RACINES242 - avril 2013
Transcription
RACINES242 - avril 2013
RACINES242 - avril 2013 21/03/13 16:22 Page36 Par Christine Grandin (Photos : Arom’Antique) Les aromatiques médiévales On les trouvait dans le potager et la cuisine médiévale avant que les modes culinaires ne les oublient. Aromatiques ou médicinales, retrouvez ces saveurs d’antan ! ❈ La livèche une famille. C’est largement suffisant pour faire des quiches ou des toasts au beurre de livèche pour l’apéritif. C’est un régal ! de sol léger, drainé. Elle craint les excès d’argile et les sols lourds mais elle se plaît au soleil. ❈ L’aurone ❈ La pimprenelle Au Moyen Âge, on l’utilisait comme l’angélique pour ses propriétés médicinales (contre la peste, notamment), mais surtout pour ses atouts culinaires. C’est un céleri vivace, qui, planté en terre très riche, peut faire deux mètres de haut. Elle aime un sol riche en matières organiques. Rajoutez du compost si votre terre est sablonneuse, et faites un apport en général à chaque saison, au début de la reprise de la végétation. Un pied suffit pour C’est une petite plante d’une vingtaine de centimètres avec des fleurs en forme de pompons rouges. On utilise uniquement les jeunes feuilles en salade ou avec les crudités. Elle donne un bon goût de noisette et de concombre. C’est plutôt une plante Le vallon des senteurs La pépinière Arom’Antique, située au Vallon des senteurs, à Parnans dans la Drôme, cultive les saveurs et les arômes d’antan, en culture bio labellisée. Elle propose une large variété de plantes aromatiques et médicinales (plus de 400 variétés), dont de nombreuses médiévales. Armoises, absinthes, romarins, thyms, sarriettes, menthes, se déclinent en collection, parmi d’autres plus rares. La culture se fait sous serre froide avec un cycle de culture long, sans chauffage l’hiver. Les souches sont vendues (en godet de 9 cm, entre 2 et 5 €) quand elles ont passé un hiver dehors. Ce qui présente le double avantage d’avoir des plantes vigoureuses, après un repos végétatif nécessaire à leur bon développement. Arom’Antique : par correspondance (listing des plantes sur demande au 04 75 45 34 92) ou en ligne sur www.plantearomatique.com. Vous pourrez retrouver les plantes de Laurent Bourgeois à La Folie des plantes 2013, au Grand Blottereau, à Nantes, en septembre prochain. RACINES 36 Moins connue, elle est de la famille des armoises. Elle était déjà conseillée par Charlemagne. Elle était encore très utilisée dans les campagnes jusqu’au XXe siècle. L’aurone a des propriétés vermifuge, elle calme aussi les maux de tête ou d’estomac. On frotte ses feuilles fraîches sur les piqûres d’insectes ou de serpent. Enfin on peut en préparer de la liqueur, car elle a un parfum très citronné. Dans les Alpes, on l’appelle la “liqueur d’arquebuse”, parce que les soldats soignaient, avec l’aurone, leurs mains ou leur visage brûlés par la poudre à fusil. C’est une jolie plante, rustique, d’un mètre de haut environ, que l’on doit tailler assez court au mois de mars pour éviter qu’il ne reste que son bois et pour garder son port compact. ❈ Le carvi On l’appelle aussi cumin des prés à cause de ses graines fines et longues. C’est une grande ombellifère avril 2013 RACINES242 - avril 2013 21/03/13 16:22 Page37 TROIS QUESTIONS À Laurent Bourgeois, créateur des pépinières Arom’Antique ❈ La menthe Coq On l’utilise déjà depuis plusieurs siècles et les Romains la prisaient beaucoup. Mais on la trouve assez peu à l’état naturel (quelques pieds dans les Alpes). Elle était intéressante pour ses propriétés médicinales, stimulantes, toniques, contre les douleurs, notamment des dents. En cuisine, on l’incorporait dans les salades, en mélange. On la cultive comme une menthe, mais elle n’est pas invasive. C’est une grosse souche qui grossit d’année en année. On l’appelle menthe Coq, parce que ses grandes feuilles larges d’un beau vert pâle ressemblent à la crête du gallinacé (et un peu à l’oseille). Elle est de la famille des astéracées (comme la tanaisie) avec de petites fleurs blanches ou jaunes. ❈ L’hysope C’est une aromatique qui présente à la fois un grand intérêt culinaire, mais aussi médicinal (infusion des sommités fleuries et des feuilles, pour les bronches, notamment). On peut en mettre sur les grillades de viande, dans les marinades de poisson avant de les cuire au barbecue. Elle est également très jolie au jardin, avec ses fleurs bleues très mellifères, qui attirent les abeilles. RACINES Quelles plantes utilisaiton en cuisine autrefois ? Au Moyen Âge, la frontière entre les légumes, les racines, les feuilles, les aromatiques étaient 37 avril 2013 assez ténue. Certaines étaient considérées comme des légumes et vice et versa. On faisait des soupes avec toutes sortes d’herbes, on mettait des plantes aromatiques en quantité dans la salade, comme la pimprenelle. Avec les roquettes, ce sont les plantes qui constituaient la “salade”. La plante emblématique du Moyen-Âge, c’était la rue. On en mettait partout, comme a u j o u rd’hui du persil ! À l’odeur très puissante, au goût que l’on qualif i e rai t auj o urd ’ hui de “désagréable” et très particulier, elle s’utilisait crue et cuite, en décoration. On la retrouvait dans les salades, les poissons, les plats en sauce. C’est l’exemple type d’une plante dont la saveur n’est plus adaptée à nos goûts actuels, même si quelques cuisiniers de restaurant connus la remettent au menu, mais avec parcimonie. (Arom’Antique) (1,20 m) que l’on trouve encore à l’état sauvage dans les champs. On utilisait autrefois ses graines dans les soupes, le pain, avec le fromage, comme le fenouil ou le fenugrec. C’était aussi une plante apéritive, avec un pouvoir tonique sur le système général. Plutôt de mi-ombre, elle aime les sols un peu frais, mais résiste bien l’été. La première année elle pousse en feuillage, la seconde elle monte en fleurs et en graines. Pourquoi certaines plantes aromatiques sont-elles tombées dans l’oubli ? Certaines aromatiques ou médicinales, très utilisées au Moyen Âge ont été délaissées depuis: la rue (ruta graveloens), l’aspérule, les aurones, les livèches, la marube, qui ressemble un peu à une menthe. Et puis : la menthe Pouliot, la menthe Coq, la balsamite. Ce sont généralement des plantes qui ont des parfums assez puissants, plus prononcés que celles dont elles sont dérivées aujourd’hui. La livèche, par exemple, ancêtre de tous les céleris, est une vivace très parfumée. Deux ou trois cents ans en arrière, on avait quantité de variétés, une diversité énorme de fruits, “d’herbes à pot”, d’aromatiques, de médicinales utilisées au quotidien pour la cuisine ou les soins. À la fin du XIXe siècle et au début du XX e, on a délaissé ces pratiques et ces goûts très forts, pour des saveurs moins marquées. Il y a eu, aussi, l’évolution culinaire, les épices qui sont arrivées dans nos assiettes, et puis l’uniformisation des cultures et de la société de consommation qui fait que toute cette diversité végétale s’est perdue au profit de quelques grandes variétés. Pourquoi les remettre au goût du jour ? Parce que parmi ces plantes, certaines ont des saveurs, des vertus très intéressantes. Si on ne les réintroduit pas, petit à petit, elles vont disparaître, on va perdre le savoir de leur utilisation et de leur connaissance. À tel point que des souches de certaines variétés sont des raretés dans notre pépinière. Il y a plein de plantes que l’on pourrait incorporer dans la cuisine de tous les jours et qui apportent des goûts différents.