N° 266 - Décembre 2010 ( - 4201 Ko)

Transcription

N° 266 - Décembre 2010 ( - 4201 Ko)
Recherche et développement technologique
266
...
Décembre
... 2010
2010
Le mag’ scientifique
www.athena.wallonie.be · Mensuel ne paraissant pas en juillet et août · Bureau de dépôt Bruxelles X
L'Union
à l'heure spatiale
La Chimie,
vilain petit canard ?
...
...
...
...
ATHENA 266 · Décembre 2010
> EDITO
Édito
Mon beau sapin…
Texte: Géraldine TRAN • Rédac’chef • Photo: F. VOISIN-DEMERY/Flickr (titre), M. LAGNEAU/Flickr
2
Déesse grecque de la guerre, des arts, des sciences et
des techniques, Athena est
la fille de Zeus et de Métis. Elle
a pour attributs la lance, le
casque, l'égide, et l'olivier. Son
animal favori est la chouette,
symbole d'intelligence et de
sagesse... De circonstance,
voici le superbe harfang des
neiges (Bubo scandiacus).
P
our ce dernier numéro de l’année, j’avais envie de vous parler de plein
de choses qui m’ont interpellée ces derniers temps: cela va des chiffres
affolants que l’on a vu ressurgir à l’occasion de la journée internationale
contre le SIDA à la Grande-Bretagne qui, pour renflouer ses caisses, serait
prête à vendre et donc privatiser le peu de forêts qu’il lui reste; en passant
par l’issue plus que douteuse quant à un accord international global au sommet sur le
climat de Cancun; les assiettes «empoisonnées» de nos enfants qui, selon une étude
récente, seraient potentiellement exposés à 128 résidus chimiques chaque jour, dont
certains s’avèrent ­cancérigènes probables voire certains; de cette année de la biodiversité qui se termine et de la lumière qui se tamisera sans doute sur les problèmes qui en
découlent; de la dépression saisonnière qui pourrait trouver une solution partielle par
un traitement à la lumière bleue ou encore des découvertes de la Nasa d'un autre type
de vie qui défierait la «théorie des 6 éléments vitaux» (carbone, hydrogène, azote,
oxygène, soufre et phosphore). Tout ceci pour vous dire que chaque jour, chaque
mois, chaque année, des découvertes sont faites, des alarmes tirées, des solutions trouvées, des limites dépassées. La science et la recherche ne ­dorment
jamais... heureusement pour nous !
J’ai aussi envie de dire tout simplement Merci à toute l’équipe du
«laboratoire» Athena: à nos journalistes pour leur curiosité et leur œil acéré
sur l’actualité scientifique, à l'imprimerie pour leur accueil chaleureux et
leur disponibilité, à Nathalie pour sa créativité et son talent, à toutes les
personnes qui participent de près ou de loin à son élaboration et à vous,
lecteurs, pour votre soif d’apprendre et votre fidélité. Peut-être même
aurez-vous envie de glisser Athena sous le sapin de vos proches ? 
C'est le moment de vous souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année,
pourvu que la prochaine soit encore plus riche de découvertes et de
surprises ! En attendant, bonne lecture…
ATHENA 266 · Décembre 2010
Tirée à 14 000 exemplaires, Athena est une revue
de vulgarisation scientifique du Service Public de Wallonie
éditée par le Département du Développement technologique
de la Direction générale opérationnelle Économie, Emploi
et Recherche (DGO6).
Place de la Wallonie 1, Bât. III - 5100 JAMBES
Elle est consultable en ligne sur http://athena.wallonie.be
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· par téléphone
au 081/33.44.76
· par courriel à l’adresse
[email protected]
SOMMAIRE
10
SOMMAIRE
Actualités
Actualités
La science dans un camion
10
L’ADN de ...
Stéphanie Horion, géographe
12
Dossier
La chimie, vilain petit canard ?
14
Internet
Le Web pour les Nuls et les Professionnels
Comment les Trouveurs trouvent
18
Santé
Migraine, la maladie invisible
22
Neurologie
Se mesurer à l'autre ou coopérer ?
25
Biologie
28
Médecine
Les dents de… l'athlète
32
Physique
35
Espace
L'espace et les radioamateurs
37
Astronomie
40
Espace
42
À lire
... avec nos enfants
... la tête dans les étoiles
46
49
Agenda
50
14
22
46
Éditeur responsable
Impression
Michel CHARLIER,
Inspecteur général
Ligne directe: 081/33.45.01
[email protected]
Les Éditions européennes
Rue Thiefry, 82 à 1030 Bruxelles
Rédactrice en chef
Collaborateurs
Géraldine TRAN
Ligne directe: 081/33.44.76
[email protected]
Graphiste
Nathalie BODART
Ligne directe: 081/33.44.91
[email protected]
ISSN 0772 - 4683
Valérie Burguière
Lucie Cauwe
Christiane De Craecker-Dussart
Jean-Michel Debry
Paul Devuyst
Henri Dupuis
Philippe Lambert
Yaël Nazé
04
Théo Pirard
Jean-Claude Quintart
Luc Smeesters
Christian Vanden Berghen
Dessinateurs
Olivier Saive
Vince
Comité de rédaction
Laurent Antoine
Michel Charlier
Jean-Marie Cordewener
Couverture
Première
Crédit: G. PEREZ DIAZ/SMM/IAC
Quatrième
Avion-fusée SpaceShipTwo (SS2)
de Virgin Galactic
Crédit: M. GREENBERG/Virgin Galactic
3
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ACTUALITÉS
La vie en
bleu
Texte: Jean-Claude QUINTART • [email protected] • Photos: Yazuu/Flickr, Solvital
4
Ne vous sentez-vous pas mieux quand le ciel est bleu ? Ou lorsque vous
sirotez tranquillement votre verre à une terrasse ensoleillée? Quand le
Soleil est là, que la lumière vous éblouit, la vie n’est-elle pas plus belle ?
Oubliés les impôts et autres petits soucis ! Bref, il n’y a pas que notre
mine qui dépend des rayons du Soleil, notre humeur, elle aussi, suit le
rythme de la lumière !
S
i nous le savions, en revanche, nous ignorions pourquoi. Titillés par cette
inconnue, des chercheurs
du Centre de Recherche
du Cyclotron de l’Université de Liège
(ULg), du Centre pour les Neurosciences
de Genève, du Swiss Center for Affectives
Sciences de l’Université de Genève et du
Surrey Research Center de l’Université du
Surrey, ont planché sur l’effet immédiat
de la lumière, de sa couleur et sur le
traitement émotionnel cérébral par IRM
(imagerie par résonance magnétique).
Résultat ? Le traitement des émotions
par le cerveau est bel et bien influencé
par la couleur de la lumière ambiante !
Gilles Vandewalle, du Centre de Recherche du Cyclotron de l’ULg explique:
«Nous avons enregistré l’activité cérébrale
de volontaires sains, écoutant des voix
fâchées et des voix neutres et exposés à
une lumière bleue ou verte. Nos analyses
ont alors montré que non seulement la
lumière bleue augmentait les réponses aux
sons émotionnels dans la zone cérébrale de
la voix et dans ­l’hippocampe, importante
pour la mémoire, mais resserrait aussi les
liens entre la zone de la voix, l’amygdale,
importante dans les processus émotionnels, et l’hypothalamus, essentiel dans la
régulation des rythmes biologiques par la
lumière. Ce qui prouve que l’organisation
De la lumière à la bonne humeur !
De l’obscurité à la morosité !
Des liaisons extraordinaires prouvées par
l’ULg et ses partenaires !
fonctionnelle du cerveau est affectée par
la lumière bleue.»
«L’effet immédiat de la lumière sur le traitement des émotions par le cerveau pourrait
être différent de son effet à plus long terme
sur l’humeur. Toutefois, ces résultats chez
des individus sains sont essentiels pour la
connaissance des mécanismes qui soustendent l’effet de la lumière ambiante sur
l’humeur, aussi bien dans le traitement des
maladies psychiatriques par luminothérapie que dans la vie quotidienne, en contrôlant mieux notre environnement lumineux
à la maison et au travail», ajoute Gilles
Vandewalle. 
+
Plus d'infos
[email protected]
http://www2.ulg.ac.be/crc/
Notre journaliste, Philippe Lambert,
reviendra plus en détails sur ce sujet
passionnant très prochainement...
Ouvrez l’œil !
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Actus...
d’ici et d’ailleurs
Texte: Jean-Claude QUINTART • [email protected]
Photos: IBM (p.6), TRUTHOUT/Flickr (p.6), SOLVAY (p.7), UCL (p.9)
NOUVELLES TECHNOLOGIES
La Louvière,
pharmacie
de l’Europe !
E
n mars 2010, Janssen Pharmaceutical Compagnies of Johnson &
Johnson avait annoncé son intention d’installer, à La Louvière, son nouveau centre européen de distribution.
La nouvelle était passée en quelques
lignes, les Cassandres s’interrogeaient !
Aujourd’hui, c’est fait, la première
pierre a été posée en présence de Rudy
Demotte, ministre-président de la Wallonie et de Jean-Claude Marcourt, ministre
wallon de l’Économie. 49 millions ­d’euros
d’investissement, ouverture prévue au
début 2012 et création de quelque 135
emplois à l’horizon 2013, lorsque le centre tournera à plein régime.
D’une surface opérationnelle totale de
25.000 m², avec extensions possibles
sur une parcelle de 10.000 m², le centre
sera construit sur un site d’une superficie totale de 70.000 m², extensible de
28.000 m². Ces
dimensions montrent que La Louvière sera bel et
bien une facilité
stratégique pour
Janssen Phar­ma­
ceutical Companies of Johnson & Johnson. Formée de trois satellites, la nouvelle plate-forme logistique centralisera
les activités de quinze centres actuels,
réduisant le nombre de maillons de la
chaîne logistique pour permettre aux
médicaments d’être acheminés directement des unités de production de Beerse
(Belgique), Latina (Italie) et Schaffhausen
(Suisse) vers La Louvière d’où ils seront
expédiés directement chez le client.
L’ouverture de la nouvelle unité sera
­l’occasion pour le géant pharmaceutique d’entraîner convergence et
­harmonisation de ses processus organisationnels. Ce centre lui permettra
également ­d’affûter ses réponses aux
grands besoins médicaux toujours non
comblés à ce jour dans les domaines des
neurosciences, de l’oncologie, des maladies infectieuses, de l’immuno­logie, des
maladies cardiovasculaires et du métabolisme. Il développera par ailleurs des
synergies avec le centre européen de
distribution de la division Medical Devices & Diagnostics de Johnson & Johnson
de Charleroi. Ainsi, les deux facilités
travailleront comme centre logistique
unique, sous la houlette d’une direction
commune. 
http://www.janssenpharmaceutica.be
http://www.jnj.com
et
L
Le bio prend
la route !
e projet était dans les fardes
depuis quelques temps déjà. Il
se matérialise aujourd’hui avec
le transfert de Biolog Europe vers Logistics in Wallonia, le pôle de ­compétitivité
transport et logistique de Wallonie.
Une fusion prometteuse par laquelle
la Wallonie prend la balle «innovation» au bond en créant une nouvelle
discipline: la biologistique ! L’appel­
lation parle d’elle-même: elle mise sur
les potentialités remarquables de la
­Wallonie en matière de biotechnologie
et de logistique pour créer une chaîne
mondiale de transport du bio ! Sachant
que le rapport Cushman&Wakefield
2009 considère la Wallonie comme «la
région la plus attractive d’Europe en
matière de logistique», on ne peut que
se réjouir d’une telle intégration.
Avec le hub européen de TNT à Liège
Airport, la plate-forme aéroportuaire
wallonne est aujourd’hui la première
du continent en matière de livraison
express de produits de soins de santé.
Structurer, améliorer et promouvoir
cet atout sont les trois verbes action
de Logistics in Wallonia en matière de
biologistique. Le marché est nouveau,
il est en pleine expansion et représente un gisement de valeur ajoutée
et ­d’emplois tous ­azimuts. «Nos actions
de coordination se déploient en trois
directions. Ce trident de la biologistique, comme nous l’appelons, comprend:
l’association et la veille stratégique via
des réseaux d’affaires opérationnels;
la consultance en biologistique; et les
infrastructures en biologistique», explique Alain Maquet, chef de projet. Ainsi,
un bâtiment adapté aux contraintes
du transport de ­produits biologiques
devrait être construit à ­l’intention des
donneurs d’ordres. 
http://www.biologeurope.com;
[email protected] et
http://www.logisticsinwallonia.be
5
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ACTUALITÉS
R&D
Insuffisant !
8
.000 collaborateurs en Recherche
& Développement, soit 20% des
forces R&D du royaume, tel est le
poids des Technologies de l’Information
et de la Communication (TIC) dans notre
pays. Un sacré bataillon, mais toujours
insuffisant aux yeux de la Commission
européenne qui demande que nous
doublions notre budget R&D dans les
TIC d’ici à 2020. Un constat sur lequel
acquiesce Christian Vanhuffel, directeur
du secteur TIC chez Agoria qui estime
que «dans l’innovation des services, nous
pouvons jouer un rôle important et créer
ainsi de l’emploi».
Pour que notre pays ne reste pas à la
traîne, Agoria a dressé, à l’intention des
pouvoirs publics, un plan d’attaque en
douze points: innovation, e-health, fiscalité, gestion de la mobilité, e-gouvernement, facturation électronique, réseaux
haut débit, e-skills, etc.
6
En salle d’op' comme au milieu de nulle
part, les TIC offrent à la médecine des
moyens d’intervention inimaginables
hier encore !
Déployée aux Pays-Bas, les succès de
cette stratégie sont cités en exemple
par Agoria. Et Christian Vanhuffel de
préciser: «Les projets développés dans
ce cadre visent à améliorer le rendement
des entreprises et à faciliter le partage de
connaissances entre collaborateurs. Parmi
les premiers résultats, une application logicielle permet aux entreprises du secteur
pharmaceutique d’exploiter entre-elles un
équipement de laboratoire particulière-
ment coûteux. Le but final des Néerlandais
est de soutenir des projets qui améliorent
la vie de citoyens et rendent plus efficaces
et plus innovantes, les entreprises de tous
les secteurs.»
L’Union pour le
partenariat…
L­ isbonne de 3% du PIB consacré à la R&D.
Lancée officiellement le 6 octobre dernier, cette opération veut démontrer que
la collaboration public-privé est essentielle au développement de ­l’innovation
dans de nombreux domaines. Concept
dont l’Innovative medicines Initiative (IMI)
de la biopharmacie européenne prouve
d’ores et déjà le bien-fondé via ses premiers projets pour lesquels l’apport de la
Belgique n’est pas mince.
P
ublic et privé main dans la main,
c'est ce que souhaite l’Union
européenne en matière de
Recherche & Développement. D’où son
slogan: «Union de l’innovation» en vue
­d’atteindre, d’ici dix ans, la norme de
Se rangeant du côté de l’Union européenne pour le doublement de l’effort
en R&D et en plus de son plan stratégique, Agoria demande que la Belgique
réduise le coût de la R&D, notamment
Lancé en 2007, l’IMI associe
la Commission européenne
et l’industrie pharmaceutique
innovante européenne (Efpia),
les deux parties mettant un
­milliard d’euros sur la table ! Fin
de cette année, l’IMI lancera un
par une diminution du précompte professionnel des chercheurs et par une
meilleure déduction des investissements
en R&D. Et de rappeler qu’en Belgique,
les TIC génèrent une valeur ajoutée de
13 ­milliards d’euros et emploient plus de
100 000 salariés ! 
[email protected]
nouvel appel à projets pour encourager la recherche d’innovations dans les
domaines de l’autisme, du diabète, de
la tuberculose, des vaccins et de la sécurité des médicaments. L’IMI a également
dressé une cartographie des partenariats des projets retenus et soutenus par
des universités, institutions de santé,
organisations de patients, grandes
entreprises pharmaceutiques et Pme.
De cet inventaire, la participation belge
apparaît comme considérable avec plus
de dix partenaires, dont l’Université
libre de Bruxelles (ULB) et l’Université
catholique de Louvain (UCL) pour la
Wallonie. 
http://imi.europa.eu
et http://www.efpia.org
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
150 experts dont
deux Prix Nobel !
S
uccès total pour la conférence
«Solvay Science For Innovation
2010» sur le thème «La durabilité
ou le chaos: la manière dont la science
peut (contribuer à) relever ce défi ?» Un
aréopage de 150 ténors scientifiques,
venus d’Europe, des États-Unis et d’Asie,
parmi lesquels Peter Grünberg (Nobel de
Physique 2007) et Ada Yonath (Nobel de
Chimie 2009). Au programme: échanges
en vue d’approfondir, la compréhension
des liens entre l’énergie, les matières premières et la pureté d’impact des ressources naturelles, les déchets (par exemple:
les nouvelles matières premières), l’amélioration des rendements des procédés,
les propriétés physiques liées à la taille
et les incertitudes globales… Le tout en
vue d’identifier les meilleures orientations pour l’avenir.
alimentaires comme les fruits, le poisson,
la viande, les condiments et les herbes
médicinales pour les pays émergents.
Des domaines vitaux au développement
durable dans lesquels la recherche de
Solvay inclut des projets portant sur: les
matériaux organiques imprimables pour
un concept novateur de mémoires électroniques non volatiles; le bio-plastifiant
pour PVC et PVDC basés sur des ressources naturelles durables; des couches
antireflets pour panneaux photovoltaïques afin d’accroître l’efficacité énergétique; et la conception d’un séchoir
mobile à énergie solaire pour denrées
Ne voulant rien laisser au hasard, Solvay
a créé le concept «New Business Development (NBD)», unité chargée d’explorer nouvelles technologies, nouveaux
produits et marchés où le savoir-faire
du groupe pourrait générer des solutions rentables, viables et durables !
«Notre stratégie, explique Jacques van
Rijckevorsel, membre du Comité exécutif, directeur général du secteur Plastiques et Group Innovation Sponsor,
est de générer une croissance durable et
d’assurer la compétitivité par l’inno­vation.
Ce qui, dans un contexte de dévelop­
pement durable, s’appuie sur l’innovation
ouverte !» Solvay reste Solvay, fidèle à la
Inépuisable !
lérateur à construire, dans les années à
venir, au Japon.
e Centre d’Étude de l’Énergie
Nucléaire (SCK-CEN) a retenu le
néo-louvaniste IBA pour travailler
avec lui sur la recherche en fusion. Le
mémorandum signé, en octobre dernier,
donne à IBA la responsabilité du design
et de l’approvisionnement d’amplificateurs de puissance en radiofréquences
pour l’alimentation d’un accélérateur
de particules de grande puissance pour
l’International Fusion Materials Irradiation Facility (IFMIF) dont l’installation
testera les matériaux aptes à résister
aux conditions d’un réacteur à fusion
du futur. Le contrat signé par IBA avec
SCK-CEN concerne un prototype d’accé-
«Nous avons choisi IBA en raison de ses
compétences avérées en matière d’accélérateurs de particules et de son savoirfaire similaire en fabrication et livraison
de ­systèmes d’alimentation de puissance
pour accélérateurs de tailles diverses»,
expliquent les responsables de SCKCEN. Qui précisent: «Dans le cas présent,
ce sera la première fois qu’IBA alimentera
en radiofréquence un accélérateur linéaire
dont les cavités accélératrices sont supraconductrices !»
L
L’énergie de fusion se profile aujourd’hui
comme l’une des solutions pour notre
approvisionnement énergétique à long
15 centres de R&D, 800 chercheurs
et 130 millions d’euros de budget
en 2010 permettent à Solvay
de tutoyer l’avenir dès maintenant !
dynamique ­d’innovation de son fondateur Ernest Solvay, créateur aussi des
Instituts Solvay et du Conseil Solvay, dont
le premier, en 1911, avait réuni Marie
Curie, Albert Einstein, Max Planck, Henry
Poincaré, Maurice de Broglie et Ernest
Rutherford. 
http://www.solvayinstitutes.be et
http://www.solvay.com
terme. L’ambition vise à copier sur Terre
les réactions ayant lieu au sein du Soleil
et des étoiles. Un concept et un atout, le
combustible utilisé ici (deutérium et tritium produits à partir du lithium de l’eau
de mer) est virtuellement inépuisable !
Parmi les développements lancés sur
cette niche, la Belgique a retenu le programme «Approche élargie» de fusion,
coordonné par l’Union européenne et le
Japon. Coiffé par le SCK-CEN, la participation belge est financée par le Gouvernement fédéral et le Gouvernement wallon
au niveau de l’engagement des entre­
prises wallonnes au programme. 
http://www.iba-worldwide.com
et http://www.sckcen.be
7
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ACTUALITÉS
Du labo au lit
du patient !
E
fficacité, voilà le maître-mot de
l’Université catholique de Louvain
(UCL). Aussi, pour améliorer la
connaissance du cerveau et développer
de meilleurs traitements des maladies
du système nerveux et organes des sens,
l’UCL se dote aujourd’hui d’un Institut des
neurosciences (IoNS). Forte de 200 chercheurs, appuyés par 35 salariés, cette
nouvelle structure organise ses travaux
de recherche expérimentale et clinique
en trois pôles distincts.
• Le «pôle cellulaire et moléculaire»
­s’attache aux mécanismes moléculaires impliqués dans le contrôle du
développement embryonnaire du
cerveau et de la mœlle épinière, tout
8
Le chiffre
en planchant également sur le comportement des neurones et cellules
gliales dans des situations normales
ou pathologiques, comme la maladie
d’Alzheimer, la sclérose en plaques, la
maladie de Duchenne, etc.
• Le «pôle système et cognition» travaille
sur le fonctionnement des neurones
organisés en réseaux ou systèmes afin
de comprendre les mécanismes qui
sous-tendent des tâches complexes
comme la perception, la motricité et la
cognition chez l’homme.
• Enfin, le «pôle clinique», formé de différents services des cliniques universitaires Saint-Luc et de Mont-Godinne,
conduit des recherches cliniques via
des services de neurologie, neurochirurgie, oto-rhino-laryngologie et psychiatrie. Notons qu’au sein de ce pôle,
la neuroimage occupe une position
centrale par rapport à de nombreux
projets de recherche clinique.
«Fruit d’une longue évolution biologique,
le système nerveux humain est une pure
merveille ! Il est à la base de nos sensations,
de nos comportements, de notre mémoire,
de notre personnalité et même de nos
civilisations ! Mieux comprendre son fonctionnement reste sans doute le défi scientifique ultime», explique avec passion et
conviction Jean-Noël Octave, président
Coup d’crayon
de l’IoNS. Et d’ajouter immédiatement:
«Un jour viendra où la connaissance des
mécanismes moléculaires caractéristiques
des cellules du système nerveux aidera
à comprendre le déploiement et le fonctionnement des réseaux neuronaux utiles
à l’accomplissement de tâches cérébrales
complexes, pouvant être affectées par de
nombreuses maladies neurologiques. À
ce niveau, notre Institut est un fil conducteur allant du laboratoire au lit du patient !
Toute découverte obtenue de notre recherche fondamentale pouvant être valorisée
rapidement au bien-être des patients»,
conclut avec satisfaction Jean-Noël
Octave. 
[email protected]
Illustration : VINCE
C
’est le nombre de nouveaux cas d’infection par
le VIH diagnostiqués en
Belgique en 2009, soit le nombre le plus élevé observé depuis
l’apparition de l’épidémie. La
moyenne reste stable depuis
2004 avec 3 infections diagnostiquées par jour. C’est encore
beaucoup trop !
Si les infections par contacts
hétérosexuels ont diminué, c’est
l’inverse chez les homo/bisexuels
masculins.
On ne le répète jamais assez:
Sortez couverts !
Plus d’infos:
Institut de santé publique
(ISP) http://www.iph.fgov.be
Les passagers aériens soucieux de préserver leur intimité lors du passage au scanner
corporel peuvent désormais dissimuler leur anatomie grâce à des sous-vêtements antiradiations mis au point par la société américaine (y a qu'eux pour inventer ça !)
Rocky Flats Gear. Avis aux passagers pudiques...
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Des images qui expliquent un miracle
de la nature et ouvrent de nouveaux espoirs
aux non-voyants !
SANTÉ
EMPLOI & FORMATION
Une de plus !
L
Scientifiquement
confirmé !
O
n dit toujours que la nature
fait bien les choses. Ainsi,
par exemple, les aveugles ou
malvoyants de naissance compensent
l’absence de vision en développant
des facultés auditives, tactiles et olfactives hors du commun ! On le constatait, on le croyait, maintenant on le
prouve grâce à des travaux de l’Université catholique de Louvain (UCL),
menés en collaboration avec l’Université d’Helsinki en Finlande et de l’Université de Georgetown aux États-Unis.
Sous la houlette de Laurent Renier,
chercheur à l’Institut des neurosciences de l’UCL, l’équipe a comparé les
cerveaux de 24 volontaires: 12 aveugles de naissance et 12 voyants, ayant
passé chacun une imagerie cérébrale
par résonance magnétique. Rappelons
que le cerveau est découpé en zones,
dédiées à des fonctionnalités précises;
et que le cortex visuel, par exemple,
traite l’ensemble des images envoyées
au cerveau.
D’entrée de jeu, deux enseignements
sautèrent aux yeux de chercheurs ! Le
premier est qu’au repos, l’activité cérébrale d’un non-voyant était supérieure
à celle d’un voyant; le second que ce
cortex est recyclé par le non-voyant
pour traiter des informations non
visuelles. «Là où un voyant utilise son
cortex visuel pour fixer un objet ou un
lieu, l’aveugle le détournera de sa fonction première, accentuant ainsi ses capacités olfactives, tactiles ou auditives. En
augmentant ces aptitudes, il peut ainsi
mieux appréhender l’objet ou mieux se
situer dans l’environnement qu’il découvre», explique Laurent Renier.
«Nous avons ici un bon exemple de
­l’influence de l’inné (gènes) et de l’acquis
(expérience) sur l’organisation fonctionnelle du cerveau. Les gènes codent
l’organisation modulaire (quelle zone
du cerveau effectue quel type de traitement ou d’analyse sur l’information sensorielle) alors que l’expérience (cécité)
permet de changer la modalité sensorielle de certaines zones cérébrales:
dans le cas présent transformer les aires
(infos) visuelles en des aires sensorielles
tactiles et auditives». Expliquant un
phénomène connu, cette découverte
permettra aux chercheurs de l’UCL de
perfectionner le développement des
prothèses visuelles destinées à restituer la fonction visuelle par la modalité auditive chez un aveugle. Une
caméra captera les images du champ
visuel du non-voyant pour les transformer ensuite en sons, censés améliorer
sa notion de l’espace et la reconnaissance d’objets à distance ! 
http://www.uclouvain.be/ines.html;
http://www.helsinki.fi/university et
http://www.georgetown.edu
’Université libre de Bruxelles
truste vraiment les récompenses et autres trophées ! Ainsi,
son Institut d’Études Européennes (IEE)
vient d’être reconnu comme acteur
phare de la contribution de l’Union
européenne à la mondialisation. Un
sacré label si l’on songe à l’importance
prise aujourd’hui par la globalisation !
Après une consécration comme Pôle
d’Excellence européen Jean Monnet,
l’IEE profitera des 2,5 millions ­d’euros
de sa dernière récompense pour miser
sur son programme pionnier d’enseignement doctoral international et
poursuivre ses travaux de recherche
quant au positionnement futur de
l’Union européenne sur l’échiquier
mondial.
Présidé par le professeur Marianne
Dony, l’IEE est l’un des treize instituts
et facultés de l’ULB. Créé en 1963,
il est aussi l’une des plus anciennes écoles axées sur la recherche
et ­l’enseignement dédié à l’Union
européenne. À ce titre, il constitue
la clé de voûte de l’Espace européen
­d’Enseignement supérieur (EEES). Ses
professeurs et chercheurs viennent
de 15 pays et plus de 80% de ses
étudiants sont étrangers. Formations
doctorales et masters en études européennes sont les atouts de cet Institut,
véritable fleuron de notre enseigne­
ment supérieur. 
http://www.iee-ulb.eu
9
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ACTUALITÉS
La science
dans un camion
Texte: Paul DEVUYST
Photos: T. HUBIN
10
C
’est pourquoi l’Institut royal
des Sciences naturelles et
l’entreprise Solvay ont créé
la Fondation Entreprise/
Institut qui a précisément
pour objectif de sensibiliser les jeunes
aux sciences en apportant au corps
enseignant des outils dont il ne dispose
pas toujours en classe.
Il s’agit d’un camion baptisé «XperiLAB» (16 m de long et 32 tonnes tout de
même), destiné à parcourir tout le pays
selon un planning précis et qui se déplie
en un laboratoire susceptible d’accueillir
une classe complète d’élèves de 10 à
14 ans, c’est-à-dire des enfants des deux
dernières années d’école primaire et des
deux premières années d’enseignement
secondaire. Ils ont ainsi l’occasion de
regarder positivement la science pour
qu’au moment du choix des études, les
carrières scientifiques ou technologiques deviennent une option sérieuse.
Le principe de base ? Accueillir une
classe de 27 élèves maximum pendant
90 minutes. À leur arrivée dans le camion,
les participants reçoivent un tablier blanc
(de chercheur !) et découvrent les trois
laboratoires distincts, chacun offrant
expériences, activités et manipulations
qui ont toutes un rapport avec la nature.
Le camion-laboratoire va de village en
C’est une évidence: quand elle est présentée de manière ­ludique
et active, les jeunes enfants aiment la science. Ce qui les ­rebute
souvent, c’est une science scolaire et passive. Mais après tout,
jouer, expérimenter et découvrir sont leur mode même d’existence. Encore faut-il ne pas décourager leur curiosité avec
une ­démarche trop formalisée… Faut-il pour autant changer
­l’enseignement des sciences ? Les propositions en ce sens ­affluent
mais tous, ­didacticiens et enseignants, s’accordent sur un point:
l’importance de la démarche expérimentale, une f­ormule que les
Anglo-saxons ­privilégient depuis plus d’un quart de siècle avec
la pédagogie des «hands on». Physique, chimie, biologie, techno­
logie… les possibilités sont infinies
village, de ville en ville et d’école en
école. Énorme succès, le planning 20102011 est déjà presque complet !
synthétiques ou à partir d’éléments
naturels mais qui ne possédent pas ces
formes (nylon, fibre optique etc.).
Le Muséum a également prévu un
­dossier didactique complet, gratuit et
téléchargeable sur http://www.xperilab.
be à l’intention des enseignants qui
accompagnent leurs classes. ­L’objectif
est ­d’accueillir trois classes par jour
et l’initiative est soutenue par les
ministres de l’enseignement des trois
Communautés.
En plus de ses intégrations multiples
dans le quotidien des jeunes, ce sujet
jette des ponts vers la biologie et la
chimie. Dans XperiLAB, ils utilisent un
microscope permettant d’agrandir
400 fois des fibres préparées sur lame
de verre et les déterminer à l’aide d’une
clé dichotomique. Ils font ainsi connaissance avec diverses fibres, leur provenance et leurs utilisations au quotidien.
Les fibres
au microscope
Une belle aventure
Une des expériences proposées aux
jeunes visiteurs concerne les fibres.
Elles sont la base de multiples matières
et structures et présentes à l’état naturel un peu partout dans l’Univers. Elles
sont généralement l’ossature des végétaux (lin, coton...) et constituent aussi
certains minéraux (amiante). Bien évidemment l’homme, par l’intermédiaire
des industries, fabrique de nombreuses
variétés de fibres synthétiques, semi-
L’idée germe depuis très longtemps
au sein de l’entreprise Solvay. De façon
assez naturelle, elle s’est greffée à la
Fondation Entreprise/Institut. Son but
étant de réunir des acteurs de la pédagogie des sciences, du monde scientifique et de l’industrie, en vue d’y sensibiliser principalement les jeunes, le
projet d’un camion des sciences s’est
immédiatement inscrit dans cette ligne.
En tant que biologiste et muséologiste,
Paul DEVUYST · ACTUALITÉS
Gérard Cobut, chef du projet au sein
de l’Institut, s’est entouré d’une équipe
enthousiaste pour mener à bien la réalisation de ce rêve.
C’est l’expérience du dentifrice qui a
obtenu les faveurs de l’animatrice Dominique Jongen car elle allie chimie et vie
quotidienne. «Que se passe-t-il à l’intérieur d’un tube de dentifrice ? Qui connaît
les agents secrets de notre hygiène dentaire ? Ici, en deux coups de cuiller à pot,
on fait leur connaissance, on les prépare selon un protocole et… on repart
avec du dentifrice en poche !» dit-elle.
«Le côté exceptionnel de cette expérience
est d’avoir pu accompagner un projet de
A à Z. L’appel à de multiples compétences
est constant. Entourés de professionnels,
nous avons travaillé le contenu pédagogique, le choix du design, le scenario du
software, la construction des expériences… Et maintenant, une autre aventure
­commence: celle de l’organisation des
tournées et de sa logistique, de l’animation,
du contact avec les élèves et les enseignants. En un mot: passionnant !»,
ajoute-t-elle.
Un duo d’avenir
XperiLAB.be est la première réalisation de
la Fondation Entreprise/Institut, qui réunit, autour de l’Institut royal des Sciences
naturelles de Belgique, des acteurs du
monde de l’entreprise pour sensibiliser
les citoyens et plus spécifiquement les
jeunes, à la science, la technologie et la
recherche.
Cette fondation a pour vocation de soutenir les activités de l’Institut royal des
Sciences naturelles de Belgique et de son
Muséum. Il s’agit de diffuser les acquis
et attitudes scientifiques et de promouvoir les métiers de la science, en premier
lieu auprès des jeunes. Au travers de ces
activités, la fondation œuvre aussi à la
promotion du développement durable,
fondé sur des bases scientifiques. Constituée sous la forme d’une fondation ­privée
le 9 novembre 2005 par la société anonyme Solvay, elle ambitionne
dans l’avenir de
­soutenir d’autres ­projets et ­initiatives
s­ cientifiques, avec de nouveaux partenaires du monde de ­l’entreprise. Pour
faciliter cette extension d’activités, elle
sera prochainement transformée en fondation d’utilité publique sous le même
nom, avec les mêmes vocations et buts.
Encore de nouvelles aventures à vivre en
pers­pective... n
+
11
Pour en savoir
plus
Infos et inscriptions pour
­l’année prochaine sur le site
http://www.xperilab.be.
Contact: Dominique Jongen
(animatrice) au 02/627.42.23
ou par mail [email protected]
Tarif: 2 euros par élève, gratuit
pour les accompagnateurs.
ATHENA 266 · Décembre 2010
> PORTRAIT
L’ADN de...
Propos recueillis par Géraldine TRAN • [email protected]
Photos: BSIP/REPORTERS (fond), Nasa
Côté pile
Nom: HORION
Prénom: Stéphanie
Âge: 30 ans
État civil: célibataire
Enfants: pas encore
12
Profession: Géographe.
Doctorante FRIA à l'ULg,
elle prépare actuellement
une thèse sur les inter­
actions climat-végétation
intitulée "Study of the
climate control on crop­
land and grassland using
SPOT-VEGETATION NDVI and
ERA40/ECMWF meteorolo­
gical archives"
Formation: Études secon­
daires au Collège SaintQuirin de Huy; licence
en géographie et DES en
sciences de l'environ­
nement à l'ULg
Adresse(s):
EC Joint Research Center,
Via Fermi TP280
à 21027 Ispra (Italie)
Tél.: +39 0332/78.96.61
Géographe, c’est une vocation que
vous avez depuis toute petite ? Comment l’idée d’exercer ce métier vous
est-elle venue ?
L’idée de faire la géographie m’est venue
assez tard, vers la fin du secondaire.
D’ailleurs, en quittant le secondaire,
­j’hésitais entre des études de chimie
ou de géographie. La géographie l’a
emporté car la formation me semblait
plus diversifiée, plus proche de la nature
et surtout, parce que je ne voulais pas
rester enfermée dans un labo toute la
journée.
Comment devient-on géographe ?
Pour citer mes professeurs de géographie, on devient géographe en allant sur
le terrain. S’ajoutent à cela, une solide
formation générale en sciences, une
bonne gestion de ­l’espace (géographique) et un bon sens de l’observation.
Quels sont vos rapports avec la
science ? Quels sont vos premiers
souvenirs «scientifiques» ?
Mes premiers souvenirs scientifiques
remontent aux expériences de physique
que faisaient mon professeur de physique en secondaire (Monsieur Wery pour
ne pas le citer)… notamment les expériences sur la propagation des ondes à la
surface de l’eau.
Quelle est la plus grande difficulté
rencontrée dans votre métier ?
La priorisation des objectifs de
­rech­erche, très fortement liée avec la
­gestion du temps.
Quelle est votre plus grande réussite
professionnelle jusqu’à ce jour ? Question très difficile à répondre… Je
dirai qu’à l’heure actuelle, une de mes
plus grandes satisfactions professionnelles est l’obtention, cette année, du
Prix YSOPP de l’Union Européenne des
Sciences de la Terre pour mon travail de
recherche doctorale sur l’étude des inter­
actions «climat-végétation». Mais à côté
de ce prix, je retire également beaucoup
de satisfaction dans mon travail actuel
au Centre Commun de Recherche de la
Commission européenne, qui constitue
ma meilleure expérience au sein d’un
groupe de recherche.
Vous êtes actuellement basée en
­Italie et revenez d'une mission en
Éthiopie, les voyages, ça devait faire
partie du «package» d’emblée ou
c’est une chose indépendante qui est
venue de fil en aiguille ?
Je dirais que les voyages, et la mobilité
en général, font partie du «package» si
vous en avez la possibilité et l’envie. Il est
clair que partir travailler à l’étranger n’est
pas imaginable pour tout le monde, ne
serait-ce que d’un point de vue privé. Par
contre, je pense aussi que la confrontation avec la réalité du terrain est irremplaçable. Par exemple, mon voyage en
Éthiopie, même s’il n’a été que de courte
durée, m’a permis de voir à quel point les
populations sont pauvres et dépendantes des ressources en eau.
Quels conseils donneriez-vous à un
jeune qui aurait envie de suivre vos
traces ?
Je ne pense pas qu’il faille suivre les traces
de quelqu’un, en tout cas pas les miennes. Je n’ai jamais réellement ­planifié ce
que j’allais faire. J’ai des objectifs personnels et professionnels mais si vous me
demandez aujourd’hui où je serai dans 2
ans, je serai incapable de vous le dire avec
certitude. Je suis plutôt du style à garder
les portes grandes ouvertes et à suivre les
Géraldine TRAN · PORTRAIT
Stéphanie HORION
G éographe
opportunités lorsqu’elles se présentent à
moi. C’est probablement ma manière de
réagir au monde de la recherche… Il est
vrai qu’obtenir un poste à durée indéterminée en recherche et surtout dans
une organisation internationale est très
difficile.
Donc l’unique conseil que je donnerai à
un jeune qui veut faire de la recherche
aujourd’hui, c’est de ne pas renoncer
avant d’avoir essayé, de croire en soi et
en ses capacités et surtout, de ­multiplier
les expériences dans divers labos et
­instituts de recherche… en Belgique et à
l’étranger. Mobilité rime avec flexibilité et
développement de son esprit ­critique…
deux qualités très importantes en
recherche... 
Côté face
Je vous offre une seconde vie, quel
métier choisiriez-vous?
Je choisirais un métier plus manuel,
d’extérieur et en relation avec la
nature, du style pépiniériste ou architecte de jardin. J’aime m’occuper de
mon jardin et de mes plantes… c’est
une activité super relaxante, qui me
libère complètement l’esprit. Je pour-
rais passer des heures à couper des
arbustes ou replanter des fleurs…
même s’il m’arrive aussi de les abandonner un peu trop longtemps à la
sélection naturelle.
Je vous offre un super pouvoir, ce
serait lequel et pour quoi faire?
Hormis celui d’avoir tous les super
pouvoirs que je veux, le don de pouvoir
faire les choses en deux fois moins de
temps… ou de dédoubler le nombre
d’heures dans une journée !
Je vous offre un auditoire, quel
cours donneriez-vous?
Assez logiquement, je dirais un cours
de télédétection spécialisé en suivi de
l’environnement ou, dans un autre
registre, un cours de coaching professionnel. Je suis assez douée pour dénicher du boulot à mes amis.
Je vous offre un laboratoire, vous
plancheriez sur quoi en priorité ?
Il y a beaucoup de défis à relever
aujourd’hui mais je donnerais la
priorité aux défis humains, tels que
la réduction de la pauvreté dans le
monde et l’amélioration de la condition de la femme dans les pays en voie
de développement.
Je vous transforme en un objet, ce
serait lequel?
Je dirais un chêne centenaire avec de
profondes racines pour pouvoir résister aux changements… et pour être
encore là dans 100 ans afin de voir ce
qu’est devenue notre planète. 
+
Plus d’infos:
http://ec.europa.eu/dgs/
jrc/index.cfm
http://www.ulg.ac.be/
[email protected]
13
ATHENA 266 · Décembre 2010
> LE DOSSIER
La chimie,
14
Les Nations Unies ont proclamé
2011 «Année internationale
de la Chimie», plaçant l’UNESCO
et l’Union internationale
de chimie pure et ­appliquée
(UICPA) au centre de cet
­évènement. «Et si les chimistes
arrêtaient tout ?». Que se passerait-il si, lassés d’être mis au
ban d’une société qui les accuse
d’être r­ esponsables de tous les
maux dont souffre la planète,
ces scientifiques attachés au
bien public et soucieux de
la ­protection des individus
­mettaient, du jour au lendemain,
un terme à leurs activités ?
Texte: Paul DEVUYST
Photos:REPORTERS (p.14), NIGEL/Flickr (p.17)
D
ans un premier temps,
cette décision serait
accueillie avec satisfaction par les consommateurs partisans du retour
à la nature. L’euphorie serait cependant
de courte durée. Faute d’industries
chimiques pour raffiner le pétrole,
essence et fuel viendraient rapidement à
manquer. Certes, les effets sur la qualité
de l’air seraient quasiment immédiats et
les voitures immobilisées seraient remplacées par des vélos mais les routes
n’étant plus bitumées, les pneus (qui ne
seraient plus fabriqués) connaîtraient
une usure prématurée…
Pour se chauffer, les bons vieux poêles à bois ou au charbon reprendraient
du service mais au prix… d’un surcroît
de pollution au soufre, d’intoxications
et de pluies acides préjudiciables aux
vilain petit
canard ?
forêts (Voir Athena n°265, pp.30-33). Par
ailleurs celles-ci seraient surexploitées
pour subvenir aux besoins de la société
en bois de chauffage. Un malheur n’arrivant jamais seul, la nourriture serait vite
rationnée du fait de la baisse drastique
des rendements agricoles, elle-même
consécutive à l’arrêt de la production
d’engrais et de pesticides. Les consommateurs redécouvriraient en outre le
goût du beurre rance que les antioxydants, tant honnis par le passé, avaient
contribué à faire disparaître.
Sur le plan sanitaire, la grève des chimistes engendrerait rapidement une pénurie de médicaments, une recrudescence
de la plupart des maladies et par conséquent, une diminution de l’espérance de
vie. L’absence de pilules contraceptives,
conjuguée à la disparition des téléviseurs (dont la plupart des composants
sont le fruit de synthèses chimiques),
provoquerait un véritable baby boom.
Plus de téléphone pour communiquer
et compenser la difficulté à se déplacer
autrement qu’à cheval ou à pied. Dans ce
monde sans chimie, radios, ordinateurs,
appareils photo rejoindraient aussi les
étagères dans les greniers. Retrouver
les joies de l’écriture ? Mais avec quelle
encre, quel papier, quels crayons ?
Ce scénario de science-fiction est clair:
dans notre monde moderne, la chimie
est partout et le grand public, le plus souvent, l’ignore. Pire, cette discipline accusée d’être polluante, dangereuse et peu
transparente, souffre d’une très mauvaise image. En déclarant 2011 «Année
internationale de la chimie», l’Unesco a
donc voulu améliorer l’appréciation et la
compréhension du public par rapport au
rôle de la chimie dans le dévelop­pement
Paul DEVUYST · LE DOSSIER
de solutions durables répondant aux
grands challenges sociétaux; encourager l’intérêt des jeunes pour la chimie et
les filières scientifiques; générer un certain enthousiasme pour la créativité et
l’innovation dans le monde de la chimie
et enfin, y célébrer le rôle des femmes
dans le cadre du 100e anniversaire du
Prix Nobel de Marie Curie et de la fondation de l’Association Internationale
des Sociétés de Chimie.
La chimie aujourd’hui
Il est évident que la chimie est l’un des
domaines les plus révolutionnaires de
l’histoire de l’humanité et si, en un peu
plus d’un siècle, elle a complètement
bouleversé le monde, aujourd’hui, elle
est devenue la condition essentielle
pour assurer les besoins élémentaires (alimentation, santé, vêtements et
logement) d’une population mondiale
en pleine croissance exponentielle. Qui
mieux que le professeur Johan Wouters,
directeur du Département de Chimie
aux Facultés universitaires Notre Dame
de la Paix à Namur, pour nous faire partager ses vues sur une science qui a su
engendrer sa propre industrie.
«La chimie traverse actuellement une
période difficile et doit se justifier sans
cesse aux yeux du grand public car on
lui attribue tous les maux de la Terre»,
explique le professeur Wouters. Elle
se ­définit, dit-il, comme une discipline qui se situe à l’interface entre
deux autres, la physique et la biologie:
d’une part pour développer des substances médicamenteuses, le travail de
base du chimiste ne peut plus se faire
sans la collaboration de biologistes,
de pharmaciens et de médecins et de
même, l’étude de matériaux nouveaux
­(plastiques par exemple) demande un
véritable travail d’équipe avec des physiciens, des ingénieurs et des mathématiciens. «Je considère que servir de trait
d’union entre deux autres disciplines qui
sont somme toute fort éloignées, constitue une force pour la chimie», poursuit le
professeur. «Ce rôle est certainement une
chance car en terme d’enseignement par
exemple, un chimiste est certainement un
excellent professeur de science parce qu’il
a cette formation plus généraliste. Trait
d’union, mais également difficulté car il
faut donner aux futurs chimistes cette vue
assez large».
Dans son histoire, face aux critiques, la
chimie a toujours été capable de rebondir et de se positionner comme une discipline au service quotidien de la société et
ce, à bien des niveaux: l’agroalimentaire,
les cosmétiques, les plastiques, les matériaux nouveaux, la pharmacologie, etc…
et les chimistes sont conscients de leurs
responsabilités comme acteurs du futur.
Bio express
Le dialogue
On assiste de plus en plus à des courants
de pensée où reviennent des termes
tels que «développement durable» ou
«chimie verte» et où, au-delà d’un aspect
marketing, de publicité ou de lobbying,
on retrouve une préoccupation du quotidien du chimiste.
En réalité, explique le professeur Wouters, il y a deux aspects à ce problème. Il
y a tout d’abord une réponse à une critique: les chimistes sont des pollueurs et
il faut montrer que la chimie fait «autre
chose» que polluer et d’autre part, il y a la
prise de conscience de la possibilité qu’a
la chimie d’amener à trouver des solutions à des problèmes qu’elle n’a pas créé
mais qui sont des problèmes de société.
Ainsi, par exemple, si l’on considère le
problème du réchauffement climatique:
le chimiste est-il responsable si lorsqu’on
brûle du charbon, l’on produit du CO2, (ce
qui est une réaction chimique), si l’air est
pollué parce que tout le monde prend sa
voiture et provoque des bouchons sur
les routes ? Au contraire, ingénieux, le
chimiste doit chercher des parades et, en
tant que «généraliste», il a certainement
la compétence et la capacité d’aborder
de nombreux problèmes.
Il faut reconnaître, poursuit le professeur
Wouters, que les scientifiques (et donc
également les chimistes) sont restés
pendant très longtemps dans leur tour
d’ivoire et ne se sont pas préoccupés de
ce que le citoyen pensait de leurs activités. La société a évolué et il y a aujourd’hui
une réelle volonté du chimiste à mieux
communiquer, à être en phase avec les
besoins des gens. Parmi les jeunes étudiants, on constate qu’il existe une aspiration à mieux faire comprendre ce que
l’on fait, non pas dans l’optique de se justifier mais pour entrer dans un dialogue.
Le «Printemps des Sciences» est un bel
exemple de cette volonté de dialogue et
de partage.
Nom: Wouters
Prénom: Johan
Âge: 41 ans
État civil: marié
Enfant(s): 2
Profession: Chimiste et
prof d'univ
Curriculum vitae:
• Études aux Facultés universitaires
Notre-Dame de la Paix à Namur,
• Thèse de doctorat en chimie médicinale sur les antidépresseurs,
• Une année de recherche post-doctorale en Allemagne (Goettingen) et 10
mois à Grenoble,
• Depuis six ans, professeur puis professeur ordinaire aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à
Namur,
• Directeur du département de chimie
aux FUNDP,
• 1991: Prix Société Royale de Chimie
(Belgique),
• 1994: Prix Société Hongroise de
Neurochimie,
• 1995: Prix Jean STAS, Académie
Royale de Belgique,
• 2008: Prix triennal de la Société Royale
de Chimie (Belgique),
Contact:
Email: [email protected]
FUNDP, Chaire de chimie,
rue Grafé 2 à 5000 Namur
Tél. : 081/72.45.50
15
ATHENA 266 · Décembre 2010
> LE DOSSIER
La chimie verte
T
rois hypothèses sont
fréquemment avancées
en ce qui concerne l’origine du terme «chimie»: al kemi
(alchimie) viendrait de l’ancien
égyptien Khemet et signifierait
«la terre»; ou de la racine grecque
khumeia c’est-à-dire «mélange
de liquides» ou encore du mot
arabe kemia dérivé du grec
khemia qui signifie
­«magie noire» venant
à son tour de
l’égyptien ancien
kem qui désigne la couleur
noire.
16
Des pensées
et des pratiques de type
alchimique ont
existé en Chine
dès le 4e siècle
avant J.-C. et en Inde
dès le 6e siècle. L’alchimie occidentale prend, elle,
vraisemblablement ses origines
dans l’Égypte hellénistique (entre
les années -100 avant J.-C. et
300 après J.-C.) pour se développer dans le monde arabe puis
européen durant le Moyen Âge et
jusqu’à la Renaissance. Jusqu’à la
fin du 17e siècle, les mots alchimie et chimie sont synonymes et
utilisés indifféremment et ce n’est
qu’au cours du 18e siècle qu’ils se
distinguent. L’alchimie connaît
alors une phase de déclin (sans
toutefois disparaître totalement)
alors que la chimie moderne
­s’impose avec les travaux
de Lavoisier.
Aujourd’hui, on
considère que
l’un des objectifs de l’alchimie est «le
grand œuvre»
c’est-à-dire la
réalisation de
la pierre philosophale permettant la transmutation des métaux vils
(le plomb) en métaux
nobles (l’or ou ­l’argent).
Un autre objectif classique de
l’alchimie est la recherche de la
panacée (médecine universelle)
et la prolongation de la vie via un
élixir de longue vie.
Le scientifique académique a l’avantage
par rapport à l’économiste, déclare le professeur Wouters, qu’il n’a pas cette nécessité de rentabilité. Il n’est pas confronté
à certains moments au «devoir» polluer
pour avoir une rentabilité. Il peut se permettre d’être beaucoup plus critique
parce qu’il n’a pas les mêmes contraintes.
En matière de pollution, il y a certainement une part d’événements douloureux
qui sont des accidents mais qui peuvent
en partie être attribués à une pression
économique et à des contraintes de rentabilité que l’on ne retrouve pas nécessairement dans le monde académique.
On assiste depuis quelques années à
l’évolution des mentalités qui se traduit
par des effets concrets dans de petites
choses, nous confie le professeur Wouters. Exemple: la gestion des déchets.
Elle est désormais entrée dans notre
préoccupation quotidienne, une sorte
de réflexe. Par rapport aux générations
passées, actuellement et certainement
de plus en plus dans le futur, il y a une
prise de conscience très ferme dans ce
domaine. Il y a désormais des procédures
qui s’établissent et des habitudes qui se
prennent pour mieux trier, mieux gérer
les déchets.
Évidemment tout ceci a un prix mais
c’est un «luxe» que
nous pouvons nous
permettre dans notre
2011, Année Internationale de la Chimie
D
urant toute cette année, de
nombreuses activités sont organisées partout dans le monde
sous le thème «Chemistry, our life, our
future», explique Bernard Broze, adminis­
trateur délégué d'Essenscia Wallonie.
Au ­programme, on retiendra:
! les 27 et 28 janvier 2011, ouverture
officielle de l’«Année internationale
de la chimie» au siège de l’Unesco à
Paris;
! le 17 février lancement d’un timbre
spécial «Déchiffrer la matière» émis
par bpost;
! du 28 février au 4 mars 2011, Essenscia organise une «Semaine des Jeunes» en collaboration avec «Les Jeunes Entreprises», au Parc d'Aventures
Scientifiques (PASS, rue de Mons 3 à
Frameries, tél.: 070/22.22.52). Cette
semaine est l'occasion idéale de sensibiliser les jeunes de 12 à 16 ans à
la présence de la chimie dans la vie
quotidienne avec des concours, des
ateliers et des spectacles;
! le 1er mars, lancement de la « Semaine
des jeunes » et du Club des Chimistes
en présence de la Ministre de l'enseignement obligatoire Marie-Domini-
que Simonet et show spectaculaire
du professeur Bassam Shakhashiri;
! les 2 et 3 mars, au Domaine Latour
de Freins (Uccle, Bruxelles), aura
lieu le «Marathon de la créativité»
au cours duquel 100 jeunes de 16 à
18 ans auront 24h pour trouver une
solution innovante et originale à une
problématique propre à une industrie
chimique. Cinq thèmes ont été rete-
Paul DEVUYST · LE DOSSIER
société industrialisée et riche. Cette prise
de conscience implique, outre des habitudes, des capacités technologiques et
budgétaires et on peut très bien comprendre que ce n’est pas le cas dans certaines contrées émergentes, même si la
prise de conscience est manifeste. Dans
ce contexte, la capacité à répondre à
ces questions n’est pas nécessairement
présente et la mise en pratique de procédure pour la gestion des déchets est
difficile à mettre en œuvre. «Et quand je
dis qu’inclure une réflexion sur les enjeux
environnementaux dans notre pratique
de la chimie est un luxe, c’est en réalité une
chance que nous avons car il faut en avoir
les moyens», déclare le professeur.
Pour le 21e siècle
Il est intéressant de constater que beaucoup de thématiques des appels à projets, tant au niveau européen que de la
Région wallonne, portent sur les aspects
pharmaceutiques, les nanotechnologies,
la chimie respectueuse de l’environnement, l’élimination des déchets, l’augmentation des rendements, les biocarburants ou les plastiques recyclables.
Ceci suscite chez les jeunes étudiants un
nouvel intérêt pour la chimie et constitue
un signe encourageant pour l’avenir. Il
y a une dizaine d’années, la chimie était
considérée comme «bonne à jeter» et il
fallait «être fou» pour se lancer dans cette
voie. Aujourd’hui, alors que nous sommes
dans une période de crise, on
constate que les étudiants,
davantage préoccupés par leur avenir,
se tournent à nouveau vers une chimie
qui offre de plus en plus de débouchés.
Néanmoins, cette discipline demeure
difficile par rapport à d’autres, d’abord
parce que sa formation est très complète
et pluridisciplinaire, c’est-à-dire qu’il faut
être bon en physique, en mathématique,
en informatique… Ensuite parce qu’il
s’agit parfois pour certains d’un «non
choix»: les maths, la physique, la médecine, l’étudiant sait au départ de quoi il
s’agit, alors que la difficulté de la chimie
réside dans sa pluralité et la palette de
métiers offerte à lui une fois son diplôme
en poche.
Enfin, déclare le professeur Wouters, alors
que le berceau de la chimie est clairement
l’Europe et qu’elle a été développée ces
20-30 dernières aux États-Unis, on assiste
! les 24 et 25 mars, se tiendra à Bruxelles (Grand-Bigard) le salon Laborama,
salon professionnel sur les matériels
et techniques de laboratoire ;
nus: eau, énergie, santé, nourriture et
ressources naturelles;
! le 4 mars, show spectaculaire du
­professeur Bassam Shakhashiri à l’ULB
et à l’Institut Meurice;
! du 5 au 13 mars, semaine familiale
avec exposition de photos sur le
thème «Images de…» et festival du
film sur la chimie;
! le weekend des 21 et 22 mai 2011:
portes ouvertes en entreprises, en
partenariat avec des universités,
hautes écoles, centres de recherche et centres de formation. Cet
événement représente une excellente opportunité pour le public
de découvrir le fonctionnement du
monde de ­l’industrie chimique, des
matières plastiques et des sciences
de la vie;
à un basculement vers l’Asie (Chine, Inde
et Pakistan). C’est dans ces régions que
se trouve actuellement la chimie la plus
efficace. Comment ­l’expliquer ? D’abord
par le nombre de personnes qui y travaillent mais aussi par les contraintes que
ces pays s’épargnent pour le moment.
Ce sont des considérations qu’il ne faut
pas négliger et qui peuvent constituer
une entrave au développement de la
chimie dans nos régions. La délocalisation, ce n’est pas seulement parce que
cela coûte moins cher mais c’est aussi
parce que la capacité de faire du bon travail existe également ailleurs. Comment
lutter ? Certainement pas en étant plus
laxiste chez nous mais probablement
en donnant des outils tout en imposant
des contraintes, notamment environ­
nementales. 
! les 15 et 16 juin se tiendra le salon
Chemspec à (Hall 1, Palexpo, Genève),
www.chemspecevents.com;
! le 1er décembre 2011: événement
de clôture de "l’Année Internationale
de la Chimie" au Square à Bruxelles
(Square Brussels Meeting Centre,
rue du Musée 8 à 1000 Bruxelles,
tél.: 02/515.13.00 - [email protected]).
! Plus d’informations sur:
www.chemistry2011.org et
www.essenscia.be
17
ATHENA 266 · Décembre 2010
> INTERNET
Le Web
pour les Nuls
et les Professionnels
18
Comment les Trouveurs trouvent
Texte : Christian VANDEN BERGHEN • http://www.brainsfeed.com • [email protected]
Illustrations : O. SAIVE/CartoonBase
Dans les articles précédents de cette série, nous avons vu qu’il existe
quatre profils d’utilisateurs du Web: les Chercheurs, qui ne trouvent
pas forcément ce qu’ils cherchent et sont obligés de se contenter de
ce qui leur tombe sous la main; les Trouveurs, qui disposent d’une
méthode de recherche et dont les recherches sont évidemment beaucoup plus efficaces; les Receveurs, qui ont mis en place des techniques
leur permettant de se faire envoyer automatiquement l’information
chaque fois qu’elle est mise à jour; et enfin les Passeurs, qui partagent
l’information qu’ils reçoivent en la mettant à la disposition de ceux qui
pourraient la trouver utile. Dans le présent article, nous poursuivons
l’analyse des méthodes dont disposent les Trouveurs en nous intéressant plus particulièrement à l’évaluation de l’information obtenue
D
ans le «monde du
papier», la plupart des
documents sont relus
- au moins par l’éditeur
ou un comité de lecture
- pour éviter de mettre la réputation
de la maison d’édition en danger par
la publication de documents conte-
nant des erreurs. Et de plus, l’éditeur
ne faisait généralement confiance qu’à
des auteurs dont il avait pu vérifier la
crédibilité ou la notoriété.
Dans le monde de la publication
«électronique» et en particulier depuis
l’avènement du Web 2.0, chacun peut
publier très facilement et sans contrôle.
Si la gestion d’un site Web demandait
encore quelques compétences techniques ou l’intervention d’un technicien, l’arrivée des blogs, des wikis
et autre Twitter met la publication à
la portée de tous. Elle peut se faire à
partir d’un ordinateur, mais également à partir d’un téléphone portable,
d’une tablette ou de ­n’importe quel
autre support connecté à Internet.
À défaut de tout trouver sur Internet,
on y trouve de tout: des thèses, des
bases de données, des présentations,
des publicités, des formations, des
articles, des pages personnelles, des
sites universitaires, des images, des
vidéos, etc. Donc avant d’utiliser une
information, il est évidemment important de vérifier si elle est fiable. S’il
n’existe aucun critère permettant de
dire à coup sûr qu’une information est
correcte, il existe des méthodes permettant de limiter les risques d’erreur.
Cet article fournit quelques pistes de
réflexion à ce sujet.
18
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
Le problème des
moteurs de recherche
Il est généralement admis que l’Internet comporte plus de 1.000 milliards de
documents. Les moteurs de recherche
actuels sont Google (http://www.google.
com), Exalead (http://www.exalead.com/
search/) et Bing (http://www.bing.com/).
L’un des autres «grands», Ask, vient
de jeter l’éponge en cette première
semaine de novembre 2010. L’ensemble
des documents indexés par ces moteurs
(pas par les annuaires) constitue ce que
l’on appelle le Web superficiel ou Web
visible, ce qui représente une bonne
dizaine de milliards de documents. Tout
le reste, c’est-à-dire l’immense majorité
des documents disponibles, constitue le
Web profond ou invisible. Il n’est donc
pas possible d’y accéder par le simple
biais des moteurs de recherche sans une
connaissance approfondie des techniques de recherche. Ce Web «secret» se
trouve par exemple dans les bases de
données et dans les documents que les
moteurs de recherche ne peuvent ou ne
veulent pas indexer.
Ces notions de base sont importantes et voici pourquoi. Si nous créons
aujourd’hui un nouveau site ou un nouveau blog, celui-ci se retrouvera dans
le Web profond tant qu’il n’aura pas été
indexé par les moteurs de recherche.
Pour que les moteurs de recherche acceptent plus facilement de l’indexer, notre
site doit correspondre à certains critères:
comporter plus de textes que d’images,
être constitué de pages statiques et non
dynamiques, posséder des liens à par-
tir d’autres pages déjà indexées, etc. Et
surtout, les moteurs de recherche apprécient les sites actifs (raison pour laquelle
la formule blog est tellement prisée) et
les sites vers lesquels il y a beaucoup de
liens, c’est-à-dire les sites les plus populaires. Le nombre de liens vers une page
- par exemple la page d’accueil de votre
site - peut être mesuré avec la plupart
des moteurs. Ils affichent la liste des
«backlinks» vers une page donnée. Un
«backlink» étant une page qui propose
un lien vers un document donné. Exemple: la requête link:www.brainsfeed.com
va fournir la liste des pages Web contenant un lien vers la page d’accueil du site
BrainsFeed.
Avec Google, la liste des «backlinks»
­s’obtient avec la syntaxe link:
Exemple:
pages de résultats des moteurs soient
des pages commerciales. Et cela explique aussi pourquoi il n’est pas bon de se
contenter de consulter les deux ou trois
premières pages. Les professionnels
commencent en général à s’intéresser
réellement aux résultats affichés à partir
de la cinquième ou sixième page.
Quand un professionnel de la documentation trouve facilement une information avec un moteur, c’est-à-dire
en n’utilisant qu’un ou deux mots-clés
(alors que Google, par exemple, permet
de créer des requêtes de 32 termes) ou
sans utiliser les fonctions avancées de
recherche, il se demande toujours prudemment, avant de se réjouir, qui a souhaité qu’il mette la main sur cette information et pourquoi.
link:www.brainsfeed.com
Pour une raison connue seulement
de lui, Google n’affiche qu’un échantillon des «backlinks». Et personne
en dehors de lui ne sait selon quelle
logique (ou absence de logique)
l’échantillon est constitué.
Il est également possible d’améliorer
le positionnement des pages dans les
résultats de recherche des moteurs en
faisant appel à des techniques dites de
référencement, ce qui représente un
coût parfois très élevé et que seules
des entreprises commerciales peuvent
s’offrir.
Tout ceci explique que la majorité des
documents trouvés parmi les premières
Évaluer l’information
L’évaluation de l’information comporte
plusieurs volets et il faudra toujours
trouver un compromis entre l’espoir de
trouver une information stratégique
rapidement et avant ses concurrents
sans avoir forcément le temps d’attendre qu’elle se confirme officiellement
- c’est ce que nous appelons un signal
faible - et une information vérifiée et
recoupée, provenant de plusieurs sources crédibles mais qui ne donnera plus
aucun avantage concurrentiel puisque
tous les concurrents la possèdent. Dans
le cadre d’une recherche pour un travail
académique, la notion de rapidité disparaît, bien évidemment. Ce compromis
(ou cette frustration) est plus connu sous
le nom de «Loi de Nolan», qui s’exprime
comme suit:
19
ATHENA 266 · Décembre 2010
> INTERNET
fiable qu’une information commerciale
(.com). Pour limiter la recherche à un
domaine particulier, Google et Yahoo
(moteur) utilisent la même syntaxe (tout
en minuscules): site:edu «grippe aviaire»
ne ramène que des pages du domaine
éducatif contenant l’expression «grippe
aviaire» (ces termes sont placés entre
guillemets pour indiquer au moteur
qu’ils constituent une expression
insécable).
>Quelle est la popularité du site ?
La mesure de la popularité d’un site peut
se faire de deux façons.
20
La loi de Nolan postule que la
recherche d'information
s'effectue dans un contetxte où
le chercheur possède 2 flèches
pour 3 cibles. Indubitablement,
une cible restera vierge...
+
Astuce !
La plupart des moteurs affichent
10 éléments sur leur page
de résultats, ce qui a pour effet
de nous obliger à «tourner» les
pages. Et psychologiquement,
quand on a tourné 3 ou 4 pages
on a l’impression de s’être
enfoncé dans les résultats alors
qu’on n’en a affiché que 30 ou 40.
Pour éviter cela, cliquez sur
«Recherches avancées», à droite
du champ de recherche de
la page d’accueil de Google, et
demandez (dans le menu déroulant) d’afficher 100 résultats au
lieu de 10. Quand vous aurez
tourné trois pages, vous aurez vu
300 résultats.
nous avons tous trois cibles: nous
recherchons une information peu onéreuse (si possible gratuite), disponible
tout de suite et de bonne qualité;
mais nous ne disposons que de deux
flèches, ce qui nous oblige à renoncer
à atteindre une des trois cibles;
 si nous voulons une information
pas chère et disponible immédiatement, elle sera probablement de
qualité médiocre;
 si nous voulons une information disponible sur le champ et de bonne
qualité, elle risque d’être chère;
 si nous voulons une information
gratuite ou presque et de bonne
qualité, nous devrions probablement patienter pour en disposer et
elle risque d’être obsolète.
Origine de
l’information
Les premières vérifications devraient
porter sur l’origine de l’information,
c’est-à-dire sur le site qui la publie.
>Dans quel domaine est inscrit
ce site ?
Une information provenant d’un
domaine .edu ou .org est, a priori, plus
•Commençons par vérifier combien de
fois l’adresse d’un site est citée dans
les grands moteurs de recherche. Dans Google par exemple, il suffit de
lancer une recherche sur l’adresse
d’un site placée entre guillemets
pour trouver le nombre et une liste
de pages contenant cette adresse. Ainsi, une recherche sur «www.esa.int»
nous dit que plus de 1.700.000 pages
contiennent l’adresse de l’Agence
Spatiale Européenne.
•L’autre procédure consiste à savoir
combien de pages pointent (c’est-àdire ont un lien) vers une page donnée, par exemple la page d’accueil­
(cf. supra)
Le nombre de liens vers une page constitue un élément d’estimation de l’évaluation, mais on examinera aussi la qualité
des liens, c’est-à-dire la crédibilité des
pages dont ils émanent.
>Qui est l’éditeur ?
Les sites crédibles publient généralement un document «About us» ou «Qui
sommes-nous ?» expliquant qui ils sont
et ce qu’ils font.
Vérification
du document
proprement dit
La deuxième vérification devrait porter
sur le document: date de publication,
date de révision, format.
>Quelles sont les dates de création
et de révision d’un document ?
Le plus simple est évidemment de vérifier si, en tête ou à la fin du document, se
trouve une date de rédaction ou de modi-
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
fication. Malheureusement, beaucoup
d’auteurs négligent ces indications.
Parmi leurs fonctions avancées, les
moteurs de recherche proposent de
limiter la recherche à une date particulière. En réalité, la date sur laquelle se
basent les moteurs n’est pas la date de
création du document, mais la date à
laquelle celui-ci a été indexé dans leur
base de données.
S’il s’agit d’un document PDF, les dates
de création et de dernière modification
figurent dans les propriétés du document, accessibles à partir du menu
"Fichier".
S’il s’agit d’un document au format
HTML, les moteurs de recherche ne peuvent rien pour nous et nous devrons faire
appel à des petites applications gratuites appelées bookmarklets. De très nombreux bookmarklets sont disponibles à
l’adresse http://www.bookmarklets.com/.
Le chemin à suivre pour trouver
­l’application dont nous avons besoin est
le suivant: sur la page d’accueil, cliquer
sur «See the bookmarklets», puis «Page
data». Sur cette page, nous voyons un
bookmarklet appelé «Page freshness»
(fraîcheur de la page). Avec des navigateurs récents, c’est très simple: il suffit de
faire glisser le lien vers la barre d’outils
personnelle en haut de la page.
Pour trouver la date de dernière mise à
jour d’un document HTML, il suffira de
cliquer sur ce favori, ce qui fera apparaître une fenêtre disant: «Le serveur
indique que la dernière modification
date…». Il n’est donc pas possible de
trouver la date de création d’un document HTML, mais uniquement sa date
de dernière modification.
Malheureusement, de plus en plus de
sites font appel à des CMS (Content
Management System) qui assemblent
divers éléments pour créer la page
demandée quand celle-ci est demandée. En d’autres termes, la page est créée
à la demande et la date affichée par le
bookmarklet sera bien souvent l’heure
actuelle.
Dans le cas d’informations issues d’un
blog, tout est plus simple puisque chaque billet est signé et daté.
>Quelle indication peut fournir
le format du fichier ?
Les moteurs de recherche sont capables de limiter la recherche à un type de
fichier: .pdf, .doc (Word), .xls (Excel), .ppt
(PowerPoint).
Les auteurs «sérieux» proposent en
général une rubrique «About me» et/ou
une biographie en ligne.
Il est également intéressant d’aller voir
dans les réseaux sociaux:
• est-il présent dans des réseaux
sociaux professionnels comme LinkedIn (http://www.linkedin.com/) ou
Viadeo (http://www.viadeo.com/) et ses
profils sont-ils cohérents ?
• publie-t-il de l’information sur un blog
personnel ou sur Twitter et quelle est
la qualité de l’information publiée ?
>L’auteur est-il connu ?
Si l’article est signé, il est conseillé de
vérifier la crédibilité de son auteur en
lançant une recherche sur son nom dans
les moteurs généralistes (Google, Yahoo,
Ask, Exalead…), puis dans des moteurs
spécialisés comme Google Scholar (http://
scholar.google.com/) ou Scirus (http://www.
scirus.com/). Avec Google, la syntaxe est
filetype:format
Conclusion
Exemple:
filetype:doc génétique
Les documents au format PDF sont
généralement plus officiels ou plus
aboutis que des documents HTML. Les
documents au format Word sont plus
souvent des documents non finalisés
et parfois à caractère confidentiel. Les
documents chiffrés sont généralement
proposés au format Excel, tandis que les
présentations sont fournies au format
PowerPoint.
Qui est l’auteur ?
La troisième vérification devrait porter sur l’auteur lui-même. Quelle est sa
notoriété ? Est-il connu du grand public
ou plutôt d’un public spécialisé ?
>Qui est l’auteur ?
Si les articles techniques et scientifiques sont le plus souvent signés, cette
pratique n’est pas généralisée pour
­l’immense majorité des documents
disponibles sur Internet. L’absence de
signature ne plaide évidemment pas
pour la fiabilité d’un document.
Trouver de l’information n’est pas difficile
sur Internet, mais trouver la bonne information demande de la technique, de
l’intuition, de la perspicacité, une bonne
connaissance des outils et des sources,
du discernement et un esprit critique. 
+
Pour en
savoir plus
Evaluation of information sources
http://bit.ly/XpXHp
Bibliography on evaluating web information
http://bit.ly/czsoCp
Evaluating internet information
http://bit.ly/aAUB4Y
Evaluating Web Content
http://bit.ly/LBzHz
21
ATHENA 266 · Décembre 2010
> SANTÉ
la maladie
Affection neurologique la plus
répandue, la migraine est aussi
la plus pauvre sur le plan des
crédits accordés à la recherche.
Sans doute souffre-t-elle encore
de vieux stéréotypes qui en font
une «maladie de bonne femme»
ou un prétexte derrière lequel
se retranchent des personnes
soucieuses d’obtenir indûment
des jours de congé. Il s’agit pourtant d’une maladie du système
nerveux central à prédisposition génétique, dont le coût est
énorme pour la société
Texte : Philippe LAMBERT
[email protected]
22
Photo : Eco-girl (p.24)
E
n Europe, 41 millions de
personnes, dont 75% de
femmes, souffriraient de
migraine, faisant de cette
affection la maladie neuro­
logique la plus répandue. Une étude
publiée en 2005 estime son coût global
annuel sur le Vieux Continent à quelque 27 milliards d’euros. Chiffre en adéquation avec les données relatives aux
États-Unis.
enfance jusqu’à l’âge de 26 ans. Résultat: à l’échelle d’intelligence verbale de
Wechsler, les enfants migraineux ou
qui le deviendront ont des scores de
2 à 3 points inférieurs à ceux des enfants
normaux ou souffrant de céphalées de
tension. Et ce désavantage persiste, leur
curriculum académique (selon la terminologie américaine) se révélant légèrement, mais significativement, inférieur.
L’ensemble des études menées à ­travers
le monde soulignent à quel point les
coûts indirects de la migraine sont
supérieurs à ses coûts directs. Elles ne
reflètent pas non plus les répercussions
de la migraine sur le développement
intellectuel et psychique des enfants
qu’elle peut frapper dès le début de la
scolarisation. On sait que nombre de
migraineux présentent, entre les crises,
une perturbation discrète de certaines fonctions cognitives, en particulier
dans les sphères verbales et attentionnelles. Une étude néo-zélandaise nous
éclaire sur ce point. Elle consistait à faire
­passer périodiquement divers tests psychologiques à des individus depuis leur
Seuil migraineux
Les critères diagnostiques de la migraine
sont longtemps restés imprécis. Une
première classification internationale
des céphalées a été proposée en 1988
par l’International Headache Society.
Amendée, sa seconde version (International Classification of Heading Desorders - ICHD-II) a été publiée en 2004.
Aux termes de ce document, le diagnostic de migraine s’applique à une céphalée récurrente qui se manifeste par des
crises d’une durée de 4 à 72 heures et
pour laquelle deux des quatre symptô-
mes suivants sont requis: le mal de tête
doit être unilatéral, pulsatile, ­d’intensité
modérée à forte, aggravé par une activité physique normale. En outre, il existe
des signes associés: des nausées, voire
des vomissements, et/ou une intolérance à la lumière (photophobie) et au
bruit (phonophobie). Selon les critères
de l’ICHD-II, il y a migraine chronique
quand le patient souffre de céphalées
migraineuses au moins quinze jours par
mois. De même, la classification met
l’accent sur les céphalées chroniques
quotidiennes par surconsommation
d’antalgiques.
Par ailleurs, il est classique de distinguer
deux sous-catégories: les migraines sans
aura (1), qui concernent environ 80% des
patients, et leurs homologues avec aura.
Parmi les 20% de migraineux touchés
par les secondes, deux tiers ne connaissent que des crises avec aura, tandis que
le tiers restant se plie au jeu d’une certaine variabilité.
Cela étant, l’étiologie de la maladie n’est
pas bien élucidée, hormis pour un soustype très rare, les migraines hémiplégi-
Philippe LAMBERT ·SANTÉ
ques familiales (MHF), qui sont monogéniques. En l’occurrence, trois gènes
dont une mutation ponctuelle peut être
responsable de la maladie ont été identifiés jusqu’à présent: CACN1A (MHF1),
ATP1A2 (MHF2), SCN1A (MHF3).
Et les migraines communes ? Après plus
de dix années de recherches assidues,
aucune mutation n’a été trouvée jusqu’ici
dans les 3 gènes MHF chez les patients
souffrant des formes communes de
migraine avec ou sans aura. En revanche,
plusieurs sites génétiques identifiés par
des marqueurs du génome humain ont
été associés aux migraines communes et
plusieurs polymorphismes de nucléotide
unique de l’ADN sont plus fréquemment
retrouvés chez les migraineux.
Les migraines communes avec ou sans
aura apparaissent dès lors comme des
maladies polygéniques complexes où
plusieurs gènes de susceptibilité définissent, pour chaque individu, un seuil
critique de crise («le seuil migraineux»).
Par ailleurs, comme le précise le professeur Schoenen, la charge génétique
détermine vraisemblablement la sévérité de la maladie migraineuse ainsi que
certaines de ses complications, telle
la chronicisation par abus de triptans,
actuellement les médicaments les plus
efficaces pour abréger une crise, ou par
abus d’antalgiques.
Le golden standard
Le seuil migraineux est modulé par des
facteurs endogènes et exogènes, de
sorte que plus il est bas, plus les facteurs
déclencheurs sont susceptibles d’amorcer une crise. Parmi ces derniers, les plus
souvent impliqués sont les variations
hormonales de la période prémenstruelle, l’alcool et l’«après-stress».
«Les gènes chargent la poudrière, les facteurs hormonaux et environnementaux
mettent le feu aux poudres, indique Jean
Schoenen. Une fois le seuil migraineux
franchi et la mèche allumée, s’instaure une
cascade d’activations cellulaires et moléculaires qui embrase le système trigéminovasculaire, seul système d’alarme (c’est-àdire de signalisation d’une douleur) que
possède le cerveau.»
Il existe des traitements de la crise de
migraine et des traitements de fond,
mais ils ne sont que symptomatiques.
Autrement dit, la maladie n’est pas
curable actuellement. Pour l’heure, les
triptans demeurent le «golden standard» pour le traitement de la crise de
migraine. Toutefois, ils présentent des
contre-indications cardiovasculaires. De
nouvelles molécules baptisées gépants –
il s’agit ­d’antagonistes des récepteurs au
CGRP (Calcitonin Gene-Related Peptide)
devraient apparaître prochainement sur
le marché, de même que des agonistes
des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1F.
Ils ont en commun d’être d’une efficacité
comparable aux triptans, mais sans en
avoir les effets vasoconstricteurs.
Dans la sphère des traitements préventifs de la migraine, peu d’avancées ont
été réalisées récemment. Deux antiépileptiques, le valproate sodique et le topiramate, restent les médicaments les plus
performants (scores thérapeutiques de
l’ordre de 50 à 60%), mais ils entraînent,
chez 30% des patients, des effets secondaires parfois très désagréables.
Perception biaisée
En fait, la prise en charge des patients
migraineux n’est pas optimale. Selon le
professeur Jean Schoenen, elle se heurte
à des barrières qui se situent à quatre
niveaux: le patient, la société, les dispensateurs de soins et la maladie elle-même.
Le premier écueil résulte de la manière
dont le patient perçoit souvent la
migraine: une pathologie sans gravité. La
migraine n’est pas mortelle, il est vrai, et
aucun signe clinique extérieur ni aucun
test diagnostique ne permet d’établir de
façon indubitable la présence de la maladie. Prolongeant la vie de stéréotypes
éculés, d’aucuns, y compris dans le corps
médical, continuent même à parler de la
migraine comme d’une «maladie de bonnes femmes insatisfaites». Aussi n’est-il
pas étonnant que nombre de patients
ne reconnaissent pas à l’affection dont ils
souffrent le statut de «véritable» maladie
et qu’ils soient habités d’un sentiment de
culpabilité doublé de fatalisme - «J’ai la
migraine, ma mère l’avait; il n’y a rien à
faire, il faut vivre avec.»
Se pose également la question du coût
des traitements. Jusqu’il y a un an, parmi
les triptans, seule la forme injectable
de l’Imitrex® (sumatriptan) était partiel­
lement remboursée en Belgique. Depuis
lors, un seul des différents triptans oraux,
le générique de l’Imitrex®, bénéficie
d’un remboursement. Le problème est
comparable pour les traitements prophylactiques. Certains sont remboursés
sous condition, comme le topiramate;
d’autres, comme le valproate, le sont
pour l’épilepsie. De la sorte, les migraineux en profitent «illégalement», alors
que des médicaments préventifs de
première ligne tels que la riboflavine
ou le co-enzyme Q10, qui doivent être
donnés à des doses élevées et sont donc
coûteux, ne sont pas remboursés. Or on
constate que la disposition des migraineux à investir financièrement dans leur
maladie est très faible. «Il faut sans doute y
voir une autre preuve de la perception que
le patient et la société ont de la migraine»,
estime Jean Schoenen.
Eu égard au tableau dressé, faut-il être
surpris d’apprendre qu’en Belgique, 68%
des migraineux ne consultent pas ? Et
étonné du manque de «compliance»
(observance des traitements prescrits)
des patients ? Cette mauvaise adhésion à
la prise en charge se manifeste à ­l’occasion
des traitements de crise, lorsque la personne migraineuse ne respecte pas les
consignes qui lui ont été prodiguées,
avec notamment pour résultante possible une chronicisation de sa maladie par
abus d’antalgiques ou de triptans, mais
surtout dans le cadre des traitements de
fond. Dans ce cas, il est fréquent que le
patient ne soit pas enclin à se plier à un
traitement médicamenteux quotidien de
longue durée pour tenter de contrecarrer une maladie dont les crises s’avèrent
épisodiques.
23
ATHENA 266 · Décembre 2010
> SANTÉ
Le regard
de la société
La deuxième barrière à une prise en
charge efficace de la migraine tient aux
concepts en vigueur dans la société.
Ils rejoignent les stéréotypes dont le
patient migraineux est lui-même porteur, puisqu’ils ont largement contribué
à les forger. L’affection est jugée sans
importance, suscite la suspicion car elle
est «invisible» et se voit affublée de tout
le poids de la mémoire collective - «maladie de bonne femme», maladie à laquelle
il faut se résigner, simulation pour ne pas
devoir travailler, etc. En conséquence, la
société n’est guère disposée à délier les
cordons de la bourse pour cette pathologie, laquelle ne jouit dès lors que
d’un intérêt académique très limité. «La
migraine se situe en dernière position des
affections neurologiques sur le plan des
crédits publics accordés à la recherche,
regrette Jean Schoenen. Peu d’argent,
peu de recherche, peu de progrès...»
24
(1) L’aura recouvre un
ensemble de troubles
neurologiques
susceptibles d’apparaître
dans les minutes
précédant la douleur
migraineuse, avant de
s’éteindre, en général,
en moins d’une heure.
Quels troubles ? Des
perturbations temporaires
de la vue, telles des
taches lumineuses dans
le champ de vision, des
altérations de la sensibilité
(des fourmillements, par
exemple), de la parole
(difficultés d’élocution,
etc.) ou, plus rarement, de
la force musculaire. Dans
80% des cas, l’aura n’est
cependant que visuelle.
La conception que la société a de la
migraine déteint sur les dispensateurs de
soins. Telle est la troisième barrière à une
bonne prise en charge de la maladie. «La
première consultation d’un migraineux
nécessite 45 minutes à une heure, où 80%
du temps est consacré à l’anamnèse et aux
explications de la maladie et du traitement
proposé, souligne le professeur Schoenen. Pourquoi le médecin consacrerait-il
autant de temps à une pathologie décrite
comme bénigne, d’autant que l’examen
clinique du migraineux est généralement
normal ?... Et puisque la maladie est réputée sans gravité, le médecin généraliste n’a
pas spontanément tendance à orienter le
patient vers un centre spécialisé.»
L’affection étant jugée anodine, la formation que le médecin reçoit à son sujet
est nettement insuffisante. Il y a quelques années, la Société allemande de
la migraine et de la céphalée (German
Migraine and Headache Society) avait
établi une liste de recommandations
thérapeutiques qu’elle avait adressée
aux médecins généralistes et aux neurologues. En 2009, une enquête a été
menée en Allemagne auprès de 383
cabinets de médecine générale. Au total,
90.540 médicaments contre la migraine
avaient été prescrits selon la clé de
répartition suivante: 1.492 prescription
par homme par an et 2.109 prescrip-
tions par femme par an. Il s’avéra que
dans 75% des cas, les recommandations
n’avaient pas été suivies. Autrement dit,
même lorsque des lignes directrices
existent, elles ne sont pas respectées.
«À côté de toutes les personnes invalidées
qui ne consultent pas parce qu’on les a
persuadées que c’était inutile, d’autres
ne consultent plus parce qu’elles ont été
déçues par la prise en charge dont elles
ont fait l’objet», précise encore Jean
Schoenen.
Un tableau
complexe
Le dernier écueil auquel se heurte le
souci d’une prise en charge optimale
est la migraine elle-même. Pourquoi ?
­Premièrement, la maladie est épisodique. Si elle n’est pas chronicisée, elle est
exempte de symptômes entre les crises.
Des interrogations demeurent d’ailleurs
quant au rôle neurobiologique des crises. Comme l’explique le professeur
Schoenen, une vieille théorie, proposée
par Edward Liveing au 19e siècle, veut
en effet qu’elles permettent au cerveau
de récupérer un état d’équilibre homéo­
statique, ce qui ne semble pas dénué de
tout fondement.
Deuxièmement, sauf dans le cas de sa
forme hémiplégique familiale, monogénique, la migraine est une affection
neurologique complexe d’origine polygénique, dont les crises peuvent être initiées par de multiples facteurs. Troisième
point: la maladie n’est pas curable actuellement et l’efficacité des traitements préventifs ne dépasse pas 50 à 60% - sans
doute parce que la physiopathologie est
complexe, variant, comme les gènes de
susceptibilité, d’un patient à l’autre. De
surcroît, l’affection est sujette à un phénomène de chronicisation à cause d’un
usage excessif des drogues antimigraineuses (abus de triptans, d’antalgiques,
voire d’anti-inflammatoires) ou à cause
d’autres facteurs intercurrents, psychologiques ou hormonaux. Un casse-tête
finalement, cette migraine ! 
Valérie BURGUIÈRE · NEUROLOGIE
Se mesurer
ou coopérer ?
Texte: Valérie BURGUIÈRE • [email protected] • Photos: REPORTERS
Les interactions entre individus
constituent les fondements de
la vie en société. Elles sont basées
sur le partage de représentations
communes constituées dans nos
cerveaux respectifs sur tout ce qui
bouge autour de nous. Toutefois
des investigations par ­imagerie
cérébrale nous indiquent
que nous ne mobilisons pas
les mêmes ressources lorsque
nous nous investissons dans
un ­objectif commun avec nos
­semblables ou lorsque nous
­cherchons à faire mieux que
nos congénères
L
es humains sont doués
de mouvement et interagissent avec leur environ­
nement et leurs actions
sont généralement dirigées vers un objectif à atteindre. Mais
chacun de nous n’évolue pas seul dans
son milieu et nous sommes en inter­
action constante avec nos semblables.
La vie sociale implique donc que nous
partagions avec nos congénères des
perceptions communes sur ce qui nous
entoure. De plus, il nous faut être capable de comprendre les actions d’autrui,
en se les représentant de façon intérieure, afin de décoder et d’interpréter
ses intentions et objectifs, dans le but
de produire une réponse adéquate.
Observer et décrypter
C’est exactement ce que l’on fait dans
des situations aussi diverses que
lorsqu’on écoute un orateur prononcer
un discours dans le but de lui poser des
questions à la fin, ou que l’on observe
un artisan manipuler un outil dans
­l’intention de l’imiter et d’apprendre
son métier, ou même que l’on écoute
un musicien jouer de son instrument
préféré dans l’espoir de l’égaler un jour
peut-être... Afin de décrypter correctement les intentions des autres, nous
construisons une image intériorisée de
leurs actions.
D’un point de vue neurophysiologique, il est nécessaire que les deux protagonistes, l’acteur et l’observateur,
partagent des représentations identiques, communes à la perception du
mouvement et à l’action elle-même.
Nous pouvons ainsi nous représenter
intérieurement les actions des autres
comme si nous agissions nous-mêmes.
Cette représentation unique des actions
de soi et de l’autre rend les interactions
entre individus plus efficaces. Des neurophysiologistes italiens ont bien identifié les neurones à l’origine de ces images superposables, en miroir l’une de
l’autre (voir encadré p.26).
25
ATHENA 266 · Décembre 2010
> NEUROLOGIE
Des Neurones
à effet miroir pour
observer l’autre …
L
26
es neurones «miroirs» ont été
découverts dans le cerveau du
Singe initialement par Giacomo Rizzolatti et son équipe du laboratoire de neurophysiologie de l’Université de Parme en Italie. S’activant
lors de certaines actions spécifiques
réalisées par le primate, par exemple
«peler une banane», les neurones
miroirs déchargeaient également
lorsque l’animal observait l’expérimentateur en train de peler le fruit
oblong dans l’intention de le ­manger.
Tout se passe comme si ces neurones
de l’action très particuliers reflétaient également dans le cerveau du
primate tout ce qui se passe dans son
environnement et qui est susceptible
de présenter un intérêt pour lui. Les
études qui ont suivi ces découvertes
ont indiqué que les neurones miroirs occupent chez le Singe une aire
équivalente à l’aire pré-motrice chez
l’Homme (Voir encadré p.27).
Toute action engage autour du cortex
moteur primaire contrôlant la contraction musculaire, le cortex pré-moteur qui
­coordonne globalement l’enchaînement
des mouvements dans une action dirigée
vers un but et le cortex pré-frontal, qui
oriente la réaction intentionnelle vers un
objectif à atteindre.
Dans les interactions entre individus,
l’acteur et l’observateur mobilisent des
neurones miroirs situés à la fois dans la
partie ventrale du cortex pré-moteur et
dans le lobule pariétal inférieur, autorisant un partage inconscient des représentations mentales entre l’un et l’autre
protagonistes.
Coopérer ou rivaliser ?
L’évolution a mis en place des mécanismes spécifiques à différents types
­d’interactions sociales, quand il
s’agit par exemple de coopérer ou
au contraire d’entrer en compétition
avec un congénère. Les deux types de
comportement nécessitent à la fois un
contrôle de ses propres actions et une
reconnaissance de celles de l’autre.
Dans les deux situations il faut pouvoir
anticiper le ­comportement du partenaire ou du rival, c’est à dire être capable de ­comprendre et de prévoir ses
actions, en lui attribuant un état mental
propre. Cet état mental du moment se
définit par des pensées, des croyances,
des désirs, des intentions, forcément
­différents des nôtres. Ces processus
sont actifs dans les deux situations, la
coopération et la compétition.
Toutefois nous mobilisons des ­ressources
différentes lorsque nous coopérons
avec quelqu’un dans un but commun
et lorsque nous entrons en compétition
avec un rival pour atteindre la meilleure
position. Ces données sont mises en
­évidence par la neuro-imagerie fonctionnelle (IRMf ) qui montre que des
régions cérébrales différentes s’activent
selon le contexte. Dans le cadre d’une
compétition entre deux individus, le
comportement du rival est plus difficile
à prévoir que dans la situation plus paisible où les deux personnes coopèrent
et où les actions du partenaire sont plus
facilement prévisibles. Adopter une attitude compétitive met par conséquent en
œuvre des processus de mentalisation
élevés, qui ont lieu dans le cortex préfrontal médial, accaparant une grande
partie des moyens intellectuels du sujet,
et les résultats d’une tâche à accomplir
peuvent s’en trouver diminués.
D’autre part, la coopération stimule une
petite zone cérébrale frontale qui intervient dans le traitement du conflit social,
ce qui apparaît intuitivement logique,
et nous aide à aplanir les tensions, à
gérer les situations et favorise un climat
serein et propice à la collaboration. De
plus, les réseaux neuronaux effectuant
la ­distinction entre soi et l’autre restent
relativement silencieux lorsque l’on
­coopère avec un partenaire. Inversement, la compétition entre deux individus n’active pas les zones du traitement
des conflits sociaux - ce qui pourrait
expliquer quelques dérapages -, mais
mobilise en revanche tout particulièrement les circuits permettant de faire
la différence entre ses propres actions
et celles du rival, indiquant bien qu’on
«roule pour soi», et pas pour les autres.
Une singulière différence …
Coopération, équité
et justice
Pour finir, on pourrait penser que le plaisir ou la satisfaction sont plus intenses
lorsque l’on a fait mieux ou «battu» un
collègue ou un rival, mais il semblerait
que les résultats obtenus de façon conviviale, en collaboration avec nos semblables, procurent une récompense supérieure dans le cerveau et donc, un plaisir
plus intense. À la condition toutefois que
les bénéfices à partager soient équitables. En effet, des études comportementales ont bien établi que les humains
détestent les traitements injustes. À
valeur égale, les offres justes procurent
un sentiment de bien-être et activent en
IRMf les régions cérébrales de la récompense, ce que ne font pas les offres inéquitables. De plus le fait de rejeter des
avantages inéquitables ou de punir un
partenaire injuste active les structures
qui gèrent habituellement l’apprentissage par récompense.
Des études réalisées par IRMf auprès de
volontaires et simulant des petites transactions économiques pouvant donner
lieu à des gains à garder pour soi ou
à partager avec un collaborateur ont
donné des résultats intéressants. En premier lieu, les incitations matérielles ne
sont pas les moteurs exclusifs des comportements humains en société. Des
facteurs motivationnels d’ordre affectif
entrent en jeu. Ainsi le bien-être et la
satisfaction que l’on éprouve sont supérieurs lorsque l’on s’est investi de façon
saine dans une collaboration et que l’on
a traité équitablement un collègue ou un
partenaire social, tout comme on se sent
mieux lorsqu'on a été justement traité,
indépendamment du gain matériel.
D’un point de vue comportemental, le
plaisir d’être traité avec honnêteté va de
pair avec l’intention de coopérer, ce que
corrobore l’imagerie cérébrale qui montre un recouvrement des circuits neuraux dans les deux situations. De même
Valérie BURGUIÈRE · NEUROLOGIE
Des zones cérébrales communes
pour agir et observer
les personnes prêtes à participer, s’investissant facilement, sont les mêmes que
celles qui adoptent un comportement
équitable envers leurs partenaires. Finalement, les réseaux neuronaux du comportement coopératif sont intriqués avec
les circuits traitant le plaisir d’être soimême l’objet d’une attention complice.
Il existe donc une triangulation réciproque, confirmée par l’imagerie fonctionnelle qui montre qu’un comportement
équitable, un sentiment de justice et une
attitude coopérative éveillent les mêmes
zones cérébrales de la récompense.
Les chercheurs ont observé que les
aires traitant l’apprentissage par récompense s’activent à l’IRMf avant même
­l’obtention d’une gratification matérielle, indice supplémentaire du plaisir
qu’il y a à travailler ensemble, indépendamment du profit à venir. Finalement, dans le cerveau, le satisfecit lié
au fait de se comporter loyalement et
de ­collaborer se lisait comme le plaisir
d’être associé à un travail et d’être traité
de façon fair-play. Nous sommes donc
plus ­heureux lorsque nous collaborons
dans des projets ou des objectifs communs que lorsque nous agissons en
solo, de façon égoïste ou égocentrique.
Les fruits à récolter semblent meilleurs.
Certains verront peut-être les choses
différemment après ça... 
C
lassiquement, l’anatomie du cerveau distinguait, avec Brodmann,
des petites zones cérébrales que ce dernier avait désignées par des
numéros. Aujourd’hui, la neuro-anatomie fonctionnelle met en
­correspondance ces mêmes aires cérébrales avec leurs fonctionnalités. Ainsi,
toute action, simple ou même complexe, met en jeu un ensemble de territoires plus ou moins spécialisés. Ces différentes zones s’articulent autour du
cortex moteur primaire, contrôlant la contraction musculaire et situé dans
le cortex frontal (Voir schéma p.26). La représentation des muscles du corps
dans le cerveau dessine à la surface du cortex un homoncule appelé gnome
de Penfield. Dans le gnome, les différentes parties du corps sont représentées selon leur importance fonctionnelle (par exemple, la surface du pouce
est plus grande que celle du petit doigt, lequel nous est bien moins utile dans
la vie quotidienne).
La réalisation correcte d’une action intentionnelle, orientée vers un objectif à
atteindre, nécessite l’intégrité des cortex frontal et pariétal. En effet, autour
de la zone primaire, des aires d’intégration motrice orchestrent un contrôle
plus global de la séquence motrice totale à accomplir. Ainsi, le cortex frontal pré-moteur, situé immédiatement en avant du cortex moteur primaire,
coordon­nerait globalement l’enchaînement des mouvements dans une
­action dirigée vers un but. De même, la zone pariétale inférieure interviendrait pour distinguer ses propres actions des actes et intentions des autres.
Action et observation
Classiquement, la perception et la motricité sont traitées de façon distincte
dans le cerveau. Toutefois, des aires de recoupement ont été mises en évidence lorsque deux personnes entrent en interaction. Des images obtenues
grâce aux techniques de la tomographie par émission de positons (TEP)
­révèlent que le simple fait pour un observateur de regarder passivement
une action effectuée par un autre met également en jeu le cortex frontal
pré-­moteur et la zone pariétale inférieure chez l’observateur. Ces deux zones sont donc actives à la fois chez l’acteur et chez l’observateur passif, selon
un effet «miroir» (voir encadré «Des neurones à effet miroir pour observer
l’autre …») réalisant des images semblables chez les deux individus. Ce phénomène est un pré-requis nécessaire à la communication sociale non verbale
et à toutes les interactions sociales entre les membres au sein d’un groupe,
quand il s’agit par exemple de coopérer dans un but commun ou d’entrer en
compétition avec un pair.
27
ATHENA 266 · Décembre 2010
> BIOLOGIE
Texte : Jean-Michel DEBRY • [email protected]
Photos : Maureen/Flickr (p.28), Emily/Flickr (p.28),
S.PIRARD (p.29), M. LINDNER (p.29),
National Geographic Maps (p.30)
Question de
souffle
28
Brave chien !
S
i le cheval est considéré comme la
plus noble conquête de l’homme,
le chien est sans contexte son
meilleur ami: présent, ­chaleureux, empathique, fidèle, mais un tantinet intéressé
aussi, bien entendu. L’humain s’en est
très tôt rendu compte et dès le début, lui
a réservé un sort tout à fait particulier.
Qu'il soit le dernier - celui qui
ouvre les portes du paradis -;
celui de la vie et de l'espoir
porté par les progrès et
découvertes; celui du vent qui,
vous le verrez, peut semer très
loin; ou encore celui qui défie les
lois biologiques; le souffle, puisque c'est bien de lui qu'il s'agit,
sera au cœur de votre rubrique
"biologie" du mois...
En tous, cas, retenez-bien
le vôtre, vous risquez
encore d'être surpris !
Si cet animal est un des premiers - sinon
le premier - à avoir été domestiqué par
l’homme, il a aussi été le premier et
pendant longtemps, le seul à bénéficier
d’une sépulture propre. De nombreuses tombes sont connues pour abriter la
dépouille d’un chien, déposé sur le flanc
avec égard. 400 sites de ce type ont été
répertoriés, contenant les restes de 1.200
animaux. On en a découvert à différents
endroits du globe, mais plus particulièrement au sud des États-Unis, dans le
nord de l’Europe et au Japon.
La plus ancienne de ces sépultures connue
à ce jour remonte à 9.000 ans, soit un millénaire après le début de ­l’Holocène et
la fin de la plus récente ­glaciation. Cette
datation a son importance: on pense en
effet qu’à partir de cette époque, le chien
est devenu un auxiliaire de l’homme à la
chasse, rabatteur privilégié pour le moyen,
voire le gros gibier. Sa perte constituait
par conséquent aussi celle d’un «collègue» de chasse. D’où les égards qui lui
étaient réservés.
Étrangement, cette bonne disposition
s’est éteinte avec la généralisation de
l’agriculture et de l’élevage; sans doute
parce que le chien-chasseur a perdu du
même coup un peu de son importance vitale. Cela ne signifie en
aucun cas qu’il ait été moins
apprécié. On a simplement
moins pris la peine de lui
offrir une sépulture unique. Y avait-il des rites
mortuaires
spécifiquement associés ? C’est un
des éléments qu’il reste à
découvrir. n
Science 2010 ;
329 : 464-1465.
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
SIV et HIV: même évolution ?
O
n a depuis longtemps établi le lien qui semble exister
entre les virus de l’immunodéficience humaine (les HIV1 &
2) et simienne (SIV). On connait les
dégâts provoqués par les premiers
chez ­l’humain depuis une trentaine
­d’années, alors que chez le singe, le SIV
semble nettement moins agressif.
Des études ont porté sur cette particularité qui a d’autant plus surpris les
spécialistes que des évaluations ont
fait naître le SIV il y a relativement peu
de temps également, quelques siècles
au plus. Les singes primates auraientils développé des défenses naturelles
plus rapidement que n’est capable de
le faire l’humain ?
Une équipe de chercheurs a voulu en
savoir davantage sur le sujet et s’est
livré à une étude permettant de savoir
si l’émergence de ce virus animal ne
serait pas nettement plus ancienne.
Sans entrer dans le détail du protocole
expérimental, ils ont recherché des traces de la présence du virus chez 79 singes appartenant à 6 espèces différentes, issus tant du territoire continental
africain que de l’île de Bioko qui s’en est
détachée il y a 10 à 12.000 ans. Ils ont
étudié les séquences géniques concernées ainsi que les différences notées
et, mettant un modèle mathématique
à profit, ont pu estimer que le virus SIV
est bien plus ancien que généralement
estimé. Son origine remonterait en
effet à 32.000 ans, loin par conséquent
des quelques siècles d’existence présumée. Cela change évidemment tout.
Cela signifie en particulier que tant le
virus SIV que les singes ont pu longuement évoluer, connaissant ce que les
spécialistes appellent une coévolution.
Résultat: les espèces se sont adaptées
au virus, faisant naître des résistances
qui ­donnent à ce dernier une virulence
atténuée. La conclusion qu’on peut en
tirer pour l’humain et ses propres virus
d’immunodéficience, c’est qu’il faudra
encore longtemps sans doute avant
qu’une adaptation identique n’apparaisse. Autant, par conséquent, miser
le plus possible sur l’option thérapeutique, partout où c’est nécessaire ! 
Science 2010 ; 329 : 1487
29
Entre froid, altitude, Tibétains… et mammouths !
L
’hémoglobine du sang a pour fonction de capter l’oxygène de l’air inspiré dans les poumons et de le transporter dans les différents tissus. Cette fonction métabolique
est toutefois réduite par la température, essentiellement quand
celle-ci est basse. Cette réalité a forcément quelques implications pour les organismes humains et animaux confrontés au
froid et à l’altitude.
Pour les mammouths, l’affaire est entendue: rayés de la carte des
vivants, ils n’ont plus à réagir aux conditions thermiques de la
dernière glaciation. Cela n’a pas empêché des chercheurs très
contemporains de vérifier si ces géants disparus, qui ont divergé
de leurs cousins éléphants il y a 1,2 à 2 millions ­d’années,
n’avaient pas bénéficié de l’une ou l’autre mutation favorable. Ils ont par conséquent jeté leur dévolu sur les
­vestiges d’un animal vieux de 43.000 ans. De l’ADN
étant encore exploitable, les scientifiques ont plus
particulièrement fixé leur attention sur la séquence
responsable d’une des chaînes de l’hémoglobine en question. Bien leur en prit puisqu’ils
y ont découvert trois mutations dont les
éléphants actuels ne ­disposent pas. On a
ensuite pu montrer que ces modifications
pouvaient rendre compte d’un meilleur
rendement à basse température.
Quid des Tibétains qui ajoutent parfois au
froid l’effet de l’altitude ? Eux aussi ont fait
l’objet d’une étude comparative afin de
vérifier s’ils disposent d’adaptations à la raréfaction d’oxygène.
Sans entrer dans le détail des examens menés, la réponse est bien
entendu positive, sans qu’on sache si les ancêtres ont habité les
hauteurs parce qu’ils disposaient déjà d’adaptations spontanées
ou si ces dernières sont apparues ensuite de façon opportune.
Étrangement, on a observé que ces femmes et ces hommes présentent une concentration artérielle en oxygène plus basse que
les peuples chinois voisins - ce qui peut ­s’expliquer par les conditions locales - mais qu’ils ont aussi une concentration en hémoglobine sanguine plus faible. Là, c’est plus paradoxal. La compensation viendrait de deux autres ­dispositions: l’absence de
constriction des bronches en cas d’hypoxie (réduction forte en
oxygène) et un rythme respiratoire au repos plus rapide. On
s’est bien entendu livré aussi à des études génomiques
qui ont mis en lumière les modifications responsables,
perceptibles au niveau de l’ADN. À l’évidence, le froid,
l’altitude et la convergence des deux peut mener à
des adaptations différentes. Pour
le moment, ça fait juste avancer
un peu la science. Mais allez
savoir si ça ne va pas donner
sous peu quelque idée à des
managers sportifs en mal de
dopage sans EPO ? 
Science 2010 ; 329 : 72-75;
Nature Genetics 2010 ; 42 : 536-540;
Médecine/ science 2010 ; 26 : 709-710
ATHENA 266 · Décembre 2010
> BIOLOGIE
La question
du mois
C
ombien d’animaux de
laboratoire la recherche utilise-t-elle chaque
année dans la seule Union
européenne ?
Réponse: 12 millions…
30
Cette valeur peut apparaître énorme,
mais plusieurs réserves sont à
­apporter. D’abord, «utiliser» ne signifie
pas nécessairement sacrifier. Ensuite,
l’écrasante majorité des animaux en
question sont des souris et non des singes ou des chiens. La valeur rapportée
- qui vaut pour 2008 - ne présente plus
de croissance depuis plusieurs années.
Enfin, les expériences sont planifiées et
le nombre d’animaux ­requis est réduit
au minimum; notamment en raison
de leur prix: de plus en plus de souris
utilisées sont en effet «transgéniques»,
fruits de manipulations préalables destinées à en faire des modèles d’étude
privilégiés de pathologies humaines
ou tout simplement du fonctionnement des gènes. La recherche fondamentale reste d’ailleurs le plus important utilisateur avec 38.1% de l’effectif
des animaux recensés.
Souvent décriés dans le passé, les tests
de toxicité se passent dorénavant de
plus en plus du recours à l’animal; leur
impact global ne vient d’ailleurs plus
qu’en 4e position dans le classement
des domaines utilisateurs, avec 8,7%.
Que cela plaise ou non, qu’on le
­déplore ou non, l’expérimentation sur
l’animal reste une étape obligée dans
de nombreux protocoles, notamment
dans la perspective d’une recherche
clinique. Mais qu’on se rassure: utiliser
un animal et surtout le sacrifier n’est
jamais sans but pour un scientifique.
Jamais un plaisir non plus. 
Nature 2010 ; 467: 757
L’homme des antipodes
S
i l’homme moderne - Homo sapiens - a émergé du territoire africain il y a
200.000 ans environ (au moins le pense-t-on), il a assez rapidement colonisé
le reste du globe ensuite, preuve de ses aptitudes adaptatives. Il ne faut en
effet pas oublier que non seulement il a émigré vers le nord et le sud, mais aussi vers
l’ouest et l’est, le tout pendant des périodes glaciaires - celles de la fin du Pléistocène
- qui ne devaient pas fondamentalement aider à la progression.
Si on date clairement sa présence sur le territoire de notre vieille Europe - l’occupation de la grotte de Lascaux, en Dordogne, remonte par exemple de 32.000 ans - on
sait moins que des populations de même souche ont rapidement migré aussi vers
l’est jusqu’à atteindre l’actuelle Océanie. À partir de quand ? C’est ce que les paléontologues tentent d’établir, d’un site de fouille à l’autre.
Des travaux récemment publiés apportent quelques informations en la matière. Ils
relatent le résultat de fouilles menées dans l’est de la Nouvelle Guinée et qui semblent
particulièrement éclairantes: l’homme moderne y a laissé des traces de sa présence
il y a près de 50.000 ans d’ici. Avant Lascaux, par conséquent. Or, pour arriver sur ce
territoire, sapiens a dû naviguer, au moins un peu. À l’époque, soit avant –10.000 ans,
le niveau des mers et océans était une centaine de mètres inférieur à ce qu’il est
aujourd’hui, une longue période de glaciation aidant. Partant, l’Australie, la Tasmanie
et la Nouvelle Guinée formaient un bouclier commun permettant d’accéder de l’un
à l’autre à pieds secs. Ce territoire unique, pour l’anecdote, est appelé Sahul. Pour la
même raison, il en allait sensiblement de même un peu plus au nord, le Sundar, groupant sur un même socle, la Malaisie, Sumatra, Bornéo et quelques autres. Il restait
néanmoins un bras de mer à franchir, heureusement parsemé d’îles (Mali, Lombok,
Flores, Dili, etc.) qui ont pu aider les pionniers de la découverte à opérer un cabotage
de fortune. Résultat: des hommes ont donc pu mettre le pied sur le territoire océanien il y a bien longtemps. Ils y ont laissé quelques traces de leur présence jusqu'à
2.000 mètres d’altitude; on a en effet trouvé des outils primitifs - c’est classique - mais
aussi des traces d’exploitation de l’igname (la patate douce) ainsi que du pandanus,
un palmier endémique du Pacifique sud.
Voilà donc des ancêtres pionniers qui n’ont pas tardé à voyager loin, mettant à profit
leurs dons multiples pour cultiver, naviguer, explorer, s’adapter. Si la culture aborigène en Australie et celle des Papous de Nouvelle Guinée sont les héritières directes de cette lointaine percée humaine exploratoire, il semble qu’elles aient tout de
même marqué, depuis, un temps d’arrêt dans leur progression. n
Science 2010 ; 330 : 78-81
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
Après le génome: l’épigénome !
A
vec l’identification de l’intégralité des constituants de notre
ADN, on croyait pouvoir redéfinir
étroitement ce qu’est l’humain. Le «Projet génome humain» est bien entendu
à considérer comme une étape importante de la connaissance de l’homme,
mais est loin encore de tout déterminer.
En quelque sorte, on a défini la succession des notes sur notre partition génétique. Cela ne signifie pas encore qu’on
soit à même de comprendre la mélodie
à laquelle elles participent. C’est une
affaire de spécialistes et il est peu dire
qu’ils sont nombreux à être attachés à ce
travail de déchiffrage.
Mais pouvoir lire une partition et chantonner la mélodie qu’elle définit ne dit rien
encore de son interprétation. Elle peut
offrir de nombreuses variantes. Bien que
disposant des mêmes gènes du début à
la fin de notre vie, nous ne les exprimons
pas de la même façon dans l’enfance ou
à l’âge adulte, si nous sommes malades
ou en bonne santé; bref, nos gènes interviennent quand il le faut.
Cette variabilité est elle-même programmée par un ensemble de processus de
contrôle fins qu’on qualifie d’épigénétiques. Le terme se définit par lui-même: la
régulation vient «au-dessus» des gènes;
ces derniers ne sont donc pas modifiés;
seule leur possibilité de délivrer un message est affectée. Cette régulation est
naturelle et nous concerne tous à tout
moment. Mais elle peut aussi subir des
modifications induites par des substances ou processus externes divers au
rang desquels on peut situer des rayonnements, des polluants, des molécules
qui agissent comme des hormones (perturbateurs endocriniens), des médicaments, etc.
La seconde
régulation est
assurée par la
fixation directe de radicaux
méthyles sur des composants
de l’ADN (les cytosines). La troisième est due à l’action d’une
enzyme - la DNase - là où l’ADN est accessible. La quatrième voie, enfin, est quant
à elle indirecte: elle tient à l’évaluation
de la quantité d’ARN produite par les
gènes, ces molécules (encore appelées
transcrits) servant de lien entre le message héréditaire (détenu par les gènes)
et la molécule produite.
Un important projet américain, baptisé
Roadmap Epigenomics Project, doté de
170 millions de dollars d’aide, va prochainement être lancé pour identifier les
signes de modification épigénomique
dont nos gènes sont naturellement tributaires. On sait d’avance que quatre types
de marques vont devoir être débusqués
puisque l’épigénétique procède de cette
diversité.
Tout cela est sans doute complexe et
réservé à des spécialistes. Comme pour
le «Projet génome» qui l’a précédé, ce
«Projet épigénome» ne constituera
qu’une première étape. Lorsqu’on aura
identifié toutes les sources naturelles
de variation d’expression des gènes, on
pourra débusquer toutes celles qui sont
vraisemblablement liées à des effecteurs
externes. Et c’est là qu’en matière sanitaire, la démarche prendra toute son
importance. 
La première tient à la modification
chimique de sites particuliers des protéines - les histones - associées à l’ADN.
Nature 2010 ; 467 : 646
Miel médecine
P
our beaucoup de nos contemporains, le miel reste
l'un des compagnons préférés des petits déjeuners
et, sur un mode plus saisonnier, des tisanes et autres
grogs. Pour d’autres, cet aliment d’essence naturelle n’est rien
d’autre qu’un supplément trop riche en sucre qui ne trouve
pas sa place dans une alimentation diététique. Toutefois,
le miel garde bonne presse dans notre culture et conserve
même aux yeux de ­certains, des vertus «médicales» prouvées,
notamment dans le traitement des plaies, à défaut de solution antiseptique.
Des chercheurs ont une fois de plus voulu en savoir davantage sur le pouvoir bactéricide réel ou prétendu de ce ­nectar
animal. Ils ont commencé par identifier les composants physico-chimiques susceptibles d’avoir cet effet et les ont inhibés sélectivement l’un après l’autre. Ils ont ensuite préparé
une solution à partir de chacun des produits d’inhibition et
l’ont ajoutée à des cultures de germes parmi les plus résistants: Staphylocoque doré, Escherichia coli et quelques autres.
Résultat: le miel conserve un pouvoir bactéricide qui demeure
supérieur à une solution sucrée de synthèse, de composition
sensiblement équivalente.
Plusieurs paramètres semblent devoir être incriminés dans ce pouvoir: le pH (acidité), le peroxyde
d’hydrogène, le méthylglyoxal et - sans doute surtout - la défensine-1, produite par les ouvrières et
qu’on retrouve surtout dans la gelée royale. Ce que
les chercheurs vont tenter de savoir maintenant,
c’est dans quelle mesure la combinaison de ces différents éléments peut se montrer diversement efficace dans la lutte contre les germes; avec sans doute
l’idée non affirmée de renforcer la concentration de
l’un ou l’autre composant et faire du miel produit un alicament réellement ­efficace.
C’est vrai que ces aliments-àusage-sanitaire contribuent
aujourd’hui à créer un marché en pleine croissance.
Les abeilles mises à la
tâche en ­recevront-elles
les dividendes ? 
Médecine/science 2010,
vol.26 : 818
31
ATHENA 266 · Décembre 2010
> MÉDECINE
Les dents
32
de...
l'athlète
D
epuis une trentaine
d’années environ, on sait
qu’un patient souffrant
d’une lésion valvulaire
risque de connaître un
problème cardiaque majeur s’il n’est pas
sous antibiotiques au moment où il est
appelé à subir un détartrage des dents ou
une extraction dentaire. Comment expliquer le phénomène ? En raison du traitement pratiqué par le dentiste, la flore
b­actérienne peut se délocaliser et provoquer une infection focale. À un niveau
moins dramatique, la théorie des infections focales nous enseigne par ailleurs
que des caries dentaires, une gingivite
ou une paradontite (1) sont de nature
à entretenir des inflammations à l’échelon musculaire, tendineux et ostéoarticulaire. Aussi la dentisterie a-t-elle
un rôle non négligeable à jouer dans
l’univers du sport professionnel.
Son intervention y est d’autant plus
souhaitable que plusieurs travaux
soulignent l’existence d’un lien entre
la qualité de l’occlusion dentaire et
celle de la posture. «En corrigeant
la première, on contribue à corriger
la seconde, insiste le dentiste Marc
Crespin, membre de l’équipe médicale et paramédicale pluridisciplinaire
dont s’est doté le Standard de Liège.
Des anomalies au niveau de la fermeture
Chez le sportif de haut niveau,
il semble que la qualité
de l’occlusion dentaire
influence la performance.
Peut-être la preuve formelle
du phénomène nous sera-t-elle
apportée par l’équipe médicale
et paramédicale pluridisciplinaire
dont s’est entouré
le Standard de Liège...
Texte : Philippe LAMBERT
[email protected]
Photos : REPORTERS (pp.32 et 33)
des mâchoires peuvent être à l’origine
de céphalées, d’otalgies, de douleurs du
rachis cervical, etc., mais probablement
aussi retentir sur le système de l’équilibre
avec des conséquences négatives sur les
performances sportives.»
En effet, certaines observations
­cliniques et de terrain font état de gains
de performance chez des nageurs et
des cyclistes dont on avait réharmonisé l’occlusion dentaire par un travail
sur les dents ou la pose de gouttières.
Un constat similaire a été effectué chez
l'un des joueurs du club liégeois dont
­l’occlusion dentaire laissait initialement
à désirer. Dans le cas des nageurs et des
cyclistes, une hypothèse explicative
de l’amélioration des performances
enregistrées est la plus grande rectitude de leurs déplacements, pour les
uns dans leur couloir, pour les autres
sur les routes.
Philippe LAMBERT · MÉDECINE
L’os hyoïde est situé au niveau de la jonction du
cou et de la tête, il est le seul os du squelette
à n’être articulé avec aucun autre
Os gyroscopique
Peut-on postuler en outre un gain de
force ? Le professeur Jean-Louis Croisier,
président du Département des sciences
de la motricité à la Faculté de médecine
de l’Université de Liège (ULg) et proche
collaborateur de la commission médicale
du Standard, estime qu’il faut rester prudent sur ce point. «Certaines conclusions
ont été avancées sans qu’il y ait de réelle évidence scientifique en la matière», dit-il. Or
précisément, pour appuyer son opinion,
c’est aux résultats d’une étude expérimentale (2) réalisée par son équipe, en
collaboration avec le service de dentisterie de l’ULg, qu’il peut se référer. «À l’aide
d’un dynamomètre isocinétique (3), nous
avons effectué des mesures de la force de
plusieurs groupes musculaires (ischio-jambiers, quadriceps...) des membres inférieurs
chez des volontaires dont nous avions
modifié l’occlusion, soit en y induisant des
perturbations, soit en la corrigeant. Il ressort de ces travaux que ­l’occlusion dentaire
influence effectivement les performances
musculaires du membre inférieur. Cependant, les pertes ou les gains de force sont
faibles, ne concernent que certains groupes musculaires (essentiellement les quadriceps) et uniquement pour le mode de
contraction excentrique.»
Jean-Louis Croisier précise que, dans
l’étude menée sous sa direction, les
sujets se voyaient imposer de serrer
les mâchoires au cours des tests isocinétiques, sans quoi, en effet, il n’eût
pas été pertinent de mesurer l’impact
de la qualité de l’occlusion dentaire sur
des paramètres de force. S’il existe bien
une relation (modérée) entre la qualité
de l’occlusion dentaire et la force de
certains groupes musculaires, le phénomène ne peut, en toute logique, avoir
d’impact que dans les efforts où le sportif serre les dents, comme c’est le cas en
haltérophilie par exemple. Or, ainsi que
le rappelle le professeur Croisier, l’athlète court avec la bouche mi-ouverte
dans nombre de disciplines sportives.
Ce qui vaut pour la force ne vaut pas
nécessairement pour l’équilibre. «Chaque fois que l’athlète déglutit, il ferme
automatiquement les mâchoires, dit Marc
Crespin. De la sorte, la statique du corps
se trouve modifiée dans le mouvement.»
Comment l’expliquer ? Par définition,
la fermeture de la bouche influence le
positionnement de l’occlusion dentaire,
mais aussi, par ricochet, celui de l’os
hyoïde, véritable «os gyroscopique»
du corps. Si le contrôle de la position
de ce dernier est principalement
assuré par trois ­systèmes sensoriels,
les systèmes visuel, proprioceptif et
vestibulaire (oreille interne), on sait
que l’os hyoïde y contribue également. Situé au niveau de la jonction
du cou et de la tête, il est le seul os du
squelette à n’être articulé avec aucun
autre. Relié à plusieurs muscles de la
mandibule ainsi qu’à un grand nombre de muscles qui soutiennent et
meuvent la langue, le pharynx et le
larynx, l’os hyoïde est flottant et censé
demeurer de façon adaptative en position horizontale. Mais pour qu’il en soit
ainsi, encore faut-il que l’ensemble des
chaînes musculaires impliquées dans
son positionnement remplissent adéquatement leur rôle. C’est ici qu’intervient notamment la qualité de l’occlusion dentaire.
Standard - AC Milan
«Un des tests les plus couramment utilisés
chez les sportifs de haut niveau pour déceler un éventuel déséquilibre de la posture
est le "test du héron", indique Marc ­Crespin.
L’athlète se tient debout sur une jambe,
l’autre étant repliée sans qu’il y ait contact
entre les deux genoux. La présence d’une
fibrillation musculaire dans cette position
est le signe d’un déséquilibre postural.»
Néanmoins, une approche plus fine
nécessite le recours à une plaque de
­posture, d’autant que, chez le sportif,
la performance de haut niveau tient
­souvent à des variations très discrètes de
certains paramètres. La plaque ­posturale,
dont la fonction est d’enregistrer les pressions exercées par la plante des pieds,
autorise une analyse multimodale dans
la mesure où elle permet d’objectiver
scientifiquement l’effet de la variation
des différents paramètres influant sur la
posture: position des yeux et tension des
muscles oculomoteurs, qualité de l’information podale, malformations ou pathologies du système vestibulaire, qualité de
l’occlusion dentaire... «L’approche mise en
œuvre s’inscrit dans une philosophie plus
générale qui consiste à se forger une vue
globale du sportif et à le traiter de manière
holistique dans le but de le rendre aussi
performant que possible», souligne
Marc Crespin.
33
ATHENA 266 · Décembre 2010
> MÉDECINE
(1) Destruction de l’os de
soutien de la dent due à
une infection chronique
ou aiguë.
(2) Unexpected effects
of dental occlusion
on lower limb muscle
strength development,
par Croisier J.L.,
O’Thanh R., Domken O.,
Forthomme B., Maquet D.,
Delvaux F., Lamy M.,
Isokinet Exerc Sci, 2007.
34
(3) Le terme «isocinétisme»,
qui s’inscrit dans la sphère
de la fonction et de la
performance musculaires,
signifie «mouvement à
vitesse constante». La mise
en œuvre de ce principe
repose sur l’utilisation d’un
appareillage spécifique:
le dynamomètre
isocinétique, lequel
adapte instantanément
sa résistance à la force
développée par le sujet.
Plus celle-ci est élevée,
plus la machine résiste;
moins elle l’est, moins
la machine résiste. Les
applications ? De deux
types: l’évaluation des
performances musculaires
(force) maximales et
la rééducation des
groupes musculaires
éventuellement déficitaires
par un entraînement sur le
dynamomètre.
Dans le cadre de sa collaboration
avec le Standard de Liège, le service de
médecine physique dirigé au CHU de
Liège par le professeur Jean-Michel
­Crielaard utilisera sous peu une plaque de ­posture afin d’étudier sur des
bases scientifiques chiffrées les éventuels problèmes posturaux rencontrés
par certains joueurs du club. Ce programme sera initié après l’acquisition
d’un logiciel développé à l’AC Milan.
D’une valeur de 16.000 euros, cet outil
informatique est centré sur les besoins
spécifiques des footballeurs professionnels. «Les sportifs de haut niveau sont des
individus qui possèdent en général une
posture exceptionnelle; chez eux, tout
se joue donc sur des détails, fait remarquer Marc Crespin. Avec ce programme
adapté, il deviendra possible de déceler
de très petites anomalies posturales et, s’il
s’avère qu’elles trouvent leur origine dans
un léger problème d’occlusion dentaire,
d’y remédier en apportant des microchangements dans la position des dents
ou des mâchoires.»
Pour mener à bien cette «mission
­corrective», l’odontostomatologie dispose de plusieurs armes, telles la pose
de gouttières, la rectification de la position des dents ou la chirurgie. Une autre
approche intéressante semble être
­l’ostéopathie. «Le positionnement des
vertèbres cervicales C1 et C2 a souvent un
rapport direct avec l’occlusion dentaire,
précise Marc Crespin. Dans ce contexte,
l’ostéopathe a pour objectif principal de
corriger la position de ces vertèbres et de
libérer la musculature de ses tensions.»
Courses hippiques
À l’heure actuelle, il n’existe pas d’étude
scientifique rigoureuse relative à ­l’impact
de la qualité de l’occlusion dentaire
sur la performance du sportif de haut
niveau dans l’exercice de sa discipline. En
­l’absence de certitudes, nous restons au
royaume des présomptions, mais des présomptions fortes cependant. Les travaux
de recherche projetés par le staff médical du Standard devraient nous apporter des éléments de réponse de nature
expérimentale.
Dans le sport de haut niveau, la sollicitation du corps est extrême. Aussi la
moindre perturbation peut-elle constituer un élément susceptible de nuire à
la performance. Pour étayer le propos,
Marc Crespin cite l’exemple des pursang. Herbivores, les chevaux usent leurs
dents de manière importante. Lors des
courses hippiques, des chutes de performance ont été attribuées à une mauvaise
occlusion dentaire découlant de cette
usure. Une intervention au niveau des
zones d’appui par meulage des molaires permet de rééquilibrer les surfaces
occlusales et par là même, la posture de
l’animal. «Il est apparu sur le terrain que les
chevaux concernés couraient mieux et plus
vite après une telle intervention, rapporte
Marc Crespin. Le problème ne résultait pas
d’une perte de force musculaire, mais d’un
phénomène de compensation découlant
d’une mauvaise posture, ce qui contrariait
la justesse du geste produit et induisait une
dépense énergétique accrue.» 
Henri DUPUIS · PHYSIQUE
La réussite de l’expérience
Alpha signifie que les physiciens
ont réalisé un pas important dans
le développement des t­ echniques
qui permettront d’étudier
l’insaisis­sable: l’antimatière !
Qu’on se rassure: la bombe
à antimatière de Dan Brown
reste du domaine de la fiction...
S
i Dan Brown a situé le
début de son roman Anges
et Démons au CERN, le
­Centre européen de recherche nucléaire, ce n’est pas
sans raison: l’organisme est une véritable «usine» de production d’antimatière depuis de nombreuses années
déjà. Mais l’analogie avec la réalité doit
s’arrêter là: on n’y fabrique pas de bombes d’antimatière (c’est d’ailleurs physiquement impossible), l’antimatière ne
«sort» pas du LHC (il n’a pas été conçu
pour cela)... et les physiciens n’ont nullement l’intention de détruire le Vatican ! Le pape peut dormir sur ses deux
oreilles !
L’article publié le 17 novembre dernier
dans la revue Nature (1) est sans aucun
doute moins captivant que le roman de
Dan Brown dans sa formulation (il manque un peu de suspense et l’écriture est
sans conteste plus aride !) mais pas dans
son intérêt. Car il révèle que les chercheurs sont parvenus à conserver des
atomes d’antimatière, ici des atomes
Texte : Henri DUPUIS • [email protected]
Photo : M. BRICE/CERN (p.36)
d’antihydrogène, assez longtemps pour
pouvoir être étudiés: le piège Alpha
(Antihydrogen Laser Physics Apparatus) a
parfaitement fonctionné.
La prédiction de Dirac
C’est à la fin des années 1920 que le physicien britannique Paul Dirac introduit le
concept d’antimatière. Comme souvent,
il naît de la résolution d’équations. Dirac
cherchait en effet à concilier mécanique
quantique et relativité restreinte. Lorsqu’il
applique à l’électron les équations auxquelles il était arrivé, il découvre que
le système a deux solutions possibles.
L’une correspond à l’électron tel qu’on le
connaissait, avec une charge électrique
négative; l’autre, prédit Dirac, doit correspondre à un électron de charge opposée,
donc positive. Il va plus loin en suggérant
que toutes les particules devaient avoir
leurs antiparticules, combinables entre
elles de sorte qu’il devait exister des antiatomes comme il existe des atomes.
Beaucoup de scientifiques - Dirac luimême essaie d’autres explications - ne
croient pas à cette interprétation...
jusqu’en 1932, lorsque Carl Anderson
découvre expérimentalement que les
rayons cosmiques produisent des électrons mais aussi des particules de même
masse mais de charge opposée: Dirac
avait vu juste, l’antimatière existe. Ce
qui sera confirmé dans les années 1950
lorsqu’on se mettra à produire d’autres
antiparticules.
Le CERN a rapidement conquis une place
de choix dans la production d’antimatière et plus particulièrement des atomes
d’antimatière. Car produire des antiparticules séparées est une chose, les assembler pour produire des antiatomes en est
une autre. En septembre 1995, le CERN
réussit à produire les 9 premiers atomes
d’antihydrogène jamais engendrés en
laboratoire. Les années 2000 l’ont vu
produire de l’antimatière en quantité de
plus en plus importante. Et la stocker ?
Non, bien sûr et c’est bien à partir d’ici
qu’on s’éloigne du roman de Dan Brown.
35
ATHENA 266 · Décembre 2010
> PHYSIQUE
Et la bombe ?
L
a possibilité de garder
de ­l’antimatière confinée
­pendant un temps «relativement long» signifie-t-elle que les
physiciens jouent avec le feu, jetant
les bases d’un nouveau moyen de
destruction comme Dan Brown le
laissait entendre ? Il n’en est rien
pour des raisons très simples.
36
Tout d’abord, les techniques
­actuelles permettent de produire
quelques milliers d’atomes à la fois.
Cela peut paraître beaucoup mais il
en faudrait 1019 fois plus pour remplir un simple ballon. Et même si on
parvenait à les stocker au fur et à
mesure, au rythme actuel de production, il faudrait plusieurs ­milliards
d’années avant d’avoir ­atteint ce
chiffre !
L’autre raison tient à la quantité d’énergie nécessaire pour
les ­produire. Comme on l’a dit,
­l’antimatière n’existe pas à l’état de
­«gisement» dans lequel on pourrait
­s’approvisionner. Il faut donc la créer,
ce qui demande de l’énergie... que
la nature utilise très mal: l’énergie
disponible dans l’antimatière ne représente qu’un dixième de
millionième de l’énergie
dépensée pour la créer.
Inutile donc d’espérer
fabriquer une bombe
avec un ­rendement aussi
­médiocre. Mieux vaut utiliser le bon vieux TNT ou,
pour les plus ambitieux,
l’arme nucléaire...
Car ces 9 premiers antiatomes produits
n’ont subsisté que quarante milliardièmes
de seconde avant de s’annihiler au contact
de la matière ordinaire. Tel est bien le destin de l’antimatière dans notre monde
de matière: disparaître presqu’aussi vite
qu’elle est apparue.
Il faut sauver
l’antimatière!
Comment les physiciens s’y prennentils pour créer et sauvegarder de l’antimatière ? Tout d’abord, notons qu’il faut
créer des antiparticules. Il n’existe pas
de «mine» d’antimatière quelque part
dans l’Univers, dans laquelle il suffirait
de puiser. Pour créer de l’antihydrogène, les physiciens du CERN utilisent
un «décélérateur d’antiprotons» (AD
en anglais). L’AD, qui est périphérique
par rapport au gigantesque LHC dont
nous avons déjà parlé, consiste en
un cercle d’environ 188 m de circonférence, en fait une chambre à vide
entourée de pompes à vide tant il faut
éviter que ne s’y introduise la moindre molécule de matière. Des aimants
entourent ­l’ensemble pour produire
des champs qui vont confiner les antiparticules dans le cercle. Celles-ci sont
créées à partir d’énergie fournie sous
forme de protons qui auront été accélérés dans un accélérateur. Ces protons
sont projetés sur une cible de métal, ce
qui fait jaillir des particules de matière
et ­d’antimatière à raison d’environ une
paire ­proton-antiproton par million de
collisions. Les antiprotons produits se
propagent dans toutes les directions.
Il faut les confiner dans l’anneau de
l’AD et surtout les refroidir, les décélérer dans l’AD pour qu’ils n’atteignent
plus qu’environ 10% de la vitesse de la
lumière. Tout cela est très rapide, environ une minute. Ils sont ensuite extraits
de l’AD vers les lieux d’expérience.
Pour créer des antiatomes, une des
méthodes consiste à faire traverser un
gaz xénon par les antiprotons. Parfois, il se
crée alors un électron et un anti-électron
(positon) et plus rarement encore, il arrive
que la vitesse du positon soit proche de
celle de l’antiproton: bingo, les deux antiparticules s’unissent alors pour former un
antiatome d’hydrogène (un antiproton
et un positon). Cependant, un problème
supplémentaire surgit: les atomes d’antihydrogène sont électriquement neutres et sont donc encore plus difficiles
à guider et conserver que les antiparticules séparées. Ces antiatomes migrent
quasi immédiatement vers les parois
où ils ­s’annihilent. La réussite ­d’Alpha,
c’est d’avoir pu, par des techniques très
sophistiquées, retarder ce moment fatidique. L’interaction entre107 antiprotons
et 7×108 positons a produit des milliers
d’antiatomes... dont 38 ont été piégés
suffisamment longtemps (c’est-à-dire un
dixième de seconde) pour être étudiés.
Lorsque tout
a basculé
Pourquoi déployer autant d’efforts pour
essayer d’étudier le comportement de tels
antiatomes ? Parce que nous ne devrions
pas être là pour les étudier ! Les théories
actuelles de la physique montrent en
effet que matière et antimatière doivent
avoir été produites en quantité égale lors
du Big Bang. Comme les deux s’annihilent, l’aventure aurait dû s’arrêter là. Or il
y a de la matière et toute ­l’antimatière a
disparu, du moins nous ne sommes pas
parvenus à l’observer. C’est pour retrouver sa trace et comprendre ce qu’il s’est
passé que les chercheurs utilisent les antiatomes ­d’hydrogène. Le but est en effet
de déterminer s’il existe une infime différence entre les propriétés de la matière
et celles de l’antimatière, différence qui
expliquerait pourquoi l’une l’a emporté
sur l’autre. 
Une vue de l’expérience Alpha au CERN.
Par rapport au gigantisme du LHC,
tout ici est à taille humaine...
(1) Trapped antihydrogen, G.
B. Andresen et al. Nature
advance online publication
17 November 2010 |
doi:10.1038/nature09610.
Luc SMEESTERS · ESPACE
Les radioamateurs sont, par nature, des férus des techno­
logies associées à leur hobby: l’établissement de transmissions
­radio. La recherche spatiale fait aussi partie intégrante de leurs
­préoccupations. Dès 1961, quelques années après le lancement de
Spoutnik-1 (1957), le premier satellite dédié aux seules transmissions radioamateurs était en orbite (OSCAR-1 - Orbiting ­Satellite
Carrying Amateur Radio). Depuis, ils ont également investi les
engins habités - la station Mir, le Space Shuttle ou l’Iss. En plus
de liaisons radio - à la demande des agences spatiales - les radio­
amateurs ont adjoint une dimension «académique» aux missions
spatiales. Par l’intermédiaire de leurs installations, ils permettent
à des étudiants du monde entier de communiquer avec les cosmonautes/astronautes et de favoriser de la sorte la découverte des
métiers et des expériences scientifiques de l’univers spatial en
­orbite terrestre
L
’AMSAT - Association mondiale des radioamateurs
concernés par la conception et l’étude du comportement des satellites
radioamateurs - est une organisation
éducative constituée en 1969 en prolongement au ­lancement, en 1961,
d’OSCAR-1. Depuis plus de quarante
ans, le répertoire des réalisations
mentionne 117 expériences spatiales
dont 35 sont actuellement toujours
­opérationnelles. Les différentes sections nationales AMSAT favorisent la
découverte, l’information et la formation aux technologies spatiales. En plus
d’initiatives spécifiquement dédiées
au service de la communauté internationale des radioamateurs, avec l’agrément des agences spatiales impliquées,
et des astronautes/cosmonautes à bord
des véhicules spatiaux, l’AMSAT orga-
37
Texte : Luc SMEESTERS (ON4ZI)
[email protected]
Photos : Nasa (pp.37 à 39), Ariss (p.38)
nise des manifestations éducatives aux
technologies spatiales.
L’établissement de communications
vocales et/ou numériques a eu cours à
bord du vaisseau russe MIR. Avec ­l’accord
de la Nasa, les astronautes à bord du
Space Shuttle sont à la base de SAREX
(Shuttle Amateur Radio Experiment).
Cette structure est à la base de l’actuelle
ARISS (Amateur Radio on the Interna­
tional Space Station), active depuis 2001.
Dans un avenir proche, l’Iss accueillera
aussi ARCOL (Amateur Radio on Board
of Columbus). Pour être complet, il
convient de mentionner une autre initiative originale, entreprise par des radio­
amateurs russes: SuitSat (OSCAR-54), un
costume de cosmonaute «récupéré», au
sein duquel une station radio installée
émettait des radiogrammes enregistrés
par des écoliers du monde. Le «Costume Satellite» a été largué en février
2006 lors d’une sortie extravéhiculaire à
bord de l’Iss. L’originalité de l’initiative, la
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ESPACE
L’équipement de la station est un appareil multibande multi-modes qui assure
la transmission de la voix et lorsqu’elle
n’est pas mise en œuvre par un opérateur à bord, la station peut fonctionner
de manière automatique (transmission
de données numériques par paquets mode AX25, répéteur cross bandes VHF
pour Very High Frequency, proche de 145
MHz/UHF pour Ultra High Frequency,
dans la bande des 430 MHz, retransmission d’images télévisées à balayage lent
SSTV - Slow Scan TeleVision). La station
radio sera prochainement déplacée
pour être installée dans le module international Columbus.
Au cours d'une liaison ARISS, une
écolière converse avec un membre
de l'équipage à bord de l'ISS
38
La communauté mondiale des
­radioamateurs est intimement impliquée dans les télécommunications spatiales. Depuis Spoutnic
jusqu'à l'ISS, plus d'une centaine
d'activités spécifiquement dédiées
à ce loisir technique ont été mises
en œuvre. Grâce à l'initiative ARISS,
les radio­amateurs donnent aux étudiants une opportunité de découvrir les ­expériences et les métiers de
­l'espace.
c­ ouverture médiatique et l’enthousiasme
des adolescents participants ont forgé le
succès de l’entreprise. SuitSat (voir photo
ci-dessus) a fonctionné durant une quinzaine de jours. Actuellement, une équipe
d’amateurs américains travaille à la réalisation d’un second projet de largage
manuel (à la «SuitSat»). Il a récemment été
baptisé ARISSAT-1. Ce sera un objet techniquement plus élaboré et plus performant
qui pourrait potentiellement être largué
en octobre prochain.
Amateur Radio on
International Space
Station - ARISS
Le montage de l’Iss - la Station Spatiale Internationale - est une collaboration entreprise par les USA, le Canada,
la Russie, le Japon et l’ Europe. Elle est
quasiment intégralement montée et
constamment habitée et pilotée par des
équipages qui se relayent. L’équipage
peut compter jusqu’à six membres issus
des divers pays contributeurs. En dehors
des expériences scientifiques et d’un
programme d’activités chargé, les astronautes américains, les cosmonautes russes et les scientifiques qui participent aux
missions sont souvent titulaires d’une
licence radioamateur qui les autorisent
à utiliser la station radioamateur actuel­
lement installée à bord du module de
service Zvezda (chronologiquement, c’est
le troisième module installé, connecté
au module russe Zarya, lui-même
connecté à Unity, le module
américain initial. La station
radio porte divers indicatifs. La version américaine est: «NA1SS», l’indicatif russe est RS0ISS
et ­l’indicatif le plus couramment utilisé: «OR4ISS»
est belge ! (Il a été convenu
pour des raisons pratiques
d’utilisation légale).
À la demande des agences spatiales,
l’initiative ARISS assure la communication entre les radioamateurs de l’équipage (Franck De Winne, notre commandant à bord de la récente mission OasISS
- indicatif radioamateur ON1DWN - est
un opérateur motivé qui soutient et
participe activement à l’initiative ARISS)
et des établissements scolaires qui ont
souhaité communiquer avec l’Iss et
qui s’y sont activement préparés. ARISS
participe également à la promotion de
manifestations radioamateurs comme
les «Field Day» (24 heures de contacts
radio tous azimuts, toutes bandes, tous
modes, tous pays) et une participation
à des évènements exceptionnels. Les
contacts radioamateurs coordonnés
par les agences spatiales sont programmés durant les «heures de travail» de
l’équipage. Les radioamateurs à bord de
la Sation spatiale internationale peuvent
y accéder durant leurs heures de loisir
et contacter des stations terrestres.
Relations scolaires
L’initiative ARISS a été demandée par
la Nasa et l’Esa. Elle est coordonnée en
Europe par Gaston Bertels (ON4WF),
radioamateur licencié depuis
1956. Il a tenu les rênes du
radioclub de Bruxelles Est
avant d’occuper pour
dix ans la présidence
de l’Union Belge des
Amateurs pour devenir ensuite une ­cheville
ouvrière discrète et très
active au service d’ARISS.
Depuis que Franck Bauer
(KA3HDO) a dû, vu sa charge
Luc SMEESTERS · ESPACE
de travail au sein de la Nasa, abandonner la présidence, c’est ce dernier qui a
assuré la fonction ad interim avant d’être
officiellement investi dans la fonction.
Depuis 2001, 530 établissements scolaires ont eu l’opportunité de poser
leurs questions aux occupants de l’Iss
et recevoir leurs réponses en direct, via
les installations radioamateurs. Le site
web d’ARISS Europe (http://www.ariss-eu.
org/) relate ces échanges de manière
détaillée. Les établissements académiques intéressés doivent présenter un
dossier approfondi. Parce que le contact
direct s’établit à l’occasion d’un survol
de l’Iss aux abords du lieu, un passage
qui dure une dizaine de minutes, une
organisation ­précise ­s’impose. Durant
ce court laps de temps, une vingtaine
de questions ­peuvent être posées aux
astronautes/cosmonautes par les étudiants sélectionnés qui, tout comme les
professeurs impliqués, doivent s’entraîner à l’utilisation pratique d’un micro.
Pour établir les contacts radio entre le
laboratoire spatial international et les
écoles candidates, une station radioamateur - opérée par un radioamateur est (si elle n’est pas disponible) implantée dans l’établissement. Lorsque la
liaison radio directe ne peut être établie,
une infrastructure Télébridge est mise
en place. Cette alternative réalise une
liaison par téléphone vers une station
radioamateur en mesure de contacter
l’Iss. Plusieurs stations Télébridge sont
opérationnelles de par le monde (USA,
Argentine, Europe, Australie, Afrique du
Sud et Hawaï). En Europe, plus particulièrement en Belgique, la station télébridge ON4ISS est opérée par Philippe
Van Houte (ON5PV).
Le 23 mars dernier, l’initiative ARISS a été
honorée. Lors de l’assemblée générale
du 8 mai dernier, la station
a reçu le prestigieux prix
Boselli remis par L’AIR, la société italienne des écouteurs radio, en témoignage de reconnaissance pour l’impact
exceptionnel engendré, la diffusion
d’informations à propos de la radio et la
promotion de thèmes scientifiques liés
aux développements spatiaux apportés
par ARISS à tant d’étudiants européens
et d’ailleurs.
La station
radioamateur ISS
évolue
C’est encore à l’initiative de Gaston
­Bertels, via l’AMSAT Belgium et l’UBA,
qu’une collecte de fonds a été organisée au sein de la communauté mondiale
des radioamateurs en vue de pourvoir
le laboratoire spatial européen Columbus d’antennes d’émission réception
en bande L (1260-1270 MHz) et en
bande S (2400 - 2450 MHz). Ces antennes
ont été réalisées par la Wroclaw Technical
University et livrées à l’EADS en vue de
leur installation à l’extérieur du laboratoire Columbus. À titre indicatif, compte
tenu des exigences techniques pointues,
le budget requis pour une telle antenne
est de l’ordre de 25.000 euros.
Une station de télévision radioamateur
(DATV) fonctionnant dans les bandes
précitées devrait très prochainement
être également installée à bord. Elle
devrait permettre à l’initiative ARISS de
transmettre tant le dialogue que les images télévisées de la conversation entre
l’équipage de l’Iss et les écoles au sol. Ce
projet, animé par plusieurs radioamateurs de la section américaine d’ARISS,
explique la nouvelle dénomination de
l’initiative: ARCOL - Amateur Radio on
board of Columbus. De manière à permettre les transmissions dans les bandes VHF et UHF au départ de Columbus
- telles qu’actuellement mises en œuvre
depuis le module de services - une
antenne UHF/VHF a également été montée sur un rail de service du laboratoire
spatial.
L’évolution constructive de ces initiatives prises par les radioamateurs,
l’agrément, le soutien obtenu auprès
des autorités de tutelle tant améri­caines
qu’européennes et la collaboration active
des équipages à bord du vaisseau spatial
international atteste de l’excellente relation qui unit la communauté scientifique
internationale et la famille des «OM» (Old
Man, abréviation qui désigne un radio­
amateur). 
+
Pour en savoir
plus:
AMSAT: pour tout apprendre
à propos de l’organisation, des
initiatives actuelles et passées,
découvrir les techniques permettant la poursuite et la construction de satellites radioamateurs.
http://www.amsat.org
ESA: le site de l’Agence Spatiale
Européenne qui détaille les activités passées, actuelles et futures
prises en charge par cet organisme de référence.
http://www.esa.int
ARISS: le site de référence qui
traite de l’évolution, de l’actualité
et des initiatives entreprises par
ARISS.
http://www.ariss-eu.org/
ARISSAT-1: pour tout savoir
sur l’évolution du projet d’objet
radioamateur largué depuis l’ISS
lors d’une sortie extra véhiculaire
d’un astronaute/cosmonaute.
http://arissat1.org
UBA: Parmi les diverses associations des radioamateurs, l'Union
Belge des Amateurs représente la
communauté belge des radioamateur auprès de l'IBPT (Institut
Belge des postes et télécommunications) et de l'IARU (International
Amateur Radio Union).
http://www.uba.be
http://www.iaru.org
Gaston Bertels (ON4WF) tend le micro aux participants d'un «space camp»
tenu à l'Euro Space center à Redu lors de la mission ISS du 7 juillet 2003.
Les enfants rassemblés dans l'auditorium pouvaient converser avec
l'astronaute Ed Lu à bord du laboratoire spatial international.
39
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ASTRONOMIE
À la Une
du Cosmos

La bande nuageuse de
Jupiter qui avait ­disparu
est de retour ! D'abord
­repérée par un astronome
­amateur philippin, la chose
est désormais confirmée par les
télescopes professionnels géants
Photo: Nasa
Texte : Yaël NAZÉ • [email protected] • http://www.astro.ulg.ac.be/news

40
À gauche: Pluton retrouve son trône... Il y a quelques années, la découverte d'un objet situé au-delà de Neptune et apparemment grand, plus
grand que Pluton, avait précipité sa chute de la liste des planètes. Aujourd'hui, l'occultation d'une étoile par l'objet en question - baptisé Eris
en l'honneur de la déesse de la discorde - a permis des mesures précises de son diamètre. Elles indiquent qu'il est en fait plus petit (moins de
2400km) que prévu sur base de sa luminosité: Pluton retrouve donc (provisoirement?) son statut de plus gros objet de ceinture de Kuiper. Ces
observations, les premières pour un objet aussi lointain, ont été effectuées depuis le Chili par plusieurs équipes, dont le télescope suisso-liégeois Trappist. À droite: Les céphéides sont d'indispensables outils pour l'arpentage céleste. Pourtant, leur structure et leur évolution restent
mal connues. L'observation d'un couple stellaire, où la céphéide éclipse son compagnon et vice-versa, a enfin permis de lever un coin du voile
en donnant la masse des objets impliqués !
Photos: Eso

Deux grosses bulles (25.000 annéeslumière de diamètre pour chacune !)
de chaque côté du centre de notre
Galaxie, c'est ce qu'a découvert
le télescope spatial gamma Fermi.
Leur origine reste obscure: sont-ils
dus aux jets du trou noir central
lorqu'il était actif, ou à l'énorme flot
de matière résultant d'une flambée
de formation stellaire ?
Photo: Nasa

Il n'y a pas qu'à Avignon qu'on trouve
de jolis ponts. Exemple avec ce pont naturel... sur Mars !
Photo: MRO
Yael NAZÉ · ASTRONOMIE

Trous noirs insolites... On a peut-être assisté en 1979
à la n
­ aissance d'un trou noir: en effet, à l'endroit de l'explosion,
on trouve aujourd'hui une source X qui ressemble fort à ces
astres obscurs. En outre, les trous noirs ne seraient pas si gros :
une étude de 16 cas indique en effet des masses inférieures
à cinq masses solaires...
Photo: NASA

Une douzaine de systèmes annulaires (jusqu'à cinq anneaux concentriques)
auraient été détectés dans le rayonnement de fond cosmologique
et seraient liés à des événements «pré-Big Bang», selon l'astronome
Roger Penrose et ses collègues. Ces structures remettraient en cause l'idée
­d'inflation peu après le Big Bang... à confirmer, bien sûr
(les résultats n'ont pas encore été publiés officiellement !).
Photo: Gurzadyan & Penrose
41

Les jets sont universels: on les trouve près des trous noirs, stellaires ou
galactiques, ainsi que près des étoiles à neutrons et des étoiles en formation.
La mesure de champs magnétiques faite pour les jets d'une étoile jeune
confirme l'idée d'un processus commun dans la formation de ces structures.
Photo: NRAO

Premiers résultats pour la sonde Epoxi qui a survolé la comète
Hartley-2: le dioxyde de carbone, célèbre pour son effet
de serre sur Terre, serait responsable des jets cométaires,
et donc des queues qui font la réputation de ces astres
- l'eau ne jouerait donc pas le premier rôle, comme on le
pense souvent. En outre, les zones rugueuses de la comète
éjectent de petits blocs de glace - faisant neiger dans le milieu
inter­planétaire - alors que les zones lisses diffusent
simplement de la vapeur d'eau.
Photo: Epoxi
ATHENA 266 · Décembre 2010
> ESPACE
L
e 12 avril prochain, on fêtera un demi-siècle de vols habités
dans ­l’espace. Il y a cinquante ans, Moscou a créé la surprise: un
jeune ­officier de l’Armée Rouge effectuait un tour du monde en
108 ­minutes. Son nom allait entrer dans l’Histoire: Youri Alexeïevitch Gagarine. Son vol à hauts risques dans la capsule sphérique du vaisseau Vostok-1 renforçait la main-mise de l’Union soviétique sur le ­Cosmos. Cette
réussite techno­logique fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase de la
guerre froide que se livraient les USA et l’URSS via une coûteuse course aux
armements de plus en plus destructeurs. Réplique de Washington: le Président John Kennedy lança l’audacieux pari d’un aller-retour humain sur
la Lune. Aujourd’hui, alors que dans l’Iss (International Space Station),
des équipages d’astronautes et cosmonautes se relaient pour l’habiter en
permanence depuis dix ans, l’espace s’ouvre à de nouveaux visiteurs: il est
question de ­tourisme spatial pour voyageurs fortunés. (1)
Texte : Théo PIRARD · [email protected] · Photo: M. GREENBERG/Virgin Galactic
D
42
es séjours touristiques dans
­l’espace sont donc aujourd’hui
réalisables ?
Oui, mais… à quel prix ? Quand on sait
toute l’énergie qu’il faut consommer
pour voyager autour de la Terre, on
peut se demander si l’organisation de
tels voyages est bien raisonnable. C’est
un rêve pratiquement inaccessible en
dehors des vols subsidiés par les États:
seuls les nouveaux riches, qui font fortune dans les technologies de l’information et de la communication, ont pu
s’offrir un séjour d’une semaine (soit dix
jours de vol orbital) à bord de l’Iss grâce
à l’agence américaine de voyages Space
Premier vol plané, le 10 octobre,
de l’avion SS2 de tourisme spatial.
Il n’est pas équipé de son moteur-fusée.
Adventures, avec des vaisseaux russes
Soyouz... Prix actuel du ticket - «all inclusive» - pour tourner au-dessus de nos
têtes: quelque 25 millions d’euros ! À ce
jour, huit vols touristiques, qui néces­
sitent un entraînement et une formation
d’au moins une demi-année en Russie,
ont eu lieu de 2001 à 2009. Six hommes
- l’un d’eux a même volé à deux reprises
- et une femme ont ainsi pu habiter la
Station spatiale internationale.
L
a concurrence semble battre
son plein, puisqu’une autre
société annonce des vols dans
l’espace pour moins de 150.000
d’euros. À quoi est due cette
différence ?
En fait, ce sont des vols suborbitaux qui
permettent de vivre dans l’espace durant
quelques minutes d’impesanteur. Il s’agit
de «sauts de puce» à plus de 100 km,
comme l’ont réalisé les deux premiers
astronautes américains en 1961. La Fédération internationale d’astronautique a
fixé à 100 km d’altitude la «frontière»
entre le domaine spatial et l’environ­
nement terrestre. Tout qui franchit cette
«frontière» est donc allé dans l’espace et
obtient ses ailes d’astronaute. C’est ce
qui s’est passé avec le pilote d’essais militaire Joe Walker (qui est monté à 107 km
en août 1963) à bord de l’avion-fusée
X-15, ou les pilotes d’essais civils Mike
Melvil (102 km, en septembre 2004) et
Brian Binnie (112 km, en octobre 2004)
avec l’avion-fusée SpaceShipOne (SS1).
L’intérêt du voyage suborbital à plus de
3.500 km/h est qu’il est moins cher qu’un
séjour sur orbite à près de 28.000 km/h.
Q
uelle compagnie paraît la mieux
placée pour faire voyager des
touristes à plus de 100 km d’altitude ?
Virgin Galactic, créée par Richard Branson, commercialise d’ores et déjà des
vols suborbitaux avec des appareils en
composites. Ils seront réalisés dès 2012
une fois par semaine (pour commencer !), grâce à l’avion-fusée SpaceShipTwo (SS2). Largué par le quadriréacteur
WhiteKnightTwo (WK2) à 15.000 m d’altitude, il se propulsera à la verticale pour
atteindre la lisière de l’espace. En faisant
pivoter sa structure ailée, il culbutera sur
lui-même pour amorcer la descente et
se poser après avoir évolué comme un
planeur. Déjà, ils sont 380 dans le monde
à avoir réservé leur périple au 7e ciel, en
ayant déposé 10 % du prix du ticket. Les
allers-retours réguliers sont annoncés
pour 2012. n
(1) Athena a déjà consacré des
articles au tourisme spatial,
notamment dans le n° 226
de décembre 2006.
Théo PIRARD · ESPACE
Le 18 octobre - une semaine
après que l’avion SS2 de
la compagnie Virgin Galactic
Un jeune
ait effectué avec succès son
liégeois
nuage
sur un
nuage
Texte : Théo PIRARD · Photos: D. ROMEUF, T. PIRARD
C
e prix d’une valeur de
200.000 dollars (soit quelque 140.000 euros) récompensait sa participation au
concours Internet «Regardez, c’est déjà demain» qui était organisé
dès le 4 septembre pour le lancement de
l’offre numérique de Mobistar Tv. La campagne publicitaire laissait planer un peu
de mystère… Elle ne précisait pas l’identité de l’organisateur, mais montrait un
avion lancé vers le ciel avec la devise
«Je veux voyager vers le futur».
Le 16 novembre dernier, au Palais des
Congrès de Liège, l’astronaute Frank
De Winne donnait une conférence sur
sa mission Oasiss de longue durée.
Antoine a eu l’occasion de recevoir ses
félicitations et encouragements dans la
perspective de son vol de courte durée.
Ce fut aussi l’occasion d’un bref entretien
entre les deux hommes.
Qu’est-ce qui vous a poussé à participer à ce concours anonyme et étrange ? J’étais curieux de soulever le coin
du voile… Je n’avais rien à perdre. Le site
web, qui invitait à s’inscrire et qui fut visité par plus de 130.000 internautes, mettait l’accent sur un demain sous le signe
du voyage dans l’espace. J’ai répondu
à la question assez facile sur l’environnement spatial et j’ai donné au hasard
le nombre des participants. Je les avais
estimés à 9.600. Ce chiffre était le bon. Il
m’a fait gagner mon vol spatial. Quand
j’ai été invité par mail à me rendre chez
Mobistar, j’ai cru à une blague… et j’ai
même hésité à me rendre à Bruxelles.
­premier essai plané -, ­Antoine
Lesceux a bien cru que le ciel
lui tombait sur la tête.
Il fait des études ­d’assistant
­social (2e année) à Helmo
(Haute École Libre Mosane).
­Convoqué par la société
­Mobistar, l’étudiant de 19 ans
qui habite Jupille-sur-Meuse
(près de Liège) y a reçu une
carte d’embarquement pour
voler jusqu’à la «frontière»
de l’espace.
­ ’assistants sociaux dans une ­station
d
spatiale ou sur une base lunaire… De
quoi rêver. Mais comme je suis sur un
petit nuage… n
Quand comptez-vous effectuer ce
vol ? Ce sera dans 2 ou 3 ans. Mobistar
me tiendra au courant sur l’organisation
de mon saut dans l’espace.
À bord de quel engin allez-vous
­voler ? Justement, on ne sait pas encore
avec quelle compagnie aura lieu ce vol.
­L’organisateur du concours a des contacts
avec trois compagnies (1) qui préparent
des systèmes pour voler à plus de 100 km
d’altitude. Il choisira de signer le contrat
avec celle qui a un système opérationnel.
J’en saurai plus dans les mois à venir.
Un entraînement sera-t-il nécessaire ?
Le ticket comprend une ­semaine de tests
médicaux et d’épreuves physiques. Comme je devrai subir une ­accélération brutale jusqu’à 3.500 km/h, il faudra qu’on
vérifie ma condition par une sorte de
«baptême» en centrifugeuse. Un vol parabolique en avion est prévu pour m’initier
aux sensations en impesanteur.
Pensiez-vous avoir cette chance de
gagner vos ailes d’astronaute ? Quand
j’étais petit, je rêvais de devenir pilote.
Mais il s’est révélé que je n’étais pas fait
pour les mathématiques. Je me suis
orienté vers un métier d’assistant ­social.
Peut-être qu’un jour on aura ­besoin
(1) Trois sociétés investissent dans
le développement de systèmes
pour des vols suborbitaux:
• Virgin Galactic et Scaled Composites
sont en train de tester un ensemble qui
combine un avion porteur et un planeur
fusée en matériaux composites. Les vols
se feront au Spaceport America de Las
Cruces, au Nouveau Mexique.
• Xcor Aerospace doit l’an prochain
commencer les essais de son avion-fusée
Lynx (1 pilote et 1passager). Il s’élancera
depuis le sol jusqu’à plus de 100 km
d’altitude et reviendra en vol plané.
• Blue Origin, l’affaire de Jeff Bezos,
poursuit, dans le plus grand secret, la
mise au point de sa fusée réutilisable
New Shepard.
43
ATHENA 266 · Décembre 2010
44
> ESPACE
Comme on l’a souligné ­durant
la Conférence «A new space
policy for Europe», qui s’est
­tenue les 26 et 27 octobre
dans l’Hémicycle du Parlement
­européen à Bruxelles, le spatial européen se trouve à un
tournant et dans la tourmente:
si le Traité de ­Lisbonne officialise son statut de ­compétence
partagée au ­service de
l’Union, encore faut-il se doter
des moyens à long terme pour
mener une politique d’acteur
clé dans l’espace. Ces moyens
­s’appellent la gouvernance et
le budget. Ce sont les défis à
relever par l’Europe au cours
des prochains mois, si elle
veut renforcer sa politique
­industrielle dans un secteur
de haute technologie pour des
services et produits à grande
valeur ajoutée
L
e Traité de Lisbonne donne
une dimension politique au
nouveau monde de l’espace.
Pour Jean-Jacques Dordain,
directeur général de l’Esa
(Agence Spatiale européenne), c’est une
bonne nouvelle pour le spatial européen:
«C’est la récompense de ce que l’Europe
fait dans l’espace depuis quarante ans.» Et
il est vrai que les Européens, partis dans
­l’espace après les Russes et les Américains,
ont réussi à s’affirmer dans les sciences de
l’espace et s’implanter dans le business
des applications spatiales.
Les politiques ont du mal à comprendre
l’efficacité des satellites pour répondre
aux besoins européens de stratégie
globale et de sécurité publique. N’empêche que l’espace en Europe, avec les
lanceurs Ariane, les sondes d’exploration et les observatoires sur orbite, les
systèmes de télécommunications, de
télévision et de navigation, la partici-
L’Union
à l’heure
spatiale
Texte : Théo PIRARD · [email protected] · Photos: Esa
pation aux vols habités dans la Station
spatiale internationale, est considéré
comme un beau fleuron pour l’Union.
L’Esa n’est pas peu fière de l’efficacité de
ses missions scientifiques: elle vient de
prolonger les opérations avec 11 satellites (dans la banlieue terrestre) et sondes (autour de Mars et de Vénus) «made
in Europe», qui ont dépassé leur durée
de vie nominale sur orbite !
Mais, à l’avenir, qui, de l’Esa ou de la
Commission, pilotera l’Europe dans
­l’espace ? Jean-Jacques Dordain ne voit
aucune matière à polémique, tout en
précisant que ce sont les États membres
qui ont le pouvoir de décider: «L’arrivée
de l’Union est une bonne nouvelle sur le
plan global. Et l’Union ne vient pas pour
remplacer l’Esa. L’important, c’est de faire
plus ensemble. On passe plus de temps
sur les problèmes de gouvernance que sur
les problèmes de contenu. Si on n’a pas
de programme d’exploration, on n’aura
pas de problème de gouvernance ! C’est
d’abord et avant tout un problème de
compétences et de ressources.»
De son côté, la Ministre Sabine Laruelle,
qui a dirigé les conférences spatiales
de la Présidence belge de l’Union, a
reconnu des différences d’appréciation
entre les États membres de l’Union. Au
sujet de la symbiose Esa-Commission,
elle a parlé de «l’effet d’hétérosis». Ce
processus de création en agriculture la Ministre est ingénieur agronome et
a, outre les Pme, les indépendants et
la Politique scientifique, l’agriculture
dans ses ­responsabilités - est d’associer
par hybridation génétique des espèces
différentes pour faire naître une souche
plus forte. 2011 permettra d’y voir plus
clair dans cette gouvernance et dans la
politique industrielle du spatial européen. En mai, l’accord-cadre qui régit
depuis 2004 les relations entre la Commission et l’Esa en se référant aux direc-
Théo PIRARD · ESPACE
tives du Conseil européen de l’Espace
(Conseil Compétitivité), va être évalué
à la lumière du Traité de Lisbonne.
L’Union, via le Conseil et la Commission,
s’est fixé cinq priorités pour sa stratégie
dans l’espace:
• la constellation Galileo (satellites de
navigation à usage dual, dont la mise
en œuvre doit faire face à des surcoûts
et retards);
• le système Gmes (Global Monitoring for
Environment & Security, qui utilise des
satellites Sentinel de télédétection);
• la sécurité dans l’espace avec le programme Ssa (Space Situational Awareness avec l’étude des débris autour
de la Terre et les prévisions de météo
spatiale);
• le changement climatique et ses effets
(grâce aux satellites météo de l’organisation européenne Eumetsat);
• une vision de l’exploration à long
terme (au-delà du programme
­d’exploitaiton de la station spatiale) et
dans un contexte international.
Il faudra y ajouter la problématique de
l’accès garanti à l’espace, autour des
enjeux que sont le lanceur de la prochaine génération et l’infrastructure au
sol (Port spatial de l’Europe en Guyane
française).
Bien plus qu’un
ménage à trois !
Le spatial européen doit désormais s’organiser entre
les trois types
d’acteurs que sont l’Union, l’Esa et les
États membres. Mais l’Union elle-même
est gérée par un trio constitué par la
Commission, le Conseil (des chefs d’État,
des Ministres) et le Parlement. Et il faut
tenir compte de l’influence, sur le programme spatial européen, des agences
nationales, principalement du Cnes (Centre national d’études spatiales) en France,
du Dlr (Deutsches Zentrum für Luft- und
Raumfahrt) en Allemagne et de l’Asi
(Agenzia Spaziale Italiana) en Italie.
Yannick d’Escatha, président du Cnes,
a regretté «le vide intersidéral» pour
les relations entre l’Union et les agences spatiales nationales: «Il n’existe pas
d’instrument qui permette à l’Union d’utiliser les capacités qui existent dans les
États membres sous la forme de maîtrises
d’ouvrage». Quant à Johann-Dietrich
­Wörner, le président du Dlr, il a mis
l’accent sur un rapprochement graduel
en vue d’une gouvernance intelligente,
basée sur un partage des rôles, l’Esa
devenant l’unique fournisseur de services de l’Union. Au nom de la Présidence
belge de l’Union, Éric Béka, le Haut Représentant de la Belgique pour la Politique
Spatiale, a insisté sur la nécessité de disposer de moyens financiers adaptés: «le
rendez-vous avec les prochaines Perspectives Financières de l’Union [en cours de discussions pour la période 2014-2020, avec
premières propositions pour juin 2011] sera
le moment charnière des activités spatiales
en Europe».
Du côté des industriels (Thales Alenia
Space, Telespazio, Eads Astrium), on
réclame la continuité des programmes garantie par une volonté politique, une
gouvernance et des budgets - et on met
en évidence la qualité des systèmes pour
l’espace au prix d’efforts soutenus en
R&D et par le biais d’une stratégie de
compétitivité. L’activité spatiale
conditionne
l’indépendance de
l’Union, comme puissance influente dans
le monde. Pour la renforcer et l’améliorer
- face au dynamisme de la Chine et de
l’Inde -, il faut de l’argent ­supplémentaire.
Il n’y en a pas et on ne peut attendre les
Perspectives financières 2014-2020.
Aujourd’hui, la ­Commission Budget
admet son manque de flexibilité pour
gérer les surcoûts engendrés par les programmes technologiques. On propose
la création de structures indépendantes, sous la forme d’entités spécifiques,
avec des financements propres à long
terme. On étudie de nouvelles sources
comme des prêts de la Bei (Banque européenne d’investissement), le lancement
d’eurobonds…
Pourtant, il est un domaine d’affaires
spatiales dont les politiciens ont à se
réjouir. Ce sont les revenus générés par
les opérateurs européens de satellites
commerciaux de télécommunications
(dont 60 à 70% de la capacité sert à la
diffusion numérique des chaînes TV).
Ces opérateurs, notamment Ses (Société
Européenne des Satellites), Eutelsat, Inmarsat et Hispasat - ils représentent plus de
la moitié des revenus du segment spatial
privé dans le monde - ont fait naître un
important marché de services. Regroupés au sein de l’Esoa (European Satellite
Operators Association), ils demandent
aux instances européennes de leur
reconnaître une place aux côtés et en
complément des réseaux terrestres, subsidiés et favorisés par leurs administrations nationales. Ils demandent qu’on
prenne mieux en considération leur offre
de services pour l’Internet haut débit
(dans les régions rurales et les zones
isolées), pour les communications mobiles avec les trains, bateaux, avions…
Astrium Services, propriétaire des sociétés de télédétection spatiale Spot Image
(satellites optiques) et Infoterra (satellites
radar), souhaite un soutien conséquent
des autorités de l’Union sous la forme
d’une commande importante d’imagerie
satellitaire pour qu’elles puissent mener
à bien leurs politiques de gestion
et de surveillance. n
45
ATHENA 266 · Décembre 2010
> À LIRE
Plusieurs albums documentaires sortis en
cette fin d’année 2010 traitent de la biodiversité, ce mot qui ne quitte plus l’actualité
et mérite donc d’autant plus d’être clairement expliqué. On trouve aussi
des livres sur les animaux, ce sujet
inépuisable dont le traitement se
renouvelle d’année en année.
De quoi bien garnir le pied
du sapin ou le manteau de la
cheminée, pour le plus grand
profit des petits comme des
grands.
L'être humain
46
Le livre des croc, crunch, slurp !
Texte du Professeur Charles Clark et de
son épouse Maureen Clark; illustrations
de Sue Shields; traduit de ­l’anglais par
Stéphanie Alglave, ­Gallimard Jeunesse;
12 pages a­ nimées; 16 euros.
M
anger, voilà bien une activité aussi
quotidienne que mal connue. Pour
y remédier, ce pop-up d’aspect humoristique (des spaghettis en 3D apparaissent
déjà en couverture) explique la digestion et indique tout ce qu’on doit savoir
pour bien manger. Pages qui se déplient,
roues à tourner, rabats, tirettes, toute
l’ingénierie papier a été convoquée pour
faire passer facilement les informations
rigoureusement scientifiques.
Les auteurs abordent des questions
simples: qu’est-ce que la nourriture ?,
d’où vient ce que tu manges ?, bonne
digestion, besoin vital et comment bien
manger. Mais ils les traitent de manière
désopilante, d’autant plus attractive et
enrichissante.
À partir de 5 ans. 
À en perdre la tête; texte de Marta
Voir le monde d’aujourd’hui en
chiffres et en images; texte collectif;
DellAngelo et Ludovica Lumer; traduit
de l’italien par Jennifer Rossi; Le Pommier,
128 pages, 17 euros.
traduit et adapté de l’anglais; Gallimard
Jeunesse; 256 pages; 24,95 euros.
P
C
lus pointu et au sujet complètement
nouveau, ce livre annonce en soustitre: «Comprendre le cerveau en jouant
avec l’art». Aussi intriguant que passionnant, l’ouvrage présente les recherches
faites en «neuroesthétique» (relations
entre l’art et les neurosciences) en les
rendant accessibles aux grands enfants
et aux adolescents. Déjà, on est content
de revoir, sous une forme scientificoludique, les grands principes du système
nerveux au menu de tant de programmes scolaires… Mais on apprend aussi
plein de choses. Un cerveau qui ressemble à un chou-fleur et un neurone qui
tient graphiquement du fenouil sont des
images qui ne s’oublient pas.
Ensuite, les auteurs entraînent leurs lecteurs dans un passionnant voyage au
pays des sens, tout en proposant plusieurs activités de créativité et en passant
en revue le travail de différents artistes
célèbres. Un livre foisonnant, déconcertant peut-être au premier abord mais qui
se parcourt avec plaisir tant il rend accessibles les secrets du cerveau humain.
Pour tous, à partir de 10 ans. 
et épais documentaire de bon format est sans aucun doute le plus
novateur du genre. Du coup, il renvoie
tous les autres ouvrages loin en arrière
dans la ligne du temps. Car ici tout est
expliqué, par série de doubles pages,
à l’aide d’infographies séduisantes qui
mettent en scène des faits et les chiffres les plus à jour et les plus fiables qui
soient. Une dynamique intéressante qui
aimante le regard vers ces pages riches
en informations visuellement déclinées.
6 chapitres balaient tous les grands
sujets du monde: Terre, peuples, pouvoirs, industrie et économie, réseaux et
références. Voilà un livre de papier qui
répond habilement et intelligemment
aux questions que se posent ceux qui
surfent habituellement sur Internet. Les
images de synthèse permettent d’aborder de façon globale les sujets les plus
compliqués comme le cycle de la roche,
les profondeurs océaniques ou les populations des villes. Chapeau ! Voilà un
ouvrage bien pensé et structuré et pas
cher pour tout ce qu’il contient.
Pour tous, à partir de 9 ans. 
Lucie CAUWE · À LIRE
À lire...
Texte : Lucie CAUWE · [email protected] · Photo: REPORTERS
L'Univers,
la Terre & la société
Le labo des sons et des lumières;
Archéologues, les nouveaux aventuriers; texte de Stéphane Compoint;
Petit Malabar raconte la lune, la
terre et le soleil; texte de Jean Duprat;
paroles d’Alain Schuhl; organisation
visuelle d’Hélène Maurel; Le Pommier;
96 pages; 18 euros.
De la Martinière Jeunesse; 80 pages;
14,50 euros.
illustrations de Nelly Blumenthal; Albin
Michel Jeunesse; 88 pages; 12,90 euros.
L
L
3
a musique est une composante
essentielle de l’enfance et de la jeunesse. Mais d’où viennent les sons ? Et
quel est leur rapport avec la lumière ?
Pour comprendre tout cela, nous suivons
Sakharine et Sakharose, deux extraterrestres qui nous ouvrent, dans cet album,
les portes de l’opéra. Pas besoin de faire
demi-tour à cette annonce, nous sommes dans les coulisses de l’opéra et nous
allons procéder à plein d’expériences de
physique autour du son et de la lumière.
Ni les ondes, ni les feux de la rampe, ni
l’harmonie des fréquences, ni la lumière
des spots, ni le bruit n’auront plus de
secret pour vous après avoir parcouru ce
livre composé de trois types de doublespages: des expériences à réaliser avec un
matériel très simple, les explications de
phénomènes physiques et la fabrication
de différents instruments de musique
(dont une guitare en caoutchouc et une
contrebasse). De quoi dépasser largement le téléphone en pots de yaourt ou
les essais avec les verres en cristal de la
famille pour peut-être arriver à composer du rock ‘n roll.
Pour tous, à partir de 8 ans. 
’auteur est journaliste et photographe de presse. Il bourlingue depuis
qu’il a 18 ans et a collaboré avec les plus
grandes agences et les meilleurs magazines. Il réalise aujourd’hui des grands
reportages à caractère culturel. Dans ce
magnifique documentaire photo, il nous
emmène dans l’univers des archéologues, ces chercheurs qui tentent de
retrouver des mondes qu’on croyait
perdus. Un travail difficile et passionnant qui peut se résumer en la question:
trouver ou ne pas trouver. Que de temps
investi parfois... Mais quels trésors mis au
jour aussi ! L’auteur nous fait découvrir
les merveilleuses découvertes au cours
de 14 missions archéologiques de la plus
grande importance dont, entre autres,
Alexandrie, Pompéi, l’île de Pâques, un
dinosaure du désert de Gobi, des mosaïques englouties en Turquie, un ours bleu
d’Alaska ou encore un trésor du côté du
Pôle Nord. Chaque fois, il met l’accent sur
le travail effectué pour aboutir à de tels
résultats et indique combien connaître
le passé permet de mieux nous situer par
rapport à l’avenir.
À partir de 9 ans. 
histoires à raconter au coucher qui
content respectivement comment
sont nés la Lune, la Terre et le Soleil.
La preuve qu’avec une histoire, même
pleine d’imagination, on comprend parfois mieux des éléments scientifiques
qui nous dépassent. S’ouvrant sur une
notice scientifique à propos de chacun de
ces trois sujets, cet album agréablement
illustré de dessins répond avec humour
et poésie aux questions que se posent les
jeunes enfants.
À partir de 5 ans. 
Le rêve d’Icare; texte de
Laurent Audouin et Arnaud
Roi; Casterman; 24 pages
animées; 19,50 euros.
L
e rêve d’Icare, c’était
bien entendu de voler.
Mais ici ce sont mille et
une façons de voler, de l’aérostat à
la fusée, que nous proposent les auteurs
dans un album animé de belle facture,
avec une miniature en relief de l’objet
présenté.
À partir de 6 ans. 
47
ATHENA 266 · Décembre 2010
> À LIRE
Nature & animaux
Le gorille et l’orchidée, il faut sauver la biodiversité; textes de Laurana
Serres-Giardi, Stéphane Van Inghelandt
et Alain Serres; ­préface d'Hubert Reeves;
images de Zaü; Rue du monde; 92 pages,
23,50 euros.
P
48
as de photos dans cet élégant album
de grand format carré, qui présente
la fabuleuse diversité des animaux
aujourd’hui en péril, mais de très beaux
portraits à l’encre de Chine faisant admirablement ressortir les particularités
de chacune des 140 espèces menacées
présentées. Les différents animaux sont
classés selon leur habitat: forêts tropicales, terres arides et montagnes, mer et
rivières, savanes et prairies, demain; chacun des lieux étant lui-même décliné en
diverses localisations géographiques.
Chaque fois, une brève notice présente
l’animal en question (ainsi que son nom
latin). Des textes plus généraux brossent
un portrait de la situation de la nature
ci ou là et quelques notices à propos
de plantes complètent cet hommage
au monde animal qui sonne en même
temps l’alerte.
Pour tous, à partir de 7 ans. 
Carnaval, les fantaisies infinies de
la nature et Cache-cache, les mille
manières de se camoufler; texte de
­ éatrice Fontanel; Palette… …nature,
B
64 pages; 18 euros chacun.
O
n connaissait Béatrice Fontanel
excellente vulgarisatrice de l’art et
de ses techniques, la voici aujourd’hui
également passeuse de nature. Et avec
le même talent, le même enthousiasme
et le même œil pour repérer la beauté.
Dans ces deux albums grand format
complémentaires, superbement illustrés
par de formidables photos en couleurs,
elle met en évidence les particularités de
certains animaux: les variations incroyables de la nature pour le premier, l’art du
camouflage pour le second. Les photos
sont belles à couper le souffle, les textes marient informations scientifiques
et bonne tenue littéraire. L’ensemble est
très réussi et rend formidablement hommage au grand opéra de la nature. On
n’a qu’une envie: aller voir ces animaux
sur place. L’inconvénient, c’est que c’est
souvent loin. Mais on peut se consoler avec ces excellents livres de nature,
beaux comme des livres d’art.
À partir de 8 ans. 
Petites moustaches et grandes
oreilles; texte de Catherine ­Deulofeu;
d’après une idée générale de Biosphoto;
Actes Sud junior; 64 pages;12,50 euros.
C
et album illustré de belles photos
se propose d’examiner toutes les
bizarreries que présentent les animaux:
cou de la girafe, rayures du zèbre, moustaches du tigre, etc. Si on se doute que
c’est pour s’adapter au milieu naturel,
on en trouve ici une belle confirmation, assortie d’explications. Les particularités animalières sont classées par
genre: oreilles, becs, nez, langues, bois
ou cornes, moustaches, dents, queues,
membres, pattes,... De quoi apprendre
plein de choses et prendre conscience
de la formidable diversité de la nature.
­Prenons en exemple le chapitre des nez:
la trompe de l’éléphant est multifonctionnelle, le nez du saïga (petite antilope des steppes d’Asie) abrite des sacs
de décongélation pour l’air qu’il respire
l’hiver, le museau du fourmilier abrite
une longue langue enduite de salive
collante, les narines des hippopotames
comme celles des crocodiles sont à clapets. Un livre bien fait, reprenant les
fondamentaux et présentant aussi des
choses moins connues, incitant toujours
à l’émerveillement devant l’excellence
de l’évolution.
À partir de 7 ans. 
Théo PIRARD · À LIRE
À lire...
la tête dans les étoiles
Explorama, oiseaux exotiques;
texte de Nancy Honovich; illustrations
de Mark Dando et Ryan Hobson; traduit
et adapté de l’anglais par Josette Gontier; Casterman; 32 pages animées; 12,50
euros.
U
n nouveau titre dans cette belle collection mêlant la découverte par le
biais du journal d’un ornithologue des
années 1920 et l’expérimentation ludique puisqu’il comporte aussi huit pochettes contenant les pièces d’animaux à
assembler. On met ici ses pas dans ceux
de ­l’ornithologue Vivien Lockwood qui a
arpenté le Vietnam, l’Inde, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande. Son journal de bord
présente ses découvertes et les détails
de ses expéditions scientifiques.
De quoi faire la connaissance,
par séries de deux doubles
pages animées, du kiwi brun
(un oiseau néo-zélandais et non
un fruit), du casoar à casque, du
mal connu jardinier de Newton,
du paradisier républicain, du paon
vert thaïlandais, du jacana à crête
(Bornéo), du milan noir originaire
du Vietnam et du grand flamant rose
rencontré ici en Inde. Un diorama
final permet de disposer ensemble
tous les maquettes d’oiseaux.
À partir de 8 ans. 
Texte : Théo PIRARD · [email protected] · Photo: Nasa
Dans quelques mois - en mars-avril 2011 -, une nouvelle fusée va
faire son apparition au Port spatial de l’Europe, sur la côte de Guyane
française. Ni plus ni moins, c’est la «2CV» de l’espace. Il s’agit du Soyouz
russe, le doyen des lanceurs spatiaux avec un magnifique palmarès. Depuis 1957, il place autour de la Terre des «bébés-lunes», alias
Spoutnik. Il a envoyé les premières sondes vers la Lune, Vénus et Mars.
Aujourd’hui encore, il sert à faire voler les cosmonautes autour de la
Terre. Dès l’an prochain, il aura l’exclusivité - jusqu’en 2015 - de la desserte de la Station spatiale internationale avec des vaisseaux habités.
Les Deux Vies de Soyouz, par Christian Lardier et Stefan Barensky; Éditions
Édite; Paris; 416 pages; septembre 2010.
L
a fabuleuse histoire
de ce vénérable
système de transport
spatial méritait d’être
contée, surtout qu’une
nouvelle page va être
tournée: le lanceur
qui a vu le jour dans
le contexte de la
«guerre froide» entre
l’Est communiste et
l’Ouest capitaliste,
va être mis en œuvre
par la société Arianespace
aux côtés du puissant lanceur Ariane 5.
Au prix d’une enquête minutieuse, deux
journalistes français viennent de consacrer un livre à cette fusée emblématique
de l’aventure humaine dans l’espace.
Christian Lardier, grand connaisseur
européen de l’astronautique soviétique,
a rédigé la première moitié du livre. Il fait
revivre la naissance, le développement
et les améliorations du Soyouz, devenu
le cheval de bataille de Moscou pour
les vols de ses cosmonautes et couramment lancé depuis les cosmodromes de
Baïkonour et de Plesetsk. C’est un réel
hommage à l’esprit inventif et au travail
ingénieux, sous le régime soviétique,
des équipes d’ingénieurs et techniciens
que dirigeaient de fortes personnalités,
surnommées «constructeurs en chef».
On notera l’accent mis sur le rôle joué
par les pionniers français qui ont osé
miser sur la coopération russo-européenne pour le transport des satellites:
François Calaque (1940-1998) et JeanYves Le Gall, actuel PDG d’Arianespace
et de la société franco-russe Starsem.
Stefan Barensky, passionné de longue
date du transport spatial, est l’auteur
des pages concernant l’exploitation
européenne du Soyouz sous les ­auspices
d’Arianespace. Il insiste sur la tentative
concurrente de commercialiser des
lancements Soyouz depuis le territoire
australien (Christmas Island). Mais faute
d’investisseurs crédibles, cet audacieux
projet tourna court.
Assurément, cet ouvrage abondamment illustré est à la fois livre d’histoire
et recueil d’histoires (dont certaines
inédites) que tout fan de l’aventure
spatiale sera intéressé d’avoir sous la
main. Son contenu qui se veut complet
est le résultat d’une enquête minutieuse. Néanmoins, un double regret.
D’abord l’iconographie dont la qualité
n’est guère mise en valeur à cause de
l'impression de nombreux documents
photos - surtout ceux en couleurs - sur
un papier économique qui ne convient
pas. Ensuite, ­l’absence malencontreuse
d’une explication - on y fait juste allusion p. 181 - sur la principale amélioration, voulue par l’Esa et le Cnes, du lanceur russe Soyouz/ST qui décollera de
Guyane. Cet équipement de fabrication
belge est réalisé par la société carolorégienne Thales Alenia Space Etca: ce seul
boîtier électronique, dit Kse (Kit Sauvegarde Européen) équipe le 1er étage du
Soyouz/ST afin de garantir la sécurité des
populations lors de son vol dans le ciel
guyanais ! 
49
ATHENA 266 · Décembre 2010
> AGENDA
Sorti de PRESSE
Paul Otlet, fondateur du Mundaneum - Architecte du savoir, Artisan de paix
Les Impressions nouvelles
Collectif
P
50
aul Otlet (1868-1944) acquiert
peu à peu la notoriété qu’il mérite,
même s’il est toujours absent
du Petit Larousse. En 2006, paraît une
biographie: L’Homme qui voulait classer
le Monde – Paul Otlet et le Mundaneum
par Françoise Levie. En
2010, un timbre-poste
lui est consacré. Mais
surtout, le Mundaneum,
son projet qui visait
à rassembler tous les
savoirs du monde, initié
en 1910 avec Henri La
Fontaine (prix Nobel de
la Paix en 1913), trouve
enfin un point d’ancrage
au cours des années 1990,
après de nombreuses
années d’errance et d’oubli.
Ce qui paraissait encore
à la fin de sa vie comme une utopie
vouée à l’échec, ressemble en réalité aux
prémices des TIC ou technologies de
l’information et de la communication en
général, d’Internet en particulier.
Constatant déjà à la fin du 19e siècle
que la documentation devenait trop
volumineuse et désordonnée pour
pouvoir être exploitée valablement, il
estima urgent de trouver de nouvelles
méthodes pour la gérer. En 1934, il
écrivait: « Les buts de la Documentation
organisée consistent à pouvoir offrir
[…] des informations documentées:
1° universelles quant à leur objet; 2° sûres
et vraies; 3° complètes; 4°
rapides; 5° mises à jour; 6°
faciles à obtenir; 7° réunies
d’avance et prêtes à être
communiquées; 8° mises à
la disposition du plus grand
nombre». Paul Otlet vise à
rendre possible la diffusion
des connaissances et la
sélection d’informations,
non seulement par les
livres, mais aussi par
les différents médias
de
l’époque:
radio,
téléphone, télévision, photographies,
encyclopédies, microfilms et objets
muséographiques. En définissant la
documentation comme l’ensemble des
moyens visant à rassembler, transmettre
et diffuser des informations, il pense déjà
à des réseaux de diffusion. Il entrevoit
en quelque sorte le développement
d’Internet avant l’heure et des techniques
actuelles de recherche d’informations
et de documentations. Prévoyant que
chacun pourra non seulement consulter
mais aussi enrichir les connaissances
rassemblées, il propose des balises pour
que l’information reste fiable. On ne
peut s’empêcher de penser à Wikipedia,
encyclopédie générée par les usagers, et
aux tentatives visant à établir des formes
d’expertise, comme Citizendium, pour
éviter les dérives et les erreurs.
Cet ouvrage collectif montre bien que
Paul Otlet, figure emblématique de la
documentation, est un personnage hors
du commun, utopiste et pacifiste (la
connaissance serait garante de la paix…),
mais surtout visionnaire. Il ne serait
sans doute pas dépaysé dans le monde
numérique moderne et les nouvelles
technologies qui l’accompagnent.
Son œuvre principale restera le
Mundaneum, gigantesque catalogue
contenant des centaines de milliers de
fiches. Il est conservé et géré à Mons, où
il est intégré dans un Centre d’archives et
Espace d’expositions.
Texte: Christiane DE CRAECKER-DUSSART
[email protected]
...ou sur le NET!
Rapport d’activités 2009 de la DG06
Disponible en ligne dès maintenant!
L
e rapport d’activités 2009 de la
DGO 6 (la Direction générale
­opérationnelle de l’Économie, de
­l’Emploi et de la Recherche) est désormais disponible sur
http://spw.wallonie.be/dgo6/rapports
Il est une mine d’informations sur les
efforts des pouvoirs publics wallons
pour assurer l’avenir de notre Région
au travers des secteurs porteurs de
l’économie, de l’emploi et de la formation ainsi que de la recherche et des
technologies.
Profitant de toute l’interactivité
du numérique, il met à la disposition de l’internaute une série
d’outils:
Un sommaire et un index pour un
accès direct et rapide;
l Un glossaire pour en savoir plus;
l Des fonctions «recherche» et
«recherche avancée» pour choisir
les informations souhaitées par
thème;
l Une fonction «imprimer mon pdf».
l
Bonne visite !
Géraldine TRAN · AGENDA
À vos AGENDAS !
Biomimétisme et développement durable
du 1er octobre 2010 au 18 février 2011
L
’art de s’inspirer de la Nature est la
clef de voûte du biomimétisme et le
cheval de bataille du biomiméticien ! Ce
biomiméticien a le potentiel de révolutionner nos objets, nos habitations
et nos modes de vie en appliquant les
leçons de durabilité qu’il aura tirées
de ses observations des écosystèmes
matures:
• utiliser
les
déchets
comme
ressource;
• se diversifier et tisser au maximum
des liens de coopération;
• récolter et utiliser l’énergie de façon
optimale;
• optimiser plutôt que maximiser;
• utiliser les ressources de façon
économe;
• ne pas épuiser ses ressources;
• ne pas souiller son nid;
• acheter local.
Pour atteindre ces objectifs remarquables, le biomiméticien pourra pousser
ses recherches dans trois voies d’innovation différentes et complémentaires.
Il pourra:
• Innover dans les formes, par imitation de la morphologie d’organismes
vivants
• Innover dans les procédés, par imitation de procédés de fabrication au
sein du vivant, faibles consommateurs d’énergie
• Innover dans les modes d’organisation, par imitation des stratégies
mises en place de longue date à travers les écosystèmes.
Pour qui ? L’expo est accessible à
tous; les ateliers s’adressent aux 2e et 3e
degrés de l’enseignement primaire et
au 1er degré secondaire.
En complément de l’exposition, la Maison de la Science propose trois ateliers sur le thème du développement
durable:
Téléphone: 04/366.50.04
Courriel: [email protected]
Site: www.masc.ulg.ac.be
Les technologies de la météo seront
passées en revue. Comment se
forment les nuages, la pluie ou encore
les tornades ? Pourquoi y a-t-il des
saisons ? Comment retrouve-t-on la
Tarif ? 3,50 €/personne et 2,80 €/personne pour les groupes
(Min. 15 personnes - sur réservation).
Infos et inscriptions ?
51
Atelier 2: Construire sa propre station
météorologique
Atelier 3: Sale temps pour le climat !
Où ? Institut d’anatomie - Rue des
­Pitteurs, 20 à 4020 Liège
À Charleroi...
du 17 janvier au 27 février 2011
’Expérimentarium de l’ULB vous
invite à une revue générale du
climat.
Quand ? De 10h à 12h et de 13h30 à
17h. Le premier samedi du mois de 14h
à 18h.
Atelier 1: Énergies renouvelables et
nouvelles technologies
Xpo Climat
L
À Liège...
trace des climats anciens ? Qu’est-ce
que la pollution atmosphérique ?… Au
travers de démonstrations concrètes,
vous trouverez quantité de réponses
à des questions pas si simples. Des
expériences originales sur le rôle du
Soleil et l’effet de serre permettront
également de poser des éléments de
discusion sur le futur climatique de
notre planète. Venez donc faire la pluie
et le beau temps à Parentville lors de
cette exposition surprenante !
Pour qui ? Pour tous. Le mercredi
19 janvier 2011, de 14h30 à 17h00:
après-midi spéciale «enseignants».
Où ? Centre de Culture Scientifique
(ULB-Parentville) - Rue de Villers 227 à
6010 Charleroi (Couillet)
Téléphone: 071/600.300
Courriel: [email protected]
Site: http://www.ulb.ac.be//ccs
Quand ? De 9h30 à 17h30 en semaine
et de 10h à 18h le dimanche.
Tarif ? Gratuit (moins de 6 ans);
2 euros (moins de 10 ans et groupes
scolaires); 3 euros (étudiants, seniors,
familles nombreuses et groupes d’adultes); 4 euros (adultes).
Infos et inscriptions ?
Visitez nos sites :
http://athena.wallonie.be
http://recherche -technologie.wallonie.be/
http://difst.wallonie.be/
DIRECTION GÉNÉRALE OPÉRATIONNELLE
DE L’ÉCONOMIE, DE L’EMPLOI ET DE LA RECHERCHE

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