Les complications infectieuses et psychosociales
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Les complications infectieuses et psychosociales
Complications infectieuses et psychosociales du « SLAM » Dr Camille Fontaine Centre 190 et SSR Cognacq-Jay, Paris Plan • Introduction: contexte de rencontre des patients « slameurs » • Complications infectieuses • Complications psychosociales • Cas clinique • Conclusion: Quelle prise en charge? Introduction: 2 lieux de rencontres de patients « slameurs » • Soins de suite infectieux Cognacq-Jay (Paris 15eme) – 95% de patients infectés par le VIH – Durée de séjour moyenne d’1 mois (3 semaines à 3 mois) – Depuis environ 1 an, émergence de demandes d’hospitalisation pour • « Mise à l’abri» de patients ne maîtrisant plus leurs consommations de cathinones IV avec complications sociales (mise en danger professionnellement) • Complications infectieuses liées au Slam (abcès, endocardite, découverte de VHC) Centre de Santé sexuelle « Le 190 » • Dépistage IST et suivi VIH • Public visé: homosexuels avec pratiques sexuelles à risque, patients VIH désirant un lieu de suivi médical différent de l’hôpital et du médecin généraliste • Equipe pluridisciplinaire: 5 médecins généralistes, 1 dermatologue, 1 psychiatre, 1 psychosexologue, 1 infirmier • Activité du centre en 2012 • 3571 consultations médicales et 1575 actes infirmiers • File active d’environ 330 patients VIH+ Les complications infectieuses et psychosociales Peu de données dans la littérature • Difficiles à quantifier • Mephedrone dans Pubmed = 220 citations / Cathinones = 423 citations • Revue récente: Synthetic cathinone abuse. M. Capriola. Clinical pharmacology: advances and applications 2013:5. – Toxicité cardiaque (tachycardie, myocardite, IDM) – Toxicité neurologique (crises convulsives, AVC) – Effets psychiatriques (paranoïa, agitation, agressivité, dépression) – Divers: hyponatrémie, hyperthermie, rhabdomyolyse, CIVD, insuffisance rénale, insuffisance hépatique… Des complications potentiellement graves • A cause des produits consommés: – Accès facile – Forte dépendance, craving Consommations fréquentes et quantités importantes lors d’une session • A cause du type de consommateurs: – Patients qui ne se reconnaissent pas toxicomanes: Impression de « gérer », de « tester », de « s’amuser » avec sensation de pouvoir tout arrêter très facilement – Addiction sexuelle souvent associée qui augmente la consommation de produit et les prises de risque Profil des complications au cours du temps Infectieuses • Début du slam: – – • initiation « par hasard », par d’autres, souvent 1ère injection de produits voire première prise de toxiques (autres que poppers) règles d’injections expliquées rapidement, « copiées » sur les autres « slameurs»; contexte « rassurant » (produits antiseptiques, seringues à disposition…) Slam régulier: – – – – Apprentissage des auto-injections période de « lune de miel » (effets positifs, impression de « gérer », consommation contrôlée) Règles d’asepsie respectées mais risques au fur et à mesure des « plans » (1 injection/30 minutes, toute la nuit) Risques: pas de désinfection, échange de seringues, rapports sexuels non protégés Psychosociales • Début du slam – Aucune complication – Pas de notion de la dépendance au produit / « initiateurs bien insérés » – Renforce le sentiment de contrôle • Slam régulier – « Calculs » pour prévoir les 24h de récupération – Perte d’efficacité professionnelle souvent non visible Profil des complications au cours du temps Infectieuses • Dépendance – – – – • « Plans » de plus en plus longs (ex 22h à 12h le lendemain), de plus en plus réguliers (de 1 fois/we à 2 jours le we puis quelquefois en semaine) Injections pas uniquement dans le cadre sexuel, seul à la maison Dépendance au geste de l’injection Risques infectieux plus importants et problèmes d’accès veineux (sclérose des veines, hématomes, cicatrices d’abcès) Sevrage – – Disparition des risques Séquelles possibles: sclérose des veines, cicatrices d’abcès Psychosociales • Dépendance – Absences au travail répétées car impossibilité de gérer les temps de consommation – Arrêts de travail répétés – Perte du réseau amical qui ne consomme pas – Difficultés conjugales quand l’autre ne consomme pas – Injections au travail • Sevrage Complications infectieuses – Risques sexuel et intraveineux interdépendants (« craving » avec nécessité de consommer, consommation pour augmenter le plaisir sexuel) – Injections IV • Risque bactérien surtout (surtout staphylocoque): Abcès, endocardites, septicémie • 4 facteurs en jeu / RDR – – – – Stérilité du matériel (via internet ou le BHV médical…) Nettoyage des points d’injection Qualité des produits utilisés Fréquence des injections+++ – Prises de risques sexuelles: • VIH, VHC, VHB, VHD, syphilis, gonocoque, chlamydiae • Pénétration et fist (lésions cutanées des bras) non protégés Spécificités des complications infectieuses liées au SLAM – Risque sexuel augmenté par • Le nombre de partenaires • La durée des « plans » • La faible utilisation de préservatif / gants lors du fist (au fur et à mesure de la consommation des produits ) – Risque intraveineux augmenté par • Le nombre d’injections (toutes les 15/30 minutes) • Le manque d’asepsie (de moins en moins au fur et à mesure des consommations • La méconnaissance du risque IV (position de l’aiguille, désinfection, seringues uniques…) / apprentissage court lors des premiers plans Complications psychosociales • Professionnelles – Complication qui fait peur (exemples autour d’eux) – Engrenage des sessions SLAM du we avec effet rebond à 48h – Période de gestion assez longue car patients souvent bien insérés – Dégâts d’autant plus rapide que les patients sont par ailleurs fragiles psychologiquement avec difficultés sociales pré existantes • Amicales / Familiales – Réseau amical limité progressivement uniquement aux compagnons de SLAM avec peu d’entraide dans ce groupe – Sensation de vide autour d’eux / Désocialisation rapide – Problématiques de couple quand l’autre ne « slame » pas car toute la vie tourne autour des consommations Cas clinique – Mr C. 29 ans • Pas d’antécédent médical, addictologique, psychiatrique • Mode de vie: célibataire, HSH, partenaires multiples (environ 100/an), vit en colocation, informaticien (salarié) • Juillet 2011: 1ere consultation au 190 pour uréthrite • Juillet 2011-Janvier 2013: 12 consultations IST • Janvier 2013: parle à l’IDE du slam • 31/01 Cs IDE: – – – – – Slam depuis 3 mois D’abord en groupe dans le cadre sexuel puis seul Injections sur le lieu de travail Peurs: dépendance au produit, vulnérabilité Veines du coude sclérosées • 04/02: 1ere consultation psychologue/sexologue • 18/02: 5 semaines d’abstinence • 11/03 – Cellulite de l’avant-bras gauche avec abcès fistulisé – Orienté aux urgences pour avis chirurgical: évacuation du pus et antibiothérapie – Arrêt de travail • 12/04: ne slame plus depuis 1 mois • 22/04: a slamé 2 fois, a pensé en « mourir » • 08/08: sérologie VHC positive (hépatite C aigüe) • 20/08: Consultation addictologue – Sevrage depuis juin – Craving intense depuis 2 semaines • Espère retrouver les effets du début après cette période de sevrage • A recontacté des partenaires… mais pas disponibles… – Inquiet pour les effets sur sa santé (bilan VHC prévu dans 1 mois) • 27/08 – Sevrage maintenu – Sélection des partenaires sexuels (sans slam) – Parle d’addiction sexuelle • 10/09 – Sevrage – Disparition du craving – En attente de son RDV hépatologue Quelle prise en charge? • Mode de rencontre des « slameurs » avec les professionnels de santé – Infectiologue / Médecin qui suivent le VIH – Infirmiers dans le cadre des prélèvements – Médecin généraliste • Les demandes des usagers – Pas très précises: liées au constat d’une perte de contrôle et d’une mise en danger – Besoin d’un « espace » de parole, d’informations • Pas de recommandation spécifique – Pas de produit de substitution – Pas de syndrome de sevrage • Sevrage simple possible pour certains usagers Expérience de prise en charge du slam • SSR Cognacq-Jay: – Entretiens réguliers autour de la consommation (souvent 1er contact avec addictologue) – Sevrage facile et sans complication mais rechutes fréquentes – Orientation vers équipes d’addictologie (peu de demandes) • Centre 190 – Consultations 1 fois/semaine (couplée avec l’activité de dépistage IST/suivi PvVIH): moyenne de 2 RDV/semaine – Motifs • • • • Très grande majorité de slam (surtout cathinones, un peu crystal) Autres : cocaïne (sniff), alcool, GHB Forte majorité de patients VIH+ (mais augmentation récente des VIH-) 1 cas de séroconversion VIH+ (slam ou prise de risque sexuelle?) Evaluation ATCD Addictologiques: souvent aucun avant le slam (sauf poppers) Médicaux: souvent VIH+ bien contrôlé (effet sur l’observance aux ARV?) Psychiatriques: souvent aucun Contexte Facteurs déclenchant (sites de rencontre sur internet) Temporalité (durée, moment de la semaine…) Exploration de la sexualité+++ Addiction sexuelle? (Partenaires objets, incapacité à réguler, souffrance…) Effets sur l’utilisation de préservatifs/gants? Bilan bénéfices/dommages Bénéfices: plaisir sexuel+++ , désinhibition permettant des pratiques sexuelles différentes, plaisir de l’injection… Dommages: professionnels, socioaffectifs, infectieux… L’aide au changement • Stade de contemplation: – Mode d’arrivée: adressé par médecin inquiet des effets physiques ou psychiques, souvent en hospitalisation – Patient: prise de conscience du problème avec désir de modifier sa consommation – Demandes: Envie de consommation contrôlée • Stade de décision – Mode d’arrivée: demande de consultation – Patient: le patient veut changer de comportement et a souvent déjà essayé – Demandes: Aide à la mise en œuvre de l’arrêt des consommations L’entretien motivationnel • Miller et Rollnick (2002 et 2006) • L’EM est un « style thérapeutique centré sur le patient et directif visant à augmenter la motivation intrinsèque au changement par l’exploration et la résolution de l’ambivalence » – L’ambivalence des patients est envisagé comme le principal obstacle au changement – L’identification, l’exploration et la résolution de cette ambivalence permettent au patient de changer de comportement – Le patient trouve lui-même ses objectifs et les arguments pour le changement – Le thérapeute doit « rouler avec les résistances » • Méthode OUVER – – – – Questions ouvertes Valorisation Ecoute réflexive Résumé Approche cognitivo-comportementale Journal de bord / Période d’auto-observation Produits consommés, quantité Contexte sexuel? Effets positifs / négatifs Exploration des modes de fonctionnement Identifier les « situations à risque » (ex. surf internet sur les sites de rencontre, « ennui »…) les déclencheurs du « craving » (ex. partenaire sur les sites qui proposent, vision d’une seringue, de « bras nus » les facteurs de rechute (ex. isolement social, faible sentiment d’efficacité personnelle Description du réseau social/sexuel avant et après l’arrivée du slam Notions d’envie et de besoin (en termes de consommation des produits et de la sexualité) …. Groupes (NA, DA) Perspectives • Développer l’information – – – – Autour des produits et des complications possibles Réduction des risques (voie IV / sexualité) Pour les usagers: via les sites internet de rencontre Pour les soignants: nécessité de publications, de réunions d’informations pluridisciplinaires (CCARUD, CSAPA, services d’infectiologie…) • Recherche nécessaire – Pour quantifier le phénomène et affiner ses caractéristiques (majorité de VIH+, place de l’addiction sexuelle…) – Pour développer et adapter la prise en charge • Phénomène en pleine explosion ou épiphénomène circonscrit à un milieu?