Mémoire - ONPC la politique dans le divertissementx

Transcription

Mémoire - ONPC la politique dans le divertissementx
Mémoire
« On n’est pas couché »
La politique dans le divertissement
Master Communication des entreprises et sociologie des TIC
Imen Bouabdallah
Sous la direction de Patrice Flichy
Remerciements
Ce mémoire n’aurait pas été le même sans les personnes qui, de
par leur présence, ont contribué d’une manière ou d’une autre à la
réalisation de ce travail. C’est pourquoi je souhaite m’adresser à elles
pour leur dire tout simplement merci.
Ainsi, en premier lieu, je tenais à remercier mon directeur de
mémoire M. Flichy pour sa disponibilité et pour m’avoir dirigée dans la
bonne direction au cours de cette étude dont la finalité ne paraissait pas
toujours évidente tout au long de sa réalisation.
Ensuite, Je remercie également Rémy Dufour ainsi que l’équipe de
Clap Production pour leur collaboration.
Enfin, un grand merci également à ma meilleure amie pour son
aide et son soutien ainsi qu’à mes camarades de classe (qui se
reconnaitront) pour leurs encouragements.
1
Table des matières
Remerciements
1
Introduction
3
Méthodologie d’étude
Partie I : Le dispositif de l’émission
11
12
1. Le concept On n’est pas couché
12
2. La mise en scène du « show »
17
3. Mise en relation du dispositif avec ses prédécesseurs
22
Partie II : Les éléments constitutifs du débat
29
1. Une accroche d’actualité qui engage le débat
29
2. Les interactions et postures : invités/présentateur/ chroniqueurs
40
3. Talk-shows et débats : les évolutions
49
Partie III : La réception par les téléspectateurs
58
1. Les audiences : quels résultats ?
58
2. Le forum officiel : architecture
65
3. Des espaces d’échanges sur Internet
69
Conclusion
78
Bibliographie
85
Annexes
68
2
Introduction
A près d’un an des élections présidentielles de 2012, la politique est au cœur
de l’actualité et de tous les débats, qu’ils soient télévisés ou non. Les enjeux
électoraux ne sont pourtant pas les seuls éléments à faire de la politique un sujet fort
de l’actualité récente. Les événements des mois derniers dans les pays arabes tels
que la Tunisie et l’Egypte ainsi que les événements actuels en Lybie et les différents
scandales qui en ont découlés ont montré la dimension forte que la politique
représente. Sujet plus récent, l’arrestation de Dominique Strauss-Khan met la
politique et les élections au cœur de l’actualité médiatique, générant ainsi, de
nouveaux débats.
Le sujet est porteur, qu’elle soit internationale, nationale ou bien même nationale
connectée à l’international, la vie politique est riche en rebondissements. Le constat
peut être fait en observant les unes des journaux papiers et surtout des journaux
télévisés. Les différents médias se saisissent des thèmes politiques et en dévoilent
toutes les facettes. En période d’élections, la politique est plus que jamais présente.
Ils n’hésitent pas à mettre en lumière les frasques des hommes et femmes qui font
3
partie du champ politique en fournissant des informations chaque jour plus
« croustillantes » et controversées les concernant.
C’est, parfois, malgré eux qu’ils font l’actualité et toute une communication est
nécessaire à mettre en place pour redorer cette image.
Pourtant, la vie des hommes et femmes politiques n’a pas toujours été mise
en avant. L’apparition de la télévision dans les années 50 a bouleversé le rapport
que les politiques avaient aux médias.
Cette évolution des rapports aux médias et de la politique est très bien décrite dans
un documentaire diffusé sur Arte et intitulé « La démocratie des moi, petite histoire
de la personnification en politique ».
Au delà de la « pipolisation1» de la politique, ce film aborde l'évolution complexe du
rapport entre le politique et le public. Le passage de "démocratie des partis à la
démocratie des personnalités", l'arrivée de la télévision, l'humanisation des politiques
ont profondément modifié les codes de la communication et de la politique jusqu'à en
atteindre certaines limites.
1
Pipolisation est un néologisme français dérivé du faux anglicisme " people " (désignant les
" gens " célèbres). On peut le trouver écrit " peopleisation ", " pipeulisation ", " pipolisation " et
sous sa forme la plus courante " peopolisation ".
Le terme est apparu en France dans les années 2000 avec le développement de la presse people.
Jusqu'alors, le terme de " people " ne s'appliquait qu'aux personnalités du show business et aux
médias spécialisés traitant de l'actualité de celles-ci. Il est désormais utilisé pour décrire aux
moins deux phénomènes, l'un concernant la politique, l'autre les médias. Son usage est limité
aux pays francophones. Aussi, au Québec, où les anglicismes sont controversés, le terme est peu
répandu et garde une connotation étrangère (comme pour les autres termes dérivés du mot
"people")
4
Aujourd’hui nous sommes dans un monde dans lequel l’actualité occupe de plus en
plus d’espace. L’homme politique est confronté à un dilemme, soit il considère que
son métier n’est pas de s’occuper de ça mais appliquer un certains nombre de
choses, programmes, soit il dit ou fait quelque chose en lien avec cette actualité et
donc il a de la visibilité médiatique. C’est une politique de réaction qui met souvent à
mal les principes de l’Etat de droit. Mais à partir du moment où un homme politique
est sur le terrain il faut que les autres le soient aussi. Il ne peut pas y avoir des
ministres qui vont sur place lors de catastrophes et d’autres qui disent qu’ils préfèrent
rester dans leur bureau et traiter l’affaire, exemple de la canicule de 2003, ils seraient
considérés comme étant sans cœur, et nécessairement tout le monde s’aligne sur le
comportement compatissant.
Les personnalités politiques voient bien que tout se joue sur la proximité, c’est ce
qu’attendent les citoyens, ils ne veulent plus des paroles générales. On peut parler
d’une crise du langage politique, les grands mots qui ruissellent sur la surface des
choses, ne traduisent pas ce que vivent et attendent chacun.
Depuis les années 90, il s’est opéré une profonde mutation dans la façon dont
le politique est représenté à la télévision. Cette mutation repose principalement sur
une baisse de diffusion des émissions politiques.
5
Alain Duhamel déclare à ce sujet : « La politique n’est plus qu’une variable de
gestion. Nous sommes loin du temps des cathédrales idéologiques à la Hugo2. »
Jusqu’à 2003, aucune étude française sur la représentation politique télévisée
incluant le divertissement n’avait été menée.
Dans cette étude, pour cerner la représentation politique, il leur était indispensable
de traiter de la notion d’infotainment, autrement dit d’ « info divertissement ». Il s’agit
des émissions télévisées de divertissement au sein desquelles des sujets politiques
sont traités. Ces dernières représentent actuellement des acteurs majeurs de la
représentation du politique à la télévision.
Mais pour mieux comprendre le cadrage des émissions, il faut tout d’abord définir ce
qu’est une émission politique et ce qu’est une émission de divertissement.
Une émission politique, ou ce qu’on appelle le cadre, est définie par Erik Neveu
comme « Une émission qui relève du service de l’information […] elle est animée par
des journalistes politiques […] qui disposent d’un minimum de choix dans la
formulation des questions. […] Enfin, la définition des protagonistes suppose la place
centrale d’une interaction entre journaliste(s) et homme(s) politique(s)3 ».
Il faut mentionner que les chaines verrouillent ces émissions ce qui implique qu’elles
peuvent être animées uniquement par des « journalistes politiques ».
Inviter une personnalité politique dans ces émissions repose sur le principe de
pertinence, autrement dit, ils sont présents pour discuter de sujets pour lesquels ils
2
3
CHATELIER, 2002, p. 52.
NEVEU, 1995, p. 145-162.
6
disposent d’une expertise. Ils sont généralement invités grâce à leur mandat pour
intervenir sur ces thèmes.
La particularité de ce type d’émission étant le manque d’interactivité avec le public, si
toutefois il y en a un. En effet, sont exclues toutes manifestations massives du public,
le politique est mis en avant et le débat se fait entre invités.
Ce sont ces éléments qui définissent le « cadre » de mise en scène du politique, de
ce fait, peu d’émissions rentrent dans les critères établis.
Par la suite, d’autres émissions, plus générales, ont émergé. Elles concernent le
« temps de l’information », c’est-à-dire, des émissions qui abordent des thèmes de
société et qui ne traitent donc pas uniquement du politique. Elles appartiennent
pourtant au cadre de représentation du politique à la télévision car on y observe une
participation du politique qui s’exprime autour de sujets qui le concernent et pour
lesquels il a un pouvoir de décision.
Ce qui ne constitue pas une émission politique et qui est appelé « le hors cadre »
sont en général les émissions de divertissement. Ces émissions ne rentrent pas
dans le cadre des programmes d’information et relèvent de la direction des
divertissements des chaines.
Il s’agit d’émissions de variété ou des talk-shows qui ont pour invités des
personnalités diverses et traitent donc de thème variés. C’est à ce genre d’émission
qu’appartient le principal sujet de mon étude : l’émission On n’est pas couché.
7
Pourtant, une remarque peut être faite quant à la catégorisation des émissions par
genre. Le fait de les classer en fonction de leur thème justifierait qu’il y ait des
émissions dans lesquelles il soit normal de traiter de la politique et que dans d’autres
cela ne soit pas le cas. Cette vision est l’héritage de la tradition française qui veut
que les personnalités politiques viennent s’exprimer à la télévision uniquement dans
des émissions qui leur sont consacrées.
Si l’on s’attarde donc sur l’évolution de la mise en scène du débat sur le petit écran,
on remarque alors qu’elle est de plus en plus orientée vers des émissions appelées
de « débat social », autrement dit, les talk-shows. C’est ainsi que l’on voit apparaitre
des émissions mettant en scène le politique sous forme distrayante. Avec pour
principale différence le fait d’être animées par des professionnels des médias qui ne
sont pas des journalistes politiques.
L’émergence de notions telles que l’infotainment, la tabloïdisation 4 ou encore la
démocratie du talk-show découle d’un questionnement autour d’une possible
contamination de l’information politique par les logiques du divertissement.
Le
terme
infotainment
est
formé
des
termes
anglais
« information »
et
« entertainment » et que l’on traduit en français par infodivertissement et qui signifie
le divertissement instructif. L’infotainment est défini par le traitement distrayant de
4
Elle se caractérise par des titres accrocheurs, des photos de grand format et en grand nombre,
une multiplication des interviews qui se substituent aux analyses émanant de la rédaction et un
contenu rédactionnel ouvrant davantage d’espace aux « faits divers », à la vie privée des
personnes publiques (rubriques « people ») et à des récits émotionnels.
8
l’information par les médias. Dans le domaine télévisuel, il s’agit de l’alternance,
dans une même émission, d’information et de divertissement.
Depuis ces vingt dernières années, le champ télévisuel est habité par des mises en
scène à connotations distrayantes de la parole politique à travers l’infotainment.
Le propos de mon étude est donc d’observer comment, suite à l’émergence
d’émissions de divertissement mettant en scène des politiques, le dispositif de ces
programmes a-t-il évolué ? Tant sur le fond que sur la forme. Il est question de
rendre compte du discours établi par les personnalités politiques invitées dans les
talk-shows à travers l’étude de l’un d’entre eux : On n’est pas couché.
Etude qui sera mise en relation avec une étude effectuée par Erik Neveu5 et qui
traite notamment de trois émissions de télévision qui mêlent politique et
divertissement 6 . L’objectif étant de faire émerger des points de rupture, des
évolutions mais également d’établir s’il existe des éléments de continuité entre le
dispositif des précurseurs dans le domaine de l’infotainment, qui ont émergé sur la
scène audiovisuelle française il y a environ un dizaine d’années, et le talk-show de
Laurent Ruquier (émission récente qui est encore d’actualité dans les programmes).
5
« La politique saisie par le divertissement », Réseau n°118, 2003/2, 310 pages
Vivement dimanche (Michel Drucker), Tout le monde en parle (Thierry Ardisson) et On ne peut
pas plaire à tout le monde (Marc-Olivier Fogiel). Emissions diffusées respectivement sur France
2 (pour les deux premières) et France 3.
6
9
Pour ce faire, je me suis appuyée principalement sur l’émission On n’est pas couché,
présentée par Laurent Ruquier et diffusée sur France 2 le samedi soir en deuxième
partie de soirée. Et plus particulièrement sur un corpus de quatre émissions 7
diffusées en 2010.
En effet, l'équipe de l’émission aborde, en toute décontraction, les sujets les plus
divers. Débat, humour et actualité demeurent au cœur de l'émission. Laurent Ruquier
et ses chroniqueurs passent les invités sur le gril. Plusieurs personnalités se
succèdent aux côtés du maître de cérémonie afin de parler de leurs dernières
œuvres. Qu'ils soient hommes ou femmes politiques, écrivains, chanteurs, acteurs
ou encore sportifs, ils sont invités à se défaire de la langue de bois et des réponses
toutes faites. Ils font face notamment à Eric Zemmour et Eric Naulleau, les
chroniqueurs qui n'hésitent jamais à titiller les invités avec des questions qui fâchent.
L’observation et l’étude de l’émission s’est donc articulée en trois parties qui
consisteront à décrire le dispositif de On n’est pas couché puis de mettre en lumière
les éléments constitutifs du débat politique et enfin analyser la réception du concept
par les téléspectateurs.
7
Cf. Annexe 1
10
Méthodologie d’étude
Pour effectuer cette étude, je me suis donc appuyée sur un corpus de quatre
émissions diffusées entre avril et décembre 2010 et qui ont reçu un invité de famille
politique différente. Le contenu vidéo de ces émissions a pu être consulté sur le site
labandearuquier.com. Site qui m’a permis de disposer d’une quantité d’information
non négligeable au sujet de l’émission et de ses participants (équipe et invités) mais
qui dispose, également, d’un forum et d’un chat sur lesquels viennent s’exprimer les
internautes. Je me suis, par ailleurs, entretenue avec le responsable et créateur du
site internet à ce sujet8.
Je me suis également appuyée sur des documents concernant l’émission grâce à la
base de données de l’INAthèque. Ainsi que des données d’audience disponibles sur
les sites internet : tele.premiere.fr et toutelatele.com.
Enfin, j’ai tenu compte de l’étude effectuée par Erik Neveu concernant la politique
dans le divertissement afin de faire un parallèle entre les premiers talk-shows et
l’émission de Ruquier.
8
Cf. Annexe 2
11
Partie I : Le dispositif de l’émission
1. Le concept On n’est pas couché
L’émission On n’est pas couché est une émission de divertissement et de débat
diffusée en deuxième partie de soirée le samedi sur France 2. L’émission a été
diffusée pour la première fois le 16 septembre 2006 et dure environ trois à quatre
heures. Cette particularité en fait l’une des plus longues du PAF. Elle est présentée
12
par Laurent Ruquier 9 accompagné de deux chroniqueurs et polémistes : Eric
Zemmour10 et Eric Naulleau11 ainsi que d’un humoriste : Jonathan Lambert12.
L’émission a remplacé le talk-show Tout le monde en parle13 présenté par
Thierry Ardisson sur ce créneau horaire.
Elle est produite par Catherine Barma14, dont la réputation n’est plus à faire dans
la production audiovisuelle, et est réalisée par Serge Khalfon15.
Elle est tournée dans la salle du Moulin Rouge et l’enregistrement a lieu tous les
jeudis à partir de 18h30 jusqu’à environ 23h. Certaines émissions ont eu lieu en
direct mais il s’agissait de cas particuliers et assez rares.
En début d’émission, Laurent Ruquier fait son stand up pour présenter « ceux qui ne
viendront pas ce soir». Il s’agit là d’un monologue d’environ 20 minutes à travers
Laurent Ruquier est un humoriste satirique français. Il est également chroniqueur, animateur
de télévision et radio mais aussi écrivain, parolier, dramaturge, scénariste et producteur de
spectacles.
10 Eric Zemmour est un écrivain et journaliste politique français. Il a été reporter au service
politique du Figaro jusqu’en 2009 et depuis il tient une chronique dans le Figaro Magazine.
11 Eric Naulleau est un éditeur, auteur, pamphlétaire, traducteur, critique littéraire et
présentateur de télévision français.
12 Jonathan Lambert de son vrai nom Rodolphe Lambert est un humoriste, animateur de radio et
de télévision ainsi qu’acteur français.
13 Emission de télévision diffusée sur France 2 de 1998 à 2006. Lors de la première saison
(1998-1999), elle se présente comme une émission de débats de société ; c'est en septembre
1999 qu'elle prend son format de talk show. L'animateur y reçoit les personnalités qui font
l'actualité du moment : comédiens, chanteurs, écrivains, hommes politiques, sportifs, etc.
Les invités y racontent leur vie et font leur promotion. L'émission acquiert peu à peu une
réputation de provocation notamment parce que l'animateur n'hésite pas à poser aux invités
politiques des questions sur leur vie privée et sexuelle.
14 Cf. Annexe 3
15 Réalisateur des émissions de la productrice Catherine Barma, telles que Tout le monde en
parle, On a tout essayé, On n'est pas couché, On n'a pas tout dit, On n'demande qu'à en rire ou
Panique dans l'oreillette. Il réalise également Les enfants de la télé, Les Guignols de l'info, C+ Clair,
En toutes lettres et régulièrement À prendre ou à laisser, Tout le monde veut prendre sa place,
N'oubliez pas les paroles ! et plusieurs captations de spectacles, tels que Florence Foresti fait des
sketches à la cigale.
En 2007, il réalise les émissions politiques de TF1 et en 2008 il crée les sociétés Magnéto Prod et
Magnéto presse.
9
13
lequel il explique les raisons qui ont fait qu’un invité ait refusé de participer à
l’émission. Il peut s’agir parfois de personnalités dont on se doute qu’elles n’ont pas
été invitées comme par exemple dans l’émission du 28 mai 2011 où il évoque le fait
qu’ils ne recevront pas Dominique Strauss-Kahn16. Etant donné qu’il est assigné à
résidence aux Etats-Unis en attente d’un procès, il est évident qu’il ne pouvait pas
assister au débat.
Dans cette chronique, il s’agit, en réalité, principalement d’évoquer de façon
humoristique les personnes qui ont été présentes dans l’actualité médiatique de la
semaine mais qui ne sont pas présentes sur le plateau.
Il peut y avoir des interventions des personnes présentes sur le plateau mais en
général, il s’agit d’une chronique que Laurent Ruquier présente seul, debout face aux
invités avec le public de chaque côté. Public qui applaudit à chaque personnalité.
Une fois la chronique terminée, l’émission est lancée et elle peut concrètement
commencer avec les personnes présentes sur le plateau. Laurent Ruquier rejoint la
table des invités et annonce l’invité politique qui rejoint le plateau.
La personnalité politique intervient en début de soirée dans un débat
d’actualité (une réforme, des élections...) ou tout simplement pour présenter une
œuvre personnelle (un livre par exemple).
Le temps alloué à cette première partie d’émission, et par conséquent au débat
politique, n’est pas déterminé. La plupart du temps, la personnalité politique débat
Dominique Strauss-Kahn, ancien directeur du FMI et possible candidat pour les élections
présidentielles se retrouve accusé de tentative de viol et d’agression sexuelle par une femme de
chambre aux Etats-Unis. L’affaire éclate à la mi-mai environ.
16
14
pendant environ 45 minutes sur différents sujets. Mais il arrive que certains invités
restent plus longtemps comme Jean-François Copé
17
qui a fait l’une des
interventions les plus longues, à savoir près d’une heure et demie.
Cette première partie d’émission débute d’abord par une brève présentation de
l’actualité de la personne par Laurent Ruquier et le débat s’engage alors. Le principe
veut que ce soit le présentateur qui donne l’autorisation aux chroniqueurs et invités
d’intervenir, on pourrait alors le comparer à un arbitre qui autorise le jeu dans un
match, mais dans la pratique ce n’est pas toujours appliqué. En effet, parfois, les
chroniqueurs sont d’emblée en désaccord et n’hésitent pas à le montrer et à
intervenir alors que la parole ne leur a pas encore été donnée.
Il arrive souvent que le présentateur intervienne pour « rappeler à l’ordre » les
chroniqueurs en leur disant qu’ils n’ont pas encore la parole. Et lorsque vient enfin
leur tour de s’exprimer, il l’énonce clairement « Je vais vous laisser aux mains des
deux Eric »18 comme pour que cela soit clair dans le déroulé.
Selon la personne, son parti politique et l’actualité sur laquelle il y a débat, la
discussion peut être plus ou moins houleuse.
Les autres invités autour de la table ont bien entendu le droit d’intervenir, parfois le
présentateur remarque qu’une personne veut prendre la parole et intervient alors
pour la laisser s’exprimer.
17 Emission du 11 décembre 2010 dans laquelle il était venu discuter de l’actualité de l’UMP et
notamment de sa nomination en tant que Secrétaire du parti.
18 Emission du 24 avril 2010 avec pour invité politique Jean-Luc Mélenchon
15
En 2009 19 , le format de l’émission évolue avec deux nouveautés dans la
programmation :
• des dessins satiriques sur l'actualité sont proposés aux invités avant
l'émission, chaque invité en choisit un et le commente sur le plateau ;
• « Le mur d'image » : 16 photos de personnalités faisant l'actualité sont
présentées et les invités doivent choisir celle qui les intéresse le plus
Les invités choisissent donc un dessin satirique parmi ceux qui font l’actualité et
qui leur sont présentés et c’est à la fin du débat politique que ces derniers sont
affichés et commentés. Le présentateur commence alors par celui qui a été choisi
par l’invité politique qui explique son choix et continue ainsi en faisant le tour de table
des personnes présentes et commence par les invités pour arriver aux chroniqueurs
et enfin à son choix à lui qu’il explique également. Il arrive en général que Laurent
Ruquier présente deux ou trois autres dessins qui n’ont été choisis par personne
mais qui sont soit dans la continuité de ce qui venait d’être dit, soit dans une actualité
qui n’avait pas encore été commentée.
La personnalité politique quitte ensuite le plateau pour laisser la place à une autre
personnalité sur le fauteuil des invités.
On peut alors considérer l’émission comme étant organisée en deux parties :
• une première partie plus sérieuse avec un débat politique de fond
19
A partir de la saison 2009-2010 qui a débuté le 5 septembre 2009.
16
• une seconde partie plus détendue et divertissante avec des débats sur
l’actualité culturelle
On peut donc définir On n’est pas couché comme un talk-show qui mélange
divertissement, culture et politique. Les chroniqueurs et polémistes contribuent au
débat en alliant critique et divertissement.
2. La mise en scène du « show »
L’émission étant un talk-show et donc non pas une émission politique à
proprement parler, un certain nombre de codes sont laissés de côté.
En effet, dans le cadre de programmes politiques, on peut constater certaines
normes qui définissent le cadre de ces émissions : le costume cravate, le
vouvoiement et l’emploi de titres tels que « Monsieur le ministre » ou encore
l’interdiction de parler de vie privée.
On constate ainsi que le code vestimentaire est plus décontracté dans le cadre
de « On n’est pas couché » mais reste élégant. Aussi, les hommes et femme
politiques du corpus étudié sont tous habillés correctement en costume, avec ou
sans cravate20, cela dépend, mais on remarque que la tenue est moins stricte. La
seule femme du corpus d’émissions choisies, Cécile Duflot, porte une
Sur le trois hommes du corpus étudié, Dominique de Villepin et Jean-Luc Mélenchon portent
une cravate mais pas Jean-François Copé. Dans le reste des émissions, le port de la cravate reste
accessoire, au bon gré de la personne.
20
17
blouse/chemisier et un pantalon donc cela reste dans l’esprit de décontraction de
l’émission.
Le fait de soigner sa tenue peut se faire remarquer du présentateur lors de
l’émission. En particulier quand il s’agit d’une personnalité qui à la base ne soigne
pas particulièrement son style comme par exemple Jean-Luc Mélenchon :
« Impeccable là ce soir jusqu’à la chaussette Jean-Luc, non franchement, parfait
ce soir »21.
Le présentateur lui même ne porte jamais de cravate et cela est vrai en tout cas
pour toutes les émissions du corpus.
Il porte souvent un costume sobre assorti à une chemise blanche simple qui
convient tout à fait à un style d’une soirée entre amis.
Le style est tout de même soigné qu’il s’agisse du présentateur, des
chroniqueurs, des invités ou encore du public.
En effet, pour assister à l’émission, une tenue correcte est exigée, plutôt une
tenue de soirée et il est mentionné une préférence pour les vêtements de couleur
ainsi que d’éviter le noir et le blanc pour le haut22.
Seul point de décalage avec toute cette élégance en simplicité, l’humoriste
Jonathan Lambert.
En effet, il intervient au cours de l’émission pour interpréter un invité de dernière
minute. Son sketch a pour la plupart du temps un rapport avec l’actualité. Il se
Laurent Ruquier qui rebondit aux propos de J-L Mélenchon lors de l’émission du 24 avril 2010
en le complimentant sur sa tenue.
22 Une fois inscrit pour participer à l’émission, un mail de confirmation est envoyé qui mentionne
ainsi tous les détails concernant l’enregistrement et la tenue vestimentaire.
21
18
présente déguisé et sa prestation peut perturber cette simplicité instaurée dans
l’émission grâce au style de tenue vestimentaire.
On peut donc dire qu’il y a style particulier, propre à l’émission que l’on pourrait
classer dans le chic mais simple sans tomber dans le trop sérieux ou trop
décontracté.
Cette volonté d’assouplissement des normes d’interaction se retrouve également
dans le langage, comme pour accompagner le style vestimentaire.
On peut parler d’un relâchement contrôlé des marques de statut et de distance
sociale. Il s’agit de paraître au plus proche des interlocuteurs et notamment du
public en instaurant une proximité.
Cette caractéristique s’inscrit dans un processus d’ « informalisation » analysé
par Elias Wouters23 comme « une nouvelle étape du processus de civilisation et
comme expression d’une démocratisation fonctionnelle » avec une réduction des
écarts sociaux.
C’est ainsi, qu’au cours de l’émission, Ruquier s’adresse à ses invités, qu’ils
soient politiques ou autre, par un vouvoiement sans marques de distances. Il y a
donc cette distance polie et respectueuse mais le discours instaure une certaine
proximité.
Sur l’informalisation comme étape du processus de civilisation marquée par un « relâchement
contrôlé des contrôles » émotionnels et affectifs voir Wouters (1986,1992).
Sur son application au monde politique et à la gestion de leur image par les élus voir neveu in
Bonny, Neveu, de Queiroz 2003.
23
19
L’informalisation des échanges se traduit
ainsi par un relâchement de
l’expression. Cela se remarque notamment dans le langage adopté avec l’usage
d’un vocabulaire relâché voir argotique par moments.
« Mais je m’en fous, est-ce que vous comprenez ? », « Il se tient au courant
l’homme, on comprend pourquoi c’est vous le chef ! », « Personne ne s’est dit je
préfère aller dans les maisons closes plutôt que de chercher les putes au coin de
la rue sinon vous et votre sale corporation de journalistes. » (Jean-Luc
Mélenchon)
« Impeccable ce soir Jean-Luc, on sent bien que vous n’avez pas fait la bringue
hier. », « C’est encore pire de conduire sans permis, vous êtes un beau salaud ! »
(Laurent Ruquier).
Mélenchon lors de son intervention dans l’émission a parfois tutoyé les
chroniqueurs voire le présentateur. Lorsque les invités réagissent à ses propos, il
n’hésite pas à les interpeller et utilise souvent un langage familier.
La prestation de Copé était beaucoup plus détachée et contrôlée avec des
propos beaucoup plus mesurés même dans la confrontation, il reste souvent
calme face aux critiques, on observe là l’application du processus de
« relâchement contrôlé et contrôle des émotions ».
De même pour de Villepin, même si l’on constate une dimension de proximité
dans le dialogue plus marquée que pour Copé. On remarque une certaine
souplesse dans l’échange et dans les postures.
20
Seule Cécile Duflot paraît hésitante et parfois mal à l’aise mais elle manifeste une
volonté d’être claire et comprise par tous les interlocuteurs.
En ce qui concerne les chroniqueurs et même le présentateur, par moment le
langage est très familier surtout lorsque le débat est un peu plus animé.
C’est ainsi qu’Eric Zemmour se lâche par moments « En URSS ça n’a pas tenu
parce qu’ils n’ont pas eu les couilles d’envoyer l’armée tandis que les Chinois ils
s’en foutent complètement, ils envoient l’armée ! », en s’adressant à Cécile Duflot
concernant la répression en Chine.
Dans la même émission, Ruquier avait fait le commentaire suivant : « Je trouve
ça normal que les écolos disent merde, on a le droit d’aller aux Maldives nous
aussi », à propos des vacances aux Maldives de la Secrétaire des écologistes.
Le débat est mis en scène avec beaucoup de dynamique au niveau des
caméras.
On observe une alternance de plans entre les gros plans et les plans d’ensemble
pour maintenir l’attention du téléspectateur et mettre en avant les échanges un
peu plus dynamiques mais aussi dynamiser les échanges un peu plus
monotones.
On remarque également une mise en valeur de l’opposition d’idées, de
divergence d’opinion par un plan qui sépare l’écran en deux, d’un côté l’invité, de
l’autre le chroniqueur par exemple.
Les caméras (au nombre de six) sont disposées à des endroits stratégiques de la
salle pour capter toutes les expressions et tous les mouvements à chaque
21
moment. Avec, ainsi, des gros plans qui accentuent les émotions et l’effet de
proximité et des plans plus larges qui prennent en compte le public et leurs
réactions.
Le concept de l’émission On n’est pas couché s’inscrit dans la continuité des
talk-shows qui ont émergés à la fin des années 90 et au début des années 2000
mais on observe cependant des évolutions autant dans le fond que dans la
forme. Evolutions qui méritent donc qu’on s’attarde un peu plus sur les éléments
qui rapprochent et différencient On n’est pas couché d’émissions comme Tout le
monde en parle ou encore On ne peut pas plaire à tout le monde.
3. Mise en relation du dispositif avec ses prédécesseurs
Dans les années 2000, on observe des changements dans le paysage télévisuel
avec une évolution des programmes politiques français.
La majorité des invitations de représentants politiques se réalisent dans le cadre
d’émissions
relevant
du
talk-show,
c’est-à-dire
relevant
principalement
du
divertissement.
22
Dès 1999, Michel Drucker invite des dirigeants politiques dans son émission
Vivement dimanche ce qui va constituer un véritable changement dans le contenu de
ce genre d’émission.
D’autres émissions dites talk-shows vont adapter ce concept telles que « Tout le
monde en parle » de Thierry Ardisson ou encore « On ne peut pas plaire à tout le
monde » de Marc-Olivier Fogiel.
Ces émissions adaptent le concept d’infotainement en politique à la française et
l’intègrent pleinement dans leur mise en place.
L’étude menée dans la revue Réseaux n°118, a en partie analysé la manière de
mettre en scène et en question le personnel politique et la signification de la montée
de l’infotainment. Cela a été fait à partir d’un échantillon d’émissions.
Des traits communs entre ces émissions et l’émission On n’est pas couché peuvent
être mis en lumière.
A commencer par le parti pris de « décontraction » que l’on retrouve dans tous ces
programmes de divertissement.
En effet, l’un des points de rapprochement entre eux serait le style vestimentaire
arboré.
Aucun des présentateurs ne porte de cravate même si la tenue est soignée. En effet,
le registre vestimentaire des animateurs tient du décontracté mais élégant : veste
sport et chemise ou polo de couleurs douces pour Drucker, tenue invariable pour
Ardisson avec veste noire-polo noir, veste noir ou blanche et chemise blanche avec
23
chaussures de jogging pour Fogiel et enfin, veste noire chemise blanche pour
Ruquier duquel on peut dire qu’il est le mieux habillé des quatre.
Le registre moins formel arboré par les présentateurs se retrouve dans leurs invités.
En effet, une grande partie des invités des émissions étudiées par Neveu ne porte
pas de cravate et certains d’entre eux ne portent pas le traditionnel costume vestepantalon assortis.
Comme énoncé précédemment, chez Ruquier, on retrouve à peu près le même style
de décontraction en ce qui concerne ses invités politiques. Même si certains arborent
la cravate, et le costume veste-pantalon assortis, le contexte est moins formel que
dans une émission politique. On peut, ainsi, rapprocher le style élégant mais
décontracté de celui des autres talk-shows mentionnés ci-dessus.
Le processus d’informalisation passe par une volonté de réduire les écarts sociaux et
en plus d’un changement dans le registre vestimentaire, on constate des évolutions
des modes d’adresse.
Cela peut se traduire par exemple par un tutoiement forcé qui implique une
dimension de provocation comme pour Laurent Baffie qui a longtemps été associé à
l’émission Tout le monde en parle de Thierry Ardisson.
Souvent, avant que la discussion ne s’engage, il arrivait que le présentateur
demande à la personnalité politique comment il doit s’adresser à elle. L’enjeu de
cette négociation était principalement d’abandonner le formalisme des titres et
passer éventuellement à l’utilisation du prénom.
24
Il a été observé que dans les talk-shows nocturnes, l’usage du prénom ou du
diminutif est souvent employé après la phase de négociation avec l’invité.
« C’est le ministre de la vache folle voici Johnny alias Jean Galvany » (…)
« Monsieur le Ministre…Vous préférez Monsieur le ministre ou Johnny ? » est ainsi
accueil Jean Galvany par Thierry Ardisson qui vont par la suite consentir de l’usage
prénom voire du surnom.
Chez Fogiel, à peu près le même cas de figure s’opère avec Nicolas Sarkozy24 « On
vous appelle comment ? Monsieur le Ministre, Monsieur le Maire, Nicolas, Nico ? »,
lui demandait-il alors à son arrivée.
Quant à Vivement dimanche, on remarque une certaine différence dans le contact
avec les représentants politiques. En effet, Drucker ni ne tutoie ni n’emploie l’usage
du prénom, ou alors dans peu de cas.
Il utilise un vouvoiement sans marques de distances pour rester dans le style
décontracté.
Ces modes d’adresse traduisent un processus de désacralisation de l’invité et une
volonté de marquer la proximité.
Le genre d’émission comme celle d’Ardisson ou de Fogiel serait plus ressemblante
de celle de Ruquier à première vue. En effet, elles ont toutes les trois la particularité
d’être des talk-shows nocturnes, diffusés en deuxième partie de soirée pour Tout le
monde en parle et On n’est pas couché (prime time pour On ne peut pas plaire à
tout le monde). Mais également de mêler politique et divertissement autour d’une
Invité dans l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », Nicolas Sarkozy était alors
Maire de Neuilly et Ministre de l’Intérieur.
24
25
table
composée
de
personnalités
politiques
mais
aussi
culturelles.
Les
ressemblances se font donc dans le concept car dans la mise en scène et plus
particulièrement dans les modes d’adresse, l’émission de Ruquier ressemble plus à
celle de Drucker. Il y a cette même volonté de désacralisation du politique avec ce
vouvoiement sans marques de distance ainsi que la volonté de décontraction
assumée par la tenue vestimentaire.
Cependant, au niveau scénique, on ne retrouve pas du tout les mêmes éléments.
Vivement dimanche étant au plus proche de son invité, il n’y a pas de table mais un
fauteuil autour duquel se retrouvent : le présentateur, la personnalité politique et ses
proches plus les chroniqueurs de l’émission.
On peut tout de même noter que l’émission On n’est pas couché innove car en plus
d’une table avec le présentateur au centre et les invités et chroniqueurs autour, il y a
également le fauteuil de l’invité. A savoir, un petit fauteuil d’une place, situé de
chaque côté du présentateur (car certains invités peuvent venir à deux pour
présenter une activité commune) et disposé entre ce dernier et les autres invités. La
personnalité qui est donc interrogée sur le moment passe dans le fauteuil des invités
et se retrouve face aux chroniqueurs, un peu seule contre tous.
Enfin l’une des grandes divergences entre le concept On n’est pas couché et celui
des talk-shows qui ont émergés début 2000 consiste principalement dans le contenu
du débat.
26
Visuels de mise en scène : Jean-François Copé et Cécile Duflot
27
28
Partie II : Les éléments constitutifs du débat
1. Une accroche d’actualité qui engage le débat
Toutes les personnalités sont invitées sur la base d’une actualité récente. Il
s’agit en général de personnes qui ont fait l’actualité de la semaine. Il peut, ainsi,
s’agir de comédiens, humoristes, écrivains, chanteurs… Mais ils peuvent également
être présents pour commenter l’actualité médiatique de la semaine. Tout au long de
29
l’émission, le présentateur, les chroniqueurs et les invités interviennent et échangent
autour de ces thèmes mais ils élargissent également à d’autres sujets.
L’invité politique intervient donc souvent pour réagir face à l’actualité politique
de la semaine, il peut donc s’agir d’une réforme, d’une grève, d’un « scandale » mais
également donner son avis sur un sujet précis concernant son parti politique mais
pas forcément. Dans beaucoup de cas, la personnalité invitée vient présenter un livre
qu’elle vient de sortir, ce qui est par exemple le cas de Dominique de Villepin dans
notre corpus.
Jean-François Copé a donc été invité sur le plateau de l’émission suite à sa
nomination en tant que nouveau secrétaire de l’UMP et afin également de
commenter l’actualité politique de la semaine25.
Cécile Duflot26 a quant à elle été invitée pour parler des Verts et du projet Europe
Ecologie27.
Enfin Jean-Luc Mélenchon et Dominique de Villepin sont venus respectivement pour
principalement parler des résultats électoraux et de l’actualité politique28, et pour
parler de la sortie de son livre « De l’esprit de cour »29.
Dès que la personne arrive, Ruquier rappelle rapidement qui elle est et son
actualité si elle en a une qui la concerne directement et introduit alors le débat. Il
Les autres invités ce jour-là : Mustapha El Atrassi (humoriste), Cécilia Bartoli (cantatrice),
Benjamin Biolay (chanteur), Sylvie Tellier (directrice du Comité Miss France) et Laury Thilleman
(Miss France 2011), Dr Irène Frachon (médecin)
26 Secrétaire nationale des Verts.
27 Les autres invités ce jour-là : Joséphine Dard (fille de Frédéric Dard) et son mari Guy Carlier,
Jeannie Longo (cycliste), François Morel (comédien), Amanda Sthers (écrivain).
28 Les autres invités ce jour-là : Barbara Schulz et Charles Berling (acteurs), Frédérick Bousquet
(nageur), Caroline Fourest (essayiste).
29 Les autres invités ce jour-là : Maureen Nisima (championne du monde d’escrime), Stéphane
Guillon (humoriste), Catherine Hiegel (comédienne), Mathilda May (comédienne).
25
30
peut y avoir des petites digressions à l’arrivée comme par exemple pour JeanFrançois Copé et pour Jean-Luc Mélenchon, les premiers mots du présentateur font
référence directe aux élections présidentielles et à leur (possible) candidature.
« Bienvenue Monsieur Copé. Vous avez vu, rien que des stars pour vous accueillir
ce soir. On sent qu’on reçoit un futur Président (de la République), on a dit on reçoit
Monsieur Copé et il y a tout le monde qui voulait être là on ne sait jamais ce qui peut
se passer en 2017, voire en 2012 ».
« Le futur Président de la République, Jean-Luc Mélenchon, je peux attaquer comme
ça Monsieur Mélenchon puisque c’est officiel vous voulez être candidat à la
Présidentielle de 2012 ».
Ces remarques ne font pas référence directement à l’actualité concernant laquelle le
représentant politique est venu débattre mais font souvent référence à une
information concernant une situation particulière de cette personne.
Pour M. Copé il s’agissait donc de rebondir sur des propos concernant sa volonté de
se présenter aux présidentielles mais de 2017 seulement pour garder la cohésion de
l’UMP dans le cas où le Président sortant serait amené à se présenter en 2012.
En ce qui concerne Mélenchon, il s’agit du fait qu’il soit Président de son parti
politique et qu’il serait donc logique qu’il soit candidat.
Cécile Duflot est d’abord remerciée de sa présence et le présentateur fait alors
référence à une anecdote pour introduire l’arrivée de cette dernière.
31
« Bienvenue, merci d’avoir accepté notre invitation, notre deuxième invitation30 parce
qu’on avait fait connaissance il y a déjà quelques mois. Vous étiez encore qu’une
gamine, pardon, dans la politique mais maintenant grâce à nous c’est l’ascension.
Vous en pensez quoi Madame Soufflot ? ». Avec cette dernière remarque, le
présentateur faisait référence à la façon dont le Président Sarkozy avait appelé la
Secrétaire des Verts car il ne la connaissait pas encore à l’époque.31
Lorsque de Villepin arrive sur plateau, le présentateur rentre presque directement
dans le vif du sujet après une petite remarque le temps qu’il s’installe.
« Je vous imagine bien avec une épée, tiens, vous Monsieur de Villepin. Vous avez
déjà pratiqué l’escrime ? »32, puis de passer à son ouvrage « Oublions l’épée encore
que sous forme d’autre duel on y viendra dans quelques instants mais c’est vrai que
ce livre est d’actualité d’abord avec ce remaniement qui n’en finit plus ».
Durant la phase d’introduction, à travers son discours, le présentateur amène alors le
débat, il peut soit retracer rapidement l’actualité de la personne soit commenter
l’ouvrage si celle-ci vient en présenter un.
Pour Copé, il s’agissait en premier lieu d’aborder sa nomination en tant Secrétaire de
parti UMP. Il raconte alors comment il a vécu son éviction du gouvernement et
comment il s’est investi dans le parti et principalement grâce à sa nouvelle position
Cécile Duflot avait participé à la première émission de la saison 2009-2010, le 5 septembre
2009. Elle était alors tête de liste des Verts pour les élections régionales de 2010.
31 Le 7 septembre 2009, interrogé en marge de son déplacement au Brésil sur la taxe carbone, le
Président français a appelé le secrétaire national des Verts, Cécile Duflot , «Madame Soufflot».
«Mais qu’est-ce que voulez que je lui dise à Madame Soufflot?», s’est-il justifié, revenant sur la
polémique concernant le prix de la tonne de CO2.
32 Remarque en référence à la championne du monde d’escrime, Maureen Nisina présente sur le
plateau. Remarque à laquelle il répondra que non et qu’il préfère laisser cela a des gens
beaucoup plus talentueux que lui.
30
32
de Secrétaire général. Le registre émotionnel est invoqué mais même s’il s’agit d’un
ressenti, il ne s’agit pas de vie privée mais d’un fait politique raconté d’un point de
vue personnel. Tout cela pour amener sa participation au projet du parti, son
ambition, comment il voit les choses.
Il affirme, en effet, que cela lui a été salutaire en l’aidant à se reconstruire et il
considère que c’est le meilleur moyen de servir son pays.
Au fur et à mesure le débat s’engage sur plusieurs thèmes. Interrogé alors sur la
possible candidature de D. de Villepin aux présidentielles. Il s’exprime alors sur le
sujet et sur l’unité du parti surtout en cohésion avec la stratégie du Président.
Il enchaine ensuite sur la réorganisation du parti. Il revient également sur l’actualité
de la semaine et notamment sur les propos de Brice Hortefeux qui avait alors qualifié
de « pagaille » les intempéries de décembre 2010.
Ils abordent également les 35 heures, mais surtout la crise qui fait réagir beaucoup
d’invités autour de la table. Sujet qui amène la discussion sur le travail, mais aussi le
bien-être au travail avec les suicides. Les invités n’hésitent pas à émettre des
critiques contre le gouvernement en évoquant des scandales comme l’affaire
Gaymard33, les rémunérations des représentants politiques comme par exemple les
députés et des avantages dont ils bénéficient. Cela mène directement à l’un des gros
sujets de l’actualité qui est les retraites. Mais le débat dérive rapidement vers l’échec
L'affaire Gaymard concerne en 2005 le logement du ministre de l'Économie, des Finances et
de l'Industrie français Hervé Gaymard. Elle est déclenchée par un article du Canard enchaîné
paru le 15 février 2005 révélant que le ministre, son épouse Clara et leurs 8 enfants logent dans
un duplex parisien de 600 m2 payé 14 400 euros par mois par l'État. Et ce, alors même que
l'appartement du boulevard Saint-Michel dont ils étaient propriétaires, qui semblait leur
convenir notamment du point de vue de sa superficie, avait été mis en location pour leur
procurer des revenus.
33
33
du projet d’hyper Parlement de Copé puis sur les communautés. Ce débat amène le
secrétaire de l’UMP à s’exprimer sur une remarque qu’il avait faite concernant Martin
Hirsch34.
Il parle alors du livre que Hisrch a sorti et dans lequel il dénonce Gérard Longuet sur
la base d’informations confidentielles et il l’avait diffamé à cette occasion en portant
atteinte à son honneur. Naulleau ne comprend pas en premier lieu et même
Zemmour intervient pour dire qu’il ne comprenait pas le rapport. Copé reprend alors
en insistant que c’était dans ce cadre là qu’il avait fait la remarque sur les « justes »
et donc que ce n’était absolument pas honnête d’avoir fait cela à Longuet.
Les chroniqueurs comprennent alors même s’ils soulignent que la remarque est très
subtile et qu’il aurait fallu un dictionnaire pour pouvoir la comprendre.
Enfin, le dernier sujet abordé et pas des moindres, il s’agit du Médiator. Il s’exprime
alors sur la question en évoquant souvent le fait qu’il s’agisse d’une tragédie mais en
justifiant la position du gouvernement par le fait qu’il est nécessaire d’avoir des
industries françaises même si elles sont privées car cela permet un meilleur contrôle
même si malheureusement il peut toujours arriver des problèmes comme pour le
Médiator. Il défend la façon dont cela a été géré par le Ministre de la santé de
l’époque qui était alors Xavier Bertrand.
Pour lui il, est important d’avoir une industrie pharmaceutique française avec ses
chercheurs. Il rend hommage à ces derniers en parlant d’une histoire personnelle
quand il était petit il y avait des médecins chercheurs dans sa famille qui ont
Il avait alors fait un rapprochement avec leurs histoires personnelles en parlant du fait que
leurs familles aient été sauvées par des « justes ».
34
34
énormément contribué à la recherche sur le SIDA et le cancer. Il connaît donc la
valeur des chercheurs français et leur importance dans les industries. Et qu’il est
donc important d’avoir des industries pharmaceutiques françaises et ne pas avoir à
dépendre des industries étrangères où là il serait impossible de savoir ce qu’elles
font.
Les seules mentions, un peu « personnelles » sont donc directement liées à la
politique, qu’il s’agisse de la clarification de la remarque faite concernant Martin
Hirsch ou du souvenir de son enfance et des médecins de sa famille. En effet, à
chaque fois, cela était pour justifier un élément lié directement à la politique.
Lorsque Cécile Duflot arrive, après avoir évoqué l’anecdote « Soufflot », la
discussion s’engage sur les compliments et les Verts. Ruquier affirmant que les Verts
« ne se complimentent pas beaucoup », elle répond alors qu’il y a beaucoup d’affectif
au sein du parti politique et que l’on peut distinguer une dimension politique mais
aussi une dimension affective car il y a eu souvent de grands débats politiques
derrière lesquels se déguisaient beaucoup d’histoires personnelles. « Souvent, on
oublie qu’en politique il y a aussi des humains (…) Contrairement à ce que l’on croit
les hommes et les femmes politiques ne sont pas que des machines. »
Elle est donc ensuite interrogée sur la différence entre les Verts et Europe Ecologie,
la marche à suivre pour adhérer à Europe Ecologie dans le cas où il n’y aura pas
déjà une adhésion aux Verts par exemple. L’explication est très attendue et Duflot se
35
défend déjà en admettant qu’ils ne sont « peut être pas bons pour expliquer » la
procédure qui pour elle est très simple.
Sans qu’elle n’ait le temps de s’exprimer complètement sur le sujet, le débat est
amené vers « l’incapacité » des Verts à s’entendre. Duflot s’exprime alors sur les
différentes tensions qui ont eu lieu au sein du parti et qui ne donnaient pas envie de
le rejoindre car il y avait des querelles mais aussi une remise en cause de la
légitimité d’un parti politique écologique.
Elle rappelle, alors, que sur le site internet d’Europe Ecologie, en plus de l’adhésion
on retrouve sur le site la charte et les valeurs du projet écologique, les justifications
mais aussi les explications « analyse du monde, constat d’une crise globale qui est à
la fois économique, écologique et sociale où les différents niveaux s’interpénètrent et
les anciennes solutions notamment basées sur le gaspillage ne fonctionnent plus »
ainsi que le rappel de valeurs importantes comme le féminisme ou encore l’égalité
des droits.
La discussion s’engage ainsi sur les élections présidentielles et bien sûr le
présentateur demande alors à Duflot qui sera le candidat Verts/Europe Ecologie et
affirme que cela sera sûrement elle. Elle répond un peu à la manière de Mélenchon
en disant qu’il n’y a pas de bonne réponse possible et que son ambition pour le
moment n’est pas d’être à la tête de l’Etat. Alors qu’elle explique la difficulté de
mener une campagne présidentielle, de son expérience lors des précédentes
campagnes « Je sais ce que ça veut dire la campagne présidentielle pour de vrai,
vous portez à vous toute seule sur les épaules… », quand le présentateur ajoute
36
alors « Plus de vacances » et à Naulleau d’ajouter une remarque sur ses vacances
aux Maldives « Adieu les Maldives ».
Le débat dérive alors sur ses vacances aux Maldives mais toujours lié à la politique
car les chroniqueurs et notamment Zemmour expliquent alors qu’elle a pris pour les
Verts en général car ils font la morale à tout le monde concernant l’écologie et que
pour une fois ils ont été attrapé. Il compare la situation à « un curé au XIX e siècle
qui prônait la vertu et qui est attrapé au bordel ».
Ruquier enchaine alors sur le fait de la notoriété politique qui implique qu’une
personnalité politique ne puisse plus faire quoi que ce soit sans que cela ne se
sache.
Duflot rebondit sur le débat, « J’ai essayé de politiser cette histoire », en affirmant
que l’on s’est attaqué à elle, notamment avec cette histoire de Maldives car dans le
monde politique, il y a surement eu une prise de conscience des opposants que les
écologistes pouvaient être des adversaires dangereux particulièrement après leur
résultat aux Européennes (16%). Elle fait à nouveau référence à l’ampleur prise par
l’histoire de ses vacances en évoquant une invitation à une émission politique d’une
grande radio et que sur 10 minutes d’interview, 6 minutes étaient consacrées à ses
vacances.
Le thème de la discussion revient alors sur les élections présidentielles, avec le
présentateur qui fait d’abord le point sur les élections à venir (cantonales,
régionales…). Ce qui amène Duflot à parler du régime parlementaire au RoyaumeUni qui pour elle est un bon système. Et qu’en France depuis que Jospin a inversé le
37
calendrier des élections plaçant les élections présidentielles avant les élections
législatives « Ça pose deux problèmes. Le premier c’est qu’on parle moins du projet,
on parle de l’individu, est-ce que la personne c’est la bonne personne pour être
Président de la République ? On va se poser la question de savoir qui il est, avec qui
il vit, ce qu’il mange, est-ce qu’il fait du sport, est-ce qu’il est bronzé ; et on sort du
débat politique.» (…) « C’est devenu l’élection la plus importante dans laquelle on ne
parle plus de projet. Pour nous, on n’est pas fan de cette personnalisation extrême. »
Le débat continue alors mais sur des thèmes plus généraux, en traitant des crises à
l’énergie en passant par l’agriculture mais toujours rattachés à l’environnement et
l’écologie.
A Cécile Duflot de conclure sur ces thèmes : « La force de l’écologie c’est d’être
souple et adaptable à toutes les situations ».
Enfin, les derniers thèmes abordés sont les inondations avec notamment la tempête
Xinthia et le problème des zones inondables dans lesquelles il y a eu des maisons
de construites mais aussi « l’échec » du Sommet de Copenhague avec la Chine qui
refuse les contraintes d’émissions car sont considérées comme frein à leur
développement économique.
L’intervention se conclut sur le système de retraite écologique. En effet Duflot tente
d’expliquer la conception écologique de la retraite avec le développement
notamment d’un secteur social et solidaire qui apporte à la société et ne rentre pas
dans la logique du secteur marchand traditionnel et « qui est à la fois un gisement
38
d’emploi, d’activité, de sens du travail qu’on effectue et qui permet à une société de
vivre mieux ».
La discussion se termine alors sur le plan de sauvetage de la Grèce et donc sur le
point de vue des Verts concernant cette crise et l’euros.
D’un point de vue général, de gros thèmes sont abordés dans l’émission. Ces
derniers sont donc pour la majorité liés à l’actualité, à la personne interrogée, à son
parti…
En plus des sujets qui ont été traités dans les émissions avec Jean-François Copé et
Cécile Duflot on peut rapidement revenir sur ceux traités en présence de Jean-Luc
Mélenchon et de Dominique de Villepin.
Ainsi, le président du Parti de gauche lors de son passage dans l’émission s’est
retrouvé à discuter de son altercation avec un journaliste et plus généralement de
son mépris pour les personnes qui exercent cette profession, des résultats des
élections régionales, les divergences et convergences avec la gauche, de la laïcité et
de la burqa, et enfin les retraites avant de conclure sur les conditions de travail dans
les entreprises.
Dominique de Villepin était, quant à lui, venu présenter son livre « De l’esprit de
cour ». Il évoque alors sa relation avec Nicolas Sarkozy, son avis sur la politique du
gouvernement, le remaniement ministériel. Il est interrogé sur sa possible
candidature aux présidentielles avec son nouveau parti, et de son possible face à
face avec le Président de la République.
39
Il évoque les réformes du gouvernement comme celle qui concerne les ROMS et
dénonce l’objectif de réélection derrière les actions mais aussi le « pouvoir
médiatique et judiciaire » qu’il appuie par l’affaire Bettencourt.
Ce qui ressort donc des débats étudiés est l’accroche d’actualité qui permet
d’introduire et de lancer la discussion. Les échanges se font alors plus interactifs
avec un débat de fond sur des sujets qui sont d’actualité pour la plupart mais pas
toujours. L’organisation de la discussion se fait alors presque naturellement avec le
présentateur aux commandes pour mener l’échange. La parole est donc ponctuée de
postures et d’intervention diverses sur le plateau qui accompagnent mais aussi
modifient parfois l’échange.
2. Les interactions et postures : invités/présentateur/
chroniqueurs
Le présentateur orchestre l’organisation du débat, il a un certain « ordre du
jour » des sujets qu’il voudrait aborder avec l’invité et essaye de s’y en tenir un
maximum. Cela peut s’observer par le biais de ses fiches, par exemple, qu’il consulte
régulièrement juste avant de prononcer une phrase du type « Alors par exemple, je
voudrais que vous m’expliquiez… », « Justement on va en parler », « Venons-en
a… », « Passons à un autre sujet alors », ou encore « Passons à un autre dossier de
la semaine ».
Il n’hésite pas à relancer si les explications ne sont pas suffisantes « Vous n’avez
pas répondu à ma question » (à Cécile Duflot).
40
On peut considérer qu’il est l’arbitre de la parole avec le pouvoir de la donner
à qui souhaite s’exprimer. On le voit, ainsi, souvent dire « On laisse la parole à
XXX », « Laissez XXX parler», « Attendez, XXX voulait intervenir», « Je vous voyais
écouter, vous en pensez quoi/vous souhaitez réagir ? », « On laisse finir XXX ».
Une fois que le débat est engagé, il arrive que les chroniqueurs interviennent en
coupant la parole à la personnalité qui s’exprime pour réagir à ce qui est dit.
Mais Ruquier n’hésite, alors, pas à faire remarquer au chroniqueur en question, sur
les émissions étudiées il s’agissait principalement d’Eric Zemmour, qu’il n’a pas
encore la parole « Zemmour, d’abord je ne vous ai pas encore donné la parole »35 .
Car lorsque vient enfin le tour aux chroniqueurs de s’exprimer, il l’énonce, alors,
clairement « Avant de donner la parole aux deux Eric je voudrais revenir sur… », ou
encore « Je vais vous laisser aux mains de nos deux Eric qui sont tous les deux
journalistes » (en s’adressant à Jean-Luc Mélenchon), « Je vous livre Jean-François
Copé, je commence par Eric Zemmour », « Allez Zemmour je vous laisse la parole ».
On peut dire que cela marque la fin de « l’introduction » faite par le présentateur et
que le débat est donc engagé, aux chroniqueurs de réagir. La scène peut être
comparée à l’introduction d’un spectacle, une fois présentée, la personne se retire de
la scène. Dans le cas présent, Laurent Ruquier ne se retire pas physiquement de la
scène mais par ses paroles, on comprend qu’il a introduit le débat et il se pose alors
Eric Zemmour était alors intervenu exaspéré en affirmant à Cécile Duflot « Vous avez le génie
de faire de votre médiocrité et de votre incapacité à vous entendre un élément de démocratie
participative ». La Secrétaire des Verts a donc répondu à sa remarque en délaissant celle faite en
premier lieu par Laurent Ruquier, d’où la phrase sur le fait que Zemmour n’avait pas encore la
parole à ce moment là.
35
41
en observateur actif. A savoir qu’il ne se contente pas de regarder ce qui se passe
mais intervient tout au long de l’émission, participe aux échanges et mène le débat.
Il arrive que plusieurs personnes souhaitent réagir en même temps, que ce soit les
chroniqueurs mais parfois les autres invités également. Le présentateur établit un
ordre de parole, il établit un ordre de passage avec une phrase du type « D’abord
XXX ensuite YYY » et il arrive également qu’il veuille s’exprimer aussi sur le sujet, il
rajoute donc une phrase comme « Je rajouterai quelque chose à ce sujet-là ».
Il réagit onc souvent à ce qui vient d’être dit, parfois sur un ton plus sérieux que
d’autres fois où il fait des blagues qui sortent parfois du sujet. Mais on peut, ainsi,
l’entendre réagir en disant que « c’est intéressant », ou que « c’est important ce qui
vient d’être dit » et peut relancer sur ce qu’il vient d’entendre ou encore ajouter des
éléments que ce soit pour clarifier les propos, apporter une explication ou tout
simplement pour donner son avis.
Lorsque des échanges s’engagent, notamment, entre l’invité et les chroniqueurs, il
se pose souvent en observateur, l’échange continue son cours et le présentateur
intervient ponctuellement mais souvent un court instant. Il peut également intervenir
pour recentrer le débat si la discussion venait à s’en éloigner un peu trop
« Revenons sur le fond, tout ça est anecdotique », « On s’égare là, revenons au
sujet ».
Il relève parfois des remarques qui n’ont pas été entendues ou fait réagir les autres
invités autour de la table. Il est donc le maître sur le plateau en « distribuant » la
42
parole selon l’ordre qu’il s’est fixé mais aussi en laissant des personnes qui ne sont
pas directement concernées (le reste des invités), s’exprimer sur les sujets.
« Caroline Fourest veut dire quelque chose », « Charles Berling ? »36, « Benjamin
Biolay veut intervenir et je vous laisse répondre tout de suite derrière (en s’adressant
à Copé) », « Eric Naulleau, mais avant je crois que Sylvie Tellier voulait dire quelque
chose »37.
Les invités parfois remarquent et mettent en avant cette position du présentateur
dans l’émission. Comme par exemple Jean-Luc Mélenchon qui l’interpelle alors « Il
se tient au courant l’homme, on comprend pourquoi c’est vous le chef ici » pour
souligner sa connaissance du sujet et justifier le fait qu’il soit aux commandes de
l’émission.
D’ailleurs lors de cette émission, le débat est d’emblée un peu houleux, Mélenchon a
la réputation d’un fort caractère et de dire ce qu’il pense « Ah non, non, non mais
vous êtes fous dans ce pays. Dès que quelqu’un fait quelque chose et il se fait
remarquer on lui dit qu’il veut être candidat». Telle a été la réaction du président du
parti de gauche à la remarque du présentateur qui affirmait qu’il était sûr qu’il allait se
présenter aux élections présidentielles de 2012.
Dans cette émission là, le débat a commencé très tôt, le chroniqueur Eric Zemmour
intervenant alors pour interpeller Mélenchon sur sa réaction.
« Hop pop pop vous attaquez fort là! », réagit ainsi Zemmour. A Mélenchon de lui
répondre : « Ah bah il a démarré sec ! ». Et Ruquier admet alors qu’il y est allé un
36
37
Emission du 24 avril 2010 en présence de Jean-Luc Mélenchon
Emission du 11 décembre 2010 en présence de Jean-François Copé
43
peu fort puis Zemmour commente la réaction du Président du parti de gauche en
affirmant qu’il a « sur réagit ».
Le journaliste avait alors coupé plusieurs fois la parole à Ruquier pour faire des
commentaires, soit sur la réaction de Mélenchon, soit sur les propos du présentateur.
Cela avait également été le cas lors de la présence de Cécile Duflot avec une
intervention du chroniqueur assez tôt dans l’échange avant même que Ruquier n’ait
fini de questionner la Secrétaire des Verts. Ce qui avait d’ailleurs été à l’origine de la
remarque faite par ce dernier concernant le fait qu’il n’avait pas encore donné la
parole au journaliste.
Dans toutes les émissions étudiées, les échanges ont été plutôt animés avec des
remarques parfois cinglantes de la part des chroniqueurs qui n’y vont pas avec le
dos de la cuillère pour exprimer ce qu’ils pensent. C’est qui fait d’ailleurs la
particularité (et popularité) de ce duo de journalistes aux interventions pertinentes sur
les débats de fond.
D’ailleurs la réputation des chroniqueurs les précède et souvent la personnalité fait
une remarque sur la réaction à venir de l’un ou l’autre chroniqueur.
Jean-François Copé avait alors critiqué vivement Eric Naulleau « Dites-donc, je vous
trouve bien indulgent vous tout à coup. […] C’est scandaleux (…) je ne veux pas
vous gâcher la fin de la soirée parce que c’est vos copains mais bon oh quand
même !». Cette réaction avait été suscitée lors d’une discussion concernant la
position du Parti Socialiste au sujet des élections présidentielles de Côte d’Ivoire.38
La discussion portait sur la position de Copé et donc de l’UMP concernant les élections
présidentielles ivoiriennes à la fin desquelles le pays s’est retrouvé avec deux présidents
38
44
Cécile Duflot alors que connaissant les idées et opinions d’ Eric Zemmour, elle savait
pertinemment qu’ils n’avaient pas les mêmes. Pourtant elle s’est retrouvée à être
d’accord avec lui et n’a pas hésité à le mettre en avant, tellement cela est rare et
inattendu et peut surprendre « Vous avez raison, ce n’est pas une bonne formule.
Eric Zemmour a raison sur un truc, je l’ai dit, je l’ai dit ! ».
D’ailleurs, elle a souvent répété des phrases comme « vous avez raison », « je me
suis mal exprimée », « c’est vrai on n’est pas bons », « c’est peut être moi qui ne
suis pas bonne ». Cela apparaît comme un manque de confiance en soi, du fait de
sa jeune expérience dans le domaine de la politique et face à la critique. Elle a
parfois du mal à se faire entendre, il y a des rires, des digressions avec des blagues
pendant qu’elle s’exprime, dans certains moments où elle traite de sujets sérieux. Il
arrive donc qu’il soit difficile de s’expliquer alors que sur le plateau, tout le monde
rigole et personne n’écoute. « Non mais c’est important ce que je viens de dire »,
mais tout le monde rigole déjà à la blague faite sur les Maldives par Eric Naulleau.
Ruquier qui est d’ailleurs en plein rire à ce moment là répond même « Oui bien sûr »
avec un total manque de sérieux. Cela a eu pour effet de déstabiliser l’invitée qui en
finit par abandonner son discours et rigoler également.
Malgré ce manque d’aise qui peut se faire ressentir à certains moments, elle n’hésite
pas à interpeller les chroniqueurs face à elle, à dire quand elle n’est pas d’accord ou
même de raconter des anecdotes qui font rire. « Non mais je veux dire un truc,
lorsqu’il évoque la position « lamentable » et « scandaleuse » du PS qui avait d’abord soutenu
Laurent Gbagbo avant de faire un communiqué qui rétractait cette position et soutenait
finalement Alassane Ouattara.
45
quand je dis des choses générales, c’est stratosphérique et quand je donne des cas
particuliers c’est microcosmique ». Elle réagit également au comportement (langage
du corps, expression du visage) des chroniqueurs lors de certaines explications ou à
l’énonciation d’un point de vue. Aussi, Duflot s’est adressée à Naulleau par exemple
qui faisait la moue pendant qu’elle argumentait, elle lui fait ainsi la remarque « Vous
pouvez faire moum moum moum (en hochant de la tête simultanément) » avant de
reprendre son explication.
Il arrive, cependant, que les chroniqueurs soient d’accord avec l’invité, ce qui
surprend parfois la personnalité politique elle-même. Comme pour Cécile Duflot qui
critiquait alors le laisser-faire de l’Etat concernant la construction d’habitations en
zone inondable et lors de son discours, elle est de plus en plus engagée, elle fait de
grands gestes avec les bras en même temps qu’elle soutient du regard Eric
Zemmour comme pour le contrer avant même qu’il n’est le temps de parler. Mais,
surprise, il la coupe en déclarant « Ne me regardez pas comme ça, pour une fois je
fais comme vous, je suis d’accord avec vous. » après deux tentatives de parole. Elle
s’arrête alors brusquement de parler et ne trouve rien à affirmer à par « Waw, c’est
grave cette soirée ! ».
Ou alors Eric Zemmour qui « soutient » Copé dans son explication sur les
présidentielles de 2017 « Vous nous expliquez que vous êtes candidat aux élections
de 2017 et en même temps que vous allez vous battre loyalement pour la réélection
de Nicolas Sarkozy en 2012. Personne ne vous croit, moi je vous crois, voyez
comme je suis ». D’ailleurs, quelques instants plus tard, Copé revient à Zemmour et
46
se trouve également d’accord avec lui sur un point « je suis bien d’accord avec vous
que les des courages politiques est de reconnaître ses erreurs ». Par la même
occasion, au cours de ce débat qui concernait l’euro, Naulleau est alors clairement
intervenu pour affirmer son accord avec le point de vue de Maire de Meaux.
« Vous avez raison sur ce point, le Parlement a été obligé de reculer ».
« Nous avions eu un échange sur la burqa et de manière assez surprenant nous
étions d’accord ».
Cependant, la particularité du duo de chroniqueurs est bien sûr d’exprimer leurs
opinions et elles ne vont pas souvent dans le sens de l’invité.
Ils utilisent des
métaphores mais aussi des mots directs, précis parfois très familiers pour
argumenter, critiquer ou alors démontrer.
Les différents échanges sont perçus par certains comme un « jeu » dans lequel on
remporterait des points en fonction de la solidité des arguments. Copé avait alors
réagit face à Naulleau en affirmant « Vous avez une bonne mémoire, moi aussi,
c’était il y a quelques années mais je me souviens bien de l’échange. D’ailleurs vous
ne l’aviez pas complètement gagné celui-là ».
A Naulleau de répondre « Ah parce qu’il y en a d’autres qui… » et Copé affirmer
alors « Ah mais moi je suis très fair play ».
Ainsi, même s’ils n’ont pas forcément les mêmes opinions, si parfois les échanges
sont vifs et crus, il y a une connexion entre les différents protagonistes qui font du
débat et de l’émission, ce qu’ils sont.
47
Enfin, les autres invités, présents autour de la table, ne sont pas en reste dans
le débat. Ils sont souvent conviés à s’exprimer et n’hésitent pas à intervenir pour
certains sans forcément y avoir été invité précédemment.
Comme énoncé précédemment, la tâche revient au présentateur d’ « attribuer » la
parole. La plupart du temps avant de laisser un chroniqueur ou l’invité lui-même
répondre, il intervient et propose à l’un des invités de réagir. Il aperçoit parfois des
personnes qui souhaitent intervenir et n’osent pas le faire.
Ainsi, lors du débat en présence de Copé, on a pu voir intervenir Sylvie Tellier ou
encore Benjamin Biolay qui ont tous les deux fait des interventions pertinentes tout
au long de l’émission. Ils notamment évoqué des thèmes tels que les scandales
concernant les rétributions des ministres et plus particulièrement des logements avec
l’affaire Gaymard (par Sylvie Tellier) mais également les conditions de travail et les
suppressions de postes.
Ces remarques engagent un vrai débat qui prolonge ou relance la discussion déjà
engagée. Copé s’adresse alors à ces derniers sur le même ton calme et se
positionne sur son fauteuil de manière à se trouver face à son interlocuteur.
Il en va de même pour Jean-Luc Mélenchon qui a été sollicité par Caroline Fourest
ou encore Charles Berling. Encore une fois, toujours pour discuter de débats de
fonds tels que la burqa et le buzz médiatique avec les journalistes.
En revanche, Cécile Duflot et de Villepin, quant à eux, n’ont pas eu beaucoup
d’échanges avec les autres invités, malgré les tentatives de Ruquier de les faire
participer, cela n’a jamais vraiment eu d’impact sur le débat.
48
3. Talk-shows et débats : les évolutions
Sur la forme, il avait été observé précédemment des points de
convergence et de divergence entre les premiers talk-shows des années 2000 et
l’émission actuellement étudiée.
Il s’agit maintenant, d’observer sur le fond, autrement dit, concernant le contenu à
proprement parler si l’on peut distinguer ou rapprocher des éléments dans la
constitution du divertissement.
En étudiant donc le discours prononcé par les personnalités politiques dans ces
émissions, on remarque alors que dans la construction et l’organisation de celles-ci,
il apparaît une volonté de rompre avec le discours politique.
En effet, l’apparition de ces émissions de télévision à vocation divertissante marque
une tendance fédératrice : il s’agissait alors du « refus ou de la marginalisation du
discours politique ». Autrement dit, la présence d’une personnalité politique sur le
plateau n’aura pas pour volonté de leur permettre de s’exprimer sur de grands
projets politiques ni de discuter de leurs opinions, notamment de leur positionnement
dans les luttes partisanes.
Aussi, ces émissions étant des talk-shows, le but n’était alors pas d’être un terrain
supplémentaire à la mise en scène de la parole politique à la télévision. En effet,
pour cela il existait déjà des émissions politiques qui sont donc entièrement
consacrées à des échanges de fond sur la vie politique.
49
Ce refoulement du discours politique est d’ailleurs énoncé clairement par Michel
Drucker lors d’un entretien avec Daniel Schneidermann39 au sujet de la création de
l’émission Vivement dimanche.
Il explique alors que l’idée lui est venue à l’occasion d’une fête pour les cinquante
ans du magazine Paris-Match. Les lecteurs avaient pu, en effet, redécouvrir des
anciens numéros du magazine avec par exemple Mauroy au camping, Giscard en
maillot de bain ou encore Rocard faire du planeur. Autrement dit, des hommes
politiques faisant des activités plus personnelles, ils sont observés dans leur vie
privée pendant leurs loisirs.
39
Emission Arrêt sur Image diffusée sur La Cinq, octobre 1999
50
Drucker continue son explication en évoquant le fait que lors de cette fête il avait
remarqué le plaisir que pouvaient ressentir les représentants politiques à côtoyer des
personnalités telles que des artistes ou autres vedettes diverses. Enfin il évoque
également une lassitude des élus mais également des téléspectateurs à l’égard des
émissions traditionnelles qui l’a menée au concept d’invitation politique le dimanche.
51
Cette explication met donc en lumière le parti pris de Drucker en ce qui
concerne son émission de divertissement. Mais lorsqu’on observe plus généralement
les talk-shows étudiés par Erik Neveu, on remarque alors un fond de thèmes
invariant même si le mode de questionnement d’une émission à l’autre est différent.
En effet, on remarque donc qu’il y a un fond commun d’échange entre Tout le monde
en parle, On ne peut pas plaire à tout le monde et Vivement dimanche. Ce dernier
s’organise autour de trois thèmes qui sont donc récurrents dans les trois émissions.
Le premier correspond à la biographie de l’invité. La personnalité présente alors une
succession d’expériences personnelles, ordinaires en parlant de son enfance, sa
famille, ses études ou encore des obstacles ou difficultés qui se sont dressés face à
elle.
La sollicitation autobiographique requiert un registre de la parole qui fait appel à
l’expérience en mettant l’accent sur les émotions. Cette dimension du discours est
principale chez Drucker et Ardisson. Au cours de sa narration, l’invité pouvait
mentionner son parcours politique mais il était convié à le faire en faisant appel aux
émotions, à un langage des sentiments. Ils évoquaient alors ce qu’ils avaient ressenti
à telle ou telle période de leur vie politique, par exemple les victoires ou les
défaites…
Par exemple dans Vivement dimanche, José Bové a été amené à parler de son
engagement et de son combat politique mais son discours avait été recentré sur
l’amour de sa terre et de son métier.
52
La parole des représentants politiques s’exprime alors autour de leurs passions et de
leurs goûts. Ils sont d’ailleurs invités à les valoriser, à développer autour de leurs
hobbies et à les mettre en scène. D’ailleurs dans cette émission, on peut recenser
les différents thèmes abordés avec les invités politiques. Il s’agissait principalement
de cinéma et théâtre, musique, causes humanitaires, bricolage-cuisine, sport et enfin
art et animaux.
Pour garder cet esprit d’histoires personnelles, toutes les discussions trop politiques
et qui ne rentraient pas dans le cadre du divertissement, étaient alors coupées. Le
présentateur changeant de sujet en posant une autre question par exemple.
Les invités, eux –mêmes, ont parfaitement conscience du code qui implique de ne
pas s’exprimer sur la politique. Dans Tout le monde en parle, il est arrivé qu’un
homme politique s’excuse d’avoir parlé politique. « Je ne sais pas si c’est le lieu pour
une conversation sérieuse et politique… », avait déclaré François Bayrou. « J’ai
parlé politique, pardon ! » s’était exclamé Michel Rocard.
Dans Tout le monde en parle, l’introduction de l’invité, passe également par une
biographie, son parcours… mais à l’inverse de l’émission de Drucker, dans le talkshow nocturne il était possible de parler politique. Sauf qu’il s’agissait d’une politique
utile, capable de donner du sens aux propos de l’invité. Cela pouvait également
concerner des polémiques ou des scandales politiques. La valorisation de la
polémique s’est d’ailleurs observée dans le choix des invités avec une volonté de
susciter des échanges vifs.
53
Le deuxième talk-show nocturne se rapproche de l’émission d’Ardisson par son
cadrage des échanges mais à l’inverse on y valorisait moins les polémiques et le
discours politique y était plus récusé. Cependant, on pouvait observer une mise en
valeur de personnages dits « atypiques » de par leur franc parler ou encore leur
« grande gueule » (Panafieu ou Mamère).
Enfin, le dernier élément qui est ressorti de l’analyse de Neveu concernait les invités
(autres que l’invité politique), à savoir une « une mixité sociale du statut des invités ».
Lors d’une même émission, il a été observé une diversité des personnes invitées. Il
s’agit en général de musiciens, comédiens ou humoristes, écrivains, ou encore
sportifs. Cela est valable pour les trois émissions même s’il faut nuancer la sélection
des invités pour l’émission d’Ardisson, qui implique une dimension de provocation
avec des invités qui peuvent s’associer à une connotation scandaleuse (des actrices
de porno par exemple).
L’optique du casting d’une telle émission fait apparaître une dimension de « mise en
danger » des invités politiques.
Cette caractéristique s’associe à la manière de questionner du présentateur, à savoir
s’il cherche à déstabiliser l’invité ou si au contraire il est très complaisant, acquiesce
souvent pour ne pas le contrarier. Chez Drucker, il est question de sympathie alors
que pour les deux talk-shows nocturnes, le ton est plus provocateur avec parfois des
questions déstabilisantes ou agressives. Ce rôle du « méchant » peut être attribué à
54
une autre personne sur le plateau comme Laurent Baffie chez Ardisson ou Gérard
Miller chez Drucker40.
Ces caractéristiques maintenant énoncées, il s’agit de les mettre en relation avec
celles observées dans l’étude de On n’est pas couché.
En ce qui concerne le mode de questionnement, Ruquier n’apparaît ni complaisant,
même s’il reste très sympathique envers ses invités, ni provocateur. Il aborde des
sujets qui peuvent « fâcher » mais dans les échantillons d’émissions observés, il n’y
a pas eu de réelles provocations de sa part même s’il titille beaucoup ses invités en
essayant de les amener à discuter d’un sujet donné. Cependant, lorsqu’ils ne veulent
pas s’exprimer plus sur un aspect, ils restent libres. Mais comme il s’agit de
discussion politique, les invités se prêtent souvent au jeu.
Ces observations concernent uniquement le présentateur car il y a bien sûr les
chroniqueurs qui se chargent des sujets qui fâchent sans prendre de gants et jouent
sur ce côté provocation. Ils ne sont pas toujours tendres avec les invités et il est
arrivé plusieurs fois qu’une personnalité quitte le plateau au cours d’un échange qui
aurait été trop virulent. Et c’est ce qui fait la particularité de l’émission, des
chroniqueurs « sans langue de bois » parfois agressifs qui poussent les invités dans
leurs derniers retranchements. La différence avec les précédents talk-shows est qu’il
s’agit là de deux personnes.
40 Il a présenté une critique politique plus agressive dans la deuxième partie de Vivement
dimanche avant d’être viré fin 2001 après avoir écrit sur la télévision et son personnel des pages
qui ont indigné Michel Drucker.
55
Cependant, ils interviennent moins pour réellement questionner mais plus pour
engager un débat de fond en émettant des critiques ou encore en faisant des
remarques pour donner leur opinion.
Un autre élément qui rapproche l’émission de ses prédécesseurs concerne la
sélection des invités. On retrouve, là encore, un casting d’invités aux activités
diversifiées. De vifs échanges peuvent alors s’engager entre la personnalité politique
et le reste des invités, et ils ne proviennent pas toujours des personnes qu’on aurait
attendues. Ce fut le cas notamment entre Jean-François Copé et la directrice du
Comité Miss France, Sylvie Tellier pour émettre une critique de fond.
Le choix du reste des invités est également indépendant de la volonté de l’invité
politique, comme cela était le cas pour Tout le monde en parle et On ne peut pas
plaire à tout le monde. Tandis que chez Drucker, la personnalité politique choisit ellemême les personnes qu’elle souhaite voir participer à l’émission. A noter que le choix
des invités chez Ruquier se fait en fonction de l’actualité et c’est ainsi que les
personnalités qui participent à l’émission ont toutes une actualité récente qu’elles
viennent promouvoir.
Enfin, le dernier point et non des moindres car il distingue clairement l’émission de
Ruquier de toutes les autres étudiées par Neveu. L’invité politique ne vient pas parler
de ses loisirs, de ses rapports personnels à la politique ni de sa vie privée mais de
politique. Il débat sur des thèmes de fond avec les personnes présentes sur le
plateau et notamment face aux chroniqueurs qui sont des polémistes et présentés
comme des « experts » légitimes. Dans le corpus d’émissions étudiées certains l’ont
56
même reconnu et souligné « J’aime beaucoup votre émission parce qu’on s’y dit des
choses, on a le temps pour le faire, il n’y en a pas tant que ça et vous prenez le
temps d’avoir des débats de fond avec les invités. Moi je préfère vous le dire je
pense que l’intérêt c’est qu’on ne soit pas dans un machin polissé avec un dialogue à
la noix où je vais vous dire des trucs que vous entendez partout. Je vous dis ce que
je pense parce que je pense qu’à un moment ou à un autre, et tant pis si c’est à
rebours de l’opinion publique, on doit dire ce en quoi on croit sinon ne faisons pas ce
métier, restons dans l’anonymat et faisons des métiers dans lesquels on n’a pas à
dire ce qu’on pense. Je crois à l’authenticité dans la relation entre un homme
politique et les Français ».
Avec cette particularité, On n’est pas couché rompt donc avec les précédents talkshows qui avaient pour vocation une désacralisation totale du politique en le mettant
en scène de façon distrayante.
L’avantage de la parole politique dans des émissions de divertissement est de
toucher un public plus large. Les talk-shows faisant de meilleures audiences que les
émissions politiques même à une heure très tardive.
57
Partie III : La réception par les téléspectateurs
1. Les audiences : quels résultats ?
L’émission en est cette année à sa cinquième saison en tant que talk-show de
deuxième partie de soirée sur France 2. Le dispositif a su évoluer au fil des années
58
que cela soit contraint, avec le départ de certains chroniqueurs et humoristes41, ou
choisi avec des sketchs qui évoluent comme ceux de Jonathan Lambert42.
Succédant à l’émission phare des samedis soirs de la chaîne, Tout le monde en
parle, beaucoup n’auraient pas parié sur l’avenir du talk-show de Laurent Ruquier. Et
pourtant, il va parvenir à faire oublier son prédécesseur sans réelle difficulté.
La première d’On n’est pas couché, le 16 septembre 2006, avait séduit 1.68 million
de curieux et 40.2% de part de marché.
L’émission devient un véritable succès et a su s’imposer dans cette case horaire.
Elle voit son audience progresser au fil des saisons passant de 1.6 million de fidèles
en moyenne (2006) à 1.8 million (2010).
Le samedi 11 avril 2009, Laurent Ruquier et toute son équipe ont fêté le 100ème
numéro.
Le talk-show avait réalisé son record en part d’audience en atteignant 28,2% de part
d'audience selon Médiamat - Médiamétrie et avait intéressé plus de 1,7 million de
téléspectateurs en moyenne.
Par ailleurs, ce jour là, jusqu’à minuit, l’émission a été suivie par plus de 2,5 millions
de téléspectateurs.
Michel Polac en juin 2007 est remplacé par Eric Naulleau pour des raisons de santé. Florence
Foresti et Mustapha El Atrassi, humoristes, qui interprétaient respectivement « un invité qu’on a
pas pu voir » et le tour de table des invités quittent également l’émission à la fin de la même
saison.
Jean-Luc Lemoine qui a interprété le Médiateur pendant deux saisons quitte l’émission en juin
2008.
42 A ses débuts dans l’émission au cours de l’année 2007 pour remplacer florence Foresti, il
interprétait un copain de classe mais depuis son sketch a évoluer et il interprète un invité
surprise.
41
59
France 2 avait pour l’occasion annoncé que l’émission avait a séduit un large public
avec en particulier 32,8% sur les 15-24 ans (record historique et leader sur ce
public), 27,4% sur les ménagères de moins de 50 ans (3ème meilleure performance
historique) et 25,5% de part d’audience sur les 25-59 ans.
Il faut noter que l’émission étant diffusée en deuxième partie de soirée, très tard le
soir, l’audience de celle-ci est donc conditionnée par l’audience de la chaine en
prime time. En effet, dans la plupart, des cas, les téléspectateurs de la première
partie de soirée restent souvent sur la chaine qu’ils viennent de regarder pour
poursuivre leur soirée.
Sur France 2, en général, la première partie de soirée est assurée par Patrick
Sébastien qui anime soit Le plus grand cabaret du monde soit un autre
divertissement dans le même genre comme Les années bonheur. Une partie du
public reste fidèle à France 2 et prolonge sa soirée sur la chaine avec On n’est as
couché.
Mais il arrive parfois que le programme de première partie de soirée change pour
laisser place au sport. A l’occasion de ces programmes, la chaine a enregistré des
hausses d’audiences pour la deuxième partie de soirée.
Le 1er mai 2010 avec la retransmission de la finale de la Coupe de France, France 2
avait été largement en tête des audiences en prime time. Avec le match de football,
qui opposait le PSG à Monaco, la chaine a réuni 5 millions de téléspectateurs, soit
25,1% des parts d'audience (pda). Une fois le match terminé, une partie de cet
audimat n'a pas zappé après 23h45, pour, ainsi, suivre On n'est pas couché.
60
L'émission de Laurent Ruquier a été suivie par 1,7 million de personnes (32,2% de
pda). Elle réalisait, ainsi, son record en part d’audience depuis le début de la saison
et s’est placé leader en part d’audience sur sa tranche horaire de diffusion.
Le 9 janvier 2010, 2.7 millions de Français ont plébiscité le talk-show de France 2. Il
s’agit-là d’un record d’audience historique en nombre de fidèles.
Audiences 2010-201143
43
Source : wikipedia.fr
61
Le graphique ci-dessus, représente les audiences en million et en part de
marché de l’émission durant la saison actuelle (2010-2011), arrêté à la mi-avril ; la
saison poursuivant encore son cours.
On remarque que l’audience la plus élevée en nombre de téléspectateurs a été
réalisée le 8 janvier 2011. Après deux semaines de vacances, le talk show de
Laurent Ruquier réalise alors une double performance sur France 2 : un retour en
force d'une part, et une avance de près de 300 000 téléspectateurs sur son
concurrent44 ! 2 444 000 fidèles étaient ainsi au rendez-vous dès 22h50 sur la Deux,
soit 26,2% du public.
A noter que l’audience la plus faible qui apparaît au 25 décembre 2010 représente
un best-of de l’émission.
Sur ce graphique on peut voir la bonne audience lors de l’émission du 13 novembre
2010 en présence de Dominique de Villepin.
En effet, On n’est pas couché domine New York, Section Criminelle en surfant sur le
succès de l’émission Champs Elysée diffusée en première partie de soirée. Le talkshow diffusé dès 22H50 avait réuni plus de 2 millions de téléspectateurs et
enregistré une très bonne part de marché en atteignant presque 29%. Tandis que
son principal concurrent sur TF1, diffusé vers 23h25, a du se contenter de 1,7 million
de téléspectateurs et 21% de part de marché.
L’émission du 11 décembre, quant à elle, avait réalisé une belle performance
également réunissant sur France 2 un peu plus de 2 millions de téléspectateurs, soit
44
La série New York , Section Criminelle diffusée sur TF1.
62
un peu plus de 27% de part de marché et 26,8% de part d’audience. Ce soir-là
d’ailleurs, Laurent Ruquier et son équipe n’avaient pas fait face à New York, Section
Criminelle mais face à Qui veut épouser mon fils ? 45. Le jeu de télé-réalité avait fait
la course en tête pour gagner le duel avec pas moins de : 3 700 000 téléspectateurs,
soit 26% du public, dès 22h15.
Il faut remarquer que lors de cette émission, Miss France 2011 s’était retrouvée dns
le fauteuil des invités et qu’elle avait chuté en plein plateau lors d’un sketch de
Jonathan Lambert. La vidéo de sa chute avait d’ailleurs fait le buzz sur internet par la
suite.
Les chiffres des émissions du 24 avril et du 15 mai ne sont pas présents dans le
graphique ci-dessus mais on peut les retrouver en annexe46.
Le samedi 15 mai, On n’est pas couché s ‘était encore retrouvé derrière la série
américaine et a du se contente de seulement 1 418 000 téléspectateurs, (soit 23,5%
de PDA) contre 2 359 000 pour les enquêteurs de TF1. Il faut ajouter que la série a
bénéficié d’un bon tremplin en première partie avec 2 heures de rires en compagnie
de Christian Clavier et Didier Bourdon tandis que sur la chaine du service public, une
pièce de théâtre, Colombe, était diffusée en prime time.
Enfin, le soir du 24 avril 2010, TF1 avait gardé la main grâce à sa série télévisée (2
millions de fans pour 23,5% de pda) mais Laurent Ruquier et sa bande n’étaient pas
loin en réunissant 1,7 million de téléspectateurs (soit 14% de pda) pour réduire
L’émission de télé réalité de TF1, normalement diffusée en deuxième partie de soirée le
vendredi avait été décalée ce jour-là. Il en fut de même pour Koh-Lanta en prime time, déplacé
du vendredi au samedi.
46 Cf. Annexe 4
45
63
l’écart face à son principal concurrent et se retrouver devant M6 et son portrait
consacré à Cathy Sarraï (1 million de fidèles et 9% de pda).
Pour en revenir au graphique des audiences 2010-2011, hormis les audiences
un peu basse du début dé saison que l’on peut justifier par le démarrage de l’année
en matière de divertissement avec la rentrée et donc la reprise d’anciennes
émissions et l’apparition de nouvelles, il y a une phase au cours de laquelle
l’audience a diminué graduellement. Cette phase correspond sur la représentation à
une période qui commence à partir de la fin février 2011 environ jusqu’ au début
avril. Il s’agit de la période de 6 semaines environ qui a précédé les élections
cantonales du 20 et 27 mars 2011. Or, en période d’élection, pour éviter les
contraintes liées au temps de paroles des représentants politiques, ces derniers ne
sont pas invités sur les plateaux d’émissions de divertissement.
On constate alors que la place de la personnalité politique dans On n’est pas couché
est forte et peut être considérée comme importante au regard de l’intérêt plus faible
qui est porté par les téléspectateurs fidèles à l’émission lorsqu’il n’y a pas d’invité
politique.
Cette importance de la partie politique de l’émission se retrouve d’ailleurs dans les
forums sur Internet avec un public d’internautes qui ont hâte que la période de
« disette politique » se termine.
On retrouve, ainsi, parmi les téléspectateurs du samedi soir, des fidèles de l’émission
qui se retrouvent plus tard sur la toile pour prolonger les débats sur des forums.
64
2. Le forum officiel : architecture
Internet est incontournable, de nos jours, surtout en matière d’expression
d’opinion ou autre. Les forums représentent cet espace privilégié de rencontre,
d’expression et même de débat.
Les émissions de télévision n’y échappent pas et le public s’en porte à cœur joie sur
la toile. Ils se développent de plus en plus, qu’ils soient officiels ou non, qu’ils
permettent l’échange d’opinion mais aussi d’information. Des internautes deviennent
aussi fidèles à ces forums qu’ils le sont à leurs programmes de télévisions favoris.
Ces espaces incontournables créent des communautés avec de véritables liens qui
se tissent entre les internautes.
Les chaines de télévision allouent systématiquement un espace « forum » dans leurs
sites internet. Cet espace est en général divisé en sections, parfois en fonction des
thèmes (séries, divertissement, sport, actualité…).
Il s’agissait alors d’étudier le forum officiel de l’émission sur le site de France 2 pour
observer comment l’émission est-elle perçue ? Quels aspects ressortent sur le web
en ce qui concerne ce talk-show qui mêle politique et divertissement ? Quels
éléments font polémique et comment ils la font ? Comment sont menées les
discussions, à savoir s’il s’agit de débats de forme ou de fonds ? Et s’il s’agit
réellement de débats ou seulement de monologues commentaires ? Autrement dit,
quels sont les avis sur les émissions et de qui proviennent-ils ?
65
Sur le site de France 2, il y a un espace forum par lequel on peut accéder au
forum de chaque programme de la chaine. Il n’est pas utile de s’inscrire pour pouvoir
avoir accès aux forums et à tous les messages. J’ai donc étudié les messages et
commentaires qui ont été postés au sujet des quatre émissions sélectionnées dans
le corpus dans le cadre de l’étude de la parole politique.
Dans cette partie du site dédiée au forum On n’est pas couché, les sujets sont
classés par ordre du plus récent au plus ancien. Il s’agit de sujets traitant pour la
majorité de l’actualité, parfois faisant un lien avec l’émission ou des invités de
l’émission. On retrouve également des réactions des internautes après la diffusion de
l’émission, qu’il s’agisse de commenter des débats houleux qui ont eu lieu ou juste
de donner leur avis sur un sujet traité dans la soirée ou sur les personnalités invitées.
Le forum recense le nombre d’utilisateurs connectés, qu’ils soient membres ou non.
Une phrase d’introduction présente le forum : « Le premier « saturday night show »
de France 2 sera entre les mains d’un Laurent Ruquier bretteur acide et vif. La parole
est à vous sur ce forum pour réagir et intervenir sur ce programme tant attendu. »
Cette phrase symbole est figure d’affirmation et de confirmation du forum comme
espace dédié. Mais aussi d’une mise en relation entre le présentateur et donc
66
l’émission avec ses téléspectateurs et l’importance de leur parole. Tous les avis sont
intéressants et ils sont invités à le donner et à échanger.
A côté de cette phrase, on retrouve la section pour se connecter : « je m’inscris » ou
« je suis déjà inscrit France Télévision », autrement dit, il suffit d’être déjà inscrit plus
généralement sur le site de France Télévision pour pouvoir participer aux différents
forums.
Il y a ensuite 4 rubriques : accueil du forum, recherche, aide et charte.
Dans la rubrique recherche, on peut rechercher un sujet précis, un message, un
thème en tapant des mots clés.
Il y a 25 sujets affichés par page. On constate que le forum est très actif, beaucoup
de messages tout au long de la journée. Les internautes commentent l’actualité,
donnent leur avis, discutent de l’émission et de l’intervention des invités et des
chroniqueurs. Certains sujets sont très commentés avec des milliers de réponses ou
67
vues. L’accueil du forum présente le sujet, le numéro de la dernière page, l’auteur du
sujet, le nombre de réponses et de vues ainsi que la date et l’heure du dernier
message.
Il y a beaucoup de sujets qui abordent le thème de la politique. Il peut s’agir de
commenter l’intervention d’un invité politique mais pas seulement. Il y a, en effet,
beaucoup de commentaires concernant l’actualité, les débats politiques qui sont
posés par le gouvernement comme par exemple le débat sur la laïcité mais
également des commentaires concernant les derniers sondages et Marine le Pen et
plus généralement des commentaires concernant les élections présidentielles de
2012. Dernièrement, il y a forcément eu beaucoup de réactions au regard de l’affaire
Strauss-Kahn.
Les internautes réagissent également en ce qui concerne des chroniqueurs et
principalement
en
ce
qui
concerne
Eric
Zemmour.
Ils
débattent
de
sa
68
condamnation47 et les points de vues sont très divergents, il y a des tensions dans
les commentaires. Le débat amène à élargir à la politique et devient houleux par
moment avec des orientations politiques des internautes bien connues des autres
membres.
Certains internautes semblent être membres du forum depuis un certain temps déjà,
car ils connaissent les idées et points de vues entre eux et n’hésites pas à se tutoyer.
Je suppose qu’ils ont eu d’autres divergences d’opinion par le passé et que ce sont
des membres assez présents et actifs dans le forum et souvent les mêmes
pseudonymes reviennent dans les commentaires.
Le propos de l’étude était donc d’observer à travers ces commentaires et interaction,
comment les débats sont perçus par les téléspectateurs et comment ils les
prolongent ou créent leurs propres débats.
3. Des espaces d’échanges sur Internet
En observant les sujets et commentaires qui ont suivis la diffusion des émissions
étudiées dans le corpus, on remarque qu’il y a des thèmes qui sont plus commentés
que d’autres et qui peuvent donc être plus sujets à débat. Il y a aussi des
Le 18 février 2011, le journaliste a été condamné pour provocation à la haine raciale suite à
des propos très controversés concernant les « Noirs et les Arabes ».
47
69
personnalités qui sont beaucoup plus évoquées que d’autres et pas de forcément de
manière très positive.
Le lendemain de l’intervention de Copé dans l’émission, un « topic » est ouvert dans
la matinée et qui a pour titre « COPE ». La personne qui crée le nouveau message,
critique vivement l’intervention de Copé de la veille, notamment sur la partie où il
parle des rétributions des députés, du fait qu’ils travaillent dur et que c’est normal
qu’ils aient des rétributions.
Elle critique ouvertement le discours de droite qui prône de travailler plus mais pas
de gagner plus.
La plupart des personnes qui répondent sont d’accords. Certains donnent des détails
plus précis sur les cotisations, le régime des retraites des députés et les allocations
chômage en cas de perte de leur mandat. On retrouve des informations précises,
avec des chiffres, des pourcentages…
Les internautes émettent de grandes critiques sur la droite, le fait de travailler plus,
les qualités d’orateur de Copé pour « endormir » les gens.
Les participants à la discussion reprennent les sujets abordés par Copé mais de
façon ironiques, ils critiquent ses propos concernant son rôle en temps que
Secrétaire de l’UMP.
Les commentaires s’enchainent, alors dans la journée, pour critiquer les mesures
prises par la droite, en particulier en ce qui concerne la réforme des retraites en
continuant de mettre en avant les avantages des députés. Il y a également beaucoup
70
de réactions en ce qui concerne l’intervention de Sylvie Tellier et comment Copé a
réagi sans réellement répondre à la remarque et surtout en répétant sans cesse à la
moindre critique qu’il ne faut pas « piétiner » les hommes politiques.
« Si les politiques ne passaient pas leur vie sur les plateaux télé, on parlerait d’autre
bla--blachose que de leur bla
bla-bla. »
L’intervention de Copé est souvent résumée à du bla-bla par tous les
intervenants.
Beaucoup de critiques, notamment sur l’image qu’il veut se donne ou se donne : « il
se donne un vernis d'homme conciliant, tolérant, respectueux des autres alors qu'il
n'en pense vraiment pas moins». Mais critique également de la réactions des
chroniqueurs qui ont été « trop conciliants » avec lui.
Pour eux, il s’agit de démagogie, de mépris envers le peuple. Beaucoup d’ironie
dans les propos avec des comparaisons et métaphores avec des mots choisis
71
soigneusement : gueux qui ne sont pas reconnaissants, peuple fainéant, victime des
journalistes.
Beaucoup de messages qui s’enchainent qui sont un ras le bol du discours de droite,
qui dénonce le train de vie et les réformes qui sont subies en premier lieu par les
Français.
Ils reviennent sur les différentes positions de Copé qu’il s’agisse de la Côte d’Ivoire
et le PS mais aussi des retraites ou encore de l’industrie pharmaceutique et du débat
qui a eu lieu avec Irène Frachon.
Il est même comparé à un clone de Sarkozy en pire et est accusé de faire de la
langue de bois en étant condescendant.
D’autres critiques moins sur Copé mais qui concernent directement l’émission et la
chaine elle-même. Des personnes ont critiqué le dispositif avec les positions des
chroniqueurs et de l’animateur mais aussi de leur prise de parole (ou pas) comme
l’illustre l’exemple ci-dessous.
72
Le débat continue sur Copé qui est accusé d’être méprisant, menteur et de se
« foutre ouvertement du peuple en venant sur le plateau pour endormir ».
Les membres mettent alors en avant le fait que Copé ait déjà été invité deux fois et la
question se pose sur le fait de ne pas inviter des personnes qu’on voit peu sur des
chaines de grande audience.
Le débat dérive ensuite sur Montebourg et la possibilité qu’il soit candidat, le fait que
ce soit une personne « chaleureuse »… la discussion s’engage alors sur la personne
qu’il est.
Plusieurs discussions commencent à avoir lieu en même temps : des discussions sur
Nicolas Sarkozy et la crise mais aussi sur le Front National ou encore Chirac…
Une discussion personnelle s’engage suite à un commentaire d’une personne belge
qui vote pour le FN, les messages et attaques se multiplient. Il y a une connaissance
de la personne et de ses opinions. Cependant, malgré qu’elle soit houleuse, la
discussion ne dérape pas et finit pas s’épuiser.
En début janvier, une question est posée concernant les 35h heures, Copé avait
donné son avis en faveur du retour des 39h. Le débat est donc lancé sur la question
d’un retour des 29h mais au même prix que les 35h.
Mais le débat était déjà engagé sur des sujets plus personnels entre les différents
membres du forum qui se connaissent à force.
73
Il s’agit là du sujet le plus long qui comporte 12 pages et s ‘étend sur un mois, même
si le débat dérive sur des informations personnelles concernant les membres du
forum. Lors de la création de ce thème de discussion, près de 20 personnes
différentes se sont succédées pour réagir et commenter les messages. Par la suite,
lorsque le débat est engagé, on retrouve alors un noyau de participants composé de
six personnes.
Un autre sujet est lancé, concernant toujours l’intervention du Maire de Meaux
dans le talk-show nocturne.
La personne à l’origine du message accuse les politiques de mettre 10% du PIB
chaque année dans leur poche. Il s’adresse directement aux personnes qui
regardent l’émission pour leur dire de ne pas « s’abrutir » devant la télé à croire les
discours relayés par les médias qui ne sont que « purs mensonges » et qu’ils ne
disent jamais la vérité. Ils manipulent donc tous le peuple et on ne doit pas croire à
ce qui est dit ni à la télé ni dans les médias.
Le message est écrit juste après la diffusion de l’émission, il y a eu 7 commentaires
suite à ce dernier.
Ils vont tous dans le même sens et la discussion continue jusqu’au lendemain puis
personne ne continue sur la question. Il s’agit surtout de remarques des uns et des
autres mais sans véritable interaction.
Les membres du forum se sont également exprimés suite au passage de la
Secrétaire des Verts chez Ruquier.
74
Il y a un sujet qui est créé le soir même juste après l’émission et intitulé Duflot Vs
ONPC ! 2eme ! Souflot alors ! La personne souhaite féliciter madame Duflot de son
intervention qui pour elle donne envie de s’intéresser à la politique et cela change
des interventions banales des autres hommes et femmes politiques habituellement
invités. Quelques personnes partagent cette opinion mais très vite d’autres
participants viennent critiquer l’intervention de Duflot en affirmant, notamment, qu’elle
s’est mal défendue, que son discours n’était pas clair ni « bien rôdé » et qu’elle n’a
pas tenu tête aux deux Eric en admettant plusieurs fois qu’ils avaient raison.
La discussion s’engage alors sur les partis politiques, la droite et la gauche
principalement, le gouvernement Sarkozy et enfin la crise. Le débat s’enchaine,
alors, sur la crise et les différentes positions que peuvent avoir les personnes sur la
question.
Mais le débat ne mobilise pas beaucoup de personnes, il tient sur une page et se
prolonge sur 3 jours mais avec des réponses qui se font plus lentes et des réactions
qui se font de plus en plus rares.
A l’occasion de l’intervention de Cécile Duflot, un autre sujet de discussion est créé.
Il est intitulé Vive l’écologie mais il s’agissait d’ironie car, le sujet commence par un
message d’un membre qui explique qu’il n’a absolument rien compris au programme
des écologistes et que cela est sûrement dû à la façon dont Duflot s’est exprimée.
Le sujet tient sur une page, il est également commencé le lendemain de l’émission
mais ne dure pas plus d’une journée. Le débat dérive rapidement sur les opinions
75
politiques des membres et s’éloigne, ainsi, de l’écologie et de l’intervention de Duflot
à proprement parler.
On retrouve donc une cohérence d’opinion et de perception de la parole politique à
l’écran. Même si les divergences d’opinion sont très présentes dans le forum, on
remarque souvent des accords entre plusieurs membres concernant la qualité de
l’intervention politique, du questionnement par l’équipe ou encore sur le discours
politique.
Des thèmes qui font débat dans la société sont abordés dans le forum grâce à
l’émission. La parole de certains apparaît comme celle d’un « expert » avec des
arguments fondés, des chiffres pour appuyer les propos. Les échanges ne semblent
donc pas être fait pour seulement critiquer mais plutôt pour instaurer un vrai débat de
fond.
Par ailleurs, au regard de certaines discussions entre membres qui semblent se
connaître très bien, on peut distinguer différents profils. Il s’agit, en général de
personnes plutôt mûres, l’un d’entre eux est professeur, un autre est retraité… le lieu
semble être un terrain qui fait rencontrer différents types de personnes, différentes
personnalités pour finalement discuter d’un thème commun, l’intérêt pour le
divertissement proposé par On n’est pas couché et dans ce cas plus particulièrement
de l’intérêt pour la politique et la société actuelle.
76
Cependant, le forum officiel n‘est pas le seul espace d’expression des internautes
fidèles au show du samedi soir. En effet, le site internet labandearuqier.com ne
répertorie pas seulement toutes les vidéos des émissions passées depuis la création
du talk-show en 2006 et les dernières actualités concernant Laurent Ruquier et les
membres de son équipe. Mais il dispos également d’un espace « chat/forum » dans
lequel les fans de l’émission peuvent échanger, se transmettre des informations ainsi
que poser des questions concernant l’émission.
Les membres, se retrouvent toutes les semaines pour discuter des prochains invités
de l’émission. Ils donnent leur avis sur l’émission en général mais il n’y a pas souvent
de débats, surtout concernant la politique. Il faut, toutefois, noter que lorsqu’il y a une
discussion qui s’engage il s’agit pour la plupart des cas d’échanges concernant la
politique.
D’ailleurs, le webmaster du site et donc du forum l’explique lors de l’entretien
effectué. Il parle d’une communauté de « forumeurs » qui s’est constitué au fil des
années avec des opinions politiques clairement définies « l’on connaît les avis des
uns et des autres avant même qu’ils se soient prononcés. Les débats deviennent
parfois alors stériles, surtout quand le nom d’Eric Zemmour est évoqué.48 »
Il ajoute par la suite que de grands débats avaient alors eu lieu lors des élections
présidentielles de 2007 et qu’il participait lui même aux échanges, notamment sur la
politique, pendant des heures.
48
Cf. Annexe 2
77
Enfin, interrogé en ce qui concerne le site officiel et donc le forum officiel de
l’émission, il déclare alors que des informations qui sont postées sur son site internet
se retrouvent sur le site officiel de l’émission et que cela arrive régulièrement.
Les forums sont, ainsi, des espaces sur la toile qui permettent de prolonger le
débat et faire vivre l’émission au delà de sa diffusion et des salons des
téléspectateurs. Elle se retrouve sur internet et à travers les forums, elle permet de
créer l’échanges entre les fidèles et contribue à la formation de communautés,
experts, passionnés ou encore simple admirateur de l’émission, ils se réunissent
dans ces espaces abstraits pour partager sur des thèmes concrets et instaurer de
vrais débats de fond.
Conclusion
78
A travers l’étude, les éléments confirment qu’aujourd’hui, la politique est donc
au cœur de la télévision.
Depuis l’émergence de ce nouveau moyen de
communication, les programmes invitant des personnalités politiques ont fortement
évolué. De la distinction plutôt claire entre le « cadre » à savoir les émissions
politiques et le « hors cadre » définit par les émissions de divertissement pur.
Tout droit venu des Etats-Unis, le concept d’infotainment arrive en France vers la fin
des années 90. Les chaines de télévision se voient alors programmer des émissions
d’un nouveau genre : les talk-shows. Autrement dit des émissions qui rompent avec
la distinction classique entre émission politique et émission de divertissement en
mêlant les deux concepts.
L’étude réalisée par Erik Neveu dans la revue Réseaux qui retrace dix ans de
politique à la télévision fait, ainsi, apparaître de nouveaux éléments dans le concept
et la mise en scène de ces émissions.
L’analyse met en lumière différents éléments, tant sur le fond que sur la forme, qui
caractérisent ces nouvelles émissions. En effet, le point commun principal entre ces
émissions est alors d’occulter le discours politique au profit de la vie privée des
protagonistes. La façon de faire, avec notamment la mise en scène et le mode de
questionnement, ne sont pas toujours les mêmes mais l’un des objectifs partagé
reste en premier lieu, la valorisation de la personne plutôt que du personnage
politique.
Ces formats font sens avec la société d’aujourd’hui de par la « pipolisation » de la
politique, la volonté de rendre populaires les représentants
et le principe de
79
communication d’image qui met en avant l’homme dans ses rapports personnels
plutôt que professionnels.
Ces principes établissent donc des nouveaux codes de communication et on peut
alors parler de démocratie des talk-shows.
L’observation et l’analyse du dispositif de l’émission de divertissement de Laurent
Ruquier dont le concept n’est plus innovant avait donc pour but de faire apparaître
les différences et continuités avec ses prédécesseurs.
On a, ainsi, pu constater un continuité dans le dispositif scénique du talk-show
nocturne. Notamment avec l’émission qu’elle remplace au programme (Tout le
monde en parle) avec un plateau d’une forte ressemblance à celui d’Ardisson. Même
table ronde et lumières tamisée et à peu près les mêmes couleurs (du bleu que l’on
retrouve sur les deux plateaux). Cela n’échappe d’ailleurs pas aux téléspectateurs
qui ne se gênent pas pour le faire remarquer sur les forums.
Il s’agit là, de la forme, car en ce qui concerne le fond, même si On n’est pas couché
est souvent évoquée comme une émission à tendance provocatrice très réputées
pour ses chroniqueurs et leurs « clashs » célèbres, il ne s’agit pas de la même
dimension de provocation qui était celle d’Ardisson ou même de Fogiel. En effet, l’un
des principal point de rupture du show de Laurent Ruquier est d’être une émission
dans laquelle les invités politiques ne viennent pas se mettre en scène en parlant de
leur loisir et de leur personne privée mais ils discutent bel et bien de politique avec
de vrais débats de fonds et des chroniqueurs journalistes et « spécialistes » de
politique.
80
Un autre élément de rupture principal concerne l’organisation de l’émission. En effet,
on a pu voir que le concept On n’est pas couché se rapproche des trois émissions de
divertissement de par sa mixité en ce qui concerne les invités. Il est, certes, apparu
que comme ces prédécesseurs, Laurent Ruquier invite sur le plateau une grande
diversité de personnalités qui participent ainsi au débat politique. En effet, tous les
invités sont présents autour de la table et on le droit de s’exprimer et d’échanger
avec la personnalité politique invité, cela peut créer un effet de « mise en danger »
du politique et constitue un point commun avec les autres talk-shows étudiés.
Cependant, l’émission de Ruquier se distingue de ces dernières par le fait que la
première partie de l’émission est consacrée à la politique et que même si le reste des
invités ont le droit à échanger avec l’invité politique, ce dernier quitte le plateau et
n’est donc pas présent en deuxième partie d’émission qui est donc la partie plus
divertissante. Ainsi, même si le principe de l’émission est donc de mêler politique et
divertissement mais pas au même moment en séparant la partie politique de la partie
divertissante. Autrement dit, il y a une distinction précise entre la première partie
considérée comme plus sérieuse et la seconde qui traite de divertissement pur.
Jean-François Copé avait clairement félicité l’équipe pour leur émission au sein de
laquelle il est possible d’échanger sur des débats de fond. Il n’a d’ailleurs pas été le
seule à le faire, Cécile Duflot notamment avait fait la remarque « Je voulais vous die
un truc quand même. C’est très bizarre parce que ce n’est pas a priori une émission
81
politique mais je trouve qu’on arrive à parler, et un peu plus longtemps de beaucoup
de sujets de fond que ce qui se fait ailleurs et c’est très paradoxal».
Au regard donc de ces comparaisons, l’émission qui paraît la plus « sûre » pour un
représentant politique est Vivement dimanche avec des invités choisis par la
personnalité politique et une complaisance du présentateur loin de la provocation.
Cependant, les avis sur Internet sont mitigés. La politique reste un thème qui
mobilise les fidèles en contribuant à créer ou prolonger les débats mais l’émission
suscite des points de vue extrêmes de la part du public. Les avis restent divisés
entre ceux qui mettent toutes les émissions de divertissement dans le même sac et
qui considèrent le talk-show de Ruquier comme provocant, d’autres ont plutôt
l’impression qu’il est trop complaisant, gentil et ne va pas dans le fond des choses
avec les politiques soucieux de ne pas les fâcher. Enfin, certains aiment le concept
mais ne sont pas dupes des politiques et de leur langue de bois. Leurs discours sont
considérés comme du bla-bla et une politique de l’image.
Les chroniqueurs ne jouent pas un faible rôle dans les critiques qui sont émises par
les médias mais surtout les téléspectateurs.
En effet, le journaliste du Figaro en la personne d’Eric Zemmour a des opinions bien
tranchés qui divisent. Entre ces réactions au cours de l’émission mais en dehors
avec certains propos, le public l’aime ou le déteste. Associé à Eric Naulleau, ils
forment le duo infernal de l’émission. Certains disent que c’est grâce à eux que
l’émission est un succès, d’autres critiquent vivement leur comportement. En effet, la
présence de ces deux chroniqueurs aux côtés de Laurent Ruquier sur le plateau
82
serait à l’origine des nombreux refus de certaines personnalités (dont des
représentants politiques) à participer à l’émission. Ils auraient, ainsi, du mal à trouver
des personnalités acceptant le défis de débattre face à ces deux forts caractères.
La rentrée prochaine risque d’être déterminante pour l’émission qui va voir ses
audiences à l’épreuve avec le départ des deux chroniqueurs phares de On n’est pas
couché, en effet, à la fin du mois de mai dernier, Laurent Ruquier et sa productrice
Catherine Barma, ont annoncé leur décision de se séparer des deux polémistes à la
rentrée prochaine. A l’heure où les spéculations sur leur successeurs ne cessent de
croitre dans les médias et sur Internet, dans les forums, encore une fois les avis sont
partagés. Les plus fervents opposants aux deux chroniqueurs déclarent que cette
décision n’en sera que bénéfique pour le talk-show tandis que leurs plus fidèles fans
n’hésitent pas à anticiper la fin de l’émission car ils considèrent que c’est grâce aux
« deux Eric » que l’émission jouie d’une telle popularité et qu’ils font maintenir les
audiences à un bon niveau.
Enfin, dernier point qui risque de remettre en cause le concept de l’émission, sans
pouvoir y faire quoi que ce soit cette fois, il s’agit de l’imminence des élections
présidentielles. En effet, l’approche de l’échéance électorale va contraindre le groupe
de service publique à supprimer les invitations politiques dans le cadre des
émissions de divertissement. D’ailleurs, dans un article paru au cours du mois de
juin 49 , la chaine France 2 annonce qu’elle souhaite « encadrer les invitations
49
Cf. Annexe 5
83
d’hommes politiques dans les émissions de divertissement » et « ne pas multiplier
les rendez-vous politiques en dehors de l’information »50.
On n’est pas couché va donc se retrouver amputé de sa première partie, en plus de
ces chroniqueurs, et le défis sera alors de maintenir les téléspectateurs fidèles au
rendez-vous du samedi soir en proposant une offre qui fasse adhérer autant que les
débats politiques.
50
Thierry Thuillier, patron de l'information de France Télévisions
84
Bibliographie
Réseaux, La politique saisie par le divertissement, n°118, 2003/2
Télévision et civilisation, D. Wolton, 2004
"La démocratie des moi, petite histoire de la personnification en politique",
documentaire Arte, 2009
Sources
http://forums.france2.fr/france2/On-n-est-pas-couche/liste_sujet-1.htm
http://www.labandearuquier.com
http://www.toutelatele.com
http://tele.premiere.fr
http://www.dailymotion.com
85
Annexes
86

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