Europe-Maghreb - La Tribune Women`s Awards

Transcription

Europe-Maghreb - La Tribune Women`s Awards
INNOVER
ENTRETIEN
MÉTROPOLES
Du casque connecté purificateur
d’air à la voiture « transparente ». TOUR DU MONDE P. 16-17
« On ne pouvait pas faire Ariane 6
sans les Allemands », estime la
ministre Geneviève Fioraso. P. 18-19
Pékin, ou le rêve d’une ville
étouffée par la pollution de
se muer en « smart city ». P. 20
DU VENDREDI 28 NOVEMBRE AU JEUDI 4 DÉCEMBRE 2014 - NO 110 - 3 €
Ves TROPHÉES LA TRIBUNE
WOMEN’S AWARDS (LTWA)
Notre dossier spécial : 
40 portraits de femmes
dirigeantes. À l’occasion
de la remise de nos LTWA,
les parcours d’exception
de 40 femmes, dont certaines
s’approchent des commandes
Pages 31 à 46
du CAC 40…
ENTREPRISES
RÉFORMES : LE
« PACTE KESSLER »
À la veille de la semaine
de manifestations des
entrepreneurs, Denis
Kessler plaide pour
une refondation de leurs
relations avec l’État. P. 12
L’urgence de
coproduire
Transformer de très belles
PME en ETI florissantes,
c’est l’objectif du maire
de Marseille, Jean-Claude
P. 23-26
Gaudin. INNOVER
LE LEVIER
DU BREVET
Selon Yves Lapierre,
DG de l’INPI, « le brevet
est un levier stratégique
de croissance ». P. 16-17
PORTRAIT
RICHARD OLLIER
> TUNISIE Ouided Bouchamaoui, la « patronne
des patrons » tunisiens, fait le tour d’horizon
des réformes économiques nécessaires pour
relancer son pays. Un entretien exclusif. P. 7
> ALGÉRIE « L’usine Renault d’Oran est l’amorce
d’une filière automobile algérienne. » Un entretien
exclusif avec Guillaume Josselin, DG de Renault
Algérie. P. 9
Il vient d’engranger 1,4 M$
de précommandes pour
sa caméra à 360o. P. 28
> MAROC Le royaume émergent à l’avant-garde
de l’EurAfrique. P. 10
NOTRE DOSSIER, PAGES 4 à 11
Une ouvrière
travaillant
dans l’usine
Renault d’Oran
(Algérie), inaugurée
le 10 novembre 2014.
© REUTERS/LOUAFI LARBI
L 15174 - 110 - F: 3,00 €
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »
MÉTROPOLES
AIX-MARSEILLE,
TERRE D’AVENIR
POUR LES ETI
Europe-Maghreb
Maquette annonce256X363gauche.pdf
C
2
24/11/2014
09:24
« PLUS QU’UN LANGAGE COMMUN, C’EST LA PASSION D’ENTREPRENDRE ET
L’EXPÉRIENCE CONCRÈTE DU DÉVELOPPEMENT D’UNE PME QUE JE PARTAGE
AU QUOTIDIEN AVEC LES CHEFS D’ENTREPRISE :
VOUS AUSSI, DONNEZ-VOUS LES MOYENS DE POURSUIVRE VOTRE CROISSANCE. »
M
J
CM
ENCOURAGER L’INNOVATION, SOUTENIR L’ESPRIT D’ENTREPRISE, FAVORISER L’AUDACE.
Chaque année, David et les 30 collaborateurs de Midi Capital investissent dans des PME françaises,
aux côtés des entrepreneurs, pour accélérer leur croissance et en faire les leaders de demain.
MJ
CJ
CMJ
MIDI CAPITAL - Société de Gestion de Portefeuilles N° d’Agrément AMF : GP 02-028 – SAS au capital de 500000 € - N°Siren : 443003504
Siège social : 42 rue du Languedoc - BP 90 112 – 31001 Toulouse cedex 6 – Tél. : 05 34 32 09 65. / Crédit photo : Damien Warcollier
N
David Domingues est diplômé de Télécom ParisTech
mais avant tout serial entrepreneur passionné
par les nouvelles technologies.
Il est aujourd’hui manager chez Midi Capital.
www.midicapital.com
I 3
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
SIGNAUX FAIBLES
ÉDITORIAL
Ce génie de Juncker
PAR PHILIPPE
CAHEN
PROSPECTIVISTE
DR
Médecine : du signal
faible au signal cher
L’ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux
faibles, Éditions Kawa, 2013.
PAR
PHILIPPE
MABILLE
DR
@phmabille
Europe est donc en
train d’accoucher de sa
relance par l’investissement. Passons sur le
caractère incompréhensible du dispositif
annoncé mercredi par
le président de la Commission européenne,
le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker,
qui donne l’impression de tout faire, justement, pour que personne ne le comprenne.
C’est le mauvais génie de l’Europe que de
s’évertuer à construire des programmes
technocratiques dessinés par des experts
anonymes du volapük financier. Ainsi donc,
en mobilisant 5 milliards d’euros de « vrai »
argent, via la Banque européenne d’investissement, plus 16 milliards d’euros de garanties des États membres à un nouveau fonds
(dont seulement 8 réels gagés sur le budget),
le FEIS (Fonds européen pour les investissements stratégiques), on met sur la table
21 milliards qui deviendront, par la magie
d’un effet de levier de 15, voire même de
24 fois la mise, 315 milliards d’euros. Vous
n’avez rien compris ? C’est normal. C’est le
principe dit de la « multiplication des
pains » qui montre qu’en matière de
finance, au moins, l’Europe assume ses
racines chrétiennes.
Europe, « où est ta vigueur ? », a d’ailleurs
opportunément lancé le pape François
devant le Parlement européen mardi
25 novembre. Façon de dire : Europe, arrête
ta rigueur ! Pour l’évêque de Rome, l’Europe
donne « une impression générale de fatigue et
de vieillissement », une « Europe grand-mère et
non plus féconde et vivante ». Comment ne
pas être d’accord avec ce pape argentin qui
veut réveiller ainsi les consciences.
Le plan Juncker ne serait donc que de la
poudre de perlimpinpin, un remède prétendument miraculeux, mais totalement inefficace ? C’est sans doute trop sévère. Il a un
mérite, celui de baptiser la nouvelle Commission issue des élections européennes du
printemps sur de meilleures fondations que
la précédente, la Commission Barroso, qui
n’a rien fait, ou si peu. Exemple, son plan de
6 milliards pour l’emploi des jeunes, qui n’a
été dépensé qu’à hauteur du quart, avec la
réussite que l’on sait…
315 milliards d’euros sont
donc toujours bons à
prendre, s’ils ne se perdent
pas dans les limbes de l’enlisement. Certes, cela ne
représente qu’un peu plus de 1,5 %
du PIB de l’Union européenne, sur
trois ans qui plus est, à partager en théorie
entre 27 pays. Mais c’est aussi un signal
adressé à l’opinion et aux entreprises : investissez ! À bien y regarder, l’effet de levier
envisagé par la Commission n’est d’ailleurs
pas si fou qu’il en a l’air, tant l’Europe a
accumulé un criant retard d’investissement.
Celui-ci est évalué par la Commission à
370 milliards d’euros depuis 2007. Pour garder le même niveau d’investissement que
les États-Unis, dont la croissance redécolle,
il aurait même fallu mettre sur la table
540 milliards d’euros en 2012 et 2013. Deuxième raison de garder espoir dans la réussite du plan Juncker : le niveau des taux
BALISES
7,1 %
BONNE SURPRISE AUX
ÉTATS-UNIS ! Le PIB a
augmenté de 3,9 % au troisième
trimestre et la consommation
de 2,2 %. Mais c’est surtout
l’investissement qui marque
la plus grande accélération, à
5,1 % au troisième trimestre. Les
investissements des entreprises
flambent aussi, à + 7,1 %. Et si on
envoyait Jean-Claude Juncker
faire un stage en Amérique ?
d’intérêt, au plus bas, constitue une forte
incitation à investir, pour autant que les
banques prêtent, car cette situation historique ne saurait durer éternellement.
Dans ses rêves les plus fous, le président de
la Commission voit « des enfants dans une
école à Thessalonique travaillant sur des ordinateurs flambant neufs » ou « un Français
rechargeant sa voiture électrique sur l’autoroute » (sic). Mais, pour paraphraser le
célèbre général, il ne suffit pas de crier
« investir, investir, investir » en « sautant sur
sa chaise comme un cabri » pour que cela
marche. Bruxelles veut cibler les infrastructures stratégiques, comme le
numérique, l’énergie, mais
aussi les transports, l’éducation, la recherche et l’innovation, et réserver 75 milliards d’euros pour les PME. Dont
acte. Mais une fois cela dit, ce sera bien au
secteur privé de choisir où et combien, en
fonction de paramètres de rentabilité qui ne
se gouvernent pas par décret de Bruxelles.
L’espoir que l’on peut formuler serait que
ces 315 milliards d’euros financent le long
terme, à l’image du programme des investissements d’avenir en France (PIA). Soit.
Mais alors évitons l’illusion qui verrait ce
plan avoir des effets à court terme autres
qu’un surcroît de confiance. Or, le danger,
pour l’Europe, est immédiat. Nous voilà
donc ramenés au problème précédent,
comme disent les polytechniciens. Que faire
pour réveiller le mort sans attendre les
effets hypothétiques d’un plan qui n’est
pour l’heure que virtuel ? ■
PLUS D’INFORMATIONS SUR LATRIBUNE.FR
315
1,5
3
MILLIARDS D’EUROS ! Le plan
d’investissement européen de
Juncker mise sur l’inflation ! En
réalité, l’apport public sera bien
plus modeste : 16 milliards
issus du budget européen et
5 milliards de garanties de la BEI.
Soit 21 milliards d’euros. Mais
la finance, c’est magique :
la Commission escompte
un effet de levier de 15 via
les investissements privés !
DANS LE GENRE
« nationalisation des pertes et
privatisation des profits », Bercy
frappe très fort. Le ministère
vient de lancer le fonds
de soutien pour sauver
les collectivités locales ayant
souscrit des « emprunts
toxiques ». Il permettra
d’accorder jusqu’à 1,5 milliard
d’euros d’aides, supportées
à 60 % par les banques.
SELON L’ÉTUDE « Global Talent
in Global Cities » réalisée par
EY et Paris Île-de-France capitale
économique, Paris est
la 3e métropole la plus attractive
pour les étudiants et les créatifs,
sur 44 métropoles. Derrière
Londres et Singapour, mais
devant New York. Paris apparaît
aussi au 5e rang pour
les dirigeants internationaux,
et au 6e pour les entrepreneurs.
L’HISTOIRE
© ADREES LATIF / REUTERS
Or, la télémédecine devrait faire
économiser de l’argent. Le rapport
Lemoine remis en novembre propose
une quinzaine de mesures pour
la transformation numérique de la santé,
comme le parcours 100 % numérique :
rendez-vous, ordonnance, paiement,
résultats d’analyses. Eh oui ! ce n’est
pas encore le cas… Selon le rapport,
en France, entre 925 euros et 12 035 euros
par patient et par an pourraient être
économisés par le seul déploiement
de la télémédecine sur le diabète,
l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance
rénale et l’hypertension artérielle.
Le cabinet Jalma a rendu en novembre
une étude concluant que « le vrai
problème de l’accès aux soins, ce ne sont
pas les dépassements d’honoraires
mais le temps d’attente ». En deux ans,
les délais d’attente pour un rendez-vous
se sont allongés de manière significative
chez les spécialistes comme chez les
généralistes. Or l’allongement des délais
coûte cher, le patient va aux urgences
de l’hôpital et consulte pour plusieurs
centaines d’euros contre quelques
dizaines chez le médecin de ville.
Dès lors, on comprend que le signal faible
de 2009 devient un signal cher en 2014.
Et ce n’est pas fini ! En septembre,
les projections de la CARMF ont confirmé
que l’embellie serait pour 2025.
En attendant, les médecins cherchent
à améliorer leurs revenus, dont
la consultation de base est faible, en
se spécialisant dans une médecine plus
lucrative, tandis qu’un quart des nouveaux
médecins viennent de l’étranger et que
les médecins retraités actifs sont passés
de 2 750 en 2007 à près de 13 000
en 2014. Il paraît que Marisol Touraine
va améliorer tout cela en généralisant
le tiers payant. Signal fort !
L
’
@SignauxFaibles
Dans La Tribune du 10 janvier,
je rappelais mon signal faible de 2009 :
il ne faudra pas être malade en France
entre 2015 et 2025. Je détaillais
trois erreurs essentielles de la DREES
(Direction de la recherche, des études,
de l’évaluation et des statistiques)
du ministère de la Santé : sous-estimation
de la féminisation, du salariat
et des nouvelles pratiques des jeunes
médecins se regroupant. Il faut 9 000 à
10 000 nouveaux médecins par an, et non
7 400. En janvier, j’émettais l’hypothèse
d’un paradoxe fort : l’opportunité unique
de développement de la télémédecine.
La télémédecine réussit ponctuellement
— à Troyes autour du centre hospitalier,
dans le Var avec une cabine
de télédiagnostic — et la France a été
initiatrice de cette révolution en 2010.
Mais elle l’étouffe par la réglementation,
dont les ARS sont le bras armé, dans
une logique prénumérique. Il paraît que
la télémédecine prend son envol,
on espérerait plutôt qu’elle vole.
TENDANCES
L’INTERNET DES VULNÉRABILITÉS. C’est ainsi que les experts de la cybersécurité
surnomment l’Internet des objets, vaste galaxie regroupant aussi bien les bracelets
traqueurs de données cardiaques que les lunettes intelligentes ou les stations météo
personnelles (comme celle du français Netamo). D’après une étude ABI Research publiée
en février 2013, le nombre d’objets connectés vestimentaires (soit seulement les montres,
chaussures, etc.) devrait atteindre quelque 485 millions d’ici à 2018. Point fort de l’Internet
des objets, puisqu’il permet d’utiliser des logiciels libres et ouverts à tous, garantissant de
multiples usages, le code source ouvert est aussi son maillon faible. D’après un rapport de
Symantec paru en juillet, près de 20 % de ces objets connectés communiquent en clair
(sans cryptage) les données générées par leurs utilisateurs (noms, courriels et… mots de
passe). Il existe même un « Google de la vulnérabilité des objets », alerte Laurent Heslault,
directeur des stratégies de sécurité chez Symantec. Le moteur de recherche Shodan
permet de chercher des appareils connectés selon la ville, les coordonnées géographiques,
le système d’exploitation et même l’IP de son utilisateur. L’UE devrait adopter d’ici à la fin
de l’année 2014 de nouvelles règles en matière de protection des données personnelles.
4 I
L’ÉVÉNEMENT
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
EUROMED
L’Europe et le Maghreb dans
l’urgence de la coproduction
LES FAITS. Sur la rive nord de la Méditerranée, une croissance atone ou négative fait rêver à celles
des pays du Maghreb, qui se situent à 3-4 %. Mais, au Nord comme au Sud, le chômage persiste, et atteint
des niveaux dramatiquement inégalés parmi les jeunes de 15 à 24 ans. Au risque d’une dislocation sociale.
LES ENJEUX. La coproduction industrielle entre les deux rives de la Méditerranée apparaît comme l’une
des voies d’un partenariat renouvelé. Elle permettrait de (re)gagner en compétitivité et parts de marché.
Maghreb et Europe du Sud face aux mêmes défis
du chômage élevé et d'une croissance insuffisante
France
Espagne
Italie
Algérie
Maroc
Tunisie
3,8 %
PIB 2013, en milliards de dollars
2,8 %
1,6 %
Taux de
croissance,
France
2 807
prévisions
2014
(7/2014)
0,4 %
(7/2014)
0
24,2 %
(8/2014)
2 072
Espagne
1 359
53,7 %
(8/2014)
43,8 %
24,4 %
(9/2014)
Taux de
chômage
des 15-24 ans
@AlfredMignot
L’édition spéciale
de La Tribune,
entièrement
consacrée
à la Méditerranée
(n° 56, été 2013)
est téléchargeable
sur notre site,
LaTribune.fr.
B
l’économiste et entrepreneur tunisien Radhi
Meddeb, s’efforcent au fil des colloques et
autres forums, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, de promouvoir auprès des décideurs économiques et politiques cette thématique qui se heurte encore à bien des
blocages, malgré son importance stratégique.
Dans le continuum de cet engagement, La
coproduction en Méditerranée - Illustrations et
recommandations est la toute dernière étude
sur ce thème, publiée par l’Ipemed en cette
fin novembre. Réalisée par le géographe-économiste Maxime Weigert, elle a pour premier
mérite de rappeler les fondamentaux de ce
processus et de nous donner à connaître
plusieurs exemples euro-maghrébins de
réussite.
Le concept de la coproduction est simple, il
s’articule en quatre volets : abandonner l’approche éculée qui consiste à considérer les
entreprises du Sud comme de simples soustraitants ; les faire monter en gamme en partageant les savoir-faire et la chaîne de valeur
entre entreprises partenaires du Nord et
celles du Sud ; (re)devenir compétitifs
ensemble sur le marché mondial et y
(re)conquérir des parts de marché. Avec en
toile de fond la création d’emplois, au nord
37,6 %
(9/2014)
Maroc
228
10,8 % 9,1 %
0
47
ien sûr, l’inauguration de
l’usine Renault d’Oran, en
Algérie (lire pages 8 et 9),
le 10 novembre dernier, a
provoqué des commentaires critiques dans une
certaine partie de la classe
politique française, accrochée à des concepts obsolètes et qui confond
sciemment coproduction et délocalisation.
Une approche d’autant plus archaïque, en
tout cas pour un certain nombre de secteurs,
que la preuve de la pertinence du concept de
coproduction est faite depuis… cinquante ans
et plus. En Asie par le Japon qui, dès les
années 1960, a amorcé la coproducrion avec
la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour – un processus qui, en vingt ans, a
abouti au décollage économique des quatre
« dragons asiatiques » ; en Europe par l’Allemagne avec les pays d’Europe centrale et
orientale (Peco) ; au Maghreb par bon
nombre d’entreprises européennes, allemandes, italiennes et plusieurs… françaises.
Depuis des années, Jean-Louis Guigou, délégué général fondateur de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed, Paris) et son président,
(8/2014)
(6/2014)
Tunisie
Algérie
15,3 %
12,3 %
10,4 %
Taux de
chômage
en 2014
PAR ALFRED
MIGNOT
- 0,4 %
(7/2014)
Italie
113
3,5 %
0
comme au sud de la Méditerranée… Trop
beau pour être vrai ? La pratique des grands
groupes automobiles allemands apporte la
preuve du contraire : ils font produire l’essentiel de leurs grosses berlines à moindre coût
dans les Peco, avant de les réimporter chez
eux, puis de les réexporter estampillées du
label made in Germany en maximisant leurs
marges. Ainsi l’Allemagne réimporte-t-elle
jusqu’à 46 % de la valeur ajoutée des biens
d’équipement produits dans son hinterland,
selon une précédente étude de l’Ipemed.
DE NOMBREUSES PREUVES
PAR L’EXEMPLE
Mais, si l’Allemagne est le seul pays européen
à avoir développé massivement cette stratégie
– depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et
plus encore depuis l’élargissement est-européen de 2004 –, nombre d’entreprises françaises se sont aussi engagées dans cette voie.
C’est le cas notamment de Safran (lire l’encadré, page 5), qui a créé une première coentreprise avec Royal Air Maroc en l’an 2000, pour
œuvrer dans la maintenance des moteurs
d’avions. Dans son sillage, d’autres grandes
(2012)
21,5 %
(2012) 19,1 %
(2013)
Très élevés
partout et
particulièrement
chez les 15-24
ans, les taux
de chômage ne
disent pourtant
pas toute
la précarité
des populations.
En Espagne, par
exemple, «  34 %
des salariés
gagnent moins
de 645 euros par
mois », titrait
le quotidien
El Mundo, en Une
de son édition
du 21 novembre.
© SOURCES DE
L’INFOGRAPHIE :
FMI, CNUCED, BNP
sociétés et sous-traitants du secteur ont suivi.
Aujourd’hui, une centaine d’entreprises de
l’aéronautique sont installées au Maroc. Elles
réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur
à 1 milliard d’euros, ont généré quelque
10 000 emplois et ont vu leurs exportations
croître de 13 % en 2013.
Autre exemple, plus récent, celui du site
Renault de Tanger. Opérationnel depuis
février 2012, destiné à répondre à la demande
locale et internationale – surtout africaine –
de modèles d’entrée de gamme, il devrait
produire 340 000 voitures par an dès cette
année. Avec 5 000 emplois directs créés et
30 000 indirects attendus, c’est la plus grande
usine d’Afrique, qui contribue pour une
bonne part au succès de la zone franche
industrielle de Melloussa, à 30 km du port de
Tanger Med. À la demande des autorités
marocaines, un institut de formation des
métiers de l’industrie automobile, géré par
Renault Tanger, a aussi été créé sur place, afin
de contribuer à la montée en gamme des
ressources humaines locales. On notera aussi
que le site Renault de Tanger est à la fois
« zéro carbone » et « zéro rejet liquide industriel », ce qui lui a valu de remporter le Prix
2011 de la production des Sustainable Energy
I 5
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
ENFIN UNE EUROPE
MOINS FRILEUSE ?
Les nouveaux députés issus des élections
européennes de mai 2014 et la nouvelle
Commission Junker bâtiront-ils une politique plus proactive envers le Sud méditerranéen ? Plusieurs personnalités des deux
rives poussent en ce sens. C’est le cas de
Philippe de Fontaine Vive, le vice-président
de la BEI et « patron » de la Facilité euroméditerranéenne de partenariat et d’investissement (Femip, l’instrument de la BEI
en Méditerranée). « Nous avons décidé à la
BEI de mettre à compter de l’année 2015 la
Méditerranée avec l’est de l’Europe. Nous
avons tellement entendu de discussions sur la
priorité entre l’Est ou au Sud que nous en
avons tiré les conséquences. nous allons les
mettre dans le même département », déclaraitil début novembre au site Econostrum.
Ce changement d’optique au sein de la BEI
pourrait-il préfigurer une inflexion positive
de la politique européenne de voisinage,
alors que naguère encore l’Europe officielle
observait d’un œil plus que méfiant son
flanc sud ? En tout cas, le fait que ce changement se produise d’abord à la BEI n’a
rien de surprenant, car le « patron » de la
Femip – premier financeur en Méditerranée, depuis sa création en 2002, avec des
prêts cumulés, pour le Maghreb, de 13 milliards d’euros (5,4 pour la Tunise, 5,6 pour
le Maroc, 2 pour l’Algérie) – n’a cessé
d’œuvrer pour faire changer le logiciel
européen en la matière. Ainsi dès juin 2010,
au sommet des leaders économiques de
Barcelone, affirmait-il que « la renaissance
européenne passe par le Sud ».
Une autre personnalité euroméditerranéenne d’importance est bien sûr le diplomate marocain Fathallah Sijilmassi, secrétaire général depuis mars 2012 de l’Union
pour la Méditerranée (UpM, siège à Barcelone) qui œuvre sans relâche à promouvoir
les partenariats « à géométrie variable »
entre les deux rives. Pour renforcer son
action et rendre l’UpM plus visible – en
2015, le processus de Barcelone, précurseur
de l’UpM, fêtera ses vingt ans – peut-être
pourra-t-il compter sur Martin Schulz, le
député socialiste allemand (SPD) président
du Parlement européen depuis janvier 2012
(réélu en juillet 2014, pour deux ans et
demi). En décembre 2012, alors qu’il participe à une conférence de l’Ipemed, à Paris,
Martin Schlulz déclare en effet sans détour
que « l’Europe est encore en train de rater une
chance historique. Au Sud, ils essaient de transformer leurs sociétés sur la base de valeurs que
nous partageons, [alors qu’à Bruxelles] on
réduit les moyens, c’est la triste réalité (...)
L’Union pour la Méditerranée [UpM] doit se
transformer en instrument de développement
durable. Il faut donner à l’UpM des moyens
comparables à ceux dont bénéficient les pays
de l’Est dans le cadre de la politique dite de
voisinage. » Puis, le 12 avril 2013, dans son
discours d’ouverture de la IXe session plénière de l’assemblée parlementaire de
l’Union pour la Méditerranée (AP-UpM), il
affirme : « Les gouvernements ne s’engagent
pas assez pour faire de la Méditerranée un
espace de coopération. »
Xavier Beulin, président
de Sofiprotéol et de l’EMCC
« La meilleure solution pour
un projet gagnant-gagnant
entre le Nord et le Sud »
© KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Europe Awards organisés par l’Union européenne. Une expertise qui pourra être exportée, voire réimportée… en France.
« Tout l’enjeu consiste à mettre en synergie les
nombreuses complémentarités entre les deux
rives de la Méditerranée », relève Maxime Weigert. Ces complémentarités – savoir-faire au
Nord, jeunesse et futurs marchés émergents
au Sud – apparaissent d’autant plus significatives que les défis sont largement communs d’une rive à l’autre, comme on peut
l’observer dans le graphique ci-contre : croissance atone ou négative au Nord, plus élevée
au Sud, mais insuffisante pour résorber le
chômage – il faudrait pour cela qu’elle dépassât les 5 % –, même incapacité à intégrer la
jeunesse dans la vie économique, comme
l’attestent les taux exponentiels du chômage
des 15-24 ans. Et c’est justement là l’une des
« raisons essentielles qui ont conduit à la révolution tunisienne de janvier 2011 », ainsi que le
rappelait Radhi Meddeb dans La Tribune
nO 107, datée du 7 novembre.
Ainsi, la nécessité de retrouver une croissance forte des deux côtés de la Méditerranée se situe à un niveau comparable d’urgence sociale. Comment faire, dès lors, pour
accélérer coopération et coproduction entre
les deux rives de la Méditerranée, en cumulant les avantages respectifs, ce qui permettrait de (re)devenir compétitif sur le marché
mondial – un objectif que l’Alliance numérique franco-tunisienne, créée en 2112, a
d’ailleurs su transformer rapidement en
réalité (lire pages 6-7) ?
MARTIN, FEDERICA
ET LES AUTRES…
Mais, maintenant qu’il est réélu, Martin
Schulz fera-t-il preuve du même franc-parler
et du même enthousiasme ? Pourra-t-il
compter sur l’Italienne Federica Mogherini,
vice-présidente de la Commission européenne et nouvelle haute représentante de
l’Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité ? Que fera-t-elle ? Son
italianité et son cursus universitaire
– notamment à l’Institut de recherches et
d’études sur le monde arabe d’Aix-en-Provence, où elle consacra son mémoire de fin
d’études aux rapports entre religion et politique dans les pays islamiques – la porterontt-elle vers une attitude plus proactive vis-àvis du Sud ? Le 4 novembre, dans une
entrevue accordée à plusieurs quotidiens
européens, la haute représentante a déclaré
qu’elle serait « heureuse si, au terme de son
mandat, l’État palestinien existait. » Aussi, en
réponse à l’unique question sur la région
d’un député européen – « Que pourrait faire
l’Europe pour aider à la construction de l’UMA ?
» – lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères du Parlement
européen, en octobre, elle a déclaré que l’UE
devait « soutenir les efforts de l’ONU pour aller
vers une solution du conflit du Sahara occidental » – pomme de discorde entre l’Algérie et
le Maroc, dont la frontière commune est
fermée depuis 1994. Mais, sur le fond de la
coopération Euromed, elle n’a encore rien
dit – à sa décharge, toutefois, le fait qu’elle
n’est entrée en fonction que depuis un mois.
P
résident de la FNSEA
et du premier groupe
agro-industriel français,
Xavier Beulin préside aussi
l’Euro-Mediterranean
Competiveness
Confederation (EMCC) qui
tient son forum annuel 2014,
organisé par l’Ipemed,
à Sousse (Tunisie), le jeudi
4 décembre. Des dizaines
de personnalités (politiques, économiques,
universitaires) des deux rives y sont attendues,
pour échanger sur le thème « Colocalisations en
Méditerranée : coproduire pour créer de l’emploi ».
Selon Xavier Belin – qui a succédé à Gérard
Mestrallet, président-fondateur de l’EMCC –,
la coproduction « est aujourd’hui la meilleure
solution pour un projet gagnant-gagnant » entre
pays du nord et du sud de la Méditerranée. ■
En savoir plus, s’inscrire : http://www.ipemed.coop
« L’Europe devrait soutenir plus l’industrialisation des pays du Maghreb à travers ses outils
de coopération – notamment l’Instrument
européen de voisinage (IEV) pour créer de
l’emploi industriel dans les deux espaces et
pour aller ensemble vers d’autres marchés
mondiaux, plus particulièrement vers l’Afrique
[l’eldorado du xxie siècle, selon les prévisionnistes, vision stratégique que le Maroc
a d’ailleurs pleinement intégrée – lire
pages 10-11] dans le cadre d’une stratégie
conjointe, estime Amal Chevrau, responsable du pôle Études et projets de l’Ipemed.
Le Maghreb peut devenir un espace pertinent de
déploiement de la coproduction. Du Maroc à la Tunisie, la montée en gamme
des filiales et coentreprises du groupe Safran
© DR
Présent depuis plus de trente ans au Maghreb, Safran y accélère sa stratégie de coproduction en Tunisie et au Maroc, où ses filiales
participent pleinement au développement industriel global du groupe. Un exemple mature de coproduction réussie.
PAR MAXIME WEIGERT GÉOGRAPHE-ÉCONOMISTE,
EXPERT COPRODUCTION
POUR L’IPEMED,
AUTEUR DE L’ÉTUDE
Leader mondial dans les domaines de
l’aéronautique, du spatial, de la défense et
de la sécurité, ce groupe international
d’origine française regroupe plusieurs dizaines
de filiales réparties sur tous les continents,
il emploie 66 300 personnes et a enregistré
un chiffre d’affaires de 14,7 milliards d’euros
en 2013. Parmi ses principaux clients figurent
les plus grands intégrateurs aéronautiques,
comme Boeing, Airbus, Bombardier
et Dassault Aviation.
En tant qu’équipementier spécialisé dans
les hautes technologies appliquées à
l’aéronautique, au spatial, à la défense et
à la sécurité, Safran se doit de respecter
des normes et des techniques de production
très exigeantes. Ainsi la qualité et l’innovation
forment-elles le socle de sa compétitivité – en
2013, il a consacré 1,8 milliard d’euros à la R&D,
soit plus de 12 % de son chiffre d’affaires.
Présent au Maghreb depuis le début
des années 1980, Safran y a développé
ses activités suivant une stratégie de
coproduction. C’est au Maroc que le groupe
réalise l’essentiel de ses activités au sud de
la Méditerranée. Il y a implanté huit filiales
et coentreprises avec des partenaires locaux,
spécialisées dans la production de composants
et d’équipements aéronautiques. Safran est
devenue en quelques années le fer de lance
de la filière aéronautique au Maroc,
accompagnant l’émergence de partenaires
marocains. Concentrées dans le cluster
aéronautique de Nouaceur, près de l’aéroport
de Casablanca, ses filiales représentent 40 %
de l’activité du secteur et emploient plus
de 3 200 personnes.
Safran a rapidement fait évoluer les
compétences de ses filiales. En 2005, la filiale
Labinal Power Systems a implanté au Maroc
un bureau d’ingénierie pour soutenir ses
bureaux d’études européens. Ce bureau est
aujourd’hui animé par des équipes presque
exclusivement marocaines, qui ont été
recrutées localement dans le cadre
d’un partenariat avec l’école d’ingénieurs
de Mohammedia. Les équipes de production
de Labinal Power Systems Maroc ont quant à
elles bénéficié d’un programme de formation
visant à améliorer les compétences techniques
des employés, qui supervisent désormais toute
la phase d’industrialisation des produits. Au
total, 15 % des effectifs de Safran au Maroc
sont ingénieurs et cadres.
Le groupe est appuyé par l’État marocain dans
cette dynamique de montée en compétence
des effectifs locaux. En 2014, il a par exemple
signé un protocole d’accord sur le
développement de la recherche et technologie
avec le ministère de l’Enseignement supérieur.
La coopération porte notamment sur la
création de formations doctorales spécialisées
dans les problématiques aéronautiques.
Avec cette stratégie, les unités marocaines
participent pleinement au développement
industriel de Safran, certaines fournissant
directement en produits finaux ses plus grands
clients internationaux, comme Airbus, Embraer
et Bombardier.
Après le Maroc, Safran entreprend
d’approfondir sa stratégie de coproduction
en Tunisie. Morpho, filiale de Safran,
y a développé depuis plusieurs années
Un technicien marocain du pôle de compétitivité
de Nouaceur (où sont concentrées les filiales
de Safran, près de l’aéroport de Casablanca),
travaillant à l’assemblage d’un avion.
© AFP PHOTO/ABDELHAK SENNA
un partenariat avec Telnet. En 2009, ces deux
sociétés ont créé deux coentreprises où
plusieurs centaines d’ingénieurs tunisiens
et français collaborent à la conception
de systèmes électroniques pour les avions
et pour les cartes à puce. Cette collaboration
a été renforcée en 2013, avec l’annonce du
lancement de nouveaux programmes de R&D.
Safran prévoit aussi un projet plus ambitieux,
visant à faire de la Tunisie le pays pilote
d’un programme de création de cartes
d’identité numériques universelles, conçues
puis fabriquées localement. En cas de succès
du projet, la Tunisie serait alors en bonne place
pour produire et exporter cette technologie. ■
6 I
L’ÉVÉNEMENT
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
OÙ VA LE MAGHREB ?
Néanmoins, pour créer un marché large et
attractif, il faut penser le concept dans une
approche régionale. »
L’an I de la Tunisie,
c’est maintenant !
LE COÛT EXORBITANT
DU « NON-MAGHREB »
On en est loin ! Si le traité constitutif de
l’Union du Maghreb Arabe (UMA) a été signé
en février 1989 par les cinq chefs des États
concernés, l’UMA n’en est pas moins restée
dans les limbes, et aucun sommet ne s’est
plus tenu dep uis celui de Tunis, en 1994.
Pourtant, il est admis dans les milieux économiques et universitaires que le coût du « nonMaghreb » peut être estimé autour de 2 % du
PIB annuel cumulé des trois principaux pays.
Mais ce projet de l’UMA ne mobilise guère
les dirigeants politiques. Malgré des déclarations qui affectent un positivisme de façade,
les (mauvaises) raisons de la discorde entre
pays voisins demeurent les plus fortes. Or le
non-Maghreb handicape aussi l’approfondissement du partenariat économique avec
l’Europe, ce qui cette fois représente un
manque à gagner de 1 à 3 % des PIB cumulés
– une estimation qui fait consensus parmi les
économistes, même si tout dépendrait bien
sûr du niveau d’intégration.
En fait, côté Sud, c’est le roi du Maroc,
Mohammed VI, qui apparaît comme le plus
fervent et constant promoteur de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée, coopération qu’il a toujours ouvertement prônée. Ce fut encore le cas dans le
message adressé au IVe sommet UE-Afrique
de Bruxelles, en avril 2014, où il affirme que
la promotion volontariste de la coopération
intra-africaine (lire pages 10-11) ne doit en
aucun cas exclure « l’approfondissement, en
parallèle, des rapports mutuellement bénéfiques (…) avec l’Union européenne et ses États
membres. Bien au contraire… »
« L’IMMOBILISME CONDAMNE
À DISPARAÎTRE »
Actuellement, deux éminents universitaires
du Sud, le professeur algérien Abderrahmane
Mebtoul et le professeur marocain Camille
Sari, tentent de relancer le débat, d’attirer
une fois encore l’attention des décideurs sur
les avantages d’un Maghreb uni. Début
novembre, ils ont publié une somme remarquable, L’Intégration économique maghrébine,
un destin obligé ? (L’Harmattan, 559 pages),
véritable plaidoyer de toutes les bonnes raisons pour réaliser l’Union du Maghreb arabe
(UMA) attendue depuis si longtemps par les
« peuples frères ». Une attente incompréhensible, si l’on considère que le Maghreb est la
région du monde la moins intégrée, alors
qu’elle est la plus homogène du point de vue
culturel. « Il serait suicidaire pour chaque pays
du Maghreb de faire cavalier seul, relève le professeur Mebtoul. L’intégration économique
régionale est une nécessité historique, Et sans
inclusion euroméditerranéenne, le Maghreb
serait bien davantage ballotté par les tempêtes
des marchés, avec le risque d’une marginalisation
croissante. » Une sortie des radars de l’Histoire qui menace aussi l’Europe, si elle ne
parvient pas à construire avec son flanc sud
l’indispensable pacte d’avenir.
L’expert Francis Ghilès, qui fut durant quinze
ans le journaliste en charge de l’Afrique du
Nord au Financial Times, est sur la même
ligne. Dans une entrevue accordée en
juin 2010 à deux chercheurs de l’Institut Amadeus (Maroc), il estimait que « ce n’est qu’en
acceptant de mettre un tant soit peu en commun
leur souveraineté, comme ont su le faire les pays
européens après 1945, que les pays du Maghreb
deviendront des acteurs de leur propre histoire
sur la scène mondiale, et non de simples pions sur
l’échiquier international… Quant à l’Union européenne, si elle ne montre pas plus d’ambition visà-vis de la région, eh bien, la Chine fera le
Maghreb. Par les temps économiques qui courent,
ceux qui se contentent de l’immobilisme sont
condamnés à disparaître ». Un message que les
entrepreneurs de l’EMCC ont bien intégré et
qui motive leur engagement. ■
Tout commence à nouveau pour la Tunisie qui vient de réussir sa transition
démocratique. Mais il lui faut encore accomplir des réformes difficiles,
afin de redresser son économie. Jusqu’où l’Europe pourra-t-elle l’aider ?
« A voté ! »
Un électeur
tunisien dans
un bureau
de Sousse
(centre-est
du pays),
le 23 novembre,
lors du premier
tour de l’élection
présidentielle.
Un second succès
de la transition
démocratique
en Tunisie,
après celui
des élections
législatives,
le 26 octobre.
© ANIS MILI / REUTERS
B
éji Caïd Essebsi ou Moncef
Marzouki ? À l’heure où nous
écrivons, l’issue du second
tour – probablement le
28 décembre – de l’élection
présidentielle reste bien sûr
inconnue. Les Tunisiens
peuvent cependant déjà se féliciter d’être les
seuls à avoir accompli leur transition démocratique, concrétisée par des élections libres,
pour la première fois de leur histoire, et quatre
ans presque après leur insurrection de janvier
2011, qui a déclenché la vague du « printemps
arabe ». Ce succès leur vaut moult félicitations
et une considération exprimées par de nombreux pays à travers le monde, et il leur appartient désormais de construire leur avenir… en
relevant leur économie.
L’URGENCE
DES REFORMES
Logiquement délaissé ces dernières années
du fait de l’emprise des préoccupations politiques, le front économique sera l’urgence à
laquelle devra s’atteler le futur gouvernement.
Il aura la pleine légitimité pour déployer le
processus de réformes commencé par le gouvernement provisoire de Mehdi Jomaa (installé le 29 janvier 2014), un gouvernement
« de compétences » et de « service national »
salué notamment par Philippe de Fontaine
Vive, le vice-président de la BEI et « patron »
de la Facilité euroméditerranéenne d’investissement et de partenariat (Femip), qui, en
septembre dernier, qualifiait de « très courageuse la stratégie de réformes engagée ».
C’est en effet un chantier immense de
réformes qui attend les nouveaux dirigeants,
comme l’évoquent notamment la présidente
de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), Ouided Bouchamaoui (lire l’entretien page 7) et Radhi
Meddeb. Dans une tribune libre publiée en
septembre dernier sur Latribune.fr,
l’économiste et entrepreneur tunisien, président de l’Institut de prospective écono-
mique du monde méditerranéen (Ipemed,
Paris), dresse l’impressionnant catalogue des
réformes de toutes sortes dont le pays a selon
lui besoin – et dans l’urgence : la restauration
des grands équilibres macroéconomiques.
« L’État tunisien aura vu son budget augmenter
de plus de 60 % en moins de quatre ans, alors que
le PIB n’augmentait sur la même période que de
moins de 5 % ! » relève-t-il ; la réforme d’une
administration « pléthorique, plombée par les
recrutements partisans » ; la restructuration
des entreprises publiques ; la réforme fiscale
et du secteur financier ; la réforme de la caisse
générale de compensation, qui « absorbe 20 %
du budget de l’État, ce qui est devenu insoutenable » ; la rationalisation des importations
pour combler « un déficit commercial largement approfondi durant les quatre dernières
années, avec un taux de couverture passé de près
de 80 % à presque 60 % » ; la restructuration
d’un secteur touristique « stratégique, contribuant pour plus de 7 % au PIB, à 12,5 % de
l’emploi et à 10 % de la balance des paiements,
mais malade de longue date » ; etc.
L’EUROPE PEUT-ELLE
FAIRE PLUS ?
Sur la question cette fois du partenariat avec
l’Europe, parfois contesté en Tunisie, Radhi
Meddeb considère que depuis novembre 2012,
date de l’accession par la Tunisie au statut de
partenaire privilégié de l’Union européenne,
« nous avons perdu un temps précieux, tout reste
à faire. Il est urgent de donner un véritable
contenu à cet accord sur la voie de l’engagement
des réformes et de l’adoption des standards techniques européens. Cela pourrait être notre vrai
passeport vers la modernité, la compétitivité de
notre tissu économique et financier, le relèvement
du niveau de notre système de formation, d’éducation et de santé. »
Côté européen, dès le 20 janvier 2011,
quelques jours seulement après le soulèvement démocratique, la BEI publiait un communiqué par lequel elle affirmait se tenir « à
la disposition de la Tunisie, au service de ses
priorités économiques et sociales ». Dès le
2 mars suivant, Philippe de Fontaine Vive se
rendit à la rencontre des nouvelles autorités,
déclarant : « Je suis venu à Tunis pour écouter
les Tunisiens et les accompagner dans leur transition démocratique. Notre action est d’envergure, centrée sur la croissance économique et la
création d’emplois. »
Concrètement, cet engagement fort de la
Banque européenne d’investissement se sera
traduit, de janvier 2011 à ce jour, par des
financements supplémentaires de plus de
1 milliard d’euros pour la mise en œuvre de
projets nouveaux dans des secteurs tels que
l’énergie, les PME, les infrastructures, l’éducation et le logement social.
On ne saurait considérer que c’est peu, la
BEI-Femip s’impliquant plus que toute autre
institution, puisqu’elle est le principal financeur de la Tunisie. Mais est-ce assez ? À considérer le point de vue de la « patronne des
patrons » tunisiens (lire page 7), c’est 1 milliard d’euros supplémentaires qu’il faudrait
chaque année à la Tunisie, pendant dix ans,
pour s’extraire de la précarité et s’engager
fermement vers l’émergence. « Une ambition
à la portée de nos partenaires internationaux,
Européens d’abord », dit-elle…
L’ALLIANCE NUMÉRIQUE,
UNE COPRODUCTION RÉUSSIE
Dix milliards… c’est précisément ce qu’évoquait dès le 18 janvier 2011 Radhi Meddeb,
devant le comité de parrainage politique de
l’Ipemed : « Il nous suffira de 10 à 15 milliards
d’euros pour construire la Tunisie de demain ! »
affirmait-il. Quelques jours plus tard, le professeur économiste-géographe Pierre Beckouche (Sorbonne) allait plus loin, préconisant que « la Tunisie pourrait être le
laboratoire d’une première adhésion d’un pays
arabe à l’Union européenne ! »
Malgré les félicitations et déclarations officielles – « L’UE est prête à continuer à soutenir
la Tunisie dans ses efforts vers la stabilité et le
développement économique et social du pays »,
déclarait dès le soir du premier tour présidentiel Federica Mogherini, haute représentante à l’action extérieure de l’UE – on doute
que l’Europe soit prête à aller aussi loin, tant
elle est préoccupée par sa propre crise.
Reste que certaines initiatives bien concrètes
sont porteuses d’avenir. C’est le cas de l’Alliance numérique franco-tunisienne. Lancée
en octobre 2012, « cette expérience gagnantgagnant permet à des entreprises de nos deux
pays d’être plus compétitives et d’aller ensemble
sur des marchés plus larges que leurs propres
marchés d’origine. Cela marche très bien », se
félicite Ouided Bouchamaoui. De fait, l’objectif initial d’aboutir à moyen terme à 50 partenariats sera dépassé. Un bel exemple de
coproduction que la présidente de l’Utica
voudrait bien élargir : « Notre ambition est
d’aller au-delà du numérique, de faire cela dans
le textile, dans l’agroalimentaire, dans la mécanique, dans l’aéronautique, dans l’éducation, dans
la santé et dans bien d’autres secteurs encore »,
s’enthousiasme-t-elle. ■ ALFRED MIGNOT
I 7
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
ENTRETIEN
Ouided Bouchamaoui, présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA)
« De notre sécurité et stabilisation
dépendent celles de l’Europe »
Créatrice à 24 ans de sa propre entreprise, « patronne des patrons » tunisiens depuis mai 2011, Ouided
Bouchamaoui est la première femme à accéder à cette fonction, démontrant qu’au sud de la Méditerranée aussi,
le fameux « plafond de verre » s’effrite. Elle nous livre ici sa vision des réformes nécessaires pour relancer son pays.
LA TRIBUNE – Maintenant que la
transition démocratique semble arrivée
à terme, quelles sont les réformes
économiques prioritaires que vous
souhaiteriez voir mettre en œuvre ?
OUIDED BOUCHAMAOUI – Il est largement temps que le prochain gouvernement
mette les réformes économiques au cœur de
son projet et l’entreprise au centre de ses
préoccupations. Les véritables raisons qui
étaient derrière la révolution en Tunisie
étaient essentiellement économiques et
sociales. Au premier plan de ces exigences
non satisfaites, il y avait et il y a toujours
l’emploi mais aussi de meilleures conditions
sociales. Près de quatre ans après le 14 janvier
2011, non seulement les réformes économiques n’ont toujours pas été engagées, mais
la situation s’est encore plus dégradée. Nous
en avons conscience à l’Utica et avons organisé dès le 10 mai 2013 les états généraux de
l’économie pour alerter les pouvoirs publics,
la classe politique, les opérateurs économiques mais aussi nos partenaires sociaux
sur la dégradation de la situation et la nécessaire relance économique.
Aujourd’hui, il est urgent de mettre en œuvre
la réforme du secteur financier, l’adoption
d’un nouveau code des investissements,
l’adoption de la loi sur le partenariat publicprivé, la simplification des procédures administratives, la lutte contre l’économie informelle et contre la contrebande, la réforme
des caisses de sécurité sociale, de retraites et
de prévoyance, la réforme de la caisse générale de compensation afin de redonner à
l’État de la marge pour investir dans les
infrastructures et dans les régions intérieures. Il faut aussi améliorer le climat des
affaires, seul garant de la relance économique, de l’investissement et de la création
de richesses et d’emplois.
On sait que les banques tunisiennes
financent peu les PME, on parle de 20 %
des besoins satisfaits. Comment faire
pour changer la donne, selon vous ?
Résorber le chômage est le vrai défi de la
transition économique et de la transition
politique. Les jeunes qui ont porté la révolution ont d’abord exprimé leur exigence pour
de meilleures conditions sociales mais également et surtout pour trouver des emplois
chez eux en Tunisie. L’État ne peut plus et
ne devrait plus être l’employeur n° 1 du pays.
Le développement de la Tunisie passe par la
création d’entreprises par des jeunes, qui ont
besoin de financements, mais aussi d’un
accompagnement dans la phase d’amorçage.
Or, aujourd’hui, les entités chargées de garantir les prêts aux PME ne sont pas structurées
et n’ont toujours pas changé de logiciels. Il
faut dans le cadre d’un partenariat intelligent – État-banques et bailleurs de fonds
internationaux (BEI, BAD, BM…) – mettre en
place un ou des fonds destinés à la création
d’entreprises.
L’idée serait de sonder l’opportunité de développer des « Fonds Cluster », réunissant des
capitaux publics et privés et rassemblant les
compétences stratégiques et l’ingénierie
nécessaires pour aider à la création et à l’installation de PME. Devenant des outils de la
politique industrielle, ces fonds devraient
associer des représentants du gouvernement,
des banques nationales et des bailleurs de
fonds européens pour faciliter l’accès au
financement des investissements et développer les capacités des PME. Les PME visées
par ce dispositif seraient celles qui sont en
expansion, quel que soit leur secteur d’activité. Plusieurs types de garanties pourraient
y être prévus : partielles de portefeuille pour
les institutions financières qui augmentent
leurs crédits d’investissement pour les PME ;
En Tunisie comme dans plusieurs pays
d’Europe, dont la France, on observe
le même débat sur la nécessité
de libérer l’économie des lourdeurs
administratives…
« LA TUNISIE A
BESOIN DE 1 MILLIARD
D’EUROS DE PLUS PAR
AN SUR DIX ANS »
Quels secteurs allez-vous privilégier
pour relancer l’économie du pays ?
institutionnelles sous la forme de lignes de
crédit en faveur d’institutions de microfinance ; achat d’obligations par des investisseurs institutionnels ; ou une combinaison
de garanties institutionnelles pour aider les
banques à mobiliser du capital à long terme
destiné aux PME.
Quelle est la position de l’Utica sur
la question de la maîtrise de l’inflation,
qui tourne autour de 6 % ?
L’inflation est un grand défi pour notre économie. L’augmentation des prix appelle une
demande d’augmentation des salaires qui
elle-même génère une augmentation des
charges des entreprises et nous voilà installés
dans une spirale infernale qui a pour conséquence inéluctable la dévaluation rampante
du dinar, le renchérissement de nos importations et de nos emprunts extérieurs, la perte
de compétitivité de nos entreprises et, en
conséquence de tout cela, l’appauvrissement
de la collectivité.
Pensez-vous que la Tunisie puisse
atteindre des taux de croissance
de 5 à 7 %, comme
certaines personnalités l’affirment ?
Il faudrait faire la part de ce qui est souhaitable de ce qui est possible. Tout le monde
sait que nous avons besoin d’une croissance
de 7 ou 8 % l’an pour répondre à la demande
additionnelle d’emplois et commencer à
réduire le nombre de chômeurs, aujourd’hui
estimés à plus de 600 000.
Mais cela ne sera pas possible sans l’engagement de toutes les réformes dont j’ai esquissé
certaines au début de notre entretien. Toutes
les études montrent que sans ces réformes la
Tunisie ne fera jamais mieux que ce qu’elle
faisait déjà avant la révolution, c’est-à-dire, à
terme, 4 à 5 % de croissance par an. Certes,
cela ne serait pas négligeable, mais cela ne
suffira pas pour redonner de l’espoir à nos
jeunes et des perspectives à nos entreprises.
Notre problème en Tunisie est à la fois plus
complexe et plus simple qu’ailleurs. Nous
avons besoin d’alléger notre administration
en nombre tout en la renforçant en qualité.
L’administration a été alourdie ces dernières
années par des recrutements sans rapport
avec ses besoins objectifs. Cela rejaillit sur
les équilibres macroéconomiques de l’État,
plonge les finances publiques dans une crise
structurelle et durable.
La Tunisie a des avantages compétitifs indéniables, notamment en matière d’expérience
industrielle, d’infrastructures et de qualité de
ses ressources humaines. Notre ambition est
de favoriser les secteurs économiques en
rapport avec ces avantages et cette expérience. Nous pensons notamment au secteur
du textile qui doit s’élever en gamme, passer
de la sous-traitance à la cotraitance, aller vers
l’innovation et le design, au secteur des
industries électriques et mécaniques où
notre expérience dans les sous-secteurs des
équipements automobiles et dans l’aéronautique nous met en pole position pour attirer
un grand constructeur automobile mondial.
Le secteur de l’agroalimentaire présente des
potentialités encore largement sous-exploitées. Mais, à côté de ces secteurs traditionnels, nous estimons avoir en Tunisie un positionnement très favorable pour promouvoir
les technologies de l’information et de la
communication, avec l’industrie du logiciel,
le nearshoring… D’autres secteurs émergents,
mais extrêmement prometteurs, retiennent
toute notre attention. Nous pensons notamment aux secteurs de l’éducation et de l’enseignement supérieur privé, de la santé, des
infrastructures en partenariat public privé.
Notre ambition est que la Tunisie se positionne de plus en plus sur des créneaux à
haute valeur ajoutée.
Comment la Tunisie
pourrait-elle améliorer le climat
des affaires ?
Le climat des affaires s’est dégradé depuis
ces dernières années. La confiance des investisseurs a été ébranlée du fait de la montée
de l’insécurité, de la non-stabilité politique
et sociale du pays. Mais il ne faut pas tout
mettre sur le dos de la révolution. La question du climat des affaires soulève des questions d’ordre juridique et politique complexes. La Tunisie pourrait utilement opter
pour la mise en place d’un régime de protection de l’investissement spécifique sur la
seule catégorie des investissements stratégiques : investissements structurants de long
terme, secteurs à haute valeur ajoutée tels
que le numérique, l’agriculture, les services
financiers et l’industrie en général.
Si nous voulons devenir un pays attractif
pour des entreprises et des investisseurs qui
souhaitent s’implanter avec des logiques de
partenariats stratégiques, ceci implique dans
un premier temps un effort de priorisation
pour sélectionner les secteurs et/ou les projets porteurs. À ce niveau, la cotation des
projets eux-mêmes en termes de risques et
en tenant compte de leur caractère innovant
et structurant ou bien de leurs impacts environnementaux ou effets d’entrainement sur
l’économie générale sont autant d’éléments
à prendre en compte.
Selon Ouided
Bouchamaoui,
« la Tunisie est
un petit pays.
Ses besoins
sont à sa taille.
Ils sont
à la portée
de nos
partenaires
internationaux,
Européens
d’abord… »
Quel niveau d’investissements
faudrait-il mobiliser pour relancer
l’économie tunisienne ?
© DR
La Tunisie est à la fois le premier pays de la
région à avoir affirmé haut et fort son refus
de la dictature et son adhésion aux valeurs
universelles et en même temps le dernier
pays du printemps arabe à avancer sereinement sur la voie de la transition démocratique. Il est de la responsabilité de tous que
cette expérience encore fragile réussisse. De
notre sécurité dépend celle de l’Europe. De
notre stabilisation dépend celle de l’Europe,
et cela passera nécessairement par le développement, la croissance, la mise en place des
infrastructures et la création des emplois
dignes que nos jeunes réclament avec force.
La Tunisie est un petit pays. Ses besoins sont
à sa taille. Ils sont à la portée de nos partenaires internationaux, Européens d’abord. Il
ne s’agira d’ailleurs pas de dons. Le retour sur
investissement sera rapide et important. Audelà de ses besoins habituels, la Tunisie doit
disposer de 10 milliards d’euros supplémentaires sur dix ans pour transformer son infrastructure, développer son éducation, jeter des
ponts avec la modernité et cela n’est rien en
regard des bénéfices qu’en tirerait le monde
et l’Europe en premier. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR ALFRED MIGNOT
8 I
L’ÉVÉNEMENT
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
LE MAGHREB ET NOUS
L'Algérie ébauche ses réformes
et se rapproche de la France
Confrontée une fois de plus aux fluctuations incontrôlables du cours du pétrole, l’Algérie prend conscience
que son économie rentière ne peut perdurer encore très longtemps. Au-delà des aléas politiques
du moment, elle s’engage dans un processus de réformes et de renouveau dans sa relation avec la France.
@AlfredMignot
C
ertes, lorsqu’à la minovembre le président
Abdelaziz Bouteflika a
disparu pour se rendre
incognito dans une clinique grenobloise, les
spéculations sur sa succession se sont emballées. Apparemment, ce
déplacement ne relevait d'aucune urgence, le
président algérien se rendant à la clinique
Alembert en consultation « de routine » auprès
du professeur qui l’avait pris en charge au Valde-Grâce il y a sept mois, lorsqu’il y fut hospitalisé pour un AVC – professeur qui exerce
depuis à Grenoble. Le déplacement n'a duré
que deux jours, mais le mutisme absolu des
autorités algériennes a suffi à emballer la
machine médiatique et à attiser la colère des
opposants, certains partis d’opposition exigeant l’application de l’article 88 de la Constitution, qui autorise la destitution pour raisons
de santé. Cette perspective de l’éventuelle
ouverture à court terme de la succession
occupe bien sûr les esprits. Cependant, les
personnalités et les journalistes avec lesquels
nous avons pu échanger lors du déplacement
d’une délégation de La Tribune à Oran – à
l’occasion de l’inauguration de l’usine
Renault, le 10 novembre – considèrent que
« les institutions de l’Algérie sont solides, nous
pourrons surmonter cette épreuve ».
Non, ce qui (pré)occupe l’Algérie depuis plusieurs mois, c’est la question de la modernisation de son économie encore presque totalement administrée par l’État. Et d’autant
plus que depuis l’été le prix du brut a chuté
de 25 % pour se maintenir au-dessous de
80 dollars le baril (76,18 le 21 novembre),
alors que l’Algérie a besoin d’un baril à
120-125 dollars pour boucler son budget
2014-2015, selon le professeur Abderrahmane
Mebtoul (voir l’encadré ci-contre).
LA QUÊTE D’UN NOUVEAU
MODÈLE ÉCONOMIQUE
Ainsi, la fameuse règle 51-49, en vigueur
depuis juillet 2009 et qui stipule qu’un investisseur étranger ne peut détenir plus de 49 %
des actions d’une entreprise algérienne,
serait-elle en passe d’être considérablement
aménagée, sinon abandonnée – sauf pour les
secteurs considérés stratégiques –, à l’occasion de l’adoption d’un nouveau code des
investissements, en cours d’élaboration. Fortement critiquée par des économistes indépendants, ainsi que par le président sortant
du Forum des chefs d’entreprises (privées),
Réda Hamiani – il devait être remplacé le
27 novembre par le géant du BTP Ali Haddad,
unique candidat à la succession –, cette règle
s’est avérée nocive pour les investissements
directs étrangers, qu’elle a fait chuter, ce que
personne ne conteste plus sérieusement.
D’ailleurs, dès juin dernier, le Premier
ministre Abdelmalek Sellal, évoquant les
négociations d’adhésion à l’OMC – qui
devraient aboutir en 2015 –, reconnaissait que
cette dernière demandait à l’Algérie de « revenir sur la règle 51-49 (…) C’est possible… »,
avait-il commenté.
Une deuxième question d’importance en
discussion est celle du rétablissement du
crédit à la consommation, dont les ménages
algériens sont privés depuis des années, et
qui pourrait s’opérer en 2015. Une nouveauté
d’envergure, même si ce crédit sera limité
aux biens produits en Algérie – une prudence
presque compréhensible, car actuellement
les entreprises et les ménages algériens
importent déjà 75 % de leurs besoins.
Mais, jusqu’au début novembre, le débat relatif à la capacité des entreprises algériennes à
investir à l’étranger était peut-être le plus vif.
Ces investissements étaient alors impossibles, la loi algérienne interdisant de sortir
des devises du pays. Seuls les exportateurs et
la Sonatrach – l’entreprise nationale d’hydrocarbures – étaient autorisés à le faire, la loi
prévoyant que tout exportateur algérien a le
droit d’utiliser librement 20 % de ses bénéfices, y compris pour investir à l’étranger.
C’est ainsi qu’Issad Rebrab, l’emblématique
patron algérien du groupe Cévital (3 Mds €
de CA, 13 000 employés), a pu racheter et
sauver Fagor Brandt, en perdition, en avril
dernier. Mais, jusqu’ici, les entreprises non
exportatrices n’avaient aucune possibilité
d’investir hors d’Algérie.
LE 12 NOVEMBRE,
DÉBUT DU CHANGEMENT
Après bien des tergiversations et déclarations
contradictoires, un grand changement est
intervenu le 12 novembre : via une modification du règlement de la Banque d’Algérie,
© DR
PAR ALFRED
MIGNOT
Emmanuel Macron,
ministre
de l’Économie,
et Laurent Fabius,
ministre des Affaires
étrangères se sont
rendus à Oran
pour assister
à l’inauguration
de l’usine Renalut,
le 10 novembre. Ici,
lors de la conférence
de presse,
avec Abdeslam
Bouchouareb,
ministre algérien
de l’Industrie.
© LOUAFI LARBI / REUTERS
publié au Journal officiel, le gouvernement
permet désormais à des opérateurs privés
d’investir à l’étranger pour acquérir des entreprises ou ouvrir des bureaux de représentation. Cependant, cette liberté nouvelle est
assortie de plusieurs restrictions : les transferts de capitaux doivent servir au « financement d’activités à l’étranger complémentaires à
leurs activités de production de biens et de services
en Algérie » ; l’investissement dans la société
étrangère doit être supérieur à 10 % du capital
de celle-ci ; une autorisation préalable de la
Banque d’Algérie est nécessaire et… garde-fou
positif, cette fois, l’investissement dans les
paradis fiscaux est interdit.
Pour le professeur Abderrhamane Mebtoul,
économiste et conseiller indépendant du gouvernement (voir aussi l’encadré ci-dessous),
« c’est une bonne décision, mais ce n’est qu’une
étape, ce n’est pas suffisant à l’heure de la mondialisation. Certes, le nouveau dispositif garantit
la transparence des mouvements de fonds, les
opérateurs disposeront de l’appui de la Banque
d’Algérie, mais cela ne concerne que peu d’entreprises. Excepté Sonatrach, 98 % des entreprises
publiques ne sont pas concernées, car elles n’ont
pas les moyens d’investir. Et 97 % de nos entreprises privées sont des PME-TPE. Peu initiées au
management stratégique, elles ont souvent un
résultat brut d’exploitation négatif et sont endettées vis-à-vis des banques. L’assouplissement de
cette procédure est nécessaire. D’autre part, je
pense qu’il serait pertinent de créer un fonds
souverain, comme je l’ai proposé aux pouvoirs
publics. Il serait alimenté par 15 à 20 % des
réserves de change qui, avec les réserves d’or,
ENTRETIEN
PROFESSEUR ABDERRAHMANE MEBTOUL,
économiste, conseiller indépendant du gouvernement :
« L’usine Renault d’Oran, un symbole… à parfaire »
Professeur, vous vous félicitez
de l’ouverture de l’usine Renault
d’Oran, mais vous exprimez aussi
des réserves sur sa compétitivité…
ABDERRAHMANE MEBTOUL — Oui,
c’est un beau symbole des
retrouvailles entre la France et
l’Algérie, mais je crains que le projet
ne soit sous-dimensionné. D’abord,
il ne s’agit pour l’instant que d’une
unité de montage, cela exclut donc
toute valeur ajoutée. D’autre part,
l’objectif à terme d’une production
annuelle de 75 000 véhicules
est insuffisant pour assurer
la compétitivité de l’usine, surtout
lorsque les subventions d’État auront
cessé, dans quatre ans. Enfin,
si l’on veut atteindre à terme un taux
d’intégration souhaitable de 50 %
à 60 %, l’Algérie devra prévoir
une formation adéquate dans
les techniques de pointe, car on
ne construit plus une voiture comme
dans les années 1970. Et côté
français, le groupe Renault devra
accepter d’opérer un réel transfert
technologique et managérial, afin
de permettre la montée en gamme
de l’usine d’Oran, si l’on veut aller
vraiment vers de la « coproduction ».
À ce stade, l’usine est donc
un symbole, mais qui reste à parfaire.
Comment expliquez-vous l’importance
du débat actuel en Algérie sur
les questions économiques ?
Notre pays vit presque exclusivement
de la rente des hydrocarbures,
pétrole et gaz, qui représentent 98 %
de nos exportations et couvrent
quelque 80 % de notre budget 2014,
prévu sur la base de 71 Mds €.
Or, nous allons vers l’épuisement
des réserves de pétrole, vers 2025,
et de gaz, vers 2030. Après de
longues années de déni, facilité
par la hausse des cours du baril
qui a atteint jusqu’à 140 dollars,
les autorités semblent décidées
à affronter ce défi de libérer notre
économie de la prison de la rente.
C’est d’autant plus urgent que le prix
du baril tourne autour de 80 dollars,
il a perdu 60 dollars depuis l’été.
Et s’il devait descendre jusqu’à
70 dollars, nous serions confrontés à
de graves difficultés budgétaires. C’est
pourquoi les réformes visant à libérer
notre économie sont si urgentes. ■
I 9
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
AVEC LA FRANCE, LE TEMPS
DES RETROUVAILLES
Outre l’intense débat sur les réformes, un
autre marqueur significatif de l’état d’esprit
des décideurs algériens est sans conteste le
sentiment, très largement partagé, de l’intérêt d’un rapprochement avec la France.
L’inauguration de l’usine Renault d’Oran, le
10 novembre, concrétise une avancée significative en ce sens. Cette usine – 350 emplois
directs pour une production de 25 000 véhicules par an, puis 75 000, essentiellement
destinés au marché africain –, les Algériens
la voulaient depuis longtemps. Que le projet
ait enfin abouti ne doit rien au hasard, c’est
bien plutôt la conséquence d’un patient travail de dentellière accompli depuis des
années. Tout d’abord par Jean-Pierre Raffarin, le « Monsieur Algérie » unanimement
apprécié côté algérien – nommé en 2011, il
vient de passer la main à Jean-Louis Bianco.
Ensuite par François Hollande lui-même,
dont le voyage officiel en Algérie, en
décembre 2012, a convaincu les Algériens de
la sincère volonté française de rapprochement. Enfin par Jean-Louis Levet, le haut
fonctionnaire en charge de l’Algérie à la
Dimed (Délégation interministérielle à la
Méditerranée), lui aussi très apprécié, au
point d’avoir décroché le titre de personnalité franco-algérienne de l’année, décerné par
l’association France-Algérie (créée dès 1962,
à la demande de Charles de Gaulle, elle est
présidée par Jean-Pierre Chevènement).
Le déplacement à Oran de deux poids lourds
du gouvernement français, Laurent Fabius et
Emmanuel Macron, s’inscrit dans le continuum de cette action volontariste de rapprochement, à laquelle les Algériens se montrent
désormais de plus en plus sensibles. Ainsi, à
Oran, lors de la conférence de presse suivant
la réunion du Comefa (Comité mixte économique franco-algérien, qui se réunira à nouveau le 4 décembre, à Paris), les ministres ont
affirmé un engagement fort : « Nous voulons
porter notre partenariat avec l’Algérie à un
niveau d’exception », déclara Laurent Fabius.
« Le rôle de la France est d’être au cœur de cette
modernisation de l’Algérie », releva Emmanuel
Macron, qui fit aussi remarquer que son
voyage à Oran était son premier déplacement
hors d’Europe.
Et côté algérien ? Abdesselam Bouchouareb,
ministre de l’Industrie et des Mines, et l’une
des figures de proue des réformistes, réitéra
sa satisfaction, déjà affichée à Paris dès le
18 octobre lors d’un colloque à l’Assemblée
nationale : « Nous avons posé les bases d’une
nouvelle vision [de partenariat] (…) Nos deux
pays sont en mesure de constituer un binôme
structurant pour remporter les défis du
xxie siècle. » France-Algérie, un nouveau
couple en gestation, côté sud ? ■
ENTRETIEN
Guillaume Josselin, directeur général de Renault Algérie
« L’usine d’Oran est l’amorce
d’une filière automobile algérienne »
L’usine Renault d’Oran relève d’une stratégie globale
d’implantation industrielle et de coproduction dans
un pays qui devrait devenir le premier marché d’Afrique.
LA TRIBUNE — Que représente l’usine
d’Oran-Oued Telilat pour Renault ?
GUILLAUME JOSSELIN – C’est d’abord une
grande fierté d’être les premiers à avoir implanté
une usine de fabrication automobile en Algérie,
d’être un peu les pionniers dans ce domaine. Ce
qui cadre avec notre ambition générale d’amorcer
les premiers pas d’une filière automobile en
Algérie. Une grande fierté aussi d’avoir tenu nos
engagements en réalisant ce projet dans les délais,
C’est-à-dire moins de deux ans entre la première
signature des accords en présence de nos deux
présidents, l’inauguration de l’usine et la
fabrication du premier véhicule. En Algérie,
Renault n’a pas pour seule ambition d’être un
concessionnaire comme les autres, mais bien
d’être une entreprise citoyenne qui ne se contente
pas d’importer et de distribuer des véhicules.
Nous avons l’ambition de créer de la valeur
ajoutée. Elle est déjà réalisée à travers les emplois
qu’on crée. Renault Algérie, et là je mets de côté
l’usine, c’est 700 collaborateurs au siège et 3 000
collaborateurs dans l’ensemble des réseaux de
distribution sur tout le territoire national. On crée
de la richesse aussi à travers la formation et le
transfert de technologie. Au-delà de ces aspects,
nous sommes aussi une entreprise. On est là pour
gagner de l’argent, pour se développer et grandir.
Il n’y a aucune raison de le cacher.
L’usine d’Oran est, pour certains, plus un
geste politique qu’un investissement
stratégique…
On est pionniers, il est normal qu’on subisse des
critiques. Renault ne peut pas être aimé par tout
le monde. Mais, probablement aussi, ce projet
peut gêner certains intérêts. Renault est une
entreprise qui fait du business et des affaires. En
fait, je ne vois pas bien la dimension politique
dans ce projet. Renault ne fait pas de politique.
Sur le plan financier, qu’apporte ce projet
à Renault ?
Quand on lance un projet industriel, on vise le
long terme. Il n’y a pas de gain sur le court terme.
Lorsqu’on installe une usine, on se projette sur
plusieurs décennies. Notre objectif en Algérie est
de réaliser un projet en plusieurs phases. Les gains
viendront grâce notamment au taux d’intégration
qu’on réalisera au niveau local. Plus le taux
d’intégration augmentera, plus on diminuera
notre logistique qui est aujourd’hui élevée. Là
encore, on est dans la relation gagnant-gagnant.
C’est l’intérêt de Renault d’augmenter le taux
d’intégration local, ce qui nous permettra de faire
des économies et de baisser les coûts de
production. C’est aussi l’intérêt de la filière
automobile en Algérie de voir se développer un
tissu de sous-traitance ou de fournisseurs autour
de notre projet industriel, sur lequel nous avons
investi 50 millions d’euros.
Peut-on parler d’une voiture algérienne
lorsque l’essentiel du travail est effectué à
l’étranger ?
Elle est fabriquée en Algérie. Elle est fabriquée
par des Algériens. 350 emplois directs et près de
500 emplois indirects ont été créés. On est dans
une phase de démarrage. Il y aura d’autres phases
avec un taux d’intégration plus important. Il faut
bien commencer par quelque chose. Je réponds
à ceux qui nous critiquent : qu’ils fassent la même
chose que nous ! J’insiste : l’usine d’Oran est
l’amorce de la création d’une filière automobile
en Algérie.
Le prix de la Symbol est jugé trop élevé…
Notre volonté est de commercialiser une version
haut de gamme du segment des petites berlines
familiales. On a choisi de fabriquer pour l’instant
cette version qu’on a appelée « Extrême », tout
équipée et disposant des dernières technologies.
C’est une voiture qui a l’ABS, le double airbag, le
radar de recul, un GPS intégré, etc. En termes de
rapport qualité-prix, elle est extrêmement bien
positionnée. L’année prochaine, nous
commercialiserons d’autres versions, moins
équipées et plus accessibles financièrement. Mais
sachez que c’est une intention délibérée de notre
part que de positionner le véhicule dans le haut
du segment. C’est un choix qu’on assume
parfaitement. Il fallait lancer la meilleure pour
montrer aussi que cette usine, qui répond à tous
les standards et normes internationales en
termes de qualité, peut fabriquer un véhicule au
top de son segment.
© DR
s’élèvent actuellement à quelque 200 milliards
de dollars, l’Algérie connaissant un endettement
extérieur très faible, du fait du remboursement
anticipé de sa dette. »
Peut-on parler de transfert de technologies et
de compétences managériales quand l’usine
sert seulement à assembler les pièces ?
Chez Renault, le transfert de compétences se fait
tous les jours et tout le temps, à travers
notamment le développement de notre réseau, la
création d’emplois et la formation de notre
personnel. Récemment, un accord a été signé
entre la Fondation Renault et trois pôles
universitaires en Algérie – université d’Oran, HEC
et l’École polytechnique d’Alger –, qui va
permettre à Renault de proposer des bourses
d’étude aux étudiants. Cela va contribuer au
développement des compétences. Sans oublier le
centre de formation de l’Académie Renault.
Comment évaluez-vous l’évolution du marché
algérien de l’automobile ?
Le marché automobile en Algérie a du potentiel.
C’est un marché qui a connu une très forte
croissance. En dix ans, les ventes ont été
multipliées par dix. Vous avez deux indicateurs
qui mesurent le potentiel du marché automobile
dans un pays. Le premier, c’est le taux
d’équipement automobile pour 1 000 habitants.
En Algérie, ce taux est de 100 véhicules pour
1 000 habitants. En Europe, en moyenne, il est de
600 véhicules pour 1 000 habitants. Ça laisse de
la marge. Le deuxième indicateur, c’est l’âge
moyen du parc roulant. Il est de seize ans en
Algérie. En France, c’est huit ans. Ces deux
indicateurs nous laissent penser que sur le moyen
terme il y a un véritable potentiel de croissance
du marché automobile algérien, le deuxième
d’Afrique, après l’Afrique du Sud. Il dispose de
potentialités pour devenir le premier. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR ACHIRA MAMMERI, Tout sur l’Algérie
(tsa-algerie.com, Alger), en partenariat avec La Tribune
AVIS FINANCIER
INFORMATION à l’attention des actionnaires de la SICAV LIBERTES & SOLIDARITE (ISIN : FR0000004962)
La Banque Postale Asset Management, gestionnaire
financier, administratif et comptable par délégation de
la SICAV LIBERTES & SOLIDARITE, vous informe des
modifications suivantes qui seront apportées à la SICAV à
compter du 05 décembre 2014 :
1/ Modification apportée à l’objectif de gestion liée à
l’augmentation de l’exposition actions
La limite maximale d’exposition aux marchés actions passe
de 30 à 40%.
L’objectif de gestion de la SICAV précise dorénavant une
exposition aux marchés actions pouvant aller de 0 à 40%
de l’actif net.L’indicateur composite de référence auquel la
performance de la SICAV peut être comparée a posteriori
est dorénavant 70% EuroMTS 3-5 ans + 30% MSCI World
(il était précédemment composé pour 80% EuroMTS 3-5
ans et 20% MSCI World).
L’impact de l’ensemble de ces modifications sur le profil
rendement risque de la SICAV est inférieur ou égal à 20%
de l’actif net.
Les autres caractéristiques de la SICAV demeurent
2/ Mise à jour de la rubrique « Titres de créance et instruments inchangées.
du marché monétaire »
Vous retrouverez la totalité de ces informations dans
La description de la sélection des titres de créance et instrument les documents d’information clé pour l’investisseur et le
du marché monétaire a été revue, en adéquation avec les
prospectus de LIBERTES & SOLIDARITE qui seront mis à
dispositions du Règlement UE n° 462/2013 visant à limiter le
jour en date du 05 décembre 2014 et disponibles à compter
recours exclusif aux notations des agences de notation dans
de cette date sur le site internet :
l’analyse du profil rendement/ risque de crédit pour décider de
www.labanquepostale-am.fr
l’acquisition d’un titre, de sa conservation ou de sa cession.
LA BANQUE POSTALE ASSET MANAGEMENT
société de gestion de portefeuille ayant obtenu l’agrément COB n° GP 95015 - 34 rue de la Fédération - 75737 Paris cedex 15
S.A. à directoire et conseil de surveillance au capital de 5 099 733euros - RCS : Paris B 344 812 615
10 I
L’ÉVÉNEMENT
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Maroc, le royaume émergent
à l’avant-garde de l’EurAfrique
OÙ VA LE MAGHREB ?
Depuis une dizaine d’années, le Maroc enchaîne sans discontinuer les réformes institutionnelles
et sociétales. Le pays s’équipe aussi en infrastructures qui le projettent de plain-pied dans la modernité,
tandis que sa vision économique et géopolitique de long terme lui confère un rôle essentiel
dans le devenir de l’émergence de l’Afrique et de sa coopération avec l’Europe.
PAR ALFRED
MIGNOT
@AlfredMignot
V
u d’Europe, le Maroc,
cinquième puissance
économique
d’Afrique, paraît
certes un pays relativement modeste,
avec un PIB de seulement 113 milliards de
dollars en 2013 (source FMI), tandis que
celui de son voisin algérien atteint plus du
double (228 Mds $) et pour une population
d’importance comparable (33 millions au
Maroc, 39 millions en Algérie).
Mais, on le sait bien, le Maroc ne dispose
pas de la colossale rente d’hydrocarbures de
l’Algérie – même en baisse, celle-ci représente encore 63 milliards de dollars de
recettes en 2013, soit 98 % des exportations
du pays –, et, si le PIB dit le présent, il
n’énonce pas l’avenir, en ce sens que l’accomplissement du potentiel d’un pays
relève aujourd’hui de bien d’autres paramètres : capacité à en réformer les structures, à améliorer la gouvernance publique
et le climat des affaires, à inspirer la
confiance aux investisseurs, à réaliser des
infrastructures, à faire progresser les droits
universels et à faire accepter des réformes
sociétales avec un consensus suffisamment
large pour préserver la paix sociale et la stabilité du pays…
LE CHANTIER DES RÉFORMES
ET DES INFRASTRUCTURES
Tout cela, le Maroc l’a accompli ou engagé
depuis une quinzaine d’années. Que l’on se
rappelle par exemple la réforme du statut
de la famille (Mudawana, 2004) qui a fortement atténué la possibilité de polygamie
sans toutefois l’interdire formellement – le
candidat polygame doit prouver devant un
tribunal qu’il a les moyens matériels de faire
vivre dignement sa deuxième femme, alors
qu’avant la polygamie allait de soi. Une
avancée renforcée par la Constitution de
2011, qui affirme l’« égalité civile et sociale
entre l’homme et la femme ». Adoptée par voie
de référendum – et même plébiscitée, avec
97,58 % de oui et un taux de participation de
75,50 % –, cette Constitution, lancée au
moment même où d’autres pays s’embrasaient sous l’effet du « printemps arabe »,
marque aussi une avancée certaine vers la
monarchie parlementaire, le roi ayant
accepté de se défaire de certaines prérogatives. Par exemple, la Constitution énonce
formellement que le chef du gouvernement
doit être issu du parti majoritaire à l’Assemblée, alors que le choix du roi n’était soumis
jusque-là à aucune obligation ; de même,
c’est au chef de gouvernement qu’est désormais dévolu le droit de dissoudre la
Chambre basse du Parlement. Qu’on se
rappelle enfin la mise en chantier, par cette
même Constitution de 2011, d’une organisation territoriale modernisée, l’article premier stipulant que « l’organisation territoriale
du royaume est décentralisée, fondée sur une
Le roi Mohammed
VI à l’aéroport
d’Abidjan
(Côte d’Ivoire),
le 23 février,
étape
d’une tournée
diplomatique
très constructive
qui aura duré
trois semaines,
en Afrique
subsaharienne
(Côte d’Ivoire,
Guinée Conakry,
Gabon et Mali).
© THIERRY GOUEGNON /
REUTERS
régionalisation avancée », réforme dont l’entrée en vigueur est programmée pour 2015.
« Le pays a franchi d’importantes étapes en ce
qui concerne son développement économique et
social », lit-on dans le rapport 2013 du
Femise, le Forum euroméditerranéen des
instituts de sciences économiques. En fait, la
capacité du pays à accélérer sa modernisation
est devenue l’un des indicateurs majeurs du
royaume, voire un élément constitutif de son
image de marque. Dix ans après le lancement, en 2004, du plan Émergence – il rassemble plusieurs plans sectoriels de long
terme – piloté par Mounir Majidi, le dirigeant, depuis 2002, de la holding royale Siger
et secrétaire particulier du roi, les résultats
sont patents.
En effet, côté infrastructures, plusieurs initiatives à caractère exemplaire témoignent
de la considérable avancée marocaine. C’est
le cas du port de Tanger Med, inauguré en
2007. Son succès dépasse les meilleurs pronostics de trafic (+ 30 % dès 2009, d’où la
création de Tanger Med II, livrable en 2015)
et la vaste zone industrielle adjacente
(935 hectares), réalisée en partenariat publicprivé (une première au Maroc), a déjà permis
de créer plus de 30 000 emplois, dans le sillage de l’installation de l’usine Renault – bel
exemple de coproduction réussie –, qui a déjà
généré à elle seule « 6 000 emplois directs et
quelque 30 000 emplois indirects », nous confiait
en juillet 2013 Fouad El Omari, député et
maire de Tanger.
C’est aussi le cas du TGV Casablanca-RabatTanger, en cours de réalisation : son inauguration est prévue pour 2016 – il sera alors le
premier TGV de tout le continent africain.
Troisième exemple d’importance, la réalisation du site phare du plan solaire marocain,
plus vaste parc photovoltaïque d’Afrique
(33 km2), en construction à Ouarazate, dans
la région de Souss-Massa-Draâ, au sud-est de
Marrakech. Livrable en 2015, la centrale est
conçue pour produire 500 MW, soit l’équivalent de la demande d’une ville de
250 000 habitants.
À tout cela, il faut encore ajouter la construction des autoroutes – 2 000 km aujourd’hui,
contre… 70 en 1999 – et les performances
remarquables du pays dans des activités de
haute technologie, comme c’est le cas de la
jeune industrie aéronautique. Née au début
des années 2000 d’un processus de coproduction avec Safran (lire l’encadré, page 5)
elle compte à ce jour une centaine d’entreprises générant 10 000 emplois et ses exportations ont progressé de plus de 12 % en 2013.
Cerise sur le gâteau : en 2013, les investissements directs étrangers (IDE) au Maroc se
sont élevés à quelque 3,5 milliards de dollars,
un record qui fait du royaume alaouite le leader des récipiendaires de la région MENA
(Afrique du Nord et Proche-Orient) durant
cette période. C’est que « le processus démocratique au Maroc renforce son attractivité économique », estime le député européen Gilles
Pargneaux, président du groupe d’amitié
Maroc-UE.
CRÉATION D’UN FONDS
NATIONAL D’INVESTISSEMENT
Aujourd’hui, le Maroc veut se donner les
moyens d’avancer encore. C’est le sens de
la toute récente réorientation stratégique
de la holding royale Siger, dont la structure
et les objectifs ont été totalement revus.
L’homme porteur de ces changements,
Mounir Majidi, en a donné la feuille de route
en octobre dernier : la SNI (Société nationale d’investissement) se positionne désormais comme un fonds d’investissement de
long terme, en soutien à de nouvelles activités de développement, et tourné vers un
essor national et régional.
Ainsi la SNI va-t-elle déployer pleinement
son soutien au développement économique international du Maroc, et d’abord
en Afrique. Côté finances, le groupe Attijariwafa Bank, filiale du groupe SNI,
incarne à lui seul le rêve africain du
royaume, puisqu’il apporte déjà son expertise et sa contribution dans 13 pays du
continent. Mais d’autres champions nationaux sont aussi « portés » par la holding
royale : Maroc Télécom, Alliances (1er
groupe immobilier et touristique intégré),
ONE et ONEP (offices nationaux de l’eau
et de l’électricité), Addoha (n° 1 de l’immobilier), l’OCP (l’Office chérifien des phosphates, dont il est l’un des premiers exportateurs mondiaux)… accompagnaient le roi
Mohammed VI lors de sa tournée diplomatique de trois semaines en Afrique subsaharienne (en Côte d’Ivoire, Guinée
Conakry, Gabon et Mali), en février-mars.
Une tournée au cours de laquelle le
Maroc a engrangé pas moins de quelque
80 conventions et accords dans les secteurs les plus divers : agriculture, santé,
habitat, formation professionnelle,
banque et finance, mines, TIC, transport,
tourisme…
Si autant d’accords ont pu être signés dans
des secteurs aussi divers, c’est bien parce
que depuis des années le Maroc a pu capitaliser expertises et savoir-faire (aéronautique, automobile, banques, tourisme, télé-
I 11
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
coms…) acquis notamment grâce à son
ouverture économique et à sa coopération
avec l’Europe – et la France en particulier,
son premier partenaire. Ces atouts
expliquent l’attractivité et le rayonnement
d’un pays dont le monarque porte une vision
africaine. La « crédibilité veut que les richesses
de notre continent bénéficient, en premier lieu,
aux peuples africains. Cela suppose que la coopération Sud-Sud soit au cœur de leurs partenariats économiques (…) accompagnés par une
action crédible et un engagement constant »,
déclarait-il dans son discours d’ouverture du
Forum économique d’Abidjan.
Dans cette perspective africaine, la marge
de progression du Maroc est immense, car
à ce jour le royaume ne réalise que 2,5 % de
son commerce extérieur avec l’Afrique,
alors même que 85 % des investissements
marocains à l’étranger se font déjà sur ce
continent où le royaume se place au deuxième rang, après l’Afrique du Sud.
DE L’AFRIQUE À L’EUROPE,
UN DOUBLE ARRIMAGE
Le rapport 2013 sur l’état de la politique
européenne de voisinage (PEV) avec le
Maroc confirme une fois de plus son côté
« premier de la classe ». Le document
relève en effet qu’en 2013 « la majorité des
recommandations du rapport de l’année précédente ont été suivies [par le Maroc] ». Il
cite par exemple le plan gouvernemental
pour l’égalité (PGE), ainsi que le projet
de loi sur l’Autorité pour la parité et la
lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD), approuvés en Conseil
de gouvernement.
Cette progression constante du Maroc
dans l’assimilation des valeurs et standards européens s’inscrit dans un mouvement désormais engagé depuis deux
décennies et dont un premier aboutissement tient au « statut avancé » de partenaire de l’Europe dont le Maroc bénéficie
depuis 2008. Ce mouvement de fort rapprochement avec l’Europe, pour ne pas
dire vers l’intégration, continue de se
déployer : depuis avril 2013, un accord de
libre-échange complet et approfondi
(ALECA) est en négociation avancée. S’il
aboutit comme prévu (la dernière réunion
s’est tenue en juillet 2014), il reviendra à
intégrer presque totalement le royaume
au marché unique européen.
À cela s’ajoutent encore un partenariat de
migration et de mobilité (depuis juin 2013)
et un accord de pêche, renouvelé en
décembre dernier. Autre élément porté au
crédit du Maroc : le royaume s’est toujours
JET ALU MAROC, UN SUDISTE QUI INVESTIT EN FRANCE
En 2013, le groupe Jet Alu Maroc a racheté plusieurs entreprises françaises afin
de compléter son appareil productif et développer de nouvelles compétences
qui lui permettront de partir à la conquête de nouveaux marchés.
J
et Alu Maroc est la principale filiale
de la holding industrielle et financière
AR Corporation, qui regroupe
des participations dans une quinzaine
d’entreprises marocaines de BTP et emploie
plus de 2 000 personnes. Jet Alu Maroc
a réalisé un chiffre d’affaires de 450 millions
de dirhams en 2013. Spécialisé dans
les métiers du second œuvre, en ossature,
structure et enveloppe du bâtiment,
l’entreprise propose à ses clients une offre
clés en main, où elle prend en charge
à la fois la conception des projets et l’achat,
la construction et l’installation des éléments
nécessaires à la réalisation d’un ouvrage.
Jet Alu Maroc a engagé en 2013 son
internationalisation par des opérations de
croissance externe en France et en Algérie.
En France, cette démarche s’est concrétisée
par la reprise de sociétés en liquidation
judiciaire dans des secteurs connexes
de ses métiers traditionnels (menuiserie
aluminium, serrurerie, métallerie, maintenance)
en Île-de-France et dans le Nord-Ouest.
Au travers de Jet Alu SAS (ex-Leblanc SA),
Silver Constructions, Micjet et Sotrajet, Jet
Alu Maroc emploie une centaine de
collaborateurs en France. Le développement
algérien a été opéré par coentreprise, Jet Alu
Algérie, créée avec le groupe algérien Cevital.
fortement impliqué dans la construction
du partenariat euroméditerranéen, autant
avec le processus de Barcelone (1995)
qu’avec la plus récente Union pour la
Méditerranée (2007), dont l’actuel secrétaire général est d’ailleurs l’un de ses brillants diplomates, ancien ambassadeur en
Belgique et en France, Fathallah Sujilmassi.
Rien de surprenant, donc, que Mohammed VI affirme que l’engagement fort du
Maroc pour l’Afrique ne saurait être exclusif d’une ouverture tout aussi conséquente
vis-à-vis des autres espaces de partenariat,
et particulièrement de l’Europe : « La promotion volontariste de la coopération intraafricaine et de l’intégration sous-régionale sur
notre continent n’exclut en aucun cas, et tant
s’en faut, l’approfondissement, en parallèle,
des rapports mutuellement bénéfiques de
l’Afrique avec ses multiples partenaires et en
particulier avec l’Union européenne et ses
L’intégration des filiales françaises s’inscrit
dans une démarche de coproduction. La
stratégie s’articule autour de trois volets, liés
à la fabrication, à la conception et à la R&D.
Jet Alu Maroc a entrepris de rapatrier au
Maroc certains sous-segments à plus faible
valeur ajoutée, afin de viabiliser les
entreprises rachetées. Ces transferts doivent
permettre de réduire les coûts de production
en France pour restaurer les marges. Ils
occasionneront aussi le recentrage de
la production française sur les activités à plus
haute valeur ajoutée, qui exigent la maîtrise
des technologies et des normes européennes.
Parallèlement, Jet Alu Maroc a transféré
au Maroc certaines des opérations les moins
complexes de son activité de bureau d’études,
comme celles des mesures réalisées lors de
la phase de devis et de conception des projets.
Pour mettre en œuvre cette reconfiguration,
l’entreprise a organisé des sessions de
formation pour ses employés marocains, qui
ont été dispensées par les ingénieurs français
du groupe. Par ces transferts de compétences
et cette fragmentation du segment « études »,
Jet Alu Maroc a pu réduire le coût global de
son activité de conception des projets. Des
ingénieurs ont été recrutés au Maroc, tandis
que le maintien des activités à plus forte
valeur ajoutée en France a permis d’y
conserver les emplois les plus qualifiés.
États membres. Bien au contraire, les deux
processus s’enrichissent l’un et l’autre et se complètent vigoureusement. » Avec cette vision
clairement affirmée, Mohammed VI illustre
ainsi, une fois de plus, la célèbre métaphore
de son père, le roi Hassan II, qui se plaisait
à répéter : « Le Maroc est un arbre qui plonge
ses racines en Afrique et dont les feuilles respirent en Europe. » Une évidence, vue du
Maroc, que le souverain alaouite a encore
réaffirmée dans son adresse au sommet UEAfrique, le 3 avril : « De par son histoire et sa
position géographique, le Maroc a, depuis toujours, joué un rôle de trait d’union entre l’Europe voisine et l’Afrique et plaidé, dès la première heure, pour un partenariat novateur,
équitable et mutuellement bénéfique entre une
Europe unie et une Afrique émergente. » Ces
propos étant déjà en grande partie en phase
avec la réalité. C’est en cela que le Maroc
est à l’avant-garde d’une EurAfrique que
Les implantations françaises de Jet Alu
lui permettent de se rapprocher
des donneurs d’ordre internationaux, dont
les sièges sociaux sont le plus souvent établis
en Europe. Les filiales françaises, qui
maîtrisent les standards internationaux
de production, pourront ainsi servir de base
pour la réponse aux appels d’offres
de ces groupes. Les efforts seront concentrés
sur les projets au Moyen-Orient et en Afrique,
pour lesquels Jet Alu Maroc pourra valoriser
les complémentarités de son modèle
de coproduction et de sa présence simultanée
au sud et au nord de la Méditerranée. ■
MAXIME WEIGERT
EXPERT COPRODUCTION POUR IPEMED
La piscine sports-loisirs-santé de Fougères (35),
un ouvrage construit avec la participation de Jet Alu.
© JET ALU
certains prospectivistes, notamment
proches de l’Ipemed, espèrent voir se
concrétiser en ce xxie siècle.
Ce faisant, le Maroc, de loin le plus ancien
État-nation d’Afrique (douze siècles),
renouerait avec les plus riches heures de
son histoire, illustrée en Europe par la
magnificence de sa civilisation d’El Andalous, qui concerna les deux tiers de l’actuelle Espagne, du viiie au xve siècle ; illustrée aussi en Afrique, par le rayonnement
des empires de ses dynasties successives,
dont certaines étendirent leur influence
sur l’ensemble du Maghreb jusqu’à l’actuelle Libye et, au sud, jusqu’au Sénégal
– et cela dès l’avènement (1672) de Moulay Ismaïl, deuxième souverain de l’actuelle dynastie alaouite. Un roi puissant,
administrateur et bâtisseur que l’on comparait volontiers à son contemporain…
Louis XIV. ■
ZODIAC AEROSPACE
RÉSULTATS DE L’EXERCICE 2013/2014 (AU 31 AOÛT 2014)
UN NOUVEL EXERCICE DE CROISSANCE ORGANIQUE
Plaisir,le25novembre2014-LeConseildeSurveillancedeZodiacAerospaceaapprouvélescomptesduGroupepourl’exercice2013/2014.
CROISSANCE ORGANIQUE DE L’ACTIVITÉ ET DU ROC EN 2013/2014
•
•
•
Chiffred’affairesenhaussede+7,3%à4174,5M€;+7,7%enorganique
RésultatOpérationnelCourantenhausseorganiquede+2,1%malgrélesdifficultésopérationnellesrencontréesdanslesactivités
AircraftInteriors
LeRésultatnetpartduGroupes’établità354,4M€
UNE STRUCTURE FINANCIÈRE SOLIDE
•
•
•
Troisacquisitionsréaliséesen2013/2014:TriaGnoSys,PPPetGreenpointTechnologies
Unendettementfinanciermaîtrisé:leratiodettenettesurfondspropresressortà0,43
RatioDette/EBITDAde1,42contre1,26
Lors de l’Assemblée Générale des Actionnaires, le Conseil de Surveillance proposera un dividende de 0,32 € par action.
Pour 2014/2015, Zodiac Aerospace profitera de la croissance du trafic aérien et de la montée en cadence des
programmes civils. Grâce aux plans industriels mis en place dans ses activités Sièges, ZodiacAerospace anticipe un retour
progressifàunniveauderentabilitéopérationnelleconformeauxstandardsduGroupeaucoursdel’exercice.
Retrouvez l’intégralité du communiqué sur : www.zodiacaerospace.com
Chiffre d’affaires
4 174,5 M€
2013/2014
résultat opérationnel
courant (avant IFRS3)
549,9 M€
2013/2014
résultat net part du groupe
354,4 M€
2013/2014
12 I
ENTREPRISES
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
lités – croient encore que la relance se fait
par le déficit budgétaire et la reprise par
une politique monétaire pour faire baisser
les taux d’intérêt. Or, le déficit et la dette
accumulés empêchent le retour de la croissance et la politique monétaire européenne
actuelle, ultra-accommodante, s’avère inefficace. Les taux d’intérêt quasi nuls ne se
traduisent pas par de la consommation ou
des investissements.
Retrouver la croissance, c’est décider le
retour à l’accumulation sous toutes ses
formes : des connaissances (réformes de
l’éducation, de la recherche, de l’enseignement supérieur), du capital (baisse
« La grandeur
d’une nation,
c’est d’anticiper les
grandes évolutions »
Denis Kessler
était l’invité
de la Matinale
La Tribune/FNTP,
mercredi
19 novembre.
© SCOR-N.OUNDJIAN
DENIS KESSLER, PDG de SCOR SE, ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DU MEDEF
« Pas de compétitivité
des entreprises françaises
sans compétitivité de l’État »
À la veille des manifestations des chefs d’entreprise pour la croissance et l’emploi, Denis
Kessler sonne la mobilisation générale. Très sévère sur ce quinquennat à sa mi-temps, il
estime que « c’est l’inaction et la procrastination qui fragilisent le pays et désespèrent les
citoyens ». Il appelle à redessiner un « pacte de confiance » entre l’État et les entreprises.
PROPOS
RECUEILLIS
PAR
PHILIPPE
MABILLE
ET SYLVAIN
ROLLAND
@phmabille
@SylvRolland
LA TRIBUNE – Quel diagnostic faitesvous de la situation de la France ?
DENIS KESSLER – La situation économique du pays est catastrophique à tous
les niveaux. Il n’y a pas un seul indicateur
économique dans le vert : emploi, croissance, comptes extérieurs, investissement,
productivité, logement, rien ne va plus.
Dans l’entreprise, le climat des affaires est
plus que morose et les prévisions d’investissement sont au point mort. L’économie
est bloquée, grippée, encalminée… Les
comptes publics sont désastreux, les dépenses publiques et sociales dépassent 57 %
du PIB, la dette publique dépasse 95 % du
PIB et le déficit atteint 4,4 % du PIB, bien
loin de l’objectif des 3 %. La compétitivité
est en berne, et ne parlons plus d’attractivité… Le pays est affaibli, suscite l’inquiétude parmi tous ses partenaires et, si rien
n’est fait, la probabilité de se retrouver
sous tutelle augmente…
Malheureusement, l’attitude de déni permanent de la gravité de la situation per-
dure. On ne veut pas entendre le diagnostic pour éviter de devoir suivre la thérapie
radicale que la gravité de la situation exigerait. Il faut en effet revenir sur des choix
historiques erronés, des organisations
dépassées, des structures périmées. Vaste
programme, aurait dit le Général…
Le déclin ne date certes pas d’aujourd’hui,
et les responsabilités sont partagées. On
n’a pas voulu tirer les conséquences d’évolution fondamentales tels l’européanisation, puis la globalisation, les changements
technologiques, le vieillissement de la
population… Alors qu’il fallait se préparer à ces défis, on a même régressé sur de
nombreux sujets : abaissement de l’âge de
la retraite, 35 heures, dépenses publiques et
sociales, déclin de l’enseignement… Ce diagnostic-catastrophe est malheureusement
partagé par beaucoup d’observateurs et de
décideurs étrangers.
Sans remise en marche de l’économie,
point de salut. Il faut donner toute la priorité au secteur productif, développer le
secteur des entreprises, reprendre l’accumulation des richesses. Les outils sont
pourtant connus depuis longtemps : réduire la dette et les déficits, supprimer les
blocages du marché du travail, développer
l’épargne longue et soutenir massivement
le secteur privé, encourager l’innovation et
promouvoir l’esprit d’entreprise, s’adapter
aux mutations de la société liées aux nouvelles technologies et au vieillissement de
la population.
Mais nous avons un État impuissant – alors
qu’il laisse croire aux citoyens qu’il est
omnipotent –, en difficulté dans l’accomplissement de ses tâches régaliennes, captateur des richesses créées, incapable de se
restructurer – alors qu’il donne des leçons
d’adaptation aux entreprises.
Comment expliquez-vous ces blocages ?
Une très large partie de la classe politique
est inspirée d’une idéologie keynésienne
et colbertiste. Trop de dirigeants – en
poste ou aspirant à prendre les responsabi-
des prélèvements, investissement productif, épargne longue)… Même l’État devrait
accumuler, sous forme d’infrastructures,
alors qu’il se consacre principalement à des
dépenses de transfert.
La grandeur d’une nation, c’est d’anticiper
les grandes évolutions. L’impact du vieillissement de la population sur les retraites
par répartition, les conséquences de l’immigration sans politique d’intégration, la
concurrence accrue avec la mondialisation,
tout cela était prévisible il y a trente ans.
Mais on a procrastiné, sport national très
pratiqué ! Et trop de citoyens pensent que
si la France ne décolle pas c’est uniquement à cause des pilotes – qu’on change
fréquemment – alors que le problème, c’est
l’avion France : il ne décolle pas parce qu’il
est en plomb. Il est grand temps de le redessiner et de l’alléger.
Quelle solution préconisez-vous
pour retrouver la croissance ?
Je le répète, il faut recréer les conditions
d’une société de croissance : choisir le retour
à l’accumulation sous toutes ses formes,
éradiquer les déficits publics et sociaux,
redonner la priorité à la société civile, qui a
rétréci comme peau de chagrin… et réunir
les conditions d’une société de confiance,
en repensant et redéfinissant le pacte social
français.
La France a besoin d’un projet positif, engageant, mobilisateur. Réduire la dette et les
déficits, ce n’est pas une fin en soi mais seulement un moyen pour pouvoir commencer
à reconstruire l’avenir, retrouver la maîtrise de son destin. Il faut une vision claire
de l’avenir, une volonté sans faille pour
atteindre les objectifs, des valeurs prouvées
et respectées. Sans vision de long terme,
pas de cohérence de la politique. Le pire du
pire, c’est la navigation à vue, les décisions
prises au jour le jour, dans l’urgence souvent. La vision indispensable pour créer de
la croissance ne peut être appliquée qu’en
s’appuyant sur des valeurs très fortes et sur
une volonté irréfragable pour passer outre
les blocages.
Les citoyens pourraient accepter des mesures douloureuses s’ils en comprenaient la
nécessité et la finalité et s’ils avaient le sentiment qu’elles s’inscrivent dans un projet de
long terme mobilisateur. C’est pourquoi je
pense qu’il est prioritaire de redéfinir d’une
part les droits et les devoirs de chacun et,
d’autre part, les domaines d’intervention
de l’État. Le domaine du politique, c’est la
justice, la sécurité, la diplomatie et tous les
autres problèmes régaliens, ce n’est pas les
entreprises. Or, l’État continue sans cesse
de vouloir contrôler, régenter, encadrer les
entreprises. Pour retrouver la croissance, il
I 13
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
faut élaborer un nouveau pacte fondamental de confiance entre l’État et les entreprises : il reste à construire.
En quoi consisterait ce pacte
de confiance ? Moins d’intervention
de l’État dans l’économie ?
L’État doit arrêter de légiférer à tout va
et laisser les entreprises travailler. Il faut
viser la « dépolitisation » de l’entreprise
en France. L’entreprise a été l’objet permanent des politiques, ce qui se traduit par
une législation aujourd’hui beaucoup trop
lourde et une fiscalité excessive. L’Europe
a déjà défini les grands principes de l’ordre
public social, c’est suffisant. L’État doit faire
confiance aux acteurs économiques, c’est-àdire les entreprises et les auteurs qui les animent pour ériger à leurs niveaux les règles
concrètes à respecter, à l’instar de ce qui se
passe chez nos partenaires européens.
Ériger les règles du marché du travail
avec les acteurs concernés, n’est-ce pas
l’objectif du dialogue social prôné par
le gouvernement ?
La sphère de la loi est boursouflée, celle du
contrat étriquée… Il y a quinze ans, lors de la
refondation sociale, nous disions qu’il fallait
que l’État redonne la liberté contractuelle
et conventionnelle aux partenaires sociaux
directement impliqués dans le secteur productif. Car, pour défaire une loi, un règlement, il faut une nouvelle loi et un nouveau
règlement, processus éminemment politique et politisé, souvent autobloquant… Il y
a une chose à laquelle je ne crois plus vraiment, c’est le dialogue au niveau national.
Les grandes messes sociales, les sommets,
cela ne marche pas. Trop de partenaires sociaux autour de la table, trop de postures, qui
freinent toute dynamique de construction,
toute recherche d’un consensus. Les sommets sont souvent venteux et arides, dans la
nature comme dans le social. C’est dans le
fond des vallées que la vie se développe. En
revanche, je crois profondément au dialogue
social dans l’entreprise. Cela fonctionne, en
permanence et non en intermittence, il y a
moins d’interlocuteurs, un dialogue plus
direct et une meilleure prise en compte de
l’intérêt général. Et on se retrouve tôt ou
tard autour de la même table. Et les deals
sont multidimensionnels. Je crois en la pyramide inversée : on devrait négocier dans
l’entreprise, puis dans les branches, mais très
rarement au niveau national.
Pourtant, le gouvernement multiplie
les déclarations bienveillantes
à l’égard des entreprises et affiche
une volonté de réforme et de
simplification, notamment avec la loi
Macron qui a pour ambition de
s’attaquer à de nombreux blocages…
Les deux années du gouvernement
Ayrault ont été une « cata », comme on
dit dans les cours de récré. Le choc fiscal
a déstabilisé toute l’économie et a miné la
confiance. Aujourd’hui, le gouvernement
annonce faire marche arrière, pourquoi
faudrait-il applaudir, alors qu’il est allé
si loin dans le mauvais sens au cours des
deux premières années du mandat et que
dans les faits peu de chose a changé ?
Beaucoup d’annonces, peu de changements réels à ce stade. Expliquez-moi
« On devrait négocier
dans l’entreprise,
puis dans
les branches,
mais très rarement
au niveau national »
pourquoi on fait des déclarations sur
la suppression des retraites dites « chapeau », qui sont en capitalisation, déjà
surtaxées et payées par les entreprises ?
On ferait mieux de s’occuper des retraites
du secteur public, qui coûtent fort cher au
contribuable ! Enfin, les grandes transformations historiques sont toujours l’objet
d’une équipe soudée, déterminée, et se développent sur le long terme, animées à tous
les niveaux des organisations publiques et
sociales : on en est loin !
Les rapports entre le gouvernement
et le patronat se tendent. La frange la
plus contestataire du Medef prévoit des
manifestations au mois de décembre.
Pourquoi cette radicalisation ?
Les difficultés des entreprises de terrain
sont très graves, comme en témoigne
le nombre record de faillites. Le taux de
marge est extrêmement bas, les carnets
de commandes dégarnis, les difficultés de
trésorerie croissantes, l’investissement
en berne, la concurrence de plus en plus
dure, et l’on s’interroge doctement sur le
fait que les troupes ont le moral dans les
chaussettes ? Seules les entreprises qui
ont réussi à se diversifier internationalement arrivent à s’en sortir, c’est le cas de
la plupart des sociétés du CAC 40 et du
SBF 120. Celles dont le principal site de
production est en France souffrent terriblement. Ce qui explique le ras-le-bol des
chefs d’entreprise face à la situation politique et économique du pays.
En 2000, vous aviez lancé au Medef
la refondation sociale, pour tenter
de réformer par le dialogue social
entre le patronat et les syndicats.
Cela n’a pas suffi pour avancer. À quoi
ressemblerait en 2014 le « pacte
Kessler » ?
Ceux qui n’arrivent à s’exprimer que par
slogans – ils sont nombreux en France –
m’ont reproché de vouloir « casser » le
modèle social français parce que j’ai dit
que les ordonnances de 1945 avaient mis
en place des institutions et organisations
qui n’étaient plus adaptées au monde actuel. Il faut reconstruire tout ce qui apparaît daté, dépassé, obsolète, en donnant
du sens à ces transformations.
Notre organisation sociale et économique doit s’adapter en permanence,
parce que le réel est changeant : évolutions démographiques, technologiques,
sociales, internationales. Comparez la
situation de 1945 au sortir de la Seconde
Guerre mondiale et la situation actuelle !
Il faut remettre la société en mouvement, pour qu’elle connaisse des transformations permanentes, plutôt que des
grandes réformes… toujours annoncées,
rarement mises en œuvre.
Le mot de réforme ne s’applique pas à
l’entreprise qui doit évoluer en permanence, sous la contrainte de la compétitivité. L’État français est désormais
en compétition, en concurrence avec
les autres États-nations : les systèmes
éducatifs, judiciaires, sociaux, fiscaux…
rentrent en résonance les uns avec les
autres. C’est l’ère de la compétitivité globale. Pas de compétitivité des entreprises
françaises sans compétitivité de l’État
français.
INNOVONS ENSEMBLE, AVEC
Vous insistez sur l’importance d’une
vision claire pour l’avenir. Qui, en
France, aurait les épaules pour porter
un tel projet ?
En politique, l’offre ne correspond pas
toujours à la demande, comme on dit
en économie… Il faut un homme ou une
femme d’État avec des valeurs, une vision
et une volonté. Il faut qu’il ait de l’autorité
et qu’il soit entouré d’une équipe soudée.
Il ne faut pas quelqu’un qui soit en avance
sur son temps, mais une personnalité qui
comprenne le nouvel ordre mondial, les
conséquences de la globalisation, l’impact
des nouvelles technologies, les effets de
la coexistence inédite dans l’histoire de
quatre générations, les exigences nouvelles de la société de la connaissance, etc.
La responsabilité des dirigeants, c’est
avant tout de redonner un cap, du sens
à l’avenir de notre pays, et pour cela il
faut d’abord et avant tout de l’autorité.
L’autorité, c’est la mise en mouvement de
l’homme par l’homme, sans avoir à recourir à la force ou à la violence physique ou
symbolique.
Aujourd’hui, la société française souffre
d’un excès de pouvoir et d’un déficit d’autorité. Et il va en falloir pour éviter que
notre pays connaisse « la maladie sénile
des crises économiques » que j’appelle les
« 3 P » : le protectionnisme, le populisme
et le (mauvais) patriotisme. Évitons à tout
prix ces dérives.
Est-il possible d’opérer
un tel changement ?
Je le crois. Ce qui me rassure, c’est d’avoir
vu des pays comme la Suède ou le Canada
mettre les bouchées doubles et réussir
à reprendre le chemin de la croissance
et de la compétitivité. Je reste optimiste
quand je regarde l’évolution du RoyaumeUni. Depuis 2010, lorsque David Cameron
est arrivé au pouvoir, le Royaume-Uni a
impulsé une ligne économique et politique cohérente qui produit ses effets :
croissance, compétitivité et baisse du
chômage. Tout n’est pas parfait, mais le
pays a été remis sur de bons rails, et il
est devenu attractif, notamment pour les
talents. Je n’aime pas les excuses répétées
à l’envi, selon lesquelles « les Français ne
sont pas prêts » ou que « la société est
fragile » : c’est l’inaction et la procrastination qui fragilisent les pays et désespèrent
les citoyens. ■
ET
Dans quelques jours, Lyra Network ouvrira une nouvelle
filiale. Après le Brésil, l’Inde, l’Allemagne et la Chine, c’est au
Chili que cet opérateur de monétique indépendant a choisi
de s’implanter. Avec les 77 personnes qui travaillent à Labège
(Midi-Pyrénées), où se trouve son siège, le groupe fondé en
2001 comptera alors 130 salariés. « A l’origine, Lyra Network
était spécialisé dans les réseaux de télécommunications pour
les banques. Nous avons diversifié notre offre au fil du temps,
et nous proposons aujourd’hui une plateforme en ligne de
paiement multimodal », explique Alain Lacour, le PDG de Lyra
Network. Début 2015, il prévoit de lancer une offre de
paiement mobile en Europe, et d’ajouter de nouveaux services
autour du protocole « Sepa Mail », avec une intégration dans
la plateforme Payzen, pour régler une facture depuis la
banque en ligne de l’utilisateur. Choisie par l’Association
Nationale des chèques Vacances (ANCV) pour implémenter
le paiement sur internet des chèques vacances
dématérialisés, Lyra Network déploiera cette nouvelle offre
dès février. Un groupe de transport s’intéresse lui aussi au
savoir-faire de Lyra Network. Pour mener cette diversification,
Lyra Network a mené d’importants efforts de recherche.
« Bpifrance nous a accompagné à nos débuts, avec des
avances remboursables », précise Alain Lacour. Membre actif
du réseau Bpifrance Excellence, qui fédère 3000 entreprises
innovantes sélectionnées en France, il contribue chaque
semaine aux discussions sur ce forum. « Les équipes de
Bpifrance s’impliquent beaucoup pour faciliter les rencontres
entre les chefs d’entreprises, et font en sorte de nous donner
de la visibilité. » En 2015, Lyra Network prévoit de réaliser un
chiffre d’affaires supérieur à 60 millions d’euros, en
croissance de 10% par rapport à celui de 2014, qui a été une
« année de consolidation ».
Entrepreneurs, Bpifrance vous soutient en prêt et capital, contactez Bpifrance de votre région : bpifrance.fr
Alain Lacour, PDG de Lyra Network
© Lyra Network
LYRA NETWORK, CRÉATEUR DE MODES DE PAIEMENT
14 I
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
LE TOUR DU MONDE DE
Du casque connecté purificateur d’air
à la voiture « transparente » du futur
Chaque semaine, La Tribune vous propose de partir à la découverte
des petites et grandes innovations qui annoncent l’avenir.
1
4
WASHINGTON – États-Unis
Un vélo électrique contrôlé
par les battements du cœur
PALO ALTO – États-Unis
Sport. Faire du vélo n’aura jamais été aussi
efficace. Pour mieux adapter les séances de
cyclisme au rythme et aux objectifs de chacun,
l’entreprise américaine Falco a développé
un système de vélo électrique qui prend en compte
les battements du cœur pour régler l’intensité du
pédalage. Le « Falco Electric Wheel » est un kit qui
se compose d’une roue reliée à un boîtier équipé
de plusieurs capteurs. Le boîtier analyse les données
biométriques de l’utilisateur pour adapter son
effort grâce à un système de propulsion électrique.
Il suffit d’indiquer sur l’application smartphone
dédiée le nombre de pulsations à atteindre ou
à ne pas dépasser. Si votre cœur
s’emballe, le dispositif enclenchera
l’aide électrique. Si, au contraire, vous
ne vous donnez pas à fond, le boîtier
augmentera la difficulté du pédalage.
Plastc card, la carte bancaire
connectée et intelligente
Paiement. Cartes de paiement, cartes de fidélité…
Trouver la bonne carte au bon moment peut parfois
tourner au casse-tête, sans compter qu’il est facile de
les perdre. Pour y remédier, une start-up californienne
commercialisera au printemps prochain la Plastc
card, une carte intelligente qui remplace toutes
vos cartes en une seule. L’utilisateur doit entrer en
amont leurs propriétés sur l’application smartphone
dédiée. Lors d’un achat, il peut ainsi choisir la ou
les cartes à utiliser. La Plastc card dispose d’une sorte
d’écran tactile protégé par un code PIN. Pour payer,
il faut déverrouiller la carte et choisir
celle dont on a besoin. Si vous l’oubliez
quelque part, une alerte SMS vous est
envoyée. Vous pouvez même bloquer
votre carte à distance, si nécessaire.
2
4
1
7
6
5
© PLASTC
© FALCO
3
2
3
Un mini-robot capable de porter
secours aux hommes
CALGARY – Canada
Un bracelet connecté convoqué
comme « témoin » à un procès
Intelligence artificielle. Et si des robots
intelligents étaient capables de trouver des humains
au milieu des décombres et de leur porter secours ?
Ce sera bientôt possible grâce à des chercheurs
de l’université de Guadalajara. Ces scientifiques ont
mis au point le robot idéal pour aider les secouristes
dans les zones accidentées. Contrôlable à distance
et doté d’une petite taille pour se faufiler partout,
il fonctionne grâce à un algorithme complexe qui
lui permet de reconnaître le visage, la voix ou
la silhouette de n’importe quel humain. Le prototype
peut ainsi identifier un homme même
s’il est recouvert de gravats. Il peut aussi
évoluer dans un environnement
dangereux, comme les zones radioactives
ou les endroits escarpés ou en altitude.
© DR
Justice. C’est une première dans le monde
des objets connectés et dans celui de la justice.
Des données issues d’un bracelet connecté de marque
Fitbit seront utilisées comme témoins lors du procès
d’une Canadienne. La jeune femme, victime d’un
accident, entend utiliser son bracelet pour prouver
que son activité physique a diminué, et ainsi obtenir
des dommages et intérêts. Ce « témoin » original sera
entendu grâce à l’intervention d’un analyste neutre
d’une société spécialisée dans l’analyse des données,
qui les interprétera à la barre. En plus de souligner
le flou juridique qui entoure les objets
connectés, ce précédent pourrait ouvrir
la porte à d’autres utilisations
de ce genre de données pour d’autres
procès, comme les affaires criminelles.
PLUS D'ACTUALITÉS
ET D'INFOGRAPHIES
SUR LATRIBUNE.fr
GUADALAJARA – Mexique
5
HAMMAMET – Tunisie
Du wi-fi gratuit si la plage
est propre
Environnement. Quand la technologie
se met au service de l’environnement,
cela donne l’opération « Gardons nos plages
propres », lancée l’été dernier par l’opérateur
Tunisie Télécom et l’agence de
communication Mindshare. L’objectif :
sensibiliser les touristes et les locaux
au recyclage en appliquant le vieux principe
de la carotte. Ainsi, pour chaque kilogramme
de déchets collectés, l’opérateur offrait 1 Go
d’Internet mobile aux touristes, grâce à
l’installation d’une immense poubelle
connectée au milieu du sable. Les utilisateurs
étaient aussi invités à partager
l’expérience sur les réseaux
sociaux pour inciter à leur tour
leurs connaissances à ne pas
salir les plages.
I 15
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
L’INNOVATION
6
TRENTE – Italie
Une méthode pour éviter
le vin bouchonné
Viticulture. Ouvrir une bonne bouteille…
et se rendre compte que le vin est bouchonné.
Pour éviter ce gâchis, la société brentinoise
Brentapack et l’université de Trente ont breveté
un système de décontamination du liège.
Car le goût bouchonné provient du TCA,
le trichloroanisole, une molécule fabriquée par
des moisissures nichées dans le liège s’il a été
en contact avec des insecticides ou des produits
chlorés utilisés dans les chais. La méthode
des chercheurs, qu’ils gardent confidentielle,
s’applique aux bouchons et consiste à
les décontaminer de toute forme de TCA.
Les premiers résultats ont permis de diminuer
drastiquement le taux de TCA dans les
bouchons contaminés, mais pas
de le supprimer entièrement. Il va
sans dire que les amateurs de vin
attendent leurs progrès avec
impatience.
7
BERLIN – Allemagne
Taxer l’épargne des plus riches
pour les inciter à investir
Banque. La banque Deutsche Skatbank vient de
prendre une décision originale et controversée pour
inciter les épargnants à investir dans l’économie. Depuis
le 1er novembre, les clients fortunés de cette petite
banque sont pénalisés par un taux d’intérêt négatif
de 0,25 % sur les dépôts supérieurs à 500 000 euros.
En faisant payer le droit de déposer des avoirs sur
ses comptes, l’institution suit l’impulsion donnée par
la Banque centrale européenne (BCE), qui avait décidé
en juin d’appliquer un taux de - 0,1 %, puis
de - 0,2 % aux liquidités déposées au jour le
jour par les établissements financiers de la
zone euro. Pour l’heure, seule la Deutsche
Statbank a osé répercuter cette décision.
9
La voiture du futur
sera-t-elle transparente ?
8
8
Automobile. Finis, les angles morts ! Deux
chercheurs de la Graduate School of Media
Design de l’université de Keio viennent
de mettre au point une voiture qui
donne l’impression d’être transparente
de l’intérieur. Leur « Transparent car »,
testée avec succès dans les rues de la ville
début novembre, est recouverte de miroirs
réfléchissants sur les portes et les sièges.
Grâce à un ensemble de caméras installées
à l’extérieur et à des vidéoprojecteurs posés
à l’intérieur, l’habitacle disparaît pour laisser
place au paysage environnant. Idéal pour
les claustrophobes, les amoureux de la nature
et pour régler le problème des angles morts
une fois pour toutes. Les deux
créateurs tentent de vendre leur
invention pour commercialiser
leur voiture révolutionnaire
dans les prochaines années.
9
PÉKIN – Chine
Un purificateur
d’air qui se porte
comme un casque
© WINDSIX
© IEEE
E
n Chine, la pollution de l’air devient telle que de
nombreux citadins ne sortent plus sans porter un
masque. Pour davantage d’efficacité et de confort,
la start-up Anyair vient d’inventer un purificateur
d’air connecté et portable. Baptisé Wind Six, ce prototype
de 200 grammes au design moderne ressemble à un casque
que l’on place sur sa tête. Il est équipé d’un filtre à
particules fines capable de retenir 99,9 % des particules
PM2.5, les plus dangereuses pour la santé, et 90 % du
formaldéhyde présent dans l’air. Grâce à une petite
extension, l’utilisateur reçoit dans ses narines un air purifié
à un débit de 3 m3/h, soit environ deux fois la quantité d’air
nécessaire à une respiration normale. Le filtre
se nettoie et n’a donc pas besoin d’être
remplacé. Seul inconvénient : sa batterie ne
tient que six heures. L’appareil devrait entrer
en production au début de l’année 2015.
KEIO – Japon
10
10
BRISBANE – Australie
Une blanchisserie mobile
pour les sans-domicile-fixe
Solidarité. Lucas Patchett et Nicolas Marchesi, 20 ans, trimballent une drôle
de camionnette dans les rues de Brisbane depuis le début du mois d’octobre.
À la place des sièges, les étudiants ont installé deux machines à laver et deux
sèche-linge. Le dispositif, baptisé « Orange Sky Laundry », vise à aller à la rencontre
des 300 SDF de la ville pour leur proposer de laver gratuitement leurs vêtements
grâce à un générateur électrique installé dans la camionnette et en utilisant l’eau
publique. Des bénévoles s’occupent des rondes tous les jours. Ils peuvent laver
les vêtements de dix personnes par heure et proposent des repas
aux sans-abri pendant la lessive. Les deux créateurs ambitionnent
désormais de mettre en place une véritable flotte avec des camions
ou des vans plus grands pouvant accueillir six machines à laver et six
sèche-linge dans tout le pays d’ici à la fin de l’année 2015.
SÉLECTION RÉALISÉE
PAR SYLVAIN ROLLAND
@SylvRolland
16 I
ENTREPRISES
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
SPÉCIAL TROPHÉES DE L’INNOVATION DE L’INPI
YVES LAPIERRE, directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI)
« Le brevet constitue un levier
stratégique de croissance »
Début décembre, l’INPI remettra ses désormais fameux Trophées de l’innovation 2014. Pour Yves Lapierre,
son directeur général depuis 2010, la propriété industrielle n’est pas un simple outil juridique qu’on garde
au coffre-fort pour se défendre, c’est l’un des piliers de la politique d’innovation des entreprises.
PROPOS
RECUEILLIS
PAR ISABELLE
BOUCQ
@Kelloucq
L
e 2 décembre, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) récompensera
trois PME et un laboratoire
de recherche qui ont mis la
propriété industrielle au cœur de leur
stratégie de développement. Depuis
vingt-quatre ans, ce coup de projecteur
sur les « bons élèves » met en avant l’importance du capital immatériel de l’entreprise pour créer de la valeur et améliorer la crédibilité des PME auprès de
leurs clients, de leurs financeurs et de
leurs concurrents sur le plan mondial.
LA TRIBUNE – Quel est le bilan
des dépôts de brevets en France ?
YVES LAPIERRE – En 2013, ce sont
16 500 brevets déposés à l’INPI, dont en
gros 12 000 issus de grands groupes, 1 832
issus de PME et le reste de sociétés étrangères qui déposent en France ou de particuliers. C’est un chiffre à peu près constant
depuis quatre ou cinq ans, ce qui ne veut
pas dire qu’il n’y a pas une progression, car
il y a d’autres voies pour déposer : la voie
européenne et la voie internationale. On
voit poindre deux tendances. Depuis une
dizaine d’années, les grands groupes ont
tendance à déposer d’abord au niveau européen, car leur langue de travail est l’anglais.
Depuis quelques années, les entreprises
des TIC déposent d’abord aux États-Unis,
où il y a cette capacité à breveter le logiciel
et où se trouve le marché. Une autre raison
est l’existence des « trolls » des entreprises
dont l’unique activité consiste à engager
des litiges sur les brevets. Ils empoisonnent
les entreprises créatrices de valeur en faisant du chantage au litige.
Quelles sont les tendances au niveau
international ?
Il y a une tendance mondiale forte à l’utilisation du brevet. Entre 2009 et 2012, à
l’OMPI [Organisation mondiale de la propriété intellectuelle], on est passé de
155 000 à 205 000 dépôts de brevets, une
croissance de 30 %. Un des facteurs est les
pays émergents, puisque depuis 2013 la
Chine est le
premier déposant à l’OMPI.
Les États-Unis
et le Japon sont
revenus dans la
course et sont
d’euros, c’est le chiffre d’affaires de l’INPI, sur une croissans « aucune subvention de l’État ».
sance
forte.
Avec un bémol
à la suite à d’un arrêt de la Cour suprême des
États-Unis de juillet dernier qui a remis en
cause la possibilité de breveter les logiciels
et a entraîné une chute des dépôts. Il s’agit
de lutter contre les trolls avec des litiges qui
s’élèvent à 60 milliards de dollars par an.
Aux trois niveaux, les entreprises françaises déposent entre 25 000 et 27 000 brevets par an, ce qui met la France au
215 millions
sixième rang mondial des déposants. Par
contre, dans les classements mondiaux de
l’innovation, la France se place entre le 17e
et le 23e rang. On voit qu’il y a un vrai sujet
entre l’invention et l’innovation en
France.
Comment se comportent les PME ?
Depuis une dizaine d’années, il y a une
prise en compte plus importante par les
PME et par les centres de recherche, avec
par exemple le CEA qui est le troisième
déposant en France. Entre 2011 et 2012, il y
a eu une croissance de 5 % du nombre de
PME qui déposent des brevets. Mais ça
reste notoirement insuffisant. Si on estime
qu’il y a environ 20 000 PME innovantes en
France, il n’y en a que 1 800 qui déposent
tous les ans. L’angle d’attaque est de cibler
les PME et les ETI pour leur faire prendre
conscience que le brevet n’est pas quelque
chose qu’on garde au coffre-fort pour se
défendre, mais que c’est un levier stratégique de croissance pour aller à l’international, pour lever des fonds grâce à son capital immatériel, pour nouer des
partenariats à égalité, pour se défendre
contre un donneur d’ordres puissant. C’est
un investissement stratégique.
Que voudriez-vous changer
dans l’image du brevet chez les PME ?
C’est un investissement qui représente 3 à
5 % du coût de la R & D et le coût n’est pas
très important. Il est d’environ 7 000 euros
sur les vingt ans de vie du brevet contre
15 000 euros en Allemagne et 30 000 euros
« Les brevets,
ce n’est que 3 à 5 %
du coût de la R & D »
aux États-Unis. S’ajoute le coût d’accompagnement de l’entreprise d’environ 3 000 à
5 000 euros. Notre conseil est d’intégrer le
coût de la propriété intellectuelle dès le
démarrage.
Une autre objection est que la PME n’a pas
les moyens de se défendre. C’est un vrai
argument quand on sait que le ticket d’entrée pour un litige aux États-Unis est de
plusieurs centaines de milliers de dollars.
Comment peut-on aider les entreprises à
trouver le financement ? Nous menons un
axe de réflexion sur une « 
assurance
contrefaçon ».
Le troisième argument est le délai de dépôt. En France, on délivre un brevet en
vingt-sept mois environ avec le délai d’instruction, les délais pour que les tiers fassent
opposition après la publication et le travail
pour qu’il soit juridiquement solide. Il y a
un délai, mais vous êtes protégés à partir du
moment où vous déposez.
Quelles actions menez-vous auprès
des PME ?
On va les voir sur le terrain. On a fixé
comme objectif cette année de visiter
5 000 entreprises. La deuxième d’étape est
d’identifier parmi elles celles qui ont un
talent, pour les accompagner et leur faire
partager leurs bonnes pratiques entre elles.
La démarche d’accompagnement est le
« coaching INPI », un ensemble de services
du prédiagnostic (« Access PI ») aux premières étapes qu’on aide à financer à
concurrence de 5 000 euros (« Pass PI »),
aux Master Class pour une formation-action sur six mois avec un tronc commun et
des problématiques particulières pour
des entreprises de croissance. Nous
avons commencé le prédiagnostic en
2014 et aidé environ 8 000 entreprises.
Ce qui est nouveau, c’est que nous avons
une gamme continue. Pour les plus emblématiques, on arrive aux Trophées
pour mettre en avant de belles histoires
sélectionnées par un jury.
La propriété industrielle ne se résume
pas aux brevets…
Les titres de propriété industrielle, c’est
trois choses. Les brevets couvrent le champ
technique – il faut que la création soit nou-
I 17
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
UN QUART DE SIÈCLE DE TROPHÉES
L’
velle, ait une application industrielle et une
activité inventive. Ce sont des critères internationaux. Le deuxième titre est la
marque, l’emblème de l’entreprise ou du
produit, la vitrine marketing. On protège la
création et l’image. En 2013, nous avons eu
86 500 dépôts de marque. La France est le
troisième ou quatrième déposant de
marques au monde, nous avons un goût
particulièrement fort pour la marque. Le
troisième titre, ce sont les dessins et modèles qui protègent la création à travers la
forme. C’est très utilisé dans le design, la
mode, la bijouterie, mais aussi le mobilier
ou le design automobile. Ce sont 8 000 dépôts par an couvrant 80 000 dessins.
La loi dite Hamon introduit une nouvelle
notion d’indications géographiques dans le
domaine industriel et artisanal (la dentelle
de Calais ou la pierre de Bretagne). On attend le décret dans les semaines à venir et
on va gérer ce nouvel outil.
Retournons au brevet et à l’innovation.
Quelle est la relation entre les deux ?
L’innovation est créatrice de richesse et la
propriété industrielle sous toutes ses
formes est aussi créatrice de richesse. Innover, c’est mettre en adéquation les besoins du marché et quelque chose de nouveau. La propriété industrielle est un des
outils pour démontrer la création de richesse. Ça caractérise le capital immatériel
de l’entreprise, c’est la preuve que son innovation provient bien de son travail de
R & D. L’innovation et la propriété indus-
trielle sont consubstantielles. Cela veut
dire qu’il faut l’intégrer dès le démarrage
du processus d’innovation. La stratégie de
propriété industrielle accompagne la stratégie d’innovation. On l’intègre dans le
budget. On regarde comment la protéger
avec des titres de propriété ou avec le secret qui fait partie des outils. Je peux utiliser l’enveloppe Soleau qui donne la liberté
d’exploitation avec une date certaine de
création. Je réfléchis à quand et comment
déposer le titre, en France ou ailleurs. Une
fois sur le marché, je vais surveiller que des
concurrents ne viennent pas me copier. La
propriété industrielle intervient tout au
long du cycle de vie du produit et relève de
la stratégie de l’entreprise. Malheureusement, la propriété industrielle s’est enfermée dans un monde juridique de spécialistes. Il faut prendre de la hauteur, c’est
transversal à l’entreprise.
Fruit de l’alliance
de l’expertise
médicale
du Professeur
Carpentier
dans les valves
cardiaques,
et de l’expertise
technologique
d’EADS,
le coeur artificiel
Carmat figure
parmi les
innovations
pré-sélectionnées
pour les Trophées
INPI 2014.
© FOTOLIA
Quels sont les engagements de l’INPI
envers l’État ?
Pour notre troisième contrat d’objectifs
pour 2013-2016, les engagements, outre
notre mission de base, s’attachent à deux
aspects. Le premier est de se tourner vers
l’entreprise dans l’identification des besoins et la création de produits et services
en se focalisant sur l’innovation, les entreprises de croissance et l’accompagnement
dans la durée. L’autre aspect est la modernisation interne de l’établissement en perfectionnant l’outil industriel que nous représentons. Nous sommes une unité de
INPI décerne
ses Trophées
depuis 1991
pour récompenser des
PME et des laboratoires
qui se distinguent par
l’utilisation de la propriété
industrielle comme
stratégie de
développement. L’année
dernière, les lauréats
étaient Devialet pour
son amplificateur mixte
protégé par cinq brevets
mondiaux, Minima pour
les branches pivotantes
de ses montures
de lunettes invisibles,
Fermob, dont la moitié des
collaborateurs contribuent
à l’innovation sur
ses produits de mobilier
d’extérieur en métal
et le Ceisam, laboratoire
de chimie moléculaire
nantais. Faisant le lien
entre protection
de la propriété industrielle
et la création de valeur,
l’INPI avait noté que
« l’analyse économique
des performances de
l’ensemble des lauréats
régionaux montre que les
PME ont créé 386 emplois
depuis 2009, quadruplé
leur chiffre d’affaires
ces quatre dernières
années et vu leur part
à l’export représenter
en moyenne 40 %
de leur chiffre d’affaires ».
En 2014, le fil
conducteur des nominés
(neuf PME et trois
centres de recherche)
pourrait être
l’hybridation : le mélange
des genres et des talents,
production présente dans les 22 régions et
dans 10 zones à l’international. Dans les
régions, il y a une modification. Nous
sommes plus présents auprès des entreprises, avec les visites entre autres, car nous
avons dématérialisé les procédures. Nous
dégageons ainsi des ressources pour aller
au plus près de l’entreprise. Au passage,
l’INPI, c’est 750 employés, 215 millions
d’euros de chiffre d’affaires et aucune subvention de l’État. L’argent que nous recevons est réinjecté dans le tissu économique
à travers les formations et le coaching.
Vous avez récemment fait
une annonce sur les données ouvertes.
Les bases de données de la propriété industrielle étaient en libre-service depuis 2009
sur le site de l’INPI. Depuis juillet, dans le
cadre de l’open data voulu par le gouvernement, des opérateurs peuvent accéder à
ces bases de manière massive pour les intégrer dans d’autres services et créer de la
richesse en développant de nouveaux produits ou services pour le monde économique. Auparavant, nous faisions payer des
licences à ces opérateurs.
l’exploration de nouveaux
univers à partir
de compétences d’origine.
Les nominés concourent
dans quatre catégories
(design, marque, brevet
et recherche). Parmi eux,
la PME Mathieu Lustrerie
(20 salariés, 5 millions
d’euros de chiffre
d’affaires) qui a inventé
l’ampoule-bougie
en mêlant le classique
et le contemporain. Ou
encore KissKissBankBank,
la plateforme de
financement participatif
dans la catégorie marque.
Résultats lors de la soirée
de remise des trophées,
le 2 décembre… ■
I.B.
http://www.inpi.fr/
fr/l-inpi/trophees-inpi.
html
Vous vous rendez régulièrement
en Chine, où la contrefaçon
est considérée comme très répandue.
Quelles sont les évolutions récentes ?
Nos représentants dans les ambassades
font vivre des partenariats, en Chine et ailleurs. L’intérêt est de comprendre comment fonctionne la propriété industrielle
dans ce pays pour travailler ensemble de la
manière la plus intelligente possible pour
les entreprises. On a un rôle d’influence
pour faire en sorte que la Chine aille vers
les meilleures pratiques. Nous allons travailler avec eux pour éradiquer la contrefaçon, qui est un fléau mondial. Les Chinois
ont une politique extrêmement volontariste en termes de propriété industrielle au
plus haut niveau de l’État parce que la
Chine est sortie d’une économie de la production pour aller vers une économie de
l’innovation. Tout n’est pas rose. Mais la
Chine a une politique de qualité des brevets
délivrés et de lutte contre la contrefaçon
sur son territoire, avec une formation des
juges. On lui demande de faire en dix ans ce
que nous avons mis cent cinquante ans à
faire. Je dirais la même chose du Brésil. ■
© ANTOINE LORGNIER
THIERRY MARX, chef étoilé
« L’innovation est notre oxygène »
Si Thierry Marx est président du jury 2014 des Trophées INPI, c’est parce que l’artiste
culinaire est aussi un partisan convaincu de l’intégration de la science dans la cuisine.
P
our ce chef qui officie
dans plusieurs restaurants au sein du Mandarin Oriental, le palace
situé rue Saint-Honoré à
Paris, l’idéal serait d’avoir des cellules d’innovation un peu partout
dans l’entreprise et d’y inviter
toutes les personnes dont on ne
soupçonne pas les talents. « Ancien
cancre » qui a fait l’expérience du
plaisir d’apprendre sur le tard en
découvrant la philosophie à 24 ans,
Thierry Marx est à l’origine du
Centre français d’innovation culinaire à l’université Paris Sud avec
son complice Raphaël Haumont,
chercheur en physico-chimie. Leur
ambition est ni plus ni moins que
d’inventer la cuisine du futur. Une
des premières réalisations de leurs
recherches est la cryoconcentration,
objet d’un premier brevet et d’un
autre dépôt en cours, dont tout
l’intérêt est de conserver la saveur
et la valeur nutritionnelle des aliments (un indice, « il faut piéger
l’eau »). « Pourquoi les artisans boulangers, pâtissiers, cuisiniers n’ont-ils
pas accès à l’université et à la
recherche ? Il faut fusionner l’artisanat et la science », explique-t-il avec
une force tranquille, installé en
tenue civile dans une alcôve du
Mandarin Oriental. « Escoffier a
intellectualisé la cuisine, il voulait
apprendre la chimie pour continuer à
innover. C’est un outil de compréhen-
sion pour aller plus loin. » Ancien
parachutiste au Liban, compagnon
du devoir et grand connaisseur du
Japon où il se rend souvent, il ne
voit aucun conflit entre tradition et
innovation.
LA RENCONTRE
DE DEUX MONDES
Pour encourager la rencontre des
deux mondes, il fait venir un universitaire dans ses cuisines deux
fois par semaine. Avec un cahier
d’essai pour noter leurs expériences, les cuisiniers cherchent à
comprendre le pourquoi derrière les
recettes et à repousser les fron-
tières. C’est le cas par exemple
quand il leur demande de réinventer le soufflé sans blancs d’œufs.
« Faire rencontrer un gamin qui a un
CAP et un universitaire, c’est merveilleux. » En parlant de mélanger les
mondes, il est persuadé que les
chefs doivent s’intéresser à l’agriculture et à la pêche, à la santé et
au tourisme, au design et à l’emballage. « Il faut être innovant dans tous
ces domaines et évidemment le débat
n’est pas franco-français. »
Que l’INPI ait demandé à l’un des
chefs les plus innovants de France
de présider le jury de ses trophées
2014 coule de source car il se fait
naturellement le porte-parole des
principes de l’INPI. « Il faut se pro-
téger le plus tôt possible, car l’innovation appartient à celui qui la met en
œuvre économiquement », affirme-til avec la conviction de celui qui
s’est déjà fait brûler. « D’ailleurs
l’INPI devrait communiquer plus vers
les jeunes, les lycéens. » ■I.B.
EN SAVOIR PLUS.
La vidéo de l’interview de Thierry Marx
à l’occasion de l’événement : innovation.
inpi.fr/linnovation-par-th-marx
18 I
ENTREPRISES
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
SPATIAL
GENEVIÈVE FIORASO, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace
« La France ne pouvait pas faire
Ariane 6 sans les Allemands »
PROPOS
RECUEILLIS
PAR MICHEL
CABIROL
@mcabirol
LA TRIBUNE – Rosetta est un succès
incroyable. Quels enseignements
en tirez-vous ?
GENEVIÈVE FIORASO – Trois enseignements ! Le premier, c’est que Hubert Curien
[ministre de la Recherche et de la Technologie en 1984-1986 puis 1988-2003, ndlr] a eu
une intuition formidable de faire de l’espace
un dossier européen avec l’Agence spatiale
européenne (ESA) et donc de pousser les
compétences françaises à travers l’Europe.
Le deuxième, c’est que Rosetta démontre
que la France, en s’appuyant sur ses organismes de recherche, son agence spatiale,
le CNES, son opérateur Arianespace, ses
industriels, peut être fer de lance des meilleurs talents de l’Europe du spatial, tant
sur le plan scientifique qu’industriel. Pour
saluer l’exploit européen de Rosetta, la
Nasa a félicité l’ESA. Rosetta a peut-être été
moins spectaculaire que les premiers pas de
l’homme sur la Lune, mais elle est au même
niveau quand on connaît la prouesse scientifique et technologique de cette mission.
La France est-elle condamnée à jouer
collectivement dans l’espace ?
Il ne faut surtout pas jouer tout seul parce
que ce n’est pas la bonne échelle. Quand
l’Europe s’unit, elle peut faire de grandes
choses. Et pour le faire, il faut être Européen car c’est la bonne taille critique. La
France ne perd donc pas son âme quand
elle est européenne. Au contraire, une mission comme Rosetta valorise les atouts de la
filière spatiale française, fondée sur l’excellence scientifique du CNES et de ses partenaires de recherche publique comme sur
celle de ses industriels. Elle est même l’une
des meilleures armes antipopulistes : c’est
l’Europe de l’excellence qui tire vers le haut.
C’est pour cela qu’il faut pérenniser dans
la constance les investissements de moyen
et long terme dans l’espace. Il ne faut surtout pas lâcher, même dans les périodes de
contrainte budgétaire. Il faut donc continuer
à investir dans des domaines de recherche
fondamentale, et l’espace en fait partie.
Pas facile en période de crise d’investir
dans la recherche fondamentale…
C’est mon troisième enseignement. Il ne
faut pas opposer recherche technologique et
recherche fondamentale. Rosetta est le meilleur exemple de la rencontre de la technologie et de la recherche scientifique fondamentale au plus haut niveau. Concrètement, les
astrophysiciens ont travaillé sur la mission
Rosetta avec des informaticiens, des électroniciens, des spécialistes de l’optronique,
des matériaux… La technologie accélère la
science fondamentale et celle-ci stimule la
technologique.
Aujourd’hui, l’Europe peut-elle
consacrer 1,3 milliard d’euros à un
projet de l’ampleur de Rosetta dans une
période où les budgets sont contraints ?
Mais Rosetta a coûté à la France 14 millions
d’euros par an depuis le début de la mission,
en 1996. Il faut relativiser. Le ministère de la
Recherche gère des budgets récurrents plus
importants.
Quels sont les prochains défis ?
Nous sommes aujourd’hui dans la dimension des exoplanètes. Avec la grande exploration spatiale, les nouveaux défis sont là.
Et ce ne sont pas seulement des questions
scientifiques, politiques, de souveraineté ou
ARIANE 6 SUR LE PAS DE TIR LUXEMBOURGEOIS
C
hat échaudé craint l’eau
froide. On ne reprendra
plus la ministre en
charge de l’espace, Geneviève
Fioraso, à arriver
à une conférence ministérielle
de l’Agence spatiale
européenne (ESA) sans un
gros travail de préparation,
comme en novembre 2012
à Naples où la tension avait
été paroxystique entre
la France et l’Allemagne.
« Nous sommes bien plus
avancés que la dernière fois,
où la conférence n’avait pas
été anticipée par mes
prédécesseurs », a-t-elle
rappelé. Du coup, elle
a beaucoup travaillé, à la fois
© FRANCIS PETIT / XR PICTURES
À la veille de la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne, les 2 et 3 décembre, la ministre en charge
de l’espace est soulagée : Ariane 6 devrait enfin décoller avec l’aide de Berlin. Elle revient aussi sur l’aventure
de Rosetta, la visiteuse de la comète Tchouri, grand succès de l’Europe spatiale.
en franco-français avec
les industriels et le CNES
pour dégager une stratégie
française commune, mais
aussi avec nos principaux
partenaires européens dans
le spatial, dont l’Allemagne,
pour trouver avant le sommet
de Luxembourg des
compromis sur les dossiers
les plus chauds. Notamment
le prochain système de
lanceur européen, Ariane 6.
Chaque dimanche, y compris
lors de ses déplacements
à l’étranger, la ministre
a donc eu au téléphone
son homologue allemande,
Brigitte Zypries, pour
la rassurer et la convaincre
de lancer le développement
d’Ariane 6, sans passer par
la case Ariane 5 ME. Avec
succès. Car sauf aléas
de dernière minute, selon nos
informations, la répartition
de la charge de travail sur
Ariane, qui devrait être
décidée à Luxembourg, est
pratiquement calée entre
les différents partenaires.
La France aura entre 50 et
52 %, l’Allemagne entre 20
et 22 % et l’Italie entre 10
et 12 %. L’Espagne a quant
à elle envie d’un peu plus que
ce qu’elle a d’habitude (5 %)
dans les lanceurs Ariane. Tout
au plus, quelques ajustements
seront possibles. ■
M.C.
encore de prestige des États, ce sont également des questions quasi métaphysiques qui
touchent tout le monde. Ces grands projets
nous renvoient à nos origines, à la possibilité
de vie ailleurs que sur la Terre, font rêver et
réfléchir. Aujourd’hui, il y a de nombreuses
aventures en cours, dont Galileo, le grand
GPS européen, qui sont de véritables défis
scientifiques, technologiques, industriels.
Justement, Galileo, c’est compliqué…
Ce n’est pas une raison pour ne pas s’y engager. Au contraire. Le risque zéro n’existe
pas, même si, dans le spatial, compte tenu
des investissements, tous les dispositifs de
sécurité sont poussés au maximum.
Galileo est-il aujourd’hui un échec ?
C’est un projet très ambitieux. Il y a des difficultés mais une partie de la constellation
était prévue comme satellites de réserve en
cas de problème…
Mais il manque déjà au moins
six satellites…
Nous n’avons pas complètement perdu
les deux derniers satellites : ils envoient
des données, même s’ils ne sont pas sur la
bonne orbite. Ce n’est pas forcément en
adéquation avec les objectifs initiaux, mais
ils ne sont pas inutiles et nous donneront
des informations précieuses. S’agissant des
satellites de validation en vol et d’une façon
générale, il est encore trop tôt pour tirer
un diagnostic. Mais nous allons y arriver. Il
faut persévérer sur ce type de projets très
ambitieux et apprendre à rebondir après
des difficultés. Nous n’allons pas abandonner maintenant. Les agences spatiales et les
scientifiques doivent faire au préalable un
point précis, stabiliser la situation et indiquer la feuille de route. À ce moment-là, la
Commission européenne validera ou pas.
J’ai confiance dans ce programme.
En revanche, il y a un projet sur les rails
semble-t-il, c’est Ariane 6. Comment
avez-vous convaincu l’Allemagne de
se lancer sans passer par Ariane 5 ME ?
Cela fait plusieurs mois que nous parlons
régulièrement, mon homologue Brigitte
Zypries et moi, pour avancer ensemble vers
une solution convergente. Deux arguments
l’ont convaincue. Le premier, c’est la concurrence internationale qui s’accélère. Ce qui
implique que nous n’avons plus le temps de
prendre des chemins de traverse. Il faut aller
droit au but. Et droit au but, c’est Ariane 6.
Car il faut aller tout de suite vers le lanceur
le plus compétitif, le plus modulaire et le
moins cher. Le second argument, c’est la fiabilité de la feuille de route. Elle a fait l’objet
d’une convergence, d’une coconstruction
entre les agences et les industriels, mais
pas d’un chèque en blanc. C’est la première
fois qu’un programme de lanceur fait l’objet
d’une coconstruction entre les agences, les
industriels et les utilisateurs. Mais, in fine,
I 19
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
ce qui emporte l’adhésion, c’est bien la vision politique commune.
no go » en 2016 mais la décision politique
sera prise à Luxembourg.
Pourquoi cette feuille de route est-elle
la plus fiable ?
Vous avez donc gagné…
Il faut attendre le 2 décembre, mais je suis
raisonnablement optimiste. C’est l’Europe
qui est gagnante, sa souveraineté, son industrie, avec des emplois à la clé. On a davantage anticipé qu’en 2012. Et nous sommes
bien plus avancés que la dernière fois, où la
conférence n’avait pas été anticipée par mes
prédécesseurs.
Le programme Ariane 6 tel qu’il est défendu
par la France est le mieux à même de faire
face à la concurrence internationale qui
s’est accélérée. Il offre moins de ruptures
technologiques que la solution qui avait précédemment été proposée par les agences, le
PPH. Avec le PHH, nous sommes dans une
configuration validée. Les technologies utilisées par la propulsion sont connues et déjà
expérimentées. En outre, les retours industriels sont plus équilibrés au niveau qualitatif entre la France et l’Allemagne. Nous
sommes davantage dans un partage. Il y a un
socle franco-allemand : la France ne pouvait
pas faire Ariane 6 sans les Allemands, ni sans
le soutien des autres pays européens, bien
entendu. En outre, il fallait, comme le demandait l’Allemagne, une intégration industrielle plus importante, une prise de risques
plus grande des industriels – les deux tiers
du marché relèvent du secteur commercial
et un tiers de l’institutionnel. Quand les
deux tiers du marché proviennent du marché commercial, il est normal que l’industrie prenne plus de risques. Et si elle prend
davantage de risques, il est normal qu’elle
participe davantage à la conception et
qu’elle partage la stratégie.
mand Sigmar Gabriel, dont elle est proche.
Et nous sommes arrivés le 13 novembre à
une orientation favorable à Ariane 6.
L’autorité de conception est-elle confiée
aux industriels ?
Comment les pays se répartissent-ils
le programme Ariane 6 ?
Il y a une démarche partagée. Les agences
vont définir les spécifications de haut niveau et les industriels auront plus de marge
dans la manière de mettre en œuvre et de
répondre à ces spécifications. Pour faire
simple, l’ESA garde la coordination générale, fixe les grandes lignes, parle au nom
des États membres et ensuite les industriels
s’engagent sur des objectifs… qu’ils s’engagent à tenir. Chacun est dans son périmètre de responsabilités. Enfin, la société
commune proposée par Airbus Defence and
Space et Safran pour les lanceurs augmente
la fiabilité de la feuille de route. Elle permet
une meilleure intégration industrielle ainsi
qu’une meilleure cohérence et cohésion
industrielle.
Et l’Allemagne a été convaincue…
J’ai fait valoir à mon homologue allemande
que tous les prérequis demandés par l’ESA
et voulus par l’Allemagne avaient été pris
en compte. La France a fait plusieurs pas
en direction de l’Allemagne en modifiant
la solution initiale PPH, en faisant en sorte
que les industriels s’engagent vers plus
d’intégration tout en partageant davantage
les risques. Tous les pas ont donc été faits
« Il ne faut pas jouer
tout seul, ce n’est pas
la bonne échelle ! »
en direction de l’Allemagne. Il devait ensuite
y avoir des pas de l’Allemagne en direction
de la France. Cela a été fait dans un esprit
résolument européen, avec l’ensemble des
États membres.
Les Allemands ont quand même
récupéré de la charge…
Mais ils l’auraient eue. À partir du moment
où la solution technique avec PHH a été
proposée, nous savions que OHB allait récupérer de la charge de travail. En Allemagne,
ce n’était pas complètement homogène non
plus. La DLR, qui avait participé aux travaux
de cet été, était plutôt favorable. C’était plutôt du côté du BMWI que s’exprimaient les
réticences les plus fortes. Nous avons emporté la décision politiquement grâce à Brigitte Zypries, en accord avec le ministre alle-
Quels sont les droits et devoirs
de la société commune entre Airbus
et Safran ?
Nous ne pouvons pas encore donner les
pourcentages de répartition. Mais il y a encore une marge de négociations à la ministérielle, mais la situation n’est pas bloquée
contrairement à la dernière ministérielle de
Naples. Les participations seront du même
ordre, même si des ajustements sont encore
en cours.
Au centre spatial
de Kourou,
en Guyane,
une équipe prend
la pose pour
une photosouvenir
juste avant
un lancement
d’Ariane,
en juillet.
© CNES
La répartition des responsabilités entre
l’ESA et les industriels est en train d’être
formalisée. Il y aura un Memorandum of
Understanding (MoU) sur les principes de
gouvernance entre l’ESA, les industriels en
tant qu’autorités sur les lanceurs et le CNES
en tant qu’autorité de conception sur le segment sol. Tout sera formalisé : les interfaces,
la définition des interfaces, les modes de
contrôle, les modes de suivi, le partage des
risques en cas d’échec, les paiements, qui
seront débloqués après franchissement de
livrables technologiques. Il n’y aura pas de
micromanagement de projet. L’ESA gardera
une vision globale pour les États membres
sur l’ensemble du projet et sera l’autorité
de contractualisation des développements,
l’industrie deviendra maître d’œuvre du lanceur et le CNES maître d’œuvre du pas de
tir, en concertation avec Arianespace. Aucun
chèque en blanc n’est donné, ni d’un côté ni
de l’autre. Il n’est pas question de privatiser
le spatial, comme je le lis parfois. Nous ne
déléguons pas une ambition spatiale aux industriels. Nous avons besoin d’eux et ils ont
besoin de nous, la filière étant duale.
Allez-vous garantir cinq lancements
institutionnels ? Est-ce possible ?
Cela fait partie de l’accord.
Les Allemands, ils ont obtenu un point
d’étape, à mi-2016. Pourrait-il
y avoir un blocage pour Ariane 6 ?
Mais cinq lancements institutionnels,
cela paraît énorme…
C’est toujours le cas pour les grands projets.
Cela me paraît normal qu’il y ait des points
d’étape pour de tels investissements, publics et privés. Il y a effectivement un « go-
Ce sont les ordres de grandeur entre l’ESA,
Eumetsat, la commission et les États
membres. Nous avons pris des ordres de
grandeur réalistes. Le nombre de lancements institutionnels annuels pour Ariane 6
ne sera pas augmenté par rapport à aujourd’hui pour atteindre cet objectif chiffré.
Mais cela signifie, tacitement, que chaque
pays membre accepte le principe d’une préférence européenne.
Mais ce n’est pas obligatoire…
On ne peut pas écrire obligation, à cause des
règles européennes. Mais préconiser la préférence européenne est déjà un signe fort.
Quand Arianespace va-t-elle rejoindre
la société commune ? Et le CNES ?
J’ai rencontré des salariés de la direction des
lanceurs du CNES à la Cité des sciences de
la Villette lors de l’atterrissage de Philae. Ils
n’étaient pas opposés au projet. Personne
n’a compris que la DLA allait déménager
ou être absorbée. Ce n’est pas du tout l’état
d’esprit. Ils ont bien compris qu’il y aurait
des compétences et des expertises qui seraient peut-être sollicitées. Mais personne
ne sera contraint. Les choses vont se faire
progressivement. Quant à Arianespace, elle
n’est pas concernée par la première étape de
la société commune. Mettons déjà en œuvre
la première étape et on verra ensuite pour la
deuxième. Allons-y pas à pas. Je pense que
la nouvelle gouvernance sera beaucoup plus
simple et cohérente.
Les femmes sont-elles bien représentées
dans les métiers de l’espace ?
Non, et la situation doit évoluer. Je voudrais
lancer un appel pour que les jeunes filles se
dirigent davantage vers les professions de
l’espace. Ce n’est pas normal que les filles,
plus nombreuses à obtenir des bacs scientifiques, avec un meilleur niveau que les garçons, s’orientent majoritairement vers les
sciences de la vie, la biologie, la chimie et les
professions de santé quand elles choisissent
des carrières scientifiques. Elles ne vont pas
suffisamment vers les maths, la physique,
l’espace, l’astrophysique… c’est dommage !
La mixité des équipes est toujours un plus.
C’est plus productif, plus créatif. Il faut soutenir toutes les initiatives stimulant l’accès
des femmes aux professions scientifiques,
en particulier dans l’espace. ■
AVIS FINANCIER
INFORMATION à l’attention des porteurs du FCP LBPAM VOIE LACTEE 1
(code ISIN : FR0007014212)
La Banque Postale Asset Management, Société de gestion du FCP LBPAM VOIE LACTEE 1, vous informe des modifications suivantes qui seront apportées au
FCP à compter du 05 décembre 2014 :
1/ Modification de la dénomination du FCP
Le FCP sera dénommé LBPAM VOIE LACTEE, sans que le chiffre 1 soit ajouté, ceci dans le cadre de la rationalisation de la gamme prévoyant une fusion de LBPAM
VOIE LACTEE 1 et LBPAM VOIE LACTEE 2.
2/ Modification apportée aux rubriques «objectif de gestion» et «indicateur de référence :
La limite maximale d’exposition aux marchés actions passe de 30 à 40%.
L’objectif de gestion du FCP précise dorénavant les limites d’exposition aux marchés actions entre 0 et 40% de l’actif net.
L’indicateur composite auquel la performance du FCP peut être comparée, sans que cela ne puisse être considéré comme un indicateur de référence, est
dorénavant 75% EuroMTS 3-5 ans + 25% Euro Stoxx (il était précédemment composé pour 82,5% EuroMTS 3-5 ans et 17,5% SBF 120).
Ce changement d’indicateur composite permet de prendre en compte, aux fins de comparaison de performances a posteriori, l’augmentation du niveau
maximal d’exposition aux marchés actions ainsi que la zone géographique d’exposition aux marchés actions décrite dans la rubrique « actifs » du prospectus.
3/ Mise à jour de la rubrique « Titres de créance et instruments du marché monétaire »
La description de la sélection des titres de créance et instrument du marché monétaire a été revue, en adéquation avec les dispositions du Règlement UE
n° 462/2013 visant à limiter le recours exclusif aux notations des agences dans l’analyse du profil rendement/risque de crédit pour décider de l’acquisition d’un
titre, de sa conservation ou de sa cession.
4/ Mise à jour de la rubrique « profil de risques »
Le risque de change a été ajouté en risque accessoire au niveau du profil de risque.
Il est spécifié que le risque action maximal est dorénavant de 40 au lieu de 30%.
Le risque spécifique aux instruments de titrisation (ABS…) devient par ailleurs un risque accessoire, et non plus un risque principal, le recours à ces instruments
étant limité.
L’impact de l’ensemble de ces modifications sur le profil rendement risque du FCP est inférieur à 20% de l’actif net et modifie le niveau du SRRI (indicateur
synthétique du profil de risque et de rendement) dans le DICI qui passe de 3 à 4 sur une échelle de 7.
Les autres caractéristiques du FCP demeurent inchangées.
Vous retrouverez la totalité de ces informations dans les documents d’information clé pour l’investisseur et le prospectus de LBPAM VOIE LACTEE qui seront mis
à jour en date du 05 décembre 2014 et disponibles à compter de cette date sur le site internet www.labanquepostale-am.fr (1).
(1) Coût de connexion selon le fournisseur d’accès.
LA BANQUE POSTALE ASSET MANAGEMENT
société de gestion de portefeuille ayant obtenu l’agrément COB n° GP 95015 - 34 rue de la Fédération - 75737 Paris cedex 15
S.A. à directoire et conseil de surveillance au capital de 5 099 733euros - RCS : Paris B 344 812 615
20 I
MÉTROPOLES
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
CHINE
La capitale de la deuxième puissance mondiale se veut la vitrine de la Chine moderne. Mais,
entre la pollution et les embouteillages, la réalité est tout autre et même les Chinois aisés
fuient la mégalopole. La ville géante est un condensé des contradictions de la Chine d’aujourd’hui.
Pékin, ou le rêve incertain
d’une « smart city »
PAR VIRGINIE
MANGIN
À PÉKIN
@v_mangin
Embouteillages
monstres et
hyper-pollution,
deux réalités
inquiétantes
et fréquentes
de la vie
quotidienne
dans la capitale
chinoise.
© REUTERS/ JASON LEE
(CHINA)
U
ne pollution épaisse à
couper au couteau, des
embouteillages à n’en
plus finir, des ruelles
insalubres qui jouxtent
des artères flamboyantes et neuves…
Pékin, désormais la plus grande ville du
monde, est à l’image de la Chine : grande,
puissante, grouillante et sale. Pourtant,
question d’image oblige, les dirigeants
chinois veulent en faire la vitrine de la
Chine moderne, sûre d’elle, qui rayonne et
s’impose sur la scène mondiale. Un défi
gigantesque quand on voit que, malgré une
réelle volonté politique, la pollution ne
cesse de croître, les queues de voitures
s’allongent et les immeubles à peine érigés
s’écroulent au bout de quelques années.
Rappelons que le dernier marathon de
Pékin, en octobre, s’est couru avec un
masque antipollution sur le visage…
DES AVANCÉES RÉELLES
MAIS PARTIELLES
Pourtant, la ville intelligente, la municipalité y pense. Comme dans toutes les
grandes métropoles-monde, le plan
« Smart city Beijing » est une des priorités
de la municipalité, consciente que la ville
doit se réinventer pour faire face à ses
énormes besoins énergétiques et une
population qui ne cesse d’affluer des campagnes. Le plan s’étale de 2011 à 2015 avec
des axes de développement autour de
l’efficacité, l’innovation et l’économie
numérique. Il s’ajoute au 12e plan quinquennal, lui aussi centré sur le développement d’une économie durable.
Les progrès réalisés sont considérables.
Les services de santé ont été informatisés,
les infrastructures informatiques et numériques étendues à toute la zone. Et le gouvernement a mis en place des platesformes accessibles par Internet pour les
services de l’emploi, la sécurité sociale et
l’assistance sociale. En un clic, le voyageur
sait quand passe le prochain bus ou métro,
connaît l’état du trafic routier et même
pédestre – les sites touristiques peuvent
être particulièrement bondés. Il peut
désormais prendre un rendez-vous chez le
médecin et éviter des heures d’attente.
Un rapide coup d’œil aux applications lancées entre autres par Baïdu, le « Google
chinois », montre qu’en termes de services
au consommateur et de géolocalisation
Pékin n’a rien à envier à New York, Londres
ou Paris. « À travers notre service de cartographie, on peut désormais trouver le cinéma le
plus proche, choisir son film et acheter son ticket
en ligne », explique Kaiser Kuo, porte-parole
du géant de l’Internet.
Le moteur de recherche développe actuellement une technologie de reconnaissance
visuelle et de paiement sans contact. Il suffit de passer le téléphone sur un article
(vêtement, livre ou autres) pour l’acheter
directement. Il propose aussi des mégadonnées qu’il nomme « trends ». L’utilisateur y
trouve des informations sur le meilleur
moment pour partir en vacances ou encore
des pronostics fabriqués à partir d’algorithmes sur les gagnants des championnats
de football.
« Ce qui se passe à Pékin n’est pas très différent
des autres grandes villes du monde : e-gouvernement, informatique en nuage, développement
de l’économie locale grâce à l’innovation… »,
explique Tom Saunders, analyste Chine
pour Nesta, une ONG qui se spécialise dans
l’innovation et qui revient tout juste d’un
voyage à Pékin. La ville planche même sur
une sorte de centre de données ouvertes
gigantesque qui rassemblerait toutes les
données de la ville, comme il y en a au
Danemark et en Écosse. Elle prévoit aussi
d’équiper ses fonctionnaires de téléphones
mobiles personnalisés liés à une plate-forme
pour pouvoir travailler hors du bureau.
LES FREINS DE L’URBANISME
ET DE LA POLITIQUE
Quant à la lutte contre la pollution atmosphérique, priorité des habitants excédés,
plusieurs projets sont en place au niveau
municipal et régional : électrification du
chauffage dans le centre-ville et en banlieue
ou développement d’un parc de transport
en commun électrique. La ville s’est engagée
à dépenser 160 milliards de dollars (128 milliards d’euros) et de réduire les émissions
polluantes de 25 % par rapport au niveau de
2012 d’ici à 2017. Objectif que, pour l’instant,
la ville est très loin d’atteindre. En dépit de
ses efforts, la pollution augmente d’année
en année. Difficile de revendiquer l’appellation « smart » quand la population peut à
peine respirer…
« Pékin doit faire face à une multitude de
défis », explique un diplomate européen, qui
suit le dossier. La localisation géographique
de la ville n’aide pas à les résoudre. Située
dans un bassin entouré de montagnes, Pékin
récupère l’essentiel des émissions de la province du Hebei, au sud, grand centre industriel. Pékin bénéficie aussi d’un climat continental : c’est-à-dire qu’il faut chauffer l’hiver
et climatiser l’été. Il y a aussi la conception
urbaine de la ville elle-même, dont une partie a été conçue dans les années 1950 à 1970
dans un style soviétique, avec une série de
boulevards périphériques, peu adaptée aux
besoins du nouveau siècle. D’autant que
petit à petit d’autres axes s’y sont greffés,
sans réelle réflexion d’ensemble sur les
transports.
« Il n’y a jamais eu comme à Paris de vrai dessein pour la construction du métro par
exemple », explique le diplomate. Les lignes
construites il y a une dizaine d’années ont
rejoint les sites olympiques au nord de la
ville, où, de fait, peu de voyageurs se rendent.
Le sud, fortement peuplé et où les besoins
sont importants, a été le dernier desservi.
Aujourd’hui, les stations restent éloignées
l’une de l’autre et peu pratiques d’accès.
Ajoutons une urbanisation peu efficace et
des constructions sans normes et qui
consomment bien plus d’énergie que nécessaire. Ainsi qu’une myriade de hutongs,
petites ruelles traditionnelles, difficile à
rénover. Et puis il y a le système politique
lui-même. Le Parti communiste n’aime pas
communiquer, encore moins dévoiler les
données publiques. Les données ouvertes
restent un sujet de méfiance. Or, l’économie
de la smart city repose sur l’utilisation de ces
données. « C’est un vrai frein, explique Tom
Saunders. Il faudrait que tous les ministères
impliqués travaillent ensemble, ce qui n’est pas
vraiment le cas. »
En effet, la planification des smart cities en
Chine dépend de plusieurs départements :
le ministère de l’Information et de la Technologie, le Développement urbain et rural,
qui a débloqué un total de 1 milliard de
yuans, à cet effet et enfin le NDRC, la puissante agence de planification. Résultat : les
projets se superposent, restent dans les cartons et parfois se contredisent. Concrètement, cela donne une ville sans vraie harmonie. Par exemple, il n’y a aucune
connexion entre les différents moyens de
transport : métro, bus, tramways. Un trajet
d’un point de la ville à l’autre peut nécessiter jusqu’à cinq changements de bus et de
métro et prendre plusieurs heures. Pas de
quoi inciter un conducteur d’automobile à
abandonner sa voiture… « Le ministère de
l’Information ne pense ni à la mobilité, ni à
l’habitation. Plutôt que de chercher la nouvelle
technologie à la mode, il devrait se pencher sur
les problèmes et comment mieux travailler avec
la population », explique Tom Saunders.
LES GRANDES ENTREPRISES
RÉTICENTES AU CHANGEMENT
Mais le vrai défi pour le gouvernement de
la ville est une résistance des mentalités au
développement durable. « Pendant des
années, on a répété aux entreprises qu’elles
devaient être grandes avant tout. Maintenant
on leur demande d’être efficaces et rentables. Ce
n’est pas si facile que ça », explique Qiao Liu,
professeur de finance à l’école de management Guanghua, liée à l’université de Pékin.
C’est une chose de produire des plans et
c’en est bien une autre de les appliquer, particulièrement en Chine, pays de privilèges
et de passe-droits. « Les entreprises ne sont
pas prêtes à changer leur mode de fonctionnement. Elles mentent sur les données qu’elles
fournissent au gouvernement sur leurs émissions de CO2. Elles ont même mis en provision
les amendes qui leur seront infligées », raconte
encore le diplomate européen.
Le coût pour Pékin est considérable. À
cause d’une image écornée à l’international, elle peine désormais à attirer des
talents. Les chiffres du tourisme sont en
baisse chaque année. Et les Chinois euxmêmes cherchent à fuir leur capitale pour
raison de santé. ■
I 23
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
LE TOUR DE FRANCE
DES PLUS BELLES ETI
MÉTROPOLES
PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR (9/10)
L’aire métropolitaine d’Aix-Marseille,
terre de croissance des ETI
Industrielles, familiales, tournées vers
l’international, performantes mais pas assez
nombreuses… Telles sont les ETI du bassin
d’Aix-Marseille. Il n’empêche que le potentiel
de croissance des PME est bien réel et que
les ETI sont une locomotive à suivre.
I
«
l n’y a pas assez d’ETI sur le
territoire. » Le constat est
général. Outre les acteurs
économiques eux-mêmes,
c’est un rapport commun réalisé par la CCI Marseille Provence et
l’UPE 13 (Union pour les entreprises des
Bouches-du-Rhône) qui le dit. Sur le périmètre aixo-marseillais, les ETI ne représentent même pas 1 % de la totalité des
entreprises quand les PME, elles, avoisinent les 4 %. Insuffisant que tout cela.
D’autant que, selon le même rapport, pour
pouvoir égaler le Grand Lyon, Aix-Marseille devrait comptabiliser 3 500 PME et
200 ETI de plus et équilibrer ainsi le poids
des TPE qui constituent l’essentiel du tissu
économique. Une situation qui est à
l’image de celle de la France, le déficit en
entreprises de taille intermédiaire étant
criant par rapport à l’Allemagne, pays
PAR
LAURENCE
BOTTERO
@l_bottero
modèle. « Pour structurer un pays, nous
avons besoin d’ETI », prévient Pierre GrandDufay, président de Tertium, fonds de capital-développement qui investit dans les
entreprises régionales à fort potentiel.
CES FREINS QUI GÊNENT
L’ÉMERGENCE DES ETI
Et les freins, Pierre Grand-Dufay les
égrènent : « Les marges des entreprises sont
trop faibles, elles ne peuvent alors réaliser les
investissements nécessaires. Pour croître, il
faut également pouvoir recruter. Or la réglementation est trop dure et le coût du travail
freine le chef d’entreprise qui se prive d’embauches de compétences qui lui permettraient
de lui ouvrir de nouveaux marchés. » Sans
parler de la fameuse question des seuils.
« Le salut du territoire vient des ETI », ren-
Malgré
les obstacles
réglementaires
qui contrarient
le passage
des PME locales
au statut d’ETI,
le territoire
marseillais est vif
et contient
le terreau
nécessaire au
développement
de pépites.
© PIERRE-JEAN DURIEU /
FOTOLIA
chérit Patrick Siri. Chef d’entreprise, il a
cocréé P.Factory, un accélérateur consacré
aux PME déjà fort actif avec dix entreprises
dans son giron. Car « il faut aider les startup à devenir des PME et les PME à devenir des
ETI ». Et donc encourager les entreprises,
souvent familiales, à aller jusqu’au bout de
leur croissance et à ne pas passer la main
avant d’atteindre le stade d’ETI. Pour
autant, le territoire est vif et contient le
terreau nécessaire à la croissance des
pépites. « Nous avons des atouts dont un
marché naturel qui se situe de l’autre côté de
la Méditerranée. Ce serait bien que les entreprises de la région s’y intéressent. » Et ces
entreprises ont tout autant intérêt à accep-
ter de se faire accompagner, car « celles qui
le sont par un fonds sont plus performantes »,
souligne Pierre Grand-Dufay. Plus optimiste, Pierre Villefranque, le directeur
régional de Bpifrance en Paca dit ne pas
voir de freins majeurs et considère que
« c’est l’origine racinaire et familiale de certaines PME qui ne les a pas incitées à grandir.
La dernière génération des chefs d’entreprise
est en revanche plus ouverte sur le monde ».
« Nous avons un positionnement géographique
assez central en Europe, continue Patrick
Siri. On peut voir émerger ici un Dropbox ou
un Google. » n
La semaine prochaine : Bordeaux
INTERVIEW
Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et sénateur des Bouches-du-Rhône
© JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS
« Marseille pourra tirer parti de tous ses atouts »
LA TRIBUNE – Le tissu local est
composé de très belles PME mais pas
suffisamment d’ETI. Quels sont
les freins et les atouts du territoire ?
Si le tissu économique de l’agglomération
marseillaise se caractérise par la présence
majoritaire de PME, comme sur l’ensemble
du territoire national, il compte aussi des
sièges de grands groupes (150) et plus de
700 entreprises à capitaux étrangers. Les
freins au développement des PME tiennent
au contexte économique général, à l’inflation réglementaire qui bloque l’embauche
et à l’incertitude fiscale. Ils relèvent aussi
des besoins en infrastructures de transports
et d’aménagement du territoire. La mise en
place effective de la métropole comme outil
de programmation, de mutualisation et de
financement des grands équipements marquera une avancée déterminante.
Marseille pourra alors tirer le meilleur parti
de ses atouts : un redressement économique
indéniable, une croissance démographique
constante, un rôle de plate-forme
d’échanges maritimes et terrestres, le succès de l’opération Euroméditerranée, la
première université de France, les pôles de
compétitivité, l’explosion des diverses
formes de tourisme (8 millions de visiteurs
et 1 350 000 croisiéristes en 2013). De plus,
notre ville accueille de grands événements
de portée internationale : le succès de l’année 2013 où Marseille était capitale européenne de la culture est dans toutes les
mémoires et prépare celui de 2017, Marseille capitale européenne du sport.
Comment le territoire peut-il impulser
le développement de ces petites
entreprises et les aider à atteindre
le stade d’ETI ?
Le rôle de la collectivité est de définir une
perspective dans laquelle les entreprises
puissent inscrire leurs propres projets de
développement. C’est ainsi que la Ville de
Marseille s’est dotée du « Plan Marseille
Attractive 2012-2020 ». Il propose aux
acteurs publics et privés de relever trois
défis : faire de Marseille la première métropole « centre d’affaires et plate-forme
d’échanges du Sud européen » ; faire de
Marseille une ville de la connaissance et de
la créativité ; faire de Marseille une ville de
destination incontournable en Europe.
Cette démarche d’attractivité économique
et de rayonnement culturel a déjà porté ses
fruits lors de Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture ou la création
d’Aix-Marseille Université. Plus récemment,
le territoire d’Aix-Marseille s’est vu attribuer le label des métropoles numériques
« French Tech ». Le projet retenu est fondé
sur l’engagement de plusieurs grandes
entreprises numériques d’accélérer la croissance de start-up innovantes par des actions
d’accompagnement, de tutorat, d’échanges
d’expertises, voire de financements.
De quelle façon les ETI existantes,
souvent tournées vers l’international,
contribuent-elles à l’attractivité
du territoire ?
Déjà, dans de nombreux secteurs d’activité,
les entreprises marseillaises portent haut
les couleurs de la ville sur les marchés
internationaux. Elles occupent une place
enviable dans les filières d’excellence : la
logistique et l’ingénierie maritime,
l’agroalimentaire, l’économie numérique,
les sciences de la vie, l’e-santé, la chimie
fine… sans oublier la mode ou la cosmétique. Leur réussite contribue au rayonnement de Marseille et renforce son attractivité. D’ailleurs, dans le classement 2013 des
villes les plus business-friendly, celles où il
fait bon entreprendre, Marseille occupe la
deuxième place – derrière Lyon et devant
Bordeaux et Nantes – pour la qualité de ses
infrastructures. n
24 I
MÉTROPOLES
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
LA PLUS DÉPAYSANTE LA PLUS AUDACIEUSE
WYPLAY joue dans
la cour des grands
Créatrice de solutions logicielles pour les principaux
opérateurs de télévision payante, Wyplay affronte
gaillardement des géants tels Cisco.
C’
© CIS
CIS
Secteur : services
Spécialité : restauration sur sites
extrêmes et hôtellerie
Effectifs : 11 600 salariés
CA 2013 : 291,4 millions d’euros
PDG : Régis Arnoux
CIS nourrit les travailleurs de l’extrême
35 pays tels que la Mongolie, le Tchad, le Mozambique, le
Mali, le bloc de l’ex-URSS, la Sierra Leone, le Brésil, le Pérou,
la Nouvelle-Calédonie… « Toutes ces avancées se sont effectuées
petit à petit. Nous apportons notre expérience opérationnelle et
sociale. Nous sommes souvent le premier employeur dans la zone
dans laquelle nous intervenons. Par exemple, même avec la
est l’histoire d’un homme passionné de grands menace Ebola, nous n’avons pas interrompu nos services. De
espaces qui l’avoue comme un enfant confessant même les tensions qui peuvent exister entre la France et certains
sa faute : « Je suis attiré par les pays neufs et les zones pays ne facilitent pas toujours nos opérations », souligne Régis
pittoresques. » C’est comme cela que naît CIS en 1992, après Arnoux dont la volonté de grandir encore est vive. « L’objecque Régis Arnoux, qui a jusqu’alors dirigé la filiale d’une tif est de continuer à développer l’entreprise en l’emmenant à un
entreprise à Kourou, en Guyane, a créé sa
niveau encore supérieur que celui qu’elle atteint
première société, entre-temps revendue. CIS LA SPÉCIALITÉ
aujourd’hui » et avec un chiffre d’affaires de
– pour Catering International & Services – éta500 millions d’euros dans les cinq années
blie à Marseille, va donc se spécialiser dans DE LA MAISON : LES à venir, contre 291,4 aujourd’hui. « Nous
la fourniture de services de restauration et PAYS « DIFFICILES » jetons des regards aiguisés sur la croissance
d’hôtellerie dans des pays plus ou moins
externe », avoue le PDG marseillais qui à
exotiques, plus ou moins sensibles, mais toujours pour des 76 ans n’élude pas le sujet du passage de relais. Mais attengrands noms de l’industrie pétrolière, minière et du BTP. En tion, uniquement pour assurer le quotidien, de sorte qu’il
1998, c’est l’entrée en Bourse, une étape qui va donner puisse se consacrer alors exclusivement « aux alliances straencore plus de souffle à CIS, aujourd’hui implantée dans tégiques et aux partenariats ». Aventurier un jour…
Son métier : fournir des services de restauration
et d’hôtellerie. Ses clients : les professionnels
de l’industrie pétrolière, minière et du BTP.
Son terrain d’action : l’international exclusivement
et souvent dans des pays sous tensions politiques.
C’
est en 2006 que la jeune PME naît et se positionne
comme une spécialiste des solutions logicielles
pour les opérateurs de télévision payante. Le marché est prometteur, la croissance de Wyplay aussi. Huit années
plus tard, les deux ont réussi leur pari, l’entreprise, implantée
à Allauch, près de Marseille, ayant même annoncé dernièrement avoir été choisie par Canal + pour une mise à jour de sa
base de données. Le succès est sans nul doute le résultat de
la philosophie de Jacques Bourgnignaud, président-fondateur,
qui se résume en un mot : oser. « Nous avons appris sur le tas,
explique le dirigeant, et notre
première levée de fonds nous a
PROCHAINE
donné une certaine ambition. C’est
ÉTAPE :
L’ENTRÉE
autour de cette valeur qu’il faut
EN BOURSE
travailler pour pousser ses propres
limites. Nous portons la culture du
possible. » Une première signature avec SFR en 2008 va rapidement positionner la PME qui ne va ensuite cesser d’engranger des clients comme Sky, Vodafone ou Canal +, donc. La
réussite, outre le fait d’oser, c’est aussi « avoir une vision stratégique de ce que l’on veut faire, se projeter à trois ou cinq ans.
Savoir que le chemin ne sera jamais droit, mais que du moment
que l’on sait, comme en voile, autour de quelle bouée on veut tourner, ne pas paniquer ». Vision donc, et compétences aussi. « Il
faut mettre l’équipage capable de tenir le cap. Certains salariés
peuvent accompagner l’entreprise d’un point A à un point B mais
pas d’un point B à un point C. » Prochaine étape : l’entrée en
Bourse, programmée pour début 2015. « Nous allons sur le
marché boursier pour valoriser la gouvernance de l’entreprise et
pour donner une taille critique à Wyplay », annonce Jacques
Bourgnignaud. De quoi permettre à
WYPLAY
l’entreprise, qui possède, outre Allauch,
Secteur : TIC
une implantation à Montpellier et
Spécialité : solutions logicielles
Sophia-Antipolis, de grandir encore et
Effectifs : 190 salariés
d’atteindre l’objectif visé de 40 millions
CA 2013 : 12 millions d’euros
d’euros de chiffre d’affaires en 2017
Président : Jacques Bourgnignaud contre 12 millions actuellement.
© CANAVESE
LA PLUS VITAMINÉE
CANAVÈSE, la force du fruit
C’est l’une de ces entreprises
familiales qui ont su percevoir
avant l’heure les mutations
des secteurs dans lesquels elles
évoluent. Dans le négoce, Canavèse
est devenu aujourd’hui un acteur
pluridisciplinaire, qui produit, importe,
fait mûrir, distribue et expédie…
P
renez trois frères prêts à entreprendre, une activité qui se nourrit
du métier paternel, ajoutez-y une
touche d’esprit visionnaire et vous obtenez l’un des plus francs succès du secteur
agroalimentaire provençal. C’est en 1975
que Jean-Pierre, René et Gérard créent
Canavèse, une entreprise spécialisée
dans le négoce de fruits et légumes.
Comme dans une équipe, chacun des
trois frères va endosser une casquette en
fonction de ses compétences. Celle de
président échoit à Gérard Canavèse,
Aujourd’hui, Canavèse c’est sept implantations en Paca et Languedoc-Roussillon,
quatre sites en Afrique, trois sites de
quand Gérard gère le commerce et René mûrissage. « Notre réussite tient à notre
la logistique. En 1988, la PME d’alors com- grande entente familiale, au partage de
mence à prendre du poids et implante à projets. Nous avons été proactifs sur cerAubagne sa première plate-forme régio- tains métiers et cela nous a permis de
nale de distribution. Le Groupe Canavèse nous légitimer », explique Gérard Canaest né et avec lui le fameux slogan qu’on vèse, qui a ajouté aux fruits et légumes
lui connaît bien : « la force verte ». Car, une activité de distribution des produits
bien insp irée, la fratrie sent rapidement de la mer, lancée en mars dernier. « Nous
que le métier de négoce
avons également le souci
ne suffira pas à faire
de l’innovation », ajoute
grandir l’entreprise et AU CŒUR
le PDG. « Cela peut s’ilqu’il faut multiplier les
lustrer par un conditionDU GROUPE,
compétences. Et qu’il
nement adapté aux
besoins de différents
faut aussi ne pas hésiter DIVERSIFICATION
à aller voir ailleurs. En ET INNOVATION
consommateurs, comme
l’occurrence, ce sera en
les petites portions pour
Afrique et en Côte
les enfants, ou faire resd’Ivoire, où le groupe marseillais produit sortir les qualités nutritionnelles. » Mais
bananes (60 000 tonnes aujourd’hui) et dans les cartons, il y a aussi des projets
ananas (4 000 tonnes). Dans les années de croissance externe, « pour fortifier
2000, c’est du côté du Maroc que Cana- notre maillage territorial », précise
vèse va produire oranges et mandarines. Gérard Canavèse.
Formule
inTégrALe
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les bonnes décisions
CANAVÈSE
Secteur : agroalimentaire
Spécialité : production,
distribution, importation,
expédition de fruits
et légumes
Effectifs : 450 salariés
CA 2013 : 127 millions d’euros
PDG : Gérard Canavèse
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I 25
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
LA PLUS PARTICIPATIVE
© X-TU & ADELINE RISPAL
TPF-I
Secteur : BTP
Spécialité : ingénierie
Effectifs : 450 salariés
CA 2014 : 40 millions d’euros
Président : Frédéric Lassale
TPF-I parie sur l’« ingénierie cocréative »
Des opérations de croissance externe, un changement
de dénomination fin juillet dernier comme pour asseoir
le désir de grandir… Le groupe établi à Marseille affine
fermement sa stratégie et s’imagine volontiers comme
le précurseur d’une ingénierie davantage collaborative.
T
out commence il y a pratiquement cinquante-cinq ans à
Marseille avec Beterem, société d’ingénierie du bâtiment
spécialisée en études d’urbanisme et infrastructure et
intervenant en Paca et Languedoc-Roussillon. Beterem suit son
bonhomme de chemin jusqu’en 1998, année où le dirigeant
d’alors rachète la branche ingénierie du bâtiment. L’histoire est
lancée. Car dès lors, à coups de fusion et acquisitions, le groupe
TPF – le changement de nom intervient en 2009 – va peu à peu
se constituer. En 2008, Secmo, bureau d’études techniques qui
dispose d’une expertise dans les structures complexes de bâti-
ments en béton armé et charpentes métalliques, passe sous l’énergie et la maintenance et se positionner sur des projets signibannière TPF. Deux ans plus tard, c’est au tour du bureau ficatifs. TPF-i intervient ainsi sur des chantiers d’envergure tels
d’études Ouest Coordination. L’année suivante, Mipi, société de la tour Odéon à Monaco, le centre pénitentiaire d’Orléans, le
montage et ingénierie de projets immobiliers,
nouveau siège d’Iter à Cadarache ou encore le
est créée. En 2014, c’est TPF Infrastructures qui
pavillon de la France pour l’Exposition univernaît de la fusion de trois entités pour devenir
selle de Milan en 2015… L’identité spécifique de
un expert en acoustique, foncier et études régle- UNE STRATÉGIE
la PME marseillaise a un nom : l’ingénierie
mentaires. Concomitamment, Betek, bureau PRÉCISE : RÉUNIR
cocréative. « C’est un concept que nous voulons
d’études pluridisciplinaires, est lui aussi porté TOUS LES MÉTIERS
développer afin de repositionner les ingénieurs et les
sur les fonts baptismaux. Avec une spécialisa- DE L’INGÉNIERIE
collaborateurs au cœur du processus créatif, dès la
tion : opérer dans la principauté de Monaco et
naissance du projet, affirme Frédéric Lassale, son
alentour. Si l’égrenage des rapprochements peut
président. Et ce afin d’intervenir le plus en amont
donner le tournis, il n’en reste pas moins que le tout répond à possible avec nos partenaires. La cocréativité est un état d’esprit, une
une stratégie très précise : réunir en une seule structure tous les philosophie, de nouvelles méthodes de travail qui doivent bénéficier au
métiers de l’ingénierie pour intervenir dans des secteurs tels projet. » Et qui booste le chiffre d’affaires, lequel s’affiche à 40 milque le bâtiment, les infrastructures, l’eau, l’environnement, lions d’euros, tandis que les effectifs comptent 450 collaborateurs.
LA PLUS TOURISTIQUE
VACANCES BLEUES vise les
50 ans et plus et… l’international
La chaîne hôtelière revient à ses premières amours : les 50 ans et plus,
un marché dynamique qui porte la consommation touristique.
I
l n’est à la présidence du directoire sites additionnels. » Vacances Bleues
que depuis un an et demi, mais Nicolas possède 26 hôtels gérés en direct dont
Dechavanne a déjà secoué le cocotier 7 en propriété. Ils pourraient bientôt
Vacances Bleues. Né en 1971, le groupe être 30. Et acquérir pour acquérir n’est
spécialisé dans le tourisme connaît pas la démarche du président du groupe
depuis les dix-huit derniers mois une qui souhaite également « améliorer [le]
dynamique de croissance qui ne doit taux d’occupation, aujourd’hui de
rien au hasard mais tout à la politique 70 % ». Mais l’autre axe de développede son nouveau dirigeant qui a décidé ment est évidemment le positionnement
de replacer Vacances Bleues
à l’international avec en
sur son orbite originelle.
ligne de mire l’Europe et
« Nous nous recentrons sur LES 50 ANS
des pays tels que le
Royaume-Uni, la Suisse,
notre cœur de métier. Et dans ET PLUS ONT
l’Italie, la zone Benelux,
ce contexte morose, la DES MOYENS
l’Espagne et les pays
consommation qui tient le
scandinaves. « Notre
choc est celle des 50 ans et
plus, celle qui possède les moyens finan- clientèle est à 92 % française et donc à
ciers, le temps et qui est capable de 8 % internationale. C’est cette part que
maintenir un niveau de dépenses », ana- nous voulons faire grandir, notre objectif
lyse Nicolas Dechavanne. L’entrée en étant d’atteindre 20 % de clientèle étranjuillet de la Caisse des dépôts au capital gère d’ici à trois ans. »
de la filiale patrimoine du groupe « un Repensé aussi, le site
VACANCES BLEUES
partenariat structurant » lui donne l’air Internet du groupe sera
Secteur : tourisme
financier nécessaire au développement désormais multilingue.
Spécialité : hôtellerie
de sa stratégie. « Nous voulons nous « Aujourd’hui, les briques
Effectifs : 900 salariés
renforcer à la montagne et dans les sont posées. Nous vouCA 2013 : 87,5 millions
grandes villes intra-muros. Nous exami- lons construire un grand
d’euros
nons des dossiers à Lyon, Strasbourg ou groupe », affirme NicoPrésident du directoire :
Paris. Nous sommes à la recherche de las Dechavanne.
Nicolas Dechavanne
Club Entreprises
en partenariat avec
Gérard Delmas
Président de
la CCI Val-de-Marne
Pierre-Antoine Gailly
Président de
la CCI Paris Ile-de-France
« L’inDustrie :
queLLe PLACe DAns Le GrAnD PAris ? »
Le Point De Vue Des entrePrises Du VAL-De-MArne
animé par Jean-Pierre Gonguet
Rédacteur en chef La Tribune du Grand Paris
Mercredi 17 décembre 2014
de 8h30 à
Accueil café à partir de 8h
10h30
à la Chambre de commerce et d’industrie du Val-de-Marne
8, place Salvador Allende à Créteil
Un rendez-vous
Nombre de places limité. Inscription obligatoire avant le 10 décembre 2014.
Inscriptions et renseignements : http://club-entreprises-cci-paris-idf.latribune.fr
26 I
MÉTROPOLES
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
LA PLUS ÉCOLOGIQUE
LA PLUS NUMÉRIQUE
SYNCHRONE
TECHNOLOGIES
croît dans le conseil en
ingénierie informatique
Née de l’union professionnelle de Laurent Leconte
et Pierre Lacaze, la SSII a fait du conseil optimisé
en direction des entreprises sa plus-value.
Un credo qui fonctionne depuis sa naissance.
N
© URBATP
«
ous avions 25 ans et la volonté de créer une entreprise
capable de conjuguer dynamisme et innovation »,
se souvient Pierre Lacaze. C’est en juin 2001 que
URBATP
Synchrone Technologies voit le jour à Aix-en-Provence. Peu
Secteur : bâtiment
à peu, la société trouve sa place et ses clients. « Notre rôle
Spécialité : aménagement
est d’accompagner les entreprises – exclusivement des grands
urbain
comptes – pour plus de performance dans leurs services inforEffectifs : 120 salariés
matiques, numériques et cloud », résume le directeur général.
CA 2013 : 22 millions d’euros
Des grands comptes tels que Veolia Environnement, IBM,
Président : Denis Marconnet
Amadeus, la SNCF, la RATP, Axa, Bouygues ou encore ASF,
Telindus… et à 60 % des groupes
bancaires. « En quatre ans, nous UN TRÈS
avons recruté 100 personnes. À partir
de ce moment-là nous avons accéléré GROS
Spécialisée dans le revêtement urbain en pierres naturelles, la PME implantée à Meyreuil est également
notre développement, raconte Pierre EMPLOYEUR
le distributeur exclusif de dalles antipollution, conjuguant ainsi construction et cadre de vie durables.
Lacaze, notamment en créant une
base de données en interne de 150 000 CV. » Une structuration
ai toujours fait de l’aménagement urbain qualitatif dépolluantes et autonettoyantes qui permettent de purifier
qui permet à l’entreprise de se distinguer par sa grande
et j’ai toujours été attiré par la pierre », explique l’air en réduisant 80 % des gaz polluants. « Les dalles dépolréactivité. Depuis les six dernières années, l’investissement
Denis Marconnet. Cet ingénieur béton armé a luent par photocatalyse, un procédé naturel qui s’apparente à
porte également sur la force commerciale. Deux axes qui
donc trouvé la possibilité de lier les deux en créant en 2005 celui de la photosynthèse pour les plantes », précise Denis
permettent à Synchrone Technologies de recruter fortement
UrbaTP. Il quitte pour cela son ancien employeur, lui Marconnet. Ces dalles de nouvelle génération sont même
chaque année, 200 ingénieurs et consultants rien qu’au
rachète la filiale qu’il gérait alors et qui était déjà spécia- capables de repousser la saleté. « Notre différenciation se
cours du dernier semestre, 500 sur l’année 2014. « Notre
lisée dans l’aménagement qualitatif et comsitue dans notre capacité à apporter une réflexion
croissance s’explique par notre positionnement technologique,
mence à multiplier les chantiers à Puget-surà nos clients dès l’élaboration des projets », avance
avance Pierre Lacaze, ainsi que par notre organisation. Nous
CONSULTÉ
Argens, dans le Var, à Montpellier, dans
le PDG, dont l’ambition est claire : être
avons un modèle qui fonctionne et une vision stratégique que
l’Hérault, ou encore au Bourget. En parallèle, DANS LE
reconnu nationalement comme un aménageur
nous partageons depuis le départ avec Laurent Leconte. Nous
il développe des participations dans certaines CADRE DU
urbain qualitatif. Consulté dans le cadre des
assurons un suivi client rigoureux, proactif si problèmes. » Le
des carrières qui l’approvisionnent en pierres GRAND PARIS
réflexions autour du Grand Paris, Denis Mardépartement R & D – qui emploie une cinquantaine de peret qui se situent en Italie, en Espagne, en Turconnet ne cache pas davantage ses envies de
sonnes – travaille sur les transferts d’inSYNCHRONE TECHNOLOGIES formation, la refonte de sites d’e-comquie ou encore en Chine. Elles sont six
croissance : « Nous aimerions doubler nos effecSecteur : informatique
aujourd’hui à constituer le réseau d’approvisionnement tifs [120 salariés actuellement], cela fait partie de nos ambimerce ou l’oculométrie. Avec un chiffre
Spécialité :
d’UrbaTP. Une démarche structurée qui permet aussi à tions. Seulement la conjoncture est un vrai frein. » « Je rêve de
d’affaires qui se monte à 90 millions
conseil en ingénierie
Denis Marconnet de travailler à des solutions d’aménage- travailler en Europe », avoue-t-il, persuadé que le dévelopd’euros, Synchrone Technologies penseEffectifs : 900 salariés
ment durables et innovantes. C’est comme cela qu’il pement durable appliqué à l’aménagement urbain est la
t-elle à l’international ? « Pourquoi pas…,
CA 2013 : 90 millions d’euros
devient distributeur exclusif d’une dalle appelée ecoGra- solution de demain. Un créneau sur lequel UrbaTP compte
répond Pierre Lacaze. Tout est question
Président : Laurent Leconte
d’opportunité. »
nic. Développée en Espagne, elle présente des propriétés bien faire la différence.
URBATP réinvente l’aménagement urbain
«
J’
LA PLUS BRANCHÉE
AMPÉRIS ÉNERGIES fait preuve de génie
Spécialisée en génie électrique et climatique, la PME dirigée par Thierry Persia a pris du volume au printemps dernier
après une levée de fonds de 2 millions d’euros et le rapatriement sous une même bannière des acquisitions
précédemment réalisées. Objectif : être capable de répondre aux appels d’offres nationaux.
E
lles sont quatre et constituent un nouvel ensemble : climatique, en travaux et en maintenance, et EPM, active dans
depuis mars dernier, LB Entreprises, EPM, Ampéris le domaine de la maintenance et la réalisation de réseau de
Réseaux et GEI ne font plus qu’une : Ampéris Énergies. distribution d’éclairage qui dispose d’une expertise assez poinAu pilotage : Thierry Persia. Un diplômé de l’Institue : la pose de dispositifs antihélicoptères dans
tut national des sciences appliquées de Rennes,
les centres pénitentiaires. Dans le même temps
passé par un grand groupe de BTP qu’il quitte en L’UNION
Ampéris Réseaux est créée, devenant le spécialiste des travaux des réseaux aériens et souter2009 pour se lancer dans l’aventure en solo. C’est POUR ÊTRE
rains moyenne et basse tension pour le compte
d’abord au sein de GEI qu’il développe sa vision de PLUS FORT
l’entreprenariat, créant trois nouveaux métiers,
d’ERDF. Mais c’est parce qu’il est conscient que
multipliant les implantations géographiques et surtout s’en- l’union des compétences fait la force de sa petite entreprise
tourant de compétences de haut niveau. L’année suivante est que Thierry Persia décide d’officialiser les rapprochements et
celle des acquisitions : LB Entreprise, spécialisée en génie de plus n’apparaître que sous un seul nom. Pour se faire il lève
2 millions d’euros auprès du fonds de capital-développement
Tertium – lequel obtient ainsi 40 % du capital – et devient
officiellement Ampéris Énergies. « Cette nouvelle organisation
nous permet la souplesse et la réactivité d’une PME, mais aussi
d’avoir la taille d’un groupe nous permettant de répondre aux
appels d’offres nationaux », explique Thierry Persia qui ne dit
pas non à de nouvelles opérations de croissance externe.
« Nous avons déjà examiné quelques dossiers avec nos partenaires bancaires. Mais il faut que cela
corresponde à notre stratégie en AMPÉRIS ÉNERGIES
termes de complémentarité géogra- Secteur : bâtiment
phique et que les entreprises soient Spécialité : génie climatique,
tournées vers la haute technologie. La génie électrique
croissance du chiffre d’affaires doit être Effectifs : 250 salariés
la conséquence de notre activité et non CA 2013 : 30,7 millions d’euros
le but. »
Président : Thierry Persia
UN CLUB ACTIF À L’ÉCOUTE DES DRH
Retrouvez le contenu des débats
« Comment passer d’une PME à une ETI : lever les freins de la croissance »
organisés en partenariat avec La Tribune
sur www.pole-emploi.org
28 I
GÉNÉRATION
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
RICHARD OLLIER
Visionnaire
audacieux
À 34 ans, le président de la société lilloise Giroptic a
reçu en juillet 1,4 million de dollars de précommandes
sur Kickstarter pour la caméra 360°, qu’il présentera
au salon CES de Las Vegas en janvier.
PAR PERRINE CREQUY
C
et homme détient un record de France. Richard
Ollier, le président de Giroptic, a finalisé en juillet
dernier la plus grande campagne de préventes réalisée
par un entrepreneur français sur Kickstarter,
la plateforme américaine de financement
participatif, pour un montant de 1,4 million
d’euros. En 45 jours, près de 4 000 unités
de sa caméra haute définition enregistrant
des images à 360° ont été commandées par
les consommateurs, pour la plupart américains. « Mener une campagne sur Kickstarter
pour un produit destiné au grand public est
une opération à quitte ou double : soit l’engouement est massif et votre campagne est un succès, soit l’objectif de collecte n’est pas atteint et,
dans ce cas, vous devez ramer pour convaincre
vos partenaires que votre produit trouvera
son marché », analyse l’entrepreneur lillois
de 34 ans. Méthodique, cet ingénieur en
chimie diplômé de HEI Lille a donc soigné
la préparation de l’opération, lancée en mai.
« Nous avons investi 50 000 dollars en marketing dans cette campagne. Nous avons mobilisé
quatre experts américains dans le storytelling,
les médias sociaux et la presse pour assurer la
visibilité de notre campagne. Notre objectif affiché était d’atteindre 150 000 dollars collectés,
mais nous espérions secrètement atteindre le
million. Notre campagne s’est achevée le 4 juillet, jour de l’Independance Day – la fête nationale aux États-Unis –, qui est désormais aussi
notre ‘‘Financial Independance Day’’ », sourit
Richard Ollier.
Cette collecte est arrivée à point nommé
après deux années consacrées à la recherche
et au développement de ce nouveau pro-
duit, très simple d’utilisation car destiné
au grand public, et à une consommation de
masse. « Avec l’iPhone et les réseaux sociaux,
les usages ont changé. Nous avons repensé notre
offre et avons planché sur le produit parfait
qui aurait des yeux, des oreilles et un système
de géolocalisation. Nous avons travaillé avec
Sculpteo, pour modéliser des prototypes améliorés chaque semaine. En cinq mois, nous avions
un prototype opérationnel. Ce n’est pas une caméra que nous dévoilerons au Consumer Electronics Show de Las Vegas, en janvier prochain,
mais un objet connecté en wi-fi qui édite des
fichiers .jpg et .mp4. », détaille le jeune entrepreneur, qui emploie 17 salariés et envisage
de lever 2 millions d’euros pour consolider
son capital.
À sa création, en 2008, Giroptic avait un
autre président et proposait ses appareils
« RICHARD OLLIER
PORTE LES VALEURS
DES LUMIÈRES »
de vision panoramique pour les professionnels de l’immobilier, du tourisme… et du
monde pénitentiaire. « Nous suivons Giroptic
depuis le début, et cela n’a pas toujours été un
long fleuve tranquille, confie Pierre Spittael,
directeur du centre d’affaires entreprises
au Crédit du Nord. Richard Ollier a toujours été au cœur du projet, mais depuis qu’il
a pris les rênes, l’entreprise connaît un nouvel
© MARIE-AMÉLIE JOURNEL
@PerrineCrequy
Zone d’influence : #Optique & électronique ; #Grand Public ;
#Kickstarter ; #Lille
élan. Outre sa maîtrise technique et sa vision
avant-gardiste, il est un fin négociateur : il est
venu m’exposer son projet de campagne sur
Kickstarter pour que j’aille moi-même défendre
le dossier auprès des engagements. Pour nous,
ce type d’opérations sur cette plateforme américaine était nouveau, mais il s’est montré très
convaincant. »
Dans les moments difficiles, Richard Ollier
s’est fait serveur à La Royale, dans le VieuxLille, pendant les week-ends. « J’ai pris goût
à ce métier simple qui consiste à faire plaisir aux
gens. Aujourd’hui, j’ai investi dans ce restaurant », confie cet homme élancé et humble,
qui a pendant longtemps organisé ses rendez-vous d’affaires dans ce lieu, entre deux
coups de feu. Pierre-Guy Hourquet, son
conseil depuis une formation à Euratechnologies, où est établie Giroptic, en partenariat avec l’université américaine Stanford,
peut en témoigner : « Richard a une grande
détermination, de la créativité et une curiosité
intellectuelle insatiable. Il est un humaniste, un
homme qui porte les valeurs des Lumières. La
réalité du monde n’est pas toujours à la hauteur de la grande confiance qu’il accorde à tous.
Mais les difficultés n’ont jamais altéré son optimisme. » « Richard Ollier est un battant. Son
ambition et son audace se conjuguent à une
grande maturité. Il a constitué une équipe d’une
compétence rare et sait agir sur tous les continents pour trouver ses marchés comme pour
son approvisionnement », souligne Antoine
Harleaux, le directeur général de Finorpa
– fonds régional qui accompagne les entreprises innovantes Nord-Pas-de-Calais, dont
Giroptic depuis 2009.
En effet, c’est à Bangalore, en Inde, que
Richard Ollier a trouvé le prestataire qui
construit la solution logicielle de la 360cam.
« Je passe un tiers de mon temps aux ÉtatsUnis, et un tiers en Asie, notamment en Chine »,
précise ce passionné du Japon qui a vécu
cinq ans au pays du Soleil-Levant, après un
premier stage effectué dans l’Oregon, chez
un fournisseur d’accès à Internet durant
la guerre d’Irak. Parlant le japonais, il était
salarié d’une agence de marketing services,
Tequila – désormais intégrée à TBWA Paris –, quand il a choisi de rentrer en France :
« Au bout de quelques années, je me suis senti
vivre dans une prison dorée, au sein d’une société dont je ne ferais jamais vraiment partie. On
me rappelait constamment que j’étais étranger :
par exemple, dans l’ascenseur, en me félicitant
pour ma maîtrise de la langue. »
Pour accompagner la commercialisation de
son nouveau produit – prévue en juin prochain –, Richard Ollier activera en janvier
la filiale américaine de Giroptic, existante
depuis la création de la société mais demeurée en sommeil. Il entend tripler son chiffre
d’affaires l’an prochain, pour atteindre
6 millions d’euros en 2015. Déjà, il prévoit la
suite : une deuxième version de la 360cam
sera présentée au CES 2016. ■
TIME LINE
Richard Ollier
Mars 1980 Naissance à Lille.
1999 Intègre HEI, école
d’ingénieurs à Lille.
2003 Part vivre au Japon
Avril 2008 Cofonde Giroptic.
2012 Lance un programme
de R&D pour
une caméra 360°
grand public.
4 juillet 2014 Finalise une campagne
de préventes sur
Kickstarter pour
1,4 million de dollars.
MODE D’EMPLOI
• Où le rencontrer ? Dans son restaurant,
La Royale, à Lille. « Sinon, vous pourrez me
rencontrer à San Francisco ou à Shenzen.
Je passe les deux tiers de mon temps
à l’étranger. »
• Comment l’aborder ? Challengeante.
« J’aime quand, à la fin d’une conversation,
les deux interlocuteurs ont évolué dans leurs
positions, qu’ils ont révisé leurs avis. »
• À éviter ! Les postures. « Il n’y a rien
de pire que la stratégie de ‘‘vente à
la chinoise’’ : quand quelqu’un m’aborde
sous couvert d’attentions amicales
alors que son intention est de faire
du business. »
2016 présente la V2 de
sa caméra 360° et la
commercialise en juin.
I 29
Un événement
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
PHOTOS - DAVID BORDES
Portraits
de citoyens d’une
ville intelligente
Jean-Christophe Tortora,
Président
de La Tribune
Max Armanet,, Directeur
du Forum Smart City
Jean-Luc Beylat, PDG
d’Alcatel-Lucent Bell
Labs France
Anne Hidalgo,
Anibal Gaviria,
Maire de Paris
Maire de Medellin,
en Colombie
Jean-Luc Aschard,
Albert Asseraf, DG
François Blanc, DG du
programme évolution
numérique d’EDF
Cofondatrice
de Hopways
Directeur interrégional
Île-de-France d’EDF
stratégie, études et
marketing, JC Decaux
Anne Buffetaud,
Jean-Charles Decaux,
Président du directoire
de JCDecaux
Augustin de Romanet,
PDG d’AdP
Benjamin Azoulay,
Muriel Barnéoud, PDG
Virginie Calmels,
Bruno Cavagné,
Directeur général de
Philips Lighting France
Chargée de l’économie
à la mairie de Bordeaux
de Docapost, membre
de Syntec Numérique
Fédération nationale
des travaux publics
Antoine Frérot, PDG de
Veolia environnement
Fabrice Benoît,
Président de Clameur
Nicolas Clinckx,
Directeur strategy &
transformation à E & Y
D
ynamique, tournée vers l’avenir et l’innovation ;
citoyenne, soucieuse de ses habitants
et du vivre-ensemble : voilà la définition
de la ville intelligente telle qu’elle émerge
à l’issue du premier Forum Smart City du Grand
Paris. Aux questions concrètes des 1 700 inscrits
qui s’étaient inscrits les dirigeants des entreprises
concernées ont répondu, loin des caricatures matérialistes
qui réduisent cet enjeu majeur à des problèmes de tuyauterie
ou à la présence de capteurs.
Le concept de ville connectée dessine le futur de nos
territoires et de leurs cœurs battants, les métropoles. Voici la
vision volontariste portée par Anne Hidalgo pour la capitale :
transports, réseaux, éducation, logement, culture, accueil des
jeunes entrepreneurs dans un écosystème les mettant à l’abri
des lourdeurs bureaucratiques du siècle dernier et surtout
réinvention des façons de travailler entre partenaires privés
et publics. À ce plaidoyer pour accélérer les transformations
jugées indispensables renvoyaient les expérimentations
réussies dans la ville de Medellin, en Colombie. La venue
spéciale de son maire, Anibal Gaviria, dans les salons
de l’Hôtel de Ville fut l’un des moments les plus forts
de cette édition. Photos à l’appui, Gaviria nous fit passer
en revue comment cette capitale mondiale de la drogue
et du crime avait réussi à faire chuter de 95 % son taux de
criminalité et à décrocher coup sur coup le prix de la ville la
plus innovante décerné par le Wall Street Journal en 2013 et,
le même prix, décerné par le Forum de
Barcelone en 2014. Sa recette : utiliser
toutes les facettes de la modernité au
service de l’éducation, de la solidarité,
du développement économique. Et
surtout un système de gouvernance
dans lequel toutes les forces vives,
quelles que soient leurs sensibilités
politiques, se reconnaissent
MOBILITÉS
et parviennent à œuvrer ensemble
pour le bien public. Une leçon très
applaudie qui constituera un pilier
de notre prochaine édition. ■
présente
CITOYENNETÉ
/ ÉNERGIES / INFRA
STRUCTURES
/ RÉSEAUX
Jeudi 20 noVe
mbre Hôtel
de Ville
de 9H à 18H
de Paris
Programme & inform
( Ouvert au public
ations
sur inscription
Françoise Colaitis,
Déléguée adjointe
de Cap digital
Patrick Gatellier,
Bruno Corinti,
Directeur général
adjoint de Nexity
Brigitte Courtehoux,
Jean-Marc Dubouloz,
Jean-Pierre Frémont,
numérique, Société
du Grand Paris
Directrice services
connectés à PSA
Directeur général et
marketing de Navidis
Directeur du marché
des collectivités à EDF
Programmes smart
mobility à Thales
Cofondateur de Game
in Town
Adjoint au maire
de Paris
Emmanuel Grégoire,
Etienne Guyot, Préfet et
directeur général de la
CCI Paris Île-de-France
Président-fondateur
de Wayz-up
Julien Honnart,
Marc Jalabert, Directeur
Laurence Lafont,
Denis Laplane, Directeur
clientèle entreprises
de BNP Paribas
PDG de Sigfox
Ludovic Le Moan,
Nathalie Leboucher
Guillaume Mathieu,
Jean-Louis Missika,
Hugues Pouillot,
Gabriel Riboulet, Chief
transmedia architect
de Flamefy
William Rosenfeld,
Antoine Rouillard,
Philippe Sajhau, Chargé
Bertrand Serp,
Directrice secteur
public de Microsoft
Cofondateur
de Sharette
Olivier Gatelmand,
Jérôme Coutant, Pôle
Président de Zenpark
Directrice smart cities
d’Orange
Directeur commercial
de Berger Levrault
Président-fondateur
de Cityzen Mobility
de l’initiative smarter
cities, IBM France
division grand public
de Microsoft France
Adjoint à la maire
de Paris
Président d’Open Data
France
Alain Krakovitch,
Directeur de Transilien
à la SNCF
Carlos Moreno,
en partenariat
)
http://smartcity.latr
ibune.fr
avec
#ForumSmartCity
MAX ARMANET
Éric l’Helguen,
Directeur général
d’Embix
Guillaume Parisot,
David Lacombled,
Directeur à la stratégie
contenus d’Orange
Francis Pisani,
Professeur, spécialiste
de la ville intelligente
Directeur innovation,
Bouygues Immobilier
Journaliste, écrivain
Michel Sudarskis,
Julien Varin,
Laure Wagner,
Secrétaire général
de l’INTA
Directeur général
adjoint Autolib’
Communication,
BlaBlaCar
I 8
l’expert
COMMUNIQUé
O
la tribune
tribune -- VeNDreDI
6 Décembre
2013 - 2014
No 70 -- N
www.latribune.fr
la
VENDREDI
28 NOVEMBRE
110 - www.latribune.fr
Entretien exclusif avec Bertrand Letartre, Président des Laboratoires Anios
« Hôpitaux, industries, collectivités… Quels sont
les enjeux de la lutte contre les bactéries ? »
Bertrand Letartre préside les Laboratoires Anios, dans le
Nord, une entreprise française de plus de 200 millions
d’euros de chiffre d’affaires spécialisée depuis plus de cent
ans dans la lutte contre les microbes.
Vous présidez Anios, une
entreprise créée en 1898 par
votre arrière grand-père. Quel
est son positionnement ?
Mon arrière grand-père a créé
l’entreprise à Lille avec l’objectif
de fabriquer des produits de
nettoyage et de désinfection
pour les brasseries, qui étaient
très nombreuses à l’époque
dans le nord de la France et en
Belgique. A l’époque, les gens
utilisaient des produits comme
le chlore ou le formol, très
agressifs. Il a eu l’idée de mettre
au point un produit inodore
pour nettoyer les cuves, les
conditionneuses, les sols... Et il a
appelé ce produit, qui n’était pas
toxique, l’Anios désinfectant
sans odeur. Anios signifie «
contre le microbe » en grec.
Nous sommes toujours dans
tous les métiers de l’antimicrobien. L’entreprise s’est d’emblée
positionnée sur des produits qui
respectent l’environnement.
C’est dans son ADN.
Nous visons 300
millions d’euros
de chiffre
d’affaires, pour
moitié à l’étranger.
Même si les brasseries sont
moins nombreuses…
Nous sommes restés dans
l’industrie agro-alimentaire en
élargissant notre clientèle aux
laiteries, fromageries, ou
conserveries. Avec toujours
cette idée d’apporter des
produits permettant de nettoyer
les process de fabrication: cuves,
locaux, et machines de conditionnement, comme les containers. Anios s’est ensuite diversifiée vers les industries
cosmétiques et pharmaceutiques. Dans les années 80, nous
avons commencé à développer
une gamme de produits pour les
hôpitaux, au moment où on
commençait juste à parler
d’infection nosocomiale, et non
plus de simple complication
après une opération. Nous
sommes désormais présents
partout à l’hôpital : blocs
opératoires, stérilisation,
urgence, réanimation, chambres
de malades… Avec une batterie
de produits pour les surfaces, les
mains – comme les gels hydroalcooliques, les endoscopes…
bref, tout ce qui est nécessaire
pour avoir une bonne hygiène
et désinfection. L’hôpital
représente plus de la moitié de
notre marché aujourd’hui. Nous
avons aussi développé une
gamme pour les dentistes. Nous
venons d’ailleurs de racheter
Soluscope, une entreprise qui
réalise des machines à nettoyer
les endoscopes. L’entreprise, qui
compte environ 600 salariés,
couvre maintenant toutes les
professions médicales ou
paramédicales, du kiné à
l’ophtalmo, en passant par le
tatoueur.
Combien pèse ce marché de
l’hygiène à l’hôpital ?
Une centaine de millions d’euros
en France. Nous n’y sommes
d’ailleurs plus très nombreux à
le couvrir. Les américains sont
très présents à l’étranger et nous
avons quelques concurrents en
Allemagne. Mais nous sommes
optimistes, avec une croissance
de la société de 7 à 8% par an.
L’export, également en très forte
hausse, représente aujourd’hui
35% de notre chiffre d’affaires
de 200 millions d’euros. Notre
activité est très sensible à
l’actualité, comme la fièvre
Ebola, dont on parle beaucoup.
Au moment du virus H1N1, en
2009, nos ventes de solutions
hydro-alcooliques ont explosé,
nous étions en rupture de stock.
Comment voyez-vous évoluer ce
marché de l’hygiène, notamment à l’hôpital ?
A l’exception de la France, qui
est, comme d’autres pays
européens, très structurée en
matière d’hygiène santé, tout
reste à faire dans le monde, et
notamment les pays émergents.
La classe moyenne s’y développe de façon très rapide. Elle
exprime une demande de soins.
Les hôpitaux et les médecins
sont excellents, mais l’hygiène
est clairement à revoir. Il y a des
marchés à conquérir, comme en
Chine, où les perspectives de
croissance sont très importantes.
Qu’est-ce qui différentie Anios
de ses concurrents ?
Si on se compare aux américains, nous avons toujours eu un
temps d’avance sur les molécules. Nous avons aussi l’avantage d’être très spécialisé, là ou
d’autres ont beaucoup plus de
produits, insecticides ou
raticides que nous ne faisons
pas. Car nous sommes surtout
au bloc opératoire, où la société
est très connue. Nous avons
évidemment réfléchi à élargir
nos produits au grand public
mais c’est un autre marché.
Bertrand Letartre, Président des Laboratoires Anios
Quel est le principal enjeu de
votre entreprise pour les cinq
ans qui viennent ?
Le développement international.
Notre part de marché est déjà
très importante en France. Pour
l’instant, nous enregistrons une
forte croissance en Afrique,
Maghreb compris, et au Moyen
Orient. La croissance est
également très forte en Amérique du sud, notamment en
Argentine, où on fabrique nos
produits, et en Asie, en Chine.
On y va par croissance organique. Nous avons ainsi créé des
filiales en Turquie, en Suisse ou à
Hong Kong. Mais on n’exclut pas
des rachats pour accélérer notre
présence. Nous avons beaucoup
à apporter en matière d’hygiène,
tant sur le plan des produits que
sur celui de l’éducation. En
France, par exemple, nous avons
deux infirmières qui forment les
gens à se laver les mains. Nous
organisons beaucoup de
formations auprès des cliniques.
Et en matière de recherche et
développement, quels sont les
enjeux ?
La grosse contrainte aujourd’hui,
c’est la toxicité et l’aspect
environnemental, avec des
produits qui doivent être
biodégradables. De plus en plus
de molécules sont réputées
dangereuses. Nous devons faire
évoluer nos produits vers autant
d’efficacité avec des molécules
différentes. C’est un gros travail
de recherche. La société ne veut
pas de produits dangereux pour
l’environnement. La réglementation devient très dure, il faut
adapter les produits en permanence. L’autre enjeu est de
trouver des parades à tous ces
nouveaux virus, comme Ebola.
Nous travaillons notamment
avec l’Institut Pasteur, à Lille. Sur
Ebola, nous venons d’ailleurs de
publier une documentation de
tous les produits que l’on peut
recommander contre la propagation du virus. Nous croyons à
la prévention en amont. Plus les
procédures d’hygiène et de
désinfection sont correctes et
moins on a besoin d’avoir
recours à des antibiotiques, par
exemple. Les solutions hydroalcooliques que les gens
utilisent un peu partout ont
entrainé une baisse significative
de la consommation d’antibiotique.
Ne devenez-vous pas vous
même obsessionnel, à force de
lutter ainsi contre les microbes ?
Oui, bien sûr, mais c’est important de se battre sur tous les
fronts. A part la fabrication de
Roquefort, le monde n’a pas
besoin de microbes ! Humour
mis à part, une bonne hygiène
est cruciale à l’hôpital, notamment celle des mains. C’est une
catastrophe : on ferme la porte,
on touche son clavier d’ordinateur… Nos mains sont de vrais
nids à microbes.
Comment voyez-vous votre
entreprise dans cinq ans ?
Nous étions, avec mon frère,
minoritaire dans l’entreprise
jusqu’en décembre dernier, date
à laquelle nous avons racheté sa
majorité à Air Liquide. Nous
avons monté un LBO, d’ailleurs
assez conservateur, avec le
fonds de capital-investissement
Ardian (ex Axa Private Equity).
C’est une belle entreprise, avec
une belle croissance et rentabilité mais tout a changé, notamment au niveau de la motivation
des équipes. Nous sommes
remontés sur la selle du cheval !
Certains managers sont devenus
actionnaires. Nous sommes très
heureux de cette opération, le
remboursement de notre dette
ne nous pose pas de problème,
et nous allons continuer à
grossir, notamment par croissance externe. Avec un objectif
de chiffres d’affaires d’environ
300 millions d’euros dans les
cinq ans, au moins pour moitié
de l’étranger. Nous avons la
capacité d’être plus international.
I 31
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
WOMEN’S AWARDS
PARITÉ
Femmes dirigeantes :
le plafond de verre se brise !
LES FAITS. Les femmes commencent à accéder aux postes de premier plan dans
des entreprises françaises. Sophie Bellon bientôt à la tête de Sodexo, Isabelle Kocher
à GDF Suez et quelques autres : le CAC 40 se conjugue enfin au féminin.
LES ENJEUX. Elles sont par ailleurs de plus en plus nombreuses à franchir le pas
de la création d’entreprise. La preuve avec notre galerie de 40 portraits de femmes
d’entreprise, en préambule à la cinquième édition des prix La Tribune Women’s Awards 2014.
E
PAR ISABELLE LEFORT
ncore un effort, messieurs…
D’ici à deux ans, courant
2016 donc, deux femmes,
Isabelle Kocher aux commandes de GDF Suez,
Sophie Bellon aux manettes
de Sodexo, feront leur
entrée dans le monde feutrée et encore très
masculin des PDG des plus grandes entreprises françaises. Le signal positif ne
trompe pas : le temps de la féminisation
des entreprises françaises est venu. La gent
masculine, qui refusait jusqu’ici de laisser
les femmes prendre le pouvoir, a entendu
le message, après dix ans de mobilisation.
Il a fallu la multiplication des réseaux de
femmes, les engagements forts de personnalités telles que Christine Lagarde, la
directrice générale du FMI, mais aussi de
Sheryl Sandberg, directrice de l’exploitation de Facebook, ainsi que des textes de
lois pour la féminisation des instances dirigeantes, dans le privé et la fonction
publique, incluant des quotas de femmes
dans les conseils d’administration. Mais,
cette fois, c’est sûr : le plafond de verre
explose. Il était temps !
Les Français, dans leur grande majorité,
reconnaissent qu’un meilleur accès des
femmes aux postes de responsabilité est
légitime. Car elles ont non seulement tout
autant de capacités que les hommes, mais
aussi, dixit l’étude réalisée par l’Ifop du 22
au 25 octobre auprès d’un millier de Français, parce que le courage est la première
qualité des femmes. Adieu preux chevaliers ? Pour quatre personnes sur dix, cette
faculté à ne pas avoir peur d’affronter les
difficultés et à aller de l’avant, contre vents
et marées, arrive en tête des points forts
des femmes, suivie par l’engagement, la
conviction, la créativité et l’audace.
LA PARITÉ À L’ASSAUT
DES ENTREPRISES
De plus en plus de dirigeants sont convaincus de l’importance de promouvoir le travail des femmes. Preuve en est ? Selon le
palmarès établi par Ethics & Boards, l’Observatoire international indépendant de la
gouvernance des sociétés cotées, devançant
les exigences fixées par la loi Copé-Zimmermann, attentes confirmées par la loi du
Liberté,
égalité, mixité
C
e mercredi, 26 novembre
2014, les députés ont voté
une résolution
pour réaffirmer le droit
à l’avortement, quarante ans tout
juste après que Simone Veil
a convaincu une assemblée
surtout composée d’hommes
de donner force de loi
à ce combat des femmes. Quatre
décennies plus tard, la cause
des femmes reste un combat,
en particulier dans le monde de
l’entreprise. Pourtant, la réussite
des femmes dans le monde
professionnel est un indice fort
du degré de développement
d’un pays. Notre dossier, qui met
à l’honneur 40 femmes – par
référence au CAC 40, dont les
PDG sont encore exclusivement
des hommes –, le démontre :
les femmes sont des dirigeantes
d’entreprise comme les autres.
Et l’espoir, avec l’arrivée
de la jeune génération, est que
dans une économie de plus en
plus horizontale et collaborative,
le sujet de la mixité (et celui
de la diversité) ne soit plus,
demain, un sujet… ■
PHILIPPE MABILLE
« Le communisme
et le capitalisme
ont échoué. Je
pense que le
temps est venu
d’une nouvelle
société
matriarcale.
Croyez-vous que
les gens
continueraient
à mourir de faim
si les femmes
s’en mêlaient.
Ces femmes
qui mettent au
monde avec cette
fonction de
donner vie, je ne
peux m’empêcher
de penser qu’elles
pourraient faire
un monde dans
lequel je serais
heureuse… ».
Niki
de Saint-Phalle.
Exposition
au Grand Palais,
Paris, jusqu’au
2 février 2015
© 2014 NIKI CHARITABLE
ART FOUNDATION / ADAGP,
PARIS
POUR PETER WHITEHEAD
© ADAGP, PARIS 2014
4 août 2014 pour l’égalité réelle, trois entreprises françaises, PSA Peugeot Citroën,
Publicis et Virbac, affichent une parité
exemplaire en matière de féminisation de
leurs conseils. Neuf autres (dont Nexity,
Technip, Eurofins et Hermès International)
ont dépassé la barre des 40 % prévue par la
loi. Pour ce qui est des comités exécutifs,
Icade et Sodexo sont ex aequo avec 42,9 %
de femmes ; CNP Assurances, JC Decaux,
Orange et Technicolor ont dépassé le seuil
des 30 % prévu par la loi, tandis qu’Areva,
CGG Veritas, Club Méditerranée et Kering
ne l’ont atteint que depuis peu.
Les femmes elles-mêmes démontrent leur
détermination en étant de plus en plus
nombreuses à se lancer dans l’aventure
entrepreneuriale. Selon l’APCE, désormais
32 % des entreprises sont créées par des
femmes. La tendance ne se limite pas à nos
frontières. D’après l’enquête Hiscox 2014,
menée dans cinq pays d’Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas,
France) et les États-Unis, le chef d’entreprise type des start-up et des PME, en
d’autres termes l’entrepreneur d’aujourd’hui, est à 56 % une femme âgée de
moins de 40 ans. Ce qui les motive ? >>>
Les Ves prix La Tribune
Women’s Awards
P
lus de 1 000 participants, femmes et
hommes, sont attendus au Théâtre de
Paris le 1er décembre pour la cérémonie de
remise des prix nationaux aux lauréates des
LTWA. Au total, 21 dirigeantes sont nominées
dans les sept catégories : Entrepreneure de
l’année, Manager de l’année, Finance, Défense,
Industrie, Numérique, Responsable et solidaire.
32 I
WOMEN’S AWARDS
© DR
Selon Ethics & Boards,
en septembre dernier,
cinq femmes cumulaient
le maximum de mandats
autorisés par la loi (quatre
en tout) dans des conseils
du SBF 120. Qui sont-elles ?
Agnès
Lemarchand
© DR
Diplômée de l’ENSCP,
du MIT, titulaire d’un
MBA de l’Insead, cette
ingénieure de
formation cumule aujourd’hui quatre
mandats avec Saint-Gobain, CGG Veritas,
Areva et Biomerieux SA.
Anne-Marie Idrac
© DR
Titulaire d’une licence
en droit, diplômée de
l’IEP Paris et de l’ENA
(promotion Simone
Weil), Anne-Marie Idrac
a occupé deux
secrétariats d’État, aux Transports et au
Commerce extérieur, a été députée de
1997 à 2002 avant de présider la RATP et
la SNCF. Aujourd’hui, elle siège aux
conseils de quatre entreprises du SBF
120 : Saint-Gobain, Total SA, Vallourec et
Bouygues.
Colette Lewiner
© DR
Normalienne, agrégée
de physique et docteur
ès sciences, Colette
Lewiner a commencé
sa carrière à EDF avant
de devenir PDG de
SGN-Réseaux Eurisys, puis de rejoindre
Capgemini. Cette experte de l’énergie,
reconnue internationalement, siège
désormais au sein de Bouygues, Nexans,
EDF, groupe Eurotunnel SA.
Monique Cohen
© DR
Polytechnicienne,
Monique Cohen a
commencé sa carrière
à la Banque de Paris et
des Pays-Bas
(aujourd’hui BNP Paribas) avant de
devenir secrétaire générale de la société
de Bourse Courcoux-Bouvet, puis
responsable mondial du métier actions de
Paribas. Depuis 2000, elle a rejoint Apax
Partners en qualité de directeur associée.
Après avoir démissionné en août dernier
du collège de l’AMF, elle détient quatre
mandats auprès de BNP Paribas, Hermès
International, JC Decaux SA et Safran.
Rose-Marie Van
Lerberghe
Surdiplômée – l’ENA, l’ENS, l’IEP
et l’Insead – avant
de rejoindre la haute
fonction publique, puis Altedia,
de diriger l’Assistance publique-HP,
de présider le directoire du groupe
Korian et depuis 2013 de devenir
présidente du conseil d’administration
de l’Institut Pasteur. Au sein du SBF 120,
elle siège aux conseils de Bouygues,
CNP Assurances, Casino Guichard
Perrachon et Klepierre SA.
>>> Être indépendantes. Deux tiers des
femmes qui aspirent à se lancer affirment
vouloir créer leur entreprise pour des raisons
de fierté. Mais aussi, selon l’étude réalisée par
PayPal, au Mexique et en France, parce
qu’elles se disent passionnées (47 %). Dans le
micro-entrepreneuriat, où les femmes sont
nettement majoritaires, on ne parle pas d’affect, mais de survie. Jacques Attali, président
de Planet Finance, ne cesse de saluer le courage et la détermination des femmes qui, au
Népal, au Ghana, en Inde, à Madagascar, au
Liban, s’inventent ici garagistes, là créent,
grâce au microcrédit, une coopérative pour
vendre leur récolte de noix de karité à l’international. « Partout dans le monde, a-t-il répété
aux participantes du Tedx ChampsElyseesWomen, on assiste à un sursaut ; les
femmes refusent de se laisser écraser. Elles sont
des entrepreneures dans l’âme, car la famille et
la nécessité de la faire vivre les obligent naturellement à déployer des qualités entrepreneuriales
et de s’inscrire dans le long terme. »
À l’issue d’une étude menée dans 108 pays,
auprès des trois générations (W, X et Y, nées
entre 1945 et 1995), en partenariat avec ONU
Femmes, Muriel de Saint Sauveur, directrice
de la diversité du groupe Mazars, confirme :
« En moins d’un siècle, la place des femmes a totalement changé. Elles ont conquis le monde du travail, bien qu’elles ne représentent encore que 40 %
de la population active mondiale. Instruites et
diplômées, elles ont investi le domaine public et y
apportent un nouveau regard. Si le choix du
métier semble désormais acquis pour 79 % des
femmes, les inégalités résident autre part : plus de
la moitié déclarent s’être déjà senties victimes de
discrimination par rapport à un homme et pensent
que leur ascension professionnelle n’est pas identique à celle de leurs homologues masculins. »
PLUSIEURS FREINS À
LA FÉMINISATION DEMEURENT
Des pans entiers de l’économie manquent
cependant de femmes. En France, seuls 12 %
des métiers sont mixtes. Les femmes sont
surreprésentées dans l’éducation, la santé et
le « social » et sous-représentées dans la production et l’ingénierie. Comme le démontre
et le détaille l’ouvrage Les Métiers ont-ils un
sexe ? du Laboratoire de l’égalité (Belin), les
jeunes filles ne se précipitent pas dans les
écoles d’ingénieurs et se destinent encore
moins aux carrières du numérique. Pourtant,
86 % des Français interrogés pour le baromètre Syntec Numérique-BVA déclarent que
ces métiers offrent des perspectives intéressantes pour les femmes. Soixante-douze pour
cent croient en leurs compétences et les qualifient de polyvalentes (39 %), d’avant-gardistes (27 %) et d’entrepreneures dans l’âme
(13 %).
Autre frein à l’épanouissement des femmes
dans la sphère professionnelle : à la sortie
des écoles, à diplômes et postes équiva-
Sophie Bellon
L’aînée qui a fait
ses preuves
Vice-présidente de Sodexo
Fille aînée de Pierre Bellon, le fondateur du leader
international de la restauration collective, Sophie
Bellon prendra la présidence de l’entreprise en 2016.
La tête sur les épaules, elle ne souhaite qu’une chose :
mener à bien, dans un esprit collectif, ce fleuron du
CAC 40 toujours plus haut vers les sommets.
P
rès de 20 milliards d’euros de
chiffre d’affaires, 400 000 salariés, une présence sur 34 000 sites
et dans 80 pays… En 2016, Sophie
Bellon va prendre la présidence de Sodexo, le géant mondial de la restauration
collective et des services aux entreprises.
Pour la fille aînée de celui qui a fondé Sodexo, l’enjeu est colossal. Diplômée de
l’Edhec, mère de quatre enfants, elle a parfaitement conscience du poids qui pèse
sur ses épaules. « Je suis née en 1966, l’année
même où mon père a créé Sodexo à Marseille.
Mon frère, mes deux sœurs et moi avons grandi avec l’entreprise. Nous avons vu mon père
partir tous les matins pour faire de Sodexo un
géant. Il nous a toujours élevés avec l’idée
qu’il ne fallait pas confondre arbre généalogique et organigramme. Après mes études, je
suis partie aux États-Unis. Entre 1984 et
1994, j’ai eu mes propres expériences, j’ai travaillé à New York, dans la banque et le milieu
de la mode. Et puis, un jour, je suis rentrée.
Mon père a tout fait pour veiller à la pérennité de l’entreprise. Il l’a dotée d’une équipe
dirigeante hors pair : autour de Michel Landel, l’avenir est assuré, il est tracé. Ma désignation comme future présidente a fait l’objet
d’un processus de désignation complexe et rigoureux, qui a fait appel à des administrateurs indépendants ; elle a été approuvée par
mon frère et mes sœurs et l’ensemble des administrateurs. Quand j’ai su que j’allais reprendre la présidence, bien sûr que j’ai senti le
poids sur mes épaules. Qui ne prendrait pas
peur devant une telle responsabilité ? C’est
humain. Et puis, je me suis redressée. J’aime
© DR
Les grandes
cumulardes
du SBF 120
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
fondamentalement le monde de l’entreprise et
le travail. Je suis ce que je suis. Je vais reprendre les rênes en douceur. Nous allons
opérer un changement dans la continuité.
Sodexo est une formidable aventure humaine
et entrepreneuriale. Avec l’ensemble des
femmes et des hommes qui forment cette entreprise, nous allons la porter le plus loin possible. La diversité est un des points forts de
Sodexo. Demain, notre objectif est de veiller à
l’épanouissement de tous. Nous fêterons nos
50 ans en 2016. Le monde a changé, le management n’est plus à l’heure du top-down, les
prises de décision demandent de la concertation, nous sommes à l’heure du bottom-up.
Seule, je ne suis rien. Place au collectif. EnI. L.
semble, nous serons forts. » ■
VOX FEMINA POUSSE LES EXPERTES DANS LES MÉDIAS
E
n France, 60 % des diplômés sont
des femmes, mais étonnamment,
lorsque les médias sollicitent
des experts, ils donnent à 80 % la parole
aux hommes. « Nous vivons, explique
Valérie Tandeau de Marsac, présidente
de Vox Femina, dans l’illusion d’un monde
où l’égalité hommes-femmes serait
effective. C’est un leurre. La réalité se
dévoile chaque jour à la télévision, la radio
et dans les journaux. On reste dans un
monde clivé. Le sujet n’est pas nouveau,
mais les médias persistent dans leur
aveuglement. Pour faire bouger les lignes,
il faut les rendre visibles. » C’est pourquoi
Vox Femina a entrepris, en partenariat
avec La Tribune, l’Académie France Médias
Monde, Orange et CNP Assurances,
de lancer le concours « Femmes en vue ».
Le principe est simple : vous êtes experte,
postez un selfie dans lequel vous mettez
en scène votre expertise. Un jury
de journalistes sélectionnera les
meilleures, leur fera bénéficier d’un media
training et réalisera avec elles une vidéo
qu’elles pourront utiliser pour faire valoir
leurs compétences ; cette dernière sera
diffusée sur le site Femmes en vue.
Mymajorcompany est également
de la partie et soutient l’opération :
l’entreprise souhaite lancer huit sessions
de media training pour révéler au grand
public 50 femmes expertes. Pour ce faire,
l’objectif est de collecter 2 000 euros
(ce qui représente 50 % du budget
pour réaliser la première session).
Les internautes recevront en contrepartie
des invitations à la soirée de remise
des prix des femmes en vue, en présence
des expert(e)s et des journalistes,
la possibilité d’assister à une séance
de media training et la visite des studios
d’enregistrement. ■
I. L.
POUR EN SAVOIR PLUS :
WWW.VOXFEMINA.ASSO.FR
© FOTOLIA
I 33
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Les comités exécutifs les plus féminisés
Top 10 des entreprises du SBF 120, en % de féminisation
LE FORUM DE LA MIXITÉ, UN ESPACE
DE RÉFLEXION PARTICIPATIVE
P
Source : Palmarès de la féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises / Ethics & Boards
Governance Analytics, Septembre 2014.
lents, pour leur premier emploi, elles
demandent en moyenne 5 000 euros de
moins par an que les hommes. Cette différence de salaire va les poursuivre tout
au long de leur carrière.
Dans les entreprises, le décrochage des
femmes intervient avec la naissance de leur
premier enfant. C’est à ce moment-là que
les entreprises perdent nombre de leurs
salariées. Les entreprises qui caracolent en
tête des performances en matière de féminisation l’ont bien compris. Il faut accompagner, car être mère et ambitieuse n’est pas
incompatible. Savoir jouer de la flexibilité,
du coaching organisationnel et mettre à
disposition des structures d’accueil profitent à tous. Aux salariés en général et à
l’entreprise en particulier. Puisque, là
encore les statistiques l’attestent, qui dit
diversité dit performance.
Indéniablement, des chantiers restent à
mener ; des résistances persistent. La réussite des femmes continue à susciter des
commentaires dépréciatifs sur le mode
« une femme qui réussit est trop ou pas assez ».
Des propos haineux et sexistes, ici et là,
nécessitent des rappels à l’ordre aussi bien
à l’Assemblée nationale que dans les médias.
Comme le démontre le Dictionnaire de l’école
des femmes, conçu et écrit par une trentaine
de cadres dirigeantes sous la direction de
Catherine Blondel, qui décortique de A à Z
ce qu’elles entendent au jour le jour, « d’ambitieuse à vulgaire en passant par autoritaire,
hystérique, trop masculine… », la discrimination, le harcèlement et la dévalorisation
sont encore des sujets d’actualité.
Le neuvième rapport mondial sur la parité
entre hommes et femmes publié mardi
28 octobre par le Forum économique mondial a refroidi celles qui s’imaginaient que
le combat était gagné. Cette recherche,
menée dans 142 pays, conclut qu’il faudra
attendre encore quatre-vingt-dix ans – soit
2095 – pour que nous puissions nous réjouir
d’une égalité réelle entre les femmes et les
hommes au travail.
AUX FEMMES DE PRENDRE
LEUR DESTIN EN MAIN
Certes, pour l’heure, la France peut s’enorgueillir, d’être passée de la 45e à la 16e place
en une année, mais pour combien de temps ?
La parité du premier gouvernement de
François Hollande, confirmée dans le gouvernement Manuel Valls II, a permis de faire
bouger les lignes. On ne peut que s’en satisfaire, mais l’ambition affichée en début de
quinquennat a perdu de sa superbe. Exit les
déclarations et la communication, les
femmes ne disposent plus d’un ministère à
part entière. Certes, bien sûr, Marisol Touraine veille, avec Pascale Boistard comme
secrétaire d’État, aux droits des femmes.
L’une et l’autre sont volontaires, mais, remaniement gouvernemental oblige, la cam-
our réussir à faire
avancer le sujet
de l’égalité, l’ensemble
des acteurs de l’entreprise
doit se mobiliser.
De la haute hiérarchie
aux directions
opérationnelles, en passant
par les RH, le marketing,
la communication
et l’innovation.
Pour réfléchir à la meilleure
manière d’y parvenir,
de comparer les bonnes
pratiques, d’échanger
les expériences, analyser
les échecs et les réussites
des uns et des autres, ici
et ailleurs, Carole Michelon
et Emmanuelle Gagliardi,
cofondatrices de Connecting
Women, organisent depuis
2011 le Forum de la mixité.
L’édition 2014 aura lieu
le 1er décembre au Forum
des images, à Paris.
L’an dernier, c’est autour
des neuf régions qui
proposaient des « territoires
d’excellence » qu’elles
avaient mobilisé la ministre
des Droits des femmes et un
parterre de professionnels.
Cette année, elles invitent
le grand public à participer,
écouter, échanger avec
80 experts et 85 réseaux
qui ont répondu présent. En
présence de Marisol
Touraine, de représentants
des pouvoirs publics,
d’entreprises, de chercheurs
et de penseurs, la journée
entière va s’articuler autour
de dix conférences, en accès
libre, pour réfléchir en
profondeur sur des sujets
aussi variés que la finance,
la santé, la performance, les
stéréotypes et le numérique.
Parallèlement, le forum
proposera une réflexion,
en accès payant, destinée
aux avocates et aux juristes
ainsi que cinq sessions
de formation pour faire
progresser sa carrière. ■
Inscriptions sur
www.forumdelamixite.com
© FOTOLIA
pagne pour la mixité des métiers qui avait
été actée, en partenariat avec l’organisation
Face, a pris six mois de retard.
Il reste donc aux femmes à prendre leur destin en main. Les initiatives, les conférences,
les publications, les mouvements foisonnent.
Pas une journée sans qu’un événement vienne
soutenir la cause des femmes. Le grand public
suit-il le mouvement ? Pas toujours. Le
chacun(e) pour soi prédomine. La solidarité
entre les femmes n’est pas toujours de mise.
Les mouvements s’opposent là où ils
devraient s’unir. Face aux querelles desaînées,
les jeunes ne se sentent pas véritablement
concernées. Question de vocabulaire et de
préoccupation quotidienne également. Seuls
le volontarisme de quelques-unes – comme
l’illustre l’initiative Happy Happening destinée à la « génération Y » –, le martèlement au
sein des entreprises et des réseaux, la mise en
valeur des exemples emblématiques, la pression des politiques permettront de parvenir
à une égalité indiscutable. En France, comme
l’avait affirmé Najat Vallaud-Belkacem, lors
du Global Summit of Women 2014, en juin
dernier, « la convergence des taux d’activité des
hommes et des femmes contribuerait à accroître
de 10 % l’économie de la France d’ici à 2030 ». ■
© DR
30%
Kering
30%
Club Méditerranée SA
30%
CGG Veritas
30%
Areva
33,3 %
Technicolor
33,3%
Orange
33,3%
JC Decaux SA
38,5%
CNP Assurances
42,9%
Sodexo
Icade
42,9%
Isabelle Kocher Symbole
de l’excellence à la française
Directrice générale déléguée, en charge des opérations, de GDF Suez
C’est elle, en qualité de numéro deux de GDF Suez, qui succédera d’ici
à deux ans à Gérard Mestrallet à la présidence du géant énergétique.
R
igoureuse, courageuse, inspirée…
Isabelle Kocher est le prototype
même de l’excellence à la française. À 48 ans, tout nouvellement
désignée successeur de Gérard Mestrallet à
la tête de GDF Suez, celle que l’on surnommait jusqu’à peu « la discrète » attaque ce
défi, avec calme, humilité et conviction. Son
ambition ? Faire du groupe français un leader du monde de demain, un acteur majeur
de la transition énergétique non seulement
en Europe mais aussi dans tous les pays en
forte croissance, en Asie particulièrement.
L’enjeu est de taille, mais ne semble pas
l’impressionner.
Née en décembre 1966 à Neuilly-sur-Seine,
de l’union d’un cadre dirigeant et d’une catholique érudite passionnée par les Saintes
Ecritures, c’est presque naturellement
qu’Isabelle Kocher est entrée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Et qu’inspirée par l’astrophysicienne et astronaute
américaine Sally Ride, elle est reçue première à l’agrégation de physique. Mais il en
faut plus pour satisfaire son appétit de savoir et pouvoir passer de la paillasse de la
recherche à la complexité productive de
l’ingénierie. Cap donc sur l’École des Mines
pour ensuite faire ses armes dans l’industrie
chez Safran puis se frotter aux fusions et
acquisitions à la banque Rotschild.
Désireuse de faire quelque chose de sa vie,
mère de cinq enfants, Isabelle Kocher ne le
cache pas, elle a grandi et développé une
sympathie à gauche, sans pour autant s’encarter au parti socialiste. Conseillère industrielle de Lionel Jospin quand il est à Matignon entre 1999 et 2002, elle acquiert sa
légitimité auprès de ses pairs par les capacités de travail et la rigueur (certains sont impressionnés par sa rigidité scientifique,
d’autres pointent sa froideur intellectuelle)
dont elle fait preuve sur des dossiers aussi
difficiles que la création d’Areva ou la naissance du fonds de démantèlement du CEA.
Au lendemain de la débâcle du 21 avril 2002,
c’est Patrick Buffet, ancien conseiller industriel de François Mitterrand à l’Élysée, qui la
fait entrer à Suez. « La discrète » avance pas
à pas, mais, très vite, on la remarque pour
ses analyses et sa puissance de travail. En
2007, quand Bertrand Delanoé décide de
récupérer la gestion des eaux de Paris, Suez
perd alors un des marchés historiques ; Gérard Mestrallet lui donne pour mission de
réinventer le marché de la gestion des eaux
de sorte qu’elle soit à l’avenir considérée
comme un facteur clé du développement
durable. Sept ans plus tard, le succès est là.
Et Isabelle Kocher n’a jamais cédé aux sirènes extérieures qui lui promettaient gloire
et argent, comme à Areva ou Bpifrance. Elle
a choisi de poursuivre sa carrière auprès de
celui qui est devenu son mentor, Gérard
Mestrallet.
Sa stratégie aujourd’hui s’avère gagnante. La
directrice générale adjointe chargée des finances depuis 2011, mais aussi administratrice de Suez Environnement, d’International Power et d’Axa, a fini par évincer
Jean-François Cirelli, l’ex-président de Gaz
de France. C’est elle désormais la numéro
deux du groupe et c’est elle qui, au printemps 2016, à l’aube de ses 50 ans, sera la
première femme PDG d’un groupe du
I. L.
CAC 40. Chapeau bas. ■
34 I
WOMEN’S AWARDS
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
© PIERRE WAYSSER
Delphine
Ernotte-Cunci
La connectée
Directrice générale adjointe d’Orange France
Centralienne au royaume des X-Télécoms, son nom a
été cité pour prendre un jour la tête d’Orange. Delphine
Ernotte-Cunci gravit les échelons tout en s’impliquant
pour la cause des femmes en créant Innov’Elles.
P
lus encore que Stéphane Richard, le PDG
d’Orange, c’est elle, Delphine ErnotteCunci, qui a incarné la solidité de l’opérateur historique pendant le tsunami Free
Mobile en 2012, par sa capacité à tenir le choc face
à l’arrivée fracassante du nouvel entrant qui a
bousculé les acteurs en place. Affichant sa sérénité
et sa détermination, toujours avec le sourire, la directrice exécutive d’Orange France a tenu fermement la barre de ce paquebot de 80 000 salariés,
aux deux tiers fonctionnaires, tout juste remis de
la terrible « crise des suicides. » Ce pur produit
France Télécom, où elle est entrée en 1989 comme
analyste financier, a su lui faire traverser ces turbulences, sans trop d’encombre, en soudant les
équipes et en leur redonnant l’envie d’en découdre.
ORANGE : SOUS LE SIGNE
DU LEADERSHIP AU FÉMININ
De quoi définitivement asseoir sa légitimité, elle, la
centralienne au royaume des X-Télécoms. Au
point que son nom se murmurait il y a quelques
mois pour succéder à Stéphane Richard en cas
d’empêchement judiciaire dans l’affaire de l’arbitrage Tapie-Adidas-Crédit lyonnais. « Une femme
PDG d’une boîte du CAC 40, ça aurait de l’allure », se
prêtait à imaginer à l’époque un haut fonctionnaire
à Bercy. C’est d’ailleurs Stéphane Richard qui a
Les métropoles
Fatima Bellaredj
MONTPELLIER
ANTHONY REY
© DR
Cofondatrice de Bime
© FLORENT GARDIN
Rachel Delacour
Aux manettes de Bime, Rachel Delacour est un visage dans le
nuage, au centre d’une révolution : le cloud computing. Une ère
nouvelle où l’informatique se dématérialise pour être consommée
au besoin. Bime s’est hissée au sommet de cette vague en
anticipant le boom de la business intelligence (ou BI, informatique
décisionnelle, ndlr), un marché générant 15 milliards de dollars par
an. Elle est une des seules start-up du secteur à proposer ses
services en mode cloud (sur serveurs distants). Créée en 2009 à
Montpellier sous le nom administratif de WeAreCloud, la société
a signé ses premiers clients en 2010, et bouclé ses premières levées
de fonds en 2011, puis en 2013. Le succès de sa solution Bime a
poussé la start-up à adopter ce nom pour l’imposer, notamment
aux États-Unis, où elle a ouvert une agence à Kansas City l’an
passé. L’avènement de Bime signale une nouvelle façon de
modéliser l’entreprise. « En passant par l’infrastructure de providers
comme Google ou Amazon, Bime arrive à surdistribuer son offre
par rapport à ce qu’on prévoyait,
analyse Rachel Delacour. On a pu
se structurer d’emblée comme
une grosse entreprise. Je suis
passionnée par le saut
technologique actuel. » Sans
surprise, elle s’est impliquée dans
la candidature de Montpellier
Méditerranée Métropole pour la
labellisation French Tech,
décrochée le 12 novembre. ■
DES BOSS
ET DES OVOCYTES…
Directrice de l’URSCOP-LR
Féministe militante côté
face, Fatima Bellaredj
débroussaille, côté pile,
le secteur de l’innovation
sociale, encore en friche
il y a peu. Sa devise est la
suivante : « Ensemble, c’est
mieux ! » Directe et sans
artifice, la directrice
de l’Union régionale des
sociétés coopératives
et participatives (URSCOPLR) depuis janvier 2014 est
une femme engagée qui
porte ses combats avec la
simplicité des justes.
Arrivée de la région du
Nord à Montpellier il y a
quinze ans, elle a mis un pied dans l’économie sociale et
solidaire (ESS) en intégrant une scop, et a été la cheville
ouvrière d’Alter’Incub, un incubateur d’entreprises centrées sur
l’innovation sociale dont il n’existait encore aucun modèle en
France. Mais Fatima Bellaredj n’est pas du genre à tirer la
couverture à elle. « Je suis partisante du renouvellement dans
les fonctions électives. C’est important de se dire qu’on a fait
son temps. Sinon, les choses se sclérosent. » Un principe qu’elle
applique aussi dans son engagement militant. Celle qui carbure
aux valeurs humanistes se qualifie sans détour de féministe, et
défend l’éducation populaire, a été bénévole pendant quinze
ans et présidente pendant sept au planning familial de l’Hérault.
Elle qui « ne raterait jamais un vote » a aussi goûté de la
politique en s’engageant sur l’une des listes aux dernières
élections municipales. ■
CÉCILE CHAIGNEAU
propulsé cette femme de terrain plutôt discrète
sans être effacée, accessible tout en gardant ses
distances, au comité exécutif en 2010, en la nommant directrice adjointe d’Orange France avant de
lui en confier l’entière responsabilité opérationnelle un an plus tard. Elles sont quatre femmes au
comité exécutif sur douze membres. Delphine Ernotte-Cunci ne transige pas sur la parité. Elle a
d’ailleurs créé Innov’Elles, un réseau interne de
femmes, et s’agace parfois du « sexisme ordinaire »
auquel il lui arrive d’être confrontée dans une entreprise encore majoritairement masculine. Celle
qui rêvait, petite fille, d’être archéologue, doit surtout son ascension à ses compétences, reconnues,
son expérience de terrain et sa qualité d’écoute,
mais elle cite volontiers le coup de pouce de JeanPaul Cottet, à l’époque directeur d’Orange, qui lui
a « changé la vie » professionnelle en lui donnant
sa chance dans l’opérationnel. Et c’est Thierry Breton, alors PDG, qui l’a repérée parmi les hauts potentiels et lui a confié en 2004 une grosse direction
régionale, Centre Val de Loire, alors qu’elle n’a pas
40 ans. Ayant pour mots d’ordre le pragmatisme, le
respect et le collectif, cette mère de deux adolescents pilote aujourd’hui une entité générant
quelque 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires
— cinq fois celui de Free. Très demandée, elle siège
aussi aux conseils d’administration de Suez Environnement, de l’École Centrale Paris et de l’étaDELPHINE CUNY
blissement artistique le 104. ■
E
n annonçant, en octobre dernier, leur intention
de proposer à leurs salarié(e)s la possibilité
de financer la congélation de leurs ovocytes
pour retarder leur grossesse et ainsi mieux faire carrière,
Apple et Facebook ont fait défaillir nombre de féministes,
penseurs, chefs d’entreprise et autres sociologues.
Quarante ans après les mouvements de libération
des femmes, qui ont proliféré simultanément en France,
en Europe et aux États-Unis pour revendiquer le droit
de disposer de leurs corps, serions-nous dans le monde
d’Orwell ? À l’heure de Barbarella ? Est-ce désormais
aux entreprises d’intervenir auprès de leurs salariées
pour déterminer quand elles devraient être mères ?
Où commence et où s’arrête la frontière entre vie privée
et vie professionnelle ? Déontologiquement, malgré
l’allongement de la durée de vie prouvé par
les scientifiques, le sujet ne paraît pas défendable. Être
mère et faire carrière ne serait donc pas compatible ?
Sherryl Sandberg, la directrice des opérations (COO)
de Facebook, mondialement saluée pour son best-seller
Lean In (Bougez-vous),
cautionne-t-elle cette idée ?
Difficile à croire. En France,
Marisol Touraine, ministre
des Affaires sociales, de
la Santé et des Femmes, a
balayé le débat d’un trait :
« La congélation des ovocytes
n’est certainement pas
un débat pour directeurs
de ressources humaines. » ■
© FOTOLIA
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(1)
(3)
36 I
WOMEN’S AWARDS
© DR
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Les métropoles
© DR
TOULOUSE
Carole Léonard
Directrice générale de Teknimed
Son goût de la création, Carole Léonard, directrice
générale de la société Teknimed, spécialisée dans les
biomatériaux implantables pour la chirurgie, le tire de
son enfance. « Je rêvais d’imaginer, de développer, de
construire et de concrétiser des objets, des
innovations », confie-t-elle. Un rêve que cette architecte
titulaire d’un MBA en management de projets traduira
tout d’abord pendant dix ans dans le secteur de la
construction. Avant de choisir de reprendre l’entreprise
familiale en 2011. « J’ai décliné un poste de directrice
d’agence pour Eiffage Monaco pour rejoindre mon père
à la direction de Teknimed », explique-t-elle.
Aujourd’hui, la société de biomatériaux innovants
fournit 40 % du marché mondial des ciments destinés
à la chirurgie de la colonne vertébrale. Elle est le seul
fabricant à cumuler quatre savoir-faire : polymères
résorbables, textiles, ciments acryliques et phosphates
de calcium. L’entreprise de 45 salariés, présente dans
120 pays, réalise 90 % de son chiffre d’affaires
(8 millions d’euros en 2013) à l’international et
enregistre une croissance annuelle de 15 %. La plus
grande fierté de Carole Léonard ? « Que l’esprit familial
de l’entreprise perdure malgré l’intégration des
préceptes de management d’autonomie, d’organisation
et de gestion. » ■
ALEXANDRE LÉOTY
Nathalie Andrieux
L’impératif de la réussite
Directrice générale adjointe de La Poste, présidente de Mediapost Communication
Cette ingénieure en informatique conduit la révolution de l’une des plus
vieilles entreprises françaises sur la voie du numérique et de l’Internet.
C’est loin d’être un job facile.
© DR
N
athalie Andrieux est une femme
de conviction. Son credo ? Les
entreprises ont été conçues par
des hommes pour des hommes.
Pour changer les mentalités et faire progresser les femmes dans les instances dirigeantes, il faut tout bonnement modifier les
organisations et faire évoluer les mentalités. Qu’il s’agisse de recrutement, de promotion, de management ou d’accompagnement de carrière, c’est à tous les niveaux
que cette ingénieure, née en 1965 et diplômée en 1988 de l’École supérieure d’information Supinfo, souhaite intervenir.
Agnès Timbre
Directrice générale de Celso
« Vouloir, c’est pouvoir. » Ces mots, Agnès Timbre,
directrice générale de la société Celso — spécialisée
dans la transformation de mousses pour
l’aéronautique, le médical et l’industrie — les a faits
siens depuis longtemps. Pendant ses études
d’ingénieure, elle faisait déjà ses armes au sein de
l’entreprise familiale implantée à Bressols. Avant de
racheter finalement la société industrielle à son père
en 2006. Un passage de témoin que cette
perfectionniste a d’ailleurs tenu à préparer avec le
plus grand sérieux. « Je me remets beaucoup en
question, confie-t-elle. Avant le rachat, j’ai suivi une
formation en gestion de PME. Et depuis cinq ans, je
suis très impliquée au sein du club APM [Association
progrès du management, ndlr]. Pour moi, le
management n’est pas seulement technique.
L’humain est un atout majeur ». Aujourd’hui, cette
mère de deux enfants, à la tête d’une entreprise de
45 personnes générant 8 millions d’euros de chiffre
d’affaires, se dit fière du chemin parcouru. « Dans le
monde entier, tous les pilotes des avions fabriqués
par Airbus sont assis sur nos coussins ! », sourit-elle.
Son prochain challenge : « Préparer autour de moi
ceux qui vont reprendre le flambeau, afin d’assurer
la pérennité de l’entreprise. » ■
A.L.
À LA POSTE, LE NUMÉRIQUE
EST UN DÉFI CULTUREL
Sa réussite personnelle est exemplaire.
Après avoir débuté sa carrière dans le
groupe des Banques populaires, elle a rejoint le groupe La Poste en 1997. Aujourd’hui, elle en est l’un des piliers,
puisque en qualité de directrice générale
adjointe, directrice du numérique pour
l’ensemble du groupe et présidente de
Mediapost Communication, elle supervise le devenir de cette colossale entreprise à l’heure du numérique. Son job est
stratégique. Il s’agit ni plus ni moins d’accompagner et de transformer l’une des
plus vieilles entreprises françaises (née au
xve siècle avec le relais de poste) sur la
voie du xxie siècle et de convaincre les
267 000 salariés que l’avenir tend vers la
technologie des mégadonnées notamment, et donc la modification en profondeur de la relation avec les clients de La
Poste. Face à la chute des volumes des activités traditionnelles, dont la distribution
du courrier (– 6 % par an) et la concurrence des entreprises privées, l’entreprise
n’a pas d’ alternative, il lui faut accélérer
sa mutation et son adaptation face aux
nouveaux modes de vie.
Elle est la première surprise de la rapidité
et de l’ampleur de la pénétration d’Inter-
net en France. En avril dernier, le baromètre de la confiance de La Poste réalisée
par TNS Sofres démontrait point par
point la relation des Français avec le numérique. « Le résultat est sans ambiguïté.
Huit Français sur dix sont des internautes.
Avant, on disait que l’on se connectait. Aujourd’hui c’est indéniable, nous sommes
connectés. Et plus nous sommes connectés,
plus nous en redemandons. » Internet a
changé nos vies. Et particulièrement celle
des femmes. Qu’il s’agisse de faire ses
courses, des relations avec les administrations, de la réservation de ses vacances, le
digital a tout chamboulé. Malgré vents et
bourrasques, un emploi du temps qui la
mobilise quasi 24 heures sur 24, mère de
quatre enfants, membre du Conseil national du numérique depuis 2003, Nathalie
Andrieux poursuit sa mission avec conviction et détermination : le numérique est
un des relais de croissance essentiels de
La Poste. Elle n’a pas d’autre choix ; il lui
I.L.
faut réussir. ■
RENCONTRES AU SOMMET, EN BIRMANIE
P
our la deuxième année d’affilée,
le Women’s Forum repart à l’aventure
en créant un nouveau mini-forum
en Birmanie, les 5 et 6 décembre, avec
une journée à Naypyidaw et une autre
à Rangoun. L’affaire n’est pas simple.
Alors que les dirigeants birmans président
cette année l’ASEAN, désireux d’ouvrir leur
pays à l’économie de marché et d’attirer
à moyen terme autant de touristes qu’en
Thaïlande, 200 participants se sont d’ores
et déjà inscrits à la manifestation. L’an
dernier, en présence de Christine Lagarde,
directrice du FMI, la première édition avait
été qualifiée d’historique. Dans les salles,
il est vrai devant un parterre d’invités
prestigieux venus d’Europe,
600 personnes écoutaient subjuguées
des femmes et des hommes, en particulier
les jeunes, prendre la parole librement,
interpellant ici et là les représentants
de l’État sur les questions sociales, de
droit à l’éducation, d’égalité des chances,
etc. Qu’en sera-t-il cette année ? Pour
la première fois, le président lui-même,
le général Thein Sein et Aung San Suu Kyi,
Prix Nobel de la paix 1991, députée
de la Ligue nationale pour la démocratie,
siégeront côte à côte pour débattre,
en ouverture, sur les opportunités et
les difficultés d’une société en transition.
L’événement ne manquera pas de piquant
et d’intérêt diplomatique. Et ce d’autant
que dans la salle Emma Bonino, ancienne
commissaire européenne aux côtés
d’Annick Girardin, secrétaire d’État au
Développement et à la Francophonie, et
de Valérie Pécresse, députée UMP
des Yvelines, répondront en direct aux
questions et aux interrogations des un(e)s
et des autres. À suivre, donc. ■
I.L.
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38 I
WOMEN’S AWARDS
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Vanessa Lyon Ensemble, on fait plus !
Directrice associée au BCG, Paris
Vanessa Lyon est une femme épatante, passionnée, enjouée pour des sujets aussi arides que les systèmes
d’information et les SAT. En qualité de directrice associée au bureau de Paris, c’est elle qui orchestre
la féminisation de la société d’audit et de conseil à l’échelle mondiale.
D
© DR
iplômée de l’École polytechnique (promotion 1995) et de
l’École nationale des ponts et
chaussées (promotion 2001),
elle conseille de grandes entreprises sur
la transformation de leurs départements informatiques, la gestion des
grands projets et la digitalisation des
processus. L’idée, anticiper, rationaliser
pour en faire non seulement de meilleur facteur de productivité et de réactivité. Convaincue, elle en a même fait un
livre, intitulé Se transformer ou disparaître : le darwinisme de l’IT, paru en
2010, aux Éditions Lignes de repères
aux côtés d’Antoine Gourévitch et
d’Éric Baudson, respectivement directeur associé senior et directeur expert
au Boston Consulting Group.
PROMOTION DES FEMMES
AU BCG : UN ENJEU CRUCIAL
Les métropoles
BORDEAUX
Anne-Sophie Catherineau
A
DG des établissements Catherineau
© DAVID THIERRY
© FOTOLIA
FEMMES, LIBERTÉS
ET RELIGIONS
lors que le pape François
s’est engagé à augmenter
le nombre de femmes
parmi les décideurs de l’Église,
suscitant la critique
des traditionalistes, dans
de nombreux pays, sur les zones
de conflits, les femmes sont
les premières victimes des
extrémistes religieux. Théorie
du genre, éducation, port
du voile, liberté de circuler, viols collectifs et prises
de guerre… Toutes les religions sont concernées. Dans
leurs prêches, les conservateurs voudraient cantonner
les femmes au foyer. Tel le rabbin Shalom Cohen, chef
spirituel du parti israélien Shass, déclarant que les
« jeunes étudiantes ne devraient même pas songer à
suivre des études quel que soit leur domaine, parce que
ce n’est pas la voie de la Torah… », Dès lors, quantité
d’entre elles, comme en Irak, s’engagent contre les
radicaux. Au risque de leur vie. L’attribution du prix
Nobel de la paix 2014 à la Pakistanaise de 17 ans Malala
Yousafzai illustre la volonté des humanistes de s’opposer
aux barbaries faites aux femmes. Le phénomène
va grandissant et s’intensifie dans le monde entier.
Pour en savoir plus et suivre l’actualité, avec un regard
distancié et une analyse fine de l’évolution des faits
religieux, Sophie Gherardi (ancienne journaliste
au Monde des religions, Courrier international et
La Tribune) a lancé en 2012 le site fait-religieux.com.
C’est une mine d’enseignements et de réflexions. ■ I.L.
© DR
Après avoir fait ses premiers pas sur
l’optimisation logistique des chaînes de
montage des maquillages Lancôme et la
refonte des SAT pour L’Oréal, Vanessa
Lyon a rejoint le monde du conseil par
amitié, au Boston Consulting Group.
C’était en 2005. J’aimais l’idée de me
lancer dans des missions d’environ trois
mois et, au fur et à mesure, de me frotter
à des business models aussi variés que
les véhicules électriques ou la restructuration des contrats d’une chaîne de magasins franchisés.
Référente en matière de technologies de
l’information, Vanessa Lyon anime également, depuis 2012, et le bureau de Paris
la Women’s Initiative, le réseau mondial
visant à promouvoir la place des femmes
au sein du BCG.
« Au début des années 2000, Boston
Consulting Group comptait à peine 10 %
de femmes. En 2006, nous avons lancé un
plan d’actions ambitieux pour féminiser le
plus rapidement possible à hauteur de 30 à
35 % nos instances. La première femme Partner a été nommée en 2007, aujourd’hui
nous sommes cinq à la direction à Paris
(notre plus gros bureau) et 30 % de nos
chefs de projet sont des femmes. »
« J’ai été élue partner, en juillet 2013, alors
même que j’étais enceinte de six mois et que
j’allais accoucher en novembre. J’ai eu mes
trois enfants à la suite en quatre ans. Cela
correspond tout à fait à l’esprit Boston
Consulting Group. Dans ce monde du
conseil et de l’audit, nous avons un sens de
l’équipe et du collectif. Chacun pousse les
sujets qui lui sont plus proches dans une logique collective. »
Le plan d’actions pour attirer les jeunes
diplômées est ambitieux. BCG organise
des soirées, des dîners et des tables
rondes chaque année dans les plus
grandes écoles (École polytechnique,
HEC, Essec, Sciences Po, ENS…) et
tous les deux ans, dans un amphithéâtre, une séance magistrale. La centaine de consultantes qui travaillent
pour BCG est coachée dans leur carrière. « Ici, pas de réunion à des heures
indues. On devrait bientôt atteindre 30 à
35 % sans pour autant jamais déroger à un
principe clé : pas de discrimination positive. Ça prendra le temps que ça prendra.
Il nous faut déployer un cercle vertueux et
I.L.
sortir du cercle vicieux. » ■
À seulement 33 ans, elle travaille pour les « grands » de ce
monde : émirs, stars, puissants patrons et chefs d’État. Depuis
trois ans et demi, Anne-Sophie Catherineau dirige d’une main de
maître le leader européen dans l’aménagement des avions VIP.
L’entreprise familiale affiche désormais 9,5 millions d’euros de
chiffre d’affaires et vient d’atteindre le cap des 100 salariés.
« J’avais 14 ans quand mon père m’a demandé de reprendre la
société familiale, fondée en 1750 », raconte-t-elle. Diplômée de la
prestigieuse École nationale des arts et métiers et d’un MBA
gestion des entreprises, Anne-Sophie Catherineau a commencé
par s’illustrer à Louis Vuitton en 2005, comme contrôleuse de
gestion. Puis elle a intégré à 24 ans la société, d’abord comme
chargée d’affaires pour le
client Eurocopter, avant de
prendre en charge la
branche aménagement
intérieur VIP et de piloter,
avec brio de 2009 à 2011, le
transfert vers la nouvelle
usine de 4 600 m2 à SaintMédard-en-Jalles. Pleine de
p ro j e t s , A n n e -S o p h i e
Catherineau, qui a su
s’imposer dans le milieu très
masculin de l’aéronautique,
songe désormais à se
diversifier dans la rénovation
de yachts de luxe. ■
N.C.
Agnès Grangé
Déléguée à La Banque postale, en Aquitaine
« La révolution numérique bouleverse tous les métiers et impacte
la relation client », explique Agnès Grangé, 44 ans. Ingénieure en
management des produits financiers de formation, la déléguée du
groupe La Poste en Aquitaine est passionnée par les technologies
digitales et s’est illustrée dans l’entreprise par sa capacité à
accompagner le changement. Notamment lors de la délicate
création de La Banque postale. Dotée d’une vraie « capacité à
vulgariser les usages du numérique pour le grand public », appréciée
dans le tissu économique local, élue au bureau du CESER (Conseil
économique social et environnemental régional), elle est devenue
le fer de lance de la candidature de Bordeaux au label French Tech.
Lauréate dans la catégorie Manageur de La Tribune Women’s
Awards 2014 en Aquitaine, elle promeut les méthodes collaboratives,
le rapprochement entre PME et grands groupes dans le secteur du
numérique. La déléguée de La Banque postale en Aquitaine dirige
habilement pas moins de 16 000 personnes, dont la direction
informatique des services financiers. ■
N.C.
I 39
© ANTOINE DOYEN
LA TRIBUNE - VENDREDI 17 OCTOBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Les métropoles
© DR
NANTES
Carine Chesneau,
PDG de Lambert-Manufil
Responsable de la banque de détail de BNP Paribas en France
Marie-Claire Capobianco est la preuve que le fameux plafond de verre
auquel se heurtent nombre de femmes aspirant à de hautes fonctions
n’est pas une fatalité.
E
n janvier 2012, cette « quinqua »
ultraélégante, qui a fait toute sa
carrière chez BNP Paribas, fut
non seulement bombardée à la
tête des réseaux France, l’une des activités les plus importantes de la première
banque de l’Hexagone, mais devint également la première femme à entrer au sein
du comité exécutif du groupe. Une ascension d’autant plus spectaculaire que
Marie-Claire Capobianco n’a pas le pedigree classique des dirigeants de banque,
nombreux à être X-Mines ou énarques,
elle qui s’est faite toute seule. « Ma légitimité vient de ma connaissance intime du
métier de la banque de détail, des équipes et
des clients », confiait à La Tribune Hebdo
du 8 juin 2012 celle qui a débuté au sein
de l’agence bancaire de la rue Saint-Ferréol, à Marseille, dès la fin des années
1970, parce qu’elle voulait être « autonome financièrement. »
Alors chargée d’affaires auprès des entreprises, Marie-Claire Capobianco en
concevra un goût profond pour l’entrepreneuriat. Ce qui lui fera relever avec
enthousiasme, en 2002, le défi de mettre
sur pied l’activité de banque privée (gestion de patrimoine) de BNP Paribas, un
projet qui « sera un peu [sa] start-up » à
elle. Un peu de chance – Marie-Claire
Capobianco n’est pas du genre à se vanter –, beaucoup de travail, une détermination sans faille et la capacité à profiter
de petits bonheurs quotidiens, comme la
lumière sur les ponts de Paris : tels sont
les ingrédients qui ont permis à cette
autodidacte de s’imposer dans un secteur
qui compte peu de femmes à de très
hauts postes.
ENTREPRENEURIAT FÉMININ :
OSEZ ET LANCEZ-VOUS !
Justement, quelle dirigeante pense-t-elle
être, elle qui chapeaute quelque 31 460
collaborateurs, soit plus de la moitié
(52 %) des effectifs de BNP Paribas en
France ? « Je suis un manager exigeant mais
chaleureux, je crois. J’essaie de donner à mes
équipes l’envie d’avancer, de les accompagner », témoignait Marie-Claire Capobianco dans La Tribune Hebdo du 8 juin 2012.
« Il faut avoir confiance dans ses propres capacités, défendre ses convictions, oser, faire
preuve d’ouverture d’esprit », insistait-elle
alors. Son expérience et sa réussite professionnelles, Marie-Claire Capobianco
souhaite les transmettre : en mars, elle a
publié aux Éditions Eyrolles, avec Martine Liautaud, présid ente de la banque
privée Liautaud & Cie, Entreprendre au
féminin - Mode d’emploi, un guide pratique
destiné aux femmes qui souhaitent devenir chefs d’entreprise. Ce que sera peutêtre un jour le cas de Marie-Claire Capobianco. N’occupe-t-elle pas aujourd’hui le
poste qui était, il y a un peu plus de six
ans, celui de Jean-Laurent Bonnafé, aujourd’hui directeur général de BNP PariCHRISTINE LEJOUX
bas ? ■
LES FEMMES S’ÉPANOUISSENT-ELLES DANS LA FINANCE ?
D
epuis 2011, la fédération
des femmes dans la finance,
Financi’Elles, soutient
la promotion féminine dans le secteur
de la finance. En septembre dernier, elle
a présenté son étude 2014. Résultats ?
Si des progrès sont visibles, les avancées
restent lentes. Mais plus on grimpe
dans la hiérarchie, plus on observe
de différences. Dans les instances
dirigeantes, les hommes dominent
à 95 %, contre 61 % à N—1 et N—2,
57 % à N—3 et N—4 alors qu’en début
de carrière, hommes et femmes sont
à quasi-égalité. Le décrochage apparaît
à l’âge de la maternité. Les femmes
déclarent à 65 % vivre leur grossesse
comme une difficulté alors que seuls
33 % des hommes y voient un problème.
Point positif : 85 % des femmes sont
de plus en plus nombreuses à déclarer
que la situation de l’égalité
professionnelle dans l’univers de
la finance s’améliore (+ 3,4 %). Et bonne
nouvelle, les actions mises en place
depuis 2011, grâce aux textes de loi
et aux actions des réseaux, aboutissent
à un vrai changement de perception :
57 % (contre 46,7 %) considèrent que
leurs entreprises sont de plus en plus
enclines à confier des postes
à responsabilité aux femmes. ■ I.L.
www.fiancielles.org
© OLIVIER EZRATTY
Marie-Claire Capobianco
L’autodidacte
Elle y faisait des remplacements l’été, mais n’avait pas
imaginé en prendre la direction un jour. Il y a cinq ans
pourtant, Carine Chesneau prend les rênes de
l’entreprise familiale Lambert-Manufil, fondée à
Couéron (44) en 1924 par son arrière-grand-père. Une
PME industrielle de 60 personnes (chiffre d’affaires de
14 millions d’euros) spécialisée dans la fabrication de
clous, de fils d’acier et le négoce de clôtures pour les
paysagistes ! « J’avais envie de prendre mon destin en
main », dit-elle. En 2002, après des expériences dans
l’accompagnement de dirigeants pour la transmission
d’entreprise et dans le transport, elle entre comme
directrice administrative et financière. Très vite, elle
change le système informatique, revoit l’organisation…
Sept ans plus tard, à la direction générale, elle équipe
les commerciaux d’outils numériques, fonde deux
agences en Bretagne et investit dans la R&D pour créer
son propre produit : une clôture innovante. Cette
stratégie compense ainsi les difficultés liées aux
importations de clous. « Aujourd’hui, mon quotidien,
c’est la mise en place de la méthode de management
Lean et la modernisation de l’outil de production. Pour
continuer à faire du made in France », souligne la
nouvelle présidente du CJD (Centre des jeunes
dirigeants) de Nantes. ■
F. T.
Séverine Pirault,
Cofondatrice d’Intuiti
et de Keople
Dix ans après avoir créé l’agence nantaise de conseil
en tactique digitale Intuiti avec deux associées,
Séverine Pirault vient de lancer Keople. Une start-up
vouée à acculturer les salariés et dirigeants aux
enjeux et à la pratique du numérique. « Surtout, on
va mesurer la maturité numérique des entreprises
et des organisations », s’enthousiasme la jeune
entrepreneure, désireuse de se lancer dans une
nouvelle aventure en solitaire. En 2004, déjà, ce
goût pour l’entreprenariat avait incité cette
spécialiste du référencement naturel à voler de ses
propres ailes. « J’avais des compétences assez rares
à l’époque que j’avais envie de mettre au service des
PME », indique la directrice administrative et
financière d’Intuiti. Veolia, La Mie câline, les
thalassothérapies de Carnac... lui font appel pour
gagner en visibilité. Associée à Arnaud Chaigneau
et Vincent Roux, elle développe des unités d’études
(Personae User Lab) et de veille métiers
(Serenpedia). L’agence réalise un chiffre d’affaires
de 3 millions d’euros. Impliquée dans les réseaux
pour l’égalité homme-femme, le CJD ou l’association
100 000 entrepreneurs pour transmettre la culture
d’entreprendre dans les écoles, Séverine Pirault mise
aujourd’hui sur Keople pour déverrouiller les
blocages liés au numérique. ■
F.T.
40 I
WOMEN’S AWARDS
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
© ANTOINE DOYEN
Isabelle Kuster
La méritocratie
pour toutes
et tous !
Directrice générale des opérations et des systèmes
d’information de McDonald’s France
Cette membre du conseil d’administration
de McDonald’s France qui a commencé
en tant qu’assistante en restaurant a suivi
toutes les étapes au sein de la société américaine
pour parvenir au sommet.
S
’il est une entreprise où la question
de l’égalité femmes-hommes et de
la féminisation des directions ne se
pose pas, c’est bien à McDonald’s.
Dans un système de promotion à la méritocratie, purement à l’américaine, la devise est « que le meilleur gagne ». Fille ou
garçon, peu importe. Isabelle Kuster illustre à merveille ce propos. Titulaire
d’une licence d’allemand, diplômée de
l’EBS (European Business School) à Paris,
la directrice générale des opérations et
des systèmes d’information a comme des
milliers d’autres jeunes débuté dans la
chaîne de restauration rapide en bas de
l’échelle, comme assistante en restaurant,
avant d’être promue un an plus tard (en
1986) directrice d’un restaurant. Comme
le veut là encore la culture de cette entreprise, elle a peu à peu grimpé dans la hiérarchie jusqu’à rejoindre le siège en 1992
pour prendre en charge les opérations na-
LILLE
Véronique Laury
© DR
Kingfisher
En janvier 2015, Véronique Laury remplacera Sir Ian Cheshire à la
direction générale du groupe Kingfisher dont font partie les
enseignes B & Q, Castorama, Brico Dépôt et Screwfix. Un groupe
international qui génère un chiffre d’affaires annuel de près de
14 milliards d’euros. Elle sera la cinquième femme à diriger un
groupe du FTSE-100, l’indice britannique des valeurs boursières
londoniennes vedettes. Comment a-t-elle réussi à briser le plafond
de verre auquel beaucoup de femmes se heurtent dans les grandes
entreprises ? À cette question, Véronique Laury répond qu’elle n’a
rien fait différemment des hommes. « Je dois mon ascension à mon
tempérament. Depuis mon enfance, je suis quelqu’un de passionné. »
Son parcours hors du commun pour une femme dans le monde du
bricolage y est sans doute aussi pour beaucoup. Entrée il y a onze
ans chez Castorama après avoir passé quinze ans chez Leroy
Merlin, cette diplômée de Sciences Po Paris a vite gravi les échelons.
Après avoir géré les marques
Castorama et Brico Dépôt, puis
assuré la direction commerciale
de la branche britannique B & Q
du groupe, elle a pris la tête de
Castorama France en mars
2013. À ce poste, elle a réussi à
faire croître le chiffre d’affaires
de l’enseigne dans une
conjoncture plutôt défavorable.
Comment ? En s’attelant à la
tâche avec passion… ■ G. H.
Frédérique Grigolato
Clic and Walk
« Être femme et noire n’a
pas freiné ma carrière
professionnelle. Je ne l’ai
jamais ressenti », affirme
tout de go cette mère de
famille de quatre enfants
à l’origine d’une des dix
start-up les plus innovantes
au monde en 2014 selon
l’Unesco. Avant cette
aventure entrepreneuriale,
Frédérique Grigolato avait
quitté son poste de salarié
faute d’avancement à
sa mesure. Après vingt
ans passés en grande
distribution jusqu’à devenir
chef de groupe achats à Castorama, cette Lilloise d’origine décide
de concrétiser un de ses rêves : créer son entreprise sur un
concept innovant en vue de la faire grossir à l’international. Avec
un designer, elle lance une première société, All Trends, de conseil
en création de produits de grande consommation. Mais le métier
est trop artisanal pour elle. En février 2012, elle crée Clic and Walk,
un service de collecte d’informations recueillies en temps réel par
les consommateurs à l’aide de photos ou de vidéos prises sur leur
smartphone. En moins de deux ans, le chiffre d’affaires atteint le
million d’euros et la communauté monte à 200 000 « clicwalkers »
en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. L’objectif ? « Devenir
le leader mondial de la collecte de données n’importe où, n’importe
quand. Pour ça, je dois m’entourer de managers compétents et leur
faire partager ma vision et mes valeurs. » Frédérique Grigolato
tient déjà un discours de grand patron. ■
G. H.
© DR
Les métropoles
tionales. Avant d’être nommée directrice
régionale d’abord pour le sud-est de la
France puis le sud-ouest. Après l’expérience sur le terrain, au plan national, c’est
en Belgique qu’elle prend la direction de la
filiale locale du géant américain avant
d’accéder en 2008 au poste de vice-présidente en charge des opérations nationales
pour la France et la division Europe du
Sud. Aujourd’hui, en charge des opérations et des systèmes d’information, elle
est membre du conseil d’administration et
du comité exécutif de McDonald’s France.
Le sujet des femmes n’est pas un sujet en
soi. C’est celui de la diversité et de l’égalité
des chances pour tous qui prime avant
tout. Pour le succès des uns et des autres,
à tous les niveaux, au bénéfice de chacun
et au profit de l’entreprise, comme il se
doit. McDonald’s s’adresse à toutes et
tous et se veut être le reflet de la société.
I. L.
La diversité est une richesse. ■
VERS UN SCANDALE
SANITAIRE ET SOCIAL
AU FÉMININ
P
our mémoire, si en haut de la pyramide, dans
les instances dirigeantes, les progrès sont
spectaculaires, grâce à une succession de
textes de loi (les lois successives dues à CopéZimmermann, François Sauvadet et Najat VallaudBelkacem), en bas de l’échelle sociale, en revanche, la
situation s’aggrave. La pauvreté en France a le visage
des femmes. Sur 8 millions de pauvres, 4 millions
sont des femmes et 2 millions des enfants. Travail à
temps partiel, femmes célibataires avec enfants,
écarts de salaires qui se répercutent d’autant à l’âge
de la retraite (en moyenne, les Françaises perçoivent
49 % de moins que les hommes), le diagnostic d’un
futur scandale sanitaire à venir est confirmé par
toute la classe politique. « Oui, on sait », répondentils en substance, aucun ne biffe le sujet, mais tous
ajoutent en chœur : « On n’a pas l’argent ! Où
voulez-vous qu’on en trouve ? » Qui financera ? Les
réseaux de femmes qui s’intéressent aux promotions
des plus privilégiées vont-ils jouer la solidarité ? Les
entreprises vont-elles pouvoir faire comme si de rien
n’était et rester silencieuses ? Le secteur de
l’assurance sera-t-il sollicité ? Les associations de
lutte contre la pauvreté et le Samu social en
appellent à la responsabilité. Qui va s’emparer du
débat ? Quand va commencer à exploser cette bombe
sociale à fragmentation ? ■
I. L.
I 41
© DR
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Les métropoles
© STEPHANIE JAYET
LYON
Juliette Kopp
Boccard
La cordillère des Andes s’offre à Juliette Kopp, du
bureau de Mandoza où elle est venue rencontrer ses
collaborateurs argentins en ce début novembre. La
directrice exécutive de la branche Food & Pharma
de Boccard a rejoint, en 2011, cet ensemblier
industriel lyonnais, attirée précisément par la
dimension mondiale des activités dont elle a la
responsabilité. Sa division est installée dans huit
pays et réalise à l’international plus de 85 % de ses
150 millions d’euros des ventes. Diversité des
approches commerciales selon les nations et
multiculturalisme de ses équipes totalisant
500 personnes plaisent à la quadragénaire (43 ans),
mariée et mère de deux enfants. « Je me situe
davantage comme un coach cherchant à transmettre
mon énergie que comme un chef », assure
l’ingénieure de formation passionnée par l’industrie,
depuis ses débuts professionnels. À 22 ans, jeune
titulaire du diplôme de Grenoble INPG (complété plus
tard par un programme en stratégie d’entreprise de
dix-huit mois AMP/CPA de l’EM de Lyon), elle est
embauchée par les Laboratoires Fournier, à Dijon, où
elle entre de plain-pied dans les modes opératoires
industriels, déjà. Assystem, Rhodia et Eras Ingénierie
seront ses employeurs suivants. ■
M-A. D.
Alexandra Palt Sur la voie
du changement durable
Directrice de la responsabilité sociétale et environnementale de L’Oréal
«
J
e travaille à ma propre disparition. Ce projet veut que chacun
au sein du groupe s’investisse
dans la recherche et l’innovation
pour trouver de nouvelles matières premières
et que l’innovation durable soit à l’origine
de chaque projet. Mon rôle est de fédérer,
d’impulser. » Alexandra Palt, directrice
de la responsabilité sociétale et environnementale, chargée de la mise en œuvre
du développement durable à l’échelle
du groupe L’Oréal, rien de moins que le
numéro un mondial des cosmétiques,
est pour le moins modeste. C’est à cette
diplômée de Cambridge, experte en inno-
vations sociales et environnementales que
Jean-Paul Aghion, le président du groupe,
a confié la mission d’insuffler les notions
durables à tous les niveaux du groupe. Et
de réorienter cet énorme paquebot vers la
voie du respect écologique et l’innovation
sociale. « Nous avons un projet très clair.
Nous avons commencé par nous interroger
sur notre métier et sur les différents jalons
de notre chaîne de valeurs en dialoguant
avec nos parties prenantes partout dans le
monde. Comment innover durablement ?
Comment réduire l’empreinte environnementale de notre outil de production ? Comment
sensibiliser les consommateurs à la consom-
mation durable ? Notre programme répond
à ces différents enjeux : chaque marque entre
dans une nouvelle logique de développement
et de rénovation de ses gammes de produits
pour améliorer leur performance environnementale, en particulier l’empreinte eau et la
biodégradabilité des formules. Parallèlement,
notre engagement durable se déploie sur le
plan social avec le développement de projets
de solidarité, les pratiques de commerce équitable, les achats solidaires, des modèles de business inclusif. À l’échelle d’un groupe tel que
L’Oréal, avec 75 000 salariés et 22 milliards
d’euros de chiffre d’affaires, le changement de
culture est un enjeu crucial. Nos engagements
sont sincères, simples à vérifier, car mesurables quantitativement. Tout notre objectif
est de réduire notre empreinte en apportant
une contribution positive aux communautés
qui nous entourent. Comment y parvenir ?
En aidant 100 000 personnes à accéder à un
emploi ou à créer une activité d’ici à 2020.
C’est l’engagement que nous avons pris. Notre
ambition s’inscrit dans le temps long. Nous
voulons que “Sharing Beauty with All” soit
l’un des piliers du L’Oréal de demain. » ■I. L.
© CLÉMENCE HEROUT
PDG de Femmes & Pouvoirs
Pour briser définitivement le plafond de verre, les
femmes doivent se professionnaliser et maîtriser
les codes de l’innovation et du pouvoir d’influence.
J
neuriat. Avec Femmes & Pouvoirs, notre objectif, au travers d’événements et de formations destinés aux élues et aux femmes cadres,
vise à promouvoir de nouvelles pratiques pour
aider les femmes à accéder au leadership et à
s’investir dans l’innovation ». Pour lancer
Femmes & Pouvoirs, « j’ai commencé avec
un petit apport personnel et cette année j’ai
réussi à lever des premiers fonds. L’incubateur
Paris Pionnières et la Fédération Pionnières
sont de vrais appuis pour les jeunes entrepreneures. Femmes & Pouvoirs est un mouvement
Juliette Jarry
Adea Présence
Julia Mouzon
ulia Mouzon a créé Femmes & Pouvoirs en 2012. Polytechnicienne, diplômée de l’École d’économie de
Paris, elle a commencé sa carrière au
ministère de l’Économie et des Finances
auprès d’Éric Woerth et de Christine Lagarde. « C’est là que j’ai pris conscience du
plafond de verre et que j’ai eu envie de m’engager », explique-t-elle. Mais « il reste un
très gros travail à mener sur les stéréotypes
qui doit concerner toutes les campagnes des
structures d’accompagnement à l’entrepre-
© DR
Alexandra Palt a pour mission la mise en œuvre
du développement durable de tout le groupe
L’Oréal. Le plan dénommé « Sharing Beauty
with All » est ambitieux, à la mesure
du numéro un mondial des cosmétiques.
collectif. Des élues comme Chantal Jouanno
mais aussi de grands dirigeants d’entreprise
ont compris notre démarche et apportent leur
soutien. Nous sommes sur la bonne voie. Il y a
un gros travail à faire sur l’ensemble de l’écosystème de banalisation et de légitimation du
féminin. En ne se laissant pas enfermer dans
une optique de développement durable et de
RSE pour ouvrir les possibles et encourager
une femme à créer le Facebook ou Google de
I. L.
demain. » ■
Juliette Jarry fonde Adea Présence, un peu de
guerre lasse, en 2007. Les quatre à cinq mois
à rechercher un emploi, à la fin de ses études,
épuisent vite sa patience. Toujours la même réponse :
« Vous n’avez pas d’expérience », se souvient-elle.
Son cursus, à Sciences Po Lyon et à l’école des
Hautes Études internationales et politiques de
Paris, ne la prédisposait pas, a priori, à se lancer
dans l’entreprenariat. Six mois de formation
supplémentaire au management et elle valide son
projet d’entreprise consacrée à l’accompagnement
des personnes âgées dans les gestes de la vie
quotidienne à domicile. À l’époque, « ma grandmère venait de perdre son autonomie et avait dû
entrer dans un établissement. Elle ne se retrouvait
pas dans l’image que lui renvoyaient les autres
résidents. L’idée m’est alors venue de travailler sur
les liens intergénérationnels », raconte la tout juste
trentenaire. Huit ans plus tard, Adea Présence a élargi
son spectre aux handicapés et compte 42 salariés.
Juliette Jarry s’occupe plus particulièrement de la
gestion financière et du développement et continue
d’innover : un pôle autisme, un autre sur les troubles
cognitifs et bientôt un troisième pour les personnes
atteintes de maladies psychiques. ■
M.-A. D.
42 I
WOMEN’S AWARDS
Les métropoles
© NORBERT HUFFSCHMITT
NICE
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Cécile de Guillebon
optimise les murs de Renault
Directeur de l’immobilier et des services généraux du groupe Renault
À 53 ans, Cécile de Guillebon est animée par la passion pour son métier
dont elle aimerait qu’il soit reconnu à sa juste valeur.
Pour ce faire, elle n’hésite pas à militer pour sa revalorisation.
La Verrerie de Biot
La Verrerie de Biot est bien connue pour le verre
bullé, ce procédé né par hasard et qui a fait sa
notoriété mondiale. Depuis 2000, c’est Anne
Lechaczynski qui préside la PME au chiffre
d’affaires de 3,2 millions d’euros et à la trentaine
de salariés. Farouche avocate de l’entreprenariat,
elle multiplie les casquettes : trésorière du Club des
dirigeants de Sophia-Antipolis, vice-présidente de
l’Union pour l’entreprise 06 avec la responsabilité
du bassin sophipolitain justement, membre de la
commission CCI International au sein de la CCI
Provence-Alpes-Côte d’Azur, membre du conseil de
direction du fonds de capital-risque Paca
Émergence mais aussi du GES de l’Agence régionale
de l’innovation et de l’internationalisation des
entreprises Paca… « Mon rôle dans toutes ces
instances est de donner une autre vision de ce que
peuvent être ces vieux métiers. L’an dernier, la
verrerie a innové avec une ligne luminescente, nous
sommes allés chercher le financement dont nous
avions besoin. L’innovation, ce n’est pas que la hightech. Le chef d’entreprise doit s’investir pour dire
au politique ce qu’il faut faire et ne pas faire en
matière entrepreneuriale. » ■
L. B.
A
DANS SES MAINS, DES
ENJEUX CONSIDÉRABLES
© DR
« Mon rôle consiste à manager les équipes
d’experts et les équipes opérationnelles en
charge du bon fonctionnement des installations et des services : le défi est d’optimiser la
gestion des actifs immobiliers en maîtrisant
l’ensemble des risques associés et en contrôlant les coûts. Ma priorité est de livrer des
sites performants pour l’activité industrielle
et commerciale du groupe. Récemment, après
le Brésil et le Maroc, j’ai coordonné la
construction de sites en Algérie, en Inde et en
Chine. » Engagée, membre de plusieurs
associations, dont VoxFemina et HEC
Alumni, elle encourage la mixité. C’est un
métier très largement masculin. « Je veux
Audrey Lieutaud
© DR
yant reçu une éducation classique dans une famille ouverte
d’esprit, j’ai eu à cœur de rester fidèle à mes valeurs et de
faire fructifier mes talents, à l’écoute et au
service de tout mon entourage dans une démarche de leader authentique. Mon rêve
d’adolescente était d’être médecin : je m’occupe donc des autres, mais d’une autre façon ! » Diplômée d’HEC, de la Société française d’analyse financière et du Royal
Institute of Chartered Surveyors (RICS),
Cécile de Guilllebon a commencé sa carrière chez J.P.Morgan à Paris et New York,
puis Marceau Investissements, avant de
rejoindre PPR. C’est en 2013 qu’elle rejoint le groupe Renault pour s’y occuper
de l’immobilier et des services généraux.
Dans son périmètre, tous les types d’actifs : usines, entrepôts, succursales,
centres de recherche, pistes d’essai et bureaux, soit 12 millions de mètres carrés
construits et 6 milliards d’actifs immobiliers au bilan consolidé du groupe,
650 sites dans 40 pays, avec un budget
annuel en coûts de fonctionnement de
1 milliard d’euros.
Monpetitbikini.com
Maëva Tordo
C’est parce qu’elle cherchait désespérément un
maillot de bain en hiver qu’Audrey Lieutaud décèle
l’opportunité de créer sa petite entreprise. Un désir
qu’elle a toujours eu chevillé au corps et que sa
première expérience professionnelle auprès de la
créatrice de bijoux fantaisie Les Néréides n’a fait que
confirmer. Monpetitbikini.com entre sur la Toile en
2010. Quatre ans plus tard, la croissance est à trois
chiffres et le chiffre d’affaires 2014 atteint 2 millions
d’euros. Se revendiquant chef de file de la vente en
ligne de maillots de bain, Monpetitbikini.com propose
un catalogue de 4 000 produits et 35 marques. Au
printemps, Audrey Lieutaud lancera sa propre
marque. « J’ai toujours eu le projet en tête. Mais j’ai
voulu croître pas à pas comme me l’ont enseigné mes
professeurs à l’école de commerce Skema [dont elle
a intégré l’incubateur en 2011, ndlr]. Entre ce que l’on
désire et la réalité, il y a un écart. Lorsqu’on
entreprend, il ne faut pas être frileux, au risque de
brider la croissance et de freiner les investissements.
Mais il ne faut pas non plus brûler toute la trésorerie. »
Actuellement, la PME emploie sept salariés et
envisage de passer à l’international. ■
L. B.
Qui à 20 ans ne voudrait pas changer le monde
serait déjà vieux avant l’âge. Maëva Tordo n’a
pas ce problème. C’est une passionnée de
l’entrepreneuriat. Sa vocation ? Promouvoir
l’innovation sociétale avec le Noise, le Nouvel
Observatoire de l’innovation sociale et
environnementale.
Maëva Tordo a un sourire qui signe sa marque
de fabrique. Une fleur rouge dans les cheveux
qui l’identifie où qu’elle soit. Même Muhammad
Yunus l’a ainsi repérée. L’énergie chevillée
au corps, cette jeune diplômée de l’ESCP
s’emploie depuis 2011 à développer le Noise.
Avec pour ambition de changer le monde. Né
sur le campus de l’ESCP Europe, ce réseau
est aujourd’hui présent sur quatre autres
campus, à Dauphine, l’ESSEC, AgroParisTech
et Sciences Po. Son objectif ? Promouvoir
l’entrepreneuriat. Aller de l’avant. Oser, que
l’on soit fille ou garcon, l’avenir est à l’audace.
« Ce sont véritablement les étudiants de ces
établissements qui ont souhaité créer ces
avoir l’opportunité de faire mieux connaître
le secteur de la gestion de l’immobilier d’entreprise au-delà de la presse professionnelle.
Nous avons toujours été considérés comme les
parents pauvres des entreprises. Or, nous gérons des enjeux considérables, c’est un métier
qui souffre d’être méconnu. Je veux mettre en
avant ma profession qui doit s’affirmer et ga-
gner en légitimité. Mes prochains défis ? Attirer des talents, en interne et en externe, au
sein de mes équipes, pour renouveler et renforcer les expertises. Être visionnaire sur
l’évolution des métiers de l’immobilier et des
services généraux, au sein des grands
groupes : faire preuve d’ambition et d’une
I. L.
capacité d’innovation. » ■
© DR
Anne Lechaczynski
«
Fondatrice du Noise
associations dans une démarche totalement
entrepreneuriale, voire intrapreneuriale. Ce
sont eux qui nous ont contactés et nous ont
dit “nous voulons créer un Noise dans notre
école !” Notre vocation est d’ouvrir les étudiants
aux enjeux sociétaux contemporains et de leur
faire découvrir les initiatives d’innovation
sociétale en émergence à travers le monde
qui réinventent la manière de vivre ensemble,
touchent tous les domaines et nous passionnent.
Nous parlons d’innovation sociétale, car cela
permet d’englober tout, de l’entrepreneuriat
social à l’économie collaborative, à la finance
alternative, à la démocratie participative, à
l’art, etc. Notre philosophie est le “Change (It)
Yourself” qui invite les étudiants à changer le
monde à leur échelle ici et maintenant. C’est
aussi un parcours d’apprentissage qui leur
permet de se former et de se transformer en
découvrant au fil de leurs actions leur voie/voix
et le talent qu’ils souhaitent déployer dans le
monde. » ■
I. L.
I 43
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
© SNCF MÉDIATHÈQUE - BERTRAND JACQUOT
Sophie Boissard
rentabilise les actifs
immobiliers
de la SNCF
DG déléguée de la stratégie et du développement
Sophie Boissard a de l’ambition. La membre
de l’équipe dirigeante de la SNCF vient de l’annoncer :
pour permettre à ce mastodonte, l’un des plus grands
propriétaires de l’immobilier en France,
il faut savoir alléger les coûts de fonctionnement
pour gagner en souplesse et en efficacité.
12 MILLIONS DE MÈTRES CARRÉS
DE BÂTIMENTS
Elle vient de l’annoncer, désormais son objectif
est clairement défini, il faut alléger le poids de
l’entreprise et donc mieux gérer les actifs immobiliers de la SNCF. L’idée ? Accélérer les cessions
de terrains et mieux organiser la gestion des
bureaux, des entrepôts, des ateliers et des loge-
ments. Une branche dédiée, SNCF Immobilier,
va être spécifiquement créée pour mener à bien
ce chantier. Le groupe possède à lui seul 12 millions de mètres carrés en France, qu’il s’agisse
de bâtiments industriels ou tertiaires. Cela représente une charge annuelle de 1 milliard d’euros. « Deux mille hectares sont libérables à court
terme », affirme Sophie Boissard. Le tout est de
savoir ce qui est le plus opportun : que faut-il
vendre ? La filiale de bureaux gère pas moins de
300 millions d’euros d’actifs et le parc de logements se compose de 100 000 appartements,
dont 90 % en logements sociaux occupés à 25,
voire 30 % par des cheminots actifs. L’objectif
est donc d’optimiser en bâtissant et rénovant
sur quatre ans 3 000 logements par an. L’idée est
d’unifier, d’alléger pour améliorer ses revenus
de l’immobilier. Son souhait est clairement affiché : il s’agit de doubler à terme ces sources de
revenus pour se concentrer sur le cœur de métier de la SNCF : transporter des biens et des
I. L.
personnes. ■
Les métropoles
Deshons Hydraulique
© DR
© FOTOLIA
Berceaumagique.com
Sophie Deshons
V
ous voulez
créer votre
entreprise ?
Avec votre conjoint,
vous vous apprêtez
à présenter
votre dossier
à des investisseurs.
Attention, ce n’est pas
forcément une bonne
idée. Pourquoi ? Parce
que, pour les sociétés
qui vont investir sur
votre projet, c’est
un risque potentiel.
« Dans la sélection des dossiers, lorsqu’une femme
apparaît, explique cet investisseur, c’est souvent parce
qu’elle est en couple et est associée à son partenaire.
Or, pour nous, la possibilité d’une séparation constitue
un risque majeur pour un investisseur. Quand on
a deux fondateurs qui se séparent, c’est difficile.
Lorsque les deux fondateurs non seulement
se séparent professionnellement, mais qu’en plus
ils divorcent, c’est beaucoup plus compliqué.
Dans un pays où un mariage sur trois, voire sur deux,
selon les régions, se termine par un divorce, ce n’est
pas facile. Souvent, quand les femmes se lancent,
elles le font en famille. Il y a peu de femmes seules
qui osent se lancer. C’est dommage. » ■
I. L.
Charlotte Gaillard
MARSEILLE
QUAND LES COUPLES ET
LES INVESTISSEURS NE
FONT PAS BON MÉNAGE
Ingénieure, « fille de », PDG de l’entreprise que son grand-père
Henri a créé et que son père André a également dirigé. Lorsqu’elle
arrive aux manettes de Deshons Hydraulique, en 2010, Sophie
Deshons a déjà fait ses preuves au sein de la PME depuis trois ans
en restructurant l’organisation afin de la rendre compatible avec
les contraintes de l’aéronautique, le marché auquel elle s’adresse.
Spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation
et le SAV de moyens d’essai au sol, Deshons Hydraulique connaît
depuis quelques mois un regain d’activité qui met du baume au
cœur de celle qui a réussi à positionner la petite entreprise sur
des prestations pour les Rafale notamment. « Nous accompagnons
également nos clients dans tous les projets qu’ils ont dans leurs
cartons », sourit Sophie Deshons. Conséquence : de l’activité
assurée pour les mois à venir. « L’aéronautique est un métier
porteur et nous arrivons à tirer notre épingle du jeu. » Faisant
fi des stéréotypes,
elle avoue être
respectée par ses
équipes. Femme
chef d’entreprise ?
« Il nous faut
faire nos preuves
à chaque étape,
être performantes.
Mais, quand le fond
est là, les a priori
s’évanouissent. » ■
I. B.
Lorsqu’elle lance Berceaumagique.com en 2004 à Toulon,
Charlotte Gaillard propose 1 000 produits moyen et haut de
gamme pour bébés. Aujourd’hui, le site référence 350 marques
pour plus de 32 000 produits et affiche plus de 500 000 visiteurs
uniques par mois. Son chiffre d’affaires à fin 2014 devrait bondir de
38 % pour atteindre 4 millions d’euros. « Notre objectif est d’avoir
le site Internet avec l’offre la plus large sur l’univers du bébé, avec
des services différenciants associés, et de devenir le leader sur
le thème de la liste de naissance », explique Charlotte Gaillard,
qui a fondé la société Mégara, éditrice de Berceaumagique
.com, après avoir été confrontée à un plan social à son retour de
congé maternité. Un gain d’indépendance qu’elle défend depuis
en autofinançant son développement. Face à l’accroissement de
son activité, Charlotte Gaillard entame à 37 ans une nouvelle
étape : la construction d’un bâtiment ouvert au public, où elle
pourra organiser « des groupes de discussion avec les parents »,
pour renforcer la proximité avec les clients et tisser un lien avec
le territoire où l’entreprise est implantée. ■
I. B.
© DR
C
onseillère d’État, ancienne élève de
l’ENS et de l’ENA, précédemment
directrice du cabinet du ministre du
Travail Gérard Larcher et directrice
adjointe au cabinet du ministre de l’Économie
et des Finances Christine Lagarde, Sophie Boissard a rejoint la SNCF en 2008 où elle a dirigé
la branche gares et connexions avant d’être
nommée directrice générale déléguée pour superviser la stratégie et le développement de ce
mastodonte.
44 I
WOMEN’S AWARDS
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
© DR
Lena Henry
Une visionnaire
française en Asie
Directrice de la stratégie d’Essilor
Un CV international, une mission à vocation futuriste,
un ancrage en Asie, un mari qui n’hésite pas à la soutenir
dans sa carrière… Lena Henry a toutes les cartes en main
pour devenir une grande dame des affaires dans le monde.
L
a voix est enjouée, le rythme
naturel, la maîtrise de l’exercice médiatique rodé, mais
pas plus qu’il n’en faut. Lena
Henry a l’énergie et l’enthousiasme
chevillés au corps, le sentiment d’accomplir son devoir. La bonne personne à la bonne place. Son CV ? Il a
de quoi impressionner : celle qui désormais siège au comité exécutif
d’Essilor, pilote la stratégie du lunetier pour être au plus près de ces pays
où la demande de la classe moyenne
explose, a nourri son goût pour l’international dès sa sortie de l’École
centrale de Paris. Direction la côte
ouest des États-Unis pour l’université
de Berkeley puis cap sur Harvard
pour parfaire sa formation. Passer un
été (en 2003) dans la division fusion
et acquisitions de Goldman Sachs allait presque de soi, mais c’est depuis
Les métropoles
Téléphone : 01 76 21 73 00.
Pour joindre directement votre correspondant,
composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres
mentionnés entre parenthèses.
SOCIÉTÉ ÉDITRICE
LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.
au capital de 4 850 000 euros.
Établissement principal :
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Siège social : 10, rue des Arts,
31000 Toulouse. SIREN  : 749 814 604
Président, directeur de la
publication
Jean-Christophe Tortora.
Vice-président métropoles et régions
Jean-Claude Gallo.
© CAROLINE ABLAIN
la croissance de demain. Très active sur son
territoire, via son soutien à la filière numérique
rennaise et à la French Tech, la dirigeante s’emploie
à attirer les talents et accompagner les jeunes
chefs d’entreprise. ■
P. PL.
C’est en perdant ses illusions sur l’organisation
et la flexibilité des grands groupes, où elle a
démarré comme cadre, qu’Emmanuelle Legault
reprend, à 30 ans, l’entreprise familiale du
Finistère (120 personnes, 10 millions d’euros
de chiffre d’affaires). Spécialisée dans les
p o r ta i l s, l es c l ô tu res e n PVC et l a
chaudronnerie plastique, Cadiou compte, huit
ans plus tard, 250 salariés et 38 millions
d’euros de chiffre d’affaires. Associée à son
mari et à son beau-frère, la dirigeante de
38 ans, titulaire d’un master de gestion, met
d’abord en place une stratégie de rentabilité.
L’entreprise génère du chiffre (+ 20 % par an),
étoffe ses équipes commerciales, multiplie les
marques et assoit son référencement national.
Depuis 2010, Cadiou accélère sur l’innovation
produit et améliore son organisation
(logistique, informatique, réduction des délais
de production). Adepte du lean manufacturing
et du lean management, Emmanuelle Legault
dit former des salariés fidèles. Elle se félicite
aussi de l’attractivité de ses postes de cadres
et de commerciaux. Le lancement d’une
gamme de garde-corps de terrasse leur offre
de nouvelles perspectives à l’exportation. ■
© ERWAN PIANEZZA
Artefacto
http://www.latribune.fr
Le monde des lunettes est très
concurrentiel, mais aussi en pleine
effervescence. Dans les pays dits développés, le besoin en montures est
toujours aussi grand, le temps passé
devant les écrans, l’allongement de la
vie assurent un bel avenir financier,
mais Essilor voit plus grand. Et c’est
en Asie qu’il veut devenir un poids
lourd du marché des lunettes. Là-bas,
Cadiou
Valérie Cottereau
La Tribune
2, rue de Châteaudun,
75009 Paris
ANTICIPER ET S’ADAPTER
AU PLUS PRÈS
les différences entre les pays, les habitudes culturelles varient du tout au
tout. Entre un Chinois des provinces
lointaines et un Nippon aguerri à ce
qui se fait de plus pointu et raffiné, il
faut savoir adapter l’offre, fournir le
meilleur service au juste prix. Et surtout anticiper. À Singapour, Lena
Henry a tout d’abord organisé ses
équipes avec un responsable marché
par marché. Et autour d’elle, elle dispose de l’un des laboratoires de recherche parmi les mieux dotés au
monde. La planète est un village à ses
yeux. Elle voit loin, tout en veillant
avec son mari à l’équilibre familial. La
décision de quitter Londres pour installer toute la petite famille en Asie,
ils l’ont prise ensemble. Dans dix ans,
où sera-t-elle ? Où iront-ils ? Sans
doute loin, car sa carrière est plus que
I. L.
prometteuse. ■
Emmanuelle Legault
RENNES
« L’impératif est de toujours regarder devant, d’être
constamment dans l’innovation ». L’action, c’est le
moteur de Valérie Cottereau, 42 ans. En seize ans,
cette architecte de formation, passionnée
d’informatique et d’images virtuelles, a poussé
Artefacto – l’entreprise qu’elle a fondé seule en
1998, avant de s’associer en 2000 à Erwan Mahé –
au rang de pépite technologique de l’agglomération
rennaise. Spécialisée dans la conception et la
production d’outils de communication 3D, Artefacto
a démarré grâce aux marchés publics (métro de
Rennes, Cité de la mer de Cherbourg) avant de
s’imposer, grâce à sa R & D, comme pionnière en
réalité augmentée extérieure. Cette technologie a
d’ailleurs pris une importance prépondérante dans
le développement de l’entreprise dans les secteurs
de l’immobilier, de l’urbanisme, du design, du
tourisme. Artefacto (47 personnes) achève 2014 à
3 millions d’euros, dont 250 000 à l’exportation,
aux États-Unis notamment. Sa nouvelle activité
d’édition de logiciels en mode SaaS prend aussi
tournure. En veille permanente, Valérie Cottereau
investit aussi dans les hommes, pour mieux piloter
Londres au sein de McKinsey qu’elle
forge sa stature de manager. Nommée
associée en 2010, elle y est restée
jusqu’en 2013, date à laquelle les dirigeants d’Essilor décident de la
convaincre de mettre son talent à leur
service.
P. PL.
RÉDACTION
Directeur adjoint de la rédaction
Philippe Mabille, éditeur de La Tribune
Hebdo.
Rédacteur en chef Robert Jules,
éditeur de latribune.fr
( Économie - Rédacteur en chef
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( Entreprise- Rédacteur en chef :
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Gliszczynski.
( Finance - Rédacteur en chef
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Mathias Thépot.
( Correspondants Florence Autret
(Bruxelles), Jean-Pierre Gonguet.
( Conseiller éditorial François Roche.
( Édition La Tribune Hebdo :
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Lafay.
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ZA du Chant des Oiseaux
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No de commission paritaire :
0519 C 85607.
ISSN : 1277-2380.
I 45
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Emmanuelle Duez
Serial entrepreneure de choc
Les métropoles
© DR
PARIS
À la tête du Boson Project, de WoMen’Up, et co-initiatrice du Happy Hapening,
Emmanuelle Duez est une femme pleine d’énergie et d’idées qui s’attache
à faire entendre ses concitoyens, ses amis, la génération Y.
© DR
Dans d’autres pays, un fossé persiste entre
les hommes et les femmes, notamment en
matière d’égalité et d’accès aux soins, mais
des actions à plus petite échelle voient également le jour. Si la mixité n’est pas encore
pleinement réalisée, les jeunes femmes de la
génération Y sont de loin les femmes les plus
indépendantes et les plus libres de tous les
temps : accès à l’éducation, aux soins, au
monde du travail… jusqu’à la participation
aux plus hautes sphères du pouvoir ! La
route est encore longue, mais la voie déjà
bien tracée. »
Fanny Picard
Alter Equity
Le corps fluet, la voix douce, Fanny Picard est
une femme qui n’a pourtant rien de faible. C’est
le roseau qui plie, mais ne casse jamais. Diplômée
de l’Essec et de la Sfaf, titulaire d’une maîtrise de
droit et ancienne auditrice du Collège des hautes
études de l’environnement et du développement
durable à l’École centrale Paris, elle a commencé sa
carrière chez Wendel et Danone avant de rejoindre le
département des fusions et acquisitions de la banque
Rotschild. À son actif, elle a construit ou participé à
plus de 50 opérations et pris place dans de nombreux
conseils d’administration ou comités d’audit. Fellow
Ashoka en 2007 pour Mozaïk RH, récompensée du
prix de l’économie positive au LH Forum en 2012,
elle veut aujourd’hui, avec ses associés, soutenir et
accompagner les entreprises qui s’engagent pour une
croissance responsable. Son objectif ? Démontrer que
rentabilité et éthique ne sont pas antinomiques. Alter
Equity a déjà levé plus de 20 millions d’euros auprès
d’entrepreneurs et institutionnels. ■
I. L.
UN LABORATOIRE AU
SERVICE DU CAPITAL HUMAIN
C
ette fille a du chien et du panache. Dans les années à venir,
on ne va pas manquer de la citer, elle va faire parler d’elle !
Déjà, à moins de 30 ans, elle a cofondé
deux organisations (WoMen’Up et The
Boson Project) et dirige le programme de
Happy Happening « Fabrique à héroïnes », aux côtés de deux grandes
dames de la communication et de l’événementiel que sont Marie-Laure Sauty de
Chalon et Aude de Thuin. Son credo ?
Dépoussiérer le féminisme et s’adresser à
la génération Y. Elle se veut leur parole,
elle connaît naturellement leur langage,
c’est le sien ; celui d’une génération qui
refuse le fatalisme et désire associer bienêtre et bien-vivre que ce soit sur un plan
personnel ou professionnel. En clair, se
réaliser, au-delà des diktats des générations plus âgées. Comme elle l’écrit ellemême, « le xxe siècle a été dans de nombreux
pays le siècle de l’émancipation des femmes.
Un siècle de conquêtes, qui a fait d’elles des
actrices incontournables de la vie politique,
économique et intellectuelle. Dans de nombreux pays, les femmes ont investi le marché
du travail jusqu’alors réservé aux hommes.
© DR
Directrice digital & market management Allianz France
Au sein d’Allianz France, c’est elle qui mène à bien
le chantier de la rupture numérique.
O
tal & market management et fait entendre
sa voix au comité exécutif. Sa mission ?
Mener à bien la rupture numérique du
groupe. Sa devise « Don’t be evil », une
doctrine empruntée à Google. La bienveillance et le professionnalisme doivent aller
de pair avec la fluidité et l’élégance. Ces
traits de caractère, à son avis, se marient
très bien avec efficacité. Ils signent sans
doute sa marque de fabrique. En qualité
d’ingénieure, experte du numérique, geek
affichée, elle se veut être une bâtisseuse
qui construit et contribue à l’élaboration du renouveau de l’assurance dans le
monde de demain. Pour ce faire, elle le
Fany Péchiodat
My Little Paris
Virginie Fauvel
n le sait, la société Allianz est
l’une des compagnies d’assurances parmi les plus engagées
en faveur de la féminisation de
ses équipes managériales. Avec un réseau
et un système de mentorat finement huilé,
en France et en Europe. Virginie Fauvel illustre cette réussite. Énergique, rapide, efficace, cette diplômée de l’école des Mines
de Nancy a rejoint Allianz en juillet 2013
après seize années consacrées à BNP Paribas, avec notamment le lancement de Hello bank! à son actif. Membre du Conseil
national du numérique, elle dirige, au
siège de la filiale française, la division digi-
© DR
Son parcours est atypique, pour le moins
énergique. Après Sciences Po et l’Essec, elle
a parfait sa formation en Italie à l’université
Bocconi à Milan. Elle parle aussi bien l’anglais que l’espagnol et l’italien et possède
des notions de mandarin. Membre de multiples organisations (ambassadrice pour la
France de One Young World notamment),
elle a cofondé et préside WoMen’Up, qui
œuvre à la mise en œuvre d’un triptyque
génération Y, mixité et réseautage, au travers d’une association qui revendique être la
première association créée pour et par la
génération Y. Autre initiative : The Boson
Project qu’elle a lancé en 2012 et qui se veut
être un laboratoire de développement du
capital humain. L’idée ? « Nous expérimentons, dans une démarche de cocréation et de collaboration, des solutions ultra-innovantes visant à créer de la valeur et des valeurs en misant
sur les individus. Avec une ambition : anticiper
les tendances de fond et fabriquer le futur. »
À part ça ? Emmanuelle Duez n’est rien de
moins que réserviste d’une enseigne de
vaisseau 1re classe de la Marine nationale.
En clair, elle est une bénévole citoyenne
qui a choisi de servir en faisant bénéficier
l’armée de son expertise et de sa connaissance du tissu socio-économique local. ■
I. L.
sait, elle ne peut être rivée 24 heures sur
24 à son écran. Elle sait qu’elle doit garder
la bonne distance et, dès qu’elle le peut,
c’est dans la lecture et les paysages du Var
I. L.
qu’elle puise son énergie. ■
Devenir directrice marketing d’un groupe de
cosmétiques ou monter sa boîte ? Entre la sécurité et
« le risque de passer à côté de [sa] vie », Fany Péchiodat
n’a pas hésité. En 2008, cette diplômée de l’ESCP-EAP,
alors âgée de 31 ans, quitte Jean-Paul Gaultier Parfums
pour créer avec sa sœur Amandine My Little Paris, une
newsletter électronique de bons plans parisiens. Six
ans plus tard, My Little Paris, c’est 1,5 million d’abonnés,
un chiffre d’affaires de 14,4 millions d’euros en 2013,
des bénéfices depuis le début, 90 collaborateurs et,
consécration, un rachat de 60 % du capital par
Aufeminin.com en janvier, pour près de 22 millions
d’euros. Au départ, pourtant, Fany ne connaissait pas
grand-chose au numérique et n’avait pas plus de
5 000 euros en poche. « Ce ne sont plus les experts qui
innovent, mais des personnes qui ont un œil neuf : ce
ne sont pas Lagardère ou Amaury qui ont créé My Little
Paris, mais deux sœurs dans leur chambre de bonne,
avec un simple ordinateur », explique la jeune femme.
Pour elle, c’est la vertu du « power of zero » :
« Lorsqu’on a zéro moyen financier et zéro expertise,
on doit compenser par l’imagination, la créativité. »
Résultat, « nous avons un vrai ton, une âme, qui font
que le bouche-à-oreille fonctionne très bien », se félicite
Fanny Péchiodat. Si bien que « My Little Paris s’est
complètement affranchi du référencement de Google. »
Un vrai tour de force. ■
C. L.
46 I
WOMEN’S AWARDS
LA TRIBUNE - VENDREDI 28 NOVEMBRE 2014 - NO 110 - WWW.LATRIBUNE.FR
Marie Ekeland
Le risque maîtrisé
Les métropoles
© OLIVIER MIRGUET
STRASBOURG
Experte indépendante en capital-risque
Fondatrice de Defymed
À
l’origine, Marie Ekeland n’a jamais rien fait comme tout le
monde : « Je suis entrée à Dauphine en maths et informatique
avant d’intégrer J.P.Morgan pour finalement faire un DEA d’économie à l’EHESS. »
Une première expérience chez J.P.Morgan
à Paris et à New York, celle dont tous les
jeunes économistes rêvent, la déçoit, elle
veut être au plus près des entreprises.
L’argent pour l’argent n’est pas sa tasse
de thé. Ce qu’elle aime, c’est accompagner une entreprise. En 2000, elle rejoint
Elaia Partners et, très tôt, elle a le nez
pour soutenir une jeune société à l’avenir
prometteur : Criteo, la plus belle entrée
en Bourse au Nasdaq l’année écoulée.
Aujourd’hui, elle siège aux conseils d’administration d’une dizaine de start-up
numériques. Mais, depuis juillet, elle a
décidé de faire cavalier seul et de monter
sa propre société.
Séverine Sigrist, chercheuse au Centre européen
d’étude du diabète et fondatrice de Defymed, a
presque gagné son pari. La levée de fonds (2 millions
d’euros) annoncée auprès d’investisseurs qui ne se
dévoileront qu’en fin d’année va permettre à sa société
de biotechnologie de poursuivre la mise au point du
pancréas bioartificlel et de mener à terme ses essais
cliniques européens. « Si le dispositif fonctionne, fin
2016, nous pourrons le céder en licence à une big
pharma, ou vendre notre société pour quelques
millions ou dizaines de millions d’euros, annonce
Séverine Sigrist. Il y a 370 millions de diabétiques dans
le monde, dont 10 % d’insulino-dépendants qui
attendent un traitement alternatif à la greffe ou à la
pompe à insuline. Ils seront 592 millions en 2035. Le
pancréas artificiel, c’est un confort de vie qu’aucune
prise en charge existante ne peut égaler. » Séverine
Sigrist a accédé cet été à la présidence du pôle de
compétitivité Alsace Biovalley, qui pilote 43 projets
collaboratifs de recherche et développement dans la
région. « Je n’oublie jamais le collectif, j’essaie d’ouvrir
des portes à notre communauté », annonce cette jeune
chercheuse (41 ans), qui a construit toute sa carrière
en pharmacologie sans quitter l’Alsace. ■
O. M.
REMETTRE L’ASCENSEUR
SOCIAL EN MARCHE
© OLIVIER MIRGUET
C’est une promotrice du numérique, avec
d’autres entrepreneurs et investisseurs,
elle a fondé en juillet 2012 France Digitale
en partant de deux constats. Le premier :
il existe une très grande méconnaissance
des politiques, du grand public et des
médias quant au potentiel économique
du numérique. « C’est l’un des réservoirs
de croissance sur lequel il faut absolument
miser. Le baromètre de la performance
des start-up du numérique que l’on publie
chaque année démontre que ces entreprises
enregistrent + 40 % de croissance, + 30 %
à l’international et engagent 25 % d’effectifs en plus tous les ans. Les emplois créés
sont des jeunes de 32 ans d’âge moyen, c’est
beaucoup moins que la moyenne nationale,
à 90 % en CDI, donc d’emplois pérennes.
Les modèles d’entreprises formées sont à
180 degrés des structures traditionnelles,
puisque, dans leur très grande majorité, ils
s’établissent sur des partenariats et le partage des risques. L’écart salarial entre les
dirigeants et les salariés est de 2,7 %. Et 83 %
de ces entreprises distribuent des stock-options aux tiers de leurs salariés. Il s’agit de
projets communs où l’on partage la valeur
créée. Ces chiffres nous ont permis d’être très
actifs dans le débat public, notamment lors
de l’épisode des “pigeons”. »
Son deuxième constat ? Il n’y a plus d’ascenseur de croissance en France. Entre
les entreprises du CAC 40 qui ont 101 ans
d’âge moyen et les PME, il n’y a plus de
passage entre les unes et les autres qui
permettraient à ces petites entreprises
de devenir des ETI et des grands groupes.
« Nous voulons nous attaquer à ces points
de friction qui bloquent l’ascenseur économique. Dans notre baromètre, on compte
seulement 7 % de femmes entrepreneurs sur
125 start-up. Et 27 % au sein des salariés.
Donc, c’est beaucoup moins qu’au niveau
Les métropoles
NANCY-METZ
Annick Holtz et
Anne-Claire Cieutat
Nathalie Galampoix
Bande à part
ISM Conseil
© PATRICIA FRANCHINO
Comment s’imposer sur le créneau encombré de la
presse consacrée au cinéma ? Les Strasbourgeoises
Anne-Claire Cieutat et Annick Holtz ont mobilisé
45 000 euros de capital pour fonder le magazine
numérique Bande à part, dont le 20e numéro sort en
décembre. « On a été le premier et on a la volonté de
rester leader », annonce Anne-Claire Cieutat,
ancienne journaliste à Radio France. Avec
10 000 téléchargements par mois, le magazine
propose un modèle économique construit sur des
recettes publicitaires autour de 20 000 euros par
mois. L’aide de Bpifrance et le prêt de la Sodiv, société
régionale d’amorçage (80 000 euros au total), ont
permis aux deux créatrices, accompagnées par deux
co-investisseurs, d’embaucher quatre personnes et
de consolider l’activité dans l’édition numérique pour
tiers et l’édition jeunesse. « Nous sommes déjà
l’agence leader dans le Grand-Est », annonce Annick
Holtz, graphiste et plasticienne de formation. Le
graphisme élaboré du magazine inclut chaque mois
des contenus rédactionnels (15 journalistes) ou vidéo
(les coulisses du décor du Hobbit) exclusifs. « Nous
sommes prêtes à accueillir un partenaire au capital.
Une bonne association peut créer des dynamiques »,
proposent ses fondatrices. ■
O. M.
Femme d’affaires luxembourgeoise, membre de réseaux féminins
transfrontaliers, messine et fière de l’être, Nathalie Galampoix incarne
un exemple de réussite « made in Lorraine ». Successivement
commerciale à Clichy et restauratrice à Maisons-Alfort, la jeune femme
est revenue dans sa ville natale en 2006 pour reprendre ses études à
l’Institut d’administration des entreprises de Metz. Comme de nombreux
étudiants lorrains, elle a émigré au grand-duché où elle dirige depuis
2009 ISM Conseil, structure de huit salariés spécialisée dans les enquêtes
de solvabilité financière à l’international et dans la formation des équipes
de ventes et de management à la prévention des risques d’impayés. « Il
existe au Luxembourg une dynamique à l’anglo-saxonne. Dans ce petit
pays, l’ouverture à l’international est quasi
immédiate, les contacts se nouent
rapidement et les décisions se prennent vite.
Je n’en suis pas moins lorraine. La
Fédération des femmes cheffes d’entreprise
du Luxembourg, dont je fais partie, compte
de nombreuses frontalières. Le Luxembourg
est une composante de l’économie
lorraine », estime la dirigeante. ISM Conseil
intervient pour le compte d’entreprises
luxembourgeoises et lorraines, compte des
clients en France entière et développe son
activité en Belgique. ■
P. B.
national. Cela reflète les 15 % de femmes
ingénieurs. Plutôt que de sensibiliser, il faut
donner envie aux femmes d’entreprendre, de
se faire plaisir dans le travail. Cela passe par
les exemples emblématiques, les représentations des femmes au sein des médias où l’on
retrouve tous les stéréotypes des actrices et
des mannequins. Comment rendre glamour
une chef d’entreprise et démontrer que cela
ne signifie pas abandonner une vie de famille. Il y a eu des films sur Mark Zuckerberg
et Steve Jobs, alors que l’on n’en trouve pas
sur des success stories de femmes entrepreneures. On a besoin d’avoir une exposition différente des femmes dans les médias.
Sur le financement, le monde de la finance
est très masculin. Aux conseils d’administration des entreprises, où je siège, je suis
la seule femme. Lorsqu’on a fait la présentation pour Criteo, on a reçu 300 investisseurs et aucune femme. Là aussi on a un vrai
I. L.
problème. » ■
Isabelle di Florio
Immoville
Solidement enracinée
dans la région rurale et
montagneuse de SaintDié-des-Vosges, où son
père construisit quelque
2 000 maisons, Isabelle
di Florio a opéré en début
d’année un revirement
radical. La dirigeante a
cessé l’activité des Maisons
di Florio pour recentrer sa
société Immoville sur la
promotion de programmes
immobiliers destinés
aux personnes âgées
autonomes. « L’adaptation
au
vieillissement
représente l’avenir de ma
société, mais aussi l’avenir de notre société tout entière », estime la
directrice générale. L’équipe de quatre personnes a engagé en moins
de un an deux programmes représentant 95 habitations à Saint-Dié
et dans la banlieue de Nancy, chaque projet mobilisant une quinzaine
d’entreprises locales. La structure développe également la marque
Silver Home dédiée à la rénovation des maisons où les propriétaires
souhaitent rester. Membre de la Fédération française du bâtiment et
de la chambre de commerce et d’industrie des Vosges, cette fille de
maçon défend les constructions en béton, s’attache à respecter les
leçons de l’habitat ancien et milite pour l’élaboration des politiques
du logement à l’échelle territoriale. ■
P. B.
© DR
Séverine Sigrist
© JEAN-FRANÇOIS ROBERT
Marie Ekeland est une pro du capital-risque. Le
lancement spectaculaire et l’entrée en Bourse de
Criteo avec Elaïa Partners, c’est elle. Aujourd’hui,
cette femme qui n’hésite pas à aller là où on
ne l’attend pas, entreprend depuis juillet de créer
en solo sa propre société de capital-risque.
Développement Économique :
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lance ses 6 appels à projet EASYNOV
Les appels à projets INNOVATION de la Région Midi-Pyrénées
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recherche ou d’autres entreprises
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