Aspergillose naso-sinusale chez un chat - CVU

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Aspergillose naso-sinusale chez un chat - CVU
Le Monde Vétérinaire
Dr Marie La vennes*1, Dr Anna-lisa Liotta*2, Dr Frédéric Billen*1, PhD, Dipl ECVIM-CA
Aspergillose naso-sinusale
chez un chat
L’aspergillose nasale est une maladie beaucoup plus rare chez le chat que chez
le chien bien qu’elle semble en émergence. On décrit deux formes distinctes
d’aspergillose nasale chez le chat: l’aspergillose naso-sinusale (ANS), comme chez
le chien, et l’aspergillose sino-orbitaire (ASO). La deuxième étant plus agressive et
associée à un plus mauvais pronostic1,2. Lors d’atteinte nasale, l’infection fongique
reste localisée aux cavités nasales, sinus ou cavités orbitaires. Par contre, on décrit
également une forme systémique où le champignon peut infecter le système
nerveux central, les poumons, ou encore se disséminer dans plusieurs organes1,2.
INTRODUCTION
L’aspergillose naso-sinusale se manifeste cliniquement par
des signes de rhinite chronique (éternuements, jetage, parfois
épistaxis) alors que des symptômes oculaires se rajoutent
lors d’atteinte sino-orbitaire (exophtalmie, déformation de
l’orbite, …)1,2.
Il n’existe pas de traitement standard efficace et les
traitements actuellement décrits proviennent de la médecine
canine : débridement et balnéation par endoscopie
ou rhinotomie associé à un traitement anti-fongique
systémique1,2.
traités pendant plusieurs mois avec différents antibiotiques.
La récidive des signes cliniques 5 mois avant sa présentation
avait motivé la réintroduction de différents antibiotiques
successifs (amox/ac clavulanique, marbofloxacine,
clindamycine, doxyxycline). Ces traitements n’ayant permis
que des améliorations courtes et transitoires, Cassis a
été référé à la clinique vétérinaire universitaire (CVU) de
l'Université de Liège afin d'investiguer l’origine de son jetage
bilatéral chronique.
EXAMEN CLINIQUE
L’examen général de Cassis était dans les normes. L’examen
spécial du système respiratoire a révélé un jetage mucopurulent bilatéral et une perméabilité nasale maintenue
bilatéralement.
Cet article décrit la démarche diagnostique d’une aspergillose
naso-sinusale chez un chat, traitée avec succès après deux
séances de débridement et balnéation à l’énilconazole 2%
associées à un traitement systémique à base d’itraconazole
durant 2 mois.
EXAMENS COMPLEMENTAIRES
SIGNALEMENT
Le bilan sanguin complet (hématologie, biochimie) ainsi qu’un
test FeLV/FIV n’ont rien révélé d’anormal.
Cassis, chat européen mâle castré de 7 ans, 5.4 kg.
ANAMNESE
Deux ans avant sa présentation, Cassis a eu un trauma crânien
associé à des éternuements et un jetage sanguinolent bilatéral
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Etant donné l’historique de trauma crânien, un scanner de
la tête a été réalisé afin de rechercher la présence d’un lien
entre le traumatisme (fracture, esquille osseuse, ostéomyélite,
abscès, etc) et la persistance des symptômes. Aucun signe
d’ancien trauma n’a pu être observé. Par contre, une lyse
des cornets a été mise en évidence dans les cavités nasales
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rostrales, associée à une quantité moderée d’atténuation
tissulaire, ne prenant pas le contraste. Il n’y avait pas de lésion
lytique des structures osseuses périorbitaires ou de la lame
criblée. Les images étaient compatibles avec une rhinite
chronique lytique bilatérale (Figure 1).
Une rhinoscopie a ensuite été réalisée. La rhinoscopie
rétrograde a permis de visualiser la présence de sécrétions
muco-purulentes blanchâtres au niveau des choanes
(Figure 2). La rhinoscopie directe a mis en évidence la
présence d’une quantité importante de matériel mucopurulent, épais et friable associé à une lyse osseuse
importante des cornets nasaux bilatéralement (Figure 3). La
présence de placards fongiques était fortement suspectée.
Divers prélèvements ont été réalisés durant la rhinoscopie :
culture bactérienne (aéro/anaérobie) et fongique du matériel
muco-purulent et biopsies pour analyse histopathologique.
L’analyse histologique des biopsies a révélé la présence d’une
rhintie fongique compatible avec une aspergillose (hyphes
visualisés). La culture fongique a, quant à elle, identifié de
l’Aspergillus fumigatus. La culture bactérienne a en outre mis
en évidence une surinfection par un Pseudomonas aeruginosa
multirésistant partiellement sensible à l’enrofloxacine et
sensible à la gentamycine et à la marbofloxacine.
TRAITEMENTS
Etant donné la forte suspicion d’aspergillose, un débridement
et un nettoyage des cavités nasales le plus complet possible
a été réalisé directement pendant l’endoscopie suivi par une
balnéation à l’énilconazole 2% pendant 15 minutes.
Figure 1 : Scanner de la cavité nasale de Cassis, coupe
transversale, fenêtre osseuse. Présence
bilatéralement de matériel d’atténuation tissulaire
ventralement, associé à une lyse des cornets
nasaux.
Figure 3 : Rhinoscopie directe avec un rhinoscope rigide
(2,4 mm de diamètre, 30°) : lyse des cornets
nasaux.
Figure 2 : Rhinsoscopie rétrograde avec un bronchoscope
pédiatrique: visualisation de matériel blanchâtre
épais et friable bilatéralement ressemblant à des
placards fongiques.
Figure 4 : Cavité nasale gauche fortement remodelée mais
saine.
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Cassis est rentré à la maison sous itraconazole 5 mg/kg deux
fois par jour, jusqu’au contrôle planifié un mois plus tard. Il a
également été placé sous marbofloxacine 2 mg/kg une fois
par jour pendant 2 semaines et sous traitement local à base
gouttes de thiamfénicol et acétylcystéine (une goutte dans
chaque narine deux fois par jour) pour traiter la surinfection
bactérienne. Enfin, pour la douleur, Cassis a été placé sous
meloxicam (0.05 mg/kg/j) pendant 3 jours.
EVOLUTION EN COURS DE TRAITEMENT
Lors du contrôle un mois plus tard, les propriétaires de Cassis
rapportaient une nette amélioration clinique. A l’examen
clinique, Cassis avait encore un léger écoulement mucopurulent à droite. La perméabilité des narines était augmentée
bilatéralement. A la rhinoscopie, des sécrétions mucopurulente en faible quantités ainsi que quelques placards
fongiques étaient encore visibles ventralement à droite.
La narine gauche était saine. Cassis a subi une deuxième
séance de débridement-nettoyage suivi d’une balnéation
à l’énilconazole 2% bilatéralement, pendant 15 minutes.
L’itraconazole à été continué jusqu’au contrôle, prévu un mois
plus tard. Nous avons également prescrit un traitement local
à base de liquide physiologique (2 gouttes par narine 2x/j)
jusqu’au contrôle.
Cassis a de nouveau été revu un mois plus tard. Les
propriétaires rapportaient une résolution complète des
signes cliniques. A la rhinoscopie directe, il n’y avait plus
de sécrétions ni de placards aspergilleux visibles (Figure 4).
Cassis a donc été considéré comme guéri et les traitements
ont été interrompus.
A ce jour (7 mois après sa dernière visite), Cassis est toujours
asymptomatique.
DISCUSSION
L’aspergillose est une maladie beaucoup plus rare chez le
chat que chez le chien, bien qu’elle soit peut-être en pleine
émergence dans certains pays comme l’Australie. Tous les
mammifères et les oiseaux y sont susceptibles. Les agents
responsable de l’infection sont diverses espèces du genre
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mai 2014
Aspergillus. Ces champignons sont saprophytes et ubiquistes,
et, bien qu’ ils soient présents chez des animaux en bonne
santé, ils peuvent devenir des pathogènes en présence de
facteurs prédisposant locaux ou systémiques. L’homme est
également susceptible de contracter la maladie en particulier
en cas d’immunodépression1.
L’aspergillose est une maladie infectieuse mais n’est pas
contagieuse. Les chats se contaminent via l’exposition
environnementale au champignon, ses spores s’accumulant
dans l’aliment ou dans la litière. Le chat se contamine alors par
inhalation des spores qui se déposent dans la cavité nasale, le
site d’infection primaire. Les spores d’Aspergillus possèdent
des récepteurs leur permettant de se lier aux protéines
de surfaces épithéliales, des protéases facilitant l’invasion
tissulaire ainsi que des toxines inhibant la phagocytose.
D’autre part, elles ont la faculté de diminuer l’activité de
l’appareil muco-ciliaire1.
L’aspergillose féline a une distribution mondiale. Aucune
prédisposition d’âge ou de sexe à développer la maladie n’a
été mise en évidence. Les races brachycéphales (Persans
et Himalayens) seraient prédisposées2. D’autres facteurs
prédisposant ont été suggérés tels que la diminution du
drainage des sécrétions des voies respiratoires supérieures
(secondaires à un polype, un trauma), une dysimmunité
locale au niveau des muqueuses, une infection virale ou une
antibiothérapie préalables. Bien qu’un lien ait été longtemps
supposé avec les rétrovirus immunosuppresseurs, une étude
Australienne récente sur 23 cas d’aspergillose féline n’a
pu établir de corrélation avec une co-infection par le FeLV
ou FIV)3. On a plutôt tendance actuellement à considérer
que l’aspergilose nasale peut survenir chez des chats
immunocompétents au contraire des formes disséminées qui
seraient favorisées par une immunodépression2.
Deux formes clinique différentes d’aspergillose existent
chez le chat: l’ANS comparable à celle du chien et l’autre,
émergente, plus agressive, l’ASO (invasion de l’orbite
et des tissus environnants)1. Cette deuxième forme est
dominante dans certaines parties du monde (jusqu’à 65%
des cas d’aspergillose féline en Australie)2 et proviendraient
de l’extension de la forme naso-sinusale vers la région
périorbitaire. Les champignons responsables de l’ANS
sont principalement A. fumigatus et A. niger 2. L’ASO est
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principalement due à l’infection par Aspergillus felis, une
espèce récemment décrite2,11. Il y a longtemps eu confusion
sur les différents agents responsables de l’aspergillose
chez le chat car d’un point de vue morphologique, ils sont
très similaires. Des critères d’identifications moléculaires
sont donc nécessaires pour les distinguer 2,11. La distribution
d’A. felis en Belgique est mal connue mais elle a été
décrite dans d’autres pays d’Europe (Espagne, Portugual,
Allemangne)11.
ciblés afin de réaliser l’analyse cytologique/histologique,
la culture fongique et éventuellement une PCR. En effet,
le champignon vit à la surface des cellules épithéliales de
nombreux chats sains et sa mise en évidence sur un frottis
nasal ou des sécrétions nasales peut mener à un diagnostic
faussement positif. Le champignon doit au contraire être mis
en évidence dans les couches profondes de la muqueuse
ou dans une zone présentant des lésions compatibles avec
l’aspergillose1,2.
Enfin, la forme locale peut se propager et gagner les
poumons et le SNC. Certaines espèces d’Aspergillus
peuvent également disséminer et donner des infections
systémiques1,2,9.
Cependant, le diagnostic définitif passe par la mise en
évidence des hyphes fongiques à l’histologie ou à la
cytologie (hyphes branchés et septés de 2 à 5 µm de
diamètre) ainsi que par la confirmation et l’identification du
champignon par culture fongique (sur milieu de croissance
adapté, par exemple Sabouraud). Cependant, comme cité
précédemment, l’identification basée uniquement sur des
critères morphologiques a mené jusqu’ici à un sur-diagnostic
d’Aspergillus fumigatus et des méthodes d’identification
moléculaire (PCR) sont en cours de développement pour
identifié l’espèce impliquée avec certitude1,2.
La forme naso-sinusale se manifeste cliniquement par des
signes de rhinite chronique: éternuements, jetage nasal
uni- ou bilatéral séreux à purulent, lymphadénomégalie
mandibulaire avec parfois de l’épistaxis. D'autres anomalies
peuvent être plus rarement rencontrées: déformation de la
face suite à une lyse osseuse, gonflement des tissus mous en
regard des cavités naso-sinusales1,2.
La forme sino-orbitaire est probablement une extension de la
forme naso-sinusale à l’orbite et au tissus sous-cutané due à
un caractère beaucoup plus agressif et lytique de l’infection.
Cliniquement, ces chats présentent, en plus des signes de
rhinite, des signes d’atteinte oculaire: énophtalmie unilatérale,
prolapsus de la 3e paupière, hyperhémie conjonctivale,
kératite d’exposition, masse buccale ou ulcère dans la fosse
ptérygo-palatine1,2,8,10. Les signes peuvent, rarement, être
bilatéraux.
Quels éléments peuvent nous laisser suspecter une
aspergillose nasale en cas de jetage chronique chez le chat?
Le bilan sanguin révèle souvent une hyperglobulinémie non
spécifique, secondaire à l’inflammation chronique1.
Il n’y a pas de lésions spécifiques d’aspergillose détectables
par les examens d’imagerie avancée (CT, IRM). Les lésions
retrouvées peuvent, selon les cas, être compatibles avec
une rhinite chronique destructive d’autre origine ou avec un
phénomène tumoral. Les lésions entreprennent souvent
les 2 cavités nasales. On retrouve en général: lyse des
cornets, matériel d’atténuation tissulaire dans les cavités
nasales, remontant parfois aussi dans les sinus frontaux et
sphenoidaux. En cas d’ASO, d’autres signes se surajoutent:
masse orbitaire, déplacement du globe, effet de masse dans
la fosse ptérygo-palatine, lésions lytiques de l’os paranasal2.
Le scanner est très utile pour déterminer l’extension de la
maladie, s’assurer que la lame criblée est intacte avant une
balnéation locale d’anti-fongique et pour déterminer le meilleur
endroit pour prendre des échantillons durant la rhinoscopie. Il
est également utile pour exclure la présence de tumeur ou de
corps étrangers bien que cette distinction ne soit pas toujours
possible1,12.
L’endoscopie est l’examen de choix pour visualiser les
placards aspergilleux et pour pouvoir faire des prélèvements
le monde vétérinaire | # 142 | mai 2014
D’autres tests visant à détecter la présence dans le sérum de
galactomannan, un polysaccharide entrant dans la composition
de la paroi cellulaire fongique, ont montré une sensibilité peu
élevée chez le chat. Cependant, testé sur une population de
chat avec des symptômes compatibles avec une aspergillose,
ils ont une spécificité de 90% et peuvent aider dans la
décision de réaliser des examens complémentaires 4.
Enfin, des anticorps circulants peuvent être mesurés par
différentes techniques (immuno-diffusion sur gel d’agar,
ELISA, agglutination sur latex). Théoriquement, des faux
positifs existent et l’interprétation de ce résultat doit se
faire en corrélation avec les signes cliniques. Des faux
négatifs peuvent également survenir lors de production
insuffisante d’anticorps par le système immunitaire. Ces
tests ont cependant démontré une bonne sensibilité et
une bonne spécificité chez le chien5. Un test ELISA pour la
détection des anticorps anti-Aspergillus (IgG) est en cours
de développement à la faculté de Médecine Vétérinaire de
l’Université de Sidney (Australie). Le sérum de Cassis y a été
analysé et un haut taux en IgG anti-Aspergillus a été mis en
évidence.
Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne le traitement
de l’aspergillose chez le chat. Les protocoles utilisés sont
extrapolés de la médecine canine ou basés sur des rapports
de cas isolés. Le choix du traitement doit tenir compte du
caractère invasif ou non des lésions, de l’espèce impliquée, et
de l’intégrité de la lame criblée2.
Les chats atteints d’ANS répondent généralement bien au
traitement si celui-ci est suffisamment long et intensif et le
pronostic est généralement bon. Au contraire, l’ASO répond
moins bien au traitement et est associée à un plus mauvais
pronostic1,2.
Le traitement de choix en cas d’ANS est une combinaison
d’un traitement local (débridement sous endoscopie ou
chirurgie et balnéation au clotrimazole ou à l’énilconazole) et
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d’un traitement antifongique systémique. Diverses molécules
ont été rapportées pour le traitement systémique et doivent
en général être administrées pendant plusieurs mois avant de
pouvoir éradiquer le champignon1,2.
développé de l’hypersalivation, de la faiblesse musculaire et
une augmentation légère de l’alanine aminotransférase (ALT)
sérique. Cependant ces signes étaient modérés et n’avaient
pas de répercussions sur l’état général des chats.
Certains cas d’ANS ont été traités efficacement avec un
traitement uniquement local (balnéation au clotrimazole 1%
durant 1h)7, une seule application étant parfois suffisante pour
un contrôle sur le long terme. Cependant, le fait de multiplier
les infusions contribue sans doute à réduire les risques de
récidive. Au contraire, un traitement systémique uniquement
ne peut suffire et les chats récidivent à l’arrêt de celui-ci1.
Le traitement de l’ASO est en général beaucoup plus
agressif et invasif. Dans les cas sévères, des chirurgies de
débridement sont parfois nécessaires (orbitotomie latérale,
énucléation)1,2,7,8.
Parmi les différents anti-fongiques systémiques cités, nous
avons opté pour l’itraconazole (5 mg/kg BID, administré avec
l’aliment), ayant l’habitude de l’employer chez le chien. Celui-ci
est bien toléré bien qu’il puisse parfois donner des troubles
gastro-intestinaux, de la dysorexie ou une hépatotoxicité
(augmentation des ALT). Ces signes se résolvent avec
l’interruption du traitement. D’autres alternatives décrites
sont l’amphotéricine B, le posaconazole et le voriconazole.
Ces médicaments sont disponibles en Belgique en
formulation humaine mais sont très onéreux. D’autre part, leur
pharmacocinétique n’a pas été étudiée chez le chat. Les doses
suggérées chez le chat sont les suivantes: posaconazole
(5-7.5 mg/kg, diviser en 2 fois, administré avec l’aliment),
voriconazole (5 mg/kg/j). Le voriconazole pouvant avoir des
effets secondaires importants: anorexie, néphrotoxicité,
vomissements, signes neurologiques (ataxie, paraplégie,
anomalie des nerfs craniens), mieux vaut éviter de l’utiliser en
première intention1,8.
En ce qui concerne le traitement local, nous avons opté pour
une balnéation d’énilconazole 2% ayant l’habitude d’utiliser
cet anti-fongique chez le chien. Son utilisation locale cutanée
(énilconazole 0.2%) a été décrite dans le traitement des
dermatophytoses chez les chats Persan7. Dans cette étude,
il était en général bien toléré bien que certains chats aient
Lors du suivi, on ne peut sa baser uniquement sur
l’amélioration voire disparition des signes scliniques.
Idéalement, une rhinoscopie de contrôle doit être réalisée pour
s’assurer de la disparition du champignon. En pratique, nous
avons l’habitude d’organiser des contrôles endoscopiques
tous les mois jusqu’à la résolution clinique et endoscopique
des lésions, confirmée, au besoin, par une culture négative.
La prévention de l’aspergillose est impossible étant donné
que c’est un champignon ubiquitair. Cependant, bien qu’un
lien avec une immunodépression n’ait pas été formellement
établi, il est conseillé de réduire l’exposition des chats qui en
souffrent (par exemple, changement régulier des litières)1.
En conclusion, l’aspergillose féline est une maladie rare mais
qui semble émergente qui peut prendre différentes formes
cliniques. Il est important d’y penser dans le diagnostic
différentiel des rhinites chroniques et des atteintes oculaires
uni- ou bilatérales. Le diagnostic définitif est possible grâce
à la mise en évidence du champignon dans les tissus.
Aucun consensus n’est disponible en ce qui concerne son
traitement. Le traitement local est important en cas d’ANS
et peut suffire. Les anti-fongiques systémiques peuvent
être associés à des effets secondaires qu’il faut pouvoir
reconnaître afin d’interrompre leur administration le cas
échéant. L’ANS, au contraire de l’ASO est associée à un bon
pronostic.
*1Service de médecine interne des animaux de compagnie,
Clinique Vétérinaire Universitaire,
Université de Liège.
*2Service d’imagerie médicale,
Clinique Vétérinaire Universitaire,
Université de Liège
Bibliographie :
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