Un Mozart méconnu

Transcription

Un Mozart méconnu
/ Région
No 265 - Mardi 13 novembre 2007
REF TE 06
Région 6
Lyrique / Idomeneo à l’Opéra du Rhin
CERCLE DE L’ILL
Thomas Zahn,
nouveau président
Un Mozart méconnu
C’est une fort belle et très réussie production d’Idomeneo que propose l’Opéra du Rhin. Le premier
des grands ouvrages de Mozart, resté longtemps méconnu.
Passage du témoin de président du Cercle de l’Ill jeudi soir à Horbourg-Wihr entre Jean Weber et Thomas Zahn (à droite). (Photo
DNA – CK)
Le Cercle de l’Ill change de président. Après 17 années passées à sa tête, Jean Weber, l’un des fondateurs du Cercle,
passe le relais à Thomas Zahn. L’affaire reste dans la famille
bancaire puisque ce dernier est directeur de la Baden-Württembergische Bank à Fribourg.
Le Cercle de l’Ill a été créé, confie Jean Weber, en réponse
aux faiblesses de l’Alsace : petite taille, fractionnement, cloisonnement, manque de relais, difficultés à valoriser nos richesses. « Nous n’avons qu’un remède, mieux mettre en
commun nos savoirs, nos aptitudes, nos idées, notre dynamisme. Que de temps perdu à l’arrivée en Alsace de grands
esprits, universitaires, chercheurs, artistes, dirigeants, qui
peinent à trouver le cadre social où ils peuvent s’exprimer »,
dit Jean Weber qui a d’emblée choisi le cadre rhénan et européen pour installer ces échanges, le transfrontalier lui paraissant trop restrictif. « On disait transfrontalier, poursuit-il,
un peu comme on disait transsexuel : on commençait par affirmer l’existence de la frontière pour mieux dire qu’on était
capable de la traverser ».
Aujourd’hui, le Cercle de l’Ill compte 600 membres dont
72 % de Français, 24 % d’Allemands et 4 % de Suisses. Un
dîner mensuel en réunit en moyenne 120 à 130 dans un restaurant de l’une des trois régions. Il n’y a ni discours, ni
conférences, à deux exceptions près en 17 ans : Helmut Kohl
et Valéry Giscard d’Estaing. « On est au Cercle parce que l’on
partage une vision ambitieuse de la région, pour faire
connaissance, et peut-être bâtir des projets en commun »,
dit encore Jean Weber, président d’honneur.
L’assemblée générale de jeudi soir, à Horbourg-Wihr, a défini
de nouvelles règles : le mandat du président est désormais
de trois ans et l’alternance devrait conduire un Suisse à succéder à l’Allemand Thomas Zahn. Martine Arnold, consultante, qui est de l’aventure depuis le début, cheville ouvrière
des premiers recrutements, a été nommée administratrice
d’honneur, de même que Jean-Pierre Haeberlin, de l’Auberge de l’Ill.
A l’occasion de l’élection des
députés de la Douma d’État de
l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, un bureau
de vote sera ouvert le 2 décembre, de 8 h à 20 h, dans
les locaux du consulat général
de la Fédération de Russie à
Strasbourg, 6 place Sébastien-Brant. L’électeur devra
justifier de son identité lors de
l’exercice de son droit de vote
en présentant son passeport
de citoyen de la Fédération de
Russie en cours de validité.
LITTÉRATURE
Les prix de la
Société des écrivains
Deux prix 2007 de la Société
des écrivains d’Alsace, de
Lorraine et du Territoire de
Belfort ont été attribués en octobre à Strasbourg à Martine
Blanché (section poésie) de
Mulhouse pour son recueil
« Sentes et sens », aux Editions Do Bentzinger, et à Fernand Weber (section prose) de
Un esprit des
plus pénétrants
L’argument relate le retour
du roi de Crète de la guerre
de Troie. Sauvé d’un naufrage par les dieux, il leur promet de sacrifier le premier
être qu’il rencontrerait – il se
trouve que c’est son fils Idamante, aimé de la captive
troyenne Ilia et courtisé aussi
par Électre, la fille d’Agamemnon.
Déchirement des sentiments filiaux et paternels et
rivalités amoureuses sont les
moteurs d’une histoire qui
trouvera avec l’abdication
d’Idomenée une heureuse
fin. Et ces thématiques nourrissent aussi bien les effusions lyriques que la dramatisation de l’action autour de
ces
quatre
personnages
d’égale importance. Logique
en lui-même et souhaité par
le chef, le regroupement des
deux premiers actes en une
seule partie organise là quelques longueurs, que n’évite
d’ailleurs pas même l’acte final.
Idomeneo, de Mozart. Dans l’universelle temporalité de tous les après-guerres. (Photo DNA – Laurent Réa)
Élégante mise en scène de
François de Carpentries, qui
situe l’action dans l’universelle temporalité de tous les
après-guerres, quand il s’agit
d’effacer les blessures et antagonismes pour construire
la paix. Décor unique et mobile habilement conçu par
Siegfried Mayer, astucieusement éclairé par Thierry Fratissier, et dramaturgie de Karine Van Hercke : elle fait
évoluer et bouger les personnages, sans que rien – ni les
allusions à l’Histoire ni les
spectaculaires tempêtes – n’y
prenne le pas sur la splendeur de la musique de Mozart.
Les jeunes chanteurs de
cette remarquable distribution sont tous à la hauteur.
L’Idomeneo de Kobie Van
Rensburg s’impose dans un
chant clair et vaillant, et en
Idamante, Sébastien Droy fait
jeu égal. L’Ilia de Sophie Karthäuser attaque avec prudence mais démontre à travers
ses airs périlleux toute sa
sensibilité. Et Mireille Delunsch, qui corse à présent sa
voix – ce fut très patent dans
ses deux airs principaux –,
donne à son Elettra une exceptionnelle force dramatique.
L’air isolé d’Arbace trouva
en Roger Pagullès un digne
interprète. Plus petits rôles
bien tenus, et les chœurs de
l’Opéra du Rhin sont très à
l’aise. Dirigeant l’Orchestre
symphonique de Mulhouse,
avec Cordelia Huberti au pianoforte,
Theodor
Guschlbauer a mené cet Idomeneo avec un esprit des plus
pénétrants, éclairant toute
l’éloquence des textes et guidant avec constante acuité le
déroulement d’une représentation où plus d’un air fut applaudi à la première de ce samedi. Il sait faire aimer Mozart, et cet Idomeneo ne pouvait trouver meilleur avocat.
Marc Munch
◗ A Strasbourg les 13, 15 et 20
novembre à 20 h, le 18 à 15 h.
✆ 03 75 48 23. A Colmar au
Théâtre municipal, le 25
novembre à 15 h.
✆ 03 89 36 28 28. A Mulhouse à
La Sinne, le 2 décembre à 15 h, le
4 à 20 h. ✆ 03 89 20 29 02.
Jazzdor / Au Mamcs et à Pôle Sud à Strasbourg
En bref
Élections russes :
bureau de vote
à Strasbourg
■ Idomeneo n’avait plus été
donné depuis 1959 au théâtre de la place Broglie à Strasbourg, et seul le festival de
juin l’avait programmé en
1988 au Palais de la musique
de la ville – John Eliot Gardiner dirigeait cette production
de l’Opéra de Lyon mise en
scène par Pierre Strosser.
L’ouvrage avait été oublié
pendant plus d’un siècle, et
guère joué même du temps
de Mozart – on était ainsi
passé à côté des trésors musicaux que recèle cet opéra seria dont on admettait qu’il
annonce les chefs-d’œuvre
futurs, mais auquel on ne reconnaissait guère de valeur
intrinsèque.
Cernay, pour son ouvrage « Le
fils ingrat », une jeunesse rebelle en Alsace (1935-1945)
aux Editions de La Nuée
Bleue. Le prix de la Ville de
Colmar sera remis à Gérard
Cardonne, de Strasbourg, pour
son ouvrage « Selma, une
femme libre » (Le Verger Editeurs) dans le cadre du salon
du livre de Colmar, le samedi
24 novembre.
STRASBOURG / UNIVERSITÉ
LOUIS-PASTEUR
Journée de la mobilité
internationale
Jeudi, 15 novembre, de 9 h à
18 h, l’université Louis-Pasteur propose à ses étudiants
une journée d’information au
sujet de la mobilité internationale. Il s’agit pour le service
des relations internationales
de l’université d’informer au
sujet des aides pratiques et financières en vue de partir
étudier à l’étranger. La manifestation se déroulera en parallèle dans le hall de l’institut
Le Bel, 4, rue Blaise-Pascal, à
Strasbourg et dans toutes les
composantes de l’université
scientifique strasbourgeoise.
L’improvisation en plein cœur
■ Premier Jazz Passage transfrontalier et seconde soirée du
festival Jazzdor : le trio du plus
iconoclaste des pianistes allemands, Alex von Schlippenbach, et les formations de la
contrebassiste Joëlle Léandre
avaient rendez-vous avec
Strasbourg.
Au Mamcs, le trio d’Alex
von Schlippenbach : rompu
aux expériences les plus inopinées, le pianiste berlinois
aborde le travail collectif en
évitant tout leadership. Le
très surprenant saxophoniste
Evan Parker, vrai magicien
des sons alliant douceur timbrée et suraigus brûlants,
grand spécialiste de la respiration circulaire, et Paul Lovens, à la batterie et aux percussions, en pierre angulaire
et métrique du trio, partagent
le même état d’esprit : ce trio
est un triangle équilatéral qui
défit le temps et l’espace.
Leur art n’est que dialogue,
et ne fonctionne qu’à travers
le prisme des échanges. Ces
trois musiciens inventent,
créent in situ, façonnent, ma-
Partie d’improvisation avec le quintet de Joëlle Léandre. (Photo
DNA – Jean-François Badias)
laxent, frappent, lancent stridences et staccatos, construisent et déconstruisent. Il y a
du Giacometti dans leurs
sculptures sonores dépouillées, à l’image d’un instrumentarium sobre et efficace,
et léger.
Oui, cette musique parfois
dérange, et interpelle. Mais
l’improvisation à son paroxysme est un état de grâce
partagé aussi avec un public
ici réceptif et ouvert, qui voit
là évoluer devant lui un monument de la musique improvisée européenne.
Un peu plus tard sur les
planches de Pôle Sud, c’était
au tour de la contrebassiste
Joëlle Léandre, figure majeure de la scène contemporaine
et du jazz, de célébrer l’esprit
de liberté. Tout d’abord en
compagnie du tromboniste
chicagoan George Lewis : des
circonvolutions, des entrelacs, de la voix aussi – une
conférence au sommet servie
par deux maîtres de l’immédiateté et de la spontanéité.
Et la suite lyrique Fragments a révélé à qui l’ignorait
encore l’extraordinaire talent
d’écriture de Joëlle Léandre –
une composition dédiée à un
quintet de musiciens, magnifiée par des interprètes totalement investis et qui ouvrait
là d’étonnantes fenêtres sur
l’art de l’improvisation. Pour
que jamais ne disparaisse la
créativité et l’oralité du jazz.
Christophe Huber
◗ Ce soir à 18 h, rencontre avec
les musiciens du projet
Wonderland (à la Friche Laiterie).
A 20 h 30 : Lettres, d’Éric Watson
et Charles Cré-Anges (à Pôle
Sud). A 22 h : Wonderland, par le
trio Das Kapital et les vidéastes
Nicolas Humbert et Martin Otter (à
la Friche Laiterie).
✆ 03 88 36 30 48 et
www.jazzdor.com