La forêt comme un legs aux générations futures
Transcription
La forêt comme un legs aux générations futures
DOSSIER FPBQ À la naissance de chacun de leurs trois enfants, le couple a procédé à une plantation. La préparation de ces legs personnalisés se combine à une stratégie méthodique de reboisement. La forêt comme un legs aux générations futures Michel Beaunoyer Rédacteur en chef À peine arrivé à la ferme La Vache qui Scie d’Angliers, dans le Témiscamingue, les maîtres des lieux nous offrent la tournée du propriétaire. D’un large geste du bras Louis-Philippe Dénommé lance : « Ça, c’est ma cour ». Un grand sourire sur le visage de sa conjointe Cindy Cotten vient seconder cette affirmation. Une des raisons pour laquelle le couple est venu s’installer ici il y a dix ans, c’est bel et bien de se doter d’un cadre de vie exceptionnel. Sur les 250 hectares de la propriété, le couple s’est tout d’abord engagé dans la production agricole biologique. Des terres qui ont été défrichées par les générations passées à grands efforts et qui resteront, pour cette raison, disponibles pour l’agriculture. LouisPhilippe et Cindy sont des gens de principes. Cette attitude respectueuse se retrouve aussi dans leur façon de gérer leurs 180 hectares de boisés. « Vous savez, la forêt n’a pas besoin de nous », résume Cindy. Ceci étant dit, le couple possède sa stratégie pour améliorer leurs lots et en tirer un revenu d’appoint sans affecter la diversité de cette ressource. Plus de la moitié de la superficie boisée est constituée de plantations d’épinettes noires et de pins gris d’âges divers. L’autre partie est Photos : Michel Beaunoyer LOUIS-PHILIPPE DÉNOMMÉ ET CINDY COTTEN D’ANGLIERS une forêt mixte, dont certaines zones n’auraient jamais été bûchées, où, selon M. Dénommé, on retrouve un échantillon de toutes les essences de résineux du Québec, à l’exception de la pruche. Le creux ressenti présentement sur le marché du bois fait que les interventions du producteur forestier consistent surtout en des travaux sylvicoles non commerciaux, mais nécessaires. Le plan d’action gravite autour de trois axes identifiés dans le plan d’aménagement. Tout d’abord, il vise une récupération des arbres morts ou moribonds en forêts matures, la remise en production des terres en friche et le débroussaillage des peupleraies installées depuis 25 ans. Mais Forêts de chez nous • Mai 2009 29 FPBQ DOSSIER dans ce dernier cas, après avoir marché la zone, Louis-Philippe considère qu’il pourra attendre encore une vingtaine d’années avant d’y pratiquer une coupe d’éclaircie commerciale. « Je vais alors récolter un arbre sur quatre », prédit le jeune producteur. La récupération des arbres de mauvaise qualité sur ses divers lots permet de tirer un revenu par la production de bois de chauffage. Par le passé, du peuplier a déjà été vendu pour la pâte. Du résineux de qualité a déjà été livré pour le sciage, mais dans les conditions actuelles, Louis-Philippe Dénommé préfère le transformer et le conserver pour ses propres projets de construction. Le producteur de bois n’hésite pas à récolter les zones matures. Il a construit un chemin qui donne accès à ses terres les plus éloignées. Il veut commencer au plus loin, en se disant qu’avec les années qui vont passer, il sera plus simple pour lui de travailler de plus en plus près de la maison. « De plus, je ne voulais pas affecter le coup d’œil autour de la maison en y faisant des coupes. » Dans les zones propices, il pratique la coupe de régénération par bandes. Il va récolter sur des bandes de 6 mètres espacées de 18 mètres. Sur les zones récoltées, il reboisera avec des pins blancs. « J’oriente mes bandes de telle façon que les jeunes plants sont à l’ombre au plus chaud de la journée, explique M. Dénommé, cela réduit les pertes. L’orientation Est-Ouest favorise aussi le travail 30 Forêts de chez nous • Mai 2009 Abitibi- ue g Témiscamin du vent qui va secouer les bons semenciers et stimuler la régénération naturelle ». En effet, quelques années plus tard, il repassera sur le terrain et si la repousse naturelle est plus vigoureuse que la plantation, il coupera simplement l’arbre qu’il avait planté pour laisser à l’autre tout l’espace de croissance. La plantation n’est alors, pour ainsi dire, qu’une police d’assurance. De plus, le fait de laisser debout de bonnes bandes forestières favorisera la présence du gros gibier qui contribuera à débroussailler naturellement la plantation de résineux en broutant les repousses de feuillus. L’objectif global du jeune couple est d’aménager, avec les années, la quasi-totalité de son territoire, tout en conservant près de 10 % de la superficie sans intervention. Parents de trois jeunes enfants, Louis-Philippe et Cindy veulent aussi léguer à leurs descendants des lots leur permettant de s’établir. Il est donc très important pour eux d’entretenir une forêt diversifiée où la faune est abondante. « Les enfants, s’ils le souhaitent, auront de la terre à cultiver et surtout, des lots de bois en essences diverses qui leur permettront de se construire une maison, de la chauffer et d’en tirer un revenu », expliquent père et mère. Ce secteur a été bûché à 50 % il y a trois ans. Le producteur de bois tient à ce qu’il reste toujours un couvert forestier sur ses lots où l’on retrouve une bonne variété d’essences de différents âges.