne conduisent à la violence, et surtout, construire avec chacun, dès que possible, une relation de respect et de confiance, malgré nos peurs et nos différences, plutôt que voir l’autre comme un ennemi ou un ennemi potentiel. Pourquoi s’intéresser au corps dans un conflit : pour anticiper... traîne généralement des comportements agressifs non respectueux de l’autre, voire de soi-même. Ces deux types d’attitudes interviennent souvent de manière réflexe, ’être humain fonctionne avec deux car dans un conflit, le sentiment d’urgenregistres complémentaires que l’on ce nous pousse à agir vite, et donc à utilipeut avoir tendance à opposer l’un ser les modes réflexes, qui nous permetà l’autre, alors qu’ils sont indissociables et tent de gagner du temps. se nourrissent mutuellement : • le registre rationnel : la capacité à rai- Cependant, afin de trouver une solution sonner, à analyser, à prendre du recul pour satisfaisante pour chacune des parties du conflit, nous avons besoin d’intégrer les recomprendre et donner du sens, • le registre émotionnel : la capacité à res- gistres émotionnels et rationnels, c’est disentir, à vivre les choses dans l’instant et re à la fois de ressentir et d’écouter les émotions, mais aussi de les considérer avec redans la spontanéité. cul pour les interpréter et pour comprendre Lors d’un conflit, si les protagonistes ne les besoins et valeurs qui en sont à l’origisont pas suffisamment vigilants pour ré- ne. Pour cela, un apprentissage peut-être guler leurs émotions, celles-ci ont tendance utile, afin de construire d’autres types de à prendre le pas sur la raison, et à devenir réflexes basés sur une approche globale des incontrôlables, ce qui peut conduire à deux personnes ; ceux-ci impliquent de prendre attitudes extrêmes. La première consiste à en compte non seulement les paroles, mais privilégier le mode rationnel en mettant aussi le corps. En effet, si notre dimenun « couvercle » sur les émotions (pour sion rationnelle s’exprime prioritairetenter de les contrôler en évitant de les ex- ment par la parole, les émotions sont moins primer), et à défendre son point de vue fréquemment mises en mots, car de nomen argumentant de façon « rationnelle » breux schémas sociaux et notamment (mais souvent peu objective et donc peu concernant les attitudes éducatives conduiefficace, car l’émotion agit à notre insu en sent à une « répression émotionnelle ». Par introduisant de la subjectivité). La deuxiè- contre, la dimension physiologique, réacme conduit à se laisser emporter par les tive et involontaire des émotions permet émotions hors de toute raison, ce qui en- de les repérer rapidement à travers le lan- L 8 Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 gage du corps (postures, gestes, regard, expression du visage…), qui « parle » à notre insu. La prise en compte des signaux non verbaux constitue donc un moyen d’anticiper les débordements émotionnels qui peuvent conduire du conflit à l’agression. C’est pourquoi un apprentissage peut être utile en s’appuyant sur deux axes complémentaires : • apprendre à reconnaître chez l’autre, et notamment, à travers les signaux corporels, l’émergence des émotions, pour les accueillir de manière empathique et favoriser leur apaisement, • développer une conscience de ses propres postures et attitudes corporelles, afin d’éviter que nos peurs ou nos colères ne soient perçues comme des signes d’agressivité. S’entraîner à observer les signaux corporels de son interlocuteur pour repérer au plus tôt les émotions Intuitivement, même si elles ne sont pas exprimées verbalement, nous percevons généralement les émotions des autres à travers l’observation du visage, les attitudes corporelles ou le ton de la voix ; mais il est parfois trop tard, car une émotion est un peu comme un incendie : quand il dé- DOSSIE R Le yoga à l’école Apaiser les élèves Par Liberté KIEFFER « Je vous envoie des images, la mer, avec les vagues, un sommet de neige étincelant... » : la voix claire de Micheline Flak, enseignante d’anglais, résonne dans une salle de classe du collège Condorcet à Paris. Des enfants placent les paumes de leurs mains sur les yeux, comme des coquillages. C’était au début des années 1970. et à l’étranger. La consécration est arrivée en 2013, lorsque le ministère de l’Éducation nationale a accordé l’agrément à l’association pour sa contribution à l’enseignement public. Le yoga n’est plus un projet pilote : il fait son entrée à l’école par la grande porte. La philosophie du RYE est simple : le rejet et la démotivation ne sont pas inéluctables à l’école et l’harmonisation des énergies à laquelle convie le En pratiquant le yoga, j’étais moi- yoga peut rendre le plaisir d’apprendre. même moins fatiguée et de plus en Cette philosophie a un succès expoplus désireuse d’enseigner autre- nentiel et le RYE organise désormais ment. Un jour, j’ai proposé aux élèves des formations dans toute la France : une séance de relaxation avant le cours. Paris, Lille, Bordeaux, Grenoble, J’ai été frappée de leur meilleure écou- Rennes, La Réunion... te, meilleures relations entre eux et avec moi, meilleure participation. L’apprenLes formations vont du général - techtissage était favorisé. Les enfants étaient niques de yoga pour enseignants dans ravis », a-t-elle raconté. l’éducation, techniques adaptées aux enfants, aux adolescents... - au partiIl a fallu ensuite convaincre au-delà : culier : préparation aux examens ou les parents qui demandaient à l’enencore techniques de relaxation adapseignante pourquoi elle donnait des tées aux jeunes. L’association forme cours de « gymnastique », puis le près de 700 personnes par an. Depuis reste du corps enseignant. La classe de « Miss Flak », soutenue par An- sa création plus de 10 000 personnes drée Buisine, Principale du collège ont suivi ses différentes formations, Condorcet, est devenue un labora- dont trois quarts des enseignants. Le toire où elle testait les meilleures tech- yoga s’est implanté en milieu scolainiques de yoga pour faire progresser re et concerne des dizaines de milliers d’élèves. les élèves. « D’autres se sont ensuite lancés dans l’aventure. L’association Recherche sur le yoga dans l’éducation, le « RYE » est né en 1978 et cinq ans plus tard on y formait des enseignants. Depuis le RYE, a essaimé en France Le Yoga, réponse à la violence Un lycée de Pontoise... Professeure d’EPS dans un établissement de Pontoise, Dominique Dau- mail, enseignante depuis 33 ans, évoque un quotidien parfois violent : « les élèves ne savent plus se parler, s’insultent, même s’ils en rient. Ils s’invectivent en permanence, et puis d’un seul coup, cela dérape en bagarre, en bousculade. Ils me disent : “Il me calcule” (il m’insulte, CQFD). Cette année cela m’est arrivé deux ou trois fois. Un coup de tête dans le nez d’une fille, déplacement de cloison nasale. L’auteur du coup m’a dit : “je n’arrive pas à me contrôler”. » Les enfants vivent aussi le stress des notes et 40 % d’échec à la fac. « On n’a jamais vu un élève avec un cinq en maths et un huit en histoire géographie rentrer heureux », ironise-t-elle. Apaiser Il existe de multiples exercices pour apaiser les élèves en situation de stress, de colère ou simplement avant de commencer le cours. Au départ de tout se trouve la respiration. Isabelle Quoy, enseignante en collège, demande à ses élèves de respirer en imaginant une forme géométrique : ils voient un carré à hauteur des yeux. Ils commencent par une inspiration de l’angle en bas à gauche vers l’angle en haut à gauche. L’expiration se poursuit en suivant le haut du carré de la gauche vers la droite. L’inspiration suivante de haut en bas à droite, et une expiration de droite à gauche en bas. « C’est la respiration qui équilibre les phases respiratoires, puisqu’elles sont aussi longues les unes que les autres. » Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 13 D OSSIER P.E.A.C.E. Méditer à l’école ? Sous la direction de Candice MARRO La méditation de pleine conscience se définit généralement par la capacité à être conscient du moment présent ; ce en s’arrêtant et en observant ce qui se passe en nous (sensations corporelles, émotions, pensées qui défilent dans nos têtes…) ainsi que ce qui se passe à l’extérieur, autour de nous (sons, bruits, odeurs…). C’est une technique contemplative qui vise à observer, sentir, laisser passer, accepter ce qui est, sans juger ni attendre quoi que ce soit. La pleine conscience s’est développée en France dans les années 2000 suite aux travaux de David Servan-Schreiber, Thierry Janssen, Matthieu Ricard et de Christophe André. P arler de méditation peut s’avérer délicat, car la méditation est souvent associée à des pratiques religieuses. Certes, la méditation date de plusieurs millénaires et elle est présente dans la plupart des religions, sous différentes formes (par exemple sous forme analytique via une longue et profonde réflexion sur un sujet en particulier), mais elle peut être pratiquée de manière tout à fait laïque. Nous vivons dans une société où il faut à tout prix qu’un concept, une idée soient exempts de toute connotation religieuse, politique ou autre pour exister. Cette vision, au final très manichéenne, ne nous autorise plus à extraire les bénéfices et points positifs d’une technique/pratique ou d’un sujet, quelle que soit son origine. C’est l’une des raisons pour laquelle tant de personnes peuvent être réticentes lorsqu’elles en- L’Association pour la Méditation dans l’Enseignement (A.M.E) conçoit, met en place et diffuse des programmes de Pleine Conscience (Mindfulness) au sein des établissements scolaires (de la maternelle à l’enseignement supérieur). À travers son programme PEACE (Présence, Écoute, Attention et Concentration dans l’Enseignement), l’association propose une approche ayant pour but de développer l’attention, la bienveillance, le bienêtre, l’apprentissage et la citoyenneté, dès le plus jeune âge et au sein même du temps scolaire. 16 Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 tendent parler de méditation. Or la méditation de pleine conscience ou de pleine présence est basée sur des valeurs telles que l’acceptation de soi, des autres, de notre environnement. Elle permet aussi de modifier notre attitude par rapport à l’expérience, de prendre de la distance par rapport à nos pensées, de développer résilience et capacité d’adaptation. Chaque individu, quelles que soient son origine et sa religion, peut donc se retrouver dans ces valeurs éthiques et dans cette pratique. Indépendamment de nos conditions sociales, culturelles, âges, la méditation de pleine conscience nous offre un temps de pause, un temps pour entreprendre une démarche d’intériorité, de retour à soi, afin de mieux se connaître, mieux se comprendre et être également plus à l’écoute des autres. Les neurosciences, via les techniques d’imagerie cérébrale, ont prouvé, entre autres, que la méditation de pleine conscience aidait à développer le lien entre l’amygdale (siège des émotions) et le cortex préfrontal (qui permet la gestion des réponses émotionnelles) (1). Cela signifie que la pleine conscience est un moyen d’améliorer notre façon de fonctionner en ne « réagissant » plus à un stimulus, mais en « choisissant d’y répondre » - ou non. Mindfulness (Pleine Conscience) dans une liste croissante de domaines tels que la santé, l’enseignement, le management… Ces études démontrent des améliorations en ce qui concerne : • le rapport au corps - santé, acceptation de son corps, gestion de ses émotions • le rapport à soi - confiance en soi, réduction du stress, de l’anxiété et de l’impulsivité • le rapport aux savoirs - attention, concentration, mémoire, motivation • les rapports aux autres - bonnes relations, empathie, résolution des conflits, altruisme. Intérêt dans le cadre scolaire Le programme PEACE (Présence, Ecoute, Attention, Concentration dans l’Enseignement) a vu le jour en novembre 2014, inspiré par les programmes de Mindfulness et s’appuyant sur une équi- De nombreuses études, menées notamment aux États-Unis (2) et au Royaume-Uni, démontrent les bienfaits de la À l’heure où l’Éducation nationale cherche de nouvelles solutions et de nouveaux programmes pour améliorer l’apprentissage des élèves et le climat scolaire grâce à leurs capacités à se concentrer, à gérer leur stress et à faire preuve de plus d’empathie les uns envers les autres, la méditation laïque de pleine conscience trouve tout son sens. En effet, on nous apprend à lire, à écrire, à compter, on nous apprend l’histoire, la géographie, on s’initie à la musique et aux arts plastiques, mais qui nous apprend à nous connaître, à savoir comment nous fonctionnons ? Genèse du projet DOSSIE R Sophrologie Nettoyer notre espace intérieur Par Françoise RAFFAULT À son arrivée, le bébé découvre les besoins de son corps à travers la faim, la chaleur, la fraîcheur... Cet être de sensations, de perceptions se développe au fil du temps, et fait connaissance avec son corps au travers du toucher, de la vue, de l’ouïe, du goût, de l’odorat. Il fait connaissance via ces mêmes sens avec ses proches (parents, fratrie, grands-parents...), et son environnement extérieur dont il prend conscience peu à peu. Tout petits, nous sommes donc constamment reliés à notre propre corps et à ses besoins. P uis, arrivent les premiers temps où des demandes sont faites à l’enfant. Des demandes de l’ordre du « faire », qui répondent à des critères familiaux, scolaires, sociaux, culturels. Au fil des années, les demandes vont augmenter en nombre, et les exigences se renforcer, dans un système où l’on nous demande constamment du résultat, et ce, dès le plus jeune âge. Il nous faut entrer dans des normes. Il faut « être bon » à l’école, puis au collège, au lycée, avec la pression qui augmente à la vue des premiers examens, et de tous les enjeux cachés derrière cette exigence de réussite. Petit à petit, cet être venu au monde de manière corporalisée, va donc s’éloigner de ses propres ressentis corporels et de ses propres besoins, pour se centrer de plus en plus sur son mental, afin de « faire » ce que l’on lui demande. Cette séparation entre le corps et le mental se creuse à nouveau au moment de l’entrée dans le monde du travail, qui pose les mêmes exigences de résultats, au quotidien, avec différents moyens de pression, quel que soit aujourd’hui le domaine professionnel. Et vu de l’extérieur, tout se passe bien : l’enfant, l’adolescent, l’adulte, poussé par ses besoins relationnels (la plupart du temps inconscients), vont tout faire pour répondre à ces exigences. Il apprend ainsi à oublier les besoins du corps (détente, repos, alimentation...). Mais pouvons-nous nier longtemps les limites de notre corps sans séquelles ? Au regard du nombre de maladies psychosomatiques en constante augmentation, ainsi que des dépressions, des burn-out, des suicides qui sont tout autant de violence que celles que l’on rencontre au quotidien sous des formes plus visibles, dans les différents domaines de nos vies, il en ressort que non. En effet, nier son corps et ses propres besoins ne peut durer qu’un temps, et nous attendons la plupart du temps une forme de point de rupture (maladie, violence envers soi, envers les autres, sous toutes ses formes), pour sentir à nouveau que notre corps est bien présent, mais cette fois-ci parce qu’il nous fait mal, à travers différents symptômes. Notre corps nous rappelle qu’il est là, et que oui nous sommes un mental, mais dans un corps qui nous porte et avec lequel nous œuvrons tout au long de nos journées. Et nous voyons ainsi des personnes arriver à ce point de rupture de manière insidieuse, et des conflits éclater violemment dans différentes sphères : familiale, sociale, scolaire, professionnelle, politique… Pour cause, nier ses propres besoins déclenche des frustrations. Frustrations dont nous tenons les autres pour responsables, car nous avons ap- pris à tourner notre regard vers l’extérieur, sans plus l’orienter vers l’intérieur, à l’écoute de nos sensations, de nos perceptions. Nous avons appris que tout venait de l’extérieur, alors qu’en fait, tout part de notre espace intérieur. C’est parce que nous avons appris à nous oublier nous-mêmes que nous ne trouvons pas l’équilibre nécessaire à notre bienêtre. Cette violence que nous constatons autour de nous, dans notre environnement extérieur réveille notre propre violence et nous renvoie à nos propres besoins. Françoise Raffault est sophrologue et formatrice en Transformation Constructive des Conflits. Non-Violence Actualité, juillet-août 2016 21 L’Institut Charles Rojzman ICR est le centre de référence international de la Thérapie Sociale TST, centre de formation et d’intervention à cette approche créée par Chalres Rojzamn dans les années 1980. www.institut-charlesrojzman.com L’ICR mène des actions de Thérapie Sociale en France et à l’étranger dans des contextes très diversifiés, actions ou formations qui consistent à réhabiliter le conflit comme moyen de transformer la violence. L’ICR propose aux individus et aux groupes des outils afin de les former à une vie démocratique véritable en favorisant l’exercice de la raison critique, le développement de la responsabilité et de la sociabilité. Chronique de l’Institut Charles Rojzman De la dépression au pouvoir d’agir « Quoi qu'il en soit, nous savons que la lutte que l'homme mène pour son salut est aujourd'hui plus que jamais la lutte pour le triomphe de la raison sur la folie » Franco Fornari « Ni les savoirs importants acquis sur l’être humain, du fait des avancées de la biologie, de la médecine, des neurosciences et des sciences humaines et sociales, ni l’enseignement de l’éthique et de la morale, ni même les lois ne suffisent plus aujourd’hui aux hommes pour parvenir à cette paix conflictuelle, une forme de santé sociale et de cohésion démocratique dans laquelle il pourrait vivre et s’épanouir dans le respect des autres. Les êtres humains se doivent de redécouvrir une manière de vivre ensemble en mettant en évidence principalement les obstacles intérieurs, personnels et collectifs qui les en empêchent.* » mouvements politiques et sociaux luttent pour un changement et une amélioration du sort de tous, mais rien n’aboutit vraiment, ou trop peu. La faute en est rejetée à des puissances invisibles qui semblent dicter nos vies et notre avenir. Est-ce la vérité ? En tous cas, certains le pensent et baissent les bras, pris dans un lourd sentiment d’impuissance. Ainsi va la politique aujourd’hui et audelà d’elle, c’est de notre vie qu’il s’agit, de notre avenir, de notre vieillesse ou de nos enfants. Le bonheur des individus ne dépend pas d’eux seulement, mais également d’un environnement social et politique dont ils subissent les influences, parfois douloureusement. Nous ne sommes pas des êtres isolés dans une bulle : le monde est en nous, comme nous sommes dans le monde. La Thérapie Sociale permet de faire l’expérience et de créer durablement les conditions d’une véritable vie démocratique qui décloisonne les communautés. Dans les groupes de Thérapie Sociale qui mélangent les milieux, les classes sociales, les appartenances religieuses ou idéologiques, les générations, les personnes vivent un sentiment de fraternité, grâce à un processus très spécifique, et apprennent à distinguer les fantasmes, à l’origine des préjugés, de la réalité. Trop souvent, nous avons l’impression de vivre dans un monde fait de déceptions et de désillusions. Tous les idéaux s’effondrent, enfin presque tous… et nous voyons nos concitoyens se battre avec rage autour de mesures décidées d’en haut, sans qu’ils ne soient vraiment consultés ni écoutés. Les promesses des politiques ne sont pas tenues, d’autres ne conviennent pas à tous et suscitent la colère et l’indignation des opposants. Des Pourtant, cette énergie de combat est nécessaire : on ne peut pas vivre sans idéal et sans rêver à un monde meilleur. Les évolutions sociales dépendent pour une grande part de cet engagement individuel et collectif, comme l’histoire passée l’a montré. La Thérapie Sociale aide à comprendre par l’expérience les mécanismes qui nous conduisent à la violence contre nous-mêmes ou contre les autres. La formation en Thérapie sociale donne la possibilité de connaître ses propres tentations de violence dans les si- tuations de stress, de peur ou d’impuissance. La vie relationnelle expérimentée dans le groupe apprend à distinguer la violence qui est destructive, du conflit indispensable pour dénouer les situations qui nous font du mal et abîment la confiance et l’amour de soi. La dépression est toujours liée à la haine de soi, à toutes ces représentations abîmées que nous conservons de nous-mêmes, à la suite des blessures qui nous ont été infligées par notre vie familiale et notre vie sociale. Des violences et des blessures qui ont nécessairement des effets dans notre vie. La Thérapie Sociale permet de transformer ces représentations de soi illusoires qui empêchent l’amour de soi. Le pouvoir d’agir dépend à fois de la confiance en soi, de l’amour de soi et de la possibilité d’entrer en relation avec les autres, parfois dans l’harmonie et parfois dans le conflit. Nous avons gardé cette illusion de croire que le changement personnel peut être contagieux, que si nous nous changeons nousmêmes, nous changerons le monde. Mais le changement que nous souhaitons, dans un monde chaotique et dangereux tel qu’il est aujourd’hui, dépend de la capacité à comprendre les causes des maux personnels et collectifs à l’origine des violences collectives et à mettre en place efficacement et sans illusions, les outils permettant de recréer une fraternité et d’agir avec les autres, au-delà de nos différences multiples. * Charles Rojzman, Igor et Nicole Rothenbühler, « La Thérapie Sociale », Éd. Chronique Sociale, 2015.