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Impacts des Changements climatiques sur la biodiversité: Propositions pour gérer la biodiversité aquatique en Afrique de l’ouest Par Djibrilla Cissé Hassane & Jean-philippe Waaub Groupe d’études Interdisciplinaires en Géographie et Environnement Régional, Université du Québec à Montréal, QC, Canada. 1 Plan de présentation 1. Introduction 2. Problématique 3. Impacts des CC sur la biodiversité (BD) des eaux douces 4. Gestion de la biodiversité aquatique en Afrique de l’ouest (AO) 4.1. Démarche méthodologique 4.2. Résultats et discussion 4.3. Propositions 5. Conclusion 6. Perspectives 1. Introduction Nous assistons actuellement au plus grand épisode d’extinction de la biodiversité depuis celle des dinosaures il y a 65 Ma. ¾ Sur 44 838 espèces, 16 928 sont menacées d’extinction (UICN, 2008) conduisant à des pertes de 5% d’espèces par décennie. Plusieurs facteurs en cause: ¾ Surexploitation ¾ Pression démographique ¾ Mesures insuffisantes de gestion ¾ Changements climatiques : principale menace à la diversité biologique de la planète (MEA, 2005): 30% des espèces risquent de disparaître avant la fin du siècle selon le GIEC. 3 1. Introduction Facteurs en cause dans la perte de BD Changements climatiques Biodiversité Adapté de Villeneuve, 2005 2. Problématique Biodiversité Période Quaternaire en crise: CC? Nbre d’années (en millions) 0,01 groupes subissant une extinction de masse Pléistocène : grands mammifères et oise Tertiaire 65 Crétacé : dinosaures Dévonien Jurassique 180 Trias : 35 % des familles d’animaux Trias 250 Permien : 50% des familles d’animaux Permien Carbonifère 345 Dévonien : 30%des familles d’animaux Dévonien Silurien Ordovicien 500 Ordovicien : 50% des familles d’animaux Cambrien Figure 1 : Extinction massif au cours des temps géologiques (le sixième épisode, au Pléistocène est 5 marqué par les effets de l’homme qui s’installe sur tous les continents (adapté de Barbault, 1997). 2. Problématique Biodiversité en crise: CC? ¾ Les espèces et les écosystèmes ont toujours eu à affronter les changements climatiques: nécessité de s’adapter à des nouvelles fluctuations climatiques déterminant les changements évolutifs qui ont donné lieu aux espèces ¾ Mais le rythme actuel du changement 100 à 1000 fois supérieures au taux de base a réduit la capacité des espèces à s’adapter (CDB, 2007). 2. Problématique 12 000 ans: début disparition: mammouth laineux, rhinocéros laineux, lion des cavernes et changement de territoire: bœuf musqué et antilope saïga (Foucault et Noblet- Ducoudre) mammouth laineux www.doudou-shop.com rhinocéros laineux www.hakwara.com www.hakwara.com lion des cavernes grenouille arlequin de Monteverdi www.sur-la-toile.com Crapaud doré, Wikipédia Grenouille arlequin de Monteverdi et Crapaud doré: premières victimes des CC actuels au Costa Rica (MacCarthy et al. 2001). Conséquences CC sur le volet espèce: ¾changements dans la répartition ¾taux d’extinction accru ¾changements dans les périodes de reproduction ¾changements dans la durée des saisons de culture Il faut donc accorder la priorité à biodiversité, souvent négligée dans les stratégies d’adaptation actuelles (CDB, 2007). 2. Problématique À l’échelle mondiale les effets des changements climatiques sur la diversité biologique et les répercussions ultérieures sur la productivité n’ont pas été estimés (GIEC, 2002) Il y a peu de domaines de la science comme celui de la biodiversité où nous en sachions aussi peu, et aucun qui nous concerne si directement en tant qu’êtres humains (Raven, 1994). Néanmoins, 20 à 30% des espèces seront menacées d’extinction si les températures augmentent de plus de 1,5 à 2,5°C (Thomas et al.2004) 3. Impacts de CC sur la biodiversité des eaux douces L’eau douce représente 0,01 % de l’eau sur terre et environ 0,8 % de la surface de la planète mais soutient près de 100.000 espèces (près de 6% de espèces décrites) (Dugdeon, D, et al. 2006) Dans ces écosystèmes, + 20% des espèces de poisson ont disparu, sont menacées ou en voie d’extinction. Affectation des habitudes de frai et alimentaires de plusieurs espèces Réchauffement des rivières Modification des régimes de débit Changements dans la croissance, la reproduction et la répartition de la diversité biologique [DB] (CDB, 2007) 4. Gestion de la biodiversité aquatique en AO Contexte ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ Rupture séries pluviométriques • Variations débits moyens annuels • Baisses écoulements supérieures aux pluies − - 30 % Sénégal et - 60 % Niger Barrages comme solution logique: cas de Diama (1985) et de Manantali (1988) 40 000 barrages depuis 50 ans Volume d’eau dans les réservoirs de barrages a quadruplé depuis 1960, 3 à 6 fois plus d'eau que dans les cours d’eau naturels (MEA, 2005). Les rendements de barrages diminueront au même rythme que les débits des cours d’eau : baisse de 30 % du débit = baisse de 30 % du rendement, (OCDE, 2008) Début des années 70: remise en cause ¾ Coût (social et environnement) souvent inacceptable et inutile 11 4. Gestion de la biodiversité aquatique en AO Impacts environnementaux des barrages Disparition de forêts et d'habitats naturels Dégradation de bassins versants en amont Perte de biodiversité aquatique, de zones de pêche, de fonctions des plaines, des zones humides ¾ Impacts cumulés sur l’eau et les espèces ¾ Bon nombre des effets ne peuvent être atténués • Succès limité de passes à poissons. ¾ ¾ ¾ Impacts sociaux des barrages ¾ ¾ Souvent mal évalués ou négligés Portent sur l’existence, moyens de subsistance et santé Contexte d’avant les barrages n’est pas à idéaliser dans tous les cas (arrêt d’écoulement en 1985 à Niamey au Niger) 12 4. Gestion de la biodiversité aquatique en AO ¾ • • Défis à gérer Optimisation du régime fluvial en aval gestion intégrée des bassins fluviaux: prise en compte de l’ensemble des usages, des relations usagers/fleuve planification pour assurer les débits minimaux nécessaires à l’intégrité écologique d’un système d’eau douce (Canada, 2008). ¾ Amélioration gestion des sédiments ¾ Gestion eutrophisation et contamination ¾ Amélioration des voies de passage des poissons ¾ Prise en compte et protection de la biodiversité ¾ Gestion complexité et l’incertitude des systèmes biologiques • gestion adaptative , gestion interactive fondée sur l’idée que toute pratique de gestion doit être envisagée comme 13 participant à un processus d’expérimentation itératif(Levrel,2006) 4.1. Démarche méthodologique Grille d’analyse à 2 dimensions majeures ¾ Dimension écologique • • • • Réalisation d’une ÉIES Existence d’un plan de préservation / compensation des zones sensibles, Existence d’un plan de lutte plantes envahissantes Arrimage avec les stratégies DB. Dimension politico-sociale ¾ • • • • Participation des populations locales Prise en compte du savoir local Existence cadre réglementaire et institutionnel Valorisation biodiversité 14 4.1. Démarche méthodologique Évaluer la prise en compte de la biodiversité dans certains projets et programmes Compléter et affiner les analyses à partir des stratégies nationales et plans d’action en matière de DB et 3e rapports nationaux des pays concernés par les bassins étudiés. ¾Gambie ¾Guinée ¾Niger ¾Mali ¾Sénégal 15 4.1. Démarche méthodologique Nom de l’aménagement But Caractéristiques Office du Niger au Mali (barrage de Markala) Irrigation Créé en 1932 (coton et riz). Construction entre 1934 et 1947: 45 000 ha aménagés en 1960 Situé sur le fleuve Niger, l'ouvrage principal est long de 1,8 km et haut de 8 m, volume 1,8 milliards de m3. Barrage de Sélingué Énergie électrique, irrigation, pêche, navigation Construit Sankarani (affluent du Niger). Construction commencée en 1976, durée de 4 ans. Inauguration 11 décembre 1982. Lac artificiel de 409 km2 à la cote 348,50 m sur 80 km de long, volume 2 milliards de m3. PAVS (Manantali et Diama) Énergie, irrigation, navigation Manantali : 1982 et 1988. Cote 208 m, volume 11,3 milliards de m3 et superficie de 477 km². Diama : haut de 18 m, 1981 et 1986. Volume 500 millions de m3. (P-KRESMIN) Régularisation débit, irrigation et énergie électrique Lancé en août 2008. Volume 1,596 x 109 m3, 282 km2 de superficie. Aménagement Sambangalou Énergie électrique En cours: 181 km2 pour volume 1,7 milliards de m3 16 4.2. Résultats discussion Prise en compte de la dimension écologique Projets Critères et indicateurs Aménagement hydro agricole de l’office du Niger au Mali (barrage de Markala) Réalisation d’une ÉIES Non Existence d’un plan de préservation ou compensation des zones sensibles Non Existence d’un plan de lutte contre les plantes envahissantes Non Arrimage avec la stratégie nationale de biodiversité Non Barrage de Sélingué Programme Kandadji de régénération des écosystèmes et de mise en valeur de la vallée du fleuve Niger (P-KRESMIN) Programme d’aménagement de la Vallée du Sénégal (Manantali et Diama) Aménagement hydroélectrique de Sambangalou Réalisation d’une ÉIES Appréciations Non, étude sommaire Existence d’un plan de préservation ou compensation des zones sensibles non Existence d’un plan de lutte contre les plantes envahissantes Non Arrimage avec la stratégie nationale de biodiversité Non Réalisation d’une ÉIES Oui Existence d’un plan de préservation ou compensation des zones sensibles Oui Existence d’un plan de lutte contre les plantes envahissantes Oui Arrimage avec la stratégie nationale de biodiversité Oui Réalisation d’une ÉIES Oui Existence d’un plan de préservation ou compensation des zones sensibles Partiel Existence d’un plan de lutte contre les plantes envahissantes Partiel Arrimage avec la stratégie nationale de biodiversité Non Réalisation d’une ÉIES Oui Existence d’un plan de préservation ou compensation des zones sensibles Oui Existence d’un plan de lutte contre les plantes envahissantes Oui Arrimage avec la stratégie nationale de biodiversité Oui 17 4.2. Résultats discussion Prise en compte de la dimension politico-sociale Projets Critères et indicateurs Aménagement hydro agricole de l’office du Niger au Mali (barrage de Markala) Participation effective des populations locales Non Prise en compte du savoir local Non Existence d’un cadre réglementaire et institutionnel Existence d’un plan de valorisation de la biodiversité Barrage de Sélingué Programme Kandadji de régénération des écosystèmes et de mise en valeur de la vallée du fleuve Niger (P-KRESMIN) Aménagement hydroélectrique de Sambangalou Inexistant Non Participation effective des populations locales Très faible Prise en compte du savoir local Très faible Existence d’un cadre réglementaire et institutionnel Programme d’aménagement de la Vallée du Sénégal (Manantali et Diama) Appréciations Faiblement développé Existence d’un plan de valorisation de la biodiversité Faiblement Participation effective des populations locales Très faible Prise en compte du savoir local Très faible Existence d’un cadre réglementaire et institutionnel Faiblement développé Existence d’un plan de valorisation de la biodiversité En partie Participation effective des populations locales Moyenne Prise en compte du savoir local Moyenne Existence d’un cadre réglementaire et institutionnel Existence d’un plan de valorisation de la biodiversité En construction Oui Participation effective des populations locales Moyenne Prise en compte du savoir local Moyenne Existence d’un cadre réglementaire et institutionnel En construction 18 4.3 Propositions Préalable: approche écosystémique ¾ ¾ Stratégie de gestion intégrée des terres, des eaux et des RN Reconnaître le rôle de la culture, des valeurs et des systèmes socio-économiques dans la gestion de la biodiversité Inscrire la conservation dans les processus décisionnels à tous les niveaux et secteurs. ¾ Principe: implication de toutes les parties et des différents échelons Valorisation des directives facultatives d'Akwé-Kon ¾ • • • • Soutien de la participation Prise en compte de divers intérêts et acteurs Intégration des connaissances locales Identification et application des mesures de prévention et d’atténuation des impacts des aménagements • Collecte des opinions et préoccupations sur supports vidéo/ audio • Bonification des apports des populations analphabètes. 19 4.3. Propositions ¾ ¾ • • • • Axes stratégiques et actions Développer et implémenter des outils ÉIES….ÉES (tenir compte des enjeux diffus et globaux) Directives sectorielles Intégrer aux PGES de systèmes de vigilances climatiques Etc. Améliorer, compléter et formaliser le cadre institutionnel et législatif • Adoption des lois et décrets d’application • Harmonisation de textes au niveau des bassins − Intégration environnementale régionale • Création charte de gestion eaux et RN • Légitimer et donner plus de pouvoir aux acteurs locaux − Mise en place des comités permanents et formels de gestion de la biodiversité Prise en compte de dimensions moyen et long termes pour l’aide à la décision 20 4.3. Propositions Gestion et Planification des actions par AMCD ¾ Démarche (non nécessairement linéaire) • • • • • • • Identifier les enjeux majeurs Identifier et catégoriser les acteurs du processus Structurer les enjeux pour avoir des critères et indicateurs Élaborer des options avec les acteurs Évaluer les impacts de chaque option Intégrer les valeurs des acteurs par pondération des critères Comparer les différentes options en fonction de leurs performances • Des discussions faites à partir d’une analyse de sensibilité aident ainsi à la planification et à la prise de décision pour l’aménagement durable de la zone du barrage. Mesures générales ¾ Renforcement continu des capacités des acteurs ¾ Implication des organismes de bassin: ABN, OMVS et OMVG. 21 5. Conclusion Les bassins fluviaux de l’Afrique de l’Ouest faisaient l’objet d’aménagement jusque dans les années 90 sans prise en compte de la biodiversité. La systématisation des ÉE depuis fin 90 et des approches de gestion plus intégrées permettent de plus en plus une meilleure intégration de la dimension écologique de la conservation. Mais, il faut mener plus d’efforts sur la dimension politico-sociale ¾ améliorer le cadre réglementaire et institutionnel ¾ Renforcer la participation ¾ Mieux prendre en compte les savoirs locaux pertinents Renforcement des capacités de tous les acteurs. 22 6. Perspectives Les adaptations autonomes des écosystèmes naturels et gérés devraient être insuffisantes pour stopper le rythme d’appauvrissement de la biodiversité (CDB, 2006). La modélisation des changements de la BD en réponse aux CC s’avère difficile: les données et les modèles nécessaires à la prévision de l’ampleur et de la nature des futurs changements au sein des écosystèmes et de la répartition géographique des espèces sont incomplets, et, par conséquent, ces effets ne peuvent être que partiellement quantifiés (GIEC, 2002). Cela crée des besoins en matière d’information et d’évaluations à combler pour une meilleure compréhension de la réponse de la biodiversité aux changements des facteurs climatiques et autres pressions.