Une fausse couche est une interruption spontanée de la grossesse

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Une fausse couche est une interruption spontanée de la grossesse
Juin 2013
Une fausse couche est une interruption spontanée de la grossesse
survenant le plus souvent au cours des trois premiers mois. Selon la
littérature médicale, une grossesse sur cinq se termine par une fausse
couche avant la fin du premier trimestre: soit 15% environ de
grossesses. Les troubles de la fertilité et les fausses couches à
répétitions font partie des symptômes du fibrome utérin : 18% des
femmes ayant contacté Fibrome Info France au cours de l'année 2012,
étaient confrontées aux troubles de la fertilité ou à une fausse couche.
Dans 20 à 25% des cas, les fausses couches à répétitions sont
liées à des pathologies utérines: fibrome, endométriose, insuffisance
ovarienne. Les adhérences post-opératoires peuvent également être
responsables
de
fausses
couches.
L'absence
de
mesure
d'accompagnement de la fausse couche fait cruellement défaut aux
femmes qui ont le malheur d'y être confrontée. Ce moment
particulièrement difficile à vivre, est sans commune mesure avec
d'autres, l'épreuve la plus redoutable à affronter dans le parcours
souvent semé d'embûches, qui mène à la maternité. Face à la violence
de la déflagration du sac gestationnel et l'expulsion dans d'indicibles
douleurs, de ce bébé désormais sans vie, le corps objet de désir et
réceptacle de la vie, se transforme alors en repoussoir, sépulture et lieu
de deuil. On parle de fausse couche précoce lorsque l'arrêt de la
grossesse se produit avant la douzième semaine. Au-delà, on parle de
fausse couche tardive, avec passage obligé en salle d'accouchement
pour les unes, et bloc opératoire pour les autres, en vue d'une aspiration
ou d'un curetage, en cas de fausse couche spontanée incomplète. Nous
dédions ce dossier consacré à la fausse couche, à tous nos petits anges
qui se sont envolés à jamais.
A. MBARGA
Présidente de FIF
Ma première fausse couche est survenue à 6 semaines d’aménorrhées, j’avais
36 ans. Lors de cette première grossesse obtenue si difficilement après deux
ans de combat, j'ai constaté un jour que j’avais des saignements étranges.
C'était la deuxième fois au cours de cette grossesse. Les premiers saignements
avaient eu lieu en Espagne où nous étions en vacances et nous avaient
conduits aux urgences sur place. Il nous avait alors été dit, après réalisation
d’une échographie qui ne montrait rien d'alarmant, de vivre notre vie car ces
saignements n’auraient aucune conséquence fâcheuse sur la grossesse. C'est
donc avec le cliché de cette première échographie réalisée à l'étranger que je
me suis rendue aux urgences de l’hôpital Bégin à notre retour de vacances. La
nouvelle échographie effectuée ne montrait rien de particulier et n'expliquait
pas plus que la précédente, les saignements. Je suis rentrée chez moi et c’est
là que les contractions ont commencé. C’était à un tel point que je voulais
retourner aux urgences, mais j'ai pensé que c'était ridicule dans la mesure où
j'en revenais. Ne voulant pas me faire jeter, j’ai renoncé à cette idée. J'ai
attendu le lendemain et j'ai eu la chance d'être reçue par la même interne qui
m’avait fait l'échographie la veille et là, elle m’a dit : "il n'y a plus d'embryon
Madame". Le choc fut terrible, j'ai été assommée pendant plusieurs minutes.
L’interne m'a ensuite dit qu'il fallait expulser le reste du matériel de fausse
couche et donc prendre du Cytotec. Je suis allée à la pharmacie et j'ai acheté
le médicament. J'ai appelé plusieurs personnes qui étaient passées par là, afin
d’avoir leur avis sur cette prise de médicament ; cela me semblait la seule
chose à faire. J'ai ensuite pris le médicament seule, cet après-midi-là, chez
moi. J'avais juste du Spasfon et du Doliprane pour gérer les douleurs. Une
demi-heure après, les grosses contractions ont commencé. J'ai vite compris
que cela ne servirait à rien de rester allongée avec une serviette maxi nuit,
elles se remplissaient à une vitesse folle. Je me suis installée sur le WC ; je me
vidais et tirais la chasse d’eau quand je trouvais la force de me lever. La
douleur était insupportable!
J'ai tellement crié que je suis sûre que tous les gens présents dans l'immeuble
ce jour ont pu m'entendre. Et cela durait interminablement ; des quintes de
contractions se succédaient et amenaient toujours un flot plus important de
débris et de sang. Je perdais tellement de sang que je pensais que j'allais me
vider sur le trône. Je voulais appeler mon conjoint pour lui dire adieu, mais je
réalisais que je n'avais pas la force de composer son numéro de téléphone. Je
me disais que la dernière personne que j'avais eu au téléphone, était une amie
qui pourrait envoyer les pompiers si je l'appelais. Mais j'ai tenu bon. Je gérais
cet accouchement d'un ange toute seule. Cela a duré de 14h à 17h ; une
éternité ! Par la suite, j'ai eu d'autres épisodes de saignements importants
mais avec une douleur moindre. Je me suis administrée des doses de fer
importantes pendant un mois car je me savais anémiée, tellement j’avais
perdu de sang. Ma seconde fausse couche est survenue à 9 semaines
d’aménorrhées ; un an après la première. J’avais 38 ans et obtenu cette
deuxième grossesse, aussi durement que la précédente. Les taux de Beta HCG
ne montaient pas correctement ; ils ne doublaient pas. Ils ont fini par atteindre
un niveau raisonnable et ce jour de début février, mon gynécologue me dit
"tout va bien! L'embryon fait 5 mm et son cœur bat". Nous sommes contents
bien sûr. Je commence à lâcher prise, à me dire qu'il faut que je commence à
faire confiance au corps médical, que 5 mm, même si cela me paraît bien peu
par rapport à d'autres au même terme, il connaît son boulot, je dois lui faire
confiance. Quand l'intuition nous parle... Ce mercredi, j'avais porté mon repas
et je prévoyais de déjeuner avec une collègue, mais je me sentais mal. Je
savais qu'il n'y avait qu'une chose à faire : aller aux urgences. A l’hôpital
Bégin, après avoir attendu un certain temps, je suis enfin reçue par une
interne. Elle cherche... Elle me dit qu'elle a vu le cœur, puis elle n'est plus
sûre... Elle me dit que l'embryon fait 10 mm mais elle n'est pas sûre. Elle
commence à me parler de curetage et en même temps, elle me dit qu'il faut
attendre une semaine pour savoir si oui ou non il y a une évolution. Je ressors
de là confuse. Je ne supporte pas cette situation de doute, j'ai besoin de savoir
si je porte en moi la vie ou la mort.
Je me rappelle la plaque d'un gynécologue près de chez moi avec échographie
sur place. J'appelle, je supplie. Il me reçoit et me confirme ce que mon
intuition me disait depuis les taux de Beta HCG étranges : "l'embryon mesure
4 mm" ! Je n’y crois pas : ce n'est pas possible, il faisait 5 mm au début du
mois de février! "Je vais vous donner du Cytotec et un anti-douleur pour
éliminer cela". Cette fois, l'anti-douleur sera de la Lamaline avec de la
morphine et de l'opium. Je redoutais de vivre encore cette fausse couche toute
seule alors que mon conjoint était en déplacement. J'ai prévenu mon réseau
de copines ; deux sont venues à mon chevet; plus une autre amie. Je ne
voulais pas être seule au cas où... A la prise du Cytotec, le même scénario que
lors de ma première fausse couche se produit : les saignements sont
importants mais grâce à cet anti-douleur puissant, je peux me déplacer si
besoin, au lieu de rester sur le trône. J'expulse le sac sans bruit. Je suis
moralement effondrée, mais physiquement, je tiens le coup. Cela dure
plusieurs jours. Je retourne voir mon gynécologue habituel qui me demande de
reprendre du Cytotec car il y a encore des débris d’embryon visibles. Ce que je
fais par voie vaginale. Lors de la 3ème visite, le gynécologue nous dit qu'il y a
encore un peu de débris mais qu'ils partiront tout seuls et que oui, nous
pouvons partir en vacances, à la mer tranquille. À mon retour, le retour de
couches met du temps à se faire. Je décide de revoir le médecin qui avait pris
en charge ma fausse couche. Il m'examine et me dit que je fais une rétention
importante et qu'il faut faire un curetage. En plus de ce que j'ai déjà eu !!! On
prévoit donc l'intervention le mercredi suivant. Mais j'ai peur pour mon
endomètre, alors je fais tout pour que cela parte tout seul. J’ai à nouveau un
peu de saignement; mais pas suffisamment pour enlever cette rétention.
L'intervention se passe sans soucis. Je me réveille sans saignement et sans
douleur. Je regrette de ne pas avoir fait cela depuis le début, cela m'aurait
évité cette souffrance en deux temps. Un mois plus tard, j'ai tout de même eu
des saignements intempestifs qui m'ont conduit aux urgences de l’hôpital
Trousseau.
Le gynécologue qui m’a reçue, pensait que j'avais fait une autre fausse
couche. Il n'en était rien. C'était du matériel placentaire de ma précédente
fausse couche. Les suites de cette fausse couche auront duré trois mois. La
question que je me pose aujourd’hui est de savoir pourquoi le Cytotec est
prescrit et préconisé systématiquement en première intention pour les fausses
couches précoces alors même qu’il semblerait qu’au-delà d’un certain stade,
l'embryon et le matériel placentaire sont souvent trop gros pour s'éliminer
facilement et proprement sans intervention chirurgicale. Ne serait-il pas
préférable de donner la possibilité aux femmes de choisir entre le Cytotec et
le curetage? J'ai appris de mes différentes fausses couches que j'étais capable
d'accoucher toute seule. Les douleurs des contractions liées à une fausse
couche sont semble-t-il, les mêmes que pour un accouchement pour un bébé
vivant. Il paraît même que les contractions d’accouchement sont moins
douloureuses. Maintenant, je me dis que si je dois accoucher en plein milieu
d'une forêt, j’en serais capable. J'ai appris qu'en cas de nombreuses fausses
couches spontanées, il n'est pas toujours possible de faire un curetage car ça
finit par endommager l'utérus et cela compromet les chances de grossesses
suivantes. J'ai appris que certaines femmes préfèrent être maîtresses de ces
moments difficiles plutôt que de ne pas voir leur embryon partir; être passives
et inconscientes en optant pour un curetage. J'ai appris que si c'était à
refaire, je préférerais avoir un curetage pour ne pas souffrir le martyr. Le
deuil: mon acupunctrice m'avait conseillé un rituel de deuil, comme écrire une
lettre à mon bébé et la brûler ; mais j'ai préféré jeter des pétales de roses
rouges aux toilettes en allumant une bougie et en faisant une prière. Le deuil
a été difficile. La chute des hormones m’a donné une impression de vide.
Croiser des femmes enceintes dans la rue, s'écrouler pour un rien, se sentir à
bout de force, perdre espoir, se dire qu'on n'y arrivera jamais, voir son utérus
comme un endroit où les bébés viennent mourir, se sentir incapable d'offrir un
hôtel 5 étoiles à l'objet de notre désir, se faire aider, en parler, prendre des
plantes, dans mon cas, le millepertuis m'aura aidée à me lever le matin.
Mon deuil s’est achevé l'été 2012 au Japon, au cimetière Jizo. Là-bas, il y a un
cimetière pour les bébés-anges. Ils sont représentés par une statue que
portent les parents endeuillés. J'en avais entendu parler dans un livre sur
l'infertilité «Looking for Daisy » de Peggy Orenstein. La visite de ce temple a
été très émouvante pour moi. J'y ai brûlé une bougie pour tous mes anges et
ça m'a réellement aidé à avancer dans le travail de deuil. J'avais le sentiment
d'être comprise. J'ai espéré que mes anges aussi puissent « traverser la
rivière » comme ils le disent, à savoir arrêter de hanter notre présent et nous
permettre d’avancer vers l’avenir. J’ai aussi appris qu’il est bon d’avoir une
copine pour annuler à notre place, le rendez-vous de l’échographie des 12
semaines d’aménorrhées et l’inscription à la maternité. Et après?
Recommencer, y croire, ne pas laisser tomber, trouver un médecin de
confiance, se donner les moyens. Je pense que tout cela est
nécessaire "car la route tourne maman!" me souffle le petit prince ou la petite
princesse, d'un coup de pied sec dans mon ventre. A 39 ans, ma « grossesse
précieuse » comme dit ma sage-femme, terme employé pour les grossesses
difficilement obtenues, est loin d’être une sinécure ! Hospitalisée trois fois pour
menace d’accouchement prématuré à cause d’un placenta praevia, sans doute
lié au curetage que j’ai subi il y a moins d’un an. Il semblerait que le curetage
soit une cause de l’insertion trop basse du placenta, d’où les saignements et
contractions. Je dois en plus désormais composer avec un diabète
gestationnel. Bébé est attendu pour la mi-août à l’hôpital Antoine Béclère.
Ma grossesse est sous haute surveillance car avec l’âge viennent d’autres
problèmes…
Frédérique
Mes fibromes ont été découverts lors d’une banale échographie réalisée à ma
demande en 2008. Je n’avais aucun symptôme qui aurait pu m’alerter sur la
présence de ces fibromes dans mon utérus. Toujours est-il que cela faisait un
an que j’essayais désespérément d’être enceinte. Voyant que je n’y parvenais
pas, je suis allée consulter afin de recourir à la procréation médicalement
assistée. J’avais 27 ans lorsque mes fibromes ont été découverts. Je ne savais
rien de cette maladie. Les médecins m'ont juste dit qu’il s’agissait d’une
tumeur bénigne et qu'il ne fallait surtout pas que je m’inquiète car il n'y aurait
aucune complication pour une future grossesse et que tout finirait par se
stabiliser. La suite de mon parcours médical m’a prouvé le contraire. Au début
de l’année 2009, je commence le lourd traitement de la procréation
médicalement assistée et à ma grande surprise, quelques mois plus tard, je
tombe enceinte de jumeaux dès la première tentative, j’étais heureuse. Mon
bonheur fut de courte durée, hélàs ! Car rien ne présageait de l’issue
malheureuse de cette grossesse. En effet, les médecins ne m’alarmaient pas,
malgré deux hospitalisations entre le troisième et le cinquième mois de ma
grossesse, en raison des douleurs occasionnées par les fibromes. J’avais une
réelle confiance en l’équipe médicale, malgré les grosses contractions et les
saignements causés par mes fibromes. Dans la mesure où j’avais passé avec
succès le difficile cap du premier trimestre de grossesse, je pensais que tout
irait pour le mieux ! Ou plus exactement que le pire était derrière moi. Erreur,
je me trompais lourdement ! J’avais de très fortes contractions et après un
énième passage aux urgences, l’équipe hospitalière décida de me garder pour
une durée indéterminée. J’étais à 5 mois et demi de grossesse. Malgré les
médicaments, la surveillance régulière, l’horreur arriva. Le 27 octobre 2009,
mes contractions étaient plus douloureuses que d’habitude. J’ai appelé depuis
ma chambre l’interne de garde qui a pris la décision de me descendre en salle
de naissance.
Les contractions étaient telles que je me suis évanouie ; et pour mon plus
grand malheur, j’ai fait une fausse couche tardive à cinq mois et demi de
grossesse. Les fibromes avaient grossi en même temps que les bébés. Ils
étaient passés de 2 à 8 cm. Je n’oublierai jamais le regard de cette interne et
la phrase prononcée : « Ma belle, on ne peut plus rien faire, il va falloir
pousser». Oui ils étaient vivants mes bébés, mais la poche des eaux s’était
percée et Mathis et Maxens étaient prêts à sortir. Mon mari était présent à mes
côtés, je lui serrais la main en le suppliant de les sauver, moi je m’en foutais
pour ma vie : il fallait sauver MES JUMEAUX, même si je devais perdre la vie.
La nature est parfois mal faite ! Il fallait que je pousse sans péridurale, car
mon col était déjà trop ouvert. J’ai tout senti, même l’avant-bras du médecin
accoucheur qui retournait l’un de mes bébés qui se présentait par l’épaule.
Après la sortie du premier bébé, l’horreur recommença, car il fallait que
j’accouche des deux bébés. Et c’était reparti ! Cette nuit de cauchemar s’est
terminée sous anesthésie générale entre pleurs et cris. Car on n’arrivait pas à
décoller le placenta. Malgré ma fatigue, j’ai souhaité voir mes bébés, pour
pouvoir faire le deuil. Ils étaient mignons ! Petits, certes, mais mignons. Je
leur ai dit au revoir en leur demandant depuis là-haut, de garder un regard sur
moi et de m’encourager, car je n’étais pas sûre de me remettre de leur perte.
Que s’était-il passé ??? Les fibromes avaient vraiment grossi; ils faisaient
chacun 7 et 8 cm : les bébés, le liquide amniotique, mon col ne pouvaient plus
supporter cette pression constante, d’où l’accouchement prématuré et la mort
de mes bébés. Avant que cela ne m’arrive, je ne savais pas ce qu’était une
fausse couche tardive, je l’ai appris à mes dépens ! Il s’agit d’une fausse
couche qui survient après la 12ème semaine d’aménorrhée. J’ai survécu à ce
cauchemar du haut de mes 27 ans.
Après ma fausse couche, je me suis accrochée et j’ai tenté deux autres
fécondations in vitro. La première trois mois après ma fausse couche ; peutêtre un peu trop tôt !? La suivante un an après. Ces deux FIV ont
malheureusement toutes échoué. Les médecins ont alors décidé du retrait de
mes fibromes car je commençais à me plaindre de lourdeur pelvienne, envies
d'uriner fréquentes. Afin d’en savoir plus sur les fibromes, j’ai entrepris de me
renseigner de mon côté, par le biais de forums, sites internet et enfin j’ai
appris qu’il y avait une association qui informait sur cette maladie. Quel
soulagement !!! Je n’étais plus seule et je culpabilisais moins de la perte de
mes bébés car j’avais désormais les informations qui m’avaient manqué pour
comprendre les raisons de ma fausse couche tardive et mes difficultés à faire
un enfant naturellement. Agée aujourd’hui de 31 ans, je ne perds pas espoir
de retomber enceinte et devenir un jour mère malgré mon parcours difficile.
Quatre ans après ma fausse couche, comment vais-je ? Eh oui, je peux dire
aujourd’hui que je suis enfin heureuse ! Il y a eu certes des moments durs,
mais aujourd’hui j’ai fait le deuil. J’ai décidé d’aller de l’avant. Après plusieurs
fécondations in vitro sans succès, j’ai pris la ferme résolution de me mettre au
sport et de faire une thérapie. Même si je pense que les cigognes ont oublié
mon adresse, je continue à surveiller malgré tout le bruit de leurs ailes.
Magalie
J'ai 38 ans, six fausses couches, une grossesse extra utérine et deux miracles :
une fille de bientôt 18 ans et un garçon de 4 ans. Le 10 février 2012, lors de
mon rendez-vous de contrôle à 9,5 semaines de grossesse, mon gynécologue
a constaté que le cœur de mon bébé ne battait plus. Il a immédiatement
demandé une confirmation à son collègue radiologue. Les mots de ce dernier
furent implacables : "c'est bien ça". J'avais 37 ans. Abattue, je retourne en
pleurs, voir mon gynécologue: "je suis désolé" me dit-il. Là, je lui demande de
m'expliquer ce qui va se passer. Il m’informe que l’œuf est trop gros pour être
évacué naturellement ; il préfère procéder à un curetage. L’intervention aura
lieu le 14 février, jour de la Saint Valentin. J'ai donc rendez-vous le même jour
avec l'anesthésiste ; rdv obligatoire avant toute intervention chirurgicale. Le
curetage consiste ni plus ni moins à gratter l'utérus afin qu'il ne reste aucun
résidu qui infecterait notre matrice et empêcherait toute nouvelle grossesse. Je
suis entrée à la clinique tôt le matin et ai effectué mon admission comme un
robot. A mon arrivée au bloc opératoire, l’anesthésiste a cru dans un premier
temps que je venais pour un avortement ; en lisant mon dossier son
comportement a tout de suite changé. Elle a été plus "douce" avec moi. Je me
souviens encore du silence pesant de l'équipe et leur visage grave. Enlever son
enfant mort à une femme est une opération terrible ; et ce, quel que soit le
stade de la grossesse. Ils ont eu la décence de ne pas me mettre les jambes
dans les étriers. J'ai tenu mon ventre pour la dernière fois et j'ai dit adieu à
mon ange. L'opération a duré une vingtaine de minutes. A mon réveil, j'ai été
accueillie par une infirmière formidable, humaine. J'ai pleuré dans ses bras,
devant d'autres patients. Elle n'a rien dit, mais sa compassion m'a apaisée. Je
n'ai pas eu de médicament particulier, en dehors du paracétamol que je devais
prendre en cas de douleurs.
Mon médecin voulait m'arrêter juste deux jours : le jour de l'opération et le
lendemain. Pour lui, je pouvais reprendre le boulot dès le surlendemain ! Après
une discussion musclée, il m'a finalement arrêtée pour le reste de la semaine.
J'ai dû reprendre le boulot difficilement, une semaine après. Le deuil a été
long, il m’a fallu plus d'un an pour réellement l'accepter. Deux moments m'ont
aidée dans ce travail de deuil : une réunion avec les femmes de FIF au cours
de laquelle la question du pardon a été abordée, puis il y a eu la visite chez
mon gynéco spécialisé en PMA. Les mots qu'il a prononcés ont été un
électrochoc et m’ont permis de reconnaître que j'avais vécu durant l'année qui
venait de s’écouler un drame si fort qu'il me fallait du temps pour l’accepter. Et
c'est ce que j'ai fait. J'ai accepté. Il faut dire que j'ai perdu mon bébé suite à
une chose rare : j'avais été opérée 10 jours plus tôt d'une grossesse extra
utérine qui avait rompu ma trompe et causé une hémorragie interne grave.
Mon cœur s'était arrêté de battre. Donc j'imagine bien que le tout petit être en
moi n'a pas supporté ce choc. La fausse couche est la façon dont la nature
nous dit : cette grossesse ne va pas, il vaut mieux tout arrêter. C'est un deuil à
faire, un vrai deuil, celui de l'avenir. Il faut prendre le temps de le faire, mais
aussi garder espoir et continuer à se donner les moyens d’atteindre son rêve !
En ce qui me concerne, je suis depuis, suivie en AMP (Assistance Médicale à la
Procréation) pour une FIV. La 1ère a échoué en mars dernier, je dois
recommencer en septembre. Cependant, je suis en insuffisance ovarienne, j’ai
un utérus poly fibromateux, une endométriose et des adhérences suite à mon
opération lors de ma grossesse extra utérine. Je ne suis pas très optimiste,
mais bon, peut-être que l'avenir me réserve une belle surprise.
Carole
J’étais arrivée à Delhi depuis trois jours. Mes règles avaient du retard que
j’attribuais volontiers aux chamboulements liés aux préparatifs de mon départ.
Je prenais la pilule, je ne pouvais pas être enceinte. Malgré tout, par acquis de
conscience, je me décidai à faire un test de grossesse. Je me souviendrai toute
ma vie de ce moment-là; seule dans les toilettes d’un restaurant, ma
bandelette positive à la main. Ce n’était pas prévu ! Je venais juste de quitter
Paris pour commencer un voyage autour du monde qui devait durer six mois.
J’étais prise dans un tourbillon émotionnel indescriptible. Je ne savais plus ce
que je voulais. Seule certitude: je voulais être mère un jour. Mais je sentais au
fond de moi que ce n’était ni le moment, ni la bonne relation. Je me suis
rendue à l’ambassade de France à Delhi pour avoir le contact d’un médecin
pour une éventuelle interruption volontaire de grossesse. Après m’avoir
fortement incitée à le garder, le médecin m’a parlé de chirurgie, il ne
connaissait pas la pilule abortive. J’ai finalement décidé de garder l’enfant et
de continuer mon voyage jusqu’à ce que je ressente le besoin de rentrer en
France. Après coup, je me suis rendue compte que mon raisonnement était en
pleine errance, que je n’étais pas sûre de la décision à prendre, que je laissais
faire la vie. Je ne maîtrisais rien de ce qui se passait. Une seule chose était
sûre: je me sentais différente, j’y pensais tout le temps, j’étais sereine malgré
tout. Puis, étant arrivée dans une zone plus rurale du Rajasthan, infestée de
moustiques, j’ai fait une recherche sur des forums au sujet des précautions à
prendre lorsqu’on est enceinte. Je ne prenais pas de traitement anti-paludéen,
et je n’avais aucune idée des aliments que je devais éviter. Là, j’ai clairement
ressenti un frisson parcourir mon corps de la tête jusqu’aux pieds. Une heure
plus tard je commençais à saigner. J’avais entendu dire que quelquefois, des
saignements pouvaient arriver lors d’une grossesse. J’ai voulu y croire, mais je
savais que j’étais en train de le perdre.
Je venais à peine de me faire à l’idée d’être mère. Il me fallait maintenant
accepter la perte. Une contraction mémorable par l’intensité de la douleur
occasionnée, a eu lieu à mon arrivée à Bénarès. Je savais au fond de moi que
c’était la dernière, que l’embryon venait de partir totalement. Alors, j’ai
recueilli cette dernière partie expulsée ; je l’ai enveloppée dans un mouchoir et
le lendemain je la déposais dans le Gange, le fleuve sacré où dans la religion
hindoue, adultes et enfants décédés voient leurs corps déposés sur radeaux et
mis à la dérive afin de sortir du cycle des réincarnations. Vu de l’extérieur, cela
peut sembler mystique, mais sur le moment, cela m’a tellement aidé à
accepter la perte; et a constitué une étape essentielle dans mon travail de
deuil. L’épreuve était réellement éprouvante. Il fallait que je trouve du sens.
Environ trois semaines se sont écoulées avant que je ne consulte un service de
gynécologie d’un hôpital privé de Calcutta. Les saignements venaient juste de
se terminer. Là, je me suis sentie comme une bête de foire. On m’a dit que
quelque chose n’allait pas; qu’une infection pelvienne aurait causé la fausse
couche. Plusieurs médecins sont venus tour à tour me voir. Les questions
culpabilisantes ont fusé; telles que combien j’avais eu de partenaires sexuels
au cours de ma vie. J’étais devenue un cas d’école. Une couverture
antibiotique m’a été donnée et je suis repartie, seule, soulagée de ne pas avoir
besoin de curetage, mais angoissée à l’idée d’avoir une infection. J’étais tout
de même étonnée: je n’avais eu aucun signe d’infection; et j’avais un suivi
gynécologique régulier. Je suis intimement convaincue que l’infection était due
à la fausse couche et au temps mis avant de consulter. Je suis plutôt angoissée
de nature; en temps normal, je n’aurais jamais autant attendu avant de
consulter. Je ne pense pas pourtant avoir été dans un déni de ce qui m’arrivait.
Au fond de moi, je savais ce qui se passait et j’avais peut-être besoin de ce
temps, seule, pour ressentir mon corps et faire le deuil. Consulter, cela aurait
voulu dire intervenir sur la situation. Je n’y étais pas prête. A ce jour des
questions se posent à moi: si j’avais consulté avant, peut-être aurais-je eu un
curetage? Aurais-je évité l’infection? Si je n’avais pas consulté les forums, je
n’aurais peut-être pas fait de fausse couche? A toutes ces questions, je n’aurai
jamais de réponses, mais ce que je me dis c’est que j’ai réagi comme j’ai pu,
avec les ressources émotionnelles que j’ai pu mobiliser à ce moment-là. Mon
voyage s’est poursuivi au gré des hôpitaux que je croisais : après Calcutta,
cela a été l’Hôpital franco-vietnamien d’Ho-Chi-Minh, puis Brisbane, puis retour
en France. Les considérations portées à la problématique du bébé ont fait
place à des considérations purement médicales. Au final tout va bien. Mais que
de questionnements, d’angoisse, d’incertitudes ! Je voulais témoigner pour
partager mon expérience. Une grossesse non planifiée, une fausse couche
dans des conditions particulières et surtout les montagnes russes
émotionnelles qui ont accompagné tous ces événements. A l’époque, tellement
j’étais marquée par ce qui m’arrivait, je racontais tout cela à chaque voyageur
que je rencontrais, bien qu’ils soient de parfaits inconnus. J’avais besoin d’en
parler. Besoin de partager. Mon voyage a duré quatre mois et demi. Etre face à
moi-même, loin et seule m’a paradoxalement aidé dans le deuil de la
grossesse. Je ne regrette pas que cet enfant ne soit pas venu au monde.
Evidemment, je l’aurais aimé plus que tout, mais je n’aurais pas pu l’accueillir
dans les conditions souhaitées. Au final, j’ai laissé la vie décider pour moi, et
heureusement, elle a bien choisi.
Isabelle

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