Traduction du texte religieux : créativité littéraire et - DOCT-US
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Traduction du texte religieux : créativité littéraire et - DOCT-US
Ştiinţe socio-umane 177 Traduction du texte religieux : créativité littéraire et persécution Chokri Mimouni Université Rennes 2-Haute Bretagne Rennes, France [email protected] Abstract: The way of the translation is, generally speaking, very thorny, difficult to access and leading nowhere not to say impossible. Impossibility not only bound to the distrust which we have towards the translator but also strictly bound to the nature of the task, especially when it is about the translation of a religious text and in this case about the Koran. Besides the linguistic correspondence and cultural of the text, there are, in fact, so many other factors to be considered: the history of the text, its impact at the time of its appearance on the individuals, even on the whole peoples, its impact on the cultural and religious life in the middle age. The orientation stemming from the translation would be blocked not at all, therefore, in front of expectations of the individuals whom addresses the translation and show the influence whether the translation, however small it is, can have on the reaction of these same persons. Keywords: religion, philosophy, middle age, wisdom, Koran Toute sa vie, l’érudit Gazâlî (m. 1111) défendit l’idée que le texte fondateur de l’Islam n’est pas un texte ordinaire et qu’il fallait donc le préserver tel quel, dans sa langue d’origine, sans modifications, sans transformations et sans traduction, face aux autres langues, portées par des non-arabes, le perses et les turcs. A tenir compte de cette déclaration du début du XIIème siècle, tous les efforts de traduction d’un texte religieux quelconque n’auraient plus la place qui leur est réservée et seraient tout bonnement inutiles. Avant de voir le détail de cette vision Gazalienne, il est utile d’esquisser en quelques lignes préliminaires la problématique générale de la traduction se rapportant au texte religieux. Ce présent exposé, un fragment d’une traduction de l’œuvre susmentionnée qui sera produite très bientôt, tente de trouver un juste équilibre entre les différentes opinions concernant la traduction et la place du traducteur. On pourrait dire, comme le proclament les défenseurs de la traduction, que les traducteurs sont les éclaireurs de l’âge des lumières. Comme on pourrait aussi sombrer dans des jugements hâtifs qui ont souvent associé, à tort ou à raison, le traducteur à la trahison. Une place fort inconfortable dès qu’il s’agit d’un texte religieux d’une manière générale, et plus particulièrement du texte fondateur de la religion musulmane, le Coran. Un jugement qui place le traducteur entre deux extrêmes, une sorte d’étape Manzila bayna manzilatayn. intermédiaire, Ce qui montre déjà que la voie de la traduction est, d’une manière générale, très épineuse, difficile d’accès et menant à une impasse pour ne pas dire impossible. Impossibilité non seulement liée à la méfiance que l’on a à son égard mais aussi étroitement liée à la nature de la tâche. Surtout lorsqu’il s’agit de la traduction d’un texte religieux et dans le cas présent du Coran. Outre la correspondance linguistique et culturel du texte, il y a, en fait, tant d’autres facteurs à prendre en considération : l’histoire du texte, son impact à l’époque de son apparition sur les individus, voire même sur des peuples entiers, son impact sur la vie culturelle et cultuelle de l’époque… L’orientation issue de la traduction ne serait aucunement obstruée, de ce fait, face aux attentes des individus auxquels s’adresse la traduction et montre l’influence que la traduction, aussi minime soit-elle, peut avoir sur la réaction de ces mêmes personnes. Citons, à titre d’exemple, une erreur assez lourde qui marqua le système philosophique d’Avicenne et qui consistait à l’attribution à Aristote d’un traité de Plotin sur la théologie1 ou encore Le Liber de 1 Voir Jolivet. J, Philosophie médiévale arabe et latine, éd. Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1995, p. 90-110. Voir aussi Plotin, Ennéades, éd. par Émile Bréhier, 7 vol., texte grec et traduction, Les Belles Lettres, 1924/1927. 178 DOCT-US, an III, nr. 1, 2011 Causis, compilation de Proclus, attribué lui aussi par erreur à Aristote2. Là nous sommes très loin de ce que disait Gāḥiz (m. 1024-5) : « Le traducteur doit maîtriser autant le sujet que son auteur3. » Par ailleurs, il est très difficile, et tout bonnement impossible, que deux traducteurs donnent des traductions identiques d’un même texte, même s’ils œuvraient, chacun de leur côté, sous l’emprise totale de son démon, Jinn4, comme l’on a rapporté des poètes de la période antéislamique. La traduction est donc liée à l’effort de chaque traducteur et reste tributaire de ses convictions profondes. C’est pour dire que la traduction suppose donc un acte d’interprétation. Souvent plusieurs interprétations sont possibles et cela met le traducteur devant l’acte de choisir. Faut-il tout de même dire que la linguistique et le contexte du texte permettent d’éliminer une partie d’interprétations. Mais le choix demeure entre les parties restantes et ce ne seront que des éléments extérieurs au texte qui vont orienter le choix : il y a des éléments liés à la subjectivité du traducteur telle que sa croyance, sa préférence mais il y a aussi les contraintes normatives, les normes de traduction par exemple, un éventuel contrôle institutionnel de l’interprétation. Ḥunayn b. Isḥāq (m. 873), un des piliers de la traduction à la « Maison de la sagesse », grande institution de traduction et point de départ de l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane, dit : « Je n’est pas saisi le sens précis de la phrase rapportée par Galien sur Aristophane, j’ai décidé alors de l’éliminer complètement5 .» 1. La renaissance traduction arabe et la Dix siècles après Hunayn b. Isḥâq et avec la Nahdha, la renaissance, Ṭahtāwī (m. 1873), outre son chef d’œuvre Takhlīṣ al-Ibrīz fī Talkhīṣ 2 Voir Qanawati. G, Etudes de philosophie musulmane, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1974, p. 117-154. 3 'alā al-mutarǧim an yudrika l-mawḍū' bi-qadr idrāk l-kātib lah-u. 4 En guise d’anecdote, la réalisation de la plus ancienne de toutes les versions ou traductions des textes hébraïques, La Septante, Ancien Testament des chrétiens d’Orient. On rapporte que le monde sombra dans une obscurité totale pendant trois jours lorsque la Torah fut traduite de l’hébreu au grec. Rappelons qu’il s’agit de la première traduction de la Bible dans une autre langue. La légende voulue aussi que les traducteurs, aussi nombreux qu’ils étaient, trouvèrent la même traduction tout en travaillant individuellement. 5 Lam atabayyan bil-dhabti ma'nâ l-jumla l-latî naqalahā Jālînûs 'an Aristûfân w Qarrartu hadhfahâ bi rummatihâ.. ahwāl Bârîz, traduit sous le titre L’or de Paris, fit plusieurs traductions d’ouvrages du français à l’arabe6. Si l’on analyse de près l’une de ses réalisations, Mawâqi’ l-Aflâk fî Waqâ’i’ Tīlīmāk, dans le miroir de sa conviction religieuse, les normes minimales de la traduction seraient compromises et tout l’intérêt de la traduction serait remis en question malgré la notoriété et le prestige dont il bénéficiait à l’époque. Des questions du genre pourquoi traduire et à qui traduire émergeraient à la surface et inhiberaient l’effort de traduction connu depuis plusieurs siècles. Dans cet ouvrage qui devrait à la base traduire Les aventures de Télémaque, le rapprochant ainsi de la société arabe, nous assistons à la naissance d’une autre œuvre se différenciant totalement ou presque de l’œuvre d’origine. Des concisions, rajouts et modifications furent en quelques sortes les outils principaux à utiliser, sous les yeux vigilants de Ṭahtāwī, à priori, afin de recadrer le contenu dans une perspective monothéiste. Par exemple lorsque, sous la plume de François de Salignac (m. 1715), le roi dit à Mentor : « Les dieux vous ont envoyés pour nous sauver…7 », Ṭahtāwī traduit : « Iqtadhat l- hikma l-rabbâniyya irsâlakum ilaynâ li inqâdhinâ mina l-halâk8 ». Par un jeu de mots assez habile, nous sortons là de la Grèce où la divinité était multiple pour l’intégrer dans un monde monothéiste9. Plus loin et toujours à propos de la divinité, quand Antiope dit en s’adressant à son mari : « Télémaque, votre amour pour elle est juste ; les dieux vous la destinent : vous l’aimez d’un amour raisonnable…10 » Ṭahtāwī traduit : « Hubbuka iyyâhâ yâ Tilimâk lâ lawma fîhi w lâ tathrîba fa bi minnatihi ta'âlâ takûnu min ajlika w nakhbika 'an qarâbin, haythu innaka mala'un w malahun w hubbuka laha bidûni gharadhin w lâ illatin…11 » Nous voyons ici comment le pluriel « dieux » devient singulier comme s’il voulait éviter de heurter la sensibilité des croyants. Aussi le mot « juste » prend une autre interprétation et nécessite même, selon Tahtâwî, deux mots pour le sens en arabe sans oublier que tout ceci transforme la réalité du texte de départ en un élément courant de la vision 6 Voir Amara. M, Al-a'mâl l-Kâmila li Rifâ'a Râfi' l-Ṭahtāwî, éd. Al-Mu'assasa l-'arabiyya, Beyrout, 1973-1981. 7 Voir De Salignac. F, Les aventures de Télémaque, Livre I, Librairie Hachette, Paris, 1893, p. 12. 8 Voir Ṭahtâwî. R .R, Mawâqi' l-aflâk fî waqâ'i' tilimâk, Beyrout, 1867. 9 La notion de dieux, au pluriel, est remplacé par le singulier « la sagesse divine ». 10 Voir De Salignac. F, op. cit., Livre XVII, p. 317. 11 Voir Ṭahţâwî. R. R, op. cit., p. 723. Ştiinţe socio-umane 179 culturelle arabo-musulmane : Elle ne peut pas être à toi sans la volonté de Dieu. Dans le livre VIII nous avons : « C’est dans cette demeure, si élevée au-dessus de la terre, que Jupiter a posé son trône immobile […] Au contraire, quand il secoue sa chevelure, il ébranle le ciel et la terre12. » Tahtâwî reprend à sa manière l’interprétation de ce passage pour l’intégrer dans un contexte monothéiste où Jupiter n’a rien à voir avec la divinité et dans lequel les dieux de la Grèce antique sont réduit à néant13. Il est intéressant de voir ici comment Tahtâwî manipule les mots en traduisant Jupiter tantôt par al-mukhtar et tantôt par al-kawkab, l’astre. La notion du trône qui est assez importante dans le Coran et qui a donné des divergences de traduction et d’interprétation, est traduite ici par des termes étranges, rares et détournés du sens voulu : avec le terme de saltana, royauté, voudrait-il basculer le sens de dieu tout simplement au sens de roi, en passant d’un coup du monde supra-lunaire, monde divin des intelligibles, vers le monde sublunaire, le monde de l’Homme ? Un peu plus loin dans le texte de Solignac nous lisons : « […] En disant ces paroles, il fit à Vénus un sourire plein de grâce et de majesté. Un éclat de lumière semblable aux plus perçants éclairs, sortit de ses yeux. En baisant Vénus avec tendresse, il répandit une odeur d’ambroisie dont tout l’olympe fut parfumé14. » Nous voyons qu’ici, tout comme dans l’œuvre de départ, plusieurs éléments considérés comme tabous dans la société arabo-musulmane, tel que le baiser (qabbalahâ taqbîla hanînin), sont traduit complètement différemment afin de satisfaire ses lecteurs et les intégrer ainsi dans une culture qui est sienne. En outre il raye du texte la notion de l’Olympe, lieu de séjour des dieux du paganisme gréco-romain. Par ces manipulations voudrait-il satisfaire le lecteur de cette époque ? En tout état de cause, même si les efforts de traduire sont salutaires, nous pouvons déceler sa conviction culturelle et cultuelle personnelle. Comment pouvait-il en être autrement alors que Tahtawî fut le guide pour diriger la prière, l’imam, à la tête de la délégation dépêchée en France après la conquête de l’Egypte par Napoléon ? Il fut certes l’auteur d’ouvrages assez importants pour l’époque tel que Takhlîṣ al-Ibrîz fī Talkhîs ahwâl Bârīz. Son fort n’était cependant pas, nous semble-t-il, dans Le Coran, comme tout texte fondateur d’une religion, est sujet à controverses, si ce n’est le texte sujet à polémique, de tout temps. Quelque soit la place occupée, du côté des fidèles ou sur le banc des adversaires, il continue à attirer les regards sur lui et alimente les débats les plus vifs à son sujet. Dès qu’il s’agit de versets coraniques, la vigilance et la méfiance deviennent de rigueur, de part et d’autre, et ce à travers tous les temps que ce soit au tout début de leur révélation ou encore aujourd’hui, au sein de la communauté musulmane comme à l’extérieur. Comme nous l’avons annoncé plus haut, nous n’allons que nous intéresser à la traduction et pour ce faire, nous nous interrogerons sur quelques traductions. Car, le lecteur non arabophone, et étranger à la langue du Coran, se trouve face à une multitude de traductions autour du même texte qui envahirent la société et ne sait plus, du coup, laquelle choisir. Entre des traductions opérées sur d’autres traductions, savantes ou pas, bien que multiples, faites sur le texte arabe, comme nous le verrons plus bas, quelle voie suivre ? Dans l’impossibilité de les lire toutes, pour une raison ou pour une autre, faut-il se fier à la belle présentation, à la célébrité de l’auteur ou chercher, tout bonnement, à s’informer sur le traducteur et sur ses convictions. Nous savons que, comme ce fut le cas pour n’importe quelle œuvre traduite, les intentions des traducteurs oscillent, d’une manière générale, entre une volonté propagandiste pour le faire découvrir à public très large de nonmusulmans et entre une volonté de défiguration et de nuisance à l’Islam. Entre les deux, il y a bien sûr, ceux qui considèrent l’œuvre comme faisant partie du patrimoine universel et donc il est culturellement enrichissant de la traduire. C’est ce qui explique les différentes traductions, en notre possession aujourd’hui : 2°/ D’autres traductions se présentent de manière différente : 12 13 14 Voir De Salignac. F, op. cit., Livre VIII, p. 119. Voir Ṭahtâwî. R. R, op. cit., p. 251. Voir De Salignac. F, op. cit., Livre VIII, p. 120. la traduction et ne fait que compromettre le travail du traducteur. 2. Coran et traduction 1°/ Tout d’abord : il y a les traductions qui ont été réalisées sur d’autres traductions : version italienne sur une version latine, ou une version hollandaise, sur une version allemande, sur une version française, français/anglais, etc. 180 DOCT-US, an III, nr. 1, 2011 2-1 : Sur le plan sémantique : Certaines sont de simples traductions du texte coranique. D’autres présentent à leur début une introduction sur l’Islam, la vie de Muhammad, sur la révélation, l’exégèse et les interprétations, etc. 2-2 : Sur le plan linguistique : la démarche n’est pas la même non plus. Les uns, tel que A. Ghédira15, ont privilégié l’arabe, la langue de départ, réputée sacrée, en essayant de dévoiler et le fond et la forme arabe. Les autres, comme Kazimirski16, ont privilégié la fidélité à la langue d’arrivée. Exemples : Le choix sera fixé sur la sourate XXIV du Coran parce qu’elle exprime la lumière ; Lumière sans laquelle l’Homme sombrerait dans l’ignorance et la déraison. d’origine « qul lil mu'minâti yaghdhudhna min absârihinna […] wa lâ yubdîna zînatahunna illâ libu’ûlatihinna aw âbâihinna aw âbâi bu’ûlatihinna aw abnâ’ihinna aw abnâ'i bu’ûlatihinna…19 » teur Kazimirski Savary 1°/ La restriction sémantique : Versets d’origine «Wallâhu langue yarzuqu man yachâ'u bighayri hisâbin17 .» Traducteur Traduction Kazimirski « Dieu donne la nourriture à qui il veut, et sans compte » « Il vous comblera de ses bienfaits. Il les dispense à son gré et sans compte18.» « Dieu donne la richesse à qui Il veut sans compter. » Savary Ghédira Dans la traduction de Kazimirski le « il » minuscule, nous fait croire que le choix revient à l’individu. Or, il s’agit bel et bien d’une décision divine, dépassant la volonté des créatures, selon la tradition musulmane. C’est en ce sens que Ghédira l’a traduite par une majuscule. En outre, la notion de Rizq, étroitement lié à yarzuqukum dans le verset, est sémantiquement plus vaste que la nourriture seule en prenant plutôt le sens de bien en général ou de richesse comme dans la traduction de Ghédira. 2°/ La confusion : Versets langue Traduc 15 Traduction Voir Ghédira. A, Le Coran, éd. Maisonneuve, Paris, 1957. Voir Kazimirski. A, Le Coran, Maisonneuve et Larose, 1840. 17 Voir Coran (XXIV, 38). 18 Voir Savary. C, Le Coran, Les libraires associés, Leyde, 1783. 16 Ghédira « Commande aux femmes qui croient de baisser les yeux […] de couvrir leur sein d’un voile, de ne faire voir leurs ornements qu’à leurs maris ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, à leurs fils ou aux fils de leurs maris20… « Ordonne aux femmes de baisser les yeux […] Qu’elles ne laissent voir leur visage qu’à leurs maris, leurs pères, leurs grands pères, leurs enfants, aux enfants de leurs mari21… » « Dis aux croyantes de baisser leurs regards et d’être chastes […] De ne se montrer qu’à leurs maris ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, à leurs fils ou aux fils de leurs maris »22… Dans le verset de base, âbâ'i bu’ûlatihinna est connu, dans la conception musulmane, par les pères de leurs maris ; Ce qui est correctement traduit par Kazimirski et Ghédira. En revanche la traduction de Savary, « leurs grands pères », ne satisfait pas du tout le message initial et induit par la suite à une confusion, pour ne pas dire une incompréhension, chez le lecteur de la traduction en français. De plus, Kazimirski introduit la notion de sein qui, à notre sens, n’a pas sa place dans ce verset même s’il s’agit de beauté ou de 19 20 21 22 Voir Voir Voir Voir Coran (XXIV, 31). Kazimirski. A, op. cit., p. 282. Savary. C, op. cit., p. 124. Ghédira. G, op. cit., p. 265. Ştiinţe socio-umane signe de beauté, comme le traduit Ghédira, dans ce verset. 3°/ estropiement : Versets langue d’origine « walladhîna yarmûna lmuhsanâti thumma lam ya’tû bi'arba’ati chuhadâ fajlidûhum thamânîna jaldatan23.» Traduc teur Kazimirski Savary Ghédira Traduction « Ceux qui portent des accusations contre des femmes honnêtes, sans pouvoir produire quatre témoins, seront punis de quatre-vingts coups de fouet. » « Ceux qui accuseront d’adultère une femme vertueuse, sans pouvoir produire quatre témoins, seront punis de quatre vingt coups de fouet.» « Ceux qui lancent des propos malveillants au sujet d’une femme vertueuse, sans pouvoir produire quatre témoins, infligez-leur quatrevingts coups de fouet. » L’ordre donné par Dieu, dans le texte de départ, est maintenu seulement dans la dernière traduction avec l’expression « infligez-leur ». Il s’agit, en effet, du verbe Jalada, donner des coups de fouet, à l’impératif. Les deux autres traducteurs se sont contentés de ne pas insister sur la notion de devoir et d’obligation ordonnés par Dieu pour punir les accusateurs à tort. En outre le terme Muhsana désigne la vertu et la chasteté comme dans la traduction de Ghédira et il ne s’agit aucunement d’honnêteté ici, comme le traduit Kazimirski. Une première constatation s’impose pour dire que la multitude de traductions témoigne tout de même de la difficulté de ce travail de traduction et du devoir du traducteur dans la réalisation de son œuvre. Face à un texte renfermant des versets obscurs, donnant droit à plusieurs interprétations, la pénibilité de l’acte de traduire ainsi que les multiples facettes de traduction se comprennent très bien. Mais faudrait-il rappeler que face à de telle situation, le mot, tel un dé, 23 Voir Coran (XXIV, 4). 181 donne un sens nouveau selon la facette du dé. Le verset peut avoir autant de sens que de jet de dé. C’est pourquoi la tâche de traduction du Coran se transforme en une énigme que seuls les spécialistes en la matière, ceux qui peuvent détenir vraiment la clé du mystère, seront capables de résoudre. Outre les erreurs et les incompréhensions telles que celles que nous venons de mentionner, certains traducteurs se contentent, en fin de compte, d’interpréter tout simplement le texte. Par ailleurs des traductions littéralistes, avec des notes et des explications, sont proposées aux lecteurs. Par ce genre de traduction, les spécialistes établissent des correspondances au niveau formel de la langue : grammaire, syntaxe, lexique, style, etc. Cependant, la correspondance du sens, nous réconforte pour affirmer qu’on ne traduit pas seulement un texte mais un contexte car le sens, vu son instabilité, est le résultat d’un système d’interprétation individuelle ou collective dans un contexte socioculturel particulier et historiquement bien déterminé. Comme dans le verset suivant de la sourate quatre qui revient sur la scène de la polémique à propos d’Islam et qui attise le feu entre adeptes et adversaires de la polygamie : […] Si vous craignez d’être injustes envers les orphelins (vous craindrez encore plus d’être injustes envers les femmes), n’épousez donc, parmi celles qui vous plaisent, que deux, trois ou quatre. Si vous craignez encore d’être injustes, n’en épousez qu’une seule ou simplement des esclaves.24 Ce sont ce genre de versets sur le mode de vie et l’organisation de la société qui attirent les regards sur le texte fondateur de l’Islam et qui suscitent plus d’intérêt que les versets sur les fondements de religion ou autres. Nous trouvons, de ce fait, plusieurs traducteurs qui rallongent leurs travaux par des explications et des argumentations parfois inutiles. D’autres orientalistes, au contraire, s’imposent plus de temps pour exécuter la traduction, à l’instar du clerc Ludovico Marracci25 qui réalisa, selon 24 “Fankihû mâ tâba lakum mina l-nisâ'i mathnâ w thulâtha w rubâ’a fa 'in khiftum allâ ta’dilû fa wâhidatun aw mâ malakat aymânukum.” Voir Coran (IV, 3). Nous nous sommes appuyés sur la traduction de Ghédira. Voir Ghédira, op. cit., p. 58. Il s’agit d’un clerc italien qui passa quarante ans pour traduire le Coran en 1698. Elle est considérée par certains comme étant la plus fiable des traductions à côté de la traduction allemande de Rudy Paret. Il s’est éteint en 1700 à l’âge de 88 ans. Voir Marracci. L, RefutatioAlcorani, 2 Vol., Patavii, Typographia Seminarii, 1698. 25 182 DOCT-US, an III, nr. 1, 2011 certains, un travail minutieux et proche du texte de départ. Car comme tout citoyen hostile à la polygamie, il cherchait à comprendre l’intérêt de cette dernière dans une religion adoptée par des adeptes de tous horizons ; Et il finit par légitimer celle-ci en faisant le lien entre la révélation de ce verset et le contexte social, la deuxième bataille qu’a connu l’Islam, une lourde défaite sur tous les plans26. Enfin faut-il rappeler qu’il existe, au jour d’aujourd’hui, plus d’une centaine de traduction du Coran, à travers le monde, dans plusieurs langues, totalement ou partiellement différentes27. Certaines de ces traductions sont accompagnées d’explication lorsque l’auteur l’estime nécessaire. D’autres sont précédées d’un prélude sur l’histoire de l’Islam, du prophète, etc. Aussi, des traductions comme celle de Blachère s’appuient sur l’ordre chronologique des sourates et enfin, il existe des traductions partielles de quelques sourates seulement. 3. Al-Gazâlî et la traduction Il s’agit ici bien évidemment de la traduction du Coran et plus particulièrement de la traduction vers le turc ou le persan, langues de deux grandes civilisations qui embrassèrent l’Islam très tôt et qui formèrent une part importante de la société musulmane encore aujourd’hui. Face à cet enjeu, cet encyclopédiste va nous dévoiler son point de vue dans une épître, encore assez méconnue, qu’il rédigea vers la fin de sa vie, Iljâm l-‘awâmm ‘an ‘ilm l-kalâm. Il va se dévoiler linguiste après que nous l’avons connu philosophe, théologien, juriste… Parmi les règles émises par Gazâlî, dans cet ouvrage, il y en a une, la cinquième, qui attire l’attention, sur le plan linguistique28 : 26 Il fit le lien entre le début et la fin de ce verset pour comprendre que lors de la deuxième bataille, ghazwat Uhud, plusieurs hommes ont trouvé la mort et du coup plusieurs veuves et beaucoup d’orphelins se trouvèrent jetés sur le banc de la société et qu’il fallait, pour ceux qui en avaient les moyens, les prendre en charge et s’en occuper. 27 La première traduction fut réalisée, à la demande de Pierre Le Vénérable (1092-1156), en 1143 par Robert de Rétines associé à un Dalmate nommée Hermann. Ils ont mis deux ans pour cette réalisation. Cette traduction fut reproduite à plusieurs reprises, pendant quelques siècles, jusqu’à sa première édition en Suisse en 1543 par Theodorus Bibliander. La première traduction en Français, L’Alcoran de Mahomet, fut réalisé en 1647 par André De Ruyer (1580-1660) et fut la base de certaines traductions du Coran en anglais, en allemand, etc. La première traduction de l’arabe vers l’anglais directement était faite en 1734. 28 Voir manuscrit du Koweit, feuille 8. Il est obligatoire, pour tous, de garder les mêmes mots rapportés par la tradition et de s’interdire de les manier selon six cas : Al-Tafsîr, la traduction29, Al-Ta’wîl, l’interprétation, AlTa’rîf, la déclinaison, Al-Tafrî‘, la dérivation, Aljam‘ et Al-Tafrîq, combinaison et dissociation.30 3.1. L’interdiction de traduire Gazâlî, comme son surnom l’indique, Hujjat lislâm, la preuve de l’Islam, se lève cette fois-ci non pas contre les attaques externes mais plutôt, dans l’enceinte même de l’Islam, contre les fidèles perses et turcs qui voulaient traduire le Coran. Même si l’intention n’est d’utiliser la traduction que pour accomplir des obligations, récitation du Coran, accomplissement de la prière, etc., il l’interdit complètement en se basant sur les distinctions linguistiques et sur le manque de synonymies et de correspondance, mot pour mot, dans une autre langue et en particulier entre l’arabe et le persan. Et même s’il en existe, les Perses, euxmêmes, ne les utilisaient pas à cause du sens précis voulu dans la langue arabe. Aussi, il y en a qui possèdent plusieurs entrées indexées en arabe et qui n’ont pas d’équivalent en persan31. Il cite l’exemple de, al-istiwâ, la Session de Dieu sur le Trône en disant que ce terme n’a pas d’équivalent, dans le même sens voulu par la langue arabe, chez les Perses. De plus, Persan d’origine et maîtrisant parfaitement sa langue maternelle, il donne les termes Raft et Bayistâd qui désignent respectivement le redressement et la droiture par opposition à la courbure et l’inclinaison pour le premier, et l’arrêt et la stabilité en opposition à l’agitation et au mouvement. Il conclut, donc, que l’usage et la signification sont plus précis que le terme arabe Istiwâ en langue persane. Cependant si le sens voulu par la langue de départ n’est plus le même, les deux termes correspondants ne sont plus synonymes ; Il n’est alors possible de 29 Normalement le mot Tafsîr se traduit par exégèse ou explication. Cependant pendant les premiers siècles de l’islam, ce mot Tafsîr désignait la représentation d’un mot par son synonyme et de son explication dans une autre langue, sans la contrainte du style, de la rîme…Il pouvait s’agir aussi de sa traduction. Dans le grand dictionnaire alQâmûs le traducteur, al-mufassir, est celui qui explique des propos dans une autre langue mais aussi celui qui les traduits dans une autre langue. Voir M. H. Makhlouf, Manhaj l-Yaqîn, éd. Mustafa Lubâbâ l-halabî, 1932, p. 62. 30 « […] min sittati 'awjuhin : al-Tafsîr wal Ta'wîl wal Ta’rîf wal Tafrî’ wal jam’ wal Tafrîq » 31 Op.cit., feuille 7. Ştiinţe socio-umane remplacer un terme que par un équivalent parfait. Le second exemple qu’il donne pour légitimer son point de vue est le terme Isba’, doigt. Dans l’usage des Arabes, ce terme peut, entre autres, désigner la largesse. On dit qu’un tel a un isba’ auprès d’un tel autre c’est-à-dire un bienfait, Inkachat, en persan. Or les Perses n’ont pas l’habitude d’utiliser cet emprunt, selon notre auteur. La richesse en entrées indexées et en néologismes, concernant ce terme, est largement plus importante en langue arabe qu’en langue persane et par la suite la traduction ne doit s’opérer que par un synonyme parfait. Ce qui n’existe vraisemblablement pas, selon notre auteur. Le troisième exemple : le terme ‘Ayn, œil. Lorsqu’il est utilisé, ce terme prend toujours le sens apparent, selon Gazâlî pour désigner l’organe de vision, la source d’eau, l’or ou le soleil. Son synonyme jachm32, en persan, n’a pas toutes ces possibilités. Et donc le maintien du mot en arabe s’impose chez Gazâlî. La même chose est valable pour les termes Wajh33 et janb34. Même si les mots sont synonymes dans les deux langues, la langue de départ, l’arabe et la langue d’arrivée, le persan, la distinction entre eux réside dans leurs entrées indexées respectives. Dans ce cas-là, Gazâlî interdit la traduction afin d’éviter aux gens simples de chercher à chaque fois le sens voulu même si certains termes tels que khubz et Nân35 ou Lahm et Kucht36, restent des vrais synonymes comme il le cite dans son ouvrage. Les divergences et convergences sémantiques entre deux termes, dans les deux langues, seraient, dans le cas contraire, difficiles à établir et par la suite sujettes à polémique. Ceci est d’autant plus valable qu’il ne faut pas surtout pas l’autoriser concernant les noms divins : Il est obligatoire de garder le terme arabe comme il est donné et le recours à le traduire serait vain face aux différences existantes entre les catégories sociales. 3.2. L’interprétation Qu’il s’agisse de l’interprétation du simple citoyen ou du savant, l’interprétation est à proscrire, toujours selon l’auteur. Car le moindre doute entraine une atteinte à la majesté divine 183 et une offense à la volonté de Dieu. Ceci serait, selon Gazâlî, comme quelqu’un qui se jette dans un océan sans savoir nager ou encore quelqu’un qui entraine un autre à affronter un océan sans savoir que celui-ci ne connait rien aux secrets de l’océan. Par exemple l’interprétation du mot AlFawq qui désigne le rang, par exemple, comme quand on dit le sultan est au dessus du vizir. Nul doute que cette explication concerne Dieu mais peut être nous hésitons concernant le sens de Al-Fawq dans : « Ils craignent leur seigneur qui est au dessus d’eux37.» A-t-on voulu le sens lié au rang ou un autre sens différent, autre que le sens qui conviendrait à la Majesté de Dieu sans rapport à la position qui demeure impossible à ce qui n’est pas corps et ce qui n’est pas une caractéristique d’un corps. 3.3. La déclinaison d’un mot Gazâlî dit que lorsqu’il apparaît, par exemple le mot Istiwâ, qui implique le session sur le Trône, il ne faut pas le décliner en participe présent, Mustawin, ou en verbe conjugué, par exemple Yastawî. Car il y a risque de modification de sens comme dans les deux versets suivants : « Dieu est celui qui a élevé les cieux sans colonnes visibles, Il s’assit [Istawâ] ensuite dignement sur le Trône38 » et « C’est Lui qui a crée pour vous tous ce qui est sur terre ; puis Il se porta vers le ciel [Istawâ ila ssamâ]39. » 3.4. Syllogisme et dérivation Cette méthode est réservée uniquement aux savants. Car certains mots risquent d’être mal compris de la part du simple citoyen. Gazâlî dit que si le mot Yad, main, par exemple, est cité, il ne faut le confondre avec l’avant-bras, la main ou les doigts. Il n’est pas admis de comprendre le sens de bouche quand on évoque la source ou le rire40. Aussi lorsque l’on évoque l’ouïe et la vision, il ne faut pas comprendre de suite qu’il s’agit de l’être humain. 3.5. Réunir des informations chronologiquement différentes Rassembler des notions évoquées par le prophète de l’islam à des périodes différentes, 32 Le synonyme de ce terme, en arabe est jism pour désigner un corps. 33 Terme à double entrées indexées : soit visage soit direction. 34 Ce terme désigne côté, versant, flan. 35 C’est-à-dire pain. 36 Les deux termes sont synonymes et désignent la viande. 37 Voir Coran (XVI, 50). Voir Coran (XIII, 2). 39 Voir Coran (II, 29). 40 Astucieusement Gazâlî use du mot ‘Ayn qui désigne soit l’œil soit la source d’eau. 38 184 DOCT-US, an III, nr. 1, 2011 avec la seule excuse qu’ils renferment le même mot ou la même notion risque de tomber dans le contre sens et d’induire, par la suite, les gens en erreur. Car les propos du prophète expliquent les incompréhensions au moment où il s’est prononcé et surtout pas avant le déroulement d’un évènement quelconque. Des notions d’époques différentes ne peuvent être rassemblées dans le même texte pour comprendre une situation. 3.6. Ne pas séparer entre des mots groupés Comme il ne faut pas compiler des choses différentes, il ne faut pas dissocier entre des termes utilisés ensemble pour un but particulier. Gazâlî donne l’exemple suivant : « Il est Le Dominateur, Il est au dessus de Ses serviteurs41. » Il n’y a pas de domination, selon notre auteur, si l’on dit : « Il est au dessus », Huwwa Fawq car si le mot dominateur lui est précédent, la signification du terme Fawq indique bien la supériorité qui est au dominateur par rapport au dominé. Il est cependant prohibé de dire « Il est le Dominateur au dessus d’autrui » mais plutôt dire « au dessus de Ses serviteurs » car il est préférable de dire le maître est au dessus de son esclave même s’il est incorrect de dire, par exemple, Zayd est au dessus de ‘Amr. A travers ses opinions, Gazâlî paraissait agir uniquement sous la pulsion religieuse. Il encourageait, de manière implicite la diffusion de la langue arabe, par l’interdiction de traduire et le Coran et le corpus de la Sunna et cela au dépend même de sa langue maternelle, le Persan. Ceci se justifierait-il par le surnom qu’on lui attribue encore aujourd’hui Hujjat l-Islâm, la preuve de l’Islam, ou par la place que lui offrait Nizân l-mulk (m. 1092), vizir des seljoukides, à cette époque là ? Certes, Gazâlî fut utilisé, par ce vizir, comme une arme de guerre par excellence, sur le plan intellectuel, contre certaines factions du chi’isme. Après avoir été le plus important maître initiateur à l’école fondée par ce vizir, la Madrasa, Gazâlî partait, en effet, en guerre contre l’islam chi’ite d’une manière générale et sa doctrine dévorait par phagocytose toutes les autres doctrines ou presque, en particulier celle des imamites. Si tel était le cas, pourquoi ce fut dans le dernier ouvrage, vers la fin de sa vie qu’il affichait de telles idées ? Y avait-il la crainte de l’ennemi extérieur, par le déclenchement de la première croisade en 1099 ? Mais ce qui est intéressant dans tout cela, c’est de voir ces idées là, du début du XIème 41 Voir Coran (VI, 18). siècle, encore ancrées dans l’esprit de certains. D’un autre côté, certaines traductions d’un texte religieux, et du Coran en particulier, pourraient être le fruit d’une guerre intellectuelle dans le seul but serait de nuire, à tort ou à raison, à la religion en question. Alors, devant le phénomène de mondialisation que nous vivons aujourd’hui et parallèlement aux formidables débats interreligieux qui s’y développent, quel traduction choisir, qui doit traduire et à qui traduire ? Avant de répondre à ces questions disons que les premières traductions, concernant le Coran, considérées bonnes ou mauvaises par les uns et les autres, ont un effet positif sur l’ouverture de l’Occident sur l’Orient d’une part, et sur la découverte de cette religion, qu’est l’Islam, dans la lignée des religions monothéistes, en Occident latin. Nous pouvons nous demander, cependant, pourquoi des grands noms d’orientalistes ayant traité du Coran, tel que Noeldke (m. 1930) ou Bergstrasser (m. 1933) n’avaient-ils jamais eu l’ambition de traduire le Coran ? Pourquoi a-t-on autant de traductions du Coran ? Par ailleurs, il est vrai que la traduction du Coran est une démarche difficile et inachevée si l’on tient compte de son caractère sacré. Aussi les différentes interprétations du Coran tenues par les sunnites, les chi’ites, traditionnalistes et modernistes ne facilitent pas le travail du traducteur mais elles ne doivent pas, non plus, influencer son travail. En tous cas le traducteur pourrait en tenir compte mais ne doit surtout pas ignorer la place qu’occupe le Coran chez un croyant musulman. Une traduction qui tient compte de tous les éléments cités précédemment ne pouvait conduire, surement, que vers une meilleure compréhension du monde musulman et, par la suite, à une fusion sociale plus fluide. Afin de mieux privilégier cet aspect, la traduction d’un texte religieux, voire même les travaux de traduction en général, pourraient se faire sous l’égide d’un observatoire de traduction, par exemple. Parallèlement à l’extraordinaire avancée que vit le monde aujourd’hui en matière de communication, une alliance entre les différents traducteurs, afin de coordonner les travaux et les faires connaître des spécialistes en la matière, devrait voir le jour. Cet observatoire pourrait se charger de répertorier les différents travaux de traduction, dans tous les pays arabes par exemple, et serait le centre référent, le centre de communication entre ces différents pays et entre les différents groupes de traductions travaillant sur le texte religieux. Ce qui permettrait de promouvoir les traductions savantes, de les faire découvrir à un large public Ştiinţe socio-umane et de ce fait, écarter du marché les traductions qui trahissent le texte source. La traduction des aventures de Télémaque, par Tahtâwî, ne permet pas du tout à son lecteur de comprendre ni la Grèce antique ni son mode cultuel. Cependant, il est regrettable qu’une traduction, telle que celle de Ghédira, totalement absente sur la scène de la traduction, soit méconnue des jeunes chercheurs et des spécialistes. Bibliographie Al-Jâhiz, U., Al-Bayân wal Tabyîn, Le Caire, Librairie Khânji, 1998. Amara, M., Al-a'māl l-Kāmila li Rifā'a Rāfi' l-Ṭahţāwī, Beyrout, éd. Al-Mu'assasa l-'arabiyya, 1973-1981. Chayyâl, J., Histoire de la traduction en Egypte, pendant la conquête française, Port Saïd, 2000. Ghédira, A., Le Coran, nouvelle traduction, Paris, maisonneuve, 1957. 185 Jolivet, J., Philosophie médiévale arabe et latine, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1995. Kazimirski, A., Le Coran, Paris, Maisonneuve et Larose, 1840. Laoust, H., La politique de Gazâlî, Paris, Paul Geuthner, 1970. Makhlouf, M. H., Manhaj l-Yaqîn, edition Mustafa Lubâbâ l-halabî, 1932. Mimouni, C., Iljâm l-‘awâm ‘an ‘ilm l-Kalâm, Interdire à la masse de s’adonner à la théologie, traduction, à paraître prochainement. Qanawati, G., Etudes de philosophie musulmane, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1974. Salignac, (de) F., Les aventures de Télémaque, Paris, Hachette, 1893. Savary, C., Le Coran, Leyde, Les libraires associés, 1783. Tahtawî, R. R., Mawâqi' l-aflâk fî waqâi' tilimâk, Beyrout, 1867. Mimouni Chokri Professeur d’arabe, Département des Etudes Arabes et Islamiques, Université Haute Bretagne - Rennes 2, Laboratoire de recherches : EA 3427, EREMIT.