Le contrôle de constitutionnalité - Fondation pour le droit continental

Transcription

Le contrôle de constitutionnalité - Fondation pour le droit continental
Le contrôle de constitutionnalité
(jurisprudence du Conseil constitutionnel)
PRESENTATION
La Constitution du 4 octobre 1958, adoptée par référendum le 28 septembre
1958, fonde le régime de la Ve République. Cette Constitution, élaborée initialement
afin de donner les moyens à l’exécutif de mettre fin à la crise algérienne en acquérant
une certaine stabilité, s’est finalement inscrite dans la durée et a fait à plusieurs
reprises la preuve de sa capacité à encadrer juridiquement des situations nouvelles et
imprévues telles que la cohabitation entre un chef de l’Etat issu d’une formation
politique et une assemblée nationale majoritairement dominée par une autre
formation politique. Cette longévité et cette adaptabilité de la Constitution du
4 octobre 1958 contraste singulièrement avec le passé récent d’un pays où, plus de
vingt fois déjà depuis 1789, on a changé de Constitution. Aussi, l’idée très française
selon laquelle la Constitution peut changer le monde en contribuant au « bonheur de
tous » selon la belle formule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
n’est sans doute plus si importante aujourd’hui. Ce qui prime avant tout c’est la
conscience de l’opinion, et plus particulièrement des juristes français, que la
Constitution représente désormais non seulement un rempart juridique solide contre
les dérives toujours possibles du pouvoir politique, mais encore un pilier sur lequel
repose tout l’édifice juridique français.
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La Constitution applicable actuellement en France ne se limite pas au seul texte
de la Constitution du 4 octobre 1958. En effet, aux 96 articles que compte
actuellement ce texte, il faut ajouter les 17 articles de la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, les 18 alinéas du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, ainsi que les 10 articles de la Charte de
l’environnement de 2004 (cf. : Documents, I). En somme, la Constitution écrite de la
République française prend la forme d’un « bloc de constitutionnalité » comportant
141
articles.
L’explication
de
ce
phénomène
d’agrégation
des
normes
constitutionnelles en un bloc homogène réside dans le fait qu’en 1958, le souci
premier des constituants n’était pas de doter la France d’une Constitution complète
comprenant notamment une charte des droits fondamentaux, mais plutôt de
rationaliser le régime parlementaire afin de mettre fin à l’instabilité gouvernementale
chronique qui avait provoqué les chutes successives des IIIe et IVe Républiques. C’est
pourquoi, les rédacteurs de la Constitution de 1958 ont porté leur attention
presqu’exclusivement sur le système normatif et sur l’équilibre institutionnel des
pouvoirs dans le corps même de la Constitution. S’agissant des droits fondamentaux,
ils se sont bornés à introduire dès la première phrase du Préambule la formule selon
laquelle « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de
l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la
Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ».
On aurait pu penser que cette référence à deux textes constitutionnels antérieurs était
purement symbolique. Il n’en a rien été dans la mesure où dans sa décision du 16
juillet 1971, Liberté d’association (cf. : Documents, décision n° 2), le Conseil
constitutionnel a reconnu la valeur juridique du Préambule de la Constitution de
1958 et, par voie de conséquence des deux textes auquel celui-ci renvoie. Cette
décision de 1971 est évidemment capitale car elle a eu pour résultat d’enrichir la
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Constitution de 1958 d’un catalogue de droits fondamentaux comprenant aussi bien
des « droits-libertés » et des « droits-garanties » comme ceux inscrits dans la
Déclaration de 1789, que des droits collectifs ou « droits-créances », tels que ceux
prévus par le Préambule de la constitution de 1946.
Une nouvelle étape a été franchie avec l’adoption par le Congrès le 28 février
2005 de la Charte pour l’environnement de 2004. Celle-ci élève au rang
constitutionnel certains droits fondamentaux qualifiés parfois de droits de la
« troisième génération » dans la mesure où ils correspondent à une préoccupation
née il y a moins de trente ans. Mais surtout cette Charte assigne aux autorités
publiques des objectifs à valeur constitutionnelle que devront poursuivre la
législation et la réglementation. En ce sens, cette Charte ne possède qu’une faible
densité normative et son impact devrait être essentiellement symbolique bien qu’elle
constitue désormais la quatrième source du bloc de constitutionnalité. Il en résulte
que la Constitution française apparaît désormais comme un texte constitutionnel
moderne, supportant parfaitement la comparaison avec des constitutions plus
récentes puisqu’elle comprend non seulement des dispositions relatives aux
institutions, aux pouvoirs publics, mais aussi à toute la gamme des droits
fondamentaux constitutionnels, de la première à la troisième génération.
En outre, il faut souligner que dans la décision du 16 juillet 1971, Liberté
d’association, le Conseil constitutionnel a consacré l’existence de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », c’est-à-dire concrètement de
normes constitutionnelles dégagées par le Conseil constitutionnel à partir du texte
des grandes lois républicaines adoptées sous les trois premières républiques. Ces
principes,
dont
l’existence
est
constatée
par
le juge
constitutionnel,
ont
essentiellement vocation à combler les lacunes du texte constitutionnel de base. Leur
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nombre est faible et depuis une quinzaine d’années, le juge constitutionnel français
en « découvre » rarement de nouveaux. La liste de ces principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République paraît donc se limiter à dix principes : la
liberté d’association, les droits de la défense, la liberté individuelle, la liberté
d’enseignement, la liberté de conscience, l’indépendance de la juridiction
administrative, l’indépendance des professeurs d’université, la compétence exclusive
de la juridiction administrative en matière d’annulation des actes de la puissance
publique, l’autorité judiciaire gardienne de la propriété privée immobilière, et enfin,
depuis 2002, la proportionnalité des peines applicables aux mineurs.
L’impact de la décision du 16 juillet 1971 démontre l’importance grandissante
du Conseil constitutionnel. Au fil de sa jurisprudence, cette juridiction, créée par la
Constitution de 1958, a modifié en profondeur l’ordre juridique français. En effet, dès
lors que le respect de la Constitution est garanti par un juge, celle-ci occupe
réellement le rang de norme fondamentale. Cette évolution, récente en France
contrairement à la plupart des autres pays européens ou aux États-Unis, a pour
conséquence de soumettre tous les citoyens comme toutes les autorités publiques au
respect de la norme suprême de l’État : la Constitution. Ce phénomène est important
car, comme le législateur lui-même est tenu au respect de la norme fondamentale,
cela entraîne une pacification, une régulation, de la vie politique française par le droit
constitutionnel. Dans ce contexte, la Constitution n’est plus constituée de vagues
principes philosophico-politiques, mais bien d’un corps de règles juridiques
effectives, et donc contraignantes, pour le corps social et politique dans son
ensemble.
Il en résulte un phénomène de constitutionnalisation du Droit, c’est-à-dire une
irrigation de l’ordre juridique par la Constitution. Comme on l’observe également en
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droit comparé, notamment dans les pays qui ont une longue expérience du contrôle
de constitutionnalité, la Constitution française est devenue la source première,
fondamentale, de toutes les branches du droit. Ainsi, on ne peut plus méconnaître
aujourd’hui l’existence d’un socle constitutionnel, ou de bases constitutionnelles, du
droit civil, du droit pénal, du droit administratif, du droit social, etc. De même, force
est de constater que la plupart des débats majeurs qui agitent la société française
contemporaine, comme par exemple : la réforme de la décentralisation, la
redéfinition de la laïcité et de l’égalité républicaine ou encore la nécessité d’une
protection accrue de l’environnement doivent aujourd’hui être posés d’abord en
termes constitutionnels. Néanmoins, il faut remarquer que cette évolution n’est sans
doute pas encore parvenue jusqu’à son terme. En effet, en France, le contrôle de
constitutionnalité apparaît comme lacunaire dans la mesure où il ne s’exerce que sur
les lois votées par le Parlement mais non encore promulguées. S’agissant des lois
promulguées, il a été envisagé à plusieurs occasions de créer une « exception
d’inconstitutionnalité » ou plutôt, pour être exact, de confier au Conseil
constitutionnel la mission de trancher des questions préjudicielles d’ordre
constitutionnel qui lui seraient posées par les juridictions de l’ordre judiciaire ou
administratif. À l’évidence, si une telle réforme devait voir le jour, il en résulterait un
progrès considérable de l’État de droit et aussi, plus prosaïquement, une meilleure
connaissance des ressources contentieuses de la Constitution en particulier chez les
praticiens du droit, qu’ils fussent juges ou avocats.
Pour toutes ces raisons, la connaissance de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel
apparaît
comme
une
condition
nécessaire
à
une
bonne
compréhension des bases essentielles du droit français. A cette fin, il faut, en premier
lieu, évoquer la compétence du Conseil constitutionnel français (I) ; avant, en second lieu,
de décrire à grands traits la jurisprudence du Conseil constitutionnel français (II).
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I – La compétence du Conseil constitutionnel français
L’article 56 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que le Conseil
constitutionnel comprend neuf membres nommés pour des mandats d’une durée de
neuf années et des membres de droit à vie, en l’occurrence les anciens présidents de
la République. Les neuf membres nommés sont désignés par le président de la
République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, chacune
de ces autorités nommant un membre tous les trois ans. La création tardive du
Conseil constitutionnel a constitué l’une des innovations majeures du nouvel ordre
constitutionnel instauré en 1958 dans la mesure où, en France, le mythe de la
« souveraineté parlementaire » a déployé ses effets avec une vigueur particulière
depuis la fin du XVIIIème siècle et que, par voie de conséquence, il a été extrêmement
difficile de faire admettre l’existence même d’un contrôle de conformité des lois à la
Constitution.
S’agissant plus précisément de la question de ses compétences, l’élément
déterminant à souligner de prime abord est que le Conseil constitutionnel s’estime
doté d’une compétence d’attribution. Cela revient à dire qu’il ne se reconnaît
compétent que dans la mesure où la Constitution lui a expressément attribué
compétence. Ainsi, au motif que la Constitution ne lui a pas attribué de compétence
dans ces cas précis, le Conseil se refuse toujours à vérifier la conformité à la norme
fondamentale des lois adoptées à l’issue d’un référendum comme il l’a jugé dans sa
décision du 6 novembre 1962, Loi référendaire (cf. : Documents, décision n° 1),
ou encore des lois constitutionnelles comme il l’a jugé, cette fois dans une décision
du 26 mars 2003, Révision constitutionnelle (cf. : Documents, décision n° 10). De même,
il décline sa compétence pour contrôler la conformité des textes législatifs dont il est
régulièrement saisi par rapport aux normes internationales, considérant que sa
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mission se limite à la vérification de leur conformité par rapport à la Constitution.
C’est la solution de principe qui découle de son importante décision du 15 janvier
1975, Interruption volontaire de grossesse (cf. : Documents, décision n° 4).
Tout en restant généralement fidèle à cette ligne de conduite, le Conseil
constitutionnel a néanmoins progressivement étendu le champ de ses trois
principaux domaines de compétences
Le Conseil, autorité constitutionnelle - En vertu de l’article 16 de la
Constitution, le Conseil doit être consulté sur la réunion des conditions requises et
sur les mesures d’application prévues par cet article. Dans ce cas, il émet un avis
motivé et publié.
D’après l’article 7 de la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel, saisi par
le gouvernement, constate l’éventuel empêchement provisoire ou définitif du
président de la République.
Toujours selon cet article, le Conseil peut être appelé à se prononcer sur le
report éventuel de la date de l’élection du président de la République en cas
d’empêchement ou de disparition d’un candidat dans les conditions fixées par ledit
article.
En vertu de la loi référendaire du 6 novembre 1962 modifiant l’article 7 de la
Constitution et des lois organiques antérieures sur l’élection du président de la
République, il reçoit les présentations de candidatures, s’assure du consentement des
personnes présentées et vérifie qu’elles ont produit sous pli scellé une déclaration de
situation patrimoniale.
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Le Conseil, juge électoral - Le Conseil constitutionnel est un véritable juge de
l’élection pour trois séries d’élections ou de votations.
En premier lieu, pour les élections présidentielles, le Conseil constitutionnel est
chargé de juger les réclamations relatives à la liste des candidats qu'il a lui-même
établie, ainsi que les réclamations relatives à la régularité des opérations électorales.
Le Conseil est également chargé de vérifier les comptes de campagne des candidats.
En second lieu, pour les élections législatives et sénatoriales, le Conseil est
chargé de juger le contentieux des inéligibilités et le contentieux des incompatibilités
ainsi que toute contestation relative à l'élection d'un député ou d'un sénateur. Ces
contestations représentent la part la plus considérable du contentieux électoral
proprement dit. Le Conseil est également chargé du contentieux du financement des
dépenses électorales. Il doit alors être saisi par la Commission nationale des comptes
de campagne et des financements politiques, soit que le compte de campagne n'ait
pas été déposé dans le délai prescrit, soit que le compte ait été rejeté, soit encore qu'il
y ait eu dépassement du plafond des dépenses électorales autorisées.
En dernier lieu, le Conseil est chargé de juger les réclamations relatives aux
opérations référendaires proprement dites.
Le Conseil constitutionnel, juge constitutionnel - Le Conseil a également à se
comporter en véritable juge constitutionnel, soit qu'il ait à vérifier à la demande du
gouvernement si le Parlement n'a pas excédé sa compétence, soit qu'il ait à vérifier la
conformité de certaines normes à la Constitution. Dans le premier cas, il apparaît
comme un juge régulateur de compétences, dans le second comme le juge de la
constitutionnalité de certaines normes.
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D’une part, le Conseil constitutionnel apparaît comme un juge de la régulation
des compétences dans la mesure où il contrôle le respect de la Constitution qui
comporte des dispositions relatives au domaine réservé au législateur, lequel
bénéficie de compétences d'attribution (art. 34, 53, 66) et au domaine relevant
a contrario de l'autorité réglementaire, laquelle bénéficie de la compétence de droit
commun (art. 37). Comme cette répartition constitutionnelle des matières a été
instituée pour le seul profit du gouvernement, ce dernier est seul chargé de prendre
les initiatives nécessaires pour la faire respecter par le législateur. C'est pourquoi les
articles 41 et 37, alinéa 2, lui permettent de saisir le Conseil constitutionnel. En vertu
de l'article 41, le Conseil constate si l'irrecevabilité opposée par le Premier ministre à
une proposition de loi ou à un amendement d'origine parlementaire l'a été à bon
escient ou à tort. En vertu de l'article 37, alinéa 2, le Conseil constate si un texte
organiquement législatif ne comporte pas des dispositions matériellement
réglementaires, ce qui, dans l'affirmative, permettrait au gouvernement de le
modifier par décret. Depuis 2003, selon l'article 74 nouveau, il leur appartient aussi
sur saisine de l'assemblée d'une collectivité d'outre-mer, de constater qu'une loi
promulguée postérieurement au statut de la dite collectivité se situait bien « dans le
domaine de compétence de cette collectivité », ce qui lui permet de la modifier.
Ce faisant, le Conseil n'intervient que pour décider, par référence à la Constitution,
de la qualification, législative ou réglementaire, des matières sur lesquelles porte le
texte qui lui est soumis. Quelle que soit la décision du Conseil, ce texte subsiste tel
quel. Simplement, l'erreur de qualification qui avait pu être commise à son sujet est
rectifiée. C'est essentiellement en tant que juge régulateur des compétences que le
Conseil a été appelé à intervenir jusqu'au début des années 1970. Ce rôle a, depuis
lors, beaucoup perdu de son importance.
1
D’autre part, le Conseil agit comme juge de la constitutionnalité des normes
dans plusieurs cas précis. La Constitution a institué un contrôle de conformité à ses
dispositions d'un certain nombre de normes infra-constitutionnelles, à savoir les
règlements des assemblées parlementaires (art. 61, alinéa 1), les lois organiques
(art. 61, alinéa 1), les lois ordinaires (art. 61, alinéa 2) et les engagements
internationaux (art. 54). On ajoutera que depuis la loi organique n° 99-209 du 19 mars
1999 mettant en œuvre les articles 76 et 77 nouveaux de la Constitution, le Conseil
constitutionnel peut être appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une « loi
du pays » adoptée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
En toute hypothèse, l'intervention du Conseil en tant que juge constitutionnel
présente plusieurs caractéristiques communes. D’abord, il décide sans recours
possible du sort du texte qui lui est déféré et qu'il confronte aux dispositions
constitutionnelles, puisqu'une norme déclarée non conforme se voit privée de la
possibilité d'accéder à une existence juridique et ne peut entrer en application.
Ensuite, ses décisions étant revêtues de l’autorité absolue de chose jugée (art. 62,
alinéa 2), son activité est nécessairement de nature juridictionnelle. Il en résulte que,
dans la pratique, c’est de très loin cette mission du Conseil comme juge
constitutionnel qui occupe aujourd’hui la plus grande part de son activité.
C’est pourquoi, il convient à présent de focaliser l’analyse sur sa jurisprudence.
1
II – La jurisprudence du Conseil constitutionnel français
A l’origine, dans l’intention des rédacteurs de la Constitution, le rôle du Conseil
constitutionnel devait essentiellement être celui d’un « régulateur de l’activité
normative des pouvoirs publics » (L. Favoreu, Revue du Droit public, 1967). La mission
principale du Conseil constitutionnel aurait dû consister à veiller à ce que, par
application du principe de séparation des pouvoirs découlant de l’article 16 de la
Déclaration de 1789, l’autorité législative et l’autorité réglementaire disposent de
domaines d’interventions propres. La raison d’être de cette volonté des constituants
résidait dans le souci d’éviter que ne se reproduisent les dérèglements qui avaient
marqué les IIIème et IVème Républiques en confiant au Conseil constitutionnel la
mission de veiller au respect du domaine de la loi et du règlement. Cependant, cette
voie de contrôle s’est rapidement tarie dans la mesure où le Conseil constitutionnel a
jugé dans sa décision du 30 juillet 1982, Blocage des prix et revenus, que, « … si les
articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de
la loi et celui du règlement, la portée de ces dispositions doit être appréciée en tenant compte
de celles des articles 37, al. 2 et 41; que la procédure de l’article 41 permet au Gouvernement
de s’opposer au cours de la procédure parlementaire et par la voie d’une irrecevabilité à
l’insertion d’une disposition réglementaire dans une loi, tandis que celle de l’article 37, al. 2, a
pour effet, après la promulgation de la loi et par la voie d’un déclassement, de restituer
l’exercice de son pouvoir réglementaire au Gouvernement et de donner à celui-ci le droit de
modifier une telle disposition par décret : que l’une et l’autre de ces procédures ont un
caractère facultatif; qu’il apparaît ainsi que, par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution
n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire
contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à
l’autorité réglementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en
œuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2 et 41, le pouvoir d’en assurer la
1
protection contre d’éventuels empiétements de la loi; que, dans ces conditions, les députés
auteurs de la saisine ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le
domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la
Constitution » (cf. : Documents, décision n° 6). Ceci signifie clairement que les
empiètements du législateur, hors de son domaine réservé, dans le domaine
réglementaire ne conduisent pas nécessairement à des annulations des dispositions
concernées. Bien évidemment, cette interprétation vide de presque tout son intérêt le
contrôle de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir
réglementaire.
C’est la raison pour laquelle, au-delà de ce contentieux institutionnel, il paraît
plus important de porter l’attention sur le contentieux substantiel en évoquant ici la
jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au contrôle de constitutionnalité,
d’une part, des lois ordinaires ; et , d’autre part, des engagements internationaux.
Le contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires – Le contrôle exercé par le
Conseil n'est obligatoire et systématique que pour les règlements des assemblées et
pour les lois organiques (art. 61, alinéa 1er). Pour les lois ordinaires, le contrôle est
facultatif puisqu'il n'est exercé que si le Conseil est saisi dans les conditions fixées par
l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, à savoir par le président de la République, le
premier ministre, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale.
Depuis une révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, ce droit de saisine a été
étendu à des groupes de parlementaires composés soit de plus de soixante sénateurs,
soit de plus de soixante députés. Dans le cadre spécifique de l'article 61, alinéa 2, le
contrôle exercé par le Conseil constitutionnel est un contrôle préventif ou a priori,
c'est-à-dire intervenant sans doute après le vote de la loi mais préalablement à sa
promulgation. Il a pour conséquence qu'en principe une loi promulguée, que le
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Conseil constitutionnel n'ait pas été saisi ou qu'il ait rendu une décision de
conformité, est irréprochable et incontestable et ne doit plus pouvoir faire l'objet
d'une contestation à quelque titre que ce soit. Ce mode de contrôle a donc pour
principal avantage d'assurer l'intangibilité des lois promulguées et par voie de
conséquence une grande sécurité juridique. Mais le contrôle préventif présente aussi
quelques inconvénients. D'une part, si une loi promulguée n'a pas été déférée en
temps utile au Conseil constitutionnel, soit par négligence, soit par indifférence des
parlementaires d'opposition, elle ne peut plus être remise en cause alors que,
peut-être, sa conformité à la Constitution est douteuse. D'autre part, le contrôle de
constitutionnalité est forcément limité aux lois qui depuis 1958 ont été (ou seront)
votées et qui ont été (ou seront) soumises avant promulgation au Conseil
constitutionnel, sans que jamais la constitutionnalité des lois antérieures à 1958
puisse faire l'objet du moindre contrôle alors que celui-ci pourrait se révéler
nécessaire. C’est la raison pour laquelle, depuis 1989, il existe un débat sur le point de
savoir s’il ne faudrait pas permettre aux juridictions judiciaires et administratives de
saisir le Conseil constitutionnel de questions préjudicielles de constitutionnalité afin
que celui-ci les tranche définitivement. Une telle réforme aurait comme vertu de
mettre en œuvre un contrôle de la constitutionnalité des lois aussi bien avant leur
promulgation, qu’après, c’est-à-dire au moment où la loi produit ses effets.
Quoiqu’il en soit, la jurisprudence du Conseil constitutionnel français en
matière de contrôle de constitutionnalité des lois occupe désormais une place
prépondérante au sein de l’ensemble des décisions que peut rendre cette juridiction.
Et, bien que la protection offerte aux citoyens par le système français de contrôle de
constitutionnalité des lois ne soit qu’indirecte, force est de constater qu’à l’heure
actuelle les textes législatifs les plus importants échappent rarement au filtre du
contrôle exercé par le juge constitutionnel. A cet égard, deux grandes tendances de la
1
jurisprudence du Conseil constitutionnel français peuvent être soulignées : d’une
part, celui-ci s’efforce de préserver la structure fondamentale de l’Etat et, d’autre
part, il garantit une protection accrue des droits fondamentaux.
S’agissant, en premier lieu, de la structure fondamentale de l’Etat, il apparaît
que le Conseil porte une attention particulière au maintien de l’unité et de
l’indivisibilité de la République qui découle de l’article premier de la Constitution de
1958. Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il censuré la reconnaissance par le
législateur de l’existence d’un « peuple corse » dans la décision du 9 mai 1991, Statut
de la Corse (cf. : Documents, décision n°9). De même, l’indivisibilité de la République
s’oppose à la reconnaissance de droits spécifiques à des minorités. En ce sens, le
Conseil constitutionnel a déclaré incompatibles avec la Constitution des stipulations
de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (décision du 25 juin
1999). Mais il a aussi considéré que la conception républicaine de l’égalité et de
l’indivisibilité de la souveraineté interdisait la création par le législateur de quotas
fondés sur des discriminations expressément interdites par la Constitution, comme
celles fondées sur le sexe. C’est la solution qu’il a retenue dans sa décision du
18 novembre 1982, Quotas par sexe (cf. : Documents, décision n° 7). Par exemple aussi,
l’indivisibilité de la République empêche que certaines politiques publiques soient
soumises à une différenciation en fonction des territoires. Le Conseil constitutionnel
juge en particulier que les conditions essentielles d’application d’une loi relative aux
libertés publiques ne peuvent dépendre des décisions des collectivités territoriales et
ne peuvent donc être différentes selon les collectivités (décision du 1 3 janvier 1994,
Révision de la loi Falloux). De la sorte, le principe d’indivisibilité se combine
étroitement avec le principe d’égalité qui a acquis une valeur positive et
constitutionnelle depuis une décision du 27 décembre 1973, Taxation d’office (cf. :
Documents, décision n° 3). C’est dans ce cadre général que s’inscrit la
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décentralisation. Cette dernière correspond, dans la Constitution de 1958, au principe
de libre administration des collectivités locales proclamé à l’article 72. Elle demeure
donc essentiellement administrative, même si les articles 72 et suivants de la
Constitution ont été profondément modifiés par la révision constitutionnelle du
28 mars 2003 (cf. : Documents, décision n° 10). Pour s’en tenir aux principales
dispositions, et mises à part les règles spécifiques applicables outre-mer, la libre
administration des collectivités locales s’exprime, dans la Constitution, à travers
quelques grands principes. Les collectivités locales s’administrent librement par des
conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour exercer leurs
compétences. Elles peuvent procéder à des référendums locaux. Elles doivent
disposer des ressources financières nécessaires. Dans le même temps, le préfet,
représentant de l’Etat, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et
du respect des lois (décision du 25 février 1982, Décentralisation).
S’agissant, en second lieu, des droits fondamentaux, le Conseil constitutionnel
développe depuis sa décision du 16 juillet 1971, Liberté d’association (cf. : Documents,
décision n° 2), une jurisprudence protectrice des droits et libertés fondamentaux qui
le conduit à garantir peu à peu tous les droits classiquement reconnus par les
constitutions modernes. Pour ne se limiter qu’à quelques illustrations, le Conseil
protège bien évidemment les « droits-libertés », ou droits de la première génération,
tels que le droit de propriété comme il l’a fait, par exemple, dans sa décision du
16 janvier 1982, Nationalisations (cf. : Documents, décision n° 5). Malgré certaines
hésitations, le Conseil constitutionnel, parce qu’il ne dispose pas d’un fondement
textuel solide en ce domaine ne consacre pas à proprement parler une hiérarchie
entre les droits fondamentaux constitutionnels permettant de soutenir que les droits
appartenant à cette première catégorie seraient des droits de « premier rang »,
comme peuvent être conduites à le faire d’autres cours constitutionnelles
1
européennes telles que le Tribunal constitutionnel fédéral allemand. Lorsque
l’occasion lui a en été offerte, le Conseil constitutionnel a toujours repoussé cette
éventualité et ce, même si la consécration constitutionnelle du droit fondamental en
question aurait pu permettre une telle reconnaissance. Un bon exemple peut être
trouvé avec sa décision du 10 octobre 1984, Entreprises de presse (cf . : Documents,
décision n° 8), où il a mis en œuvre la liberté de la presse qui prend pourtant sa
source dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du
26 août 1789 qui dispose que « … la libre communication des pensées et des opinions est
un des droits les plus précieux de l’Homme ». Une telle formulation aurait pu conduire à
penser qu’il existerait une hiérarchie entre les droits fondamentaux prévus par la
Constitution. En réalité, il n’en est rien et lorsque le Conseil constitutionnel se trouve
confronté à une situation juridique mettant en jeu plusieurs droits fondamentaux, il
procède à une conciliation entre ces normes de valeur constitutionnelle égale.
C’est ainsi qu’il a procédé notamment dans sa décision du 16 janvier 1982,
Nationalisations (cf. : Documents, décision n° 5).
Le Conseil constitutionnel protège aussi les droits fondamentaux que l’on
pourrait qualifier de « droits-garanties » tels que le droit au juge ou le droit au procès
équitable. Cette jurisprudence a aujourd’hui acquis une importance singulière en
particulier pour ce qui est des garanties offertes aux justiciables dans le cadre du
procès pénal. Plusieurs décisions importantes jalonnent la jurisprudence du Conseil
constitutionnel français : la décision du 19 janvier 1981, Sécurité-Liberté, par exemple,
et, plus près de nous, la décision du 2 mars 2004, Evolutions de la criminalité (cf. :
Documents, décision n° 11). Dans cette décision particulièrement importante,
le Conseil constitutionnel rappelle des exigences classiques telles que la nécessité de
définir les infractions pénales en « termes suffisamment clairs et précis » en vertu du
principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, ou encore que soit
1
assurée la publicité des débats lorsque la juridiction de jugement se voit reconnaître
le pouvoir de prononcer une sanction privative de liberté, etc.
Mais le rôle du Conseil constitutionnel en matière de contrôle de
constitutionnalité ne se limite pas à vérifier la conformité des actes votés par le
Parlement national avec la norme fondamentale de l’ordre juridique interne. Il lui
incombe aussi de vérifier la compatibilité du « droit venu d’ailleurs » selon la belle
formule du Doyen Vedel, avec la Constitution.
Le contrôle de constitutionnalité des engagements internationaux – En premier
lieu, s’agissant des rapports entre les engagements internationaux et la loi, l’article 55
de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que : « Les traités ou accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Sur le
fondement de cette disposition, le Conseil constitutionnel aurait pu exercer un
contrôle de la conformité des lois aux engagements internationaux de la France, ce
qui en aurait fait le « juge naturel » de la loi par rapport à l’ensemble des normes,
constitutionnelles et internationales, qui lui sont supérieures. Cependant, il refuse de
sanctionner les violations indirectes de l’article 55 résultant de la méconnaissance par
une loi ordinaire des dispositions d’un engagement international. Ce refus a été
clairement exprimé par le Conseil dans sa décision du 15 janvier 1975, Interruption
volontaire de grossesse (cf. : Documents, décision n° 4).
Le Conseil avait été saisi, conformément à l’article 61, par soixante députés
d’une demande en vérification de la conformité à la Constitution de la loi sur
l’interruption volontaire de grossesse, au motif notamment que cette loi aurait
méconnu les dispositions de l’article 2 de la Convention européenne des droits de
l’homme et aurait par conséquent contrevenu au principe posé par l’article 55.
1
Dans sa décision, le Conseil indique, dans des termes d’un caractère suffisamment
général pour fixer le droit applicable en la matière, qu’il ne lui appartient pas,
« lorsqu’il est saisi en application de l’article 61, d’examiner la conformité d’une loi aux
stipulations d’un traité ou d’un accord international ». Il estime, en effet, qu’il y a une
différence de nature entre le contrôle que peut postuler l’article 55 et le contrôle de la
conformité des lois à la Constitution prévu par l’article 61. Cette différence tient
notamment à ce que la supériorité des engagements internationaux présente un
caractère à la fois relatif et contingent, parce que le traité ou l’accord a un champ
d’application limité et parce que cette supériorité n’existant que pour autant qu’il y
réciprocité peut varier dans le temps alors que la primauté de la Constitution sur les
lois internes est générale, absolue, définitive. C’est pourquoi la sanction prévue par
l’article 62, à savoir l’interdiction de promulguer une loi déclarée non-conforme à la
Constitution paraît inadaptée par son caractère lui aussi « absolu et définitif » au
problème que pose l’éventuelle contradiction entre une loi interne et les normes
inscrites dans un traité ou un accord international. Aussi bien le Conseil relève-t-il
qu’une loi contraire à un traité n’est pas nécessairement contraire à la Constitution.
On comprend parfaitement, dans ces conditions, que le Conseil, qui ne peut être saisi
en cette matière que par la voie de l’article 61, n’ait pas accepté d’intégrer dans le
contrôle institué dans cet article celui assez différent que suppose l’article 55. Mais si
on veut que ce dernier ne demeure pas lettre morte, il faut tout de même qu’il donne
lieu à un contrôle qui ne peut donc être exercé que par les juridictions judiciaires
(Cour de cassation, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre) et administratives
(Conseil d’Etat, 20 octobre 1989, Nicolo).
La seule exception à cette orientation jurisprudentielle bien établie du Conseil
constitutionnel concerne l’hypothèse où une loi nationale transposant une directive
communautaire s’écarte de la norme de droit communautaire dérivé qu’elle est
1
censée mettre en œuvre (Décisions du 10 juin 2004, Economie numérique et du 27 juillet
2006, Identité constitutionnelle de la France ). Cette jurisprudence se justifie, par la
distinction que relève le Conseil constitutionnel entre, d’une part, les « engagements
internationaux » de la France stricto sensu et, d’autre part ses « obligations
communautaires » (cf. : Documents, décision n° 12). Les conditions d’applicabilité des
premiers résultent de l’article 55 de la Constitution, alors que l’application des
secondes découle désormais de l’article 88-1 de la Constitution qui ouvre une voie
d’accès privilégiée au profit du droit communautaire, ce qui en retour implique
nécessairement un contrôle renforcé.
En second lieu, s’agissant cette fois des rapports entre les engagements
internationaux et la Constitution, l’article 54 dispose que : « Si le Conseil
constitutionnel, saisi par le président de la République, par le premier Ministre, par le
président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a
déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution,
l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut
intervenir qu’après révision de la Constitution ». Seuls sont susceptibles de faire l’objet
d’un contrôle, les engagements qui nécessitent, avant leur ratification ou leur
approbation, une autorisation du Parlement, c’est-à-dire ceux visés par l’article 53.
Ce n’est qu’à leur égard qu’il peut être demandé au Conseil constitutionnel, de
vérifier la compatibilité de leurs clauses avec la Constitution. C’est ce qui ressort très
directement des termes mêmes de l’article 54, lequel lie étroitement le contrôle exercé
par le Conseil constitutionnel à l’autorisation de ratifier ou d’approuver, autorisation
qui doit être donnée par une loi votée par le Parlement ou par une loi référendaire.
Le Conseil constitutionnel peut être saisi des engagements internationaux par
le président de la République, le premier ministre, le président de l’une des
assemblées parlementaires et depuis la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 par
2
soixante députés ou soixante sénateurs. Si le Conseil déclare l’engagement
international compatible avec la Constitution, alors le gouvernement peut décider de
procéder à son approbation ou de faire procéder à sa ratification. En revanche, si le
Conseil déclare l’engagement international incompatible avec la Constitution, alors le
gouvernement est tenu, soit de renoncer à l’approbation ou à la ratification, soit de
faire réviser au préalable la Constitution. Cette déclaration d’incompatibilité
intervient lorsque les engagements internationaux en question comportent « … une
clause
contraire
à la
Constitution,
remettent
en
cause
les
droits
et
libertés
constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la
souveraineté nationale … ». C’est ce qu’a jugé à nouveau le Conseil constitutionnel
dans sa décision du 19 novembre 2004, Traité constitutionnel (cf. : Documents, décision
n° 12), à propos de la compatibilité entre le traité établissant une Constitution pour
l’Europe et la Constitution française. L’autorisation de ratifier ce traité
a été
subordonnée à une révision préalable de la Constitution de 1958, en particulier des
articles 88-1 et suivants. La difficulté réside dans le fait que cette modification de la
Constitution est bien intervenue, à la suite d’un vote du Congrès le 28 février 2005,
alors même que le référendum du 29 mai 2005 devant conduire au vote d’une loi de
ratification a échoué. Cette révision constitutionnelle est donc aujourd’hui en
suspens, tant que la ratification du traité ne sera pas effective.
Néanmoins, il est permis de penser que cette formule choisie à l’article 54 de la
Constitution de 1958 est à la fois habile et souple. Elle est habile car en évoquant une
éventuelle révision de la Constitution pour que celle-ci soit mise en harmonie avec le
projet d’engagement international litigieux, elle semble faire référence aux principes
de la primauté du droit international sur le droit interne, évoquée par l’alinéa 14 du
Préambule de 1946, auquel renvoie le Préambule de 1958. Elle est souple car elle
laisse toute liberté aux autorités étatiques pour procéder à cette révision, ce qui
2
implique, dans la réalité des choses, la primauté de la Constitution sur l’ensemble
des normes applicables dans l’ordre juridique interne.
Ferdinand Mélin-Soucramanien
Professeur de droit public à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV
Directeur du Centre d’études et de recherches comparatives sur
les constitutions, les libertés et l’Etat (C.E.R.C.C.L.E.)
Chaire U.N.E.S.C.O. Droits de l’homme, culture
de la paix et développement durable
Eléments bibliographiques
F. Mélin-Soucramanien, Constitution de la République française, 4ème édition, Dalloz, coll. « A savoir »,
Paris, 2006
P. Pactet et Ferdinand Mélin-Soucramanien, Droit constitutionnel, 25ème édition, Sirey, Paris, 2006
L. Favoreu et L. Philip (avec la collaboration de P. Gaïa, R. Ghévontian, F. Mélin-Soucramanien et
A. Roux), Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 13ème édition, Dalloz, coll. « Grands arrêts »,
Paris, 2005

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