Lutter contre les discriminations
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Lutter contre les discriminations
Conseil Rennais de la Diversité et de l’ Egalité des Droits er 1 Forum professionnel de l’Égalité Lutter contre les discriminations : pratiques d’aujourd’hui, chantiers de demain 21 mars 2012 Journée internationale de lutte contre les discriminations ACTES Sommaire Programme de la journée.....................................................................................................................................................3 Discours d’ouverture.............................................................................................................................................................4 La lutte contre les discriminations, entre théorie et pratiques ...................................................................................6 Échanges avec le public......................................................................................................................................................18 Peut-on mesurer les discriminations ? Le cas des discriminations liées à l’origine..............................................22 Échanges avec le public......................................................................................................................................................32 Ateliers thématiques...........................................................................................................................................................35 Atelier Emploi/Marché du travail .....................................................................................................................................37 Atelier École ..........................................................................................................................................................................40 Atelier Logement .................................................................................................................................................................43 Atelier Santé .........................................................................................................................................................................46 Atelier Travail Social............................................................................................................................................................49 Échanges avec le public après la restitution des ateliers ...........................................................................................52 Discours de clôture .............................................................................................................................................................58 Annexe 1 : Powerpoint de Philippe Cormont................................................................................................................60 Annexe 2 : Powerpoint de Jean-Luc Richard.................................................................................................................72 2 Programme de la journée 9h00 > 9h15 Accueil des participants 9h15 > 9h30 Discours d’ouverture Marie-Anne Chapdelaine, adjointe au Maire de Rennes, déléguée à l’égalité des droits et à la laïcité 9h30 > 11h00 Conférence « La lutte contre les discriminations, entre théorie et pratiques » Philippe Cormont, consultant et formateur, COPAS (Conseil en Pratiques et Analyses Sociales) 11h15 > 12h45 Table ronde « Peut-on mesurer les discriminations ? Le cas des discriminations liées à l’origine » Anne Morillon, sociologue, collectif TOPIK. Jean-Luc Richard, maître de conférences, Université de Rennes I 12h45 > 14h00 Pause déjeuner 14h00 > 15h30 Ateliers thématiques • Atelier 1 « Emploi/Marché du travail » : « Égalité, diversité, lutte contre les discriminations sur le marché du travail et dans le monde de l’entreprise : échanges sur les outils existants » Philippe Cormont, COPAS Mustapha Laabid, directeur de FACE (Fondation Agir Contre l’Exclusion) • Atelier 2 « École » : « Discriminations dans le parcours scolaire (orientation, accès aux stages) : les comprendre pour les combattre » Laurence Ukropina, chargée de mission, Académie de Metz-Nancy Sabine Baudont, responsable du secteur "culture, insertion, discrimination", Ligue de l’Enseignement 35 • Atelier 3 « Logement » : « Logement et discriminations : faut-il questionner le principe de mixité sociale ? » Aude Rabaud, maître de conférences, Université Paris VII – URMIS (Unité de Recherches « Migrations et Société ») Pierre Ulliac, directeur général adjoint, Aiguillon Construction • Atelier 4 « Santé » « Prise en charge clinique et qualité des soins : identifier les pratiques discriminatoires pour agir » Marguerite Cognet, maître de conférences, Université Paris VII – URMIS (Unité de Recherches « Migrations et Société ») Christine Bodin, Responsable Pôle Migrants, Réseau Ville Hôpital 35 • Atelier 5 « Travail social » « Travail social et discriminations : comment assurer l’égalité de traitement dans la prise en charge du public ? » Niky Béquet, sociologue et formatrice, ISCRA (Institut social et coopératif de Recherche appliquée) Patrice Preter, directeur du centre social Carrefour 18 16h00 > 17h30 Restitution des ateliers et échanges avec le public 17h30 > 17h45 Discours de clôture Patrice Allais, directeur général adjoint, Direction Générale Proximité cohésion sociale, Ville de Rennes Marie-Anne Chapdelaine, adjointe au Maire de Rennes, déléguée à l’égalité des droits et à la laïcité Deux courts-métrages à visionner : « Il paraît qu’eux », réalisé par l’association Étrange Miroir « Le bruit et la rumeur », réalisé par l’association Ya Fouei Animateur : Erwann Le Hô 3 Discours d’ouverture n Marie-Anne Chapdelaine, adjointe au Maire de Rennes, déléguée à l’égalité des droits et à la laïcité ainsi un point d'étape majeur issu d'un travail collectif et qui s'inscrit dans la durée pour une valeur commune à toutes et tous les membres du CRDED : la promotion et la défense de l'égalité des droits, ainsi que l'égalité de traitement. Mesdames, Messieurs, C'est un plaisir de vous accueillir aujourd'hui dans les locaux de Rennes Métropole à l'occasion de la journée internationale de lutte contre les discriminations. Je me dois tout d'abord d'excuser Daniel Delaveau, Maire de Rennes et Président de Rennes Métropole, qui, en raison d'une obligation de dernière minute, ne pourra malheureusement pas être parmi nous ce matin. À Rennes, nous sommes convaincus que pour vivre ensemble en harmonie, le respect de cette valeur doit être effectif. C'est pour cela qu'en 2009, le Plan de Lutte contre les Discriminations a été adopté à l'unanimité par le Conseil Municipal du 8 juin. Ce plan, décliné en cinq axes a pour priorité la mobilisation de la collectivité en interne, mais aussi la mobilisation des partenaires de la collectivité. C'est pourquoi vous avez été conviés à participer à ce Forum. Vos expériences de terrain et vos témoignages sont indispensables pour envisager les chantiers de demain, en s'appuyant sur un diagnostic partagé des pratiques d'aujourd'hui. Merci d'être si nombreux (plus de 200 inscrits) pour la première édition du Forum professionnel de l'Égalité. Cette journée, qui a pour objectif de favoriser les échanges et mobiliser les réseaux institutionnels, professionnels et associatifs autour de la lutte contre les discriminations, est attendue depuis longtemps. En effet, le Conseil Rennais de la Diversité et de l'Égalité des Droits, le CRDED, s'est investi depuis maintenant, deux ans pour la tenue d'un tel évènement. Ce comité consultatif a été crée en 2009 par le Conseil Municipal. Il est composé d'habitants, d'associations, de représentants d'institutions, de chercheurs et d'élus. Toutes ces personnes travaillent ensemble autour de trois thématiques : la lutte contre les discriminations, l'accès aux droits des étrangers et l'histoire de l'immigration à Rennes. Les membres du CRDED se réunissent en groupes projet, en séances plénières, et dans le cadre d'une cellule de veille, afin de faire avancer l'engagement citoyen autour de ces questions. Ce Forum représente Cette journée s'annonce riche, grâce à votre participation massive qui montre tout l'intérêt que vous portez à la question de la lutte contre les discriminations. La transversalité des enjeux de l'égalité engage tout un chacun à interroger ses propres pratiques. Professionnels des services publics et du secteur privé, des domaines de l'emploi, de l'entreprise, de l'éducation, du logement, de la santé et du travail social ; vous nous avez fait part des questionnements qui se posent dans le cadre de votre travail quotidien. Nous avons aussi 4 eu l'occasion de connaître des projets et des actions sur lesquels certaines et certains d'entre vous se sont investis dans vos secteurs respectifs pour faire avancer l'égalité. Il nous semble donc important pour cette première édition, de commencer par le partage de ces questionnements et de ces expériences. Cognet de l'Unité de recherche Migrations et Société de l'Université Paris 7, Niky Béquet de l'Institut Social et Coopératif de Recherche Appliquée, Laurence Ukropina de l'Académie Metz-Nancy, Mustapha Laabid de la Fondation Agir Contre l'Exclusion, Sabine Baudont de la Ligue de l'Enseignement, Alice Naturel de Léo Lagrange, Pierre Ulliac d'Aiguillon Construction, Christine Bodin de Réseau Ville Hôpital, et Patrice Préter de l'Association Rennaise des Centres Sociaux. La matinée de cette journée sera consacrée à deux conférences-débats. Philippe Cormont du cabinet Conseil en Pratique et Analyses Sociales (COPAS) assurera la conférence d'ouverture, qui rappellera le cadre juridique et les mécanismes des discriminations. Suivra une table ronde portant sur la mesure des discriminations et du débat autour des statistiques ethniques, animée par Anne Morillon, sociologue du collectif Topik, et Jean-Luc Richard, enseignant chercheur à l'Université Rennes I et au centre de recherche pour l'action publique en Europe (CRAPE). À la suite de chaque intervention, un temps important sera dédié à vos réactions et à vos questionnements. Je suis convaincue que cette journée sera riche en échanges. J'espère que ces échanges permettront de répondre à vos questionnements, qu'ils constitueront un terreau fertile pour envisager ensemble, les chantiers de demain vers plus d'égalité. Je vous remercie et vous souhaite une très bonne journée. L'après-midi sera consacrée aux échanges entre professionnels en ateliers thématiques. Ils permettront à chacun d'entre vous d'apporter votre expertise et de soulever vos interrogations issues de votre expérience. Je tiens à remercier tout particulièrement l'ensemble des intervenants de cette journée, à la fois les chercheurs, les experts, et les membres du CRDED sans oublier l'animateur, qui se sont fortement investis pour préparer cette journée de travail. En plus de celles et ceux déjà cités, Aude Rabaud et Marguerite 5 CONFÉRENCE La lutte contre les discriminations, entre théorie et pratiques n Philippe Cormont, consultant et formateur au cabinet COPAS (Conseil en Pratiques et Analyses Sociales) Je vais vous présenter pendant une heure un survol assez rapide et le plus complet possible des questions de discriminations tant en termes de ressort intellectuel, cognitif, rationnel qu’en termes également de politiques publiques et de cadre juridique. J’ai une heure, c’est relativement bref donc, si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser plutôt à la fin, il y aura tout un temps de débat, mais comme le temps m’est compté, j’aurais du mal à répondre pendant mon intervention. CHRONOLOGIE DE L’ÉMERGENCE DES POLITIQUES PUBLIQUES DE LCD des Droits, mais dont les missions n’ont pas été modifiées de façon drastique, se crée en décembre 2004 mais devient effective en 2005. Lutte contre les discriminations En 2008, un aménagement de la Loi de 2001 va introduire la notion de harcèlement telle qu’elle est définie (« Harcèlement : créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ») avec une chose intéressante, c’est qu’aujourd’hui et depuis deux ou trois ans, la question des discriminations devient une partie importante des réflexions autour des risques psychosociaux au sein des organisations. La discrimination est un sujet neuf, cela peut sembler provoquant. Ca ne l’est pas du tout, c’est un sujet neuf en termes de politiques publiques. Vraisemblablement, la discrimination existe depuis que l’homme est homme, on peut être à peu près sûr de cela. Par contre, en termes de politiques publiques, c’est récent, il faut attendre 1997. En fait, c’est une volonté européenne : l’article 13 du traité d’Amsterdam qui avait imposé à tous les États membres de l’Europe de mettre en place une politique publique de lutte contre les discriminations. Vous allez voir que c’est quelque chose d’assez intéressant puisque c’est aussi un marquage en termes d’outils pratiques. La question des discriminations, ce sont avant tout des questions de management, d’outils, très praticopratiques. Marie-Anne Chapdelaine le rappelait très justement, ce sont des questions d’égalité réelle, pas d’engagement moral. Ce sont vraiment des questions d’outillage, de façons de faire, de process. Ces politiques vont se décliner évidemment différemment suivant les droits nationaux. En France, cela va prendre un petit peu de temps, il va falloir déjà reconnaître l’existence des discriminations en France, j’y reviendrai juste après. Cela a été un petit peu long, il a fallu attendre 1998. La Loi de 2008 va bien insister sur ce côté-là en intégrant les questions de harcèlement. À l’époque, c’est Martine Aubry, ministre de la cohésion sociale qui reconnaît, à la sortie d’un conseil des ministres, l’existence des discriminations. À partir de ce moment-là, il devient légitime pour les acteurs de la politique publique de s’emparer du sujet. Il y a des budgets, on peut commencer à travailler en termes de projets notamment, des gros projets européens qui vont marquer le territoire national sur la question des discriminations. n DÉFINITION CONCEPTUELLE DE LA DISCRIMINATION Le moment le plus important a été, peut-être, l’inscription dans la loi, celle du 16 novembre 2001 que je vous présenterai tout à l’heure, qui va définir le cadre juridique. Je vais vous donner une première définition conceptuelle de la discrimination : « un traitement défavorable à situations comparables ». C’est ça qui est peut-être le plus important à comprendre pour le moment. On est bien à situation égale ou comparable, à niveaux équivalents de revenus pour l'accès au logement, à niveaux de diplômes égaux. Là, il peut y avoir des discriminations. S’il faut le permis B pour tel poste et que je n'ai pas le permis B, il ne peut pas s'agir de discrimination. Donc c’est en 2001 qu’on va commencer à avoir des éléments extrêmement concrets, extrêmement précis, pour dire ce qui est légal, ce qui est illégal, ce qui est interdit, ce qui est toléré en France autour des questions de discrimination. Puis, la HALDE qui, l’année dernière est passée sous le chapeau du Défenseur 6 C'est une des grosses différences avec les questions d'inégalité, d'injustice, etc. qui va donner lieu à tout un tas de politiques notamment de discrimination positive, je vais y revenir tout à l'heure. Si je prends l'exemple des anciennes colonies françaises, en Algérie française, dans certaines élections, le vote d'un Français vaut le vote de 7 Français musulmans, comme on les appelait à l'époque donc vous voyez 1/7. Vous pouvez parler bien sûr d'injustice, de ségrégation de ce que vous voulez mais pas de discrimination puisque la différence des droits était instituée. Racisme vs Discrimination Précisons le terme de « racisme » qui malheureusement ne sort pas de l'actualité. Alors, pour rappel, pour l’anecdote, un peu pour rire, je vous rappelle qu'on partage plus de 98% de nos gènes avec les chimpanzés, donc en termes de différence entre nous, il n’y en a pas tant que ça. Donc les questions de discrimination se posent dans le même cadre juridique, à situations de départ comparables ou égales. Alors, ce qu'on entend classiquement par discrimination est qu’il faut que ça soit fondé sur un traitement défavorable, fondé sur un critère illégal ou illégitime, entraînant un préjudice. C'est-à-dire que vous privez quelqu'un de quelque chose, ce n'est pas un préjudice au sens moral, c'est un préjudice au sens absolument concret et matériel des choses. Je prive quelqu'un de l'accès à un stage ou une formation, un logement, un emploi, un revenu, etc. c'est bien ça qui va définir une discrimination, un critère prohibé par la loi - je vous le présenterai tout à l'heure - qui va entraîner un préjudice. Le racisme, comme mot au sens où il est employé autour des questions de discrimination, la race étant définie comme couleur de peau. Sur le plan génétique, ça n'a aucun sens. Vous voyez ce qui est écrit sur les différences entre les individus, il n'y a pas de distinction, elles sont vraiment marginales en termes génétiques. Il ne s'agit pas non plus de nier les différences de couleur de peau de l'espèce humaine. Le danger du racisme, si je suis un raciste blanc, je hiérarchise et dans ma tête je pense que n'importe quel Blanc vaut plus que le plus intelligent des Noirs, des personnes d'origine maghrébine ou des asiatiques. Le problème n'est pas de dire qu’il y a des couleurs de peau différentes, c'est de penser qu'il y a une hiérarchisation entre ces couleurs de peau. Tout à l'heure, je définissais la discrimination en disant que ça crée un préjudice. Si j'ai une insulte raciste envers quelqu'un, je traite quelqu'un de « sale noir » dans la rue, je suis dans une logique raciste mais pas discriminante parce que je ne crée pas un préjudice, je ne le prive pas de l'accès à quelque chose, c'est une des grosses différences avec les questions du racisme. n DISTINGUER LES DIFFÉRENTS CONCEPTS : DISCRIMINATIONS, ÉGALITÉ DES CHANCES, RACISME… Le racisme, c'est la loi Pleven, c'est évidemment interdit mais ce n'est pas la loi de lutte contre les discriminations qui est plus large que la simple question des couleurs de peau. Je voulais vous préciser ce point de vocabulaire là parce que c'est souvent très ambigu dans les discours. Égalité de traitement vs Égalité des chances Très souvent, le champ des discriminations est un champ assez large, complexe, peu ou prou structuré aujourd'hui, mais qui a mis du temps à émerger. Il y a beaucoup de confusions avec les mots que je vous présente derrière (référence au powerpoint, voir en annexe) : égalité de traitement, égalité des chances, notamment avec le racisme et les questions plus larges d'interculturalité, d'intégration, etc. Quand je parle de discrimination, je fais clairement référence à ça : « une discrimination c'est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé dans un domaine visé par la loi ». Tout ce que je vais dire ce matin, vaut pour tout le champ de l'échange sur un marché d'échanges de biens et de services, pas dans votre vie personnelle. Dans votre vie personnelle, si vous ne souhaitez pas fréquenter telle ou telle catégorie de personnes, c'est votre droit le plus strict. Il y a des psychologues qui travaillent là-dessus, vous pouvez toujours y aller. Mais là, c'est vraiment en termes d’accès au logement, échanges de biens et services, droit du travail, tout ce qui encadre la vie professionnelle et les échanges marchands dans notre société. Pour être plus précis, le terme « marchand » concerne également les services publics et les relations avec les usagers, bien entendu, où là on n'est pas sur un rapport marchand. L'égalité de traitement c'est très simple à définir puisque je peux inverser la phrase, je traite les gens en égalité, tout le monde est traité pareil. Imaginons qu'il y a une course de 100 mètres, il y a un top départ, il y a cinq concurrents, à la fin du 100 mètres, on peut vérifier qui est le premier, qui est le dernier, tout le monde a été traité d'une façon parfaitement égalitaire. Évidemment, on se rend compte que si je suis en situation de handicap des membres inférieurs, par exemple, vous aurez beau me faire participer à plein de courses de 100 mètres, il y a très peu de chance que je gagne. Donc il a fallu développer une réflexion autour de ça, qui va donner lieu à la question d'égalité des chances, c'est-à-dire qu'on va donner les mêmes chances aux gens en tenant compte de leur handicap. C'est la grosse différence avec l'égalité de traitement. Dans l'égalité de traitement, on est aveugle aux différences, on traite tout le monde de la même manière. Dans l'égalité des chances, on va tenir compte des handicaps des personnes. C’est une différence extrêmement importante n 7 n n LES DIFFÉRENTES FORMES DE DISCRIMINATION LE PROBLÈME DU DÉNI AUTOUR DES DISCRIMINATIONS Il existe quatre formes de discrimination : la discrimination peut être directe, indirecte, légale ou justifiée. Les discriminations directe et indirecte sont les deux qui font l'objet soit d'amendes, soit de délit et peuvent être estées au pénal. Là, c'est interdit, condamné en termes d'amende voire de peine de prison par la loi. Un des gros soucis avec l'émergence de la problématique des discriminations, personnellement j’y travaille depuis 1998 et si vous voulez jusqu'en 2003-2004, c'était le déni des discriminations en France, au nom de l'égalité non pas réelle mais formelle. Nul ne peut être traité différemment en fonction de son origine, sa race ou sa religion, principe fondamental de la Constitution, on niait réellement l'existence des discriminations. « Après tout, si je n'embauche pas de personnes de plus de 50 ans c'est parce qu'ils ne sont plus adaptés au monde du travail d'aujourd'hui. Les femmes sont tout le temps enceintes, les gamins malades, on ne peut pas compter dessus. Les Maghrébins ils sont violents et puis il y a le problème de compétences ». Donc on entendait un tas d'argumentations de la part des entreprises ou des services publics qui justifiaient les discriminations, un peu comme si les discriminations étaient une projection politique et pas du tout quelque chose de réel, d'ancré, et de prouvé statistiquement ou démographiquement ou sociologiquement. Les discriminations légales et justifiées sont considérées comme légitimes et tolérées en droit français. Également depuis 2008, la discrimination peut prendre la forme d'un harcèlement dans une logique très symétrique à celle du harcèlement moral. Ce sont exactement les mêmes logiques d'instruction. Une discrimination positive : c’est quand on va donner plus à une personne ou à un groupe de personnes pendant un temps donné pour rattraper un écart constaté. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, il y en a beaucoup en France. Les 6% d'obligation d'emplois pour les personnes en situation de handicap de l’AGEFIPH, c'est une discrimination positive, la parité en politique, égalité homme/femme 50/50, c'est une discrimination positive. Toute la Politique de la Ville, c'est uniquement de la discrimination positive. Dès que vous voyez des contrats aidés pour les jeunes dans l'accès au travail ou pour les seniors pour éviter un départ précoce en retraite, c'est de la discrimination positive. Ce sont toutes des discriminations légales. Vous ne pouvez pas, vous, dire : « je vais privilégier tel ou tel type de personne, telle ou telle catégorie de personne ». £Il faut que ça entre dans des catégories légales et définies. n PRÉSENTATION D’UNE ÉTUDE PAR TESTING POUR DÉTECTER LES DISCRIMINATIONS A L’EMBAUCHE Il y a une étude qui a été réalisée, ce n'est pas la seule, il y en a eu plein mais celle-ci est une des premières et une des premières en masse. Il y a eu 1 806 CV qui ont été envoyés, c'est la méthode par testing. Les discriminations positives, c'est un concept qui vient des pays anglo-saxons. En France, il n’y en avait aucune fondée sur la couleur de peau contrairement aux États-Unis : vous avez toujours cet exemple que tout le monde connaît dans les séries américaines, vous avez trois Blancs, un Noir, un Asiatique, une Hispanique, une femme etc…. c'est l'histoire de quotas, qui renvoie évidemment au débat qui se déroulera autour des statistiques ethniques évidemment. En France, on n'est pas du tout dans cette logique-là, pour des raisons historiques, pour des raisons pratiques également. Sachez juste qu'il existe beaucoup de discriminations positives en France et à chaque fois, elles sont bâties sauf pour le handicap et pour les femmes, sur les handicaps sociaux et économiques. C'est la principale grille de lecture des politiques publiques françaises. On fait un CV de référence : Jean Touchard, 31 ans, BTS, force de vente, 8 ans d'expérience professionnelle, marié, habitant rue Saint Hélier à Rennes, deux enfants… Le truc le plus banal et classique. On est sur un secteur du commerce parce qu'on sait qu'il y a de l'offre et de la demande perpétuelle donc de l'entrée et sortie. On envoie le CV de notre ami Jean Touchard et on regarde combien il a de réponses positives, étant donné qu'une réponse positive, c'est une convocation à un entretien d'embauche. Notre candidat de référence a 75 réponses positives. À chaque fois, c'est la méthode du testing, on va changer une variable et une seule dans le CV pour voir les résultats. Je prends un exemple très simple. Dans le recensement en France, vous êtes Français, ressortissant de l'Union Européenne. Hors Union Européenne, aux États-Unis vous avez des dizaines de catégories, vous êtes Africano-Arabinéo-Caribéen, vous êtes Hispano-Africain, etc.… Dans cette logique-là, vous avez des catégories statistiques qui sont différentes et qui vont permettre de mettre en place des politiques de discrimination positive envers les catégories ethnicisées que je viens de citer. Ce qui n'est pas du tout le cas en droit français, c'est même interdit de construire ce type de statistiques. Ce n'est plus Jean Touchard, c'est Caroline Touchard. Caroline Touchard, c'est la même, il y a juste le prénom qui a changé, mêmes compétences, même adresse, tout pareil, c'est juste Caroline au lieu de Jean. Caroline, elle a 69 réponses positives. On est sur un secteur qui est très peu discriminant à l'égard des femmes. On serait dans l'industrie lourde ou le BTP, ce serait plus délicat pour les femmes. À l’inverse on serait dans les métiers de la petite enfance, ça serait plus délicat pour les hommes. 8 Deuxième exemple, on change l'adresse, au lieu d'habiter rue Saint Hélier, il habite Villejean ou la Zup sud, les quartiers qui peuvent être stigmatisés sur Rennes, il n'a plus que 45 réponses positives. On est bien d'accord, tout est pareil, juste l'adresse a changé. Il a les mêmes compétences, les mêmes qualités, c'est le même. Vous commencez à comprendre la logique. dans le quartier… En gros, vous pouvez économiser vos timbres, ça va être très délicat. Le plafond de verre Petit zoom sur les femmes. Les chiffres que je précise là, ce ne sont pas du tout les chiffres d’une association engagée type « Chiennes de garde » ou autre, ce n’est pas une association militante du tout. Ce sont les chiffres de l’État, c’est le Service des droits des femmes et de l’égalité. Ensuite, on a rajouté une photo avec un visage disgracieux. « Déontologiquement, on ne peut pas prendre quelqu'un de laid, vous comprenez bien, ce n'est pas entendable ». Donc on a trafiqué le visage sur Photoshop et on a envoyé le CV, la personne n'a plus que 33 réponses positives. Les femmes n’occupent que 10 % des postes de direction dans l’enseignement supérieur et la recherche, 18 % dans la fonction publique territoriale, 18 % dans la fonction publique hospitalière. Pour incise, les femmes sont plus diplômées que les hommes depuis les années 80 et la fonction publique hospitalière, c’est féminin à plus de 80 %. C’est ce qu’on appelle le plafond de verre, c'est-à-dire qu’à un moment, les femmes progressent dans la hiérarchie et puis elles se heurtent à quelque chose d’invisible et de résistant qui les empêche d’avoir accès aux postes de direction. Sachant qu’en plus, quand on regarde dans le détail quels postes de direction elles occupent, elles sont sur des postes qu’on appelle « genrés » ou « sexués », c'est-à-dire la petite enfance, le lien social, la Com, les RH éventuellement, mais certainement pas la finance ou l’aménagement du territoire. Les femmes ne sachant pas lire les cartes, on ne va pas leur confier l’aménagement du territoire donc là, on est évidemment en plein stéréotype. Ensuite, la personne Jean Touchard, il n’a plus 33 ans, il a 50 ans, on a rempli le CV en conséquence de façon à ce qu'il n'y ait pas de trou. Comme on est sur le marché privé, on n'a pas augmenté les prétentions salariales pour ne pas biaiser les résultats. Là, il n'a plus que 20 réponses positives. Étape d'après, on teste l'origine, ce n’est plus Jean Touchard c'est Sayed Abdelatif, il n'a plus que 14 réponses positives. C'est le même, il a les mêmes compétences, juste son nom et son prénom changent. C'est-à-dire que concrètement, moi je m'appelle Philippe Cormont, si je m’appelais Sayed Bechouri, j’aurais quatre fois moins de chances d’être là et cela aurait commencé, évidemment, dès la fin de mes études donc je n’aurais évidemment pas le même parcours. Enfin dernier exemple, une personne en situation de handicap qui se sert d’un appareil auditif. Ce n’est pas un tétraplégique pour être couvreur, là on voit bien que cela va être compliqué, un appareil auditif qui ne nuisait absolument pas à l’emploi, au poste ou à la mission. La personne n’a plus que 5 réponses positives. Peut-être plus gravement en termes d’écart de salaire, dans le secteur privé bien entendu, une gérante gagne en moyenne un tiers de moins qu’un gérant, à taille égale d’entreprise bien sûr. Et une cadre dans le privé, gagne en moyenne 23 % de moins qu’un cadre tous secteurs confondus malgré la loi sur l’égalité. Alors cela a été testé, retesté, refait, vous avez des variations suivant les secteurs. Par exemple, le BTP est très peu discriminant quant à l’origine. Il y a peu de discrimination liée au nom, par exemple ou à la couleur de peau. Vous allez en avoir une beaucoup plus forte liée au sexe ou à l’âge. Ce dont il faut bien prendre conscience, c’est que les écarts là ne s’expliquent absolument pas pour des niveaux de compétence, ce sont des problématiques subjectives de stéréotypes, de préjugés qui vont fonder les discriminations. Donc, les écarts sont quand même extrêmement importants. L’étude rend compte aussi d’autres choses. Selon les statistiques sur la parité en politique (18,5% de députées, 12,3% de conseillères générales, 13,9% de maires), on voit bien que malgré la loi de discrimination positive, l’accès des femmes aux postes politiques, on est très loin des 50/50. On est dans le dernier wagon européen sur la représentation des femmes à l’assemblée nationale. On est derrière la Lituanie. Je n’ai rien pour mais je n’ai rien contre la Lituanie, et vous voyez, moins de 14 % des maires 18,5 des députés, on est très loin de la volonté de 50 %. La discrimination positive envers les femmes, elle fonctionne sur les listes pluri-nominales dans les élections en plusieurs tours, dès qu’on est sur les listes uninominales, ça coince. n LES FEMMES FACE À LA DISCRIMINATION Deux petites incises sur les femmes. Il y a une étude qui est sortie très récemment sur le management et on demande aux gens : un manager qui se met en colère, cela renvoie quoi comme image ? Quand c’est un homme manager qui se met en colère, c’est considéré comme faisant preuve d’autorité, quand c’est une femme qui se met en colère, elle perd ses nerfs, voilà ! Et on est bien en plein dans les représentations évidemment. La double peine Pour les femmes, vous avez bien compris que c’est la double peine puisque les femmes sont dans toutes les catégories, vous êtes femme noire, femme pas très jolie, femme du Val Fourré, femme handicapée, etc. c’est la double peine pour les femmes et puis surtout, c’est cumulatif. Vous êtes une vieille femme pas très jolie d’origine maghrébine habitant Dernière chose, une sociologue américaine qui a travaillé sur la 9 notion de plafond de verre, a fait une étude sur les trombinoscopes des entreprises du CAC 40 pour faire simple, entreprises américaines. Le trombinoscope, c’est intéressant puisque vous mettez les photos de tout le monde et puis vous voyez tout de suite qui c’est. Donc, elle a cette phrase un peu provocante mais assez juste : « Les grandes entreprises américaines, c’est comme les montagnes rocheuses. En bas, vous avez des petits torrents, des gros ruisseaux, des feuillus, des conifères, des petits graviers, des névés, des gros cailloux, il y a de tout, c’est divers et puis, plus on monte, plus ça devient gros, blanc et chauve… ». C’est tout à fait juste quand vous regardez les images. types qu’on connaît tous : « les gros, ils sont sympas et conviviaux », « les Noirs, ils aiment la musique, ils sont bons en sport », « les femmes, elles sont naturellement douces », « les coiffeurs hommes, ils sont homosexuels », etc. On en a plein la tête. Le problème c’est qu’est-ce que je fais de ce que j’ai dans ma tête, là ? Une lecture simpliste du monde L’avantage du stéréotype, il ne faut pas le nier, l’énorme avantage du stéréotype c’est que cela me donne une lecture simple du monde. Le monde est bien ordonné dans ma tête, je n’ai pas à réfléchir, c’est comme ça, les choses sont ce qu’elles sont, « on ne peut rien y faire, ma pauvre dame, c’est dans la nature humaine ». Alors évidemment, cela pose quelques questions sur l’efficacité des choses, les process et des façons de raisonner. n DISCRIMINATIONS ET STÉRÉOTYPES La prédominance des stéréotypes Les stéréotypes sont intériorisés dès le plus jeune âge. J’ai un enfant en bas âge et quand je lui lis une histoire, il faut sauver la princesse. Elle est comment la princesse ? Elle est jeune, elle est blonde, elle est belle et elle est blanche. Qui l’empêche d’aller chercher la princesse ? le dragon noir, le chevalier noir, la forêt noire. Vous regardez Petit Ours Brun qui est diffusé partout dans toutes les crèches. Petit Ours Brun, sa maman elle fait quoi ? Maman, elle fait les gâteaux, elle fait la vaisselle. Papa, il conduit la voiture, et il joue au foot. Les gamins ils ont deux à quatre ans. Les questions de discrimination sont liées aux stéréotypes. Quand je dis « secrétaire », vous n’allez pas imaginer un homme de 50 ans avec une moustache. Quand je dis « sage-femme », pareil. Quand je dis « maçon » vous n’allez pas imaginer une jeune femme de 20 ans. Je vais vous poser une question mais je pense que vous n’allez pas me répondre. Si je vous dis c’est un peuple inassimilable de fanatiques religieux qui a un rapport violent avec ses femmes, un peuple de voleurs. Immédiatement, il y a quelque chose qui est venu là, dans notre front à tous, de l’ordre du préréflexif, il y a une image qui est venue juste derrière notre front. Personne n’a réfléchi, vous n’allez pas comparer tout votre savoir avec ce que je viens de dire, vous n’avez même pas réfléchi à ce que dit le monsieur. Est-ce que cela a du sens ou pas ? Cela s’est imposé à vous. Donc je ne vais pas vous demander à qui vous avez pensé, je vais juste vous dire que ce que je viens de citer au mot près vient d’un tract de salariés des années 30 et qui parle des Italiens et je pense que personne n’avait pensé aux Italiens. Si je dis cela aujourd’hui des Italiens, on va me dire : « Monsieur Cormont, il faut peut-être aller vous reposer, faire un break en thalasso, il y a un truc qui ne va pas bien là ». Exemples d’expériences Expérience de psychologie aux résultats assez angoissants sur la couleur de peau, aux États-Unis : des petites filles blanches, des petites filles noires en classe de maternelle, 3 à 4 ans, fin de crèche début de maternelle, on les fait jouer avec des poupées. Il y a des poupées noires, des poupées blanches. Première consigne : jouez avec des poupées. Les petites filles blanches cherchaient des poupées blanches, les petites filles noires cherchaient des poupées noires. Si je dis cela à d’autres catégories de populations, on va me dire vous exagérez un peu mais c’est vrai quand même qu’il y a des problèmes. Ce que je veux vous montrer par là, c’est que le mécanisme d’exclusion, au fil du temps, est extrêmement robuste. Par contre, le groupe cible, lui, bouge dans le temps mais le mécanisme d’exclusion est le même. Deuxième consigne : prenez les plus jolies des poupées, tous les enfants ont cherché des poupées blanches. À trois ans, elles ont intégré le stéréotype dominant de la beauté aux États-Unis : blanc. Trois ans, et évidemment, nous en tant qu’adultes, on participe à cette construction-là. Autre expérience : on fait visiter une pouponnière de bébés de deux mois à un groupe de parents. À deux mois, les bébés sont totalement indifférenciés sexuellement. Premier groupe, ils sont maillotés en rose : « elles sont douces et attentives », selon les parents. Deuxième volet, on les habille en bleu-marine : « ils sont vifs et intelligents ». Nos propres projections vont construire la réalité. Alors évidemment, là je suis sur des expériences qui sont décalées du monde du travail, vous imaginez bien l’impact que cela a quand c’est une femme qui vient se proposer à un poste de soudeur ou un homme à un poste de secrétaire. Stéréotypes et risques de discrimination La question des stéréotypes est fondamentale sur les questions de discrimination. Prendre conscience des stéréotypes qu’on peut avoir, de leur poids, va conditionner vos engagements à lutter ou pas contre les discriminations, à faire un travail un peu fin en termes de processus et d’outils. Pourquoi j’insiste sur les processus et les outils ? Parce que des stéréotypes on en a plein la tête. Je vous listais plein de stéréo- 10 ment de la charge de la preuve. Si j’estime être discriminé par une structure, ce n’est pas à moi de prouver que j’ai été discriminé, c’est à la structure de prouver qu’elle ne m’a pas discriminé. Autre expérience : on a filmé des dizaines de recrutements, avec des personnes éloignées de l’image qu’on se fait du poste – donc un homme pour un poste de secrétaire, etc. Secrétaire au sens commun du terme évidemment, si vous êtes SGAR ou secrétaire national, là c’est pour les hommes, il faut avoir fait l’ENA, ce sont les hommes, ce n’est pas pour vous mesdames ! Vous, c’est taper à la machine, dactylo tout ça, secrétaire quoi ! Plus l’image ne correspond pas au poste, plus l’entretien est court, moins les questions sont précises de la part du recruteur. Plus les réponses de description du poste sont imprécises, plus la posture non verbale est fermée. Les premiers surpris sont les recruteurs quand on diffuse le film parce qu’ils n’en ont pas conscience. Un exemple très concret : j’envoie un CV à Rennes Métropole et je pense que j’ai été discriminé. Alors un grand classique : je m’appelle Abdelatif, j’envoie un CV, je n’ai jamais eu de réponse puis, là, je mets Philippe Cormont et je suis convoqué. Je photocopie les deux lettres, je saisis la HALDE. Dans ce cas-là, ce ne sera pas à moi de prouver que j’ai été discriminé, ce sera à Rennes Métropole de prouver qu’elle ne m’a pas discriminé. Prouver que vous n’avez pas discriminé, ce n’est pas votre bonne parole, c’est par rapport aux procédures de recrutement, au traitement des critères, aux modes de sélection. n Les dix-huit critères METTRE EN PLACE DES OUTILS DE GESTION DES RH POUR LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS Donc, dix-huit critères interdits par la loi, ne vous affolez pas, personne ne les connaît à part les spécialistes. Je vous ai mis en orange les critères les plus discriminants en France. Je vais vous les commenter. Du coup, autour des stéréotypes, je ne peux pas me faire confiance. L’origine : d’où vous venez, de Bruz, Vezin-le-Coquet, de Montauban, de Corse, du Mali, d’Autriche. Sachant qu’au sens de la HALDE, l’origine prend le sens de couleur de peau, pas d’origine géographique, d’origine en termes de couleur de peau. Moi, je recrute pour ma structure, quand je vois sur un CV, en haut à gauche, marqué 53 ans, ma première réflexion c’est de dire non ! Puis bon, comme je vieillis, je me dis qu’un jour ou l’autre, ça va m’arriver donc, je commence à être plus attentif. Donc je me suis fait un bandeau qui « anonymise » le haut du CV. Ce n’est pas du tout pareil de lire l’expérience professionnelle de la personne et de dire : « Ah ben oui ! Pour avoir fait tout ça, forcément, il a de l’expérience », que de commencer d’emblée par l’âge, c’est du ressort psychologique mais très important. Le sexe : homme, femme et personne en opération. Ce n’est pas si rare que ça, c’est pour ça que je vous dis cela. Les mœurs : vous faites ce que vous voulez de votre vie tant que le matin vous êtes en situation d’assurer votre travail. Vous pouvez être mort saoul tous les soirs, vous avez le droit tant que cela ne nuit pas à votre travail. Il y a eu des cas de licenciements pour des raisons de mœurs dont un qui m’a toujours épaté, c’est un homme qui a été licencié pour avoir été vu en club échangiste et cela fait cinq ans que je me demande comment ils ont fait pour le voir en club échangiste. Donc il y a eu des cas comme ça, un homme a été licencié pour avoir été vu sortant d’un bar fréquenté notoirement par la communauté homosexuelle. Alors évidemment, ils ont gagné leur procès en appel. Il y a quelques postes dans la fonction publique qui sont restreints en termes de mœurs mais c’est tout. Si on veut stériliser les stéréotypes, comme je ne peux pas me faire confiance, je suis obligé de les mettre à distance. Pour les mettre à distance, je n’ai pas d’autre choix que d’avoir des outils de gestion des ressources humaines, des grilles d’évaluation qui soient transparentes avec des critères. Vous imaginez toutes les tensions qu’il y a dans l’attribution des primes de la fonction publique. C’est un problème de critères, les critères ne sont pas transparents, ne sont pas forcément objectifs donc, pas objectivables. À fois que vous êtes dans des situations où ce n’est pas objectivable, c’est la porte ouverte aux discriminations. L’orientation sexuelle : C’est clair, cela concerne les homosexuels, il n’y a pas quelqu’un qui a été licencié pour être hétérosexuel. Ça peut être aussi des refus : vous appelez pour prendre une chambre d’hôtel, vous arrivez, vous êtes avec une personne du même sexe et le gérant va vous refuser l’accès à la chambre, je cite : « je ne veux pas de ces gens-là chez moi ». Ce sont des cas réels évidemment que je vous cite. LA LOI DE 2001 L’aménagement de la charge de la preuve Vous commencez à comprendre que c’est un traitement différencié fondé sur un critère « interdit » qui s’applique en matière d’emploi, accès aux biens et services, fournitures, protection sociale, santé, avantages sociaux, éducation et logement. Cela couvre donc tous les champs, en gros, de notre vie, sauf notre vie individuelle et personnelle. Alors, il y a une chose très importante dans la loi de 2001, c’est ce qu’on appelle l’aménage- J’insiste sur hétéro/homo parce que c’est une discrimination extrêmement peu travaillée par les entreprises comme l’origine, alors que si vous regardez les rapports des associations homosexuelles c’est très violent. Notamment pour les femmes homosexuelles, ça semble être plus vio- 11 lent que pour les hommes homosexuels. C’est encore la double peine. lez en France. Par contre, comme il était adhérent de l’association, il ne respectait plus les valeurs de l’association CGT, c’est ce motif-là qui a conduit à son exclusion. S’il avait été salarié, cela aurait été un autre droit. Des fois ces questions-là peuvent être subtiles, donc je précise. L’âge, ça c’est facile à comprendre. La situation familiale : Ça peut avoir des incidences dans le champ de l’emploi, beaucoup plus de droit des assurances, réversion de pension, etc. Situation familiale, que vous soyez veuf, pacsé, marié une fois, marié deux fois, pas divorcé, etc. Cela ne doit pas jouer dans votre trajectoire professionnelle. Les convictions religieuses, c’est comme les opinions politiques. Sachez juste qu’entre le droit privé et le droit de la fonction publique il y a une vraie différence. Tous les signes distinctifs d’appartenance religieuse sont strictement interdits dans la fonction publique, ce qui n’est pas le cas dans le privé. Les caractéristiques génétiques : C’est un rajout parce qu’évidemment mon sexe, c’est dedans, mon phénotype, ma couleur de peau, c’est dedans. Ça a été rajouté, en fait, pour protéger les parents dont les enfants ont une maladie dégénérative génétique de façon à éviter les surprimes des assureurs. Comme il y avait un mouvement des assurances pour qu’il y ait plus de primes, là c’est le principe de fraternité républicain, collectivisation, la fraternité c’est l’impôt. Ce n’est pas transcrit autrement en droit et du coup, la collectivisation des risques donc refus de prendre en compte les caractéristiques génétiques. L’apparence physique : Dans les médias vous avez des exemples de gens qui sont en surpoids et qui n’ont pas le droit de monter dans l’avion. C’était il y a deux ans puis ça s’est refait l’année dernière. Vous êtes grand, petit, beau, moche, etc. ça ne doit pas jouer. Le patronyme : votre nom. Que vous vous appeliez Traoré, Abdel Kader, Cormont, Touchard, Gwenalec, ça ne doit pas jouer. Appartenance ou non appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race Handicap ou état de santé : C’est ça qui est extrêmement important sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. Il n’y a que ça qui vaille, vous n’avez jamais à prendre une décision en disant : « Non vous êtes trop fragile, vous n’arriverez pas à porter ce poids là » ou « c’est un métier dur vous savez ». Ca c’est un grand classique sur la discrimination des femmes, « c’est un métier dur vous savez, je ne préfère pas vous donner le poste parce que ça va être trop dur pour vous, vous n’allez pas être bien ». Moi, je ne sais pas ce que c’est un métier dur. Nous, on accompagne une association qui fait de l’accompagnement à la fin de vie. Personnellement, je trouve ça extrêmement dur et physiquement, il n’y a rien, vous êtes assis, vous tenez la main. Mais je préfère pousser les wagonnets au fond de la mine que faire ça, parce que ce n’est pas le même stress. Donc, je ne sais pas ce que c’est un métier dur, ce que je sais c’est que vous êtes déclaré apte ou pas. Alors, vous comprenez bien notamment dans la fonction publique que ça, ça fonctionne s’il y a des fiches de postes qui sont à jour, s’il y a des descriptifs de postes qui tiennent la route. Quand je vous parle d’outillage, la question elle est là, si vous avez des fiches de postes imprécises, sur quoi va statuer le médecin du travail ? Ethnie, on peut le définir comme homogénéité de culture, de coutume, de lieu, de territoire et de langue. En France, on n’a quasiment pas d’ethnie, il faudrait vraiment tirer le concept très fortement et on pourrait tomber sur Corse, Breton, Basque éventuellement, mais ça n’a pas de sens vraiment en France. Race au sens couleur de peau, j’insiste vraiment là-dessus. Peutêtre pour préciser davantage, on appartient à la même espèce. Ce qui définit une espèce, c’est le fait qu’on peut se reproduire ensemble. Or, l’histoire nous a montré qu’un Groenlandais avec une Chilienne, ils peuvent se reproduire, il n’y a pas de souci donc on appartient bien à la même espèce. Quand il y aura des Martiens ou des Plutoniens, on pourra commencer, peut-être, à parler d’autres choses mais jusqu’à preuve du contraire, la notion de race biologiquement n’a aucun sens. Les opinions politiques : pas les pratiques mais les opinions politiques. Dans votre tête, vous pensez et vous avez le droit de penser ce que vous voulez, vous pouvez être anarchosyndicaliste tendance bakounine. Vous n’avez pas le droit d’appeler à la grève et à la révolution toutes les cinq minutes dans votre service, c’est deux choses différentes. Donc en termes d’opinion, ce que vous voulez, pas en termes de pratique. État de grossesse, situation de maternité : cela a été rajouté en 2008. Ça désigne le retour, quand les femmes après avoir pris un congé de maternité, reviennent dans l’entreprise. Elles sont couvertes par la loi. Les activités syndicales ou mutualistes. C’est facile à comprendre, c’est tout le droit des associations. Vous n’allez pas être embêté parce que vous militez à SOS Racisme, au Club des boules de l’amicale du Conseil général ou ce que vous voulez. Petite incise, vous vous souvenez certainement, il y a deux ans, d’un militant de la CGT, candidat Front National qui a été exclu de la section. Alors, on pourrait se dire là, il y a un viol des opinions politiques, il a le droit de faire ça. Là, c’est intéressant parce que si cet homme avait été salarié de la CGT, on n’aurait pas pu le virer ! Vous êtes absolument libre de penser ce que vous vou- Vous remarquerez que ces critères fondamentalement couvrent deux champs : celui du respect et de la dignité des individus. Dans vos têtes, dans nos têtes, on a le droit de penser ce qu’on veut en France. Et deuxième chose, ça couvre les choses sur lesquelles je n’ai pas de choix. Je suis né homme ou femme, noir ou blanc, à Mulhouse ou à Rennes, je n’y peux strictement rien, je n’ai pas à en être fier ou pas fier, c’est une donnée de ma vie dès le démarrage. Ces dix-huit critères-là couvrent tous ces champs : les 12 choses sur lesquelles vous n’avez pas de prise et la liberté absolue de penser, pas d’agir mais de penser. d’amende pour l’Oréal plus dommages et intérêts etc. Première défense de l’Oréal : « Nous on ne peut pas… Attendez, on est engagé dans les politiques de diversité, on est sur une politique de communication qui dit qu’il faut qu’on soit à l’image de nos clients ». Vous regardez les affiches de l’Oréal c’est du marketing ethnique. Il y a une noire pas trop noire quand même, aux cheveux défrisés, une asiatique et puis une rousse ou une blonde, et puis, suivant les types de cheveux vous achetez des produits l’Oréal. Donc ils étaient très embêtés. Leur première défense a été de dire : « ce n’est pas nous, c’est l’intermédiaire à l’emploi ». Sachez juste que dans tous les cas, c’est l’intermédiaire à l’emploi qui est davantage puni que le donneur d’ordre. Les sanctions Aucune mesure, règle, pratique, ne peut être prise en défaveur d’une personne ou en faveur en fonction d’un de ces critères, pour l’accès aux stages, les primes, les emplois, le recrutement. Vous êtes couverts à partir du moment où vous envoyez un CV ou vous écrivez pour postuler à un concours jusqu’à votre décès ou la retraite, vous êtes couverts sur le champ du travail par cette loi-là, il en est de même dans l’accès au logement. Qu’est-ce que vous risquez ? Dans le privé, moi je risque - vous aussi et tous les ressortissants du droit privé - trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende par personne discriminée. Il n’y a jamais eu de peine de prison ferme, en France, pour discrimination mais des centaines de milliers d’euros - je vais vous présenter quelques exemples tout à l’heure - il y en a eu un paquet. Ce sont les services RH qui seront davantage punis si je suis dans un groupe. Je suis responsable d’atelier, je recrute dix personnes en disant « je ne veux pas de Noirs » ou « je ne veux pas de femmes » ou « je ne veux pas de plus de 50 ans ». C’est le service RH, s’il accède à ma demande, qui sera davantage puni que moi, pourquoi ? Parce que c’est eux qui sont censés connaître le droit et la législation, tout simplement, ils sont garants de ça donc, c’est logique. Procès : l’Oréal est donc condamné. Pour la fonction publique, ce qui est logique, c’est cinq ans et 75 000 €. C’est davantage puni quand l’État met en place des directives d’émancipation, ce n’est pas pour que la fonction publique déroge. Pour les personnes morales 225 000 €. Deuxième exemple : Moulin Rouge et Adecco, très connu. Le restaurant du Moulin Rouge à Paris ne souhaitait pas de serveurs de couleur en salle, c’est un grand classique des discriminations. On veut bien prendre des personnes de couleur mais pas en front-office, pas quand il y a contact avec les clients. Juste une incise, si moi je discrimine, c’est moi qui vais être puni. Si moi, plus mon supérieur hiérarchique, plus notre supérieur hiérarchique, tout le monde est au courant et qu’on continue à discriminer, là ça va être la personne morale qui va être condamnée ainsi que les parties classiques. Et puis, vous avez la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et promotion de l’Égalité qui, elle, intervient pour gérer, délivrer les amendes autour du champ des discriminations. Procès IKEA : Il y a sept ans c’est exactement le même, vous n’avez en vendeurs que des personnes de couleur blanche et en back-office que des personnes de couleur, tout ce qui est logistique etc., ce sont des personnes de couleur, un grand classique. Bosch : Mesdames : les machines à laver, Messieurs : les perceuses à percussion. L’entreprise Bosch est condamnée pour double discrimination : syndicale et liée à l’origine. C’est assez simple, les gens rentrent - c’est un exemple vraiment patent de la question des discriminations - ils sont embauchés, tous ouvriers non qualifiés. Trente ans après, là vous avez les ouvriers non délégués syndicaux d’origine maghrébine, là, les délégués syndicaux d’origine magrébine dans la hiérarchie de l’entreprise. C’est la CGT qui porte plainte, première justification de l’entreprise : c’est normal, il y a des problèmes de performance, ils sont moins productifs, etc. tout cela est très logique. Mais le souci c’est que l’enquête a montré qu’on n’a jamais proposé de formations qualifiantes aux délégués syndicaux d’origine maghrébine, donc sur trente ans de carrière, vous imaginez bien le décalage. Là il y a eu 50 000 € d’amende et 20 000 € de rattrapage de carrière par salarié puis, comme Bosch a fait appel, c’est passé à 400 000 €. Il n’y a pas à discuter c’est tout à fait logique. n EXEMPLES DE SANCTIONS POUR DISCRIMINATION Quelques exemples récents de procès pour discrimination qui ballaient tous les champs. Le procès l’Oréal/Garnier/Districom qui avait fait du bruit à l’époque. L’Oréal, (« parce que vous le valez bien »), petite PME qui a du mal avec les services juridiques, ils n’étaient pas très au courant de la loi sur la lutte contre les discriminations, je pense. L’Oréal demande des hôtesses, ils organisent le lancement d’un produit et prennent des hôtesses auprès de Districom. Districom étant à l’époque un intermédiaire à l’emploi. Un intermédiaire à l’emploi ça peut être Adecco, Adia des gens qui font l’appariement offre/demande sur le marché du travail et ils leur demandent 30 hôtesses. Puis, vous voyez il y a un sigle à côté « BBR ». BBR cela veut dire Bleu, Blanc, Rouge, évidemment ce n’est pas Bleu et Rouge l’important, c’est Blanc, donc on (l’Oréal) demande 30 hôtesses blanches. Une hôtesse de couleur noire porte plainte pour discrimination et gagne son procès, 30 000 € Des exemples autour du logement : sur la non-prise en compte du critère du handicap pour l’accès à un logement social. Alors là on est plus sur des conseils généraux, fonction publique territoriale, etc. Un grand classique : refus de location à des 13 Enfin dans les annonces, on ne le voit quasiment plus mais ça a existé très longtemps des critères de type BBR (Bleu – Blanc – Rouge), BYB (Blanc aux Yeux Bleus) donc les bons aryens, Gaulois, pas de 99 (pas d’étrangers) ou que des 01 (que des nationaux). Ça n’existe plus de façon écrite depuis 2006. femmes voilées, des préférences de couleur etc. Il y a quelque temps, j’habite Rennes depuis 3 ans, j’ai voulu louer un logement. On m’a demandé le livret de famille, combien j’avais d’enfants, etc. Tout cela n’a aucun sens du moment que je suis en capacité et que j’ai les revenus, que j’ai des preuves de mes revenus correspondant au loyer demandé, le reste est illégitime voir illégal. Le logement étant certainement un des endroits aujourd’hui où il y a le plus de tensions sur la question des discriminations. n LES PRINCIPAUX MÉCANISMES DE DISCRIMINATION Préemption d’un maire : Un maire d’une petite commune qui préemptait les maisons uniquement quand des familles d’origine maghrébine devaient les acheter. Justification à la barre du Tribunal : « je ne voulais pas de cela chez moi ». Un maire en France, il y a six mois, ce n’est pas vieux. Les arguments Quatre arguments massifs qu’on entend partout : l’argument de la clientèle : « moi je vous prendrais bien mais auprès de mes clients cela ne va pas être possible, ma petite dame ». Dans le cadre de l’accès aux biens et services, refus de l’accès aux avions à des passagers se déplaçant en fauteuil roulant de façon autonome, ils n’avaient pas d’accompagnateurs ni rien, ils étaient autonomes mais en fauteuil. Refus d’accès à des sourds, très récemment, et puis des personnes en surpoids, on en avait entendu parler l’année dernière. L’argument du personnel : « je vous prendrais bien mais les gars dans l’équipe, ils sont un peu durs, de culture un peu macho, une femme ou un Noir, ça ne va pas être simple donc je préfère que vous n’intégriez pas l’entreprise, c’est mieux pour vous ». Ça, c’est rassurant parce que ce n’est pas moi qui discrimine, ce sont les autres. Ensuite, je voulais vous montrer un exemple un peu finaud, c'està-dire des choses auxquelles on ne pense pas et qui peuvent être considérées comme des discriminations. Un masseur kinésithérapeute installé dans une résidence au rezde-chaussée, sa clientèle est constituée de personnes en situation de handicap notamment en fauteuil. Pour la rénovation de la résidence, on va installer un portail et puis on met le bouton à 1,50 mètres, c’est ballot ! Je veux dire que ce n’est pas méchant mais c’est de la discrimination puisque le préjudice est là. Cela empêche les personnes en situation de handicap d’accéder à la résidence. Il suffit de descendre le bouton et il n’y a plus de problème. On est bien sûr des choses concrètes d’outillage, pas sur de l’engagement moral mais sur des choses absolument concrètes. Une phrase terrifiante : une femme de l’éducation nationale, inspectrice d’académie qui publie cette demande : elle cherche un poste à énorme charge de travail donc « très peu compatible avec le métier de mère de famille ». L’argument des seuils d’équilibre : « j’ai déjà tant de femmes dans mon équipe, j’aimerais bien recruter un homme ». Le « mauvais » exemple généralisé : « j’ai déjà travaillé avec des Maghrébins, que des soucis, des retards, des absences donc je n’en veux plus, les femmes pareilles, les enfants malades on ne peut pas compter dessus ». Voilà le mauvais exemple généralisé, ça marche très bien. Les processus Les processus, il y en a quatre : ethnicisation et sexisation des tâches, c'est-à-dire qu’on va attribuer les qualités intrinsèques aux gens en fonction de leurs origines. Par exemple, si vous êtes une jeune fille d’origine asiatique, on vous attribue automatiquement des capacités de concentration, de minutie, d’attention, plus élevées que pour le reste de la population. Mais il n’y a pas de gêne, ce n’est pas vrai. Puis, sexisation, par rapport aux femmes. J’ai un exemple extraordinaire, vous voyez ce qu’est la brigade anti-criminalité, la BAC, quand elle se crée : quatre hommes, au bout de six mois, des problèmes de tension avec les citoyens, la violence etc. La police se dit qu’il faut faire quelque chose et réfléchit. Et évidemment, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Trois hommes et ils ont mis une femme. Pourquoi une femme ? Parce que les femmes, c’est naturellement doux et empathique donc, ce n’est pas dans la violence donc, ça va naturellement baisser le niveau de violence. Ils évaluent à trois mois et ça marche bien. Ils étendent à la France entière. Ils évaluent un an après, catastrophe, les femmes se sont sur-adaptées aux comportements de leurs collègues masculins et elles sont, a minima, aussi violentes que les hommes. Et pour venir de quartier dit prioritaire, je peux vous dire qu’on préfére- Dans l’éducation nationale : gros problème lié à l’orientation sexuée dans les métiers. Les études montrent qu’on propose 30 métiers aux femmes et 300 aux hommes. Dans l’orientation : « Tu ne sais pas quoi faire ? Esthéticienne ou coiffeuse ou la petite enfance ? C’est bien la petite enfance pour les femmes ! » Et puis, des stéréotypes dans les manuels notamment autour de l’Afrique. Fonction publique territoriale, il y en a plein, mais j’en ai pris qu’un et c’est un grand classique, on refuse l’agrément à une assistante maternelle pour raison de surpoids. Évidemment, il n’est pas question d’aptitude ou pas au poste. Elle n’est pas passée devant le médecin, c’est la personne qui donne les agréments qui a dit : « Non, vu votre état, ça ne va pas être possible ». On est en pleine discrimination. 14 rait tous être contrôlés par les hommes, il y a moins de violence. Voilà la sexisation des tâches, c’est un grand classique. et pas 1,74 mètre, personne ne le sait. Enfin, si on le sait, c’est parce qu’il y avait un stock d’uniformes à écouler, c’est pour cela que c’est 1,75 mètre, c’est vrai. Deuxième exemple, vous allez peut-être moins rire parce que ça va vous concerner, les jobs d’été réservés aux enfants des salariés. Pourquoi mon gamin il ne peut pas intégrer les postes dans les collectivités ? Il n’y a pas de gêne dans la fonction publique que je sache. On sait que c’est une discrimination indirecte, un critère apparemment neutre va entraîner un traitement défavorable. Maintenant, là, on est typiquement sur un objet où les employeurs sont d’accord, les syndicats sont d’accord, les employés sont d’accord et l’État est d’accord donc ça règle le problème. Ces deux types-là de discrimination sont interdits. La préférence locale et familiale : je vais recruter dans le village duquel je suis. Je ne vais pas aller chercher des compétences, je vais chercher des gens qui sont en adéquation culturelle avec moi. Je vais recruter Jean, le fils de Gérard puisqu’avec Gérard : « on va à la pêche depuis 30 ans ensemble alors on se comprend bien puis c’est un gars bien donc je vais recruter plutôt Jean ». C’est valable à haut niveau de qualification : énarque recrute énarque, polytechnicien recrute polytechnicien, etc. On n’est plus sur des logiques de compétences, on est sur une logique de réseaux. Intériorisation et non positionnement par les intermédiaires : par exemple « je ne veux pas de femmes ». L’intermédiaire à l’emploi, qu’il soit RH ou Pôle Emploi - pas la mission locale, ils ont été formés ou d’autres - dit « non, très bien j’agrée votre demande » donc il y a coproduction de discrimination. Ces deux-là sont plus qu’autorisées. Intériorisation et non candidature par les personnes cibles : Enfin, moi-même, je ne candidate pas à des postes de vendeur en parfumerie. De ma vie, j’en n’ai jamais vu donc ce n’est pas un métier pour les hommes, c’est un métier pour les femmes donc, j’intériorise les discriminations. La discrimination justifiée liée à une compétence essentielle et déterminante pour exercer l’activité ou le métier. Par exemple, moi, pour jouer Nelson Mandela, je ne suis pas hyper crédible, il n’y a pas plus discriminant en France qu’un directeur de casting. Il a le droit, il a tout à fait le droit. Un exemple : La petite France, quartier de Strasbourg, maison à colombages, kouglof à tous les étages, etc. vraiment la vitrine de l’Alsace. Un restaurant traditionnel alsacien recrute un serveur parlant alsacien. Un serveur ne parlant pas alsacien attaque pour discrimination. Il est débouté parce que le restaurateur a montré que parler alsacien était une compétence essentielle et déterminante. La carte est en alsacien, la moitié de la clientèle est alsacienne et la langue de travail peut être l’alsacien donc, c’est justifié. Vous comprenez bien que le MacDonald’s de Strasbourg, lui, ne pourrait pas passer une telle annonce, cela n’aurait pas de sens. La discrimination légale, c'est-à-dire qu’elle est prévue par un texte de loi. La loi ne dit pas le juste, elle dit le droit. C’est comme ça. Différence entre sélection et discrimination Juste un rappel en cas de recrutement. En termes de sélection, tant que vous êtes sur des critères objectifs, il n’y a aucun souci, vous pouvez avoir une liste énorme d’attentes, tant qu’elle est légitime par rapport au poste. Dès que vous rajoutez des critères subjectifs, là, vous tombez dans la discrimination. En fait, la solution et il faut peut-être penser à ça, plus vous êtes en capacité d’objectiver vos décisions rationnellement, de justifier vos prises de décisions, moins il y a des risques de discrimination, c’est assez simple. Maintenant, c’est difficile à faire, c’est simple à comprendre, pas si simple que cela à faire. Deuxième chose très importante, parler alsacien est une compétence, il aurait mis « être Alsacien » c’est d’emblée discriminant, être Breton n’est pas une compétence, parler breton est une compétence parce qu’on peut tous apprendre à parler alsacien si on veut. Mais être Alsacien, on ne pourra rien y faire, vous l’êtes ou vous ne l’êtes pas. Types de discrimination Discrimination directe : C’est très simple, pas de femmes, pas de noirs, pas de plus de 50 ans, cela a quasiment disparu depuis 2006 dans les annonces. Discrimination indirecte : Là, c’est plus subtil. On met en place un critère apparemment neutre qui va entraîner un traitement défavorable d’une partie de la population. L’exemple le plus évident c’est le critère de taille pour entrer dans la police nationale, 1,75 mètre et puis on se rend compte que - je pèse mes mots - dans l’espèce humaine, la femelle est plus petite que le mâle donc, du coup, forcément, si je mets le même critère pour les deux, j’exclus davantage de « femelles » de l’espèce que de « mâles ». Du coup, c’est assez simple, il faut deux critères 1,75 – 1,70 mètre. Ne me demandez pas pourquoi c’est 1,75 mètre 15 16 La Halde n Depuis mars de l’année dernière, c’est Dominique Baudis, le Défenseur des Droits, qui chapote tout un tas de choses : il est défenseur des enfants, médiateur de la république, la HALDE et la commission nationale de déontologie de la sécurité. C’est elle qui gère les relations entre les citoyens et les forces de sécurité en France. Quand il y a des problèmes, contrôle au faciès par exemple. Les missions de la HALDE n’ont pas changé, lutter contre les discriminations donc par de l’affichage, par du testing, par de la sensibilisation, fournir toute l’information nécessaire. Vous allez sur le site où il y a effectivement toute l’information nécessaire. Ce qui est intéressant c’est que sur le site de la HALDE vous avez aussi des documents en termes de RH, d’outils pour les collectivités publiques, d’outils pour les entreprises, pour les PME, autour de ces questions de discrimination. Des outils tout à fait concrets. La HALDE c’est également promouvoir l’égalité des droits. Elle est exactement dans son rôle quand elle dit, par exemple, à propos des femmes ayant élevé seule trois enfants qui bénéficient d’un aménagement de l’âge à la retraite de deux ans, pourquoi les hommes, les pères ayant élevé seuls trois enfants n’en bénéficieraient pas. On est vraiment dans une démarche de promotion de l’égalité de la part de la HALDE. Je vous renvoie au site de la HALDE si vous voulez plus d'informations. Aujourd’hui, on est à 15 000 réclamations (chiffre multiplié par 10 en 5 ans), ce n'est pas le nombre de discriminations, c'est le nombre de réclamations qui sont faites à la HALDE. Par contre, ce qui est extrêmement intéressant, c'est que les critères sont très stables dans le temps. Tout à l'heure, je vous ai mis en orange les critères interdits par la loi, ce sont aussi les plus massifs : l'origine, l’état de santé et handicap, sexe et grossesse - on pourrait dire que c’est sexe –, âge. Pour ce qui est de l’activité syndicale, on sait que les organisations portent plainte systématiquement à la HALDE. Là, on est plus proche d'une photographie, si vous voulez, parce qu'on sait que les personnes les plus discriminées sont aussi celles qui portent le moins plainte parce qu'elles ont bien sûr intégré les choses. J'attire votre attention sur les convictions religieuses par rapport au bruit médiatique, c'est loin d'être le plus massif. Évidemment, quand on a un thermomètre pour mesurer un phénomène social, ça monte au démarrage c'est évident, tout l'enjeu c'est de voir si dans cinq ans, on va avoir un étiage ou pas. Voilà ce que je voulais vous présenter dans le temps qui m'était imparti. Je vous remercie de votre attention. n 17 CONFÉRENCE Échanges avec le public n Crédit : Didier Gouray/Rennes Métropole Erwann Le Hô - Merci beaucoup Philippe Cormont pour votre intervention. Marie-Anne Chapdelaine l’a dit tout à l'heure, c'est aussi un temps d'échanges, aujourd'hui. Donc, on va vous proposer un moment de débats, il y a sûrement des questions, des interrogations, des demandes. C'est le moment, n'hésitez pas à lever la main et on pourra vous passer la parole. Madame ? Marguerite Cognet, maître de conférences à Paris VII – URMIS - Bonjour. D’abord, je vous remercie de votre intervention qui était à la fois tout à fait précise, concise et drôle. Mais j’aurais peut-être aimé que vous discutiez, que vous reveniez sur la notion de préjudice qui me semble présenter un certain nombre d'ambiguïtés, ne serait-ce d'ailleurs que par rapport à un certain nombre d’exemples que vous avez donnés quand on parle de celle liée à la sexisation. Vous avez rappelé que ça commence très, très jeune, que déjà à 3 ans, les petites filles et les petits garçons sont socialisés à penser en termes de naturalité des genres. Participante - Je voulais simplement attirer l'attention sur une catégorie de la population qu'on ne retrouve jamais évoquée dans ce genre de débat ou pratiquement jamais alors que la HALDE, aussi bien que le Défenseur des droits s’en sont préoccupés, ce sont les gens du voyage pour lesquels effectivement tous les types de discriminations se rencontrent à commencer, par le logement. C'est difficile souvent, du coup, de penser ce qu'est le préjudice quand les gens pensent que ce sont des comportements naturels ou des compétences naturelles, mais j'aurais aussi un autre exemple : la discrimination n'est pas toujours privative. On en parlera cet après-midi dans l'atelier que j'anime sur la santé, elle peut se traduire aussi par des surinvestissements. Et à titre d'exemple seulement, je donnerais le fait qu’on a tendance dans les services de santé psychiatrique à surprotéger les gens catégorisés comme Noirs. On a aussi tendance, par exemple, à donner plus d’électrochocs à cette population. Voilà, donc ça ce n'est pas privatif en quelque sorte, ils ont un plus mais c’est un traitement inégalitaire. Vous parliez du droit de préemption, par exemple, quand un voyageur essaye d'acheter quelque part, le maire, en général, fait état de son droit de préemption y compris quand le droit n'est pas appliqué c’est-à-dire quand la zone de la localité n'est pas concernée. Là, on est vraiment dans une catégorie sociale, ce sont des Français tout à fait banals, par ailleurs mais qui est discriminée, je dirais, quasiment dans l'invisibilité totale. Philippe Cormont - Vous avez raison, c'est juste. 18 Philippe Cormont - Vous avez raison, c'est dans les deux sens. Je pense l’avoir évoqué justement pour les jeunes femmes d'origine asiatique qui bénéficient justement d’un a priori qui peut être positif, on va leur donner du plus alors qu'il n'y a pas de raison. grande exclusion qui ont assimilé leur état discriminatoire et que l'on ne rencontre pas. Dernière remarque, il n'y a pas un bon secteur public et des mauvaises entreprises privées. On s’aperçoit tous les jours que, malheureusement, les discriminations - et ça, c'est comme la bêtise - elles sont largement partagées dans le secteur public et dans le secteur privé. Quelquefois, le secteur public a même des outils pour les masquer, notamment je pense au niveau du handicap, avec tous ces gens qu'on « reclasse ». « On les a reclassés, on a atteint notre quota ! » Maintenant, je ne suis pas assez calé sur les discriminations dans la santé pour entrer dans le débat. Le préjudice se définit par rapport à des normes qui sont ce qu’elles sont, c’est-à-dire qui évoluent dans le temps. Mais le souci, c'est l’adéquation temporelle entre changement de normes et lutte contre les discriminations ou prise en compte de ce que vous évoquiez au démarrage sur la détermination du sexe et les gender studies, voilà, des choses qui apparaissent depuis quelques années, qui sont très impactantes, très difficiles à la fois à comprendre, à faire admettre. On est dans des champs qui sont à la fois subtils et complexes. Philippe Cormont - Ce qu'on peut dire sur la différence, on sait que c'est vous qui nous apportez l'information de toute façon, c’est la HALDE, mais le secteur public est moins discriminant lors du recrutement par l'effet massif concours et encore, on pourrait discuter des jurys, de l'oral, etc. mais statistiquement, c'est vrai par rapport au secteur privé. Par contre, en termes de gestion de carrière, il est a minima aussi discriminant que le secteur privé, voire plus, dans certaines catégories que vous citiez comme le handicap, par exemple. Il n'y a pas le bon secteur public et la méchante entreprise. Marguerite Cognet - Juste pour ajouter, ce problème est très lié aussi à la définition même de la discrimination juridique en France. On a aujourd'hui des définitions de la discrimination qui viennent d'autres pays comme la discrimination systémique qui permet de penser un peu mieux les choses. Erwann Le Hô - Si je peux me permettre une question à Philippe Cormont, vous avez effleuré ça dans votre exposé tout à l'heure. Dans les années 80-90, on parlait d'intégration de lutte contre les discriminations, on avait un vocabulaire très ferme, très républicain. Aujourd'hui, depuis quelques années, depuis le milieu des années 2000, on va parler d'égalité des chances, on va parler de promotion de la diversité, on va créer des chartes de la diversité, on a des termes beaucoup plus rassembleurs, beaucoup plus libéraux. Est-ce que ce glissement sémantique est symbolique de quelque chose, est-ce que quelque part on a un petit peu marqué le pas dans la volonté ? Philippe Cormont - Je n'avais pas le temps pour la discrimination systémique mais oui. Marguerite Cognet - Elle n'est pas reconnue ? Philippe Cormont - Non, elle n'a pas de sens légal, c'est une notion sociologique en France, c’est tout. Olivier Andrieu - Nous sommes ici les trois délégués du défenseur des droits (Olivier Andrieu, François Danchaud, Eddie Alexandre), chargés de lutte contre les discriminations donc on vit cette pratique que vous avez exposée au quotidien. Brève remarque par rapport à votre excellent exposé, d'abord les critères de discrimination, vous avez présenté les critères nationaux, il est clair que ces critères varient selon les régions. Ici, en Bretagne, spécifiquement à Rennes et en Ille-et-Vilaine qui est notre territoire d'action, c'est la santé, le handicap au travail qui arrive en premier avec derrière, l'origine. Donc ça varie selon les niveaux géographiques. Philippe Cormont - Alors là, on entre dans le vif du sujet et du débat politique de fond, c'est évident. Je vais vous donner mon point de vue. Tout ce que je vous ai présenté là, c'est un point de vue extrêmement stabilisé sur les questions de discrimination. Tous les gens qui travaillent sur la question seraient d'accord. Après, la façon de le présenter, on peut le voir mais bon, là, je vous ai donné un point de vue plus personnel, enfin je ne suis pas le seul à le penser. Deuxième réflexion, c'est que les personnes qui viennent nous voir sont des personnes qui sont incluses et on ne traite pas de la discrimination des personnes qui sont exclues et il y a tout un champ de gens qui sont en grand état d'exclusion sociale, qui sont victimes de discriminations - quelquefois d'ailleurs la discrimination a conduit à l'exclusion - mais qui ne viennent pas faire la démarche vers nous. Ils ont intégré leur situation discriminante et si on rajoutait à ces statistiques que vous avez présentées - effectivement on arrive à 12 000 dépôts de gens qui sont venus nous rencontrer parce que ces gens-là qu’on voit au quotidien, - les personnes en état d'exclusion, les chiffres seraient multipliés par 10, peut-être par 20. Il y a tout ce phénomène-là qui nous préoccupe avec des collègues, mais aussi au niveau national dans le champ de nos réflexions, de ces personnes en très Vous avez historiquement le modèle d'intégration républicain qui renvoie au modèle d'égalité formelle. La république est une indivisible égalitaire. À partir du moment où vous êtes Français il n'y a pas de souci : modalités d'intégration, acquisition des connaissances, tout le monde parlera la langue, pas de souci, vous serez intégré, vous aurez des compétences. Premier modèle porté par les politiques, de droite comme de gauche, pendant très longtemps. Deuxième modèle : émergence politique de la lutte contre les discriminations en 1997-1998, dans la douleur. Si je prends l’exemple du recrutement, on travaille plutôt sur les process, sur la tuyauterie, sur l'organisation, sur comment recruter, comment présenter un poste, etc. 19 Aujourd'hui, le souci de la notion de diversité, si vous voulez, c'est la définition même. C’est quoi la diversité, c'est ça le souci alors que la lutte contre la discrimination, j'ai le cadre juridique, j'ai la loi, j'ai les critères, j'ai les arguments, donc je peux travailler. Troisième modèle, fort dominant pendant tout un temps y compris à un moment à la HALDE, 2004, la notion de la diversité. Je vais prendre un exemple qui, peut-être, va vous choquer mais peu importe. Vous voyez, ce n'est pas du tout pareil de dire je prends la logique lutte contre les discriminations et de dire comment je fais pour que les gens accèdent à tel poste en les traitant de façon banale, qu’ils soient rouges, à petits points verts, femmes, homosexuels, gros ou pas. Banalement, comment peuvent-ils accéder au poste ? Il y a deux exemples évidents : la nomination d'un Préfet musulman, alors on sait qu'il est musulman uniquement parce qu'il est musulman, on ne dit jamais qu'un préfet est catholique, athée ou autre. Deuxième exemple, la nomination d'un journaliste Harry Roselmack au 20 heures. Vous pouvez poursuivre les exemples. Dans beaucoup de textes, vous voyez « nous sommes favorables à la diversité culturelle, sociale et ethnique ». Très bien, ditesmoi ce que c'est ? Et là, vous allez avoir des soucis de définition et donc de mise en œuvre de projets et donc de réalisation concrète des choses. Voilà ce que je pourrais dire là-dessus si ça répond à votre question. Un participant - Je voulais revenir sur une question qui est importante, celle de la place de l’humain et de la valeur humaine dans ce mécanisme de lois qu'on a mis en place. Là on est dans une logique de diversité, c’est-à-dire de l'exemple exemplaire. On ne s'intéresse pas du tout à la façon de faire, c'est-à-dire qu'on va nommer Harry Roselmack, on ne va pas se dire : « Tiens ! Comment ça se fait que dans une école de journalisme il y ait aussi peu de personnes de couleur ? ». Il y en a donc, hop, on le met en avant. On ne va pas se dire : « Tiens ! Comment ça se fait qu'à l'ENA ou dans les grands corps d'État, les gens d'origine maghrébine ou de confession musulmane sont une minorité totalement infime ? ». On ne se pose plus la question mais on en a trouvé un, donc on le met en avant. La deuxième chose, vous avez cité tout à l'heure que le mécanisme d'exclusion bouge donc, moi je me rappelle historiquement, hier Abdallah, Mohamed travaillaient, ils étaient dans le bâtiment, aujourd'hui ce n'est pas le cas. Vous avez cité aussi pas mal de cas particuliers, est-ce qu’un cas particulier peut générer une loi et est-ce que trop de lois ne tue pas la loi ou la politique ? Une autre question sur la victimisation : est-ce que le fait d'être victime d'une exclusion, n'amplifie pas un petit peu cette position d'être exclu/victime ? Là, vous avez des luttes de fond entre diversité et lutte contre les discriminations. Philippe Cormont - Je vais essayer de reprendre à rebours parce qu'il y a beaucoup de questions. Je vais essayer de répondre à la dernière sur la victimisation. Ce sont évidemment des risques qui guettent le grand public, c'est très classique. J’envoie un CV, deux CV, trois CV, je ne suis pas pris, je ne suis pas pris, je ne suis pas pris. Je fais la course au logement et on ne veut jamais de moi, on ne veut jamais de moi, on ne veut jamais de moi. Le schéma est extrêmement classique : perte de confiance en soi, repli, tendance à généraliser son cas à l'ensemble des catégories auxquelles j'appartiens, colère, rancœur voire haine, posture de victimisation et quand les gens sont dans une posture de victimisation, les remèdes dans le droit commun, c'est lourd et c'est long. La diversité, vous êtes dans du privatif avec l'exemple exemplaire, qui ne s'embarrasse pas de valeurs égalitaires. On est dans le pratico-pratique à court terme. Dans la lutte contre les discriminations, on est sur les fondements républicains à la recherche de l'égalité réelle etc. C'est plus long, c'est plus compliqué, en termes de communication, c'est moins valorisé, moins valorisant. Mais c'est évident que là, on est sur une ligne de fracture entre les tenants de l'un et de l'autre sachant, quand même, que la charte de la diversité est un bon outil. C’est le pied dans la porte pour engager les discussions, c'est évident, - et La HALDE pourrait confirmer ce que je dis –. Je renvoie à l'exemple emblématique, même s'il est caricatural, de l'entretien qu’allait faire quelqu’un abattu par la police en 1993 pour attentat du GIA, des bombes à Paris etc. Il raconte son parcours, et son parcours c'est exactement ce que je viens de dire. Il est Français, diplômé de l'enseignement supérieur français, il a un BTS en chimie je crois, major de sa promotion, pas de stage, pas de stage, pas de recrutement, rien. Il bascule, donc perte de confiance en soi, désocialisation, rupture, violence, victimisation, c'est un schéma malheureusement classique et une fois que les gens sont dans une posture victimaire, là, c'est du travail de psychologie, on n'est plus dans du droit commun classique si vous voulez, ça c'est évident. On se rend compte dans l'analyse des rapports que les organisations publiques ou privées travaillent sur âge, handicap, sexe. Mais pas sur origine, pas sur homophobie, pas sur gens du voyage. On ne va pas être là-dessus. Ce n'est pas un hasard non plus s'il y a des fonds publics sur ces trois domaines là, il ne faut pas se leurrer - en même temps, s'il y a des fonds publics, c'est bien pour faire une politique publique donc il n'y a pas de souci -. Le problème, c'est qu'on risque d'être limitatif et on est sur les enjeux les moins politisés de la question de discrimination, les plus acceptables par le corps social, cela pose évidemment des questions. Après, vous avez dit « trop de lois tue les lois ». Oui, peut-être, mais en fait ce n'est pas tellement le problème pour moi. Le droit, c'est la jurisprudence. La chaire du droit c'est quel droit est actif, quel droit est acté ? Votre question, c'est une question de fond, la HALDE pendant assez longtemps, à sa création, était assez pro diversité et y compris les tenants de la diversité étaient évidemment pro diversité. 20 est la profession qui discrimine le moins en fonction de l'origine, nous sommes assurément la profession qui discrimine le plus entre les hommes et les femmes. Si vous en doutez, il y avait dix femmes présidentes d'universités jusqu'à quelques semaines, avec la loi qui a été mise en vigueur depuis trois ou quatre ans, il n'y aura, je pense, peut-être plus qu'une seule femme présidente d'université dans quelques semaines puisque les femmes présidentes d'universités en Bourgogne, à Créteil etc. ne sont pas élues ou pas réélues ou ne se sont pas représentées et il n'y a que des hommes qui sont élus. Il reste toujours ce décret à Paris comme quoi le port du pantalon est interdit aux femmes sauf avec une cravache, et ce n'est pas pour rire hein ! C’était pour faire du cheval. Il reste ça, mais voilà, c’est tombé en désuétude. Le droit c'est ce que les tribunaux rendent comme verdict. Après, on est dans une espèce de temporalité depuis quelques années où un fait divers, une loi. Le port du voile, la « Burqa », on est vraiment dans cet exemple caricatural. Il y a deux cas et hop, on fait une loi. Maintenant estce qu’elle va être appliquée ? Le harcèlement discriminant, c'est très bien mais c'est comme le harcèlement moral, vous discutez deux minutes avec un inspecteur du travail, il vous dit : « C'est bien gentil mais enfin en termes d'instruction… », puis les gens de la HALDE pourraient vous dire à quel point c'est difficile d'instruire ce genre de cas. Donc la loi existe, les gens sont protégés. Si vous lisez Ouest France, ce matin, page7, je ne dis pas que les propos qui sont tenus sont discriminatoires mais on lit pour une des deux universités de Rennes, ballottage pour la présidence entre, d'un côté, un président homme sortant et, de l'autre côté, une femme professeur des universités qui a été membre du bureau du précédent président qui siège depuis quatre ans au conseil d'administration de l'université. Il y a eu deux projets et les deux projets ont obtenu sept voix chacun aux élections et que dit un des deux candidats, ce matin dans Ouest France, page 7 : « vous savez, pour présider une université, il faut une sacrée expertise de nos jours ». Maintenant, très clairement, les optiques de la HALDE et de la lutte contre les discriminations, ce n'est pas de punir les gens, les entreprises, les organisations, le but c'est qu’il y ait moins de discrimination en France. C’est un peu comme les radars si vous voulez, le but ce n'est pas uniquement de punir les gens, c'est que l'année dernière il y a eu 2 000 morts en moins. Après, vous êtes d'accord ou pas avec les radars, maintenant c'est purement efficace, et le but est de réduire les accidents, comme le but de la HALDE ce n'est pas de sanctionner les entreprises. Son fondement c'est de lutter contre les discriminations pour que les entreprises changent de pratiques, ou les collectivités publiques. Quand je dis entreprise c'est organisation, en fait. On est dans cette logique là. Je ne dis pas mais ça montre quand même qu’il peut exister des dynamiques globales qui font que dans ce domaine là, sans accuser nominativement la personne, on voit que finalement, alors qu'il s'agit d'un débat politique entre deux forces qui ont obtenu le même nombre de sièges, il y a une position. Et c'est souvent le cas dans le milieu de l'enseignement supérieur que je connais bien, qui est de remettre en cause non pas le programme ou les idées, mais les compétences et là, une expertise, alors que dans les deux cas, il s'agit pour l'un comme pour l'autre et je le dis clairement, aussi bien du président sortant que de sa candidate opposée, de deux grands professeurs d'université qui ont tous les deux l'expérience de l'université au plus haut niveau. Maintenant, « trop de lois tue les lois », je ne peux pas vous répondre plus que ça, je ne sais pas. Évidemment c'est compliqué, ça rajoute à la complexité du droit, c'est évident. Maintenant c'est tout ce que je peux en dire et les cas particuliers qui créent des lois, je dirais que malheureusement c'est le cas. Jean-Luc Richard, maître de conférences à l’Université Rennes I - J'interviendrai tout à l'heure pour discuter des questions de discrimination et notamment de discrimination sur le marché du travail à l'encontre des jeunes issus de l'immigration ou perçus comme d'origine immigrée. J’étudierai les différences entre les hommes et les femmes, on en parlera mais d'abord je voudrais poser une question à Philippe Cormont. Erwann Le Hô - Bien, je pense qu'on peut remercier Philippe Cormont pour cette intervention. Alors, « Peut-on mesurer les discriminations, le cas de discriminations liées à l'origine », ce sera la suite de notre programme, ce sera ici dans la salle plénière à 11h15. Pour l’heure, nous vous invitons à sortir, on va souffler un petit peu, on va prendre une pause café et n'hésitez pas à prendre ce temps justement pour aller visionner nos courts métrages et on se retrouve tout de suite après. Vous n'avez pas du tout évoqué la question de la nationalité comme étant un facteur, à la fois, légal dans certains aspects du droit et parfois illégal de discrimination. On pense souvent la discrimination en raison de l'origine, du nom, du phénotype, de la couleur de peau, mais la nationalité a aussi un effet. Je pense que c'est important de rappeler que parmi les critères, cette nationalité peut être parfois légale et parfois illégale comme facteur de discrimination et il y a une seule profession dans la fonction publique qui ne discrimine pas selon la nationalité, c'est la profession d'universitaire où il n'y a aucune condition mais sinon, dans tous les autres domaines de la fonction publique, il y a cette question. Mais je voudrais faire une transition du coup, c'est l'occasion en parlant d'université et d'universitaire, parce que si d'un côté on 21 TABLE RONDE Peut-on mesurer les discriminations ? Le cas des discriminations liées à l’origine n Anne Morillon, sociologue, collectif TOPIK. Jean-Luc Richard, maître de conférences, Université Rennes I, CRAPE (Centre de Recherche sur l’Action Politique en Europe). n Crédit : Simona Mattia Anne Morillon – En France, même si le phénomène est ancien, l’intervention publique en matière de prévention et de lutte contre les discriminations liées à l’origine - j’aime toujours ajouter « réelle ou supposée » -, n’existe que depuis une petite dizaine d’années. Une des difficultés de cette politique publique qui peine à s’affirmer, c’est justement, précisément, la détermination de l’ampleur du phénomène en France. Or, dans un pays qui ne reconnaît pas les groupes ethniques et qui, en conséquence, ne les comptabilise pas, il est peu aisé de mesurer les discriminations liées à l’origine et agir de manière ciblée. n DE QUELS OUTILS DISPOSE-T-ON POUR MESURER L’AMPLEUR DES DISCRIMINATIONS EN FRANCE ? Ils existent bel et bien et résultent d’enquêtes statistiques de grande ampleur ou d’études plus qualitatives. Ces enquêtes sont suscitées par le politique, la société civile ou les chercheurs euxmêmes et donnent donc des indications sur la situation des minoritaires au regard de l’emploi, du chômage, du logement etc. mais aussi, dans une certaine mesure et dans certains cas, sur le vécu plus subjectif de la discrimination. Toutefois, des outils existent même s’ils sont partiels et la table ronde consistera donc à présenter les quelques travaux scientifiques, enquêtes statistiques, études qualitatives, qui permettent justement de mesurer l’ampleur des discriminations en France. Il s’agira aussi de discuter à la fois la nécessité et la pertinence des statistiques dites ethniques pour améliorer la prise en charge de ce problème tout en soulignant les enjeux idéologiques sousjacents. Je vais présenter quelques outils, évidemment ce n’est pas exhaustif, ce n’est pas d’ailleurs un exercice très facile que de rassembler en une demi-heure cette réflexion sur l’enjeu de la mesure des discriminations, je vais quand même m’y atteler et puis on essayera d’avancer un peu dans la réflexion qui n’est pas simple. Dans un premier temps, je vais aborder les enjeux de la mesure des discriminations liées à l’origine et poser les termes du débat sur les statistiques ethniques qui agitent le monde politique et universitaire depuis une vingtaine d’années. Les rapports de la HALDE Je voudrais tout d’abord signaler et évoquer rapidement les rapports annuels de la HALDE, Défenseur des droits depuis, vous le savez, l’année dernière, pour montrer combien ces données sont encore peu à même d’informer sur l’ampleur du phénomène en France. Dans un second temps, Jean-Luc Richard qui a récemment pris position contre les statistiques ethniques expliquera ce choix et proposera une alternative à partir de ses propres travaux statistiques. Philippe l’a dit tout à l’heure, il est vrai que les réclamations déposées devant la HALDE sont en augmentation constante. 22 On est passé de 2005 à 2010, de 1 410 réclamations à 12 467 réclamations en 2010, mais pour diverses raisons il y a peu de qualifications juridiques de la discrimination et ce qu’on peut dire - et je pense que les personnes qui représentent le Défenseurs des droits auront aussi des ajouts à faire - c’est que cette augmentation traduit davantage la meilleure connaissance de l’institution par la population et peut être, peu à même de refléter l’ampleur du phénomène. fants ? Quels sont leurs parcours ? Des différences existent-elles entre les différents courants migratoires selon l'ancienneté de ces derniers ? Quelles sont les conditions de vie des personnes originaires des DOM et de leurs descendants en France Métropolitaine ? Quels sont les obstacles à l'intégration économique, sociale et citoyenne de ces populations ? Quel est leur vécu des discriminations et ces discriminations ont-elles un incident sur leurs opportunités professionnelles, scolaires et résidentielles ? En effet, malgré l'augmentation du nombre de réclamations, on peut continuer à s'interroger sur la visibilité de la HALDE et peutêtre surtout depuis la mise en place du Défenseur des droits et sa capacité à prendre en compte le vécu des discriminations, condition importante de sa sollicitation par les victimes. Ainsi l'enquête dite « Trajectoires et origines » vise-t-elle à étudier les conditions de vie au moment de l'enquête mais aussi les trajectoires sociales des enquêtés dans divers domaines de la vie sociale, dans l'éducation, l'emploi, le logement, la vie citoyenne, et d'identifier, comme son nom l'indique, l'impact des origines sur les conditions de vie et les trajectoires sociales des individus tout en prenant en considération d'autres caractéristiques sociodémographiques, comme le milieu social, le quartier, l'âge, la génération, le sexe, le niveau d'étude, etc. Par l'étude de l'impact des origines, il s'agit pour cette étude aussi bien d'identifier les discriminations liées aux origines, que les solidarités auxquelles ces origines donnent lieu. Quelques études quantitatives et qualitatives Beaucoup plus significatives sont les études statistiques sur la question de l'intégration des populations immigrées et de leurs descendants. En France, ces études sont peu nombreuses mais elles existent. La première du genre est celle réalisée par l'INED avec le soutien de l'INSEE en 1992-1993 qui s'intitule « Mobilité Géographique et Insertion Sociale (MGIS) » et qui a donné lieu, d'ailleurs, à la publication de deux ouvrages Faire France et De l'Immigration à l'Assimilation notamment écrits par Michèle Tribalat et d'autres auteurs. Cette enquête d'ailleurs aborde très peu la question des discriminations. Les enquêtés sont questionnés sur trois thèmes : l'environnement familial et social, l'accès aux différentes ressources de la vie sociale, les différentes dimensions de l'origine et de l'appartenance culturelle et, bien entendu, sur la question des discriminations. Ensuite, des études qualitatives et quantitatives ont été menées au milieu des années 1990, abordant le thème du racisme et de la discrimination. On peut citer, mais ce ne sont pas les seules, l'enquête du CADIS qui a donné lieu à un ouvrage intitulé Le racisme au travail en 1997 écrit par Philippe Bataille et les travaux de l'URMIS qui ont donné lieu notamment à l'ouvrage L'inégalité raciste écrit par Véronique de Rudder, Christian Poiret et François Vourc’h en 2000. Je citerai également la thèse de Jean-Luc Richard, intitulée Partir ou Rester : destinée des jeunes issus de l'immigration, ouvrage publié en 2004. Je ne présenterai qu'un résultat, il en existe un grand nombre et d'ailleurs tous les résultats, à ma connaissance, ne sont pas encore publiés, je vous invite à consulter le site de l'INED qui est extrêmement complet pour la restitution de cette enquête. Un résultat tout de même concernant l'emploi des immigrés et de leurs descendants, l'enquête pointe, par exemple, que le taux de chômage des immigrés est particulièrement élevé pour ceux originaires d'Algérie, du Maroc, de Tunisie et d'Afrique subsaharienne et que ce taux de chômage élevé est encore plus vrai pour leurs descendants et toutes choses étant égales par ailleurs. Une fois pris en compte un grand nombre d'effets structurels, comme je l'ai signalé tout à l'heure, ces populations connaissent un risque plus élevé de chômage par rapport à la population majoritaire. L’enquête « Trajectoires et origines » (« TeO ») de l’INED Il semble qu'aucune enquête statistique – je suis prudente – n’aborde simultanément les problématiques d'intégration et de discrimination en s'adressant aux populations immigrées ou descendantes d'immigrés. Par contre, je dois citer et c'est l'enjeu d'ailleurs de l'enquête « Trajectoires et origines » (« TeO »), réalisée à partir de 2006 par l'INED, notamment par Bertrand Lhommeau, Patrick Simon et Chris Beauchemin. Cette enquête vise à satisfaire ce besoin d'informations exprimé tant par les pouvoirs publics que par la société civile. Donc ces résultats sur le sur-chômage des immigrés et de leurs descendants notamment immigrés d'Algérie, Maroc, Tunisie et Afrique Subsaharienne, concordent avec ceux sur la perception des discriminations, ce sont en effet les populations les plus touchées par le chômage qui déclarent le plus avoir subi un refus injuste d'emploi dans les cinq dernières années. Mais est-ce que ces données sont suffisantes ? Est-ce que cette enquête est suffisante ? Est-ce que les travaux qui existent jusqu'à présent sont suffisants pour mesurer les discriminations ? Dans cette enquête « Trajectoires et origines », les questions posées sont les suivantes : Quelles sont aujourd'hui les conditions matérielles d'existence des immigrés en France ? Qu'en est-il des conditions matérielles d'existence de leurs en- 23 Il y a un argument assez fort, me semble-t-il, dans la défense des statistiques ethniques, c'est le fait que les catégories ethniques existent déjà dans les testings qui sont désormais reconnus devant les tribunaux. L'exposé de ce matin de Philippe était très clair à ce sujet quand il a présenté les résultats des travaux d'Amadieu notamment, à partir de testings. n DÉBAT AUTOUR DES STATISTIQUES ETHNIQUES Je vais évoquer le débat sur les statistiques ethniques, c'est une question importante aussi bien en termes de recherche, en termes scientifiques qu’en termes politiques. Par contre, les résultats de ces opérations dites de testing ne permettent pas d'obtenir des données générales et de suivre l'évolution des discriminations dans le temps. La méthode de testing dévoile donc l'existence de discriminations dans un secteur et à un moment donné mais, est limitée en ce qui concerne la mesure du phénomène dans son ensemble et sur le long terme. L'argument consiste à dire : puisque ces catégories ethniques existent via les testings, pourquoi ne pas les étendre à des enquêtes plus larges, à des enquêtes statistiques ? Le débat sur les statistiques dites ethniques n'est pas récent, en fait, il débute au début des années 1990 chez les démographes et porte sur l'opportunité d'introduire des catégories ethnoraciales dans les statistiques publiques. En effet, les démographes s'interrogent sur l'actuel découpage de la population française par le recensement, découpage composé de Français, Français par acquisition, étrangers et immigrés et ils se demandent si ce découpage répond aux enjeux d'une société française devenue visiblement multiculturelle. Enfin, dernier argument mais qui évidemment rejoint le premier, le suivi d'indicateurs statistiques mesurant l'évolution de ces phénomènes guiderait les politiques publiques dans les différents domaines de la vie sociale et permettrait de mettre en place des politiques correctives adaptées aux problèmes identifiés. Il convient de préciser, Philippe l'a dit tout à l'heure, qu'au début des années 90 comme aujourd'hui, le droit français interdit la production de telles données. Alors, au départ, ce débat - je pense - ne s'inscrit pas à proprement parler dans le débat sur les discriminations qui n'apparaît comme on l'a vu qu'à partir de la fin des années 1990 et plutôt début des années 2000. Les arguments « contre » Les arguments « contre » reposent essentiellement sur le registre, sur l'argument inutile et dangereux. C’est au milieu des années 2000, alors qu'une politique publique se met timidement en place pour lutter contre les discriminations, que le débat sur les statistiques ethniques rebondit en quelque sorte et dès lors, et c'est d'ailleurs assez problématique, la question importante tant sur un plan politique que scientifique de la mesure des discriminations liées à l'origine réelle ou supposée, se confond avec le débat sur les statistiques ethniques. Les statistiques ethniques conduiraient ainsi, selon les opposants à ce comptage, à penser la société à travers des groupes culturels ou religieux en oubliant le poids du social et consisteraient à penser ces groupes comme des groupes antagonistes. En cela, elles pourraient même avoir un effet auto-réalisateur, c'est-à-dire contribuer à faire émerger des groupes qui n'existent pas en tant que tels. Par exemple, je trouve cette citation assez éclairante, qui émane d'une pétition lancée en février 2007 qui s'appelle « Engagement républicain contre les discriminations » et qui a notamment été signée par Jean-François Amadieu, Patrick Weil et Dominique Sopo : « Inutiles, les statistiques ethniques sont également dangereuses. Loin de donner une image de la diversité, elles reviendraient à la simplifier outrageusement. Une classification unique serait forcément réductrice et inappropriée. Elle inventerait des groupes qui n'existent pas, créerait des divisions là où il y a des rapprochements, suggérerait homogénéité là où il y a diversité, mettrait des frontières là où il y a de la continuité. Les statistiques ethniques auraient pour effet de faire droit à la notion de race dont chacun connaît le caractère non scientifique et le danger et de développer les affrontements communautaires. ». Les arguments « pour » Le débat sur les statistiques ethniques repose en substance sur les arguments suivants. Un des arguments c'est d'interpeller l'opinion publique et le monde politique sur la situation des minorités dites visibles par rapport à la population majoritaire. Ainsi, grâce à ces statistiques, on connaîtrait, par exemple, le taux de chômage des « minorités visibles », je mets à cette notion-là des guillemets, quels que soient par ailleurs leur nationalité, leur niveau de diplôme, leur expérience par rapport à ce taux de chômage des majoritaires. Les partisans des statistiques ethniques souhaitent mettre au jour les mécanismes de production des discriminations et établir dans les inégalités ce qui relève de ce qu'on appelle le social dans le jargon sociologique, (par exemple, les différences en termes de capital économique, social et culturel), de ce qui relève à proprement parler de l'inégalité raciste et les discriminations. Selon eux, ces statistiques pourraient contribuer à faire la part des choses et à mettre à sa place la question de la discrimination par rapport aux autres formes d'inégalité. Les opposants s'interrogent également sur les catégories ethno-raciales en question et la notion de minorité visible. Par exemple, la couleur de la peau n'est pas une information objective et s'avère particulièrement difficile à apprécier. À partir de quel moment devient-on Noir, suffit-il de se sentir Noir ou doit-on utiliser un critère objectif et comment traiter les populations métisses ? 24 déclaration - ça c'était très fort dans les intentions de Sabeg l'interviewé choisira de se dire de telle ou telle catégorie, il exclut toute référence au lieu de naissance, à la nationalité des parents, au patronyme bref, aux données sur l'origine car, selon Yazid Sabeg, elle renvoie un statut d'étranger héréditaire. Il est en revanche favorable à ce que les sondés se définissent selon leur sentiment d'appartenance à une communauté. C'est le ressenti à caractère ethnique et/ou religieux qui doit être pris en compte : je me sens Noir, Maghrébin, Asiatique, Juif, Musulman, etc. Autre argument très fort, il existe un risque de dérapage dans la constitution et le traitement des fichiers. En effet, en cas de généralisation, il y a aurait un grand risque d'utilisation à des fins néfastes envers des populations déjà victimes de discrimination. Le souvenir de l'esclavage, de la colonisation, de Vichy, époque à laquelle étaient fichées, à laquelle on a traité les populations selon les origines suffisent pour les opposants aux statistiques ethniques à écarter l'éventualité d'un tel classement. Enfin, et ça aussi c’est un argument de poids sur lequel reviendra Jean-Luc Richard, les informations sur l'origine des immigrés sont disponibles en France mais sont insuffisamment exploitées par les chercheurs. Le 5 février 2010, François Héran remet au commissaire à la diversité, donc à Yazid Sabeg, un rapport avec essentiellement deux préconisations. - Concernant la statistique publique, l'INSEE collecterait, lors du recensement, la nationalité, le pays ou le département de naissance des parents pour avoir des informations sur l'origine en recourant à des critères objectifs et on le voit, le COMEDD écarte donc la notion de ressenti d'appartenance, défendue par Yazid Sabeg. Le débat aujourd’hui Il me semble intéressant de mentionner une initiative de la société civile, celle du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) 2006 qui a réalisé un sondage consacré aux Noirs. Cette enquête est sans équivalent. C'est en effet la première fois qu'un institut de sondage, la SOFRES en l'occurrence, après avoir interrogé plus de 13 000 personnes, s'est fixé pour objectif de recenser les Noirs de France et d'identifier le vécu de la discrimination. - Deuxième préconisation, parmi un certain nombre de préconisations, j'en ai retenu deux, rendre obligatoire la publication d'un rapport de situations comparées sur la diversité pour les entreprises de plus de 250 salariés sur le modèle de celui qui existe sur l'égalité professionnelle homme/femme. Là aussi, le critère d'observation se limitera à l'origine déterminée selon la nationalité et le lieu de naissance du ou de la salariée ainsi que de ses parents. recueil de données serait anonyme sur la base du volontariat. Leur exploitation serait confiée à un organisme extérieur agréé par la HALDE Défenseur des droits et les résultats obtenus et la composition salariale de l'entreprise pourraient être alors comparés aux données recueillies dans le cadre du recensement. Selon cette enquête, il y aurait deux millions de Noirs en France âgés de plus de 18 ans et parmi ces personnes interrogées, 56% des personnes se déclaraient victimes de discriminations raciales. Je précise quand même que la Commission Informatique et Liberté (CNIL) avait autorisé ces démarches parce que l'anonymat des sondés a été respecté, qu'aucun fichier n'a été constitué et que les données recueillies ont été détruites. Sur le plan des décisions politiques, vous le savez sans doute, en décembre 2008, le Président Sarkozy s'est prononcé contre les statistiques ethniques et face à la complexité de la question, a nommé Yazid Sabeg, Commissaire à la diversité. Je terminerai là-dessus, il y a eu en 2010 un contre-rapport, le rapport de la Commission Alternative de Réflexion sur les « Statistiques Ethniques » et les Discriminations (CARSED). Dans ce manifeste co-signé par un grand nombre de chercheurs dont Jean-Luc Richard, intitulé Le retour de la race contre les statistiques ethniques, les auteurs examinent les données existantes et s'interrogent sur la pertinence d'en produire de nouvelles, sur la place des immigrés et de leurs descendants dans la société française. Yazid Sabeg est un homme d'affaires qui devient au début des années 2000, spécialiste des questions d'intégration et de diversité dans le monde de l'entreprise. Il publie notamment en 2004 avec Laurence Méhaignerie, Les oubliés de l'égalité des chances, pour l'institut Montaigne - l'institut Montaigne est un espace de réflexion et d'inspiration libérale - et il met en place, en mars 2009, un Comité pour la Mesure et l'Évaluation des Discriminations (COMEDD) chargé je cite : « de proposer des catégories d'observations pour la mesure et l'évaluation de la diversité et des discriminations selon des méthodes incontestables ». D'une façon plus générale, la CARSED offre des angles d'approche différents pour lutter contre les discriminations et débusquer, et c'est important, très important, dans les prises de position, les risques de racialisation de la société française. Elle préconise notamment de s'intéresser aux modes de discrimination plutôt qu'aux discriminés, donc aux processus, et de privilégier les études ponctuelles, qualitatives autant que quantitatives qui s'intéressent aux modes de discrimination, aux discriminateurs également et non, aux seuls discriminés, pour en comprendre les motifs et proposer des moyens d'action concrets. Les scientifiques et experts présents dans le COMEDD sont plutôt favorables - enfin je le crois, assez largement et Jean-Luc pourra le dire tout à l'heure - à la prise en compte du critère ethnique dans la statistique publique. Il s'agit pour Sabeg, et c'est assez paradoxal, de rendre licite le comptage des minorités visibles. La mesure de la diversité et non des discriminations, je précise, devrait se faire dans le cadre d'enquêtes anonymes sur la base du volontariat et le principe de l'auto- 25 De quelles données disposons-nous ? Je vais laisser la parole à Jean-Luc Richard qui précisera peutêtre un certain nombre de propos que j'ai tenus et apportera des éléments très concrets par rapport à son propre travail de recherche. Les données qui existent en France sont des données sur les citoyens français et étrangers, des données sur les personnes qui ont été étrangères avant et qui sont devenues Françaises (Français, Français par acquisition ou étrangers), on peut croiser ça avec le lieu de naissance, on a la catégorie qu'on appelle en France « les immigrés » par exemple. Jean-Luc Richard - Merci Anne. J'ai fait le même exposé pour la ville de Grenoble le 15 décembre et puis pour la région Pays de la Loire qui lance un grand programme ambitieux de lutte contre les discriminations sur l'ensemble de la région Pays de la Loire, il y a quelques jours. À peu près la moitié des pays de l'Union Européenne a des données équivalentes à celles qui existent en France. Si vous prenez l'article que j'avais fait qu'on vous a mis dans votre dossier, vous avez, pages 206-207 un tableau qui présente le nombre d'enfants d'immigrés en France lors d’un recensement et puis, la page d’à côté, c'est le tableau équivalent pour les Pays-Bas. On a des données sur le nombre d'enfants d'immigrés aux Pays-Bas, c'est-à-dire des personnes dont un ou deux parents étaient immigrés, c'est-à-dire entrés étrangers aux Pays-Bas et pour la France entrés étrangers en France. On a, en fonction de l'origine des parents, la décomposition des effectifs de ces jeunes issus de l'immigration pour la France ou les PaysBas. La moitié des pays de l’Union Européenne ont ce genre de données. n QUELLES MÉTHODES POUR MESURER LES DISCRIMINATIONS ? Ce que je voudrais dire c'est que si on souhaite connaître les discriminations parce qu'on conviendra qu'elles existent, on souhaiterait quantifier les phénomènes. Alors, quelles sont les méthodes dont on dispose ? D'abord, on a bien entendu l'enregistrement des décisions judiciaires sachant que tous les processus, toutes les discriminations ne sont pas enregistrées, ne font pas l'objet d'une sanction judiciaire. Il y a aussi les cas de flagrants délits qui peuvent être constatés mais c'est rare et qui peuvent aussi apparaître dans des données de référencements. Il existe, dans ce groupe de pays, des différences. En France, on ne parle pas de groupes ethniques. Aux Pays-Bas, à partir des données équivalentes, il n'y a pas de questions ethniques au recensement. Ensuite, quand on qualifie les groupes qu'on a constitués à partir de ces données-là qui ont été faites à partir des nationalités et lieux de naissance des individus ou de leurs parents, on utilise le vocabulaire ethnique, mais ce ne sont pas des données ethniques. Sinon, si on souhaite connaître l'ampleur des phénomènes pour savoir si c'est important de consacrer des moyens de politique publique pour lutter contre les discriminations, si on souhaite connaître ainsi l'ampleur des difficultés que peuvent éprouver des populations, il est clair que des enquêtes peuvent être utiles. L’autre moitié des pays de l'Union Européenne a des statistiques ethniques. On va demander aux gens à quels groupes ethniques ils appartiennent. Et puis, il y a un pays qui est un peu différent à mes yeux, même s'il considère qu'il fait des statistiques ethniques, c'est la Grande Bretagne. Le Royaume-Uni maintenant puisque ce n'était pas le cas la première fois qu'ils l'ont fait, mais désormais c'est aussi le cas en Irlande du Nord. En réalité, les modalités que les gens peuvent choisir sont des catégories raciales puisqu'ils peuvent répondre Blanc ou Noir sinon ils peuvent répondre Pakistanais, Bangladeshis, etc. C'est donc un mélange de catégories dites ethniques et de catégories raciales. Ils appellent ça les statistiques ethniques, permettant aux gens de se classer comme Blanc ou Noir mais, en réalité, ce sont des statistiques raciales. Alors, deux types d'enquêtes : soit on aura des enquêtes comme le testing qui sont aussi des démonstrations de l'existence de discriminations tout comme les décisions judiciaires ou les flagrants délits le sont. C'est la mesure directe de discriminations et de phénomènes discriminatoires sachant que l'exhaustivité est difficile puisqu'on ne va pas mettre un policier, un gendarme ou un juge derrière chaque citoyen pour que chaque acte discriminatoire qui puisse exister soit référencé. Puis il y a une autre manière d'envisager ces questions, c'est l'approche par des données statistiques générales, macro-sociales qui permettent de faire une mesure de ce qu'on appelle l'approche indirecte des discriminations, c'est-à-dire étudier la fréquence de certaines situations pour des groupes de populations que l'on distingue selon leur genre, selon leur origine, selon leur nationalité, selon leur ressenti d'appartenance éventuellement ou au contraire selon des catégories qu’on leur attribue de manière plus ou moins autoritaire. Il n'y a que trois pays dans le monde qui ont des statistiques raciales actuellement, deux de manière incontestable donc ÉtatsUnis et Brésil. La Grande-Bretagne, de fait, puisque les modalités des catégories ethniques sont de type racial et peuvent être rattachées à ce groupe. Un autre pays en a eu historiquement mais depuis que l’apartheid n'existe plus, ce n'est plus d'actualité, c'est bien sûr l'Afrique du Sud. 26 n nage et puis, pour étudier les familles, on considère, à la fois, les caractéristiques du père et de la mère, en général. PRÉSENTATION DES TRAVAUX DE JEAN-LUC RICHARD Puis, on a les origines sociales parce que c'est clair que selon les origines sociales ou la taille de la famille et puis le diplôme du jeune aussi, diplôme déclaré en 1982, on peut imaginer qu'il puisse y avoir des effets sociaux. Il valait mieux être diplômé de l'enseignement supérieur, Bac et plus, par exemple en 1982, que, par exemple, n'avoir aucun diplôme ou simplement un certificat d'études primaires. C'était les premiers modèles économétriques de la discrimination en France. En 1992, j'ai commencé à travailler sur une grande base de données de l'INSEE qui contient des informations sur les immigrés, leur nationalité de naissance, leur pays de naissance et aussi des informations sur leurs enfants. Ma préoccupation était de mesurer les discriminations à l'encontre des jeunes issus de l'immigration. Je le faisais aussi parce qu'au même moment, il y avait cette enquête MGIS « Mobilité Géographique et Insertion Sociale » qui était lancée, qui interrogeait de mémoire 10 000 immigrés, 2 000 enfants d'immigrés et 2 000 Français de naissance. Mais cette enquête ne s'intéressait que très peu à la question des discriminations. Ensuite j'ai poursuivi les recherches et avec des données plus récentes, effectivement, j'ai réalisé pendant quatre ans une thèse sur le sujet et j'ai étudié, par exemple, le chômage des jeunes issus de l'immigration. Alors là, excusez ce biais un peu masculin puisque je ne présente que les tableaux pour les hommes mais dans mes articles ou mes recherches, il y a les données équivalentes pour les femmes. Vous verrez et qu'il y a d'autres graphiques tout à l'heure ou tableaux où il y a des femmes qui y sont indiquées. Dans le livre qui en est issu, il n’y avait que trois ou quatre pages, s'appuyant sur la question « pensez-vous, avez-vous avoir déjà été victime de discriminations ? » et le rapport remis au financeur officiel écartait l'hypothèse de l'existence de discriminations. « Si les jeunes d'origine immigrée sont plus souvent au chômage, c'est sans doute qu'ils refusent plus souvent les emplois qui leur sont proposés » était-il écrit dans le rapport au financeur. On voit le taux de chômage issu des jeunes d'origine algérienne, de parents immigrés Algériens, qui est nettement supérieur à celui qu'on observe pour les jeunes d'autres origines immigrées, ce sont des vagues un peu anciennes. Il y a une vague espagnole, italienne ou portugaise. Ce sont des données du début des années 1990 et je continue à utiliser des modèles statistiques économétriques qui montrent l'existence de ces discriminations. Ça m'a laissé un peu sceptique et je me suis dit « comment mesure-t-on les discriminations » à l'étranger, aux États-Unis, en Grande Bretagne avec des modèles statistiques économétriques, sachant qu'en France, je n'ai pas de statistiques ethniques ou raciales mais, après tout, j'ai des données sur les enfants d'immigrés. Le tableau est peut-être un peu petit à lire, difficile, j'ai utilisé les modèles classiques pour étudier les discriminations, ce qu'on appelle des modèles d'économétrie des comportements pour les variables qualitatives. Par exemple et là on voit que les jeunes d'origine algérienne et marocaine sont sensiblement plus au chômage, toutes choses égales par ailleurs comme on dit, plus 185% plus 252%... que le fils d'un père qui était Français de naissance. Par contre, il y a des jeunes d'origine portugaise qui, eux, sont même moins au chômage que les enfants de Français de naissance pour des raisons culturelles, historiques ou de concentration sectorielle de maind’œuvre, d'engagement précoce sur le marché du travail etc. Donc je regardais le chômage des jeunes issus de l'immigration à partir des données du recensement de 1982, c'est ce dont on disposait à l'époque. Je prenais une situation de référence, donc un jeune dont les parents étaient Algériens, Marocains, Tunisiens. Puis je voyais que tous les jeunes d’origine immigrée dont les parents étaient d'une autre origine, espagnole, italienne, portugaise, autres ressortissants de la CEE, autres pays ou parents Français par acquisition aussi. On avait des coefficients négatifs qui apparaissaient avec des petites étoiles et ça veut dire que c'est significatif. Le taux de chômage était en moyenne de 69 à 76%, et inférieur lorsque l'individu n'était pas d'origine algérienne, marocaine ou tunisienne. On voit aussi qu'à origine identique - c'est en bas du tableau, « Foreign citizenship » en 1990 ou citoyenneté étrangère en 1990 - un jeune qui n'a pas la nationalité française est plus au chômage qu'un jeune qui a la nationalité française et ça, quelle que soit l'origine. Le fait d'être jeune d'origine algérienne n'étant pas français fait que votre taux de chômage est augmenté. Là, c’est alors le chômage des hommes âgés de 25 à 33 ans qui est augmenté de plusieurs pour cent et donc, par rapport à la situation de référence de ce tableau, le fait d'être étranger augmente de 43% la probabilité d'être au chômage, si on n'a pas la nationalité française par rapport à celui qui a la nationalité française. Même si certains peuvent souhaiter des statistiques ethniques, et il y a des arguments pour, et je vous dirai quelles sont les faiblesses de la position que je défends, on ne peut pas se contenter d'étudier les discriminations en faisant les tableaux croisés entre chômage et origine ethnique, ça ne suffit pas. On passe à côté d'un grand nombre de phénomènes sociaux. Ce n'est pas parce que j'ai montré, tout à l'heure, des graphiques avec des courbes qui ne sont pas au même niveau qu'il y a de la discrimination. Je contrôlais réellement l'effet de la nationalité d'origine, de l'origine familiale dans la mesure où j'avais aussi contrôlé l'effet de l'âge, l'effet de la CSP (catégorie socioprofessionnelle) du père chef de famille comme on disait à l'époque. On ne dit plus chef de famille, là aussi, les mœurs évoluent. Avant, le chef de famille c'était l'homme de la famille, maintenant pour l'INSEE il n'y a plus de chef de famille. Il y a une personne de référence du mé- 27 Si on prend des données, cette fois, plus récentes, quelles sont les données dont on dispose ? Derrière ces différences entre la courbe la plus élevée et les autres, il y a l'effet des origines sociales, il y a l'effet du fait qu'on ait ou qu'on n'ait pas la nationalité française, qu'on soit citoyen ou pas de l'Union Européenne, qu'on ait accès ou pas aux emplois de la fonction publique. Il y a la taille moyenne des familles, il y a la CSP des parents qui font qu'il y a des réseaux sociaux ou pas. On dispose là, par exemple, pour les 20-29 ans en 1999, du pourcentage de jeunes qui sont au chômage et le taux de chômage, ce qui n'est pas la même chose. Le pourcentage de jeunes au chômage, c'est par rapport à l'ensemble d'une génération, c'est la première colonne. Mon idée pour que la démonstration des discriminations soit prouvée statistiquement, ça a été d'intégrer dans les modèles, un grand nombre de variables censées limiter l'explication des différences pour qu'au final, les coefficients qui restent et qui sont forts, vous l'avez vu, liés à l'origine, démontrent bien qu'il y a de la discrimination. Le taux de chômage, c’est quand on ne prend en compte que les actifs, on enlève ceux qui ne sont pas actifs, ceux qui ne veulent pas travailler ou ceux qui sont étudiants. Par exemple, chez les 20-29 ans, les enfants dont les deux parents sont Français de naissance, 13% sont au chômage chez les 20-29 ans ce qui représente un taux de chômage de 18%. 18%, c'est par rapport à ceux qui sont actifs. 13%, c'est par rapport à l'ensemble des générations. Et on voit que les jeunes hommes de 20 à 29 ans sont moins au chômage que les femmes nées de deux parents français de naissance. Et puis ensuite, pour l'origine algérienne, pour les hommes, on a 29% qui sont au chômage et pour les femmes 24%, ce qui fait un taux de chômage pour ces jeunes hommes de 41%, ce qui est considérable, bien entendu, et pour les jeunes femmes de 37%. Ce sont des données longitudinales qu'on appelle l'« échantillon démographique permanent » de l’INSEE. 1% des personnes qui vivent en France sont suivies, recensement après recensement. Ces personnes sont nées les quatre premiers jours d'un mois de l'année. Quand dans les mairies l’INSEE récupère les bulletins de recensement, il va mettre à part quelques bulletins qui correspondent aux personnes qui sont nées ces quatre jours de l'année très particuliers, qui ont été tirés au sort, en quelque sorte, et on va ensuite constituer des bases de données longitudinales où on suit les gens de recensement en recensement, ça s'appelle l'échantillon démographique permanent. Pour les jeunes issus de familles d'Afrique subsaharienne, on a des taux de chômage de 35 et 33%, à peu près 20% de ces jeunes sont au chômage ce qui représente un jeune actif sur trois qui est au chômage. Il y a actuellement plus de 630 000 personnes qui sont dans l'échantillon démographique permanent. Dès qu'il y a des éléments de leur état civil qui arrivent, soit s'ils naissent, un de ces quatre jours de l'année ou s’ils se marient ou s'ils divorcent ou s'ils décèdent, on intègre dans cette base de données les informations. Comme ça, on peut étudier différents phénomènes : la mortalité selon les milieux sociaux, selon la nationalité. Pour les jeunes d'origine marocaine, on a aussi des taux élevés. Ils sont généralement un peu moins élevés que pour les jeunes d'origine algérienne. Il est clair qu'en France, les jeunes d'origine algérienne sont plus discriminés que les jeunes d'origine marocaine qui, eux-mêmes, sont plus discriminés que les jeunes d'origine tunisienne. Ça apparaît, là aussi, vous voyez, jeunes d'origine tunisienne, 19% sont au chômage ce qui représente un taux de chômage de 30%, ce qui est inférieur au chiffre plus élevé qu'on a pour les jeunes d'origine algérienne, par exemple. Mais on peut aussi remarquer qu'il y en a qui quittent la France. D'ailleurs, mon livre s’appelait Partir ou rester, parce que justement j'étudiais ceux qui restent vivre en France mais je regardais aussi quelles étaient les caractéristiques de ceux qui avaient quitté la France. Lorsque j'étudie cette discrimination, au préalable, j'étudie la réussite scolaire des jeunes issus de l'immigration parce que - je vais dire une phrase assez terrible - si le système éducatif discrimine, selon l'origine, alors les employeurs n'ont plus besoin de le faire de fait puisque le système éducatif l'a fait à leur place, c'est-à-dire que si on pénalise les jeunes en fonction de leur origine dans le système scolaire, ensuite les employeurs, eux, diront : « non, on ne discrimine pas, c'est en fonction du diplôme obtenu qu'on recrute les gens ». Le préalable à une étude scientifique rigoureuse des phénomènes discriminatoires, c'est de se demander si le système éducatif discrimine. Socialement, ce n'est pas neutre, ceux qui quittent la France. Ça va être soit ceux qui étaient les plus en difficulté sur le plan familial, scolaire et professionnel, c'est une intégration ratée si vous voulez. C'est le découragement dans la société française, on quitte la France pour partir vers un autre pays ou pour partir vers le pays d'origine des parents. C’est rare au début des années 1990 pour les jeunes d'origine algérienne quand il y a eu les conflits armés en Algérie. Mais ensuite, ça redémarre un petit peu. Pour les jeunes d'origine polonaise, c'est sûr que tant qu'il y avait la dictature dans les années 80, aucun jeune d'origine polonaise ne retournait vivre en Pologne. Maintenant il y en a quelques-uns, ce sont des phénomènes minoritaires surtout pour ceux qui sont nés en France. Mais socialement c’est soit les plus défavorisés, soit au contraire, ceux qui ont le mieux réussi leurs études qui peuvent espérer être diplomates, universitaires, hauts fonctionnaires, chefs d'entreprises, avocats dans le pays d'origine. Donc, on a cet effet là qui apparaît et je l'ai étudié dans mes travaux. Les données existent. On peut étudier les diplômes des 20-29 ans selon les fils de parents français de naissance, les filles de parents français de naissance, les enfants dont les parents sont immigrés, les fils de parents immigrés etc. On peut étudier selon qu'on a par exemple, un père immigré maghrébin et une mère française de naissance, ou une mère immigrée Maghrébine et un père français de naissance. On peut aussi étudier quand il y a des familles monoparentales, par exemple maghrébines. On 28 toutes caractéristiques équivalentes égales, c'est pénalisant, ça augmente le chômage. On a un pourcentage relatif de 19% comme vous le voyez sur la troisième ligne du tableau, en haut, dans la dernière colonne, ça a donc un effet. peut aussi étudier au moins un parent d'Afrique subsaharienne par exemple ou au moins un parent d'Asie du Sud-Est ou au moins un parent turc. Dans 95% des cas - car il y a moins de mariages mixtes dans ce cas là - les deux parents étaient Turcs. Et on a des données très précises sur le niveau de formation qu'ils obtiennent. J'ai poursuivi ces enquêtes en envisageant aussi la mixité possible des origines des jeunes issus de l'immigration. Avoir un père immigré et une mère française ou avoir un père français et une mère immigrée, en fonction de l’origine en plus, immigrée maghrébine ou immigrée d'Afrique subsaharienne etc. Donc, on voit que les jeunes dont les deux parents sont immigrés maghrébins vont être plus discriminés que ceux dont le père est maghrébin et la mère française de naissance, par exemple. Vous voyez le coefficient de plus 110% pour les deux parents immigrés maghrébins et seulement - si on peut se permettre de le dire - de plus 40% lorsqu'il y a le père Maghrébin et la mère française de naissance et puis, quand la mère est Maghrébine et le père français de naissance, pas de différence significative. En complément de ces travaux, j'ai été dans les services du Premier Ministre entre 2000 et 2002 pour diriger un rapport qui s’appelait « Immigration, marché du travail et intégration » pour le Commissariat au plan, commandé par Jospin. Puis j'étais de ceux, avec quelques économistes, qui ont initié aussi le rapport « Ségrégation urbaine et intégration sociale » qui a été publié ensuite par Raffarin en 2004, après qu'il ait attendu dix-huit mois dans les placards. Ce rapport « Ségrégation urbaine » intégrait aussi la question de la discrimination en fonction du lieu de résidence des populations. Habiter au Val Fourré ce n'est pas la même chose qu’habiter dans le 16ème arrondissement. On peut relier ça à plusieurs facteurs mais notamment au patronyme parce que quand le père est Français de naissance et que la mère est maghrébine, le jeune va porter un patronyme français, moins susceptible d'entraîner la discrimination. C'est une dimension que j'ai intégrée aussi dans les travaux économétriques que j’ai fait plus récemment comme vous pouvez le voir dans la partie haute, à droite de la diapositive. Là, ce sont des jeunes hommes actifs d'origine maghrébine, versus ceux qui dont les parents sont deux Français de naissance, on voit qu’il y a un coefficient positif 0,371, deux petites étoiles ça veut dire que statistiquement ça signifie quelque chose. De plus, dans ce cas-là, certains de ces jeunes d'origine mixte ne veulent pas être classés comme jeunes issus de l'immigration, allez ensuite leur faire des statistiques ethniques, je peux vous dire qu’eux, généralement, ils sont aux deux tiers, contre. Ces jeunes-là sont de nationalité française ce qui montre bien, en plus, la réalité de l'ampleur de l'effet de la nationalité française qui apparaît souvent. Je ne vous ai pas précisé la situation de référence sur les tableaux. On avait un taux de chômage de 15%. Ce qu'on appelle la situation de référence, ça apparaît en haut à gauche, si on a les mêmes caractéristiques mais qu'on habite en zone urbaine sensible, le taux de chômage est non pas de 15% mais de 21%, c'est-à-dire de 5 à 6% supérieur, c'est-à-dire une augmentation relative de 36%. Ça montre qu’on est discriminé en fonction de son lieu d'habitation. Ça, c'est montré par les testings, qu'on soit Français de naissance ou pas. Alors, quand on habite des quartiers défavorisés de la Politique de la Ville, il est clair qu'il y a un effet stigmatisant qui joue. Habiter en zones urbaines sensibles apparaît aussi pour les jeunes femmes, pénalisant. Ça augmente le chômage de 35%, on retrouve un chiffre tout à fait comparable. n Alors là, on quitte l'origine au sens ethnoculturel comme diraient certains du terme, mais c'est un problème qui est important parce que derrière cela, ce sont les problèmes aussi d'accessibilité au marché de l'emploi, de développement des réseaux de transport en commun. À Rennes ce n'est pas le cas parce qu'on a voulu construire une ligne de métro qui aille du Blosne à Villejean, du quartier sud à Villejean, mais il y a des villes et des régions en Ile-de-France ou dans l'agglomération de Marseille ou de Lyon où les élus ont consciencieusement fait en sorte que, justement, les transports en commun ne desservent pas bien ces quartiers de la Politique de la Ville et ces zones défavorisées. C'est un véritable problème pour pouvoir ensuite accéder à l'emploi. LA POSITION DE JEAN-LUC RICHARD, NON FAVORABLE AUX STATISTIQUES ETHNIQUES Je suis de ceux qui pensent que les statistiques ethniques ne semblent pas une solution. Alors que je suis non seulement convaincu que les discriminations existent, je me suis, y compris, engagé dans l'action publique pour contribuer à des politiques publiques de lutte contre les discriminations. Mais je ne suis pas favorable aux statistiques ethniques parce que je considère d'abord que les données existantes permettent d'étudier les questions. Là, on voit encore une fois que les jeunes d'origine algérienne sont davantage discriminés que ceux d'origine marocaine ou tunisienne, on peut imaginer qu'il y a des raisons liées aux contentieux historiques de la guerre d’Algérie. L’équivalent en Angleterre s'appelle la National Longitudinal Study. Il y a 150 chercheurs qui travaillent dessus. En France, nous sommes cinq chercheurs à travailler sur l'échantillon démographique permanent et sur les cinq, il n’y en a qu'un seul qui travaille sur les discriminations. Le vrai problème c'est que ces On voit toujours dans ces modèles, là ce sont des jeunes femmes, par exemple, qu’être étrangère et non pas Française, à 29 données qui coûtent des millions d'euros ne sont pas facilement accessibles et sont sous-utilisées, ça c'est un vrai problème. pas dit oui aux statistiques ethniques telles qu'on les entend dans certains pays où ça existe, alors qu’ils étaient majoritairement pour, au départ. Il y a eu un débat et, effectivement, nous, on a créé notre contre-rapport, notre contre-commission sur ce sujet avec le démographe breton Hervé Le Bras que vous connaissez peut-être, avec Elisabeth Badinter, on était 22 avec des positions très variées. Vous en aviez de gauche comme de droite, des nationaux républicains comme on dit qui veulent surtout pas qu'on fasse de statistiques de quoi que ce soit. Vous en aviez d'autres qui, comme moi, en ont une approche beaucoup plus modérée. Depuis quelques années, ce débat sur les statistiques ethniques a rebondi, il traverse la gauche et la droite. Vous allez trouver des universitaires de gauche qui sont pour et des universitaires de gauche qui sont contre. Vous allez trouver des gens de droite qui sont pour et des gens de droite qui sont contre. Vous allez trouver des gens d'extrême droite qui sont pour parce qu'ils veulent faire des projections démographiques apocalyptiques de la population française dans les trente ans qui viennent. Et en plus, ils font des hypothèses où il n'y aura pas de mariage mixte, où tout enfant ayant un seul parent immigré garde la nationalité de ses parents et ne prend pas la nationalité française alors qu'il l'a dès la naissance, juridiquement. Mais vous en avez aussi à l'extrême droite qui sont contre les statistiques ethniques, j'ai cru comprendre que c'était aussi la position de Marine Le Pen, par exemple, qui n'est pas celle de Gollnish ou de Mégret. Donc, on a fait notre contre-rapport et finalement, ce rapport a eu une influence puisque le COMEDD a beaucoup évolué et est arrivé à une solution qui est, finalement, pas très éloignée de la mienne dans la mesure où elle dit qu’il faut surtout utiliser les données qui existent. Il faut avoir des données sur les nationalités et lieux de naissance des individus et de leurs parents et c'est à partir de ça qu'on va pouvoir faire des études. Alors ils ont proposé une généralisation totale de ce genre de données, pour quasiment toutes les enquêtes - moi je pense que c'est peut-être un peu excessif - il faut voir quand c'est pertinent, mais il y a eu un net progrès. Le récent débat autour des statistiques ethniques et l’évolution du COMEDD Cependant, comme ils avaient pris position pour les statistiques ethniques pendant des mois finalement, et surtout que la première version du rapport disait clairement qu'il en fallait et que c'est avec des débats, des discussions en leur sein qu'ils ont évolué, ils ont dit : « mais finalement, à partir des catégories existantes, on pourra faire comme aux Pays-Bas, c'est-à-dire utiliser le vocabulaire de groupe ethnique sans avoir à demander aux gens, dans les questionnaires, quel est leur groupe ethnique ». Comme aux Pays-Bas, où on demande aux gens la nationalité de naissance des individus et de leurs parents et à partir de ça, les chercheurs qui le veulent disent : « bon il y a des personnes d'origine ethnique algérienne ou marocaine ». C’est un glissement sémantique qu'ils proposent mais pas une remise en cause totale du système statistique. Le Président de la République s'est fait élire sur un programme qui intégrait le fait qu'il y ait des statistiques de la diversité et, en particulier, des statistiques ethniques. Donc, dans un premier temps, il a sollicité la CNIL. La CNIL a donné un avis assez nuancé sur le sujet. Ensuite il a créé la commission Simone Veil pour modifier les articles de la Constitution qui rendraient alors possible la création de statistiques ethniques. À la surprise générale, la commission présidée par Simone Veil a pris position contre les statistiques ethniques alors qu'elle avait été composée pour que la décision soit autre. Ensuite, il y a eu le vote d'une loi qui créait les statistiques ethniques dans un amendement à un projet de loi qui n'avait pas grand rapport avec ça d'ailleurs, en tous les cas pas de rapport direct. Le Conseil Constitutionnel a censuré la loi. Moi je suis de ceux qui pensent qu'on doit garder les mêmes données et qu'on ne doit pas aller vers ce glissement sémantique ethnicisant, mais vous voyez que les oppositions se sont beaucoup atténuées. Si vous en doutez - c'est Jean Luc Masson qui m'a dit ça tout à l'heure - il y avait un article de Patrick Simon, samedi, dans Le Monde. Patrick Simon est un chercheur qui militait depuis quinze ans avec des forts arguments pour les statistiques ethniques et qui a fait des tests expérimentaux sur le sujet. Aujourd'hui, il se rend compte qu’il y a un certain nombre de personnes que certains auraient envie de classer dans les groupes ethniques et qui ne veulent pas l'être. Puis, il y a eu la création par Yazid Sabeg, Haut Commissaire à la Diversité qui est favorable aux statistiques ethniques, d'une commission, le COMEDD (Comité pour la Mesure de la Diversité et la Lutte contre les Discriminations), qui a fait un rapport avec cette particularité, c’était que cette commission a été composée d'une manière un peu particulière puisque, dès lors qu'on avait fait des recherches sur la discrimination et qu'on était contre les statistiques ethniques, on n'était pas invité ni auditionné. Donc je n'ai pas été invité ni auditionné, je ne m’en suis pas formalisé. Quand j'ai réalisé que d'autres grands noms de la recherche sur le sujet n’y étaient pas, je me suis dit : « Tiens ! C’est bien curieux ». Il y en a un seul, Monsieur Amadieu qui a été invité. On était 22 autour de lui le jour où il a pris la décision d'y aller. Il a lu une position au nom de 22 chercheurs qui étaient opposés au projet de statistiques ethniques avec cette particularité : on avait exigé de lui, contrairement à tous les autres intervenants devant cette commission et qui étaient auditionnés, qu'il remette, huit jours à l'avance, le texte de ce qu'il allait dire. Mais les gens de cette commission n'ont La difficulté du classement C'est aussi l'enjeu du débat de savoir si les gens doivent être classés dans tel ou tel groupe de manière volontaire en se déclarant comme tel ou, si au contraire, on va les classer, c'est-àdire si c'est celui qui fabrique les données qui classe les gens ? Il y a peut-être des gens que vous auriez envie de classer comme Breton ou pas Breton, Noir ou pas Noir, Maghrébin ou pas 30 leurs parents ce qui permet aussi déjà d'approcher les situations, ça ne donne pas une photographie parfaite. Maghrébin et qui ensuite, si vous leur apprenez que vous les avez classés comme ça, ne seraient pas d'accord qu'on les classe ainsi parce que eux-mêmes ne se ressentent pas comme tels. Le petit enfant d'Antillais, par exemple, dont les quatre grands parents étaient Antillais mais qui sont venus en Métropole, donc ensuite, ils ont eu des enfants en France et puis cet enfant d'origine antillaise s'est marié avec une autre personne d'origine antillaise et a des enfants, donc on en est aux petits-enfants. Si effectivement, les quatre grands-parents sont d'origine antillaise, on pourra éventuellement, facilement le retrouver mais est-ce qu'il faut des données sur les grands-parents comme aux heures les plus tragiques de l'histoire de France, c'est un débat qu'on peut avoir. L'expérience que j'ai, à la fois, des données et aussi de pas mal d'entretiens avec de jeunes issus de l'immigration, c'est qu'il y en a un tiers qui se considère comme Français. Je suis né en France, je suis à l'école de la République, je suis Français et je n'ai pas envie de cocher autre chose dans une enquête. Et c'est clair que ces jeunes-là, ce sont ceux qui ont eu le moins de difficultés donc ils vont plutôt habiter dans des quartiers mieux intégrés que dans des quartiers les plus stigmatisés, ils ont souvent eu une réussite scolaire un peu meilleure, ils ont eu peut-être moins de difficultés dans l'accès à l'emploi. Comme ils ont la nationalité française, ils ont parfois, assez souvent, dans certaines filières, réussi à devenir fonctionnaire et à être recrutés dans la fonction publique. Et puis, il y a la mixité des origines, des mariages. On ne peut pas classer les gens en première, deuxième, troisième et quatrième génération parce que quand un enfant d'immigré se marie avec un arrière-petit enfant d'immigré, il est quoi alors, il est deuxième ou quatrième génération ? Ou alors, on fait deux plus quatre divisé par deux et on dit troisième génération alors qu'en réalité, c'est ni l'un ni l'autre, ce n'est pas trois, ça peut être deux ou quatre. Ça pose des questions complexes, mais c'est une critique qui mérite qu'on fasse des études sur les discriminations et les enquêtes qui sont autorisées actuellement peuvent être amplifiées et généralisées. Il y a un tiers des jeunes qui dit : « nous, c’est sûr, on est Français mais on est d'origine étrangère ou d'origine immigrée, nos origines ça compte et on est prêt à répondre dans des enquêtes ce que sont nos origines ». Et puis vous avez, à peu près, un tiers des jeunes qui considère qu’ils font partie de groupes ethniques et qui sont prêts à répondre oui, je suis de l'ethnie kabyle ou je suis de l'ethnie arabe, musulmane ou maghrébine ou je suis un Black ou un Noir ou un afro-français, enfin toutes sortes d'expressions, sachant que c'est très difficile d’ailleurs de faire des catégories. On trouvera même aussi des nationalistes bretons qui seraient ravis de cocher une case au recensement, je suis Breton. Dernier point, c'est toujours sur cette question des populations que l'on n'a pas, ce sont les petits-enfants dont les quatre grands-parents étaient immigrés d'un autre pays et donc souvent, les enfants nés en France dans ce cas-là sont devenus Français, alors les enfants des enfants, ils sont Français aussi. Donc c’est vrai que dans les bases de données, on n'a pas les petits-enfants de quatre ou trois grands-parents immigrés et que pour étudier dans ce cas-là, c'est un problème. Alors il faut réfléchir quels sont les avantages et les inconvénients de ces limites. En réalité, il n'y a pas une communauté, moi, j’utilise très peu ce mot « communauté ». Parmi nos concitoyens aussi bien bretons d'origine comme moi ou issus d'immigration étrangère, il y en a qui vont se sentir très bretons et d'autres pas tellement, d'autres très français et d'autres pas tellement. L'idée de communauté, d'avoir une lecture ethnique de la société ne me semble pas pertinente, mais je ne suis pas non plus de ceux qui nient l'influence des origines. Je pense que les tableaux que j'ai présentés aujourd'hui le démontrent. Vous pouvez trouver sur le site, pour ceux qui sont intéressés, outre l'article que vous aviez, les tableaux etc. que j'ai présentés. Ils sont disponibles sur mon site perso sur le site de l'université de Rennes I et vous pourrez ainsi trouver les données et les chiffres détaillés si ça vous intéresse. Quelle est la limite de sa position ? On n’a pas parlé de ceux dont la couleur de peau peut faire qu’ils sont victimes de discriminations mais qui n'apparaissent pas dans les données. On peut penser, par exemple, à beaucoup de nos compatriotes issus de l'Outre Mer, des Antilles ou de La Réunion. Sur cette question-là j'ai une réponse claire, c'est qu'il faut redévelopper des grandes enquêtes sur les processus d'intégration ou migratoires et d'insertion professionnelle de nos ressortissants issus des DOM TOM. Ça s'est fait dans les années 1990, 1992 je crois, c'est une question de volonté politique de financement mais on pourrait envisager des études et qui traitent bien évidemment de la discrimination. On dispose quand même de la possibilité de demander aux gens - on a dans les données - le lieu de naissance des individus, de 31 Échanges avec le public Du coup, je ne me suis pas encore posé vraiment la question de savoir comment on pourrait le faire, mais on peut demander aux gens leur nationalité et leur lieu de naissance. Il y a déjà des collectivités locales, à Rennes, par exemple, qui commencent à réfléchir à ces sujets et qui cherchent à accompagner justement un certain nombre de concitoyens issus de l’immigration dans une préparation à des concours de la fonction publique afin que contractuels des collectivités locales puissent espérer réussir les concours de la fonction publique territoriale. Moi, je suis plus pour des mesures incitatives de ce type que pour des fichiers généralisés. Erwann le Hô - On va essayer de prendre un gros quart d'heure pour les échanges sur la question des statistiques ethniques. Vous l'avez dit, c'est une question délicate et ça a dû forcément susciter des interrogations et des demandes de compléments dans le public donc, n'hésitez pas, c'est la séance d'échanges avec nos invités. Participante - En fait, très souvent sur la question de la mesure des discriminations liées aux critères d’origine réelle ou supposée, il est posé la question d’outils de pilotage dans les organisations et les entreprises et je suis très intéressée à entendre les moyens que vous déployez pour mieux connaître ces discriminations. Mais, je m’interroge sur quels seraient les moyens en entreprise ou dans les organisations publiques pour réaliser cette mesure plutôt quantitative et qualitative ? Participant - Je voulais juste poser quelques questions. La première, vous avez cité des Algériens, j’aimerais bien savoir qui sont les Algériens. L’immigration algérienne que vous avez sondée, à qui avez-vous posé les questions et estce que ce sont les immigrés qui sont arrivés après l’indépendance ou est-ce que vous avez choisi aussi les fils de Pieds Noirs ou de la première vague d’immigration algérienne ? En sachant qu’aujourd’hui, il y a un autre phénomène migratoire qui est en train de se faire, c’est celui de l’immigration vers l’Algérie. Donc il y a des Français qui sont en train de demander la nationalité algérienne aussi, cela existe. Jean-Luc Richard - C’est une question qui est essentielle, vous l’avez dit. Vous avez vu que le COMEDD propose qu’il y ait des instruments, comme on dit, de monitoring pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés ce qui pose la question de savoir pourquoi à 248 salariés, il n’y aurait rien et on peut imaginer qu’un certain nombre de salariés d’entreprises de moins de 250 salariés se sentiraient du coup discriminés par rapport à ceux qui seraient dans des entreprises de plus de 250 salariés. La deuxième question c’est : qui sont les immigrés ? Estce que ce sont simplement les Maghrébins, les gens de l’Afrique subsaharienne, pourquoi n’avez-vous pas questionné les Chinois ? L’immigration aussi de l’Europe de l’Est ? Au-delà de cette remarque, il est clair que l’établissement de données serait un changement total de la philosophie et de ce qui a prévalu en France depuis des décennies et pour nous, ce serait un grand changement. Donc c’est quelque chose qui est assez impensé finalement. Et puis, il y a un constat aussi, un troisième, c’est celui du futur. Ce sondage sert à quelque chose, il sert à donner des leçons. Or, nous savons que bientôt va se dérouler, je suis peut-être un peu fataliste, une immigration qui est écologique donc liée à l’écologie. Dans le sud, nous avons la désertification et dans le nord il y a la montée des eaux. Pourquoi ne pas dépasser ce stade, un peu alarmiste, si je peux oser, et parler aussi du futur ? Les entreprises, celles qui le font actuellement ou les institutions publiques ou parapubliques le font de manière illégale, on le sait, des offices d’HLM, par exemple, qui de fait ont été condamnés aussi pour ce genre de pratique. Jean-Luc Richard - Il y a trois questions et je vais répondre aux trois questions. Dans la première, vous avez évoqué l’immigration départ hors de France. Effectivement, c’est un phénomène qui mérite d’être étudié. Ayant écrit le bouquin Partir ou rester, je dois vous avouer que j’étais le premier à étudier les personnes issues de l’immigration en France. Non pas en se demandant simplement s’ils s’intégraient en France, mais en se posant la question de savoir s’il n’y en a pas qui quittaient la France, cela n’avait jamais été fait. Donc, sur les 15 000 que j’avais suivis pendant 15 ans avec les données de l’INSEE, il y en avait effectivement 3 000 sans doute, à peu près, qui avaient quitté la France. Donc, je suis de ceux qui sont convaincus que c’est un phénomène important mais, par rapport à la thématique de la lutte contre les discriminations, le lien existe mais il n’est pas essentiel, ce n’est pas le plus fort. Nous ici, en France, on étudie les discriminations des personnes qui vivent en France, on est bien d’accord. C’est vrai qu’il y a un lien dans la Jusqu’à présent, c’est illégal. On ne peut pas s’appuyer sur des bonnes expériences françaises parce qu’en plus, on voit bien qu’il faudrait que ce système soit compatible avec l’ensemble des autres traditions que l’on a en France et notamment, cette réticence générale des Français à être fichés qui est beaucoup plus grande que dans d’autres pays. Il y en a qui sont pour, Patrick Lozes, le président du CRAN est totalement favorable, vous l’avez peut-être vu, il souhaitait être candidat à l’élection présidentielle il y a quelques jours encore. Lui, il souhaite qu’il y ait des statistiques sur les Noirs en France. J’ai participé, l’autre jour, à une réunion avec plusieurs dizaines de jeunes actifs d’associations issus de l’immigration d’Afrique subsaharienne qui, eux, étaient totalement contre. Donc, je pense qu’actuellement, nous ne sommes pas dans une situation où il y a une acceptation, une acceptabilité de tels systèmes de monitoring, c’est ma position. 32 de départ les mêmes données et ensuite ils ont interrogé les jeunes qui étaient dans cette base de données que j’utilise moi aussi. mesure où des personnes discriminées peuvent du coup décider de quitter la France et j’ai fait le lien entre ces deux phénomènes mais ce n’était pas eux, c’est vrai, l’objet principal du propos aujourd’hui. Sur 100 jeunes qui étaient présents en France en 1975, il n’y a eu que 59 % pour lesquels on avait eu les questionnaires MGIS en 1992 alors qu’on sait qu’il y en avait 75 % qui étaient encore en France au même moment. Il y avait eu de l’ordre de 20 % de refus de réponse parmi les jeunes issus de l’immigration au moment de répondre à cette enquête. Votre deuxième question : qui sont ces personnes interrogées ? On a 1 % des jeunes issus de l’immigration et, par exemple, là, vous voyez que ce tableau il porte sur - c’est écrit en bas – un nombre d’individus - en bas à droite – 21 634. Vous voyez ce sont des échantillons de très grosse taille qui permettent d’étudier les trajectoires de plusieurs milliers de jeunes issus de l’immigration. Pour l’enquête TeO, il y a aussi d’autres aspects, l’enquête est sans doute mieux acceptée mais il y a encore d’autres problèmes. Un des problèmes des statistiques ethniques ou des catégories s’en approchant, quand on interroge les gens sur les discriminations, c’est que les gens se déclarent d’autant plus dans des groupes qu’ils se déclarent comme discriminés ou dans des groupes ethniques qu’ils ont ressenti eux la discrimination. Là, vous voyez, ce sont de très gros échantillons de l’INSEE, Il y a 21 634 jeunes qui ont entre 23 et 29 ans en 1999 donc, si je ne me trompe pas, ils ont entre 23 et 29 ans en 1999, les plus vieux sont nés en 1970. Ils sont arrivés en France après l’indépendance de l’Algérie et surtout, en plus, la majorité d’entre eux sont nés en France. Là, le critère était qu’il y ait, au moins, un des parents immigré et ensuite, parmi ces jeunes, la majorité sont nés en France mais il y en a aussi une minorité qui était arrivée en France durant leur enfance, en même temps que leurs parents ou un peu après. J’ai d’ailleurs étudié le fait qu’ils soient ou pas immigrés eux-mêmes. Voilà les données dont on dispose. Donc, je dirais que ces statistiques ethniques ou quasi ethniques ne reflètent pas forcément la réalité puisque les jeunes qui n’ont pas été discriminés n’ont pas envie ou, moins souvent, se déclarent comme membres des communautés dites discriminées ou des groupes minoritaires. Du coup, ce sont plutôt les discriminés qui vont se déclarer comme membres de groupes minoritaires. Comme c’est un centième de la population française, on peut étudier toutes les origines. Moi, par rapport au sujet, j’ai étudié notamment dans ce tableau là, les jeunes issus de l’immigration maghrébine. Dans les études que j’ai faites, j’ai aussi des jeunes issus de l’immigration d’Asie du Sudest ou les jeunes issus de l’immigration turque et j’ai fait des tableaux équivalents pour étudier les phénomènes. Il y a une directrice de recherche de l’INED qui a fait un article qui s’appelle « Chronique de discrimination annoncée », elle a dit : « je peux d’ores et déjà vous dire qu’on va trouver des niveaux très élevés de discrimination dans cette enquête TeO » puisque justement tout est fait pour les gens qui se sentent discriminés se déclarent comme tels et se déclarent comme membres de groupes potentiellement discriminés. Justement, ces données permettent d’avoir la grande diversité des vagues migratoires mais le problème c’est qu’elles sont sous-utilisées. J’ai écrit peut-être quelques centaines de pages à partir de ces données, depuis vingt ans. Mais il est clair que si on était quatre ou cinq à travailler sur ce sujet, on aurait eu un panorama bien plus complet de l’intégration des jeunes issus de l’immigration turque, des jeunes de l’immigration d’Asie du Sud-est, de l’immigration d’Afrique subsaharienne, que je ne peux faire seul, avec cette volonté qui est de ne froisser personne. C'est-à-dire, présenter à la fois les tableaux pour l’Afrique subsaharienne, pour l’Asie du Sud-est, pour la migration turque etc. et d’essayer d’apporter au moins les données générales de cadrage pour chacune des grandes vagues migratoires qui ont marqué l’histoire de l’immigration en France. Cela ne veut pas dire que les discriminations n’existent pas, elles existent, elles sont massives mais il faut faire attention que les enquêtes que l’on mène n’amènent pas à exagérer la situation, notamment, en incitant essentiellement ceux qui sont discriminés à se déclarer comme membres de groupes discriminés alors que les autres ne seraient pas finalement incités à se déclarer soit comme membres de ces groupes, soit comme non discriminés. Participante - Je voulais savoir quelle est la position de l’Europe sur la statistique. Il me semble qu’actuellement, on a des subventions du Fonds Social Européen (FSE) pour certaines politiques publiques et que les statistiques FSE indiquent des critères sur les migrants, entre autres. Et la politique française est assez différente, donc je voulais savoir quelle était l’évolution de l’Europe par rapport à cela. Il y a des progrès à faire mais ces données elles existent fondamentalement. En plus, contrairement aux enquêtes spécifiques, parce que j’ai été très critique vis-à-vis à la fois de l’enquête MGIS et maintenant de l’enquête TeO, ces données qui sont issues du recensement ne sont pas des enquêtes faites sur cette thématique là. Parce que quand on dit aux gens qu’on va enquêter sur une thématique particulière, on entraîne en réaction des comportements spécifiques des gens interrogés. Je le sais d’autant plus que par exemple, l’enquête MGIS (Mobilité Géographique et Insertion Sociale) de 1992 avait pris comme base Jean-Luc Richard - Il y a deux choses, il y a les incitations et les obligations. À ce jour, la politique d’intégration et de lutte contre les discriminations relève de la souveraineté nationale et des politiques de chacun des États. Donc il n’y a pas de directive européenne qui obligerait les États à choisir tel ou tel type de politique. La directive eu- 33 mais utilise le vocabulaire ethnique et puis la Grande-Bretagne, par exemple, a des statistiques ethno-raciales. Mais il n’y a pas une position claire au niveau européen sur le sujet puisque dès qu’un pays n’est pas d’accord, il peut dire : « mais cela relève de notre souveraineté ». ropéenne oblige les États à mettre en œuvre une politique de lutte contre les discriminations, elle n’oblige pas les États à choisir tel ou tel type de politique. Après, il y a différentes instances européennes, cela peut être le Parlement, la Commission, en dehors de l’Union Européenne, le Conseil de l’Europe, le Conseil Économique et Social européen qui peuvent, chacun, prendre des positions diverses ou variées selon les majorités ou selon les rapporteurs à qui on confie ces dossiers, ou les experts qu’on auditionne pour savoir s’il faut que les États créent ou pas des statistiques ethniques. Aux États-Unis, ils se demandent s’ils vont continuer à faire des statistiques ethno-raciales parce que de plus en plus de gens c’est minoritaire - refusent de répondre à ces questions et de plus en plus de gens comme le grand golfeur Tiger Woods ont coché quatre cases au recensement. Tiger Woods, il a un grand parent asiatique, un grand parent descendant d’esclave noir comme on dit, un grand parent irlandais et le quatrième, c’est indonésien, je pense, il a coché quatre cases. L’Europe a progressé dans l’harmonisation des statistiques sur les immigrants. Qu’est-ce qu’un immigrant, qu’est-ce qu’un immigré comme on le dit plutôt en France ? Il n’y a qu’en France qu’on dit immigré, dans tous les autres pays, on dit immigrant. On a progressé à ce niveau là, l’harmonisation des statistiques européennes sur l’immigration est faite, l’harmonisation des statistiques sur les populations issues de l’immigration n’est pas faite parce qu’elle n’existe pas, dès lors qu’il y a des pays qui ont des statistiques ethniques et d’autres qui n’en ont pas. Au prochain recensement, il y aura des statistiques ethniques et raciales aux États-Unis mais est-ce qu’à celui d’après il y en aura encore ? On ne sait pas. En Afrique du Sud, ça a disparu, Nelson Mandela, Président de l’Afrique du Sud a dit : « nous allons construire une République post-raciale ». Donc, il y a un mouvement qui est complexe. Les pays qui en avaient se demandent si cela vaut le coup de continuer à en avoir et les pays qui n’en ont pas sont animés par un débat sur le fait qu’il serait peut-être très bien d’en avoir mais la situation est très complexe. Mais il y a deux grandes tendances, la moitié des pays de l’Union Européenne a des statistiques ethniques et l’autre moitié n’en a pas. L’Espagne, l’Italie et la France n’en ont pas et n’utilisent pas du tout le vocabulaire ethnique, la Hollande n’en a pas 34 ATELIERS THÉMATIQUES Rappel des objectifs et de la méthode d’animation Le déroulement des ateliers était prévu comme suit : L’après-midi, ont eu lieu cinq ateliers thématiques autour de la lutte contre les discriminations dans les domaines suivants : Brève introduction par le membre du CRDED pour présenter l’atelier et l’expert(e)/chercheur(e) marché du travail/monde de l’entreprise école Intervention de 15 minutes par l’expert(e)/chercheur(e) sur les discriminations dans le champ concerné santé Réactions des participants/Présentation d’expériences locales logement Débats/Échanges travail social Il s’agissait d’échanges interactifs entre les participants, où pour chaque atelier, les règles juridiques, les processus discriminatoires propres à chaque champ et des présentations d'actions de lutte contre les discriminations ont été abordés. Des rapporteurs par atelier étaient chargés de prendre des notes, et de repérer les éléments principaux pour la restitution de l’atelier en plénière : Le but était de questionner les expériences respectives d'actions visant à prévenir et à lutter contre les discriminations en les présentant comme des démarches valorisantes pour les professionnels, et dans la perspective de les développer ou de les renforcer. Contexte/état des lieux des discriminations dans le domaine concerné Présentation d’actions de lutte contre les discriminations Questionnements Perspectives À l’issue des ateliers, les rapporteurs et les co-animateurs membres du CRDED ont préparé ensemble la restitution de l’atelier et la rédaction du powerpoint. L’animation dans chaque atelier était assurée par un binôme : un(e) chercheur(e)/expert(e), dont le rôle était d’apporter un éclairage scientifique et théorique, de favoriser la prise de conscience des pratiques discriminatoires, et de répondre aux réactions des participants. Cette restitution des cinq ateliers par cinq membres du CRDED en salle du conseil avait pour objectif de permettre à tous les participants de prendre connaissance du contenu des ateliers auxquels ils n’avaient pas participé. Dix minutes de présentation étaient prévues par atelier. Un(e) membre du CRDED, dont le rôle était d’apporter un regard local sur cette question, assurer la modération des échanges, donner la parole aux participants, dynamiser l’échange… 35 Mise en garde à propos de la rédaction des synthèses des ateliers Bien qu’il existait une trame que les ateliers devaient suivre, chaque animateur disposait cependant d’une certaine marge de manœuvre. Cela explique pourquoi les synthèses n’ont pas tout à fait la même forme. Nous avons tenté de synthétiser de la manière la plus fidèle possible les ateliers, et de mettre en valeur leur aspect interactif, sans que le contenu en soit dénaturé. Les propos ont été restitués par thèmes et non de manière chronologique. La plupart des noms des participants qui ont pris la parole lors des ateliers ont été anonymisés, sauf pour les co-animateurs (experts et membres du CRDED). Cependant, lorsque cela s’avérait pertinent et en lien avec le contenu des propos, les fonctions et les structures de ces personnes ont été précisées. Enfin, le contenu des ateliers figurant déjà dans les synthèses suivantes, nous n’avons pas retranscrit la restitution des ateliers qui a eu lieu en plénière, pour éviter la redondance. Nous avons en revanche reporté les échanges qui ont suivi cette restitution. 36 ATELIER Emploi / Marché du travail « Égalité, diversité, lutte contre les discriminations sur le marché du travail et dans le monde de l’entreprise : échanges sur les outils existants » n Intervenant : Philippe Cormont, formateur et consultant au cabinet COPAS (Conseil en Pratiques et Analyses sociales) Animation : Mustapha Laabid, directeur de FACE (Fondation Agir Contre l’Exclusion) Rennes Restitution : Anne Morillon, sociologue du collectif TOPIK Participants : Entreprises (Keolis, Peugeot Citroen, La Poste…), intermédiaires de l’emploi (MEIF, Mission Locale, Pôle Emploi, CLPS…), associations (Ligue des Droits de l’Homme 35, Réseau Ville Hôpital…), représentants syndicaux, consultants… n On est donc sur des actions concrètes. Il s’agit de percuter les façons de faire des collègues, comme traiter des CVs d’une manière illégale. Ce n’est pas un supplément, c’est simplement une autre manière de faire. Il faut donc travailler sur ce qu’il faut changer, et les raisons pour lesquelles il faut le changer. INTRODUCTION L’apparition progressive de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité comme outil de management Il ne s’agit pas de mettre en place des outils de lutte contre les discriminations par philanthropie. Mais à moyen terme, il existe aussi un intérêt économique à travailler de cette manière. Si Pôle Emploi commence à travailler la question des discriminations, cela permet également d‘éviter des risques juridiques. On est dans des logiques d’action qui ne sont pas dénuées d’intérêt. Il existe un flou conceptuel entre la « lutte contre les discriminations » et la « promotion de la diversité », même si cela évolue depuis 2004 autour des pratiques de RH. Dans les premières années, en 1999-2000, il y a eu beaucoup de travail autour de la lutte contre les discriminations et de la diversité en termes d’engagement moral, avec la signature de la charte de la diversité, etc. Le concept de « lutte contre les discriminations » glisse de plus en plus vers le concept de « diversité ». Il y a moins d’enjeux idéologiques et politiques autour de ces questions. Il existe de très bons Plans de Lutte pour la Promotion de la Diversité portés par des grands groupes, tout comme il existe de très mauvais Plans de Lutte contre les Discriminations. De 2004 à 2008, le travail a eu beaucoup de mal à se concrétiser jusqu’à ce qu’il y ait un rabattement global sur le cadre juridique, qui donnait des éléments bien plus concrets qu’un engagement d’une direction ou d’un président. Le débat est pertinent quand il se situe au niveau des pratiques professionnelles, des RH, de l’outillage. De nombreux outils existent, la majorité financée au niveau européen, qui s’adressent aux grandes entreprises ou aux PME. On a donc une base commune, tout le monde travaille dans la même direction. La question des discriminations bénéficie désormais d’un portage et d’engagements plus importants. n QUESTIONNEMENTS ET ÉCHANGES DE BONNES PRATIQUES Conditions nécessaires : engagement de la hiérarchie et changement des pratiques professionnelles Quels outils pour agir contre les discriminations en interne ? Une des conditions d’actions essentielles pour engager un Plan de Lutte contre Discriminations et pour la Promotion de la Diversité, c’est l’engagement de la hiérarchie. Travailler sur ces questions, c’est changer ses pratiques professionnelles, c’est professionnaliser les RH. C’est donc de l’outillage, du management, que ce soit dans une entreprise privée ou un service public. La difficulté de mettre en place la promotion de la diversité ou la lutte contre les discriminations Selon une participante, qui travaille aux RH d’un grand groupe, la promotion de la diversité et la lutte contre les discriminations est un travail de tous les jours qui n’est pas facile. 37 vent. C’était un sujet très peu connu. Aujourd’hui, la question suscite de la curiosité et de l’intérêt. Les résistances sont toujours là mais il y a aujourd’hui une meilleure connaissance du cadre juridique, de la discrimination et des critères. Néanmoins, les résistances sont de plus en plus subtiles et donc de plus en plus difficiles à percevoir. Quand on évoque la non-discrimination, ou la diversité en entreprise, on peut se retrouver face à des murs, sur la sémantique, sur la compréhension. Car, pourquoi parler de non-discrimination là où on ne devrait pas la pratiquer ? Stratégiquement selon elle, le terme de diversité est plus approprié car c’est plus positif que le terme discrimination, qui rappelle le militantisme, l’idée de lutte. Elle est donc en faveur de l’initiation et de la sensibilisation à la diversité, sur les dix-huit critères de non-discrimination. Donc quel est l’intérêt pour les entreprises de s’engager dans la lutte contre les discriminations ? Il ne s’agit pas seulement d’une question de technicité ou de choix des critères, c’est aussi une question de pouvoir. Cette résistance est encore forte en fonction des secteurs professionnels. Comment connaître la « carte d’identité » d’une l’entreprise ? Comment repérer les discriminations, lorsqu’on n’a pas de chiffres ? Le Label Diversité, qui est une certification AFNOR, est selon cette consultante, un outil de gestion de projet qui peut permettre de donner une entrée sur les actions à mener, et qui lève des résistances au sein des entreprises. Mais le Label est très exigeant et performant. Le nombre restreint d’entreprises qui l’ont, montre qu’il est difficile de l’obtenir et de le conserver. Pour Philippe Cormont, la mesure n’est pas un problème important. Ce sont les actions qui comptent. C’est une conception très moderne de l’action d’aujourd’hui. On est dans une logique de fonctionnement efficace, performant, en ordre de marche. Aujourd’hui, en France, on peut mesurer : l’âge, la nationalité, les syndicats, le handicap, le genre… Vous pouvez aussi faire des mesures pour les grands groupes à partir des noms patronymiques en demandant une dérogation de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés). C’est par cet outil qu’il y a le moins de biais possibles. Il est donc possible d’établir une « carte d’identité » de l’entreprise autour de cela. Exemples de bonnes pratiques À La Poste, une sorte de « Halde interne » a été créée, par la mise en place d’un numéro vert, qui arrive à la Direction de la Diversité, au niveau du siège de La Poste et où les personnes peuvent faire part d’une discrimination. C’est une première étape en interne, avec une personne référente à laquelle on peut s’adresser. Cela permet d’avoir une vision plus globale de l’égalité de traitement dans l’entreprise. Comment inciter les entreprises à s’emparer de cette question ? Chez PSA, trois axes ont été développés : - La Commission Diversité, au sein de laquelle 18 membres représentent les six organisations syndicales du site, accompagnés d’un animateur. Les échanges portent sur la manière de promouvoir la diversité. Il ne s’agit pas de faire un Plan sur les dix-huit critères. L’idée c’est de regarder les process. L’idée générique, c’est qu’il faut banaliser le public. On a la capacité d’évaluer si une personne possède les compétences qui intéressent l’organisation de manière neutre et objective, et donc d’assurer à cette personne une carrière au sein l’organisation, public comme privé. - L’engagement de la hiérarchie par une sensibilisation par un stage de sept heures par le cabinet Altidem (cabinet conseil qui accompagne les structures à la promotion de la diversité et à la lutte contre les discriminations), sur le management de la diversité. L’impact est plus fort quand la démarche est portée par quelqu’un d’extérieur et neutre. Les cibles sont d’abord les membres des RH, puis les interlocuteurs des partenaires sociaux. Ce qui importe, ce ne sont pas les critères, mais comment rendre les process aveugles aux différents critères. Il faut être neutre là-dessus, et pas que dans les recrutements, mais aussi dans les fiches d’évaluation. Si vous ne prenez pas de Noirs, pas de femmes, pas de roux et pas de plus de 40 ans, vous ne recrutez que sur 5% des personnes disponibles sur le territoire. Cet argument est assez parlant pour des personnes qui discriminent. - Il existe également un numéro vert pour les personnes en détresse psychologique. Il s’agit d’une cellule de veille au sein de l’entreprise, suivi au plus haut niveau. Pour que les gens s’engagent autour de ces questions, il est nécessaire de les évaluer car il n’y a engagement que s’il y a un intérêt, qui n’est pas forcément financier. On n’évalue pas les résultats, mais les process. Il est très important de former les recruteurs et les managers d’équipe. Philippe Cormont se pose cependant la question de l’efficacité des numéros verts. Que fait-on des plaintes enregistrées, comment les cas sont-ils traités ? La règle d’or selon lui, c’est l’engagement hiérarchique, être sur une logique de projet, bien cadrer les buts et évaluer les process. Quelles résistances des entreprises face à la lutte contre les discriminations ? Les modalités d’action sont différentes en fonction des structures. Dans les associations, il faut mettre en place des formations pour partager une culture, car les associations sont souvent peu formalisées. Les logiques de projet ne sont pas habituelles. S’il y a un turn over, il faut continuer à former les gens. Une consultante du cabinet Altidem constate une évolution en ce qui concerne la résistance des entreprises. Il y a quatre ans, lors de formations chez PSA, la question « mais on va travailler sur quoi ? sur la diversité technique des pièces ? » revenait sou38 Cela peut être efficace d’utiliser le registre émotionnel. Parfois, une personne va basculer parce qu’elle a été touchée. Si on est sur un changement des cultures, des activités comme le théâtre forum etc, des exemples exemplaires peuvent fonctionner. Il faut s’adapter aux gens en face. Pour les PME, les formations descendantes par des consultants ne sont pas forcément efficaces. Le rôle des intermédiaires de l’emploi, repose sur l’exigence professionnelle, de modifier les codes et les demandes du donneur d’ordre qui discrimine. On est sur de l’analyse de cas, sur les mises en situations réelles, sur la construction d’argumentaires. Le plus important étant de glisser sur la commande discriminante. Par exemple, si une entreprise demande : « je voudrais 3 soudeurs, mais que des hommes de 40 ans », il faut répondre « OK, vous voulez 3 soudeurs compétents, on va regarder dans nos CVs qui correspondent à ce profil de poste ». Un problème majeur : le mode de recrutement en France Il faut neutraliser les process de recrutement, de façon à ce que les gens ne soient pas écartés d’emblée par une caractéristique subjective. Il faut des mises en situation, il faut se former sur ces questions. Mais en aucun cas il ne faut répondre à une demande discriminante, car ce sont les intermédiaires de l’emploi qui ont la responsabilité du traitement égalitaire dans le recrutement. Il faut leur dire : « ça nous est interdit », rappeler que la discrimination est un délit. Pour Philippe Cormont, les effets du CV anonyme sont mitigés. Dans une petite structure comme la sienne, un bandeau pour cacher le haut du CV peut être efficace pour la pré-sélection des candidats. Mais il y a eu des tests dans des grandes entreprises, et on s’est rendu compte que le recrutement était moins divers. Le problème, c’est que les CV sont normés, tout le monde fait le même. Les politiques de recrutement les moins discriminantes, ce sont les mises en situation réelle de travail. Une intermédiaire de l’emploi a évoqué sa manière de travailler pour ne pas avoir une posture discriminante. Elle a pour mission de rencontrer les entreprises, d’évaluer leurs besoins, et d’être sur des critères objectifs. Mais lorsqu’un candidat est proposé, son CV n’est pas donné à l’entreprise, ce qui marche très bien lorsque les entreprises n’ont pas d’a priori. Il faut aussi travailler le libellé des offres d’emploi pour un avoir vivier de candidats un peu plus large. Par exemple, dans certaines offres d’emploi, on lit qu’il faut être « dynamique, motivé, souriant ». Par contre, il n’y a pas plus d’informations concernant les compétences requises. Pour compléter les propos précédents, une autre intermédiaire de l’emploi parle d’un problème d’intégration des nouveaux recrutés, qui peut effrayer les entreprises. Par exemple, une entreprise de BTP peut être résistante pour recruter une femme, parce qu’elle a peur pour l’intégration dans l’équipe. Parce que recruter c’est aussi intégrer : il faut donc rassurer les entreprises. Il faut travailler avec elles la manière de s’y prendre pour intégrer une personne quelle qu’elle soit, pour qu’elle soit bien accueillie. Liens entre discriminations et activité syndicale Les délégués syndicaux sont sujets à la discrimination et au harcèlement. Cette question renvoie également aux questions de management. Où en est le niveau de dialogue social dans l’organisme ? Cela dépasse le syndicat, on est sur les politiques de relations sociales internes aux entreprises. Auparavant, le dialogue social était bloqué sur la question de la diversité. Aujourd’hui, le dialogue social s’est renoué sur cette question, car cela transcende les employeurs et les salariés, etc. Lorsqu’on ne donne pas de CV, les entretiens ont lieu sur le poste, et on est déjà dans une phase d’intégration. Il ne s’agit pas de faire du placement à tout prix, mais de placer la bonne personne au bon endroit, réduire les a priori basés sur les représentations et les stéréotypes. Un représentant syndical affirme avoir récolté un certain nombre de témoignages de salariés. Ceux-ci sont tellement forts qu’il se sent incapable d’écrire un courrier de réclamation à la DRH car il craint de devenir lui-même « harceleur » et qu’il pense qu’il va se « sentir mal » par la suite. Selon Philippe Cormont, le terme « je suis mal » n’a pas à intervenir car ce n’est pas l’affect qui compte. Se demander si l’on a bien fait, est une question qui traverse beaucoup les problématiques de discrimination. Or ce n’est pas la question du bien, c’est la question du juste qui importe. Les intermédiaires de l’emploi face aux discriminations Avant, une entreprise qui discriminait, c’était normal et banal. Aujourd’hui, une entreprise qui discrimine, ça veut dire qu’elle dysfonctionne. Donc, quel est mon intérêt de rentrer en relation commerciale avec une entreprise qui dysfonctionne ? 39 ATELIER École « Discriminations dans le parcours scolaire (orientation, accès aux stages) : les comprendre pour les combattre » n Intervenante : Laurence Ukropina, enseignante à mi-temps et chargée de mission à l’Académie de Metz-Nancy Animation : Sabine Baudont, responsable du secteur "culture, insertion, discrimination", Ligue de l’enseignement 35 Restitution : Alice Naturel, coordinatrice du réseau « Démocratie et Courage », Léo Lagrange Ouest Participants : personnel de l’Éducation Nationale et Rectorat (Professeur, CPE, Directrice CIO…), Associations (Ligue de l’enseignement 35, Léo Lagrange Ouest, AFEV, Aroeven, MRAP…), équipements de quartier (maison des squares), services de la Ville, Rennes Métropole, et de l’État (DRJSCS), élus… n Si la question des discriminations avance sur certains critères comme le genre, la question des discriminations liées à l’origine reste inaudible. INTRODUCTION L’Académie de Metz-Nancy a mis en place un plan de lutte contre les discriminations à l’école, qui part des discriminations dans le parcours scolaire jusqu’à l’entreprise, issue d’une démarche régionale, le projet Talent (Territoires en Action Lorrains pour l’Égalité Nouvelle au Travail). Celui-ci s’est réalisé entre 2006 et 2008 dans le cadre du programme Equal financé par le Fonds Social Européen. Dans ce contexte, Fabrice Dhume de l’ISCRA a réalisé un diagnostic sur les difficultés d’accès aux stages des élèves de lycée professionnel en région Lorraine. Une réalité douloureuse Les exemples de discrimination dans l’accès aux stages et dans l’orientation sont pourtant nombreux. Les discriminations génèrent une grande souffrance, et d’autant plus lorsqu’elles commencent tôt, souvent dès la 3e. L’impact sur le futur est alors très grave. Parmi les exemples cités, une personne d’origine sénégalaise décide de changer de métier et choisit l’orientation « logistique » pour travailler de manière à ne pas être visible par les autres. Il y a ainsi un glissement dans l’identité : cette personne ne va plus se considérer française mais étrangère car noire, puis finit par se considérer comme sénégalaise. L’axe de travail pour l’Académie a été l’accès aux stages et l’orientation pour les jeunes issus de l’immigration. n Une jeune d’origine maghrébine obtient un stage dans un salon de coiffure. Mais on lui impose d’aller dans l’arrière boutique. Cette personne ressent alors un énorme sentiment de honte. Elle garde ça pour elle et n’arrive pas à en parler à ses amis. ÉTAT DES LIEUX DES DISCRIMINATIONS A L’ÉCOLE Les discriminations à l’école : un déni persistant Un jeune qui s’appelle Yacine trouve un stage dans une entreprise mais lorsqu’un professeur appelle cette entreprise pour rencontrer le tuteur, l’entreprise met du temps à comprendre et dit « Ah ! vous vous voulez dire Jasmin », car ils avaient francisé son prénom. La question des discriminations reste un tabou à l’école, car l’école a, a priori, une mission d’égalité. Entrer par les stages pour aborder la question des discriminations à l’école est donc stratégique. La discrimination est souvent reportée sur les familles et les élèves entre eux (question du racisme et du communautarisme entre élèves par exemple). L’institution scolaire elle-même est rarement interrogée, car la discrimination est extrêmement culpabilisante pour les professeurs. Or les discriminations sont souvent inconscientes et involontaires. Le professeur veut réagir mais cet élève ne souhaite pas que ce professeur intervienne parce qu’il aimerait que son stage se passe le mieux possible et qu’il n’y ait pas de problème. Le professeur ne sait pas s’il doit intervenir ou non. Il reconnaît qu’il y a discrimination, mais il se retrouve ensuite démuni face à cette situation, qui n’est pas simple. 40 Les enseignants peuvent jouer un rôle dans cette discrimination systémique Faire le lien avec les discriminations à l’emploi Certaines entreprises ne veulent pas prendre des stagiaires d’origine supposée maghrébine etc. Les professeurs eux-mêmes, avec la liste des entreprises qu’ils ont, savent que certaines parmi celles présentent dans leurs listes, ne souhaitent pas de personnes d’origine étrangère et donc ne proposent pas ces stages à des personnes d’origine étrangère. Cela implique des questionnements sur la manière de lutter contre ces phénomènes. Les professeurs peuvent participer à la discrimination dans l’orientation. Certains professeurs n’orientent pas les femmes d’origine maghrébine dans les secteurs du secrétariat ou de l’hôtellerie. En conseil de classe, sont évoquées des personnes qui auraient le « profil STG » : souvent il s’agit de personnes d’origine maghrébine ou turque… La phrase « je ne le vois pas faire des études longues » revient souvent également, or selon quels critères reposent de telles affirmations, si ce n’est le critère ethnico-racial ? Reconnaître la responsabilité collective en interrogeant ses propres pratiques Les responsabilités collectives impliquent toute la communauté enseignante mais aussi tous les parents d’élèves avec lesquels il faut interroger nos propres pratiques. De même, il existerait des filières pour les garçons (bâtiment, mécanique…) et d’autres pour les filles (soins à la personne, secrétariat…). Les cas de discriminations sont également entendus en Bretagne, donc il s’agit d’une réalité présente sur tout notre territoire, qui n’est pas reléguée à des secteurs urbains ou ruraux. Pour ne pas se sentir coupable, la faute est rejetée sur l’autre : les professeurs vont dire que ce sont les entreprises qui demandent tel ou tel profil pour leurs postes. À l’inverse, les entreprises vont dire que ce sont les professeurs qui orientent. Ainsi, il faut faire des efforts pour travailler sur la notion du genre mais aussi sur le critère ethnico-racial. Parfois, la discrimination est justifiée par le fait de vouloir bien faire pour l’autre. Est cité l’exemple d’une enseignante dans le primaire qui ne voulait pas avoir d’enfants noirs. Suite à cela, d’autres enseignants ont déclaré ne pas en vouloir non plus. On invoque le fait qu’un enfant noir serait maltraité, que l’environnement ne serait donc pas favorable à l’enfant. n ÉCHANGES Participante, conseillère d’orientation : Cela peut être vrai qu’un élève, quelque soit son origine, ait des problèmes vis-à-vis de l’autorité des femmes. Proposer à un élève d’aller en filière STG n’est pas forcément péjoratif, ça peut être bien pour l’intérêt de l’enfant. Enfin, une discrimination n’a pas été évoquée : celle de la carte scolaire. Elle ne concerne donc pas seulement les étrangers, car on est plus sur l’origine sociale. Des enseignants démunis face aux discriminations Il y a également de la souffrance au niveau du corps enseignant. Les professeurs peuvent avoir des préjugés comme tout le monde, et ils ne sont pas à l’abri d’avoir des pratiques discriminantes ou discriminatoires, souvent de manière inconsciente et involontaire. Laurence Ukropina : La carte scolaire peut faire des dégâts, car elle renforce la ségrégation sociale. La question de l’origine est évidente par rapport à la question de l’autorité des femmes. Quant au profil STG, il doit être justifié. Si orienter un élève vers la voie STG n’est pas justifié, cela est vide de sens et on se retrouve avec des filières ethnicisés. Mais il existe un grand manque de formation, d’accompagnement du personnel de l’Éducation Nationale face à la question des discriminations, du racisme, de l’égalité, de la violence entre élèves. Les enseignants n’ont quasiment aucune heure de formation sur ces sujets-là. L’analyse de pratiques est quasiment inexistante. Participante, chargée de mission à l’Inspection académique : Dans l’Éducation nationale, il n’y a pas moins de discriminations qu’ailleurs. On a plus tendance à réagir par ses émotions. Mais comment gérer cela dans l’établissement ? Comment vérifier que tel élève a des difficultés ? Comment prendre en charge collectivement ? n PERSPECTIVES PROPOSÉES En général, il y a une différence de traitement entre les filles et les garçons. Les sanctions visent davantage les garçons. Comment corriger cela ? Est-ce le plus efficace de sanctionner ? La situation est compliquée. Favoriser les espaces de parole, l’analyse de pratiques Il serait important de pouvoir favoriser les espaces de parole, l’analyse de pratiques et créer des temps de régulation avec des experts, des collègues, et également des élèves et des parents. Participant : Il faut peut-être relativiser la question des discriminations à l’école car de façon générale, il y a de la discri- 41 Participante, chargée de mission Politique de la Ville : Il existe un lien très fort avec les discriminations liées à l’emploi. On ne va pas présenter les métiers de la fonction publique dans les quartiers par exemple, par contre les métiers du bâtiment, oui. Or, la qualité des stages pèse beaucoup dans le CV. mination. Par exemple, les élèves dyslexiques sont traités différemment. Laurence Ukropina : Ce n’est pas parce que tout le monde peut connaître des échecs qu’il n’y a pas de discrimination. Il ne faut pas banaliser l’échec. Je connais une enseignante d’origine maghrébine qui porte cette illégitimité et qui doit toujours se justifier auprès des autres. Il ne faut pas faire porter au public la lourdeur de la tâche. OUTIL : DVD : « Lutter contre les discriminations et promouvoir l’égalité de traitement à l’école, en stage, dans l’entreprise » (2008), issu du projet Equal-Talent en Lorraine. 42 ATELIER Logement « Logement et discriminations : faut-il questionner le principe de mixité sociale ? » n Intervenante : Aude Rabaud, maître de conférences, Université Paris VII – URMIS (Unité de Recherches « Migrations et Société ») Animation : Pierre Ulliac, directeur général adjoint, Aiguillon Construction Restitution : Jean-Baptiste Voisin, directeur clientèle, Aiguillon Construction Participants : Bailleurs sociaux, services de la Ville, de Rennes Métropole, de l’État, élus, associations… n son âge, ses revenus, des informations qualitatives sur le logement recherché… LE CAS RENNAIS : LA MIXITÉ SOCIALE COMME OBJECTIF Pour attribuer un logement, on étudie l’adéquation entre la candidature et le logement recherché, avec pour principe que tout logement ne convient pas à tout le monde. Favoriser la mixité sociale par une répartition du logement social dans les communes est une spécificité de l’agglomération rennaise, issue d’une forte volonté politique. Peut-on tout objectiver ? Si en 1977, 80 % des logements sociaux étaient concentrés dans les quartiers prioritaires de Rennes, aujourd’hui, il y en a 40 %. Cela montre qu’il y a une évolution vers plus de mixité sociale. Il n’est pas toujours possible de s’appuyer sur des critères objectifs pour assurer la mixité sociale ou la paix sociale. C’est parce qu’il y a une part de subjectivité que peuvent intervenir des discriminations. Procédures d’attribution de logements sociaux Lorsque la demande donne lieu à un refus ou à un ajournement d’attribution, il s’agit toutefois de rester dans les critères objectifs. Il existe des critères légaux de refus : dépassement du plafond de ressources quelque soit le logement ; non-possession d’un titre de séjour régulier … Les bailleurs essaient cependant de garder des marges de manœuvre. Toute personne qui souhaite un logement HLM doit déposer un dossier au guichet unique, à la direction de l’habitat social de la Ville de Rennes. L’attribution d’un logement social repose sur un certain nombre de « critères objectifs », donnant un certain nombre de points : les revenus (avec un plafond à ne pas dépasser), si la personne est déjà locataire, hébergée en structures ou à la rue, si la personne a un emploi, temporaire ou non, l’état de santé… Ce système de points ne repose pas uniquement sur l’ancienneté de la demande mais tient également compte des situations sociales. L’ajournement peut s’expliquer par le souci d’assurer la paix sociale et la mixité, qu’elle soit générationnelle, économique ou sociale, et le souci de ne pas concentrer les problématiques sur un même immeuble. Lorsqu’on ajourne sur un logement, cela suppose que la personne retourne dans le « pot commun des demandeurs », dans la file d’attente. Les logements sont proposés en fonction des disponibilités et des critères des candidats. Lorsqu’un logement se libère, un candidat est proposé au bailleur et la décision collective se fait en commission d'attribution. En cas d’urgence, la Commission Locale de l’habitat, qui est une instance partenariale (Direction de l’habitat, bailleurs, structures associatives, travailleurs sociaux) décide d’attribuer un logement ou non. Concrètement, que signifie être en adéquation avec le logement recherché ? Par exemple, dans une cage d’escalier, si on constate la présence de locataires qui ne supportent pas le bruit (ce qui peut être le cas s’il y a des personnes âgées, ou des personnes touchées par la maladie, une personne ayant des problèmes d’alcool), on va être vigilant pour qu’il n’y ait pas d’enfants qui vivent au-dessus, car on suppose qu’ils peuvent être bruyants et déranger leurs voisins. On dispose d’un certain nombre d’éléments sur le candidat : s’il possède la nationalité française, s’il est ressortissant de l’Union Européenne ou hors Union Européenne, s’il possède un emploi, 43 n même temps, son application est toujours compliquée car on est pris dans toute une série de contradictions. QUELLE DÉFINITION DE LA MIXITÉ SOCIALE POUR LES BAILLEURS SOCIAUX ? Par exemple, sur la Politique de la Ville : on souhaite désenclaver certains territoires. On a une politique volontariste en fonction de ces quartiers, on y met plus de moyens financiers. Mais ces territoires sont ensuite pointés du doigt. On a donc un risque de restigmatiser des territoires. Ce qui provoque une tension : on fait à la fois du droit commun et du spécifique sur des territoires en particulier. Il n’existe pas de définition concrète de la mixité sociale. En 2011, sur Rennes Métropole, 70% des nouveaux locataires vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il peut y avoir un risque de concentration de ménages bénéficiant de minima sociaux dans certains quartiers. La réflexion impulsée par Rennes Métropoles est de voir comment les bailleurs peuvent accueillir ces personnes à faibles ressources dans des quartiers où les loyers sont plus élevés. L’origine des habitants comme risque et ressource L’un des postulats de la mixité repose sur l’idée de dispersion des populations immigrées, car il y aurait un risque de dévalorisation du parc social. Par une politique de mixité sociale, on va alors pousser à l’intégration individuelle. En même temps, il existe une tendance à la sur-sollicitation et à la participation locale des populations immigrées, pour favoriser la compréhension de la « culture de l’autre », avec l’idée de se rencontrer, d’apprendre à se connaître, de manger ce que mange l’autre. Il existe plusieurs catégories de logements sociaux, destinés à des publics avec des revenus différents. Les PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) sont les moins chers, ensuite on a les loyers dits PLUS (Prêt Locatif à Usage Social), et les PLS (Prêt Locatif Social) etc. Si on ne construit que du PLAI sur un territoire donné, on favorise la concentration de certaines catégories sociales. On va déclarer que ces quartiers sont « pleins de ressources », de dynamisme, et de savoir-faire. L’origine est à la fois vue comme un risque et comme une ressource. De ce fait, depuis cinq ans à Rennes Métropole, l’objectif du Plan Local de l’Habitat (PLH) est de favoriser la mixité sociale, en répartissant les nouvelles constructions comme telles : 25% de logements sociaux, 25% d’accession sociale, et 50% libre sur l’ensemble des communes. La France véhicule ce modèle-là : se détacher des origines pour s’intégrer, s’adapter aux normes, aux valeurs… en même temps, on met en scène les personnes d’origine d’étrangère, dans des traditions de solidarité, on souhaite des représentants de telles ou telles « communautés » dans des fêtes de quartier… Or cet acharnement peut avoir un contre-effet. L’objectif est de redynamiser les quartiers, de répartir la population pour ne pas avoir des poches de précarité, de donner à des personnes avec des revenus médians, une situation sociale stable et leur donner envie d’aller dans certains quartiers, et ce dans le but de favoriser la mixité sociale. À quelle échelle appliquer la mixité sociale ? n Quel est le territoire adapté ? L’agglomération, la commune, l’immeuble, la cage d’escalier ? LE SOUCI DE MIXITÉ SOCIALE ET SES INJONCTIONS CONTRADICTOIRES (Aude Rabaud) Cette question renvoie à celle de la distance, qu’on ne peut pas mesurer, car on ne peut pas l’objectiver. Au mieux, on peut recueillir une représentation d’une différence qu’on aurait avec un groupe. Par exemple, les personnes âgées auraient du mal à gérer la cohabitation avec des jeunes. La représentation suppose qu’on anticipe les problèmes et qu’on essaie d’organiser les relations sociales en faisant attention aux « différences » entre les profils de ménages. Le conflit de cohabitation est ainsi anticipé. On a tendance à ne pas déconstruire ce qui semble être évident. Il faut donc travailler sur ces représentations et sur la manière dont on les intériorise. Idée sous-jacente à la mixité sociale : lutter contre la ségrégation / le communautarisme Ce flou de la mixité sociale est repris dans les politiques publiques (Politique de la Ville, politique du logement) : la mixité fait consensus, c’est un idéal, elle représente toutes les vertus. Pourtant, elle n’est jamais définie, ou alors elle est définie en creux. La mixité sociale est en réalité une forme d’euphémisation pour ne pas dire mixité ethnique. Au fond, il y a l’idée de « démixisation » de certains quartiers : on est contre les ghettos, contre la logique ségrégative. La lutte contre le communautarisme est un débat ethnonationaliste, très franco-français et très républicain. Catégories sociales et stratégie de distinction La distinction dans l’entre soi est un enjeu de prestige, de dignité, de reconnaissance sociale. L’idée est de « prendre de la distance par rapport à celui qui me tire vers le bas car j’ai peur de la mauvaise réputation ». Cette stratégie de distinction est très intéressante, elle peut avoir lieu entre immeubles, selon leur réputation. L’injonction à la mixité sociale peut créer la stigmatisation des territoires Aude Rabaud évoque une enquête qu’elle a autrefois mené dans un quartier, où dans les représentations, les « tours » s’opposaient aux « immeubles de trois étages ». L’ascension sociale était représentée par l’accès aux immeubles bas. On parlait des « gens des tours » Il faudrait faire de la mixité pour favoriser la cohésion sociale, pour un vivre-ensemble harmonieux. Cette rhétorique est très forte, et en 44 comme d’une catégorie à part, on faisait appel aux intervenants sociaux pour parler à ces « gens des tours ». En même temps, les « gens des tours » étaient invités à intervenir partout, on les incitait à participer à la vile locale. Alors que les habitants des bâtiments bas n’avaient pas besoin de ça. de solidarité, s’ils font une demande de rapprochement, peut-être faut-il parfois les entendre ? On a toujours besoin d’un tiers par rapport auquel on veut se distinguer, tout en ayant la possibilité d’un entre-soi qui crée d’autres types de sociabilité, un vrai « vivre ensemble ». Il n’est pas naturel de vouloir côtoyer les gens qui sont différents de nous. Il est en effet peu aisé de se brasser, de se mélanger, de découvrir l’autre, d’être tolérants par rapport aux autres… Une chargée de mission Politique de la Ville constate que créer des sociabilités artificielles entre catégories sociales différentes ne fonctionne pas. Mais la question de l’entre-soi dans un système qui ne permet pas de passerelles est importante, car le cloisonnement reste problématique. Il faut que cela reste possible de sortir de l’entre-soi pour éviter de rester dans des logiques de ségrégation. Ne pas forcer la mixité sociale, mais rendre possible les passerelles Selon Aude Rabaud, c’est la mobilité résidentielle qu’il faut travailler, et non pas la logique de peuplement d'un quartier. Les regroupements ne sont pas problématiques. Il faut simplement laisser la possibilité de partir si les personnes le veulent via l’accession au logement privé. n RÉACTIONS ET QUESTIONNEMENTS DES PARTICIPANTS Le choix de la Ville de Rennes et de Rennes Métropole d’éviter la concentration de certaines « communautés » Accession à la propriété et mixité sociale Pour accéder à la propriété, les personnes partent souvent à l’extérieur de Rennes. Cela crée des problèmes de mixité, car ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder à la propriété à l’intérieur de Rennes partent en périphérie. Selon la présidente de la Commission Logement de la Ville de Rennes, la mixité sociale à Rennes peut être objectivable par les ressources. Les personnes avec le moins de ressources doivent pouvoir avoir accès au centre-ville. Dans la résidence de Lucien Rose (81 logements sociaux ont été construits au sein du quartier aisé de la Duchesse Anne, près du Thabor), on a pu loger des personnes très démunies grâce à une politique volontariste. Quant à l’accession aidée à la propriété, elle s’adresse aux ménages dont les revenus ne permettent pas, ou difficilement d’acheter un logement dans le privé, d’accéder à la propriété. Il existe un certain nombre de critères pour pouvoir bénéficier de l’accession aidée à la propriété : plafond de ressources à ne pas dépasser, réaliser son premier achat immobilier etc. Les familles avec enfants sont favorisées. Toutefois, certains « groupes ethniques » déterminés expriment la demande de vouloir vivre au Blosne. Mais comment répondre à leur demande tout en laissant les autres ménages aller au Blosne également ? Ce qui est important, c’est que toute personne puisse habiter où elle veut. C’est une opportunité pour ceux qui peuvent en bénéficier, mais peu de familles rentrent dans les critères, car il faut être dans la « fourchette plutôt haute » des revenus. Quelques craintes exprimées face au programme de rénovation urbaine au Blosne Une mixité sociale réussie à Rennes ? Selon la directrice d’études de l’AUDIAR (Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise), la mixité peut être définie par une sur-représentation. À Rennes, on parle de mixité de revenus et de mixité générationnelle. Par rapport à d’autres agglomérations, il y a une spécificité à Rennes, une sorte de « mosaïque », où la mixité au sens large est réussie. Il existe aujourd’hui 53% de logements sociaux au Blosne. L’actuel programme de rénovation urbaine au Blosne prévoit des logements neufs sur le quartier, afin d’inciter des ménages plus aisés à s’installer dans le quartier, favorisant ainsi la mixité sociale. Selon le directeur d’un équipement de quartier du Blosne, cela risque de provoquer la concurrence des publics dans la fréquentation des équipements de quartier, où les tarifs sont déjà très bas. Ce nouveau public, plus aisé, va avoir des demandes plus importantes, notamment de gardes d’enfants. Il s’agira d’un public déjà informé, qui possède un certain capital économique, social et culturel. On risque donc d’avoir un quartier à deux vitesses. La mixité sociale vs l’entre-soi Sociologiquement, la volonté d’être entre-soi s’explique par le fait que lorsque l’on a été fragilisé, et qu’on parvient ensuite à s’en sortir, on a besoin de se reconnaître, et d’être fier de son logement. La volonté de se distinguer est forte quand on parvient à avoir plus de moyens et à accéder à la propriété. Par ailleurs, la construction des nouveaux logements aura lieu le long des routes. On va donc rendre encore moins visible la population à faibles ressources, de plus en plus pauvre, et de plus en plus discriminée. On va finir par dire que le Blosne est un quartier riche. Seuls les riches ont le choix de leur logement. La ségrégation se fait par le prix de l’immobilier. Être entre-soi fait augmenter les loyers. Mais au niveau des quartiers à Rennes, il n’y a pas de tamis social comme ailleurs. Mais il y a toujours la tension entre « je vous brasse, ou j’admets une certaine homogénéité ? ». Donc si certaines « communautés » veulent vivre ensemble au Blosne pour des questions Ainsi, nos pratiques doivent être interrogées. Comment offrir des services adaptés à toutes les populations, ces catégories sociales qui habitent le quartier ? 45 ATELIER Santé « Prise en charge clinique et qualité des soins : identifier les pratiques discriminatoires pour agir » n Intervenante : Marguerite Cognet, maître de conférences, Université Paris VII – URMIS (Unité de Recherches « Migrations et Société »). Animation et restitution : Christine Bodin, chargée de mission – Réseau Ville Hôpital 35 Participants : personnel médical (infirmière de l’inspection académique, médecins et infirmiers de CHU), CPAM, doctorants, … n Trois formes de discrimination peuvent être distinguées dans l’accès à la santé PARLER DE « DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE » DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ L’accès juridique : l'accès aux droits à la santé (discrimination légale : Aide Médicale de l’État, réservé aux étrangers en situation irrégulière et n’entrant pas dans la catégorie CMU). Nous sommes tous co-producteurs de discriminations, il est donc nécessaire de prendre le temps de s'arrêter sur ce que l'on voit et sur ce que l'on vit pour mieux identifier les discriminations. Marguerite Cognet préfère la notion de discrimination systémique à celle de discrimination car elle permet de sortir de la notion d’intentionnalité, de la discrimination comme action concrète, et d'apporter une vision plus large que celle des "actes". Les discriminations peuvent aussi être liées à des regards, des façons de se comporter, or la définition juridique des discriminations en France nécessite qu'il y ait un "acte" pour qu'il y ait une discrimination reconnue. L’accès physique : il existe de grandes disparités régionales en ce qui concerne les services disponibles, dues à la répartition géographique des professionnels et à l'existence d'inégalités territoriales de santé L’accès équitable dans les soins qui relève plus de la relation patient-médecin, savoir si le patient A est aussi bien traité par le médecin que le patient B, toute raison clinique contrôlée, etc. en fonction de ses origines, de son sexe, de qui il est… Exemples de discriminations dans la prise en charge clinique À priori, le monde de la santé n’est pas vu comme un monde discriminant : la santé bénéficie d’un blanc-seing les soignants ne sont perçus comme pouvant être auteurs de discriminations. En réalité, ces discriminations existent, mais elles ne sont pas conscientisées. En effet, elles sont souvent inconscientes et involontaires, et elles sont difficiles à prouver. En réalité, le secteur de la santé n'est pas si différent des autres. La surprotection des femmes, qui est un préjudice. Les stéréotypes influent la prise en charge, par exemple, en matière de prévention du SIDA, les Africaines sont mises sous observation car il y a des idées préconçues qui induisent le fait que le traitement serait mal suivi. Par exemple, les premières recherches qui ont porté sur l'accès aux soins des bénéficiaires de l'Aide Médicale de l’État (AME) et de la Couverture Mutuelle Universelle (CMU) ont montré que certains soignants trouvaient des justifications, des arguments pour expliquer le refus de recevoir certains patients, qui cachaient en réalité des discriminations. Dans les hôpitaux, on regroupe des patients de telle et telle origine car ils seraient culturellement incompatibles avec d’autres. Une personne (des gens du voyage) s’est faite retirer un rein (alors qu'on aurait pu lui proposer un traitement au lieu de cette ablation) car on a supposé qu’elle n’était pas en capacité de suivre son traitement. Elle a voulu porter plainte contre le chirurgien, mais l’action était prescrite. 46 Aucun médecin d’une commune n’a souhaité se déplacer pour soigner un jeune homme de la communauté des gens du voyage ayant eu un accident. De ce fait, il faut améliorer l’information, la lisibilité auprès des victimes potentielles, et des accompagnants. Les personnes n’ont d’ailleurs pas forcément besoin de réparations financières mais d’une juste reconnaissance du préjudice subi. Réseau ville Hôpital 35 assure la prise en charge médicale des primo-arrivants. Le public est constitué à 90% de primo-arrivants et de demandeurs d’asile. Au centre Louis Guilloux, les consultations peuvent avoir lieu en présence d’interprètes. Harmoniser les pratiques professionnelles Il s’agit également de travailler à une harmonisation des pratiques professionnelles en termes d’accueil et d’instruction. On constate une grande méconnaissance du système de soins français et de son organisation qui génèrent des conséquences néfastes comme par exemple, le non-respect des rendez-vous. Il faut aussi envisager de mettre en place des modules dans la formation initiale des professionnels de santé pour que cette question de la discrimination soit étudiée par les futurs professionnels. Le mouvement s’amorce mais très lentement. Le domaine du travail social est plus avancé que le domaine de la santé. On constate également que la barrière de la langue et le fait d'avoir une couverture médicale totale demeurent des freins qui expliquent encore le refus de certains médecins de recevoir des patients. Exemples de discriminations dans l’accès juridique (au niveau des dispositifs légaux) Être vigilant par rapport aux dérives culturalistes Des médecins sont parfois victimes de tensions, voire d'agressions physiques et verbales car certaines populations ne connaissent pas leur façon de travailler et de fonctionner. La méconnaissance et l'incompréhension réciproques des particularités et des contraintes de chacune des deux parties est facteur de discriminations et de peurs mutuelles. Il faut une co-éducation pour comprendre pourquoi les médecins et les populations n'arrivent pas à s'entendre. On a également constaté que les politiques migratoires actuelles et la fermeture des frontières qui en découle avaient un effet discriminant sur le public étranger, notamment en terme d’accès aux droits de santé, comme l’accès à l’Aide Médicale de l’État. La dernière réforme a accentué la discrimination. Depuis un an, L’AME est une couverture maladie payante. On demande un droit d’entrée de 30 €. Il faut cependant veiller à éviter le risque de culturalisation dans la prise en charge des patients. Les années post-coloniales ont laissé des traces et le risque est de tout transformer en termes de culture. Il faut revenir vers la relation humaine et éviter de mettre la culture là où elle n’a pas sa place. Selon un participant, il peut y avoir de la discrimination dans les procédures pour obtenir la carte vitale ou la CMU. La question de la photo sur la carte vitale ou la CMU peut poser problème pour des personnes en psychiatrie. Déclarer un médecin traitant peut être complexe pour des personnes en errance. Les discriminations sociales sont donc de plus en plus marquées. Exemples de bonnes pratiques La CPAM d’Ille-et-Vilaine est en train de travailler actuellement à la lutte contre les refus de soins en faisant de l’information auprès des professionnels, en essayant de mettre en place des outils pour permettre d’améliorer cette prise en charge et de remédier à ce problème de refus de soins. n QUELS MÉCANISMES PEUT-ON METTRE EN PLACE POUR ÊTRE PLUS OBJECTIF DANS LES PRATIQUES CLINIQUES, DANS LA RELATION SOIGNANTSOIGNÉ ? Une charte a été mise en place auprès des dentistes leur rappelant leurs droits et leurs devoirs par rapport aux personnes bénéficiaires de la CMU et de la CMU-C (Couverture Médicale Universelle complémentaire). Mettre en place une meilleure communication Il convient de travailler sur une meilleure communication, une meilleure information auprès du public, en envoyant des messages plus simples pour que les gens comprennent bien le système de soins français. Par exemple, améliorer l’information dans le GIP Gens du Voyage, par des actions d’accompagnement vers le soin, des actions de prévention. Une des difficultés à travailler sur ce volet est que les personnes victimes de discriminations du fait de leur CMU ne portent pas plainte. À la CPAM, un travail est mené pour mettre en place des imprimés afin que les gens puissent faire plus facilement des signalements en cas de discrimination réelle et faire les remonter. Il faut en effet faire un effort de lisibilité des mécanismes de recours possibles. Aujourd’hui, les mécanismes de recours sont peu visibles, peu opérationnels, et loin du terrain. Les personnes discriminées ne vont pas forcément vers la HALDE. La CNAM fait un travail de guide pour les personnes qui instruisent les dossiers. La politique du chiffre, c’est-à- 47 dire l’avancement de carrière en fonction du nombre de dossiers traités, génère des effets pervers dans le traitement des dossiers, et notamment des discriminations. Il y a des différences de traitement d’une CPAM à l’autre de la CMU. Un travail d'analyse des pratiques professionnelles des personnels des CPAM serait intéressant car il permettrait d'identifier les interprétations différentes d'un même dossier et de limiter les inégalités de traitement, en instaurant une pratique commune. Définitions : Aide Médicale de l’État (AME) : Elle permet l’accès aux soins des personnes étrangères résidant en France, de manière irrégulière (absence de titre de séjour ou de récépissé de demande), depuis une durée ininterrompue de trois mois minimum et ayant sur le territoire français leur foyer ou leur lieu de séjour principal. À titre exceptionnel, l’AME peut être accordée à des personnes de passage sur le territoire français dont l’état de santé le justifie (maladie ou accident survenu de manière inopinée), sur décision individuelle du ministre chargé de l’action sociale. Couverture Mutuelle Universelle (CMU) : Elle permet l’accès à l’Assurance Maladie pour toute personne de nationalité française ou étrangère, résidant en France depuis plus de trois mois de manière stable et régulière, avec ou sans domicile fixe et qui n’est pas déjà couvert par un régime de Sécurité sociale. Elle est gratuite pour les assurés ayant un revenu inférieur à un plafond déterminé, les autres devant s’acquitter d’une cotisation de 8 % de la part de leurs revenus fiscaux supérieure à ce plafond qui est de 9 164 euros depuis le 1er octobre 2011 Couverture Mutuelle Universelle complémentaire (CMU-C) : C’est une complémentaire santé gratuite qui prend en charge ce qui n'est pas couvert par les régimes d'assurance maladie obligatoire. Elle est accordée pour un an sous condition de ressources. Au 1er juillet 2011, le plafond annuel de ressources pour bénéficier de la CMU-C est fixé à 7 776 euros par an (soit 648 euros par mois) pour une personne seule en métropole. 48 ATELIER Travail Social « Travail social et discriminations : comment assurer l’égalité de traitement dans la prise en charge du public ? » n Intervenante : Niky Béquet, formatrice, ISCRA (Institut social et coopératif de Recherche appliquée) Animation et restitution : Patrice Preter, directeur du centre social Carrefour 18 Participants : Centres sociaux, associations, Ville de Rennes (DPAP), formatrice IRTS, Conseil Général 35, ASFAD, étudiants… Quel lien entre les représentations et les prises de décision ? n RETOUR SUR LA DÉFINITION DE LA DISCRIMINATION L'objectif de l'atelier est de s'interroger sur nos pratiques, c’està-dire, comment chacun de nous raisonne et quelle est l'attitude prise dans le travail : quand avons-nous recours à ces catégories ? Quand est-ce que les catégories interviennent dans les prises de décision ? Discriminateur – discriminé : une relation dissymétrique Exemple de catégorisation : la politique des « grands frères » Rappel des 18 critères prohibés : origine, appartenance réelle ou supposée à une ethnie, appartenance réelle ou supposée à une nation, appartenance réelle ou supposée à une race, âge, genre, orientation sexuelle, situation de handicap, état de santé, état de grossesse, convictions religieuses, opinions politiques, activités syndicales, mœurs, apparence physique, patronyme, situation de famille, caractéristiques génétiques. La politique des « grands frères » menée dans les années 80-90 dans certains quartiers qui « posaient problème » est un exemple du processus d'altérisation. Il s'agissait de faire appel à des animateurs issus eux-mêmes de ces quartiers, c'est-à-dire des animateurs ayant des origines sociales et ethniques similaires aux jeunes des quartiers, pour pouvoir avoir accès à ces jeunes. C'est le processus d'altérisation selon lequel, l'autre est trop différent et considéré comme inaccessible, et « les grands frères » sont alors utilisés comme un intermédiaire. Ce sont les critères à travers lesquels on ne doit pas refuser l'accès à des biens et services. Le discriminateur c'est toujours celui qui a la position haute par rapport à la personne qui est discriminée, il est en position de pouvoir prendre des décisions. Retour sur la notion de « victimisation » Les discriminations sont liées aux représentations Niky Béquet n'est pas d'accord avec les propos tenus dans la matinée, selon lesquels les discriminations subies augmentent le sentiment de « victime ». Les personnes discriminées sont réellement des victimes. Les critères prohibés sont rattachés à des catégories. Le problème de la « catégorisation », c’est qu’on classe des personnes dans des catégories en fonction de représentations, et en leur attribuant des caractéristiques propres, pouvant amener une stigmatisation. Des chercheurs affirment que si les catégories discriminées connaissent l’existence des discriminations, elles risquent de rentrer dans un processus de « victimisation ». Dans ce cas, faut-il pointer du doigt les difficultés pour que les personnes qui en sont victimes ne soient pas considérées comme des victimes ? Autrement dit, faut-il ne pas leur dire qu’elles sont discriminées pour les protéger ? n S’INTERROGER SUR SES PROPRES PRATIQUES DANS LE TRAVAIL SOCIAL 49 Mais si on ne parle pas de discriminations, les victimes considèrent que le problème relève d’elles (en tant que jeune, femme, noir etc.), et donc le risque est que les personnes ignorent qu’elles sont victimes. condition qu'elle soit temporaire et qu'elle puisse permettre à ses bénéficiaires de rattraper le niveau. Les acteurs sociaux peuvent rencontrer des problèmes vis-à-vis des financements basés sur la territorialisation, qui contraignent leurs pratiques professionnelles en rendant difficiles des projets ou actions ouverts à tout public. L'important est de retourner les rôles : le délinquant n'est pas celui qui est Noir, étranger, jeune etc., mais c'est celui qui discrimine ! Discriminations et hiérarchisation Discrimination vs Intégration Le principe de la hiérarchisation dans les processus discriminatoires implique que l'individu considère qu'il existe différents niveaux de cultures, de langues etc… et place une langue, une culture au-dessus des autres, en dévalorisant les autres. La hiérarchisation implique que parler français, anglais, ou allemand serait un plus, alors que parler arabe, turc, kabyle serait plutôt vu comme quelque chose de dévalorisant, ou comme desservant la personne. Jusque dans les années 90, on ne parlait pas de discriminations. On était dans un autre mode de pensée : les vertus intégratrices de la nation. Une fiction de l’égalité républicaine était inventée. Parallèlement, on distinguait des « populations à problèmes ». La France se plaçait comme une nation qui avait les bonnes valeurs. Ce n'était donc pas la faute de l'État, mais celle des populations qui n'auraient pas fait assez d'efforts. Il y avait ainsi une forte incapacité de l'État à se remettre en cause. Il faut donc se poser la question des processus de hiérarchisation dans nos pratiques. Par exemple, en Algérie, la population post-coloniale relève d’une hiérarchisation historique. Le rapport avec la population d’origine algérienne est différent qu’avec les autres immigrés. Cela vient de l’historique des rapports de domination. Le zonage relève de la manière dont on a accueilli ces personnes, par la gestion ethnicisée de l’accès au logement. Aujourd’hui, on a une sorte d’ethnicisation de la gestion de la rénovation urbaine, où la mixité sociale correspond en fait à une « mixité ethnique ». On a alors crée différentes politiques d'insertion : pour les handicapés, pour les jeunes... Le chômage n’était pas expliqué par le fait que conjoncturellement, il y avait moins de travail et que les personnes qui étaient employées en priorité étaient les personnes les plus favorisées, mais parce qu’il y avait des « catégories à problèmes » (l’handicapé, le jeune…). Même après ce qui aura été appelé plus tard "la Marche des Beurs" (la marche pour l'égalité et contre le racisme) de 1983, l'État, au lieu de regarder quelles étaient les failles du système d'accès à l'emploi, a mis en place des politiques d'intégration. De cette manière, la faute était rejetée sur le public et non sur les failles de la société. Tous ceux qui n’étaient pas dans la fiction républicaine devenaient des « catégories à problèmes ». D’ailleurs, le fait que ce rassemblement ait été renommé « Marche des Beurs » montre bien cette tendance à faire porter le problème par le public. Ces mécanismes existent aussi dans le rapport à la religion, qui est lui aussi à déconstruire historiquement. Discriminations et repli sur soi La catégorie stigmatisée est socialement valorisée à l’intérieur des communautés. En l'occurrence pour des personnes étrangères qui se sentiraient rejetées par la société française, le repli se fait vers les personnes de sa communauté ou bien de sa religion, c'est-à-dire des personnes avec lesquelles elles partagent des appartenances socialement dévalorisées. n ÉCHANGES AVEC LES PARTICIPANTS Géographie prioritaire et dispositifs spécifiques à des territoires Discriminations et catégorisation Si on mène un projet avec une population particulière (ex : les femmes turques), est-ce de la discrimination ? Car ça crée de l’exclusion (des autres), des tensions. Exemple de la superposition pour un quartier de l'appellation : ZEP (Zone d’éducation prioritaire), CUCS (Contrat urbain de cohésion sociale)… qui peut apporter une image dévalorisante pour les personnes qui y habitent : « si on attribue ces dispositifs à mon quartier c'est forcément que je suis pauvre et que j'ai besoin d'assistance ». La catégorisation est une construction sociale, au quotidien, elle revient régulièrement. Aujourd'hui de nombreux dispositifs sont proposés en direction des catégories. On peut donc se demander si les politiques ne seraient pas elles aussi discriminantes à leur manière, en ne s'adressant qu'à des publics cibles (Politique de la Ville, politique envers les jeunes, les chômeurs, géographie prioritaire…) ? Donc, comment renverser ce problème dans la mise en œuvre ? On manque d’outils pour arriver à traiter différemment ces catégories. Retour sur la question de la victimisation : faut-il nommer ou ne pas nommer les différences ? En les nommant on conforte les individus dans cette position, en ne les nommant pas il est difficile d'agir avec la discrimination positive pour « relever le niveau ». Une politique de discrimination positive peut être utile à 50 Niky Béquet précise toutefois que le fait de travailler dans un premier temps avec un groupe fermé, en restant dans l'entresoi, peut favoriser la libération de la parole à condition que ces groupes soient ouverts par la suite. Sur ce thème de la question des genres, un contre-exemple a été donné : l'exemple d'un groupe de femmes qui s'est réuni pour discuter ensemble des problématiques dont elles sont victimes, ce qui leur a permis de se sentir plus écoutées, et de pouvoir s'exprimer. Une deuxième étape est celle du partage et de l'intégration d'autres personnes, de l'autre genre dans les débats. Les groupes qui subissent un rapport de domination ont besoin, dans un premier temps de se retrouver entre eux pour partager l'expérience vécue, mais ensuite il faut arriver à aller au-delà, et c’est ce qui est difficile pour les professionnels. Question de la temporalité : difficultés urgentes, mais solutions de long terme Quelle réponse donner après avoir nommé une expérience discriminatoire ? Accompagnement des victimes : il faut une écoute pour permettre à la parole de se libérer. Les travailleurs sociaux doivent être formés. Exemple d’expérience au Blanc-Mesnil Il y a d’abord eu une formation du personnel, puis des réunions publiques, avec toute la population représentée. Une association s’est créée, le CILDA (Centre d’information, de lutte et d’action contre les discriminations). Les citoyens se sont engagés pour l’ouverture de la parole, à l’aide d’outils : théâtre forum, permanences juridiques, etc. Traitement juridique : pour permettre l’objectivation des problèmes Les réponses institutionnelles et juridiques sont très lentes et s'accordent mal avec le sentiment vécu de la discrimination, le sentiment d'avoir été dévalorisé. Quelles perspectives ? Dans certains cas, le simple fait pour une personne de nommer la discrimination, d'en avoir parlé et d'avoir vu que légalement ce n'était pas normal, suffit à la « sauver » car elle est remise dans la dignité. Elle ne ressent alors plus autant le besoin d'avoir recours à la justice. La lutte contre les discriminations implique une attitude active : elle demande de s’arrêter, d’analyser, de poser les questions, de chercher des outils, de se former, pour arriver à changer de paradigme. Sur ces thématiques de lutte contre les discriminations, il serait intéressant de créer un collectif de professionnels du travail social dans une démarche commune et concertée sur le territoire, et se réunir régulièrement pour trouver des solutions ensemble, et être accompagnés dans ce processus. Il est important de parler de ce qui se passe au quotidien, pour capitaliser les expériences, déconstruire ensemble les pratiques, et mettre en place des outils communs. Comment agir face à la discrimination légale ? Par exemple, les gens du voyage sont victimes de discriminations. Il y a des différences notables en ce qui concerne l’accès aux droits dans les communes, le droit de vote, et il existe également le manque de connaissance de leurs droits : ils n’ont pas accès aux différents recours juridiques lorsqu’ils sont victimes de discrimination. Par exemple, le carnet de circulation est aujourd’hui illégal. Et pourtant il serait encore demandé lors de certains contrôles d'identité, ce qui renforce le sentiment d'être considéré comme une catégorie à part. Mais il faut d’abord se rendre compte des catégories qu’on utilise en changeant de lunettes sociales. Dans leurs pratiques, de nombreux animateurs et responsables de structures sociales et culturelles sont face à des questionnements par rapport à l'égalité de genre, en ce qui concerne la fréquentation de leurs équipements. OUTIL « Je, tu, ils discriminent », film réalisé en 2009 à l’initiative du CILDA, collectif d'information, et lutte et d'action contre les discriminations, crée en mars 2007, à la Maison des Tilleuls de la ville de Blanc-Mesnil. Par exemple lorsque dans un équipement, on a constaté que peu de filles, de femmes fréquentaient la structure, des activités « connotées » féminines ont été organisées, comme des ateliers de cuisine. Dans ce cas, est-ce de la discrimination ? Le questionnement des professionnels repose sur le fait d'utiliser une pratique qu'ils ont eux-mêmes intégrée comme « genrée » (atelier cuisine, couture) pour attirer les femmes. Avec cette logique, mécaniquement, le genre masculin est exclu de l'activité proposée. Le problème n’est alors pas le choix de l’activité, mais sa représentation en tant qu’activité connotée féminine. 51 Échanges avec le public après la restitution des ateliers Erwann le Hô - Il y a beaucoup de choses qui résonnent de manière très saillante entre vos différents travaux, j’en ai listé quelques-unes, que je vais vous citer. Puis on passera à un temps d'échanges avec le public. Il y a certainement des compléments à apporter, des questions qui vont encore se poser. Jean-Baptiste Voisin – Je ne suis pas un spécialiste du monde bancaire, de l'accession à la propriété. Pourtant, je vous rejoins sur le fait que c'est tout à fait discriminant et que le principe même de l'assurance fait que cette mutualisation ne devrait pas conduire à ce que des personnes aient des primes d'assurance plus importantes que d'autres. Une chose qui est ressortie en commun c'est la notion de culture, d'a priori, le fait de pouvoir parler de culture, qui déterminerait des comportements individuels, qui justifierait des comportements individuels. Il faut faire l'effort, je pense, de reconnaître que nous portons tous finalement des a priori, des ignorances, que nous avons été socialisés. Et finalement, nous sommes tous amenés un jour à avoir des pratiques discriminatoires. Ce qui est certain c'est que, dans le domaine du logement social que je maîtrise mieux, on a une liste de documents interdits et une liste de documents autorisés pour le dossier de constitution initiale pour accéder à un logement social. Je ne réponds pas à votre question mais je n'ai pas la réponse. Participante - J'interviens tout de suite parce que je voudrais, moi aussi, intervenir sur le logement. Je crois qu'il y a quand même un certain nombre de choses qui vont laisser perplexe. D'une part, à aucun moment, il n'a été évoqué le fait que la situation est quand même aggravée par la pénurie de logements. Il y a effectivement, y compris sur une ville comme Rennes - je n'ai pas les chiffres en tête mais ici, beaucoup de gens doivent les avoir - un nombre de demandes de logement non satisfaites extrêmement important et pas seulement pour des demandeurs d'asile, ou des gens sans papiers. L’idée principale, c’est il faut en parler, il faut en parler parce que c'est un enjeu fort du vivre-ensemble, c'est un enjeu fort dans l'immeuble, dans l'école, dans l'entreprise, dans le quartier, dans la ville, en tout cas c'est un enjeu fort. Pourquoi ? Parce qu'il y a souffrance et quand il y a souffrance, il faut éviter le tabou, il faut de toute façon en parler. Vous avez toutes et tous travaillé sur les perspectives, apporté les solutions éventuelles. Ce qui se dégage, c'est travailler des pratiques communes entre professionnels, améliorer les pratiques communes, développer, parler, s'outiller, avoir des choses en commun pour mieux combattre les discriminations. On retombe sur la pertinence de ce Forum puisqu'on est bien là pour ça, aujourd'hui. C’est quand même une première donnée qui fait que la discrimination est forcément plus facile à partir du moment où on est sur un bien rare. C’est Gwenaëlle Calvez, juriste, qui insiste beaucoup sur le fait que la discrimination s'applique, quand même d'abord, sur un bien rare et le logement est ô combien un bien rare y compris dans la ville de Rennes, et je ne parle pas évidemment de Paris ou de la région Île de France. Alors, on va avoir une petite demi-heure pour en parler, débattre, continuer, peut-être rebondir sur ce qui a été dit. Donc, c'est le même jeu que ce matin, si vous avez une question, une remarque, n'hésitez pas, levez la main – j’en vois déjà – et on vous donnera la parole. Deuxième chose, sur la question des quartiers. Quand on dit qu'il n'y a pas sur Rennes de quartiers discriminants - bon ce n'est pas Sevran ou le Val Fourré - mais, pour occuper mes loisirs dans le Blosne, bien que je n'y habite plus, sur la place du Landrel, quand on la traverse, on a quand même le sentiment de visu, que le logement social est quand même très largement coloré. Ce qui est vrai sur le Blosne et surtout sur certains secteurs du Blosne, s'accompagne évidemment d'une réalité sociale, aussi de précarité, de chômage, etc. qui est extrêmement importante. Si mes souvenirs sont bons mais je pense que mes chiffres sont peut-être un peu anciens mainte- Participant - Moi, j'avais plutôt une question sur le logement. Vous parliez de logement en tant que locataire, de l'acquisition en tant que locataire. Mais en tant que propriétaire, il y a une question qui me vient à l’esprit. Les banques à qui on emprunte si on n'a pas gagné au loto, ont-elles le droit de demander par questionnaire notre taille, notre poids, si on est fumeur, etc. ? Moi, je trouve ce procédé assez discriminatoire par rapport à l'individu. 52 nant, la population sur le quartier du Blosne est étrangère à 10% ce qui correspond quand même à huit fois, à peu près, le taux de population étrangère sur l'ensemble de la ville ou de l'agglomération. Donc c'est quand même quelque chose qui est extrêmement important. lez, c'est la vente HLM. C'est acheter son propre logement. Participante - Oui, il y a eu de la vente de logements HLM sur Rennes. Il y en a eu à Thorigné. Je connais quelqu'un qui a acheté son logement. Il y en a eu sur le Blosne, il y a au moins un nombre d'années respectables, je reconnais. La répartition du logement social est bien équilibrée, semblet-il. Effectivement il y a une volonté que je ne mets pas du tout en cause et que je ne nie pas, de construire du logement social dans d'autres quartiers et c'est une bonne chose. Mais tant que le logement social aura des loyers qui tiennent essentiellement compte de l'âge dudit logement social puisque les plus anciens sont les moins chers, les plus mal construits aussi, les moins agréables et dont la rénovation est davantage un coup de peinture extérieure que l'isolation phonique, on aura forcément un phénomène de discrimination sociale puisqu’ on attribue les logements en fonction des revenus des familles. Donc, si le logement n'est pas cher, le revenu de la famille est encore plus pris en compte. D’autre part, cette accession sociale à la propriété pose le problème aussi - on l'a vu dans d'autres secteurs et encore une fois, pas sur Rennes - de la paupérisation des copropriétés qui entraîne effectivement tout un ensemble de non-paiement des charges qui deviennent trop lourdes pour entretenir les locaux. Je voulais vous indiquer une dernière chose. Une famille française, originaire de La Réunion avec cinq enfants vient s'installer à Rennes, demande un logement en urgence et reçoit une réponse lui disant qu'elle ne correspond pas aux critères de l'urgence. Le courrier continue avec la phrase « nous vous conseillons donc de rentrer à la Réunion ». Eh bien, je me demande si on aurait pu m'apporter un courrier disant à quelqu'un : « on vous conseille de retourner à Marseille ». La discrimination naît aussi du mode même de fonctionnement de notre système de logement social. Il y a très longtemps, j'ai proposé une idée qui ne plaît pas du tout, sauf à moi, c'est que la totalité des logements sociaux ait le même loyer et qu'ensuite ce soit l’allocation logement, l'aide personnalisée au logement qui compensent les uns et les autres. Manifestement, je n'ai pas fait l'unanimité sur la question chaque fois que j'en ai parlé. Erwann Le Hô - Juste avant de vous laisser la parole, je rappelle également à nos chercheurs sociologues qui ont coanimé les ateliers qu’ils peuvent aussi apporter leur complément, notamment Madame Béquet, si vous voulez intervenir un moment, je vous en prie. Je crois que tant qu'on ne se pose pas les questions aussi de cette façon-là, on ne pose pas bien la question de la mixité sociale. La mixité sociale, elle est sociale, elle est économique et elle est évidemment ethnico-raciale, si l'on veut. Jean-Baptiste Voisin – Je comptais bien solliciter Aude Rabaud qui a co-animé l'atelier pour répondre sur certains points, je pense qu'elle aura quelques éléments. Vous venez de soulever à peu près tous les sujets qui touchent au logement et au logement social en France, aujourd'hui. Donc, je ne vais pas répondre sur tous les points. Je rappelle aussi et là, je ferai référence cette fois-ci à Pinçon et Pinçon-Charlot (sociologues) que le premier communautarisme, c'est le communautarisme des riches, on reste entre soi. Sur l'agglomération rennaise, il y a quand même une ville où est en train de se construire un quartier entièrement clos, avec tous les processus de sécurisation, chers évidemment, réservés aux plus riches, les autres n'ayant pas les moyens de se les payer car sinon, ils seraient sans doute d'accord aussi pour les avoir. Sur le manque de logements sociaux, tout à l'heure MarieAnne Chapdelaine pourra en dire quelques mots. Je pense qu'effectivement, l'agglomération rennaise fait partie des agglomérations françaises qui sont les plus volontaristes en matière de construction de logements sociaux, tout le monde le sait, c'est un modèle qui est envié par certains. Il y a 1 125 logements sociaux qui sortent chaque année de terre. Il faut voir aussi une chose, c'est que par rapport à d'autres métropoles françaises, on est sur un taux de rotation qui est de l'ordre de 10% qui permet aussi d'avoir une offre de logements conséquente par rapport à des territoires beaucoup plus tendus, comme Paris ou Marseille où on est sur 4-5% de taux de rotation. Donc, quelle échelle pour évaluer ces politiques ? Je vois effectivement dans l'accession sociale à la propriété, un très petit moyen de modifier, pourquoi ? Parce que dans l'accession sociale à la propriété, les logements sociaux sont proposés prioritairement aux personnes qui les occupent déjà, donc en définitive, il n'y a pas de véritable mobilité avec, il y a une prime pour les occupants quand on achète un logement social… Sur les quartiers non discriminants, à l'échelle de notre réflexion, et je reste dans le cadre de ce que nous nous sommes dit, je ne vais pas extrapoler, justement quand on se compare à d'autres métropoles françaises, on ne peut pas dire que Rennes ait des quartiers dans lesquels il y ait des problématiques telles que certaines personnes ne Jean-Baptiste Voisin – Non pas tout à fait. Excusez-moi, je réponds à votre dernière question, il n'y a pas sur Rennes et Rennes Métropole de vente HLM. Ce dont vous par- 53 veuillent pas y aller. Après, on ne nie pas le fait qu'il y a des concentrations qui se sont faites avec de l'habitat social massif, on pense notamment aux quartiers comme Maurepas ou éventuellement comme le Blosne. Mais le travail mené depuis trente ans fait ces quartiers se sont totalement désenclavés et que la proportion de logements sociaux dans ces quartiers a été divisée par deux. Ce qui veut bien dire qu'il y a eu un travail qui s'est fait sur les statuts d'occupation et sur la mixité. c’est qu'il y a la filière de droit commun dont on parlait. À Rennes, il y a un système d'attribution et des systèmes de pondération et d'équité c'est-à-dire que les gens qui ont le plus d’ancienneté ont des systèmes de points liés à leur situation, leur situation sociale, de non-logement, d'hébergement en structure sociale, etc. Ce qui veut dire qu’ils vont aller plus vite que les autres, mais tout le monde est sur la même ligne de départ. Il existe un système d'équité qui a été reconnu par la HALDE, je crois, sur son rapport de l'année. Pour vous répondre sur les loyers, je vous rejoins sur le fait qu'il y a une forme de discrimination quant à l'ancienneté du patrimoine. Donc, au niveau du loyer, les bailleurs sont engagés mais c'est un projet national, dans un projet de conventionnement global qui vise à redistribuer les loyers et à faire en sorte que sur des quartiers de centre-ville avec des immeubles plus récents, des loyers plus accessibles soient proposés aux candidats de façon à recréer de la mixité. Effectivement, aujourd'hui, on est un petit peu piégé par le système, et des personnes à ressources faibles vont dans des quartiers où les immeubles sont les moins chers. Il y a donc une forme de concentration. Là-dessus je vous rejoins. Par ailleurs, il y a la filière dite prioritaire où, en fait, les situations seront envoyées à la commission locale de l'habitat avec une évaluation sociale du travailleur social, donc elles sont toutes regardées. Pour un ordre d’idée, l'année dernière on a eu 1 650 demandes. Sur ces 1 650 demandes, à peu près 75 à 80% ont été reconnues prioritaires. Toutes ces personnes ont été relogées. Pour les personnes qui ne sont pas reconnues prioritaires, le principe est que les bases de prix et de priorité dépendent des critères très précis de la loi DALO, ajoutés à des critères un petit peu supérieurs du PDALPD, donc des critères de ressources, des critères de situation, c'est-à-dire quelqu'un sans logement, quelqu'un dans un logement décent… Alexandre Simon (Service Habitat, Rennes Métropole) - Sur les logements actuels, certes de fait, les logements anciens sont globalement moins chers mais actuellement les livraisons de logements sociaux actuels sont financées en PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration), c'est-à-dire qu'on a des niveaux de loyer qui sont à peu près équivalents aux niveaux de loyers anciens. On peut retrouver sur des communes de la Métropole, les 37 communes, des logements actuellement neufs avec des coûts de loyer équivalant approximativement à des loyers les plus anciens du parc rennais. Mais de fait, il y a quand même pas mal d'années à rattraper donc il y a des quartiers d'habitation où, des loyers peu chers sont sur-représentés. Pour les personnes qui viennent des départements extérieurs, l'idée c’est qu'on ne leur dit pas de retourner d’où elles viennent, le courrier type c'est de dire « vous n'êtes pas prioritaires sur Rennes ». En cas de situation d'urgence, vous êtes prioritaires sur le secteur d'où vous venez, c'est-à-dire qu’on ne gère pas les priorités des départements limitrophes. On gère les priorités du secteur ici. Sur le département, je voudrais préciser qu'au niveau de la loi DALO, l'année dernière on a eu cinq situations reconnues prioritaires au niveau DALO sur le département. Sur le département de la Loire-Atlantique, sur le département limitrophe on est 180 par mois. Jean-Baptiste Voisin – Je te remercie pour cette précision. Effectivement, le modèle français du logement social est basé sur un accueil universel des publics, on l'a dit pendant l'atelier. 70% de la population française peut accéder à un logement social par ses revenus. La discrimination, enfin en tout cas, la mixité sociale se fait par rapport au mode de financement. Alexandre parlait de PLAI, il y a aussi des « logements plus » qui sont dits logements sociaux classiques puis des logements intermédiaires, et je pense que la mixité vient aussi de la construction de logements qui appartiennent à chacune de ces catégories. Marie-Anne Chapdelaine - L'intérêt de pouvoir construire y compris du logement social en centre-ville, c'était de permettre aux personnes d'aller soit sur le Blosne, soit sur Villejean ou peu importe, mais aussi d'aller en centre-ville. Et là, était pointé du doigt dans l’atelier, le fait de la différence de loyer. Sous l'égide de Rennes Métropole avec les bailleurs, les PLAI, les PLUS, les PLS ont été élaborés. C'est vrai que cela tarde à se mettre en œuvre pour une ville attractive comme Rennes. Il y a 5 000 personnes - je parle sous le contrôle du service habitat social - de demandeurs en attente, non 6 700. Après, je crois que sur les 6 700, il y en a certains qui vont attendre très longtemps parce qu'ils ne vont vouloir que le centre-ville et peut-être que la résidence Lucien Rose ou peut-être que Maurepas ou peut-être que le Blosne… mais ça veut dire quand même qu'on a une forte demande et en même temps, les aides à la pierre ont baissé. Sur la famille de La Réunion, je pense qu'effectivement on ne peut pas écrire ce genre de chose, on est tous d'accord làdessus ? Alexandre Simon - J'y répondrai puisque ça concerne ma partie. Je m'occupe du logement social prioritaire sur Rennes Métropole. Clairement, ça me surprendrait d’avoir un courrier où on dit à des gens de « rentrer à la Réunion ». Ce qui se passe, 54 On a un État qui s'est totalement désengagé et quand on vous parle des dispositifs qu'on met en œuvre pour essayer d'offrir du logement, c'est uniquement parce que Rennes Métropole est volontariste. Je veux dire que rien n'oblige Rennes Métropole à y aller et on y va parce qu'on est encore en train de pallier un désengagement de l'État, donc ça veut dire que ce qu'on met là, on ne va pas le mettre ailleurs. porte ouverte à tout un ensemble de discriminations. Puis cette fameuse mixité sociale qui permettrait de discriminer à bon compte parce que comme il faut atteindre cet objectif-là… Ce qui était intéressant dans l'atelier, on a commencé comme ça bille en tête sur les modes d'attribution. Donc l'intérêt, c’était de dire : regardons, essayons d'intervenir sur les causes en étant très au fait qu'il y a un marché. Comme vous dites, c’est un bien rare au même titre que l'emploi et d’autres choses et c'est ça qui est intéressant. Dans le logement, on ne l'a pas dit et ça n'a pas été défini, on a affaire à la discrimination systémique. Les cas de discrimination directe sont très rares, peut-être dans le parc privé où il y a des choses illégales, assez décomplexées de la part de certains, agences de location, propriétaires. Mais là, on a vraiment affaire à un ensemble cumulatif d'acteurs avec de la non intentionnalité. Il faut être vigilant sur ça, je pense, il faut toujours l'articuler avec l'idée de la ségrégation et pas de la discrimination. Effectivement, moi je dirais qu'actuellement nous sommes en train de loger des personnes qui sont parmi les minima sociaux les plus bas. Cela veut dire que quand on les loge, non seulement on se préoccupe du loyer, mais aussi des charges. Ça veut dire qu'il faut que les charges soient prises par l'APL. Donc, on arrive à être sur du collectif et sur du collectif, on retombe sur des quartiers. Je crois que là-dessus, ce qui avait été pointé du doigt, c'était un problème avant tout social, discriminatoire peut-être mais sans doute social. Donc c'était comment se donner les moyens d'y remédier. À Rennes Métropole, on est en train de réfléchir sur d'autres possibilités mais à un moment donné il faudra réinterroger les sommes qu'on y met. Participant - Je vais vous parler d'un cas puisque je suis délégué syndical, on s'occupe évidemment des problèmes au travail mais aussi des dossiers privés. C'est un homme qui divorçait et qui était propriétaire d'une maison, il a voulu demander un logement social en location pour pouvoir accueillir ses enfants pour prouver au Tribunal des Affaires Familiales qu’il était capable d'acquérir un logement social etc. Sauf que la difficulté dans l'acquisition c'est qu'en fait, ce Monsieurlà était obligé pour obtenir ce logement social de s'acquitter de la première confrontation au Tribunal c'est-à-dire la séance de conciliation, ce qui est injuste. Anne Rabaud - Il y a deux points que j’ai trouvés effectivement intéressants dans l'atelier. On parle beaucoup de discrimination mais je pense que concernant le logement, on ne peut absolument pas le déconnecter de la ségrégation. La discrimination, c'est ce qui arrive à la fin parce que de fait, la première discrimination c'est la ségrégation sociospatiale donc c'est délicat de pouvoir agir de la même manière. Et puis, chose dont on n’a pas parlé mais que j'aimerais évoquer c'est que, de fait, ce n'est pas l'immobilier qui coûte cher, mais le foncier, donc il y a aussi un travail à faire sur le patrimoine foncier et le coût du foncier. Jean-Baptiste Voisin - Je vous entends Monsieur, mais c'est légal. C’est un point de difficulté pour les bailleurs sociaux que le grand nombre de séparations et de divorces. La loi nous oblige à avoir dans le dossier une ordonnance de non-conciliation qui prévoit l'ensemble de ces mesures. On l'a évoqué pendant l'atelier, les bailleurs sociaux, rennais notamment, ont des positions très souples par rapport à ce document et on reloge facilement des ménages qui viennent de se séparer dès lors qu'on est certain qu'une démarche a été engagée en vue d'une séparation parce que, légalement, on n'a pas le droit d'attribuer deux logements à chacun des époux. Cette articulation discrimination et ségrégation est intéressante parce qu'il peut y avoir de la ségrégation socio-spatiale sans discrimination et inversement, il peut y avoir de la discrimination au logement sans forcément qu’il y ait ségrégation socio-spatiale. Souvent, les études sociologiques se focalisent sur du descriptif et sur la répartition socio-spatiale. Les politiques publiques, aussi, inversent souvent l'effet cause/conséquence et regardent les conséquences. Elles s'attaquent donc à ce qui est de l'ordre de la concentration, du regroupement. On disait spécialisation, repli, la peur du ghetto finalement, c'est un peu ça. Je parlais d’habitus républicain, c'est une collègue Mireille Eberhard qui dit qu'on est pétri de ça, de cette peur du ghetto. Philippe Cormont - Ce n'est pas étonnant que le logement émerge vu que c’est certainement un des secteurs les plus tendus aujourd'hui en France face aux questions de discrimination. De fait on s'intéresse aux conséquences, on voudrait agir sur les concentrations. On ne regarde pas forcément les causes qui sont : un marché du logement très tendu et une offre qui ne correspond pas forcément à la demande. Puis, la fameuse question des attributions des logements qui serait une boîte noire où, en gros, ce serait la Je voulais juste intervenir parce que je ne suis pas à l'aise avec ce que j'entends. Par rapport aux questions, ce matin, on a essayé de définir clairement ce qui était de la discrimination ou pas et là, on s'éloigne du champ de la discrimination, on commence à mélanger. C'est tout le problème de la Politique de la Ville, c'est tout le problème du logement et Madame 55 vous renvoie à la conférence de Sylvie Tissot sur le site de l’ISCRA, en libre accès, qui est une pure merveille. Elle dit que finalement, l'important c'est aussi de définir la mixité sociale ici, spatialement, avec les auteurs locaux, c'est-à-dire d'éclaircir ce que chaque bailleur, chaque participant met derrière. Il n'y a pas forcément besoin de se référer à une définition immanente de ce qu’est la mixité sociale pour qu'elle soit active. Voilà, je voulais juste intervenir là-dessus pour essayer de faire la part des choses entre ce qui relève du champ de la discrimination et ce qui relève de l'injustice notamment sociale. qui est partie - ça va faire le lien - a souligné ça en creux. C’està-dire que effectivement, il y a les personnes de couleur dans telle place à Rennes autour du logement social. Si je chausse mes lunettes ethno-racialistes, elles vont être de couleur, si je chausse mes lunettes républicaines, elles vont être pauvres. Là, j'ai des outils de politique publique, sinon je n'en ai pas et c'est toute la difficulté notamment sur le logement. C'est-à-dire que là, on n'est pas dans une discrimination, on est dans une stigmatisation et je vais regarder les gens à partir de critères qui eux sont des critères ethno-raciaux. Niky Béquet - Juste pour dire que là où il y a un glissement, c'est quand il y a une confusion effectivement entre les termes de mixité sociale et mixité ethnique, c'est-à-dire quand on va ethniciser la question. C'està-dire qu'on va considérer, effectivement, qu’on doit traiter cette question de la mixité sociale en ayant recours à la catégorie ethnique. C’est le fameux ghetto dont il a été question tout à l'heure, indépendamment de la nationalité des gens et indépendamment de leur droit à accéder au titre du dossier. Celui-ci ne doit contenir que les pièces qui sont autorisées par la loi et qui relèvent d'un traitement qui, lui, est déterminé aussi légalement : circulation du dossier, des délais de traitement, une composition des commissions d'attribution etc. Là, je fais référence aux travaux qui ont été faits là-dessus, le GELD a travaillé là-dessus, la HALDE avait produit un rapport aussi qui n'était pas inintéressant. Parce que là, on ne traite que du logement social, mais il n'y a pas que le logement social qui est en cause. Un très bon exemple, là où ça peut conduire en termes de politique publique, ce sont les illustrations des émeutes de novembre 2005, où on dit ce sont des enfants de familles polygames africaines encadrés par les imams musulmans qui fomentent les émeutes. C'est la parole du gouvernement sauf que c'est bien évidemment faux. Si j'avais pris une grille marxiste, j'aurais pu dire que c’est le prolétariat, les classes dangereuses qui se révoltent. Ce n'est pas simplement un jeu de langage que je me permets, c'est-àdire que la façon dont on regarde le problème va définir les solutions. Et si on regarde les gens en termes de couleur de peau, je ne vois pas du tout comment on peut éviter la question des statistiques ethniques, la question des quotas, la question de discrimination positive. Donc derrière, il y a des enjeux politiques bien plus importants que simplement couleur ou pas couleur, c'est fondamentalement quelle politique publique je mets en place. J'ai été un peu gêné de ça. On sait qu'aujourd'hui, et dans le logement social, et dans le parc privé, le type de discrimination qui revient de façon récurrente, c'est sur la couleur de la peau, c'est sur l'origine réelle ou supposée, sur la composition de la famille, c'està-dire femme isolée avec enfants et puis, la catégorie « jeune », présupposée comme étant une catégorie qui va poser problème. À chaque fois, les catégories à problèmes dont on sait qu’elles sont éloignées de l'accès au parc privé, parce qu'elles sont considérées comme effectivement pouvant poser problème, et qui ont tendance à se rabattre sur la demande de logement social, où on a de vraies discriminations qui s'exercent en interne et qui font que les gens n'auront pas accès. Deuxième chose, la définition du cadre légal. C'est un critère prohibé, interdit par la loi. Une discrimination, dans un cadre couvert par la loi, ce n'est pas autre chose. Or, je suis tout à fait touché par l'exemple de Yacine (Jasmin, cf atelier école), ça me touche en termes de respect de dignité de la personne. D'autant plus que pendant sept ans, j'ai dû changer de prénom pour travailler et pourtant mon phénotype ne me pousse pas à ça. J'avais demandé de m'appeler Youssef et on me l’a refusé. Vous voyez que ça peut être inversé. Ce n'est pas de la discrimination, c'est une atteinte à la personne, bien sûr, ce n'est pas de la discrimination. Ce n'est pas anodin parce qu'on a quand même des OPHLM publics qui, dernièrement, ont été condamnés. Faiblement certes, mais je pense par exemple à Saint-Étienne qui avait carrément fait un travail de catégorisation ethnique des habitants de son parc. La catégorie la plus criante étant celle qui consistait à regrouper toutes les personnes dites de couleur, tous les Noirs, sous l'appellation « africain » et dedans, il y a des gens des DOM TOM, etc. et à mettre en plus des annotations par cage d'escalier. À savoir, est-ce qu'on pouvait encore en mettre ou pas ou est-ce qu’on pouvait continuer d'en mettre ou pas, où est-ce qu'il fallait pas en mettre parce qu'on risquait d'avoir une cité… Ce sont des Comme le retour à la Réunion, c'est évidemment maladroit, c'est une atteinte à la dignité de la personne, ce n'est pas une discrimination. Il faut quand même être très précis sur ce qu'on entend par discrimination ou pas, le risque étant un glissement dans une espèce de « landerneau » où tout va être confus et on n'arrivera plus à penser simplement. Discriminer au sens commun, c’est aussi affiner sa pensée et c'est intéressant d'avoir des précisions de vocabulaire. Un exemple patent c'est la mixité sociale, je 56 cevable au nom de l’égalité de traitement, s'il faut construire un ascenseur abattre deux cages d'escaliers, ça devient « entendable ». La loi est floue mais c'est l'aménagement raisonnable et si ça ne coûte pas cher, il n'y a pas de raison … C'est un peu la même logique sur les employeurs qui disent : pas de vestiaires, pas de femmes, alors que les coûts sont pris en charge par l'État donc ce n'est plus une justification. choses qui existent, qui sont en cours et qui viennent interpeller très fermement aussi les décideurs politiques parce que derrière, on a les questions sous-jacentes qui sont celles des politiques de peuplement sur lesquelles, on doit se poser des questions. Merci. Participante - Une petite question qui peut aider à la définition de la discrimination parce que moi je me la suis posée. Un stagiaire en fauteuil roulant, mon bureau n'est pas du tout accessible. Est-ce que ma réponse était discriminante, je ne peux pas prendre cet étudiant parce qu’il ne va jamais venir travailler sur son terrain de stage ? Erwann Le Hô - Merci. Est-ce qu'on a d'autres remarques, questionnements ? Eh bien non, on peut clôturer, vous êtes sûrs ? On va peut-être clôturer ce Forum professionnel de l'Égalité. Je vais laisser la parole dans deux minutes à Marie-Anne Chapdelaine, adjointe au maire de Rennes, déléguée à l’égalité des droits et à la laïcité et également à Patrice Allais, directeur général de la direction générale proximité et cohésion sociale. Philippe Cormont - Je peux essayer de vous donner des éléments de réponse. Un peu. C'est l'aménagement « raisonnable » du poste de travail qui est prévu par la loi, tout est dans « raisonnable ». Si cela ne vous coûte pas cher au sens purement pécuniaire du terme, votre réponse est irre- 57 Discours de clôture n Patrice Allais, directeur général de la Direction Générale Proximité et Cohésion Sociale (Ville de Rennes/Rennes Métropole) tion un peu au – j’allais dire – au mot-valise, au concept peutêtre parfois un petit peu trop large. Je trouve que l'intérêt de journées comme celle-là, c'est d’essayer d’être bien précis sur les faits, sur ce dont on parle pour, du coup, savoir après sur quoi on va travailler. Est-ce que c'est de la ségrégation sociale ou socio-spatiale ou de la discrimination ? La réponse, elle, n'est pas évidente. Je n'ai pas été présent sur toute la journée mais sur une bonne partie de la matinée puis à la restitution. En tant que pilote responsable de certains nombres de politiques publiques notamment Politique de la Ville ou autres sur la Ville de Rennes et Rennes Métropole, il y avait trois ou quatre petites choses, un peu en perspective, que je proposais d'évoquer. Là-dessus, il y a des données plutôt assez intéressantes dans les données brutes - même si les commentaires parfois sont un petit peu plus contestables - de l'observatoire national des zones urbaines sensibles qui utilise ou qui retravaille notamment des données d'une enquête « Trajectoires et Origines ». On voit bien que c'est un peu plus compliqué que ça sur les questions d'accès à l'emploi où il y a peut-être de la discrimination liée à l'origine mais il y en a, peut-être aussi, liée à l'adresse et il y en a, peutêtre aussi, voire peut-être surtout, liée au fait qu'il y a un niveau de formation faible et très faible dans ces quartiers. Là, c'est un peu la casquette Politique de la Ville qui parle, il faut qu'on agisse sur les aspects de discrimination mais aussi peut-être, même surtout, sur des questions de politique de droit commun, de politique publique. Tout d'abord, je pense qu’on peut tous se satisfaire, même si les gens commencent à partir, du nombre de participants important à cette journée qui est plutôt un succès, succès aussi promoteur et je dirais intérêt de voir se réaliser concrètement un des projets du CRDED. Donc je pense que ça amènera sûrement d'autres moments ou d'autres suites, Marie-Anne en parlera un petit peu. J'ai bien aimé l'accroche qui était, pas sur le programme complet mais sur la première petite plaquette de la journée, qui disait « comprendre, échanger, agir ». Je pense que c'est un peu l'idée. Alors on ne fait pas forcément tout en une journée mais si on a pu déjà comprendre et échanger aujourd'hui, l'idée c'est peut-être qu’ensuite, soit collectivement, soit chacun un peu dans son institution, on puisse s'améliorer ou avancer sur l’agir. Ce que j'ai trouvé bien dans cette journée, c'est la palette assez large des sujets qui ont été évoqués qui étaient liés, en partie, à la palette assez large de vos champs d'origine. Ce qu'on a évoqué sur les questions d'orientation des collégiens, des lycéens, illustre bien, je trouve, ce qu'on pouvait se dire sur les stéréotypes et sur les discriminations non intentionnelles. Ce que je retiens, moi, de la journée c'est qu’on s'est posé sur des questions de vocabulaire notamment dans l'intervention de Philippe Cormont mais pas seulement. Je crois que c'est important pour essayer d'être à peu près clair sur les concepts et puis aussi, pour travailler sur des choses qui existent et je dirais un peu cerner ces combats. Sur la santé, moi, je n'avais jamais réfléchi plus de deux secondes aux questions de discrimination dans ce champ-là et je trouve que c'est intéressant qu’il y ait pu avoir un atelier là-dessus. On a parlé, ce matin, des stéréotypes. Je pense qu'on a tous des stéréotypes, je pense que, individuellement ou collectivement, on en porte ou on en colporte. La question n'est peut-être pas de se dire qu'il faut les supprimer, c'est aussi d'en avoir conscience et de faire avec. Un regret sur les questions du logement lié au fait qu'on s'est beaucoup concentré sur la question du logement social et qu’il y a quand même beaucoup de questions aussi sur le logement privé. Un regret que parmi les participants, on n'ait pu avoir personne de ce champ logement, hors logement social. Dans les regrets également, à part deux exceptions je crois, pas grand monde du champ de l'entreprise privée en termes de DRH et deux ou trois fois du coup, on est retombé assez souvent sur des questions d'accès aux droits. Toujours sur la question des mots ou du vocabulaire, deux ou trois fois lors des échanges, a été abordée, par exemple, la question de la promotion de la diversité qui participe à la lutte contre la discrimination dans le champ de l'emploi. Moi, j'ai un petit peu réagi, je me suis dit que ce n’est peut-être pas forcément si évident ou automatique que ça. J'ai bien aimé l'intervention du représentant du défenseur des droits, ce matin, qui parlait des non-inclus etc. et qui a nous amenait à prendre avec un petit peu de recul ou de pincettes, la liste Quand ont été évoquées les questions de ségrégation socio-spatiale ou de mixité sociale etc., on voit bien qu'il faut faire atten- 58 des réclamations les plus fréquentes. Il faut effectivement qu'on ait toujours en tête la base de ceux qui osent réclamer. ces petites réflexions avant de laisser Marie-Anne compléter un petit peu sur d'autres suites ou perspectives opérationnelles pour nous. Au final, on voit bien que les questions qu'on a abordées interrogent des politiques publiques locales ou nationales. Ce qu'on a dit sur les questions de logement social, comment toute la politique du logement social et son financement via la Caisse des Dépôts, via des prêts etc. Le fait qu'on est sur un système où le loyer de logements est lié à son époque de construction, aux prêts etc. On voit bien que c'est très, très compliqué d'essayer d’en sortir, notamment des questions de conventionnement global etc. Pour avoir travaillé cinq ans sur la convention ANRU de Rennes, c'était déjà un objectif d'y arriver. On voit bien que c'est tellement techniquement compliqué que ça avance d'une manière très difficile mais ça avance quand même un petit peu. n Marie-Anne Chapdelaine, adjointe au Maire de Rennes, déléguée à l’égalité des droits et à la laïcité Moi, je dirais, j'ai la partie la plus facile parce que déjà, c'est de me réjouir. On était plus de 200, ce matin et du coup, ça m'amène aux perspectives. Ces perspectives peuvent être soit, de se dire qu’au cours d’un forum comme celui-là qui a mobilisé 200 personnes. Des choses ont été dites, mais pour avoir été dans un atelier où on avait l'impression d'être un peu resté sur sa faim, ça nécessite forcément une suite, ça nécessite soit d'avoir des objets spécifiques de réunion, soit, de refaire ce type de forum. Dans ces perspectives là, moi je dirais aussi, qu’il manque un petit peu le Temps Fort grand public parce que là, on l'avait dit, c'est un forum qui s'est adressé à des personnes, des professionnels au sens très large. Sur les sujets et les suites pour ce qui, je dirais, nous concerne plus, nous, Ville de Rennes ou Rennes Métropole, en tant qu'employeurs, on a déjà, dans le cadre du plan de lutte contre les discriminations, avancé sur certains sujets. Je pense au sujet des emplois d'été par exemple où on était, il y a deux ou trois ans, dans la situation qu'évoquait Philippe, ce matin, et on a désormais changé. Donc moi, je me dis que quelque part, il nous faudra - et ça c'est plus dans l'objectif du CRDED, c'est vrai, ça faisait deux ans qu'ils préparaient ce forum-là envisager peut-être un des nouveaux chantiers du CRDED, à savoir comment on en fait un Temps Fort plus grand public. Sur la formation de certains agents, je pense aux agents d'état civil, je pense aux agents du service logement social, on a avancé. Il reste d'autres choses. On a découvert un certain nombre de choses, en travaillant sur la question dans les cantines, des repas sans porc et de la mise en place ou non de repas sans viande. De manière générale, l’air de rien, sur ces questions on mettait souvent les agents de terrain qui sont sur des postes concrets pour servir les repas, dans des situations assez compliquées de devoir parfois faire du tri entre enfants, d'autointérioriser des choses, de se demander si un enfant dont on pourrait penser qu'il est musulman mais qui se met manger du porc, va-t-on oser lui dire : « t’es sûr que t’as le droit d’en manger ou pas etc. ». On se rend compte qu'on laisse les agents peutêtre, parfois un peu seuls avec des questions pas forcément faciles. Ça, c'est plutôt dans les suites mais il y aurait une dizaine de sujets comme ça, c’est un parmi dix qui nous restent à traiter en termes de formation de nos agents. Autre chose aussi que je voulais dire à Patrice : il y avait quand même des directeurs de RH qui étaient là, je les vois là-bas. Mais comment être plus performant ? C'est vrai aussi qu’il faut, quelque part, continuer à pouvoir parler et échanger parce que je crois qu’il est très important de réfléchir à ses propres pratiques parce que c'est collectivement qu'on avance et surtout, c'est collectivement qu'on fera reculer ces discriminations. Donc moi, j'ai envie de terminer en vous remerciant tous. Puis, si vous voulez bien, peut-être à dans un an, peut-être avant mais ça, c'est collectivement qu'on le décidera. Pour finir, je retiens ce qui a été dit aussi, ce matin, sur le fait que ce n'est peut-être pas tout à fait innocent que les trois discriminations sur lesquelles il y a le plus de travail ou qui sont peutêtre les mieux ou les moins mal traitées sont âge, sexe et handicap. C'est peut-être lié au fait que ce sont aussi ces trois discriminations sur lesquelles des politiques publiques existent avec un peu d'argent incitatif là-dessus ou incitatif et sanction. On sait bien que les questions « carotte/bâton », c'est aussi ce qui fonctionne et qu’il faudrait seulement ouvrir un champ de réflexion pour qu'au niveau national ou local on puisse aussi voir s’il n'y a pas des dispositifs d'incitation financière sur les autres discriminations qui pourraient être mises en place. Voilà pour 59 Annexe 1 : Powerpoint de Philippe Cormont RENNES Présentation générale de la discrimination et du cadre juridique. Entre THÉORIE & PRATIQUES. Philippe CORMONT Chronologie de l’émergence des politiques publiques de LCD 1997 : Une volonté de l’Europe Article 13 du Traité d’A Amsterdam qui impose de mettre en place une politique publique de LCD, • 1998 à 2008 : Les étapes clés Reconnaissance de l’existence des discriminations par les pouvoirs publics (98 / Conseil des ministres), • Loi du 16 novembre 2001 • HALDE (2004 => 2005) • Loi de Mai 2008 (harcèlement). Créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. 60 Risques psychologiques/RPS Conceptuellement La discrimination est un traitement défavorable, à situation comparable, d'un individu ou d'un groupe, dans le cadre d'un processus de réppartition d'un bien ou d'un service : • Fondé sur un critère illégal et/ou illéggitime, • Entraîîn nant un préj réjudice pour cet individu ou ce groupe. Clarification / Distinction Racisme, Assimilation, Intégration, Exclusion, Injustice … Égalité de traitement : Désigne l’égalité de tous les citoyens devant la loi et devant la fourniture de biens et services. Égalité des chances : Désigne le fondement de la société mériitocratique, c-a-d la possibilité pour chacun de parvenir à tout emploi ou toute responsabilité en fonction de son seul mérite. Interculturalité : Vise à permettre la reconnaissance mutuelle, le dialogue et la rencontre ente cultures. Promotion de la synergie de toutes les différences pour dépasser la peur et entrer en relation avec l’autre sans perdre son identité. Multiculturalisme : Désigne la reconnaissance de différences culturelles jugées irréductibles, au détriment de l’universalité des valeurs de la société. Pour rappel, on partage 98,5% de nos gènes avec le chimpanzé… Le danger est dans la hiérarchisation des différences entre les êtres et non dans la reconnaissance de ces différences. Il y a plus de diversité génétique, en moyenne, au sein des individus d'une ethnie particulière qu'entre deux ethnies différentes, fussentelles apparemment si dissemblables que le sont des populations scandinaves ou mélanésiennes. 61 1 Vo u s avez dit DISCRIMINATION ? Une discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la Loi dans un domaine visé par la Loi (2001). Elle peut être directe ou indirecte, légale ou justifi ééee. Elle peut également prendre la forme d’un harcèlement (2008). Discrimination positive : action qui vise à éliminer la discrimination passée ou actuelle subie par un groupe de personnes en leur accordant temporairement certains avantages préfé férentiels, notamment en matière de recrutement (+/_ Affi rmative action). : AGEFIPH, Paritéé,, Cucs, Contrats jeunes/seniors…. s R é s u l t a t s A M A D I E U ( 1 8 0 6 c v, 2 6 1 r é p o n s e s > 0 ) 80 75 69 70 60 C U M U L AT I F D o u b l e p e in e 4 50 40 33 30 20 20 14 5 10 0 C a n d id a t d e ré fé r e n c e Fem m e R é s id a n t a u Val fou rré Vis a g e d is g r a c ie u x 62 50 an s N o m et p ré n o m M a g h ré b i n H a n d ic a p é Homme / Femme (SDFE) DIRECTION % Enseignement supérieur et recherche 10 % De la FPT 18 % De la FPH (corps des directeurs d’hôpitaux) 18 % Écarts de salaire F/H Dirigeants salariés é - 32 % Cadres (privés) - 23 % 18,5 % Députées, 13,9 % Maires Des stéréotypes…? … • Les Bretons sont têtus et boivent, • Les gros sont conviviaux et chaleureux, • Les coiffeurs sont des homosexuels, • Les femmes sont douces, • Les noirs dansent bien et aiment la musique (changement au fi l du temps), • Les Arabes sont des voleurs, • Les Juifs sont riches, • Les Allemands sont organisés, • Les fonctionnaires sont des fainéants, • Les jeunes qui habitent ce quartier sont dangereux, • Le Français porte un béret et sa baguette sous le bras, • Les Chinois sont forts en Kung-Fu, Etc… 63 Des stéréotypes… …? • Mode de catégorisation rigide et persistante (résistant au changement) de tel ou tel groupe humain, qui dé d forme et appauvrit la réalité sociale dont il fournit une grille de lecture simplifi catrice, et dont la fonction est de rationaliser la conduite du sujet vis-à-vis du groupe catégorisé. • Lee processus de catégorisation « stéréotypante » implique, d’une part, une accentuation des difffééérrences entre le groupe d’appartenance et les autres groupes (effet de contraste), et, d’autre part, une accentuation des ressemblances dans le groupe d’appartenance comme dans les autres (effet d’assimilation). « La raison, le jugement, viennent lentement, les prééju jugééss accourent en foule » JJ Rousseau Je ne peux pas me faire confiance. Nécessité d’avoir des outils, des critères objectifs de décision, d’attribution, de sélection … Que dit la loi ? • Une discrimination, c'est le fait de traiter difffééremment une personne pour des motifs interdits par la loi. • La lutte contre les discriminations s'applique en matière d'emploi, d'accès aux biens et services, de fournitures de biens et services, de protection sociale, santé, avantages sociaux, d'éducation et de logement. • Il existe 18 motifs de discrimination interdits par la Loi. Aménagement de la charge de la preuve 64 4 Les critères prohibés b • • • • • • • • • • • • • • • L’origine, Le sexe, Les mœurs, l’orientation sexuelle, L’âge, La situation familiale, Les caractéristiques génétiques, L’appartenance ou la non appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, Les opinions politiques, Les activités syndicales ou mutualistes, Les convictions religieuses, L’apparence physique, Le patronyme, Les handicaps ou l’état de santé sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, État de grossesse ou situation de maternité. Les sanctions Le code pénal Le code du travail Articles L225 - 1 et L225 - 2 L1132 • Réintégration du salarié • 3 ans d’emprisonnement et 45 000 dans l’entreprise en cas de licenciement pour des motifs discriminatoires euros d’amende pour les personnes physiques, • de 5 ans de prison et de 75 000 ! d’amende pour toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou • Indemnités t !6 mois de salaire + indemnités de licenciement (si refus de réintégration par le salarié). • de 225 000 !pour les personnes morales ( 432-7 duu code pénal). HALDE / Défenseur des droits 65 L’ORÉAL/Garnier (et DISTRICOM) : discrimination raciale (hôtesses BBR); 30 000 ! MOULIN ROUGE (et ADECCO) : refus serveur de couleurs; 10 000! BOSCH : double discrimination : syndicale et origine; 50 000 ! LOGEMENT : non prise en compte du critère prioritaire du handicap pour l’accès à un logement social; refus de location à des femmes voilées, préférence de couleurs (6 mois avec sursis + 1500!), Préemption d’ d un maire…. ACCÈS BIENS ET SERVICES: En refusant l’accès aux avions à des passagers se déplaçant en fauteuil roulant (à des sourds) au prétexte qu’ils voyageaient seuls. 70 000 ! Installation d’un portail automatisé fermant l’accès d’une résidence, entravant l’accès des patients d’un masseur-kinésithé h rapeute. ÉDUCATION NATIONALE : « ce poste deemandee une één norme charge dee travail très peu compatible avec le mééttier dee mè m re dee famille (mêêm me si les choses éévvoluent c’est très lent), je ne l’ai doonc signalé qu’à dees collègues hommes ou dees collègues "femmes" sans enfant ». Stéréotypes dans les manuels. Orientation sexuée. FPT : Refus d’agrément d’une assistante maternelle pour surpoids… Annonces / Recrutement : BBR, BYB, Gaulois, Pas de 99…(en voie de disparition). Fichier ethnique. Les principaux mécanismes de discrimination Arguments et processus 66 Les arguments • L’argument de la clientèle • L’argument du personnel – (ce n’est pas moi c’est l’autre…)) • L’argument des seuils d’équilibre • Le « mauvais » exemple généralisé Les processus • L’ethnicisation et sexisation des tâches ==> essentialisation, naturalisation (identité vs appartenance). • La préférence locale et familiale, « la proximité », le clonage. • Intériorisation et non positionnement par les « intermédiaires » ==> « Coproduction » • Intériorisation et non candidature par les personnes cibles ==> « Victimisation » (RPS) 67 Différence entre sélection et discrimination illicite Une sélection Une discrimination En droit, discriminer, c’est traiter de manière défavorable une personne plus qu’une autre, dans une situation comparable et pour un motif prohibé. Discriminer signifi e dans le langage commun distinguer. C’est un processus neutre, une distinction entre 2 objets ou sujets à partir de traits distinctifs. Dans un recrutement, les caractéristiques d’un candidat (origine, choix de vie…) seraient le motif de la mise à l’écart de sa candidature Dans un recrutement, cela revient à sélectionner en fonction de critères objectifs et légitimes Types de discriminations Discrimination directe : Elle se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre, dans une situation comparable, sur la base de critères discriminatoires. C’est utiliser ces critères pour fonder une rupture d’égalité de traitement. Ex: Dans une annonce, prééssence de critères sur l’origine, le sexe sans que le poste ne le justifi e. Discrimination indirecte : Elle se produit lorsqu’ u un critère, une disposition ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraaîîner un désavantage particulier pour un certain groupe de personnes par rapport à d’autres personnes.. Ex: La prééssence du critère de taille minimum sans que le poste ne le justifi e ééccarte statistiquement une certaine catééggorie de la population. Job d’éétté. 68 Discrimination légale et justifi ée • Discrimination légale : Il s’agit d’une discrimination organisée et prévue par un texte légal (ex: la nationalité comme critère pour accéédder à certains emplois) • Discrimination justifi ée : Objectivement et raisonnablement, liée à une compétence essentielle et déterminante…. Situations dans lesquels le méti er, ( l’emploi, la mission) nécessite de satisfaire à un critère singulier (ex: être noir pour jouer le rôle de Mandela dans une pièce de théâtre) Que dit la loi ? Lee principe de non-discrimination (renforcé par la loi de lutte contre les discriminations du 16/11/2001) est contenu dans l’article L1132 du code du travail et les articles L225 du code pénal, article 6 &18 loi Le pors, 1983 Le droit interdit toutes mesures discriminatoires directes ou indirectes prises par un employeur tout au long du déroulement de la vie professionnelle. Ainsi seront prohibéees toutes mesures, règles, pratiques… défavorabbles à une personne ou un groupe de personnes, en raison des différents critères suivants: Aménagement de la charge de la preuve 69 70 [email protected] www.copas.coop 06 03 29 46 33 71 Annexe 2 : Powerpoint de Jean-Luc Richard Etudier les discriminations : concepts et méthodologies à partir d!enquêtes offi cielles ou indép pendantes Studying discriminations : concepts and methodologies regards t o offi cial and independent surveys in France Jean- Luc Richard Univ. Rennes 1 - CRAPE Rennes, France Discriminations : l!apparition d!une problématique dans la sociét é, dans les politiques publiques, dans la recherche - Des mobilisations à partir des années 1980 " - lois de 1972 et 1990 to ur nées vers la condamnation des propos racistes " - Les chercheurs en sciences sociales s!emparent de la question dans les années 1990 Avant la question est trait ée de manière marginale - les étrangers sont pr ésent ées comme exclus de certains processus car à la fois en bas de l!échelle sociale et “ non français” (voir Noiriel 1987 ; Tripier 1990; Weil 19881991) - étudier les discriminations n!e est pas un sujet de recherche valorisé (sociologie, économie) en France " 72 “ Integration in France” Le paradigme de l!int égration fait que certains chercheurs ou acteurs, dans les années 1980- 1990, alors que la situation sociale évolue négativement (mont ée du chômage, baisse de la mobilit é sociale dite panne de l “ ascenseur social”)) passent sous silence l!existence de discriminations Tous les chercheurs qui utilisent le concept d!int égration ne nient pas l!existence des discriminations : - on peut utiliser le concept d!int égration sans référence à un modèle politique (plus ou moins injonctif) et affi rmer qu!il existe dess discriminations (Tripier) - on peut penser un modèle d!int égration soutenu par des politiques publiques sur le registre de l! “ idéal- type” et ne pas nier l!écart avec la réalit é des pratiques sociales Mais jusqu!en 1997, les discriminations ne sont pas l!objet de politiques publiques visant à les combattre en tant que telles 19800 1992 : on étudie la situation des étrangers ou l!int égration sociale " Les recensements, mais l!INSEE ne parle pas de discriminations car pas de tradition et prudence " L!int égration étudiée, mais pas les discriminations " Et les enfants d!immigr és, et les Français d!Outre- mer ? Enquêt e DOM 1992 : h t t p : / / ww w.persee. e f r/web/revues/home/ prescript /article/ e stat 0336- 1454 1993 num 270 1 5825 Enquêt e MGIS 1992- 1993 INED Ouvrages 1995 Rapport (pas de discriminations) et Faire France ( 4 pages) 1996 De l!immigration à l!assimilation 73 A la recherche des discriminations littérature anglo-saxonne -nouvelles approches plus fondées exclusivement sur le critère de la nationalité (voir Borkowski 1990 dans INSEE Données sociales), on utilise des catégories telles que « enfant d!étranger », « enfants d!immigrés » -apparition de nouvelles techniques : modèles log-linéaires (modéles logit / probit) -? (régressions logistiques) -L!Ecole discrimine-t-elle ? Se poser la question est un préalable à l!étude des discriminations sur le marché du travail car, c!est horrible à dire, mais si le système éducatif discrimine, les employeurs qui auraient voulu le faire n!ont plus à le faire (voir Tapinos 1974) Première études : Richard (1993) Vallet et Caille (1995, 1996) ; Tribalat MGIS 1995 (perceptions de discriminations ) -Limites de ces études nature des données 1992 : un contre-projet à MGIS à partir de l!échantillon démographique permanent : Toujours à la recherche des discriminations -1997 – 2000 -Création du GED -Rapport du HCI -transformation du GED en GELD Et les première recherches sur le sujet -Rapports de l!URMIS, Le racisme au travail de P. Bataille (CADIS), travaux de Roxane Silberman (1997) , Jean-Luc Richard (thèse 1997, publiée 2004) 74 75 1999 - 2000 - < Docs officiels UE: liens é éttroits entre intégration et lutte contre discriminations Conclusions du sommet européen de Tampere (1999) « Une politique plus énergique en matière d'int é ég gration devrait avoir pour ambition d!offrir [aux RPT] des droits et obligations comparables à ceux des citoyens de l'UE. Cette politique devrait également favoriser la non-discrimination dans la vie économique, sociale et culturelle et mettre en place des mesures de lutte contre le racisme et la xénophobie ». 2 0 0 1 - 2 0 0 2 : l!a r r ê t ( t e m p o r a ir e ) d u d é v e lo p p e m e n t d e s p o lit iq u e s p u b liq u e A p r è s le v o t e d e la lo i d e 2 0 0 1 im p o s é e p a r l !U E s u i t e a u s o m m e t d e T a m p e r e d e 1 9 9 9 , l a F ra n c e c r o i t a v o ir d é s o r m a is le s i n s t r u m e n t s d e l u t t e c o n t r e le s d is c r im in a t io n s … . " L e C o m m i s s a r i a t a u P la n é v o q u e u n p e u le s u je t d a n s s o n r a p p o r t « I m m ig r a t io n , m a r c h é d u tr a v a il, i n t é g r a t i o n » ( H é r a n , R ic h a r d , A o u d a ï – d ir . - , n o v 2 0 0 0 – m a r s 2 0 0 2 , p u b lié en n o v. 2 0 0 2 ) " D e s u n i v e r s i t a i r e s la n c e n t d é b u t 2 0 0 1 , a u C A E , u n g r o u p e d e tr a v a il s u r « S é g r é g a t io n u r b a in e e t in t é g r a t io n s o c ia le » ; D e r n i è r e r é u n i o n l e 2 2 a v r i l 2 0 0 2 , r a p p o r t r e m i s a u P r e m ie r m in is t r e e n n o v 2 0 0 3 , p u b lié e n f é v 2004. " 76 2002- 2006 " Cr éation de la HALDE se saisir « de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibée es par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie » cr éée par la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004, (Journal offi ciel, 31 décembre 2004). La loi a é étt é complé étt ée par le décret n°2005- 215 du 4 mars 2005 qui fi xe l'organisation générale et administrative et les procédures applicables. Mobilisations pour les “ discriminations positives” , pour les statistiques ethniques” qui s!intensifi e vers 2006 Institut Montaigne, Sarkozy, Yazid Sabeg d!u une part Le CRAN, les proches de la revue “ Mouvements”, Charte de la diversit é dans les entreprises Testing CV anonyme Et la recherche se développe ( Mirna Safi , Roxane Silberman, JF Amadieu, Etienne Wa Wasmer , D Fougère) 77 78 79 80 81 2007- 2011 : le débat rebondit Avis de la CNIL Commission Simone Veil Conseil constitutionnel Loi de 2008 Enquêt e TEO COMEDD et le contre rapport CARSED HALDE # Défenseur des droits Contact " jean- luc.richard@univ- rennes1. f r " h t t p : / / h t t p : / / p e r s o . univ- rennes1. f r /j e a n- luc.richard/iNDEX2.pdf " h t t p : / / w w w. crape. univrennes1.f r/membres/richard_jean- luc.ht m 82 83 Contact [email protected]