DOSSIER 6 FEMMES, METIS, METISSAGES

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DOSSIER 6 FEMMES, METIS, METISSAGES
DOSSIER 6
FEMMES, METIS, METISSAGES
Sous l’impulsion de l’histoire des femmes et de l’histoire du genre, les historiens ont
progressivement découvert que les femmes n’avaient pas été affectées par l’esclavage et la
colonisation au même titre, et selon les mêmes modalités, que les hommes. La promiscuité
sexuelle imposée par le maître de plantation ou le commandant de cercle, la naissance
d’enfants métis ont ainsi été le lot de nombreuses colonisées, modifiant le cours de leur vie de
façon parfois spectaculaire et brutale. À l’inverse, le relatif dédain des colonisateurs pour les
femmes, dans l’Afrique coloniale par exemple, les a soustraites à un certain nombre de taxes,
corvées et contraintes qui ont pesé systématiquement sur les seuls hommes. Et plus
généralement, comme l’a montré l’ouvrage collectif dirigé par Anne Hugon (Les femmes en
situation coloniale, Karthala, 200), les rapports sociaux de sexe ont été, au sein des sociétés
indigènes, profondément modifiés par la présence coloniale : recul des systèmes d’héritage
matrilinéaires, contrôle étroit des migrations féminines, mais aussi parfois émancipation par
l’école et éventuelle protection par des institutions coloniales (mission, tribunaux, etc.). On le
voit, là encore, la complexité et la pluralité des expériences sont manifestes (doc. 1, 2 et 3).
La question des métis a également beaucoup intéressé les chercheurs – mais aussi les
écrivains « postcoloniaux » – ces dernières années. Situés dans un inconfortable entre-deux,
suscitant souvent le trouble auprès des autorités (voir ouvrage d’Emmanuelle Saada), objets
de placement forcé dans des orphelinats (alors même que leurs parents étaient vivants !) ou
dans des institutions spécifiques, la « question métisse » est un des révélateurs des
contradictions des sociétés coloniales.
Nous avons choisi de privilégier, dans ce dossier, une approche interdisciplinaire. Nous
avons proposé deux modules documentaires utilisables plus spécifiquement, par les
professeurs de Lettres (doc. 4 et 5).
LECTURES COMPLEMENTAIRES
 Catherine COQUERY-VIDROVITCH, Les Africaines. Histoire des femmes d'Afrique noire
du XIXe au XXe siècle, Desjonquères, 1999.
 Anne HUGON (dir.), Histoire des femmes en situation coloniale, Afrique, Asie, XIXe –
e
XX siècles, Karthala, 2004.
 Emmanuelle SAADA, Les Enfants de la colonie. Les Métis de l’Empire français entre
sujétion et citoyenneté, La Découverte, 2007.
1 – ENSEMBLE DOCUMENTAIRE :
UNE FAMILLE METISSEE DANS LA GUYANE DU XVIIe SIECLE
Présentation générale
Le métissage, une réalité dès l’arrivée des premiers esclaves en territoire colonial, prend
parfois une couleur légale dans les premiers temps de la colonisation, les unions mixtes étant
tolérées par l’administration coloniale jusqu’au début du XVIIIe siècle. Par la suite, ces
mariages ne sont plus autorisés.
Cependant, avec l’augmentation du nombre d’esclaves et de colons, le métissage se
développe dans le cadre d’un concubinage de fait. Les enfants nés de ces unions sont parfois
affranchis et vont former l’essentiel de la population « libre de couleur » de la colonie. Celleci, bien qu’en augmentation tout au long du siècle reste cependant infime rapportée à la
population servile et à celle des colons blancs.
Le groupe des libres commence à émerger vers 1740 et, à la veille de la Révolution1, les
colons des quatre colonies commencent à se sentir menacés : 1 libre pour 3 Blancs en Guyane,
1 pour 2 en Martinique, 1 pour 4 en Guadeloupe, 1 pour 1 à Saint-Domingue.
doc A. Une famille métissée en Guyane au XVIIIe siècle : les Tirel
L’arbre généalogique de cette famille fait apparaître les principales composantes de la
société coloniale guyanaise à l’époque moderne : parmi les membres de cette famille, on
trouve des Européens, des Amérindiens, des Africains esclaves et affranchis, un flibustier ou
un soldat, des mères célibataires, un déserteur… Métissage biologique, culturel, social,
économique.
Leur histoire en Guyane commence à la fin du XVIIe siècle. Vers 1679, Jean Tirel, dit Le
Malouin (il s’agit soit d’un ancien soldat, soit d’un marin/pirate), a épousé Marguerite, une
Amérindienne. Il est âgé d’une trentaine d’années, elle est encore une toute jeune fille d’une
quinzaine d’années. Six enfants au moins naîtront de cette union.
1
Dès les années 1760-1770 à Saint-Domingue, voire dès le début du siècle à La Martinique, selon Yvan
Debbasch.
En 1685, son habitation compte dix esclaves africains et amérindiens ; il y cultive «des
vivres». À sa mort, en 1690, il est inhumé dans le cimetière « côté de l’Evangile », signe d'une
certaine reconnaissance sociale.
Un quart de siècle plus tard (1709), un des fils, également prénommé Jean, a repris
l’habitation familiale qui n’a guère prospéré (un seul esclave) Avec lui vivent sa mère, sa
sœur et une « bâtarde de la sœur »2. Il est propriétaire d’une « maison dans le bourg ». En
1717, il cultive le rocou. En 1737, du cacao (70 hectares environ). À cette date, il a trois
esclaves. Son habitation dite « Lespagnol » est alors située à Montsinnéry. Jean Tirel a
épousé en 1720 Louison, « négresse libre créole, fille de feu Jean Burgo, dit Mercier,
habitant ». Sa mère, Marguerite était une esclave affranchie par son mariage en 1697 avec le
sieur Mercier dont elle avait déjà trois enfants. Peut-on parler d’hérédité en matière de
métissage ? Une certaine ascension sociale est marquée dans le choix du parrain des enfants :
s’il s’agit pour la première génération de la grand-mère, et des aînés pour les plus jeunes, à la
génération suivante, officiers de garnison, capitaine de navire marchand et femmes
d’habitants ont été sollicités. Pierre Drouillard, un des petits-fils, aura pour parrain en 1715 le
gouverneur de la colonie.
Une petite-fille de Jean Tirel, Marie Drouillard, décédée en 1714 à l’âge de 10 ans, est
enterrée comme son aïeul dans l’église, sépulture réservée aux notables.
Source : Marie Polderman, La Guyane française 1676-1763 :
mise en place et évolution de la société coloniale, tensions et métissages
Doctorat de l’université de Toulouse-II (2002)
Cayenne, Ibis Rouge éditions, 2004, 721 p.
doc B. Célibat et pauvreté des habitants en Guyane 1717-1737
1717
1737
Esclaves
> 100
Plantations
6
Célibataires
1
Plantations
5
Célibataires
1
50 -100
10
1
17
3
10 - 50
44
2
83
10
1 - 10
59
10
62
18
Sans
esclaves
14
7
33
22
133
21
200
53
TOTAL
Les femmes européennes sont en nombre nettement moins important que les hommes
européens : le rapport moyen est de trois femmes pour quatre hommes
Source (tableau et citation) : Marie Polderman, idem.
2
Dans la génération suivante, deux autres enfants illégitimes sont signalés chez les Tirel En 1745, naît Pierre
Tirel, fils « d’un père inconnu et de Madeleine Tirel, mulâtresse libre ». Madeleine épouse l’année suivante
Jean-Baptiste Timoutou, « Indien libre nourague de nation ». En 1746, Marie Claudine, fille naturelle de Marie
Tirel, voit le jour.
c. Mariage et métissage
Les registres paroissiaux de l'église Saint-Sauveur de Cayenne témoignent de mariages
entre blancs et esclaves à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe. Au début du XVIIIe
siècle, ces mariages sont peu à peu interdits dans les colonies françaises d'Amérique : dès
1711 à la Guadeloupe, en 1724 pour la Louisiane : « Défendons à nos sujets blancs de l'un et
l'autre sexe de contracter mariage avec les Noirs […], et à tous curés, prêtres ou
missionnaires […] de les marier ». Le décret de 1741 confirme cette interdiction en Guyane :
« L’intention de Sa Majesté n’est point de permettre le mélange de sang des habitants de la
colonie de Cayenne avec celui des Nègres ».
Néanmoins, le 9 novembre 1695, le père François Guyard, curé de la paroisse, écrit :
« J'ai reçu le consentement mutuel de mariage, fait en face d'Église, entre Nicolas Raison dit
La Montagne, soldat dans la garnison fils de Jean Raison et de Marie Boulet de St-Pierre de
Lanion en Bretagne d'une part et Marie, négresse libre, veuve de Pierre Moreau habitant de
cette isle d'autre part après avoir été dispensés des bans par le RP supérieur et avoir eu
l'agrément de M. le gouverneur… »
Le 10 décembre 1687, le père Rullier reçoit le « consentement mutuel de mariage entre
Marc Miton, fils de Marc Miton […] et Marianne cy-devant esclave du sieur Constant à
présent libre par l'accord de ce mariage ». Marianne est une Amérindienne.
Source: Arch. dép. Guyane, 1Mi 203, in Marie Polderman, op. cit.
D. Etre nommé…
Même affranchi, (l’esclave) n’est qu’un prénom, celui, chrétien, qui lui a été attribué lors
de sa réduction en esclavage ; souvent le même que celui de ses compagnons de misère
(comme les soldats…). Le nom choisi par le maître est parfois celui d’un nom illustre de
l’histoire occidentale.
Parfois (rarement) est indiqué son nom africain, ou le nom de la tribu africaine dont il est
originaire.
Les affranchis sortent de leur condition d’ancien esclave lorsqu’ils (la plupart du temps
elles) épousent un habitant ou un soldat, si pauvre soit-il : ils se « blanchissent » ainsi et les
termes de « mulâtre », de « nègre libre » disparaissent de l’état civil ; il y a intégration
complète et leur origine est ainsi occultée. Le nom se « blanchit » par mariage ; l’esclave n’est
qu’un seul prénom, l’affranchi devient réellement un « libre » lorsqu’il porte un prénom
chrétien, un nom européen et que son statut initial n’apparaît plus dans les registres d’état
civil. Il n’est l’égal des autres habitants, soldats et fonctionnaires qu’après deux voire trois
générations.
Source: Marie Polderman, op. cit.
Pistes de travail
- À partir des éléments du document A, tracer l’arbre généalogique de la famille Tirel entre
1679 et 1755.
- En quoi cette famille est-elle métissée ?
- Quels indices montrent que le statut de métis permet de sortir de la condition d’esclave ?
- Comment la famille Tirel est-elle un exemple de métissage biologique, culturel, social,
économique ?
- Calculer le pourcentage d’hommes célibataires en 1717 et en 1737 (document B). Que
constate-t-on ? En quoi cela va-t-il favoriser le métissage ?
- Le mariage avec une esclave est-il autorisé ? Quel peut en être l’avantage pour l’esclave ?
Que dit le décret de 1741 à ce propos en Guyane ? Qu’en est-il dans les autres colonies
françaises d’Amérique ? (document C)
- Comment le nom et le prénom traduisent-ils le statut social de la personne ? En quoi lui
confère-t-il une identité (document D) ?
Mots-clés
Esclavage / première colonisation / femme / Guyane / Code noir / métissage / mariage
Lien
Voir aussi le dossier 1 (Économie & société dans les empires coloniaux) : « Suzanne
Amomba Paillé, une esclave affranchie en Guyane » (cartes)
2 – LA CONDITION DES FEMMES EN INDOCHINE
Le martyre de la femme indigène
D'après ce que nous avons relaté dans les pages précédentes, on a pu voir de quelle manière la femme
annamite est « protégée » par nos civilisateurs. Nulle part elle n'est à l'abri de la brutalité. En ville, dans sa
maison, au marché ou à la campagne, partout elle est en butte aux mauvais traitements de l'administrateur,
de l'officier, du gendarme, du douanier, de l'employé de gare. Il n'est point rare d'entendre un Européen
traiter une Annamite de con-dhi [putain] ou de bouzou [singe]. Même aux Halles centrales de Saigon, ville
française, dit-on, les gardiens européens n'hésitent pas à frapper les femmes indigènes à coups de nerf de
boeuf ou de matraque pour les faire circuler. […] C’est une douloureuse ironie que la civilisation –
symbolisée en ces différentes formes, liberté, justice, etc. par la douce image de la femme et agencée par
une catégorie d’hommes qui se piquent de galanterie – fasse subir à son emblème vivant les traitements
les plus ignobles et l’atteigne honteusement dans ses mœurs, dans sa pudeur et dans sa vie. […] Ce ne
sont pas seulement des visites domiciliaires à jet continu, ce sont des visites corporelles qui peuvent être
opérées en tous lieux sur les indigènes des deux sexes ! Des agents des douanes pénètrent dans des
habitations indigènes, obligent des femmes et de jeunes filles à se dévêtir complètement devant eux et,
quand elles sont dans le costume de la Vérité, poussent leur fantaisie lubrique jusqu’à apposer sur le corps
le cachet de la douane.
Oh ! mères, femmes, filles françaises, qu’en pensez-vous, mes sœurs ! Et vous, fils, maris et frères
français ? C’est bien de la galanterie française et « colonialisée », n’est-ce pas ?
L’enthousiasme des Annamites pour l’instruction moderne effraie l’Administration du Protectorat.
C’est pourquoi elle ferme les écoles communales, elle les transforme en écuries pour messieurs les
officiers, elle chasse les élèves et coffre les maîtres. Une institutrice indigène fut arrêtée, amenée, tête nue
au chef-lieu, sous le soleil brûlant, la cangue au cou.
Un adjudant-chef d’artillerie mettait le feu à une maison sous prétexte que la propriétaire ne voulait pas
le recevoir à minuit.
Un lieutenant, polygame, jetait à terre une jeune femme annamite et l’assommait à coup de rotin, parce
qu’elle ne voulait pas être sa concubine.
Un autre officier avait violé une fillette dans des conditions odieuses de sadisme. Traduit devant la
Cour Criminelle, il fut acquitté parce que la victime était une Annamite. […]
Source : Hô Chi Minh, Le procès de la colonisation française et autres textes de jeunesse,
« Chapitre XI, Le martyre de la femme indigène »,Paris, Le Temps des cerises, p. 127-135.
Présentation
La présentation complète d’Hô Chi Minh, du Procès de la colonisation français et du
contexte indochinois a été proposée dans le dossier 1 du présent rapport (Économie et société,
document 4 intitulé « Les corvées dans l’Indochine de l’entre-deux-guerres »). Pour éviter les
redites au sein du rapport, on s’y reportera pour tous les éléments de contextualisation.
Analyse
Ce document est un extrait du chapitre XI, « Le martyre de la femme indigène », où Hô
Chi Minh rapporte des exemples des mauvais traitements infligés aux femmes en Indochine
mais aussi dans les autres parties de l’empire français, qui n’ont pas été retranscrits, tout en
ironisant sur la mission civilisatrice de la colonisation. L’auteur dresse ainsi une liste
effroyable du comportement des colonisateurs, du fonctionnaire au colon, envers les femmes
annamites. L’attitude de supériorité des Européens envers les femmes colonisées qui apparaît
n’est pas spécifique à l’Indochine.
La colonisation a un impact très différent pour les hommes et pour les femmes. Bien que le
discours colonial sur la France civilisatrice la présente comme émancipatrice pour ces
dernières, la réalité est tout autre. En effet, les femmes, qui représentent les gardiennes de
l’identité du groupe avec les rôles de conservation du sang et de reproduction de la famille et
de ses valeurs, apparaissent désormais comme des obstacles aux changements. La condition
des femmes s’aggrave : ainsi avec la mise en subordination ou/et la détérioration de leur
statut, de leur rôle, de leur place. Par exemple, les femmes sont pénalisées par l’introduction
du droit européen comme le Code Napoléon qui amoindrit l’autonomie financière féminines
dans les sociétés matrilinéaires africaines, ou par les changements de code de la famille
comme en Indochine où le code chinois Gia Long (principe confucéen des trois obéissances
au père, au mari et au fils aîné) est désormais appliqué. Ce code est plus inégalitaire que la
coutume vietnamienne qui ouvre le droit a un égal héritage et offre la possibilité de choisir
son conjoint. Par ailleurs, les colonisateurs ne traitent qu’avec les hommes ce qui entraîne
souvent la non-reconnaissance de la femme dans certains secteurs (agriculture, commerce,
sociétés secrètes,…) et elles se retrouvent souvent à l’écart des secteurs les plus modernes de
l’économie et de la société coloniales. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que la femme est
considérée comme inférieure à l’homme dans la société française.
Ces comportements abusifs et violents peuvent aussi s’expliquer par l’image véhiculée des
femmes colonisées, notamment sur les cartes postales mais aussi sur les affiches ou dans la
littérature, qui participe à un imaginaire colonial où les femmes sont inférieures et disponibles
pour tous les désirs des hommes. Ainsi, les cartes postales montrent des femmes tonkinoises
souvent nues ou des femmes dominées par leur époux, donc des femmes qui doivent accéder
à la civilisation occidentale et à la liberté par rapport au poids des coutumes locales grâce à la
colonisation française. Ensuite, la dimension érotique est très présente avec un discours très
sexualisé. Par exemple, la femme tonkinoise est souvent représentée avec distinction afin
d’exprimer l’image de la sexualité mystérieuse et sensuelle des Asiatiques. Ainsi, le colon
domine la femme qui est avant tout un objet sexuel. La terre coloniale est perçue comme une
occasion d’assouvir ses désirs les plus inavouables et permet d’expulser l’énergie sexuelle
réprimée par la société européenne. Par ailleurs, en Indochine, de nombreuses femmes
deviennent la concubine d’un européen notamment des militaires et des fonctionnaires civils :
la congaï, qui signifie également jeune fille en vietnamien, est un terme péjoratif dans la
bouche d’un européen. Il n’y a pas de respect pour les concubines en général de la part des
Européens. En cela les européens reprennent la tradition vietnamienne où le chef de famille
est autorisé à avoir jusqu’à dix concubines, qui doivent obéissance à la femme principale. Ces
concubines peuvent servir de servantes ou pallier la stérilité de la femme principale ou son
impossibilité à donner naissance à un enfant mâle.
Le respect pour les femmes de l’Indochine et au-delà pour les femmes de l’ensemble de l’Empire n’existe pas.
Mots-clefs : abus, femme, violence, Indochine, Viêt-nam.
Pistes pédagogiques
- Comment les Européens se comportent-ils envers les femmes annamites ? Citer des exemples.
- Comment l’auteur dénonce-t-il ces comportements ?
- En quoi cela est-il contradictoire avec la mission civilisatrice de la France ?
- Montrer que ce traitement des femmes a un but précis. Quelles peuvent en être les conséquences
pour la place des femmes dans la société vietnamienne ?
Niveaux
Collège
. 4e: Chapitre III, L’Europe et son expansion, thème 3 : Le partage du monde.
. 4e rentrée 2011-2012 : Chapitre III, thème 4 : Les colonies avec comme étude possible celle
de la société coloniale.
Lycée
. 1re ES/L : chapitre I, L’âge industriel et sa civilisation du milieu du XIXe siècle à 1939,
leçon 3 : L’Europe et le monde dominé : échanges, colonisations, confrontations.
. Ter. S : chapitre II, Colonisation et indépendance, leçon 1 : la colonisation européenne et le
système colonial
Pistes bibliographiques
. Pierre BROCHEUX , Hô Chin Minh, Presses de Sciences Po, Paris, 2000.
. Pierre BROCHEUX Pierre, Daniel HEMERY, Indochine, la colonisation ambigüe (18581954), Paris, La Découverte, 2001.
. Daniel HEMERY, Hô Chi Minh : de l’Indochine au Vietnam, coll. « Découvertes »,
Gallimard, 1994.
DOC 3 – ENTRETIEN AVEC UNE SAGE-FEMME GABONAISE
FORMEE A L ’EPOQUE COLONIALE
Je m’appelle Azizet Fall N’Diaye, je suis née le 6 mai 1924 à Brazzaville, de père sénégalais et de
mère gabonaise. Je suis veuve et mère de six enfants. J’ai fait mes études primaires au Sénégal chez
les sœurs de Saint-Joseph où j’ai obtenu mon certificat d’étude en 1939.
Il faut signaler que les écoles ont d’abord été construites pour former des Noirs qui puissent aider
les Blancs. (…) À l’époque, il n’y avait que des hommes, ce sont eux qui faisaient office de
secrétaires, les femmes, c’est bien plus tard. Ma mère, par exemple, était scolarisée, elle savait lire et
écrire, mais on leur apprenait l’art ménager, l’entretien de la maison et du foyer, c’est tout. Quand il
s’est agi de recruter du personnel pour la santé, c’étaient les hommes qui étaient infirmiers et les
militaires qui s’occupaient de la santé. (…)
Quand je suis partie (au Sénégal) avec mon père à l’âge de six ans (en 1930), il existait déjà une
école de sages-femmes. L’Afrique de l’Ouest était en avance sur l’Afrique centrale sur la formation
professionnelle des femmes. Il existait l’École des sages-femmes et l’École normale d’institutrices.
Les premières sages-femmes que j’ai connues là-bas ont l’âge de ma mère, mais ici (au Gabon), nous
sommes les premières. Les sages-femmes de là-bas et qui sont de ma génération sont de 5e ou 6e
promotion. Nous sommes la 1re promotion (de Gabonaises formées au Sénégal), Marguerite Issembet
et moi. La première sage-femme, c’est Marguerite Issembet ; son premier poste d’affectation a été au
Mali. Elle a obtenu son certificat d’étude à Saint-Louis-du-Sénégal et, à l’époque, on recrutait au
niveau du certificat d’étude. (…)
C’est surtout mon père qui voulait que je sois sage-femme parce qu’à l’époque, les sages-femmes
étaient de grandes élites. (…) Il n’y avait rien à l’époque, il n’y avait pas de lycées, l’université n’en
parlons même pas, l’université a été créée il y a à peine trente ans. Quelle que soit ton intelligence, il y
avait un seuil qu’il ne fallait pas dépasser, en un mot, on était limitées dans nos choix. S’il avait existé
des lycées, je ne serais pas que sage-femme. J’avais une institutrice qui voulait que j’aille continuer
mes études au lycée en France, mais je ne le pouvais pas, à l’époque il n’y avait pas de bourses, et mon
père n’avait pas de moyens pour m’y envoyer. Je suis donc partie à Dakar pour être sage-femme.
(…) Mon premier poste d’affectation a été Brazzaville (au Congo français) en 1947 ; à la fin de
cette même année, j’ai rejoint mon premier poste d’affectation au Gabon, c'est-à-dire Mouila, où j’ai
exercé pendant un an. Après mon mariage, en 1948, mon mari a bénéficié d’un stage, je l’ai
accompagné et, de là-bas, j’ai demandé une bourse pour continuer les études (…). J’ai pu ainsi
préparer mon diplôme d’infirmière d’État.
Source : Extraits d’un entretien mené avec Madame Azizet FALL N’DIAYE en 2000,
in Aurélie AYENI, Les femmes dans les services de santé au Gabon (1950-1980),
Thèse de doctorat d’histoire, Université d’Aix-en-Provence, 2007, p. 77-78
(thèse non publiée).
Mots-clés : colonisation française, AEF, Gabon, femmes, scolarisation, sages-femmes.
Place dans les programmes
Classe de 4e, de 1ère et de Ter.S.
Pistes de travail
- Travail sur la scolarisation et la formation professionnelle des filles à la période
coloniale.
- Quelles étaient leurs possibilités de promotion par l’école ? Ces possibilités étaientelles comparables à celles des garçons ? Quelles carrières s’offraient aux meilleures
élèves ?
-
Localiser les lieux de formation et d’affectation mentionnés par Madame Fall
N’Diaye.
Analyse
Madame Azizet Fall N’Diaye, qui fut l’une des deux premières sages-femmes gabonaises
(elle est diplômée en 1947), a enseigné à partir de 1958 à l’Ecole des sages-femmes de
Libreville (créée à la veille de l’indépendance) et a exercé des fonctions de Directrice des
Affaires sociales du Gabon de 1970 à 1976. Elle a accepté, au début des années 2000, de
témoigner de son parcours de vie auprès d’une jeune chercheuse gabonaise qui consacrait sa
thèse à l’histoire des femmes gabonaises. Son récit de vie, dont quelques extraits sont
présentés ici, constitue un intéressant témoignage sur le parcours scolaire des jeunes filles
durant la période coloniale.
Le document évoque la marge de manœuvre très étroite des filles – plus étroite encore que
celle des garçons – dans les années 1930-1940, dans cette parente pauvre de l’Empire qu’était
l’Afrique Équatoriale française : faiblesse numérique de la scolarisation féminine, relative
médiocrité de l’enseignement (consensus généralisé pour penser que la « vocation » naturelle
des filles était de s’occuper de leur foyer), rareté des « métiers » possibles (deux carrières
envisageables seulement : institutrice ou sage-femme)...
Mme Fall N’Diaye a un parcours atypique à plusieurs égards. Elle est d’abord fille unique
et a été fortement soutenue par son père, qui a de grandes ambitions professionnelles pour
elle : c’est déjà, en soi, une rareté dans le contexte des années 1930-1940 (même en
métropole !).
Elle a la chance de pouvoir quitter très tôt le Gabon pour rejoindre le Sénégal, patrie de son
père – Sénégal où, surtout dans les villes, le réseau des écoles (publiques et privée) et le
niveau de scolarisation est, globalement, l’un des meilleurs de l’Afrique française. Ensuite,
elle est scolarisée dans une très bonne école privée, celle des sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny,
congrégation implantée à Saint-Louis-du-Sénégal depuis 1819 – où elle s’avère une excellente
élève. C’est en effet généralement dans les écoles privées catholiques ou protestantes que sont
offertes de véritables possibilités d’ascension sociale aux élèves indigènes les plus doués
(N.B : c’est le cas par exemple pour Léopold Sédar Senghor qui commença ses études chez
les Pères Spiritains, puis à Dakar au collège-séminaire François Libermann, avant de rejoindre
l’enseignement public).
Pour autant, l’accès aux études supérieures reste alors très limité ; il faut attendre les
années 1950 pour voir se développer un système de bourses d’enseignement supérieur – et les
débouchés professionnels sont étroits, notamment pour les filles cantonnées à deux domaines
principaux. La mobilité professionnelle imposée aux institutrices et aux sages-femmes (qui
peuvent être affectées n’importe où dans la fédération) contribue également certainement à
éloigner les filles de ces deux carrières de la fonction publique indigène.
Ces métiers sont pourtant socialement valorisés et les institutrices comme les sagesfemmes appartiennent aux élites colonisées. Précisons cependant que, dans le système
colonial, instituteurs et personnels de santé n’appartiennent pas au même cadre de la fonction
publique que les citoyens français. Ils appartiennent en effet au « cadre indigène », sont
formés dans des écoles différentes (et généralement dans des filières plus courtes), ont des
diplômes spécifiques moins bien cotés (« moniteurs de l’enseignement indigène », « médecins
indigènes », etc.) et sont, bien sûr, beaucoup moins bien payés que les fonctionnaires
français…
Le document témoigne enfin du développement tardif du secteur de la santé dans certaines
régions de l’Empire et de la faible attention portée à l’obstétrique, surtout en AEF. La
médecine coloniale a en effet connu un développement limité (campagnes de vaccination,
lutte contre certaines maladies endémiques) et les efforts ont été souvent tournés vers la main
d’œuvre masculine…
Pistes bibliographiques
Pascale Barthélémy, Femmes, africaines et diplômées : une élite auxiliaire à l’époque
coloniale. Sages-femmes et institutrices en Afrique occidentale française (1918-1957), thèse
de doctorat d’histoire de l’université Paris 7 – Denis Diderot, 2004, 945 p. (à paraître en 2010
aux Presses Universitaires de Rennes).
Pascale Barthélémy, « Sages-femmes africaines diplômées en Afrique occidentale française
des années 1920 aux années 1960 : une redéfinition des rapports sociaux de sexe en contexte
colonial », in Anne Hugon (dir.), Histoire de femmes en situation coloniale, Afrique et Asie,
e
XX siècle, Paris, Karthala, 2004, p. 119-144.
Anne Hugon, « L’historiographie de la maternité en Afrique subsaharienne », Clio. Histoire,
Femmes & Sociétés, nº 21, 2005.
4 – SEQUENCE LETTRES
AUTOUR DE LA NOUVELLE LES JEUNES FILLES DE LA COLONIE
DE LEÏLA SEBBAR
in Une enfance outremer (Points virgule)
Niveau : Classe de 3e, dans le cadre « des récits d’enfance ou de récits porteurs d’un regard
sur l’histoire et le monde contemporains » (B.O. août 2008).
Présentation de la nouvelle Les jeunes filles de la colonie
La narratrice évoque sa situation d’enfant métis ayant grandi en Algérie dans les années
50. La nouvelle est centrée sur deux expériences fondatrices qui lui rappellent son étrangeté
pour les deux communautés dont elle est issue : la rencontre des garçons arabes qui insultent
les filles du maître d’école et les allusions perfides des jeunes filles pieds-noirs.
Ces expériences sont présentes dans son œuvre depuis longtemps, que ce soit dans Si je ne
parle pas la langue de mon père écrit en 1988 (L’arabe est un chant secret, Bleu autour,
2007) ou Je ne parle pas la langue de mon père publié en 2003 (Julliard). Leïla Sebbar s’y
interroge déjà sur ses relations à la langue paternelle qu’elle ne parle ni ne comprend. Elle
éprouve une véritable curiosité et attirance pour cette langue à la fois proche, exotique mais
aussi menaçante.
1/ Le statut du narrateur autobiographique
-
Quelle est la personne grammaticale utilisée par le narrateur ?
Comment le narrateur est-il nommé dans la suite du texte ?
Quelle relation pouvez-vous établir entre le narrateur et l’auteur ?
Que pouvez-vous conclure sur le genre auquel appartient ce texte ?
C’est un récit à la première personne. Le nom de ce « je » Leïla Sebbar apparaît dans le
cours du récit. On peut donc dire qu’auteur, narrateur et personnage se confondent. Ce texte
appartient donc au genre autobiographique.
2/ La structure du récit : les différents niveaux temporels
-
Quels sont les différents lieux mentionnés dans le texte ? À quelles différentes
époques correspondent-ils ?
a/ Quelle est la situation familiale du narrateur enfant ? du narrateur adulte ?
b/ Repérez les passages où ces informations nous sont données. Comment sont-elles
placées dans le texte ?
Quel est le temps verbal dominant ? quelles sont ses valeurs ?
Ce n’est pas un récit linéaire mais un récit fragmenté et elliptique fait de bribes
d’informations, de souvenirs et d’événements où se mélangent passé et moment de l’écriture.
Les informations principales ne sont pas données d’emblée, dès les premières lignes de la
situation initiale. Ainsi, faut-il attendre la citation de la marque « Banania », pour comprendre
la situation professionnelle des parents de la narratrice enfant, au détour de l’évocation du
rituel du petit-déjeuner familial.
Dans les premiers paragraphes, deux lieux sont facilement identifiables de part et d’autre
de la Méditerranée : « de l’autre côté de sa terre, de l’autre côté de la mer » : c’est d’une part
la maison familiale maternelle qui se trouve en France dans le Périgord, devenue « la maison
de mémoire », et d’autre part « la maison d’école » à la végétation et à la constitution
méditerranéennes « roses trémières », « figuier » « moustiquaires », en Algérie. Cette dernière
impression est confirmée quelques lignes plus loin par l’allusion au père « … l’école de mon
père » ou « élève instituteur à l’École normale d’Alger ». L’enfance de la narratrice dans les
années 50 en Algérie forme le premier niveau temporel.
Les autres lieux correspondent à une autre époque, celui de l’exil c’est-à-dire après la
guerre d’Algérie : « …jusqu’au moment où il lira, des années plus tard, de l’autre côté de la
mer, exilé à son tour… ». C’est le moment où la narratrice cherche les marques concrètes de
son enfance « à la Bibliothèque nationale de France » ou « dans les cafés arabes de Barbès »,
à la recherche d’un éclat de voix ou d’une marque publicitaire. Les périodes de l’âge adulte –
deuxième niveau de lecture – se mêlent à l’évocation du passé. On comprend que la famille a
définitivement quitté la terre algérienne pour la France.
La situation personnelle de la narratrice a également changé : le père « Jeune élève
instituteur n’est plus. Elle le dit de façon allusive à plusieurs reprises : «… je ne peux plus lui
poser mes questions indiscrètes… » ; « … jusqu’à sa mort, un mercredi, je crois… » ; « Je ne
peux pas, ici, aujourd’hui, faire parler mon père d’outre-tombe. »
L’emploi dominant du présent de l’indicatif entretient la confusion des niveaux temporels :
le présent de narration sert à relater les anecdotes du passé et produit un effet d’actualité.
Le présent d’énonciation est réservé au moment de l’écriture « ici, aujourd’hui ».
3/ Le contexte colonial
-
Quelles sont les deux principales parties de la nouvelle ? A quoi cette division
correspond-elle ?
La narratrice reproduit le message publicitaire d’un modèle de chaussures : quelle
image de la femme algérienne donne-t-il ?
Comment les femmes sont-elles nommées selon qu’elles sont algériennes (indigènes),
pieds noirs ou métropolitaines ?
Quelle image de la société se dégage du discours et du mode de vie des jeunes filles de
la colonie ?
a/ Le texte de la nouvelle est divisé en deux parties isolées : « D’abord, Ce n’est pas la
guerre » et « Jusqu’au jour où C’est la guerre »
b/ Les messages publicitaires sont inscrits dans la mémoire comme n’importe quel autre
souvenir visuel, auditif ou olfactif. Celui des chaussures « Mauresque », terme utilisé par les
pieds noirs pour désigner une femme algérienne, véhicule une image exotique de la femme
orientale faite de mystère « aux airs mystérieux », indolente « mouvements lents et sûrs » et
sensuelle « grâce ».
c/ Le discours des jeunes filles pieds noirs qui s’interrogent sur l’origine du nom de la
narratrice montre une société cloisonnée où chacun doit s’inscrire dans l’une ou l’autre des
communautés sans qu’il soit possible d’établir de passerelles.
Les noms disent la communauté à laquelle on appartient selon qu’on s’appelle « Benali » ou
« Sabbag ».
Les femmes algériennes sont désignées par le terme « mauresque » et les bonnes qui
travaillent chez les pieds noirs comme des « fatmas ». Une distinction est faite entre les
français nés en Algérie et les français de France que l’on nomme « Frankaoui » ou « Patos ».
La séparation des noms se prolonge dans celle du mode de vie : les jeunes filles de la
colonie mène une vie aisée et insouciante sur des « plages », dans des « villas », auxquelles
les autres communautés n’ont pas accès.
4/ La double identité de la narratrice
-
Cherchez le sens du mot « bigarrée ».
Quelles sont les deux expériences fondatrices de son identité ?
Quel regard porte sur elle, les enfants de son entourage ?
Relevez une phrase qui montre la difficulté de la narratrice à trouver sa place.
Le récit rétrospectif permet à la narratrice adulte de dire ce que l’enfant n’était pas capable
de formuler : d’emblée, dès les premières lignes de la nouvelle, la narratrice choisit un adjectif
rare aux consonnes sonores pour dire sa situation de métisse : « bigarrée ». Comme par jeu,
elle ne manque pas de le comparer à son paronyme « bigarreaux », sorte de cerises associées
aux sensations visuelles et gustatives de l’enfance.
L’adjectif « bigarrée » est employé une autre fois dans le texte ou est décliné avec
« singulier ». La narratrice entretient l’écart entre ce que son expérience d’adulte lui a appris
et l’ignorance de son enfance ; elle cherche à traduire la sensation de sa différence avant
même qu’elle en prenne pleinement conscience et qu’elle en connaisse les raisons. C’est
pourquoi elle emploie la même construction syntaxique « Et je ne sais pas que je suis
« bigarré » » ; « Et j’ignore que je suis « singulière » ». Ce qu’elle éprouve est de l’ordre de
l’intuition plus que de la raison. Elle semble avoir découvert ce mot à travers ses lectures de
Brantôme ou de Montaigne, comme si elle avait trouvé des réponses à ses questions dans les
livres.
Elle prend progressivement conscience de sa différence dans le regard des autres : « Je dis
que je l’ignore, pas tout à fait ». Ce sont les autres enfants qu’ils soient arabes ou pieds noirs
qui vont lui dire ce qu’elle est : le regard des garçons arabes sur les tenues des « trois sœurs,
robes trop courtes, jambes nues, socquettes blanches, rubans écossais » dit qu’elles
n’appartiennent pas à leur monde.
Il est possible de prolonger cette réflexion sur l’identité et la mémoire par la lecture
cursive d’autres nouvelles de Leila Sebbar, tiré de recueil La jeune fille au balcon, ou celle du
recueil Sous le jasmin la nuit de Maïssa Bey, en particulier la nouvelle intitulée Sur la virgule.
5 – SEQUENCE DE LETTRES (6 SEANCES)
GROUPEMENT DE TEXTES DE KIM LEFEVRE
Extraits de Métisse Blanche et de Retour à la saison des pluies (L’aube poche).
Niveau : Classe de 3e, dans le cadre « des récits d’enfance ou de récits porteurs d’un regard
sur l’histoire et le monde contemporains » (B.O. août 2008).
Présentation de Métisse Blanche
Dans le récit autobiographique Métisse Blanche, la narratrice raconte son quotidien
d’enfant métis dans l’Indochine et le Vietnam des années 1940 et 1950. Elle insiste
particulièrement sur ses relations avec sa mère et sur l’étrangeté de son statut de métisse.
Retour à la saison des pluies relate son retour au pays au début des années 90, après trente
d’absence.
Corpus
- p. 13-14, le projet autobiographique
- p. 107-108, la figure maternelle
- p. 30 et p.154-155, l’autoportrait
- p. 190-191, le travail de la mémoire
Texte 1 : Métisse blanche, Kim Lefèvre, édition de L’aube poche (p. 13-14)
Je suis née, paraît-il, à Hanoi un jour de printemps, peu avant la Seconde Guerre mondiale,
de l’union éphémère entre une jeune Annamite et un Français.
Je n’ai, sur ce sujet, pas de preuve tangible, aucun acte de naissance n’ayant été établi avant
ma quinzième année. D’ailleurs je n’ai pas cherché à le savoir. Cela n’avait aucune
importance ni pour moi, ni pour les autres. Nous vivions dans une société où la notion de
temps quantifié n’existait pas. Nous savions que notre vie se divise en grandes périodes :
l’enfance, le temps des règles pour une fille – signe de l’enfantement possible, donc du
mariage proche –, l’âge d’être mère, puis celui d’être belle-mère lorsque enfin on a acquis le
droit – si la chance vous a dotée d’un fils – de régner sur une bru craintive qui entre dans
votre maison. Quatre ou cinq ans de plus ou de moins représentaient peu de chose.
Je ne sais à quoi ressemble mon géniteur. Ma mère ne m’en a jamais parlé. Dans mes jours
sombres il me plaît de l’imaginer légionnaire, non pas « mon beau légionnaire », comme dit
ici la chanson, mais colon arrogant, détestable, un homme de l’autre côté. J’ai nourri à l’égard
de ce père inconnu une haine violente, comme seuls en sont capables les enfants
profondément meurtris.
J’ai porté des noms successifs qui ont été les charnières de ma vie. D’abord celui de ma
mère – Trân –, lorsqu’elle s’est retrouvée seule avec une enfant à charge. Affolée par
l’ampleur des conséquences que mon existence allait faire peser sur sa vie, elle me confia à
une nourrice avant de s’enfuir loin, jusqu’à Saigon, terre pour elle étrangère où elle espérait
rebâtir un avenir. Ensuite, le nom de mon géniteur – Tiffon –, à l époque où, poussée par la
famille unanime, ma mère chercha à me placer dans un orphelinat afin de me rendre « à ma
race ». Car j’étais à proprement parler une monstruosité dans le milieu très nationaliste où je
vivais.
Texte 2 : Métisse blanche, Kim Lefèvre, édition de L’aube poche (p.107-108)
Je ne savais presque rien de moi-même, je n’avais eu personne pour me raconter mon
enfance. J’aurais aimé savoir si j’avais été un bébé gai ou morose. M’avait-on trouvée
agréable ? Ressemblais-je aux nourrissons vagissants que je voyais autour de moi ? À ces
questions, ma mère elle-même n’était pas en mesure de répondre : elle était loin de moi à cette
époque. Le seul souvenir qui lui restait concernait un devin qui lui avait prédit que je ferais le
malheur de sa vie. Ce qu’elle m’apprit me glaça de frayeur. Je me sentais monstrueuse.
J’aimais ma mère, quel désespoir de savoir que j’allais inéluctablement lui faire du mal !
J’aurais désiré ne pas être sa fille. Je m’imaginais issue d’une autre femme, déjà morte en
couches, car ainsi je ne pourrais plus gâcher la vie de personne. Elle ne serait plus concernée
par la prédiction et moi, je pourrais alors lui apporter tendresse et consolation. Je la trouvais si
belle qu’il me semblait juste qu’elle eût les meilleures choses de ce monde. Elle avait le
visage d’un ovale parfait, des cheveux de jais. Ses yeux aux larges paupières – que je
retrouvai plus tard chez Marlène Dietrich – étaient surprenants chez une Asiatique. Des
pupilles d’ébène faisaient de son regard deux taches brillantes d’une infinie douceur. Sa
bouche, même au repos, avait toujours l’air d’être sur le point de dire quelque chose de tendre
et grave. Il émanait de sa personne une distinction, une grâce qui la tenaient au-dessus des
gens qui l’entouraient. Et cependant, je ne l’avais jamais vue heureuse. Elle ne semblait ne
souhaiter rien d’autre qu’un toit sur nos têtes et du riz dans la marmite chaque jour. Elle
supportait ses frustrations comme on s’arrange pour vivre avec une maladie incurable. Plus je
grandissais et plus je prenais conscience de l’échec de sa vie. Cette découverte déclencha en
moi des sentiments contradictoires ; j’étais tout à la fois désireuse de rester près d’elle pour
adoucir ses peines, et poussée par un impérieux besoin de fuir très loin. Tirer un trait sur les
misères matérielles et morales qui tissaient la trame de sa vie, faire peau neuve ailleurs. Briser
le cercle du malheur. Échapper à l’engrenage.
Texte 3 : Métisse blanche, Kim Lefèvre, édition de L’aube poche (p. 30 ; p. 154-155)
Sur les murs étaient accrochées des photographies de femmes françaises aux yeux
immenses, bordés de cils si épais et recourbés qu’on avait du mal à y croire. Leurs bouches
peintes en forme de cœur semblaient m’adresser des sourires d’une imperceptible ironie.
J’interrogeais le miroir ; la comparaison était à mon désavantage. Je me trouvais laide. Je
détestais violemment mes cheveux raides, tous les cheveux raides des Vietnamiennes. Je me
trouvais le teint trop sombre, les cils clairsemés, les yeux petits, le nez plat ; les lèvres trop
épaisses. Je rêvais d’être une Française moi aussi. Or française je l’étais, mais à demi, assez
pour qu’on pût me distinguer des Vietnamiennes à part entière, pas assez pour qu’on me prît
pour une Européenne. En tout cas, pas assez pour qu’on me trouvât belle comme je trouvais
extraordinairement attirantes ces images qui me toisaient du haut de leur encadrement. (p. 30)
C’était une photographie d’identité où l’on voyait une petite fille au visage rond, aux
cheveux courts avec une frange sur le front. Je ne pouvais croire que ce fût moi. Cette image
était celle d’une étrangère. Elle avait l’air si particulière, si différente des autres ! Elle n’avait
ni la même apparence, ni les mêmes expressions que ceux qui m’étaient familiers. Je
l’examinai longuement, avec le sentiment que son univers n’était pas le mien. Je me pensais
vietnamienne, je me percevais intimement, en tout point, semblable à ma mère et à mes sœurs.
Comment pouvais-je être celle-ci qui avait l’air de venir d’ailleurs? J’étais ignorante de mon
image car j’avais eu peu d’occasions de me regarder dans un miroir. Chez nous, seul mon
parâtre possédait une glace rectangulaire qu’il utilisait uniquement pour se raser et qu’il
rangeait aussitôt.
La vision de la photographie me bouleversa au point que ma mère, inquiète, courut chercher
la glace de son mari qu’elle me tendit. Je regardai dans le miroir : ma surprise fut profonde. Je
n’étais pas du tout comme je m’étais imaginée. Je dus reconnaître que j’étais plus proche de la
photo que de l’idée que j’avais de moi-même. Ce visage étranger, ce regard interrogatif de
quelqu’un qui ne savait pas très bien où il se trouvait, c’était donc moi. Je pris
douloureusement conscience de mon altérité. Mais, si brutale qu’elle fût, cette découverte eut
au moins le mérite de me guérir de ma cécité intérieure. Je savais désormais que je n’étais pas
pareille aux autres. (p. 154-155)
Texte 4 : Retour à la saison des pluies, K. Lefèvre, édition de L’aube poche (p. 190-191)
(Après avoir quitté le Vietnam dans les années 60, Kim Lefèvre est revenu dans son pays
dans les années 90.)
Sur ma droite je vois un marché couvert où il y a beaucoup de monde. J’éprouve, en le
voyant, une impression de déjà-vu. Il me rappelle quelque chose mais je n’arrive pas à savoir
quoi. J’en suis encore à m’interroger sur la raison qui me rend ce marché si familier quand
mon regard rencontre une église. Cette fois, il n’y a pas de doute, c’est bien l’église dans
laquelle s’est déroulée la cérémonie de ma confirmation. Elle est attenante à l’école des sœurs
où j’étais pensionnaire. Si ma mémoire n’est pas défaillante, le bâtiment voisin doit être mon
ancienne école. Mais je peux me tromper, toutes les églises se ressemblent.
Le chauffeur interrogé me confirme que nous sommes à Tân Dinh. C’est donc bien l’endroit
où j’ai fait mes études. Je n’en crois pas mes yeux. Comme le hasard fait parfois bien les
choses ! Je fais arrêter la voiture et descends pour revoir les lieux où j’ai vécu jadis. Devant
le portail, il y a une table derrière laquelle se tient un employé. Je pénètre dans la cour : pas
l’ombre d’une religieuse, rien que des fonctionnaires indifférents. Les allées de graviers ont
disparu, mais à part ce détail tout est resté intact.
Devant moi le parloir surplombé par le buste d’un Sacré-Cœur en stuc est toujours là,
seulement noirci par le temps. Aujourd’hui on l’a condamné en installant une barrière de bois
devant la porte. À quoi bon un parloir quand il n’y a plus de fonctionnaires ? À droite, là où se
trouvaient les salles de classe, une école maternelle d’État abrite quelques dizaines de
bambins. Je regarde, de loin, celle où j’avais étudié pendant quatre ans et dont la porte est
restée ouverte. Je voudrais savoir si elle a changé, si je retrouverai le banc où j’étais assise. Je
m’avance mais une femme m’arrête : il est interdit aux étrangers d’y pénétrer. J’explique que
je ne suis pas tout à fait une étrangère à cette école, que j’y ai fait mes études il y a bien
longtemps… La femme ne m’écoute pas, elle n’y peut rien, c’est la consigne, me dit-elle.
Dans le préau je revois les bancs de pierre où nous venions nous asseoir après les classes en
attendant l’heure du repas. Je tourne en rond dans la cour, j’explore. Tiens, on a abattu le
tamarinier centenaire et bouché la grotte de la Vierge ! Je m’aventure là où c’était jadis le
territoire privé des religieuses, le domaine interdit aux élèves. Aux grandes vacances, l’année
où j’avais été obligée de rester une semaine après le départ des autres dans l’attente d’une
entrevue avec ma future marraine, j’avais bien souvent rôdé près de ce bâtiment pour tromper
mon ennui et dans l’espoir de croiser sœur Aimée que le règlement maintenait cloîtrée dans sa
communauté.
Près du calvaire je rencontre une femme habillée de noir. Se pourrait-il que des religieuses
vivent encore ici ? Elle me demande ce que je cherche.
« J’étais pensionnaire dans cette institution il y a très longtemps, est-ce que d’anciennes
religieuses y vivent encore?
– Qui cherchez-vous exactement?
Je me tais. J’aurais l’air ridicule si j’avouais que je cherche sœur Aimée. D’ailleurs il y a
peu de chances que cette femme la connaisse, elle est beaucoup trop jeune. La femme en noir
m’observe avec un mélange de curiosité et de méfiance. Je suis tentée de dire : « Je ne
cherche personne » et de m’en aller, mais son regard insistant me retient.
« Eh bien, j’étais l’élève de sœur Aimée et je me demande si par hasard vous sauriez où elle
se trouve…
– Elle est là, je vais la chercher. »
PRESENTATION DE LA SEQUENCE
SEANCE 1 : présentation de l’auteur et de l’œuvre
- analyse du titre : définition du métis
- consonances asiatique et française du nom de l’auteur
SEANCE 2 : comment reconnaît-on une autobiographie ?
Texte 1 : analyse méthodique de l’incipit
- Quel est le pronom personnel qui se répète le plus souvent ? Peut-on faire un lien entre le
nom des personnages et celui de l’auteur ?
- En quoi l’entrée dans le texte est-elle brutale ?
- En quoi l’identité de la narratrice est-elle incertaine ? Quelles expressions montrent cette
incertitude ?
- Relevez les groupes nominaux qui désignent le père : quel commentaire inspirent-ils ?
1/ le statut du narrateur
Le statut particulier du « je » suppose l’identité auteur/narrateur/personnage :
La particularité du « je » autobiographique est que l’auteur, le narrateur et le personnage
principal se confondent ; dans le cours du récit, le nom du personnage permet de faire le lien
avec celui de l’auteur inscrit sur la couverture du livre.
L’emploi du pronom « je » se prolonge dans le « nous » et les adjectifs possessifs.
2/ un pacte de sincérité
a/ un aveu brutal
L’auteur instaure une relation de confiance et de franchise avec le lecteur. Même si ce
qu’elle raconte paraît impudique, elle ne cherche pas cacher la vérité ou ses sentiments. C’est
pourquoi elle évoque le contexte de sa naissance en soulignant de façon un peu provocante ce
qui fait sa singularité.
Le « je suis née » est nuancé par la mise en incise de « paraît-il » qui montre la fragilité de
son identité.
Elle n’hésite pas à afficher sa situation de métisse en parlant « d’union éphémère entre une
jeune Annamite et un Français ». Dans le dernier paragraphe, elle insiste sur l’inconfort de sa
situation de métisse, rejetée par la communauté vietnamienne et considérée comme « une
monstruosité ».
b/ des sentiments excessifs mais sincères
Le père est désigné à l’aide d’expressions impersonnelles comme « mon géniteur », « ce
père inconnu » qui montrent l’absence de lien entre la narratrice et son père. Elle a été élevée
dans l’ignorance de son image « à quoi ressemble mon géniteur…» et de son identité « Ma
mère ne m’en a jamais parlé », ce qui a développé un imaginaire et des sentiments négatifs :
s’inspirant de la chanson d’E. Piaf, elle le voit en « colon arrogant » ; elle affiche également
« une haine violente ».
SEANCE 3 : Comment exprimer ses sentiments?
Texte 2 : le portrait maternel
- Quelle phrase introduit le portrait maternel?
- Quel type de vocabulaire domine dans ce portrait?
- Quel sentiment s’exprime à travers ce portrait?
- Quel terme est utilisé pour nuancer le portrait?
- Quelle leçon la narratrice tire-t-elle de ce portrait?
Le portrait commence avec la phrase « Je la trouvais si belle … ».
Le vocabulaire dominant dans ce portrait est celui de la perfection et de l’exception : la
narratrice utilise des expansions du nom qui soulignent la perfection de ses traits physiques :
« visage d’un ovale parfait », « yeux aux larges paupières », « des pupilles d’ébène ». Elle
compare sa mère à la grande actrice des années 30 et 40, M. Dietrich et en fait une figure
d’exception avec la formule « une distinction, une grâce qui la tenaient au-dessus des gens
qui l’entouraient ».
À travers ce portrait, la narratrice exprime son admiration pour sa mère en projetant sur
elle une image idéale, fantasmée, qui n’est peut-être pas vraie.
SEANCE 4 : Comment raconter un épisode de son enfance?
Je garde un souvenir assez précis du jour où je rencontrais celui/celle qui allait devenir
mon/ma meilleure amie. Racontez cette rencontre en situant l’époque et le lieu et en
exprimant vos impressions ; vous ne manquerez pas d’exprimer vos sentiments pour cette
personne, en utilisant la description à la manière de Kim Lefèvre dans le texte étudié.
SEANCE 5 : Comment se décrire soi -même?
Texte 3 : l’autoportrait
1re partie : p. 30
- Comment la narratrice se voit-elle ?
- Quel genre de verbes utilise-t-elle ?
- Repérez les adjectifs la caractérisant : quel effet produisent-ils ? quel adverbe les
accompagne ?
- Quel rôle jouent les connecteurs d’opposition « or », « mais » et la négation « pas » ?
2e partie : p. 154
- Quelle personne grammaticale la narratrice utilise-t-elle ? Justifiez ce choix.
- Relevez les groupes nominaux désignant la fillette ? Observez les déterminants qui les
accompagnent ; quel est l’effet produit ?
- Sur quelle opposition le texte est-il organisé ?
1/ l’autodénigrement (p. 30)
Comme l’indique la déclaration « Je me trouvais laide », la narratrice ne se plaît pas. Elle
utilise des verbes de jugement – « détester », « se trouver » – et les adjectifs péjoratifs la
définissant sont accompagnés de l’adverbe d’intensité « trop » qui accentue son jugement.
Les connecteurs d’opposition « or », « mais » montrent la dualité qui caractérise la
narratrice ; la construction binaire « assez pour », « pas assez pour » montre qu’elle est
tiraillée entre deux identités qu’elle ne parvient à concilier.
2/ le sentiment d’étrangeté à soi
La narratrice utilise la 3e pers. « on », « elle », car elle ne se reconnaît pas dans la personne
qu’elle découvre sur la photographie. Elle décrit avec distance « une petite fille au visage
rond » et admet que la fillette est pour elle « une étrangère ». Plus loin dans le texte, elle
emploie l’adjectif démonstratif « ce » dans « ce visage étranger, ce regard…de quelqu’un… »
qui accentue la mise à distance.
D’ailleurs, le texte est organisé sur l’opposition du semblable et du différent : l’enfant de
la photo est associée aux termes « si différente », « son univers », « ailleurs » ; la narratrice se
rattache aux mots « familiers », « le mien », « semblable à ma mère ».
La photographie est l’occasion de se confronter à sa propre image. C’est une expérience
troublante car l’image que l’on se fait de soi-même ne correspond pas forcément à celle que
l’on renvoie ou à celle que les autres se font de nous. Des verbes comme « reconnaître », « je
pris conscience », « bouleversa » attestent de cette révélation à soi-même qui apprend à
chacun à se familiariser avec soi-même.
Écriture : Vous retrouvez une photo sur laquelle vous avez du mal à vous reconnaître : vous
essayez de situer le lieu et l’époque ; vous vous décrivez en insistant sur les détails physiques
et sur les vêtements.
SEANCE 6 : Comment montrer la distance passé/présent ?
Texte 4 : un lieu de l’enfance
- Quel sens domine dès les premières lignes ?
- Relevez des expressions qui montrent l’hésitation de la mémoire.
- Quels endroits précis la narratrice retrouve-t-elle ? Quels changements remarque-t-elle ?
- Devenu adulte, vous retournez sur un lieu de votre enfance ; il ne correspond pas
exactement au souvenir que vous en gardiez : décrivez-le.
1/ Le travail de la mémoire
On constate que l’exercice de la mémoire est lié à celui des sens : dans ce texte, c’est la
vue qui aide la narratrice à se souvenir d’un lieu précis : « je vois un marché… », « mon
regard rencontre… ».
La reconnaissance du lieu se fait de façon progressive et hésitante comme l’indique la
phrase « Il me rappelle quelque chose mais je n’arrive pas à savoir quoi ».
2/ La liaison entre le passé et le présent
L’école fréquentée par la narratrice dans son enfance n’a pas tellement changé même si
elle constate différents changements : « le parloir » est « seulement noirci par le temps » ; les
salles de classe ont été transformées en « école maternelle » mais ne peut retrouver le banc
qu’elle occupait car elle en est empêchée par son occupante. Elle retrouve les « bancs de
pierre » apparemment intacts.
De fait, la permanence des lieux s’illustre dans la présence de la religieuse sœur Aimée à
laquelle la narratrice n’ose croire.
3/ Écriture
Pour décrire un lieu de votre enfance,
- utilisez le vocabulaire des sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher.
- décrivez les personnes et les éléments qui se trouvent dans ce lieu ; soulignez les qualités,
les défauts, les formes et les couleurs ; montrez les différences et les ressemblances entre le
passé et le moment présent.
- exprimez vos sentiments et montrez l’hésitation de la mémoire.

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