ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Union européenne

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ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Union européenne
ACCORDS DE PARTENARIAT
ECONOMIQUE
Union européenne – pays d'Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique
Actes du colloque
"Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et
dans les pays en développement ?"
Paris - 27, 28 et 29 novembre 2006
SOMMAIRE
Comment les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des Accords de
partenariat économique ? – Synthèse du colloque, Cecilia Bellora (FARM) ........................................ 5
Discours d'ouverture de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour
l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) ......................................................................... 19
Intervention d'Edgard PISANI, ancien Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, ancien commissaire
européen.................................................................................................................................. 23
Intervention Intervention d’Erik ORSENNA, écrivain, membre de l’Académie française, vice président
de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) ........................................... 27
Intervention d’Ibrahim Assane MAYAKI, directeur exécutif de la Plateforme en Afrique de l’Ouest et
du Centre, ancien Premier ministre du Niger ................................................................................ 29
Intervention de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour l’Agriculture
et la Ruralité dans le Monde (FARM) ........................................................................................... 33
Intervention de Bernard PETIT, Directeur Général Adjoint au Développement de la Commission
européenne .............................................................................................................................. 35
Intervention de Soumaïla CISSE, président de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Afrique
(UEMOA) .................................................................................................................................. 39
Intervention de Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture et de la Pêche ............................. 43
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE ? Benoît
Faivre-Dupaigre (IRAM), Bénédicte Hermelin (GRET), Vincent RIBIER (CIRAD) ............................... 49
Les tarifs Extérieurs Communs de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et
leurs conséquences sur l’intégration régionale et la négociation des Accords de Partenariat
Economique, Bio Goura Soulé (LARES) ........................................................................................ 63
Les APE : atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC, Jean-Christophe Boungou
Bazika (CERAPE) ....................................................................................................................... 73
Etude de l'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP, Lionel Fontagné (CEPII),
David Laborde (CEPII), Cristina Mitaritonna (CEPII) ..................................................................... 89
Les normes en tant que barrières non tarifaires, Anne-Célia Disdier (INRA), Lionel Fontagné (CEPII),
Mondher Mimouni (UNCTAD/WTO) ........................................................................................... 109
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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COMMENT LES PAYS D’AFRIQUE, DES CARAÏBES ET DU
PACIFIQUE PEUVENT-ILS TIRER PARTI DES ACCORDS
DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ?
Synthèse du colloque organisé par FARM
Les 28 et 29 novembre 2006
Cecilia Bellora (FARM)
RESUME
Depuis 1975, les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) bénéficient d'un accès
préférentiel au marché européen. Toutefois, ce régime commercial n'a pas eu l'effet attendu sur les
économies des pays ACP. En outre, il n'est plus compatible avec les règles actuelles de l'Organisation
Mondiale du Commerce. Ainsi l'UE et les pays ACP négocient de nouvelles règles commerciales, les Accords
de Partenariat Economique (APE), la négociation devant théoriquement se conclure avant le 1er janvier
2008. Les APE sont des accords de libre échange entre l'UE et 6 unions douanières ACP. Les pays ACP ont
la possibilité de tirer parti des APE. D'une part, ils peuvent protéger leurs secteurs les plus fragiles en
gardant les barrières tarifaires qui y sont attachées. D'autre part, la constitution de réels marchés régionaux
pourrait permettre de développer et améliorer la capacité d'offre des pays ACP. Toutefois, les effets des
APE restent controversés puisque des risques importants existent, notamment de perte de recettes fiscales.
Il est donc intéressant d'analyser les alternatives possibles aux APE. Ces alternatives se résument au
régime "Tout sauf les armes" pour les pays moins avancés et au système de préférence généralisé (SPG)
pour les autres pays, le SPG étant nettement moins intéressant qu'un régime de libre échange. Mais la
durabilité et la validité de ces alternatives sont parfois remises en cause. Les APE peuvent être une
opportunité de développement, à condition que les ACP constituent des politiques publiques volontaristes.
Pour cela des délais longs et des mesures d'accompagnement sont nécessaires.
Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
L'Union européenne (UE) et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) se trouvent
devant une étape historique de leurs relations qui peut avoir des conséquences à long terme sur les
agricultures locales. En effet, l'Europe négocie de nouveaux accords commerciaux avec les pays ACP. Elle a
la possibilité de créer une nouvelle démarche de développement et de solidarité. Pourtant, le contenu des
négociations et les enjeux pour l'agriculture sont souvent méconnus alors qu'ils sont considérables. Quels
sont les régimes commerciaux dont bénéficient les pays ACP pour accéder au marché européen ? Quels
vont être les changements apportés par les nouveaux accords ? Comment les pays ACP peuvent-ils en tirer
parti ? Comment créer des marchés régionaux et favoriser les productions locales ? Le débat est vif autour
de la question des avantages ou inconvénients des nouveaux accords. De nombreux modèles ont été
établis et de nombreuses études d'impact ont été réalisées, les résultats sont parfois divergents. La grande
quantité d'informations disparates n'aide pas à éclaircir ces discussions complexes. Cette synthèse du
colloque organisé par la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) les 28 et 29
novembre 2006 donne quelques éléments d'analyse des débats.
1.
TROIS REGIMES COMMERCIAUX REGIRONT L'ACCES DES PRODUITS AGRICOLES DES
PAYS ACP SUR LE MARCHE EUROPEEN JUSQU'A LA FIN DE 2007
D'abord quelques chiffres pour recadrer le débat (cf. tableau 1). L'Union européenne est le
principal partenaire commercial des pays ACP : en 2005, 23 % des exportations des pays ACP (en valeur)
sont destinées à l'UE, alors que seulement 3 % des exportations de l'UE se font vers les pays ACP. Les
produits agricoles représentent 28 % des exportations totales des pays ACP vers l'UE et 12 % des
exportations totales de l'UE vers les pays ACP.
Tableau 1 : Echanges commerciaux entre l'UE et les pays ACP
Importations de l’UE depuis les ACP en 2005
Exportations de l’UE vers les ACP en 2005
(Afrique du Sud exclue)
(Afrique du Sud exclue)
Valeur
Millions €
Part
en %
Part
relative en
%
TOTAL
Dont :
36 138
3,07
100,0
Produits agricoles
10 039
12,40
Energie
13 211
5,29
Produits
Valeur
Millions
€
Part
en %
Part
relative en
%
TOTAL
Dont :
30 763
2,90
100,0
27,8
Produits agricoles
3 809
6,16
12,4
36,6
Energie
2 129
5,48
6,9
Produits
Source : Direction générale du Commerce, Commission européenne
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
L'entrée des produits des pays ACP en général, et des produits agricoles en particulier, sur le marché
de l'Union européenne est soumise à l'un des trois régimes suivants :
• les dispositions commerciales de l'accord de Cotonou ;
• l'initiative « Tout Sauf les Armes » qui concerne les pays moins avancés ;
• le système de préférences généralisées possible selon les règles de l'OMC.
Les exportations des pays ACP vers l'UE utilisent principalement les deux premiers régimes.
1.1.
L'accord
de
Cotonou
maintient
jusqu'en
2007
un
régime
commercial
préférentiel non réciproque
La coopération entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) est
formalisée en 1963 avec l’accord de Yaoundé. C’est en 1975, lors de la signature de la convention de Lomé
I, que le système qui va régir les échanges commerciaux UE-ACP jusqu’à la fin de 2007 est mis en place.
Ainsi, depuis plus de 30 ans, l’UE accorde aux pays ACP un régime commercial préférentiel. Les produits
ACP importés par l’UE sont soumis à des droits de douane plus faibles (souvent nuls) que ceux touchant les
produits provenant d’autres pays. La différence des droits de douane est appelée marge préférentielle. Les
pays ACP bénéficient ainsi de préférences tarifaires, auxquelles s’ajoutent des préférences non tarifaires.
Ces dernières peuvent notamment prendre la forme d’une exemption du respect d’un quota limitant la
quantité d’un produit importé donné. Les préférences, qu’elles soient tarifaires ou non, sont non
réciproques : les pays ACP ne sont pas tenus d’offrir un accès spécial sur leurs marchés aux produits
européens.
Les produits agricoles bénéficient de préférences parfois limitées. Les produits tropicaux qui ne
concurrencent pas les productions européennes entrent en franchise de droit. Les autres produits sont
soumis à certaines restrictions (réduction partielle des droits de douane, quotas, restrictions saisonnières
liées aux calendriers de culture européens), la préférence communautaire reste en vigueur. Les bananes, le
sucre, le rhum et la viande bovine sont l’objet de « protocoles » particuliers. Des quantités spécifiées
(quotas) de banane et de rhum1 accèdent librement au marché européen ; des quantités fixées de viande
bovine et de sucre bénéficient du prix intérieur européen, supérieur aux cours mondiaux, en plus d'une
forte réduction des droits de douane.
Les produits issus des pays ACP, comme ceux provenant des autres pays, sont soumis à des critères
non tarifaires pouvant constituer des barrières au commerce. Pour les produits agricoles, les normes les
plus importantes sont les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS). Elles visent à assurer l'innocuité des
produits alimentaires et la sécurité des animaux et des végétaux afin de préserver la santé humaine,
animale et végétale et de protéger l'environnement. L'UE adopte des normes très strictes et précises,
1
Le protocole rhum a disparu suite à l'accord de 1996 sur les spiritueux entre l'UE et les Etats-Unis.
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
difficiles à respecter par les produits ACP du fait des capacités de production et des infrastructures des pays
ACP. Des produits qui peuvent commercialement accéder librement sur le marché européen sont parfois
refusés pour non respect des normes. L'impact des normes sur le commerce des pays ACP dépend
beaucoup de la structure des exportations de chaque pays, c'est-à-dire du nombre et de la quantité relative
de produits exportés. Par exemple, uniquement 3 produits exportés par la Guinée Bissau sont soumis à des
normes, mais ils représentent 98,7 % des exportations totales du pays. A l'opposé, 176 produits exportés
par le Zimbabwe doivent être conformes à des normes ; ils ne représentent que 16,7 % des exportations
de ce pays (d'après Disdier, Fontagné Mimouni).
1.2.
Le régime « Tout Sauf les Armes » donne un accès libre au marché de l'UE aux
produits des pays moins avancés
Le régime tarifaire établi par les accords de Lomé et de Cotonou a été appliqué à la totalité des pays
ACP jusqu'en février 2001. A cette date, l'UE a décidé que tous les produits, exceptées les armes et les
munitions, provenant des pays moins avancés (PMA), qu'ils appartiennent ou non au groupe ACP,
entreraient librement sur son marché. Il s'agit de l'initiative « Tout Sauf les Armes » (TSA). Trois produits –
la banane, le sucre et le riz – sont dans un premier temps soumis à des quotas hors taxes pour être
libéralisés progressivement. La libéralisation totale de la banane s'est achevée le 1er janvier 2006 ; le sucre
et le riz entrent en franchise de droits dans la limite d'un volume fixé (appelé contingent tarifaire). En 2009,
l'accès au marché communautaire sera totalement libre pour le sucre et le riz des PMA. L'initiative TSA a
introduit un nouveau régime commercial dans lequel les pays ACP ne bénéficient plus tous des mêmes
avantages pour accéder au marché de l'UE. Les PMA de la région ACP ont un accès totalement en franchise
de droits alors que les produits agricoles provenant des pays ACP non PMA sont soumis à des restrictions.
1.3.
Le Système Généralisé de Préférences tarifaires accorde des préférences
commerciales à tous les pays ACP moins avantageuses que celles prévues par
Cotonou ou par TSA
Le Système Généralisé de Préférences (SPG) s'applique aux exportations de tous les pays ACP. Il
concerne 7 000 des 10 000 produits présents dans la nomenclature des douanes soit la plupart des produits
industriels et de nombreux produits agricoles. En simplifiant, 3500 produits sont admis en franchise de
droits et les autres 3500 produits sont considérés comme sensibles. Ces derniers bénéficient en général
d'une réduction de 3,5 % sur les droits appliqués à tout pays importateur n'ayant pas signé d'accord
commercial avec l'UE (les produits du textile et de l'habillement bénéficient d'une réduction de 20 %)2. Le
SPG accorde bien des préférences commerciales mais elles sont beaucoup moins intéressantes que celles
2
Source : « Pays en développement, commerce international et développement soutenable : le rôle du Système de
Préférences Généralisées (SPG) de la Communauté pour la décennie 2006/2015 ». Communication de la Commission
européenne, 7 juillet 2004 – JO C242 du 29 septembre 2006.
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
offertes par l'accord de Cotonou ou l'initiative TSA. Ainsi, aucun produit agricole provenant des pays ACP
n'est exporté sous le régime du SPG.
L'ensemble de ces régimes commerciaux conduit aux résultats suivants3 : entre 1999 et 2003, 97 %
des produits (en volume) sont exportés par les pays ACP sur le marché européen sans barrières
douanières, soit du fait des accords préférentiels, soit en application des règles générales. Les 3 % restants
sont soumis à la clause de la Nation la plus favorisée (NPF), c'est-à-dire aux règles appliquées à tout pays
exportateur n'ayant pas signé d'accord particulier. 60 % des produits agricoles en provenance des pays ACP
ne sont soumis ni à des tarifs douaniers ni à des quotas. Ceci représente en valeur 88 % des produits
agricoles exportés par les ACP non PMA.
1.4. La marge préférentielle donnée par les différents régimes continue à diminuer
La marge préférentielle dont bénéficient les pays ACP diminue au cours du temps sous l'effet de trois
phénomènes. D'une part la libéralisation du commerce mondial dans le cadre des négociations de l'OMC
mène à une diminution des tarifs douaniers de l'UE. En conséquence, l'écart diminue entre les tarifs
douaniers appliqués aux pays ACP et ceux appliqués aux autres pays. D'autre part, depuis 1963, l'UE a
signé plusieurs accords bilatéraux qui diminuent les tarifs douaniers appliqués à certains produits en
provenance des pays signataires. Aujourd'hui 35 pays et 12 ensembles régionaux (65 pays au total) ont
signé des accords bilatéraux avec l'UE4. De plus en plus de pays bénéficient donc d'accords préférentiels, la
marge préférentielle des pays ACP diminue relativement. Enfin, les réformes successives de la Politique
agricole commune (PAC) tendent à diminuer les prix du marché interne européen pour les aligner sur les
prix mondiaux. Ceci se traduit par une diminution des prix dont bénéficient les producteurs ACP dans le
cadre des protocoles.
2.
A PARTIR DE 2008 UN NOUVEAU REGIME COMMERCIAL COMPATIBLE AVEC LES
REGLES DE L'OMC DEVRAIT ETRE MIS EN PLACE
2.1.
Les APE sont des accords de libre échange entre unions douanières
Le système de préférences non réciproques accordé par l'UE aux pays ACP touche à sa fin car il est
incompatible avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il enfreint le principe de non
discrimination établi par l'article premier du GATT. Deux exceptions à ce principe existent :
3
4
Source : Direction générale du Commerce, Commission européenne, « Opening the door to development –
Developing country access to EU markets 1999-2003 ».
Source : Direction générale du Commerce, Commission européenne. 12 pays ont signé à la fois un accord national et
un accord régional.
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9
Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
ƒ
les accords de libre-échange où les accords discriminatoires sont réciproques ;
ƒ
les préférences non réciproques qui sont accordées à l'ensemble des pays en développement
ou à l'ensemble des pays les moins avancés (PMA), sans aucune autre discrimination5.
Or, les accords de Lomé ne sont compatibles avec aucune de ces exceptions. D'une part, ils sont non
réciproques, les ACP n'ouvrant pas leurs marchés aux produits européens. D'autre part, ils sont
discriminatoires : ils s'adressent uniquement aux pays ACP, un sous-ensemble des pays en voie de
développement. L'UE a demandé et obtenu une dérogation à ces règles auprès de l'OMC pour l'accord
Lomé IV bis (1995-2000). Une deuxième dérogation a été obtenue pour prolonger provisoirement le
système, elle arrive à terme le 31 décembre 2007. En principe, pour être en conformité, des accords
compatibles avec les règles de l’OMC doivent être conclus ou le droit commun de cette même organisation
sera appliqué. L'UE et les ACP ont opté pour la signature de nouveaux accords.
D’après l’accord de Cotonou, signé en 2000 par l’UE et 76 pays ACP, les accords de partenariat
économique (APE) entrent en vigueur le 1er janvier 2008. Cet accord stipule que les APE sont des accords
de libre-échange (ALE) entre l’UE et six régions ACP. Il prévoit la constitution de marchés régionaux par la
création d'unions douanières régionales (cf. tableau 2). Les pays ACP ont décidé du nombre et de la
constitution des entités régionales. La mise en place d’unions douanières est donc un préalable à la
signature de chaque APE. Il est clairement énoncé dans l’accord de Cotonou que les APE doivent être
compatibles avec les règles de l’OMC, ce qui exclut théoriquement la demande d’une nouvelle dérogation.
Les APE sont, selon les termes de l’OMC, des accords bilatéraux où « l’essentiel » des échanges est
libéralisé (article XXIV du GATT). Il n’existe pas de précision supplémentaire concernant la part de
commerce qui doit être libéralisée. Selon l’interprétation de l’UE il s’agit de 90 % du commerce total, ce
taux étant la moyenne de la part de commerce libéralisée pour chacun des partenaires. Puisqu'il s'agit
d'une moyenne, la part de commerce libéralisée par l'UE peut être supérieure à celle libéralisée par les
pays ACP : les APE sont asymétriques. De facto, la quasi-totalité des produits importés par l’UE en
provenance des ACP rentrent sur le marché en franchise de droits et hors quotas ; la libéralisation des
échanges sera effectuée surtout par les pays ACP. L’enjeu commercial pour l’UE apparaît faible alors qu’il
est majeur pour les pays ACP. Pour l’UE, seul le secteur du sucre est réellement sensible. En résumé, les
APE sont des ALE réciproques asymétriques entre l’UE et chacune des six régions ACP.
5
Ce principe est établi par la clause d'habilitation qui constitue les bases du Traitement Spécial et Différencié (TSD)
pour les pays en développement au sein de l'OMC – GATT, décision du 28 novembre 1979 (L/4903).
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
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Tableau 2 : Les six régions négociant les APE – en italique : PMA
Régions
Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) et Mauritanie
Pays membres
Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana,
Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger;
Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo
Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique
centrale (CEMAC) et São Tomé et Principe
Cameroun, Congo, Congo (République démocratique du),
Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, São
Marché commun des Etats de l’Afrique orientale et australe
(COMESA)
Burundi, Comores, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya,
Madagascar, Malawi, Maurice, Rwanda, Seychelles, Soudan,
Ouganda, Zambie, Zimbabwe
Afrique australe
Angola,
Caraïbes
Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique,
Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, République dominicaine,
Sainte-Lucie, Saint -Vincent et- les- Grenadines, SaintChristophe - et- Niévès, Suriname,Trinité-et-Tobago
Pacifique
Iles Cook, Micronésie (Etats fédérés), Fidji, Kiribati, Iles
Marshall, Nauru, Niue, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Iles
Salomon, Samoa, Tonga, Tuvalu, Vanuatu
2.2.
Tomé et Principe, Tchad
Botswana,
Swaziland, Tanzanie
Lesotho,
Mozambique,
Namibie,
L'ouverture de marchés a deux conséquences : la perte des recettes douanières
et la concurrence des produits importés sur les productions locales
Les APE peuvent être asymétriques. On peut imaginer que l’UE supprime les barrières douanières sur
la totalité des produits en provenance des ACP alors que ces derniers n’éliminent les barrières que sur 80 %
de leurs importations en provenance de l’UE. Ainsi la moyenne de 90 % de libéralisation voulue par l'UE est
respectée. 20 % des importations des ACP en provenance de l’UE peuvent être protégés grâce au choix de
produits sensibles. Il est à noter que, conformément à l’article XXIV du GATT, l’exclusion de la libéralisation
par le choix de produits sensibles ne peut pas concerner un secteur entier. De ce fait, il est impossible
d’exclure tout le secteur agricole des négociations, indépendamment de la part de commerce que celui-ci
représente.
La possibilité offerte par cette exclusion est considérable et la Commission européenne y est
favorable. La libéralisation des échanges peut poser des problèmes à cause d’une part de la baisse
importante des recettes douanières (un des principaux postes budgétaires des Etats ACP) résultant du
démantèlement des barrières tarifaires, et d’autre part de la concurrence, directe ou non, entre les produits
européens et ceux des ACP. La perte de recettes fiscales est variable et peut atteindre jusqu'à 70 % des
recettes initiales dans le cas de l'Afrique centrale (cf. graphique 1).
Les agricultures des pays ACP sont moins compétitives que celle de l’Europe. L’ouverture pure et
simple des marchés ACP aux importations en provenance de l’UE pourrait causer l’élimination d’une très
grande partie des productions en posant de sérieux problèmes en termes de souveraineté alimentaire et de
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conséquences sociales puisque 63 % de la population active des ACP est agricole6. Les produits les plus
sensibles sont les céréales, le lait et la viande dont la volaille. Leur sensibilité est d'autant plus grande qu'il
s'agit des principales productions des pays ACP. En d’autres termes, cela conduirait à l’appauvrissement des
populations agricoles et déboucherait sur un exode rural vers des villes n’offrant pas suffisamment
d’emplois, voire sur l’émigration. La situation serait dramatique.
Le choix judicieux de produits sensibles permettra de protéger les secteurs les plus fragiles et de
maintenir une partie des recettes fiscales. Toutefois, l’arbitrage entre maintien des recettes fiscales et
protection des agriculteurs est pour une large part politique. Pour défendre l’agriculture il faudra que les
organisations professionnelles agricoles puissent faire entendre leurs voix dans des négociations pilotées
par les ministères du commerce et des finances qui ne considèrent pas forcément l’agriculture comme
prioritaire. Le choix des produits sensibles est d’autant plus compliqué qu’il doit se faire au niveau régional.
Ainsi, une négociation régionale se superpose aux négociations nationales. Les intérêts des pays d’un
même ensemble pouvant être différents et même divergents (certaines régions rassemblent PMA et non
PMA sans distinction), le choix des produits sensibles résultera de considérations d’économie politique
plutôt que de rationalité socio-économique pure (d'après Hermelin, Faivre-Dupaigre, Ribier, 2006).
Par ailleurs, certains produits peuvent être protégés par des barrières non tarifaires (d'après Bricas,
CIRAD 2006). Par exemple, les infrastructures des pays ACP ne permettent pas le respect de la chaîne du
froid et représentent un risque pour la santé des consommateurs. Des normes alimentaires pourraient
limiter les importations ACP depuis l’UE de viande congelée en réduisant les risques alimentaires,
protégeant ainsi la filière d’élevage. Toutefois, la portée de cette protection est peu importante, le nombre
de produits concernés étant faible.
6
Source : « La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture » – FAO 2005.
Dans les pays ACP, 61 % de la population est agricole et 65% est rurale.
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Graphique 1 : Pertes des recettes tarifaires agricoles prélevées sur des produits de l'UE
(variation en % des recettes initiales) – d'après Laborde, Fontagné, Mitaritonna, CEPII 2006
2.3.
L'intégration régionale pourrait donner leurs chances aux productions locales
Si les échanges avec l'UE sont libéralisés, et pas ceux entre pays ACP, il y a un réel risque pour que
les pays ACP s'approvisionnent plus auprès de l'UE, au détriment des autres pays ACP. Pour éviter ce
phénomène de diversion de commerce, contraire au volet développement de l'accord de Cotonou, l'UE
prévoit la constitution de marchés régionaux. Les effets de l'intégration régionale sont très mal connus et
sont l'objet d'un débat animé.
2.3.1. L'intégration régionale paraît difficile…
Actuellement les multiples accords régionaux ne sont globalement pas appliqués, seule la CEMAC a
quasiment achevé son intégration. Les principales raisons de ce retard sont le manque d'infrastructures et
les structures des marchés nationaux. Le manque de routes et de moyens de communication est un réel
obstacle à la circulation des marchandises entre les pays. Cette circulation est rendue encore plus difficile
par des problèmes de gouvernance tels que le paiement de taxes officiellement inexistantes. A titre
d'exemple, au sein de la région Afrique centrale, entre Yaoundé (Cameroun) et Bangui (Centrafrique) il
existe 128 points de contrôle à l'origine de taxations injustifiées (d'après Laborde, Fontagné, Mitaritonna,
CEPII 2006). Les marchés des pays d'une même région sont parfois très similaires et donc peu
complémentaires. Plusieurs pays sont demandeurs d'un même bien qu'aucun d'entre eux ne produit ; ils
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sont obligés de s'approvisionner en dehors de la région. A titre d'exemple, l'indice de complémentarité
entre les Comores et le reste de la région COMESA est d'environ 5 % (d'après Adriamamonjiarison, 2006).
Enfin, la création de marchés régionaux constituerait une perte de recettes douanières ultérieure
puisqu'elle implique la disparition des tarifs douaniers entre pays membres d'une même région.
2.3.2. …mais pourrait permettre le développement par le commerce
Les unions douanières n'étant pas effectives, l'intégration régionale permettrait des gains
considérables en termes d'échanges et d'amélioration de la concurrence. L’évolution prévue des
exportations des pays ACP vers l’ensemble des pays ACP semble positive pour toutes les régions, variant
entre 10 % et 55 %, sauf pour l’Afrique centrale (-2 %) (d'après Laborde, Fontagné, Mitaritonna, CEPII
2006). Cette dernière constitue déjà une zone intégrée et souffrirait des détournements de flux
commerciaux vers les autres pays ACP.
Les économies et les agricultures des pays ACP ne sont pas prêtes pour faire face à des importations
massives à bas prix. Les exportations agricoles étant une des bases de ces économies, les risques de
déstabilisation sont grands : réduction des budgets nationaux et ruine des agricultures locales. Mais il existe
des façons de tirer parti des APE : les accords fournissant un accès libre au marché européen ne seront
profitables que si les pays ACP ont une réelle capacité d’offre. Or, cette dernière reste faible dans la réalité.
Toutefois l'absence de marchés régionaux ne permet pas de mesurer le potentiel productif réel. Ainsi, il est
probable que la vallée du fleuve Niger ou du fleuve Sénégal pourrait satisfaire une grande partie des
besoins en céréales de l'Afrique de l'Ouest. Ceci suppose l'organisation de véritables marchés régionaux
pour que les APE promeuvent le développement et atteignent ainsi leur objectif, sans oublier que le
commerce est un facteur de paix. Parallèlement, il est nécessaire de protéger les secteurs les plus
sensibles. La mesure précise de ces aspects nécessiterait une étude complémentaire approfondie.
2.3.3. Les moyens pour réaliser l'intégration régionale existent mais ne sont
pas encore au point
Pour réaliser l’intégration régionale, des moyens financiers et des délais longs sont nécessaires. Les
APE étant établis dans le cadre de Cotonou, les fonds européens pour le développement (FED) peuvent
apporter les ressources financières nécessaires à l’amélioration des infrastructures. Le neuvième FED est
constitué d’une enveloppe importante, d’environ 15 milliards d’euros. Toutefois ces ressources ne sont que
potentiellement – et non pas effectivement – disponibles à cause des procédures de décaissement. Au 31
décembre 2005, 9,2 milliards ont été engagés et uniquement 2,6 milliards ont été effectivement payés7.
7
Source : « Cour des comptes de l’Union européenne », rapport annuel relatif à l’exercice 2005 /JO C263/1 du 30
octobre 2006).
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
Une révision en profondeur des procédures est nécessaire mais des fonds considérables seront disponibles
pour la mise à niveau des structures.
Reste la question des délais. L’article XXIV du GATT établit que la mise en place d’une zone de libreéchange doit se faire dans des « délais raisonnables » sans autre précision. On considère communément
qu’un délai de dix ans est raisonnable mais il n’existe aucune interprétation officielle. La Commission
européenne a réaffirmé sa volonté de faire preuve d’une grande inventivité et l’OMC prévoit, dans différents
accords, des périodes de transition plus longues pour les pays en développement que pour les pays
développés. Une marge de manœuvre permettant d’allonger la période de mise en œuvre à 15 ou 20 ans
existe. Des délais longs sont une condition indispensable pour que les PED puissent tirer profit des APE.
Pour valoriser au mieux la possibilité de développement offerte par l’ouverture des marchés
régionaux et du marché européen, un cadre macroéconomique favorable et des politiques régionales sont
nécessaires. Mais c’est plutôt une grande incohérence entre les politiques nationales et régionales qui
transparaît des débats. Plus grave encore, les politiques agricoles régionales ne sont pratiquement pas
évoquées. Or, sans ces politiques, le risque est grand de ne pas saisir l’opportunité offerte par les accords.
La situation est d’autant plus complexe que les modèles de développement agricole ne sont pas établis
dans les pays ACP. Les décideurs des pays ACP opposent un modèle d'exploitation familiale à une
agriculture moderne sans
arriver à intégrer ces deux paradigmes afin de promouvoir une agriculture
familiale moderne et innovante. Il est donc urgent de renforcer les capacités d’expertise des ACP dans ce
domaine.
3.
SI LES APE NE SONT PAS SIGNES LE DROIT COMMUN DE L'OMC SERA PROBABLEMENT
APPLIQUE, SAUF SI DES SOLUTIONS ORIGINALES SONT TROUVEES
L'accord de Cotonou, dans son article 37, prévoit une différenciation entre les pays ACP PMA et non
PMA, ainsi que l'examen d'alternatives pour les pays non PMA qui ne souhaiteraient pas signer un APE. Il
faut noter que le régime TSA est une alternative aux APE très intéressante pour les pays ACP PMA. Tous les
pays ACP, en signant l'accord de Cotonou, ont choisi de négocier les APE avec l'UE et de constituer des
ensembles régionaux. Toutefois, tout pays ACP a la possibilité de quitter la négociation des APE à tout
moment. De plus, les débats publics sur les APE et leur capacité de résoudre les problèmes de
développement se sont multipliés. Ils ont amené de nombreux observateurs, notamment ceux issus de la
société civile, à analyser les alternatives possibles. En schématisant, les alternatives aux APE peuvent être
classées en deux catégories, en fonction de leur compatibilité avec les règles de l'OMC. Les alternatives
incompatibles nécessitent le plus souvent soit une révision de l'article XXIV du GATT pour supprimer la
réciprocité des préférences pour les ACP, soit une dérogation permanente au droit commun de l'OMC pour
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
les ACP, ce qui revient de fait à une modification des règles. La dérogation obtenue par l'UE prend fin le 31
décembre 2007. Les membres de l'OMC sont incapables actuellement de poursuivre les négociations du
cycle de Doha. L'UE continue à affirmer qu'elle ne demandera pas une dérogation supplémentaire car cela
la placerait dans une situation d'infériorité face aux autres membres de l'OMC pour les négociations à venir.
Dans ce contexte une modification des règles de l'OMC ne parait pas vraisemblable. Ne seront donc
analysées que les alternatives ne demandant pas de modification des règles de l'OMC.
3.1.
Si les APE ne sont pas signés, les pays ACP seront soumis au régime SPG
Si les APE n'étaient pas conclus, les pays ACP non PMA dépendraient du SPG. Une variante plus
favorable aux pays exportateurs existe et est baptisée SPG+. Elle octroie des bénéfices plus importants que
le SPG, mais moins intéressants que l'accord de Cotonou, aux Etats qui appliquent des réglementations de
bonne gouvernance, de lutte contre les drogues ainsi que le droit du travail et les droits de l'homme.
Certaines propositions visent à étendre le SPG+ à tous les pays ACP qui ne signeraient pas un APE.
Toutefois la Commission européenne est très attachée à l'idée d'encouragement à la bonne gouvernance au
travers d'une politique commerciale plus favorable et souhaite que le respect de certaines conventions reste
la condition sine qua non pour accéder au SPG. Or, de nombreux pays ACP ne satisfont pas cette condition.
Ainsi, en faisant l'hypothèse qu'aucune modification majeure ne sera apportée aux régimes commerciaux
existants, le SPG est l'alternative à laquelle les pays ACP peuvent se référer en considérant l'éventualité de
ne pas signer un APE.
3.2.
Un APE allégé permettrait de tirer parti de l'imprécision des textes de l'OMC
L'article XXIV du GATT n'est pas précis et laisse de ce fait des marges de manœuvre importantes
pour la négociation. D'une part, il établit que la libéralisation doit concerner « l'essentiel des échanges
commerciaux »: quel pourcentage des échanges est-ce que cela représente ? 90 % conformément à
l'interprétation de l'UE ou bien 85 ou 80 % ? Comment mesurer ce pourcentage ? En part des volumes
échangés, c'est-à-dire en tonnes comme prévu par l'UE ? Ou bien en nombre de lignes tarifaires ? D'autre
part, l'article XXIV prévoit que les ALE soient mis en place dans un « délai raisonnable ». Mais qu'est-ce que
cela signifie concrètement ? L'UE propose 10 ou 15 ans, mais pourquoi pas 18 ou 20, voire 25 ans ? Une
alternative à la proposition actuelle de la Commission européenne serait un accord moins ambitieux tirant
parti au maximum des imprécisions des règles de l'OMC sur les ALE. Certains auteurs appellent cette
alternative un « APE allégé ». Il s'agirait d'un ALE libéralisant 80 % du commerce de façon asymétrique
(100 % pour l'UE – 60 % pour les ACP) et dont la mise en place s'étalerait sur 25 ans. Quels sont les
risques liés à une telle alternative ? Un « APE allégé » résulte d'une interprétation souple des règles, qui
pourrait être contestée par l'OMC. Toutefois, aucun ALE n'a jamais été contesté par l'OMC jusqu'à présent.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
Une éventuelle contestation pourrait venir d'un Etat membre de l'OMC. Plus l'interprétation sera souple,
plus il y aura de risques de contestation.
3.3.
Des APE nationaux tiendraient compte des différences entre PMA et non PMA
mais arrêteraient l'intégration régionale
L'accord de Cotonou prévoit que six APE soient conclus, un pour chaque ensemble régional ACP,
sans exclure d'autres configurations telles que la signature pays par pays. Cette alternative offre la
possibilité aux PMA de garder le régime TSA, plus avantageux qu'un éventuel APE car non réciproque et
pratiquement sans exclusion de produits sensibles. Les ACP non PMA pourraient négocier nationalement en
adaptant l'accord aux caractéristiques propres de leur économie. Toutefois les pays ayant un faible poids
géopolitique se retrouveraient dans une situation difficile pour tirer parti des négociations. Certaines
considérations légales appuient l'hypothèse d'une signature nationale. Les ensembles régionaux ACP ne
sont pas déclarés auprès de l'OMC en tant qu'unions douanières. La notification à l'OMC de la signature
d'un accord pays par pays est possible mais certains pays ACP ne sont pas membres de l'organisation8.
Comment se comporter vis-à-vis d'eux ? Il faut également noter que la notification nationale peut aussi être
envisagée dans le cadre d'APE négociés au niveau de la région, un accord cadre serait alors signé
régionalement et ne serait pas notifié à l'OMC. Toutefois, signer des accords nationaux équivaut à signer la
fin de la constitution de marchés régionaux. En concluant des accords nationaux indépendants, chaque
pays aurait son propre régime douanier, l'harmonisation au niveau régional serait impossible.
Théoriquement, les APE devraient être conclus le 31 décembre 2007. Mais vu l'état d'avancement
des négociations, la probabilité d'une signature dans les délais est de plus en plus faible. Une multitude
d'incertitudes subsiste. Les PMA vont-ils vouloir conclure des APE ? S'il n'y a pas de signature, quelle sera la
réaction de l'OMC ? Quel sera le régime commercial appliqué dès le 1er janvier 2008 ? Ces incertitudes
plaident en faveur d'une conclusion rapide. Pourtant il est important de ne pas bâcler les accords et de ne
pas laisser passer une occasion historique d'offrir une réelle chance de développement aux pays ACP.
8
Liste des pays ACP signataires de Cotonou qui ne sont pas membres de l'OMC : Cap-Vert, Comores, Erythrée,
Ethiopie, Guinée équatoriale, Libéria, Sao Tomé et Principe, Seychelles, Soudan, Bahamas, Iles Cook, Kiribati, Iles
Marshall, Micronésie, Nauru, Niué, Palau, Samoa Occidentales, Tuvalu, Vanuatu.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de
partenariat économique?
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colloque FARM, Paris, novembre 2006
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Discours d'ouverture de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation
pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM)
29 novembre 2006
Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue ce matin au nom de Crédit Agricole S.A. et de
la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde. C’est un grand honneur pour nous d’accueillir
l’assemblée internationale de professionnels et d’experts que vous constituez. Permettez-moi de saluer les
participants étrangers. Les 400 participants inscrits pour ces trois jours relèvent de 35 nationalités. Nous
sommes heureux de leur présence. Nous souhaitons qu’ils se sentent ici chez eux et qu’ils participent
activement à ces travaux.
Je souhaite aussi rendre hommage aux organisateurs et aux promoteurs de cette initiative. En
effet, ce colloque rassemble, en fait, trois manifestations préparées par trois équipes qui ont décidé de le
concevoir et de le préparer ensemble : le groupe Pluriagri, l’association Notre Europe et la fondation FARM.
Il faut aussi souligner que ce projet a été soutenu et encouragé par les membres de ce que l’on appelle le
groupe Sologne, entité à la fois informelle et dynamique qui réunit sous la présidence de Xavier BEULIN les
organisations professionnelles des trois filières des grandes cultures, des oléo protéagineuses céréalières et
sucrières, Groupama et le Crédit Agricole S.A.
La démarche mérite d’être soulignée. Elle traduit une volonté de compréhension globale du monde
et un sens de la solidarité internationale. Elle traduit aussi un désir de partager les informations et les
expériences entre acteurs européens et acteurs des pays du Sud.
Ce colloque s’intitule : « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? » Il a pour objectif de présenter les diagnostics préparés par des experts et de
les discuter avec les professionnels. Cette initiative est opportune car l’agriculture est, de nouveau, à la
veille de grandes échéances qui concernent l’Europe comme les pays en développement, avec en toile de
fond l’incertitude de la reprise ou non des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce.
Les questions agricoles reviennent au cœur des préoccupations des responsables politiques comme
des économistes et des financiers. La Banque mondiale va consacrer son rapport annuel
l’agriculture, alors qu’elle n’avait plus abordé globalement ce thème depuis longtemps.
2008 à
La question se
pose, de nouveau, de savoir si la satisfaction des besoins du monde en produits agricoles, alimentaires ou
énergétiques, est possible, à quel prix et de façon équitable. Doit on prévoir une augmentation durable des
prix des matières premières ? Quelles conséquences doit on en tirer pour la conception des politiques
agricoles ? Quels investissements seront nécessaires ? Qui y aura accès et comment ?
Le Crédit Agricole porte un intérêt majeur à ces réflexions prospectives en tant que banque, mais
aussi et surtout en tant que banque issue du monde agricole. La réussite de l’agriculture française et de
l’agriculture européenne repose sur une certaine conception de la politique agricole et des rapports entre
ses principaux acteurs : les organisations professionnelles, la mutualité pour le financement ou l’assurance,
les entreprises et les pouvoirs publics.
Cette conception a montré sa capacité d’adaptation puisqu’elle a affronté plusieurs réformes avec
succès même si ce ne fut pas toujours sans difficulté. A quelles nouvelles inflexions doit-elle se préparer ?
Comment répondre à long terme aux attentes des citoyens notamment en terme de sécurité sanitaire et
d’environnement tout en satisfaisant l’équation étroite des prix aux consommateurs et des revenus des
producteurs ?
La politique agricole européenne connaîtra encore des évolutions. Pour autant, les principes qui ont
fait son succès restent d’actualité et peuvent, nous le pensons, être utiles à nos amis des pays en
développement et notamment des pays d’Afrique. Notre politique agricole, fondée sur un marché régional
protégé, a donné leur chance aux productions européennes et a généré des industries agroalimentaires
performantes.
Les investissements et l’innovation technologique ont permis de tirer parti de ce marché intérieur.
La modernisation de l’agriculture a constitué une des composantes de la croissance économique des trente
glorieuses, les organisations professionnelles y ont joué un rôle déterminant.
Les accords de partenariat économique qui vont régir les échanges commerciaux entre l’Union
Européenne et les pays ACP à partir de 2008 offrent une opportunité historique pour que de véritables
marchés agricoles régionaux se structurent. Mais ceci exige des politiques agricoles assurant la promotion
des productions locales et soutenant les investissements dans l’agriculture.
C’est surtout l’occasion de donner à tous les agriculteurs de ces pays, une perspective d’avenir et
l’espoir de vivre de leur travail. Je suis sûr que les responsables politiques et les négociateurs cherchent à
atteindre cet objectif. L’Union européenne qui partage avec vous une histoire et un avenir par la proximité
géographique y a tout intérêt. Les pays ACP ne peuvent se donner des perspectives de développement
économique sans amélioration de l’agriculture. 65% de leur population est agricole, soit 450 millions sur
700 millions d’habitants. Pourtant, il semble qu’il ne soit pas simple de trouver les meilleures voies pour y
parvenir. C’est là l’enjeu de ce colloque. A partir de diagnostics partagés, comment suggérer les meilleures
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
20
façons d’atteindre un objectif d’intégration régionale, de modernisation agricole et de croissance
économique ?
La Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde a été créée par un groupe d’entreprises
Casino, Suez, Limagrain-Vilmorin, l’Agence Française de Développement, le Crédit Agricole et Air France
pour apporter les savoir faire des entreprises et des professionnels à l’agriculture des pays en
développement. C’est une initiative de solidarité inspirée par une volonté
d’entreprendre avec
pragmatisme et professionnalisme.
La finalité est d’aider les filières agricoles à accéder aux expériences et aux méthodes qui ont fait
leur preuve et à accéder à des outils de travail indispensables tels que le crédit, l’eau, les innovations ou la
formation au management. L’objectif de FARM est aussi de sensibiliser les responsables politiques aux
enjeux de l’agriculture par des études rigoureuses et la valorisation des succès. La démarche associe
étroitement les organisations professionnelles agricoles du Nord comme du Sud, que beaucoup d’entre
vous représentent ici. Ce sont elles qui agissent. En Afrique, le séminaire sur la sécurité alimentaire, que
les organisations professionnelles ont organisé à Niamey début novembre, a témoigné de leur capacité à
mobiliser les responsables et les partenaires. Nous sommes prêts à les aider à démultiplier encore leur
action comme nous le faisons avec l’association des producteurs de coton.
Les travaux de ces trois jours sont très sont importants. Je ne doute pas qu’ils éclaireront l’avenir
et permettront de le préparer grâce à des propositions opérationnelles, solidaires et équitables.
Je vous remercie pour votre engagement. Il repose sur le triptyque : travail, générosité,
responsabilité. Travail, sans lequel nous n’avons que peu de choses à partager, sinon l’envie ou les regrets ;
travail, sans lequel il n’y a pas de promotion sociale ; travail enfin, sans lequel il est bien difficile de
reconnaître les mérites. Générosité, cette vertu, sans laquelle la solidarité est très souvent la façon habile
de gérer nos intérêts ou nos égoïsmes communs. Responsabilité qui nous invite à mesurer que nos actions,
nos actes ont des conséquences sur notre environnement au sens le plus large du terme.
Georges Clémenceau, un homme politique français du début du siècle dernier, avait coutume de
dire : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Quand on l’a dit,
il faut avoir la volonté de le faire ».
C’est ce que je vous souhaite. C’est ce que je nous souhaite.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention d’Edgard PISANI, ancien Ministre de l’Agriculture et de la Pêche,
ancien commissaire européen.
28 novembre 2006
Quelle extraordinaire coïncidence que celle de l’intérêt simultané porté à l’Afrique par la Chine, les
Etats-Unis et l’Europe. A y réfléchir de près, on y trouve une promesse et une menace. Je voudrais tenter
de vous dire d’abord, où, à mes yeux, se trouve la menace, et à quelles conditions cette conjonction peut
devenir une promesse, et dans quelles perspectives. Aussi ne m’inscrirai-je pas dans l’histoire, qui d’ailleurs
ne vous apporterait rien, car elle est dépassée.
Où est la menace ? Je voudrais le dire sans accuser quiconque. Il me semble que la passion subite
que la Chine porte à l’Afrique est sans doute essentiellement expliquée par le fait que l’Afrique possède des
matières premières dont la Chine ne dispose pas. D’où vient l’intérêt que les Etats-Unis portent à l’Afrique ?
Il paraît qu’elle est l’un des foyers du terrorisme. Hélas, elle en souffre mais est victime d’elle-même. Que je
sache les Africains ne se manifestent pas particulièrement dans les attentats qui ont eu lieu. D’où vient
l’intérêt de l’Europe ? L’Europe, et la France en particulier, représente un vieil attachement dont il faut que
nous nous départissions pour le retrouver. Nous ne sommes pas en Afrique les héritiers de nous mêmes,
nous sommes les amis de nos voisins et nous travaillons pour que cette région du monde trouve un
équilibre qu’elle n’a, jusqu’à présent, jamais connu. La menace est le fait que ce qui intéresse en Afrique
est la matière première. Des investissements y sont faits, non pas pour y créer des emplois, alors que la
démographie explose, mais pour emporter dans de grands bateaux des matières brutes que la main
d’œuvre d’ici ou de là transformera. Comment ne pas se poser la question, par exemple, de savoir si ne
pourrait pas être reconnu aux pays africains le droit de prélever sur l’exportation de matières premières
brutes un droit qui permettrait de constituer un fonds de développement de l’Afrique ? Car, enfin, ceux qui
viendront de ces continents pour vous aider, pour animer votre développement, viendront tout armés de la
capacité juridique, administrative, financière qu’ils ont. Ce n’est que latéralement qu’ils se préoccuperont de
votre développement, qu’ils se préoccuperont de votre croissance, parce qu’elle favorisera la leur. Méfiez
vous de cette menace. Elle est considérable et elle serait redoutable si l’Afrique ne s’organisait pas pour y
faire face.
Comment le peut-elle ? Je voudrais essayer, comme en me promenant, d’évoquer quelques
actions, quelques attitudes, quelques décisions qu’il serait bon de prendre - j’en ai évoquée une tout à
l’heure sur le problème du droit à l’exportation, symétrique du droit à l’importation - et qui, dans les
circonstances qui sont en train de naître, peuvent être utiles. Je crois que la première condition est que
l’Afrique soit à la fois une et organisée en régions. Il ne faut pas qu’elle soit concurrente d’elle-même, mais
il ne faut pas ambitionner d’organiser l’Afrique comme un ensemble, alors que les différences sont
considérables d’une région à l’autre, alors qu’il y a des pays qui ont du pétrole et que d’autres n’en ont pas,
alors qu’il y a des pays où l’agriculture vient naturellement, qu’elle a toujours existé et que dans d’autres,
elle est très difficile. Des régions oui, car ce n’est pas si facile que cela entre pays voisins. Il y a des
querelles ancestrales et la carte politique de l’Afrique a été ainsi faite qu’elle a calqué la géographie de la
colonisation et non pas celle de l’héritage africain. Ainsi, nous nous trouvons devant des pays, pour amis
qu’ils se déclarent, qui ne sont pas toujours prêts à travailler ensemble. Donc, il faudrait inventer des
régions et leur donner des fonctions précises, de façon que, peu à peu, les Africains découvrent leur
solidarité et choisissent de travailler ensemble pour aller plus loin. La première condition pour laquelle
l’opportunité, qui s’est développée progressivement, soit saisie, c’est que l’Afrique se considère une et
multiple. Non pas à cinquante, mais à cinq, six. Il existe des documents qui disent que ce procédé est déjà
en route, s’il n’est déjà réalisé.
Je voudrais retenir deux domaines, parmi tant d’autres, où la construction régionale me paraît
essentielle : celui de la recherche et celui de l’enseignement supérieur. Vous êtes incapables, dans la
plupart des pays d’Afrique, d’avoir des centres de recherche significatifs. Je ne cache pas, pour l’avoir
constaté par moi-même, que la recherche que nous avons consacrée à l’Afrique a été plus consacrée au
développement de produits dont nous avions besoin, qu’au développement de l’agriculture dont l’Afrique
avait besoin pour vivre. Il faut avoir des centres de recherche jumelés avec Paris ou Wageningen ou
d’autres. Mais ils doivent peu à peu se dédier à la problématique locale, qu’elle soit climatique,
sociologique, alimentaire, cela à une échelle telle qu’il puisse y avoir des centres pluridisciplinaires utiles et
efficaces. Là, l’Europe peut vous aider considérablement, parce que nous avons une foule immense de
chercheurs qui connaissent bien l’Afrique. Pourtant, ceux-là mêmes qui se sont passionnés pour elle, l’ont
souvent regardée à partir de leur chaire qui n’était pas africaine.
De la même façon, il me paraît
absolument évident que la plupart des pays d’Afrique ne peuvent pas se doter d’un enseignement
supérieur, dont ils ont besoin. La situation désespérante dans laquelle vous vous trouvez est que les
meilleurs des vôtres iront faire leurs études de l’autre côté des eaux, et, à cause des salaires plus élevés qui
y sont actuellement attribués, ils resteront de l’autre côté des eaux, au lieu de revenir au pays. Des
exceptions existent mais elles sont rares. Ainsi, recherche et enseignement supérieur suffiraient pour que
les régions aient un sens. Mais elles en ont évidement un autre, sur lequel je n’insisterai pas. Elles
constituent des ensembles qui sont géographiquement plus équilibrés, qui ont plus de chance d’aboutir à la
conception d’un système de développement, qui ne soit pas limités par des frontières trop étroites. Y a t il
d’autres domaines où il faut que l’occasion qui est offerte réveille chez vous une précaution, une attention,
une éthique ? Ceux qui viennent essaieront de corrompre ceux qui dirigent, s’ils ne l’ont déjà fait. C’est ainsi
que cela se passe partout dans le monde. Et vous ne vous en sortirez pas, vous ne pourrez pas vous en
sortir, si ayant besoin d’argent immédiatement, vous vous précipitiez sur la vente de matières premières, au
lieu de négocier, au risque de retarder les investissements qu’on vous promet. Vous ne vous en sortirez pas
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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si vous ne négociez pas âprement la création des usines de transformation de ces matières premières,
qu’elles soient minérales ou végétales.
Sans prolonger outre mesure mes propos, j’en reviens à l’agriculture. L’Afrique était autosuffisante
il y a une trentaine, une quarantaine d’années ; elle ne l’est plus. L’aide alimentaire a d’ailleurs « aidé » à
ce qu’elle ne le soit pas, et le prix de revient de la production agricole locale a amené les gouvernements à
prendre des dispositions de libre-échange qui ont détruit des agricultures pourtant efficaces. Je pense au
Président Félix Houphouët-Boigny qui s’est toujours inquiété du prix du riz et de la charge que cela
représentait dans les budgets familiaux. Les experts lui ont dit que ces prix étaient la condition nécessaire
au développement du riz en Côte d’Ivoire. Pour des raisons budgétaires, il en a éprouvé le regret par la
suite, il a décidé d’ouvrir ses frontières au riz d’importation. Alors que la Côte d’Ivoire était autosuffisante
en matière de riz, elle est devenue importatrice pour l’essentiel de sa consommation. Nous avons le devoir,
avec vous, de réfléchir à la façon dont vous pouvez atteindre la sécurité alimentaire en vous donnant le
temps, par un système à étudier, de vous protéger contre une concurrence que vous ne pouvez pas
supporter ou qui, si vous pouviez, plongerait vos paysans dans la plus dramatique des misères. Il y a un
autre risque et il est grave. Je vais vous en donner une image. Je connais un peu l’Afrique. Un jour, je
visitais une bananeraie admirable aux ouvriers animés, compétents, actifs et gais. Le hasard a fait que je
fus conduit aux limites de la plantation. De l’autre côté du grillage, j’ai vu la brousse dans sa tristesse grise
ou noire. J’ai demandé au patron de la plantation si un hélicoptère ne pouvait pas me faire mieux admirer
le site. Un hélicoptère fut mis à ma disposition – j’étais un personnage à l’époque. Le vert, la verdure
s’arrêtaient aux limites exactes de la plantation. Ainsi, les hommes et les femmes qui travaillaient dans la
verdure, dans une plantation, n’avaient en aucune façon été incités ou n’avaient en aucune façon, été aidés
– et peut-être étaient-ils contrariés ? - pour planter des lopins pour leur autosuffisance. De ce fait, alors
qu’ils avaient des terres fertiles, ils ne les cultivaient pas et achetaient, avec leur salaire, ce dont ils avaient
besoin pour vivre.
Aussi, deux certitudes se profilent-elles à l’horizon. D’une part, le concept de sécurité alimentaire
est en Afrique plus évident, plus contraignant, plus absolu qu’ailleurs. D’autre part, ce continent va
augmenter de quelques centaines de millions d’habitants. Va-t-il faillir un peu plus et ne pas nourrir les
enfants qu’il appelle à la vie ? La vision mondialiste sans nuance qui est aujourd'hui critiquée attend sa
revanche alors qu'elle est, pour un continent comme l’Afrique, un non-sens, voire un crime.
Je voudrais aller plus loin et en venir aux modèles d’agriculture qu’il s’agit de favoriser. Nul doute
que s’il y a de l’argent à gagner, si des terres sont disponibles, il y aura toujours des capitaux pour créer de
grandes plantations. Monsanto et d’autres sont prêts à faire des expériences sur votre continent. Si vous
n’inventez pas dans chacun de vos pays les moyens de l’épanouissement, du développement d’entreprises
familiales agricoles, économes en énergie, donnant du travail à beaucoup et nourrissant de plus en plus,
vous aurez manqué l’occasion qui vous est offerte. N’acceptez pas, sans y réfléchir à deux fois, que les
plantations se multiplient, comme elles se multiplient dans le monde entier.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Je terminerai par là. Il y a trois milliards de paysans dans le monde. Il y en a huit cents millions en
Chine. Il y a chaque année vingt-trois millions de Chinois qui quittent la campagne pour aller en ville, alors
que les usines débauchent et que l’on ne sait plus quoi faire de cette main-d’œuvre dont on n’a plus guère
besoin. Il y a des Etats, la Russie, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, dont les terres étaient collectives et
qui les afferment à des conditions défiant toute concurrence à de grandes compagnies, par hasard
américaines, pour qu’elles constituent de grands ensembles, capables d’aller sur le marché mondial.
Prenons-y garde. On peut imaginer techniquement un monde nourrissant le monde (mais c’est difficile) à
partir de quelques millions de fermes dotées chacune de quelques dizaines de tracteurs et de moins
d’ouvriers. A l’opposé, il nous faut imaginer, en Afrique comme ailleurs, une agriculture familiale car elle est
protectrice de l’environnement, elle crée autant de richesses que l’autre et permet que les déséquilibres
démographiques qui menacent le monde soient moins grands qu’ils ne le seraient.
Voilà ce qu’un vieil homme peut dire au gré de soixante ans d’expérience et de connaissance de
l’Afrique et d’une crainte, qu’une fois encore, une occasion soit manquée.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention d’Erik ORSENNA, écrivain, membre de l’Académie française, vice président de la
Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM)
29 novembre 2006
Je vais être bref. Je voudrais vous dire trois choses.
La première concerne le rendez-vous extrêmement important entre l’Union Européenne et les pays
ACP. Les négociations des Accords de partenariat Economique (APE) définiront le cadre des vingt
prochaines années. Des personnes ne voudront pas y participer. Soit. Notre position, à nous à FARM, sera,
bien évidemment, d’y assister. Nous ferons tout, aussi, au travers de cette fondation pour aider ces
négociations, aider à préparer ceux qui souhaitent y participer. Beaucoup des actions possibles vont être
déterminées pendant cette période. Mais, immédiatement, se pose la question de savoir pourquoi faut-il se
laisser contraindre à un rythme et un ordre du jour ? Pourquoi entrer dans ces négociations ? Pourquoi se
précipiter joyeusement dans la seringue ? La réponse est le commerce bien sûr. Je voudrais qu’à l’occasion
de ces négociations nous nous posions quelques petites questions gênantes. Par exemple, s’il y a des règles
du jeu qui sont définies, que se passe-t-il quand des Etats ou des groupes d’Etats ne les respectent pas ?
Nous avons vu cela avec l’OMC, à quoi sert de déterminer comme illégales un certain nombre de règles, de
mesures ? Cela ne sert à rien. Donc à quoi servent des négociations commerciales ? Il s’agit là de ma
première question.
J’en aurai une autre à vous soumettre. De quoi faisons-nous commerce ? Nous faisons commerce
de matières premières agricoles. Mais, le cadre de ce commerce est une autre matière première, la
monnaie. Personne n’aborde les questions monétaires, comme si le commerce mondial est hors monétaire.
J’ai été élevé dans la passion de l’Europe qui a été fondée sur deux éléments concrets : la PAC et le
système monétaire européen, qui est un élément de vraie volonté. Or, maintenant, nous avons retiré la
monnaie du cadre politique. Nous nous trouvons dans une situation invraisemblable où les pays les plus
nécessiteux de la planète sont reliés, via le CFA, à la monnaie la plus surévaluée de la planète, l’euro. De
plus avec la politique de l’euro très fort qui est celle de la Banque centrale européenne on ne peut prévoir
aucune amélioration. Cette politique de l’euro fort est destinée à lutter contre l’inflation. Mais où est
l’inflation ? A quoi sert de se battre des années pour des règles commerciales qui sont premièrement
bafouées et deuxièmement remises en cause par des manipulations monétaires ? Il faut avoir soit de
l’aveuglement soit un sens de la bataille ancré en soi pour continuer. Autre point à interroger dans ce qui
accompagne le commerce. Pourquoi les négociations qui s’ouvrent en ce moment ont moins d’écho que les
négociations des conventions antérieures ? Dans ces dernières, le commerce était présent, certes, mais il y
avait d’autres éléments qui l’accompagnaient tels les mécanismes de stabilisation des cours, les
mécanismes de lissage. En 1981, je rentrais dans le cabinet de M. Jean-Pierre Cot, pendant deux ans je me
suis occupé d’un petit mécanisme beaucoup décrié depuis, le Stabex. Pourtant, le Stabex rendait des
services. N’y aurait-il pas d’autres mécanismes de ce type pour accompagner des cours de matières
premières qui sont des cours extrêmement instables ? En ce qui concerne l’instabilité, je voudrais que ne
soit pas seulement traitée celle des cours, mais que soit également abordée l’instabilité monétaire. Grâce
aux études de Reynald Evangelista, nous savons clairement que la situation du paysan qui cultive le coton
est meilleure avec un cours de 55 cents de dollar et un taux de change de 1,15 dollar pour un euro,
qu’avec un cours, comme aujourd’hui, de 58/59 cents de dollar et la parité actuelle entre euro et dollar. A
quoi cela sert-il de ne pas aborder cette question centrale ? Cela fait montre d’un aveuglement et d’une
impuissance généralisée.
Dernier point, j’aimerais que la réalité des paysans soit plus débattue. Qui sont les paysans ? Ceux
sont des personnes qui nourrissent d’autres personnes. Les personnes qui auront besoin d’être nourries
seront de plus en plus nombreuses. Comme Edgard Pisani l’a souligné, dans son intervention précédente, il
existe deux tabous, un monétaire et un autre démographique. Qui nourrira la population en Afrique,
population amenée à doubler dans les prochains vingt-cinq ans ? Toujours les paysans, et qui seront-ils ?
Les paysans du Nord avec leurs exportations massives ou les paysanneries du Sud avec un soutien
nécessaire ? Car il n’existe aucune paysannerie, de par le monde, qui ne soit soutenue.
Je voudrais clore ce tout petit exorde en vous disant que chez nous les paysans seront toujours
soutenus, d’une manière sans doute vouée à changer. Pourquoi un tel soutien ? Parce que le paysan, et ce
dans toutes les sociétés, est toujours un garant d’une certaine identité, d’un certain équilibre des
civilisations. Pour nous, il représente un enjeu lié à une part économique croissante et aux problématiques
environnementales et énergétiques. Dans le Sud, le paysan n’est pas une question d’identité ou d’équilibre,
il est une question de survie.
Je vous remercie.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention d’Ibrahim Assane MAYAKI, directeur exécutif de la Plateforme en Afrique de
l’Ouest et du Centre, ancien Premier ministre du Niger
29 novembre 2006
Je remercie FARM de m’avoir invité à ce colloque. Il a suscité des débats très vifs sur des questions
d’actualité, qui, je suis convaincu, auront une suite. Je suis responsable d’une plateforme en Afrique de
l’Ouest et du Centre. Sa finalité est d’apporter une assistance dans la définition des politiques agricoles, de
renforcer les capacités des organisations de producteurs, des organisations paysannes et d'organiser le
dialogue politique sur des questions de développement rural. La plateforme est formée d'un groupe
d’experts travaillant sur les marchés, la compétitivité, le foncier et les politiques agricoles. Dans l’équipe, en
réalité, je suis le seul qui ne soit pas un expert. A la lumière de ce colloque et du thème traité, j’avais
demandé à mes experts de faire un exposé en adéquation totale avec le sujet. Après les deux journées de
débats auxquelles j'ai assisté, j’ai décidé de refondre mon intervention afin d'apporter une réelle valeur
ajoutée.
Dans sa mission « dialogue politique », la plateforme a organisé deux grands ateliers sur les APE
en Afrique de l’Ouest et du Centre. Y ont assisté les fonctionnaires des ministères de l’Agriculture et du
Commerce de la région, les représentants des organisations de producteurs et les représentants du secteur
privé. Au départ, nous les avions définis comme des « ateliers de sensibilisation » avec une présentation
introductive faisant le point sur les APE. Ces ateliers regroupaient, chacun, plus de cinquante personnes.
Nous avons eu la surprise de constater que la partie introductive prit plus de temps que prévu, car le
niveau d’information, de connaissance des particularités et de la complexité du sujet était relativement
faible. A partir de ce constat, nous nous sommes interrogés sur deux points : le degré d’internalisation par
les différents acteurs de cette question essentielle qui impose des délais très courts et le niveau de
préparation technique sur le processus de négociation. Ce questionnement nous a amené à nous interroger
sur les structures des participants, à enquêter sur les déficits d’information et sur le niveau faible de
préparation malgré les efforts fournis par la CEDEAO, de l’UEMOA et d’autres. Pour trouver une réponse à
ces questions, il est nécessaire d’établir brièvement le contexte historique.
Au cours des années 1960/1970, nous avons assisté, au sein des administrations publiques de
l’Afrique de l’Ouest, à la mise en place de ministères de Planification relativement bien structurés qui ont
établi des perspectives décennales et des plans. L’Etat avait le monopole de la réflexion sur le
développement. Durant cette période, il orientait avec des formes d’assistance technique, tout en
conservant le monopole de la définition des politiques publiques. Pendant les années 1980/1990, avec
l’échec des politiques antérieures, ont été mises en place des mesures d’ajustement structurel. Celles-ci ont
conduit à la totale déstructuration de l’Etat, à la disparition des ministères du Plan et à l’affaiblissement
considérable
des
systèmes
d’information.
La
priorité
n’était
plus
le
« développement »,
mais
« l’ajustement » avec ses propres réseaux et structures. Le monopole de la définition du développement est
passé de l’Etat aux institutions financières internationales et aux différents bailleurs. Donc, la capacité à
formuler des politiques publiques à l’intérieur des systèmes administratifs a été affaiblie. A la suite de
l’évaluation des mesures d’ajustement structurel et des différentes initiatives concernant les réductions de
la dette, nous avons abouti aux stratégies de réduction de la pauvreté. Il y a eu un glissement sémantique
des plus visibles. Nous sommes passés du « développement » à « la réduction de la pauvreté ». Cette
« réduction de la pauvreté » se fait avec des systèmes administratifs fortement affaiblis et un
accompagnement par des mesures visant la participation des différents acteurs. Tout cela constitue le
cadre de référence actuel de l’essentiel de nos politiques publiques.
En essayant de voir dans quelle mesure les stratégies de réduction de la pauvreté définis en
Afrique de l’Ouest et du Centre intégraient les débats et les anticipations relatifs aux APE, nous nous
sommes rendus compte que la question avait été très peu abordée. De plus, dans la plupart des processus
participatifs devant conduire à la définition des stratégies de la réduction de la pauvreté, la question relative
aux APE était presque passée sous silence. Ainsi, les systèmes producteurs de ces politiques ne s’étaient
pas eux-mêmes préparés à intégrer cette donne. Cela montre le niveau de préparation qu’il pouvait y avoir
par rapport aux processus de négociation. Il est important de souligner cet aspect de la réalité. Car
souvent, nous imaginons que les systèmes de production de politiques publiques sont rodés sur des bases
vérifiables, que les processus sont cohérents, que les politiques sont rationnelles et qu’il y a les ressources
humaines adéquates etc. Mais nous nous fourvoyons. Nous nous concentrons alors sur le contenu d’un
certain nombre de politiques qui sont dérivées de multiples études effectuées à gauche et à droite et
réchauffées, en oubliant le processus qui a amené la définition de ces politiques publiques et qui comporte
en lui-même des déficits importants. Tant que nous n’aurons pas mis l’accent sur les déficits relatifs aux
processus de définition des politiques publiques, nous aurons toujours les résultats que nous voyons de
manque d’information sur le sujet, de préparation inadéquate etc.
Alors, pour toucher la question des APE, il faut noter que dans ces ateliers la participation a permis
d’aboutir à un certain nombre de points de consensus, quasi global, par rapport aux axes de négociation
qui devaient être privilégiés par nos négociateurs. Principalement, il s'agissait de l’augmentation du TEC
(tarif extérieur commun) des produits sensibles, de l’application de ce TEC jusqu’en 2020, accompagnée
d’un bilan au terme de ces années, tenant compte des différents cercles de compétitivité. Le consensus a
aussi porté sur la négociation d’un volet de développement suffisamment conséquent permettant d’appuyer
l’intégration régionale et renforçant les capacités productives existant dans la région. A l’intérieur de ce
triangle, se retrouvent la plupart des idées qui ont été émises sur la manière de stimuler le processus de
négociation.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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J’aimerais revenir aux questions de contextualisation. En organisant ces ateliers sur les APE, nous
avons eu une deuxième surprise lors de ces ateliers. Les représentants des organisations de producteurs ne
sont pas les moins informés, les moins préparés. Sur ces vingt dernières années, le changement est
spectaculaire. Il y a vingt ans, il était quasiment impossible de rencontrer, dans des processus participatifs
liés à la définition de politiques publiques, des représentants d’organisations de producteurs. Aujourd’hui, et
nous en avons un exemple flagrant dans cette salle, les producteurs ont une belle représentation. Ils ont
émergé au travers d’un certain nombre de mécanismes, ils sont présents. Ce qui est significatif dans leur
comportement est qu’ils n’intellectualisent pas leurs discours. Leur priorité est la défense de leurs intérêts.
Là réside le changement. Les politiques publiques peuvent penser rationnellement, avec des étapes, des
conditions... mais elles sont aussi le produit de rapports de force entre des acteurs qui ont des intérêts
distincts. La présence de ces organisations de producteurs, agissant pour la défense de leurs intérêts, est
une donne nouvelle, coïncidant de manière singulière avec le processus de négociation des APE. Quel que
soit le scénario retenu, ces agriculteurs, qui représentent une part très importante de nos populations,
s’organisent de mieux en mieux en vue de la défense de leurs intérêts. Ils essayent de faire face aux
problèmes de structuration. Mais leur présence est un point essentiel sur ces questions là. Ce n’est un
secret pour personne que des chefs d’Etat ou des membres de gouvernement demandent aux
représentants des organisations de producteurs de dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas.
Ainsi, la configuration du système de décision publique change. Nous sommes passés d’une
période de certitude où l’Etat avait le monopole de la définition des politiques publiques à une autre période
où la Banque mondiale et le Fonds monétaire international avaient le monopole de la définition des
politiques publiques. Aujourd’hui, nous sommes dans une période où il n’y a plus de monopole et où existe
un flou paradigmatique valant pour les Etats et les bailleurs. Cette dernière période est le témoin de
l’émergence d’un corps organisé, parfaitement conscient de ses intérêts et qui cherche à les pousser.
Je vous remercie.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour
l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM)
29 novembre 2006
Monsieur le Ministre,
Je suis heureux de vous accueillir au nom des organisateurs et de l’ensemble des participants de ce
colloque. Je vous remercie d’avoir accepté de consacrer de votre temps à la clôture d’une manifestation qui
a réuni pendant trois jours près de quatre cents personnes.
Je ne vais pas tirer les conclusions de ces trois journées, pour deux raisons. La première, je n’ai
malheureusement pas pu participer à la totalité des travaux, la seconde, je sais que votre temps est
compté.
Cette réunion qui a rassemblé des experts, des agriculteurs et des négociateurs, a été très
intéressante. Je sais qu’elle a donné lieu à des débats clairs et engagés. Ils nous ont offert des éléments
qui nous permettront d’avancer ensemble. J’ai noté également, en ce qui concerne les Accords de
Partenariat Economique (APE) entre l’Union européenne et l’Afrique, qu’il y a eu des confrontations
d’opinions cordiales et franches entre les agriculteurs africains, qui pensent que ce n’est pas possible, les
négociateurs, qui estiment qu’il faut laisser du temps au temps, et une Union Européenne, qui a la volonté
d’engager les moyens permettant ces accords. Quelles que soient les orientations qui seront prises, FARM
et les associations agricoles françaises seront aux côtés de nos amis africains pour aboutir à une réelle
avancée sur le plan agricole.
Le débat qui était le vôtre recouvre de grands enjeux. Il est normal qu’il nécessite du temps pour
parvenir à autre chose que de simples ajustements. Il est ici question de politique nouvelle, alors, sachons
prendre du temps …
pour construire dans la durée. Cela représente une exigence qu’il faut savoir
respecter.
Pour être comme ceux qui parmi vous, de par leurs responsabilités, voient ce monde changer, bouger et
évoluer plus vite que nous pouvons même l’imaginer, je pense qu’il y a des attitudes qui s’imposent à nous.
La première, ce fut la vôtre aujourd’hui, et nous devrions tous l’avoir, c’est d’être capable
d’écouter. Ecouter non pas pour contester, pour polémiquer ou pour affirmer la supériorité de telle ou telle
culture, de telle ou telle politique sur l’autre, mais pour comprendre. Comprendre, c’est le premier pas vers
le respect de l’autre, c’est aussi à ce prix que nous pourrons bâtir ensemble un tronc commun de pratiques
ou de cultures à côté de nos cultures originelles.
Je sais que le plus grand frein à l’écoute ce sont nos certitudes. Certitudes qui peuvent être liées à
la caste, parfois aux diplômes ou aux organisations dont nous avons posés comme postulat qu’elles étaient
meilleures que les autres. Sachons contraindre nos certitudes et faire montre d’un peu d’humilité … Ce dont
je suis certain, là où je suis, au regard de mon histoire, de mon expérience, de ma culture, et peut-être de
mes valeurs morales, c’est qu’il existe un champ du possible, hors duquel les choses sont illusoires …
C’est en sachant confronter, exposer son expérience au regard des autres, qu’ensemble nous
serons capables de construire, et de le faire dans le respect de la diversité … Ne passons pas trop de
temps à vouloir réduire nos différences, sachons simplement unir nos volontés pour construire ensemble.
Le temps fera le reste ….
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention de Bernard PETIT, Directeur Général Adjoint au Développement de la Commission
européenne
29 novembre 2006
Je vous remercie de me donner l’opportunité de partager avec vous quelques réflexions sur les
Accords de Partenariat Economique (APE) dont vous avez débattu pendant ces trois sessions de rencontres.
Je ne le ferai pas dans une perspective d’universitaire, de chercheur ou de spécialiste des questions
commerciales mais, dans une perspective de « développeur », puisque j’ai passé trente années de mon
existence professionnelle au service du développement. Je me permets cette remarque car les discussions,
voire les divergences, que vous avez exprimées cet après-midi, existent au sein de la Commission
européenne, soyez-en certains. J’ai les mêmes discussions passionnées, parfois émotionnelles, avec mes
collègues de la Direction générale du commerce, mais surtout avec mes collègues de la Direction générale
de l’agriculture. Il n’y a pas de pensée unique, non plus, au sein de la Commission.
Cette question des Accords de Partenariat Economique a été très controversée pendant la
négociation de l’accord de Cotonou. Les mêmes critiques continuent à se développer depuis l’ouverture des
négociations avec les six régions Afrique Caraïbes et Pacifique (ACP). Ces critiques proviennent, pour un
certain nombre, des Etats ACP, mais elles sont, également, exacerbées par des organisations non
gouvernementales et une partie du monde académique qui expriment une opposition générale à la
libéralisation et, plus globalement, à la mondialisation. Il est impératif d’écouter ces critiques, de ne pas
être dogmatique, de prendre en compte les préoccupations des uns et des autres, de dialoguer avec eux et
non pas d’aller vers la confrontation ou de rester figé sur des positions tranchées.
Plutôt que de m’engager dans un débat rhétorique, même émotionnel, sur cette question, je
voudrais, de façon plus pragmatique, partir d’un constat et en tirer une démarche et voir quelles sont les
conditions pour que cette démarche soit assurée de succès.
Le constat quel est-il ? Depuis trente ans, les pays ACP ont bénéficié de préférences unilatérales
sur le marché communautaire qui, au fil des années et des engagements multilatéraux, se sont érodées et
n’ont favorisé ni la production, ni la diversification, ni l’accroissement des exportations. Au contraire, les
pays ACP ont perdu des parts sur le marché communautaire au profit de leurs concurrents d’Asie ou
d’Amérique latine qui ne bénéficiaient pas des mêmes préférences. Le constat met en lumière, également,
deux autres éléments. Premièrement, les investissements directs étrangers ne se tournent que très peu
vers l’Afrique - qui n’en reçoit environ que 2 %. Deuxièmement, les préférences unilatérales des
conventions précédentes n’étaient plus compatibles avec les règles de l’OMC. Ce constat, les négociateurs
de Cotonou l’ont fait et, malgré les doutes, malgré les incertitudes, malgré les craintes, ils ont choisi la
démarche des APE. Leur objectif, à ce titre, n’est pas la création de zones de libre échange, au sens stricte
du concept, dans lesquelles l’Union européenne aurait des intérêts offensifs ou agressifs à l’égard des
marchés ACP. L’objectif est avant tout « développemental ». Il est, d’abord, de faciliter, d’appuyer
l’établissement de marchés régionaux plus grands, plus performants, plus dynamiques avant de développer
les échanges commerciaux entre les régions ACP et l’Europe. Les perspectives les plus immédiates en
matière de commerce se trouvent dans les régions ACP et, paradoxalement, c’est là que se trouvent les
obstacles les plus importants au commerce. L’intégration régionale, nous pensons, peut contribuer à
stimuler les échanges et la croissance économique. L’intégration régionale, par ailleurs, va bien au-delà de
considérations économiques; elle est la clef de la paix et de la stabilité dans une région et est donc un
préalable au développement. Il s’agit là d’un domaine où l’Europe peut proposer une expérience, un savoirfaire, sans comparaison. Les APE sont un élément déterminant de cette équation. Ces accords ne sont pas
un objectif en soi. Le véritable objectif de cette démarche est de promouvoir le développement durable
pour éradiquer la pauvreté. En effet, des marchés régionaux plus grands, plus dynamiques attireront de
nouveaux investissements privés. Mais pour attirer les investissements privés il est nécessaire d’offrir aux
investisseurs un environnement réglementaire qui soit plus sûr, plus prévisible pour l'activité des
entreprises. En Afrique, il faut en moyenne soixante-quatre jours pour créer une entreprise, il faut dix-huit
signatures pour exporter un produit - il n’en faut que trois pour les pays de l’OCDE… Je pourrais continuer
longtemps cette litanie d’exemples qui constituent autant de maux qui freinent le développement. Les APE
ont l’ambition de constituer une réponse à cette situation. Mais, avant de former ce que la Commission
appelle « un véritable outil de développement », deux conditions, au moins, sont à satisfaire : l’accès au
marché dans les deux sens et le financement, l’appui financier à apporter à ce processus. En ce qui
concerne l’accès au marché, je connais la position des pays ACP qui ont très clairement exprimé leur désir
d’avoir un accès sans restriction au marché communautaire, en d’autres termes d’avoir un élargissement à
tous les pays ACP de l’initiative que Pascal Lamy avait créée, « Tout sauf les armes ». A cet égard, il existe
des discussions parfois animées au sein de la Commission. En tant que développeur, il n’y a, pour moi, pas
d’alternative. Si l’ambition de mise en œuvre d’accords de partenariat économique est réelle, il faut que
pour tous les pays ACP, PMA ou non, soit mis en place un accès sans restriction au marché européen.
Naturellement, ce n’est pas suffisant. Les tarifs sont importants. Cependant, aujourd’hui, les normes, les
standards sont un élément aussi, sinon plus, important. Ils nécessitent à cet égard un appui sans réserve
de l’Union européenne.
Mais qu'en est il de l’ouverture par les Etats ACP de leurs marchés aux exportations européennes ?
Il s’agit là d’un domaine sur lequel la Commission a donné, depuis longtemps, des assurances. Les APE
seront mis en œuvre avec toute la flexibilité requise. Voyons ce que cela signifie concrètement. Dans l’état
de la négociation, il s’agit d’engagements politiques mais concrètement il faudra négocier sur ce que
signifie cette flexibilité, j'invite les partenaires ACP à le faire. Nous n’attendrons pas que les régions ACP
ouvrent complètement leurs marchés aux exportations européennes. Cette libéralisation sera mise en
œuvre de façon asymétrique avec de longs délais de transition. Que veut dire "longs délais"? Douze,
quinze, vingt ans? Cela doit faire partie de la négociation. Il est aussi impératif de protéger les industries
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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naissantes, les secteurs sensibles pour l’activité économique des pays concernés et les producteurs de ces
pays. Nous n’allons pas ouvrir immédiatement ces marchés et soumettre ces produits sensibles à la
concurrence plus large. Enfin, l’Union européenne doit se montrer ambitieuse et généreuse à ce sujet. Il
faudra aussi bien traiter dans le cadre des négociations APE, la situation de produits européens bénéficiant
de subventions à l’exportation et qui pourraient introduire une concurrence parfaitement déloyale dans
l’échange entre l’Europe et les pays ACP. Pour l’instant, cette question, qui est fondamentale, n’a pas fait
l’objet d’un mandat à la Commission. En tant que développeur, je me battrai sur ce point. Nous savons que
les APE doivent être compatibles avec les règles de l’OMC et, à cet égard, des engagements politiques ont
été pris par le commissaire Peter Mendelson et le commissaire Louis Michel. Tous deux vont défendre avec
force, à l’OMC, la flexibilité dans le processus de libéralisation.
Abordons maintenant la question des financements. Il s’agit là d’un sujet important et sensible. Il
est clair que les pays ACP auront besoin d’une aide substantielle pour renforcer leurs capacités et s’adapter,
à la fois, à l’intégration économique et au nouveau régime commercial proposé, pour développer leur
capacité de réponse et financer le coût de l’ajustement.
Outre la mise en place d’une aide financière, les APE ne seront pas réussis si l’agriculture continue
à être délaissée comme cela a été le cas depuis des décennies. Les niveaux d’aide à l’agriculture ont
continuellement décru depuis vingt ans. Pourquoi ? Il est sans doute plus gratifiant aux yeux de son opinion
publique de favoriser l’éducation et la santé. De surcroît, l’agriculture est un domaine extrêmement difficile
à traiter. Les processus sont longs et comportent énormément de composantes. Ainsi les donateurs s’en
retirent. Même la Commission européenne n’a consacré qu’entre 3 et 5 % de ses financements à
l’agriculture dans le cadre du Fonds Européen de Développement (FED) précédent. Si les donateurs ont une
responsabilité importante, la responsabilité première incombe aux pays ACP eux-mêmes qui n’ont pas fait
de l’agriculture leur première priorité alors que 70 % des pauvres vivent en milieu rural. Il faut donc opérer
un changement de tendance très net. Si l’agriculture n’est pas remise au niveau des priorités, qui devrait
être le sien, les APE sont voués à l’échec.
Le concept des APE ne peut pas être, également, désolidarisé de l’accord de Cotonou et du FED,
comme s’ils poursuivaient un objectif de développement qui leur serait propre. C’est la raison pour laquelle,
au niveau de la Commission, nous avons décidé que l’enveloppe régionale du prochain FED – environ deux
milliards d’euros - soutiendrait, intégralement, ce processus, en couvrant les deux dimensions du
programme : d’une part la maximisation des avantages à tirer du commerce et, d’autre part, l’intégration
régionale. Mais naturellement ceci n’est pas suffisant. Au-delà de ce que fait la Commission
avec les
ressources qu’elle gère, c’est l’Union européenne, dans son ensemble, qui doit soutenir les APE. Le Conseil
des ministres de l’Union européenne l’a confirmé avec clarté. Il a décidé, le mois dernier, qu’une part très
substantielle de l’aide bilatérale des Etats membres serait consacrée aux APE. C’est environ un milliard
d’euros par an que les Etats membres se sont engagés à mettre à la disposition de l’aide au commerce à
partir de 2010. Nous ne pouvons qu’applaudir un tel engagement politique. Il faut, maintenant, le traduire
concrètement dans la réalité pour aboutir à une vision commune combinant la volonté des pays ACP de
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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mener les réformes politiques nécessaires et le soutien fort et sans réserve de l’Union européenne
d’accompagner ces réformes.
Souvent est évoquée la notion d’alternative aux APE. Existe-t-elle vraiment ? Est-elle valide et
offre-t-elle les mêmes bénéfices que les APE ? La Commission, et ce point est présent dans l’accord de
Cotonou, a toujours considéré qu’elle examinerait toute proposition à cet égard. Mais que pouvons nous
envisager qui serait compatible avec l’OMC ? Pour les PMA la situation est simple, puisqu’ils ont tous le
bénéfice du « Tout sauf les armes », ils pourraient continuer à en bénéficier. Pour les pays non PMA,
l’alternative sera d’être intégrés ou d’avoir accès au système de préférences généralisées. Mais ce système
offre moins d’avantages que l’accord de Cotonou actuel. Dans les deux cas, en ce qui me concerne, les
pays ACP perdraient la sécurité, les règles, le renforcement de l’intégration régionale, l’accès à des marchés
régionaux plus grands plus dynamiques. Je ne pense pas non plus que cela puisse constituer un modèle de
développement à plus long terme. Certains partagent le sentiment qu’il n’existe pas d’alternative, mais ces
mêmes personnes, ces mêmes Etats poussent à étendre le délai de négociation et donc à solliciter une
nouvelle dérogation à l’OMC. Mais, ils ne peuvent ignorer qu’une telle dérogation est extrêmement difficile à
obtenir, parce qu’il y a, à l’OMC, de nombreux pays en développement. Certains, même plus pauvres que
les pays ACP, rejettent les avantages accordés à ces pays, car ils voient en eux une forme de
discrimination. Mais, supposons qu’une telle dérogation soit accordée. Le prix à payer serait très élevé en
terme d’une nouvelle érosion très substantielle des préférences dont bénéficient actuellement les pays ACP.
Pour conclure, je soulignerai que la Commission, dans sa diversité, est consciente des difficultés,
des contraintes, auxquelles doivent faire face les administrations des pays ACP et les régions dans les pays
ACP. S’engager dans une nouvelle démarche, quelle qu’elle soit, crée, toujours, des réticences et des
résistances d’appareils qui sont compréhensibles. A mon avis, cette négociation a été trop politisée, voire
trop dogmatisée. Naturellement, il est possible de disserter à l’infini sur le sexe des anges. Vous vous
souvenez que les Romains écrasaient des perles fines dans l’ambroisie en pensant devenir éternels, tandis
que les Barbares trépignaient d’impatience aux pieds de la ville éternelle. On pourrait dire des APE ce
qu’Alain, le philosophe, disait du théâtre : « Le tragique est dans l’attente, pas dans la catastrophe ». Il
faudrait aujourd’hui un peu moins d’idéologie et un peu plus de bon sens de part et d’autre. J’espère que
les rencontres, comme celle à laquelle nous participons à l’heure actuelle, oeuvreront dans ce sens.
Je vous remercie.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention de Soumaïla CISSE, président de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Afrique
(UEMOA)
29 novembre 2006
Je voulais commencer par une profession de foi et m’exprimer avec sincérité. Nous sommes ici
pour parler franchement les uns avec les autres. Sans honnêteté, il n’y aura pas de solution aux APE.
Je suis un fils de paysan. Parce que mon père a eu la chance d’aller à l’école, (ce qui ne fut pas le
cas de ses frères et sœurs), j’ai eu, moi aussi, la chance d’y aller. Je suis issu d’un village où, à mon
enfance, vivaient plusieurs centaines de personnes. Aujourd’hui, mon village s’est vidé. Il y a une école de
six classes que j’essaie tant bien que mal d’aider en envoyant des livres scolaires. Pourquoi un tel vide ?
Tout le monde aspire à l’électricité, à l’eau potable, en somme, tout le monde aspire à s’installer en ville.
L’aspiration des paysans, ce n’est pas de rester indéfiniment paysans.
Quelle agriculture voulons-nous pour demain ? Je n’ai rien à reprocher aux ONG, mais savez-vous
quelle est l’agriculture type ONG ? Exploitation de type A, exploitation de type B, de type C, telle culture
parce que le sol est ainsi, culture bovine ou asine parce que le sol est comme cela, etc. Mais, ce n’est pas
cela l’avenir ! L’avenir repose sur une agriculture moderne, plus compétitive, plus performante. Au Mali, j’ai
travaillé pendant huit ans dans une entreprise cotonnière : la CMDT [Compagnie Malienne pour le
Développement des Textiles]. Le rendement était de 1400 kg/hectare, aujourd’hui, il est à peine de 900
kg/hectare La productivité a terriblement baissé.
Quelle est notre vision de notre agriculture ? Quelle est notre vision de notre monde rural ? Allonsnous contribuer à maintenir 70 % de nos concitoyens dans le monde rural ? Nous avons rompu avec
l’ancien système étatique. Aujourd’hui, nous avons des Etats différents. Il faudrait, alors, également rompre
avec le mode de production actuel. Nous avons des méthodes traditionnelles et nous sommes dans un
monde moderne. Il y a une rupture entre les forces productives et les rapports de production. Cette
question est fondamentale, et si elle n’est pas réglée, nous ne pourrons pas avancer. Au niveau des
élevages, il y a le même problème. Vous avez des vaches qui produisent un litre de lait par jour. Vous avez
un éleveur qui est fier parce qu’il a trois cents têtes de bétail. Il passe sa journée derrière ses bêtes, allant
de pâturage en pâturage. Mais comment gagne-t-il sa vie ? Il ne vend pas son lait, il ne vend pas la viande
de ses vaches. Il se croit riche mais il ne l’est pas.
Comment pouvons-nous arrêter cette manière de penser ? Comment régler ce problème ?
Certainement pas en nous plaignant. Je suis convaincu que même dans un pays comme la France, en
passant du quai d’Orsay à celui de Bercy, il est impossible de régler ce genre de problème. Pour ce faire, il
faut s’adresser directement aux entreprises.
Je suis allé en Bretagne, qui est la première région européenne en agro-alimentaire. Elle est plus
riche que toute l'UEMOA, c’est-à-dire les 8 pays de notre Union, réunis. Ses agriculteurs produisent quatre
milliards et demi de litres de lait. Ils viennent de relancer, avec leur secteur privé, le lait en Algérie. Ce sont
des gens comme cela qui nous intéressent. Le 22 janvier 2007, ils seront à Ouagadougou puis à Cotonou.
L’année prochaine, ils seront à Dakar et à Bamako. Soixante entreprises seront présentes. Elles ne
viennent pas nous faire la charité, elles viennent pour faire des affaires avec leurs homologues. Ce sont de
tels rapports qu’il faut instaurer, des échanges, comme il est dit maintenant « gagnant/gagnant ». Il faut
que les producteurs s’associent. Là, dans de telles associations, se trouvent les occasions intéressantes.
Je viens de Lomé, j’étais avec les représentants de soixante entreprises chinoises de différents
secteurs. Nous leur proposons de venir travailler avec nos entreprises.
Sur les APE, ce qui est important pour nous, c’est notre capacité de négociation. Et celle-ci est
faible Dans le sigle « APE », la lettre la plus importante est le « A » pour « accords ». La FAO demande :
quel en est l’objectif ? L’objectif est un accord qui sera signé.
Quelle est l'alternative aux APE ? Si les APE ne sont pas signés, qu’est-ce que cela va vraiment
changer pour nous en Afrique ? Les échanges à l’intérieur de nos régions représentent 12 à 13 % et le
reste des échanges se réalise avec l’Europe, de façon générale. APE ou pas, nous achetons à l’extérieur, et
ceci nous différencie de l’Union européenne. Nous sommes déjà dans un système qui est perverti, qui est
réorienté vers l’extérieur. Les APE devraient améliorer cela et nous permettre d’avoir plus de chances
d’accéder au marché. Nous avons insisté auprès de nos partenaires sur l’aspect du développement. Si celuici n’est pas au rendez-vous, même si les frontières sont ouvertes, il n’y a pas de pouvoir d’achat, et les
gens ne commercent pas. Pour que le marché soit solvable, les gens doivent travailler. Ainsi, ils auront un
revenu et un pouvoir d’achat.
Les APE n’ont aucune chance de réussir si l’aspect développement est occulté, si dans les régions
les plus pauvres, les entreprises ne sont pas remises à niveau et si les problèmes fiscaux ne sont pas
réglés. La majorité de nos Etats tirent leurs principales ressources des droits de douane. Tant que les
réformes à l’intérieur ne permettent pas de trouver des ressources fiscales internes, il n’y aura pas de
solution, car les finances publiques des Etats s’écrouleront, et les situations ne seront pas soutenables. Les
APE ne sont pas pour autant une camisole de force.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Notre but dans notre zone est de continuer la dynamique qui existe, nous travaillons avec la
société civile, avec le ROPPA et d’autres, en vue d’améliorer cela. C’est d’ailleurs peut–être pour cela que
nous sommes un peu en retard, les autres disent qu’ils sont en avance, cela ne m’inquiète pas. L’important
est de savoir ce que nous voulons. Nous allons par ailleurs préciser nos objectifs en décembre lors de la
réunion à Ouagadougou avec nos chefs d’Etat et les Commissaires européens. Quand nous parlons de
développement, de transitions fiscales, de mise à niveau des entreprises, parlons-nous exactement de la
même chose ? Parlons-nous le même langage ? Je n’en suis pas convaincu.
En ce qui concerne l’agriculture, je suis d’accord avec le ROPPA. S’il y a un problème avec les tarifs
extérieurs, il faut le régler. Mais, avant, notre tarif extérieur commun, nos tarifs extérieurs étaient plus
élevés, et pourtant notre agriculture n’en a pas profité. Les problèmes de fiscalité ne suffisent donc pas à
impulser les investissements. Il doit y avoir certainement d’autres critères, peut-être plus attrayants
psychologiquement. Il y a la vision de ce qu’il faut et celle de ce qui se passe au quotidien, que les pouvoirs
publics se doivent de régler sans attendre que leur vision à long terme soit concrétisée.
Il y a deux aspects que Erik Orsenna a soulevés, notamment celui de la démographie. J’aimerais y
revenir. Avec une démographie galopante, il y a automatiquement une pression sur la production agricole.
S’il y a une pression, il y aura une pression des consommateurs et une pression en faveur de l'importation
de produits alimentaires moins chers.
L’agriculture doit donc sortir de sa dépendance et être beaucoup plus productive. Si elle est beaucoup plus
productive, elle libérera des bras. Il y a deux aspects sur lesquels il faut travailler. La démographie d’un
côté, et d’un autre la transformation de l’agriculture, pour que les bras qui vont se libérer n’aillent pas en
ville, ne connaissent pas le chômage, ne traversent pas la Méditerranée, ne viennent pas ici.
J’ai une belle phrase qui a été dite à Bruxelles : « Pour l’Afrique, continuer d’exporter des matières
premières est la plus mauvaise des gouvernances. La matière première vendue au Royaume-Uni à un dollar
le kilo, revient à l’Ouganda, après transformation, à 15 dollars le kilo. Qui aide qui ? Je considère que c’est
l’Ouganda qui subventionne votre café. Il en est de même pour le coton.
Aujourd’hui, les Chinois veulent des matières premières d’Afrique. L’exportation de matières
premières doit être incluse dans les critères de mauvaise gouvernance. »
Nous devons avoir une agriculture qui soit plus prospective. Aller à un niveau de transformation
suffisant pour pouvoir absorber cette main d’œuvre supplémentaire. Nous n’avons pas besoin de 70 % de
la population pour nourrir l’Afrique. Il faut œuvrer dans ce sens et pour ce faire, il faut agir sur la
démographie, sur la transformation des matières premières et sur la productivité.
Le deuxième aspect que je vais aborder, à l’instar de Erik Orsenna, est celui de la monnaie.
L’exemple que je cite concerne la CMDT où j’ai travaillé. En 1994, cette société qui était la plus importante
du Mali, qui réalise 15 % du PIB, 60 % des exportations a connu un déficit de 20 milliards de francs CFA.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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L’année suivante, la même société avait 20 milliards de bénéfice. Tout simplement parce que la monnaie
joue un rôle de levier extraordinaire. Mais le problème est la bonne gestion de la monnaie. La parité fixe,
unique dans le monde, entre l’euro et le franc CFA doit être bien gérée. Autrement, nous risquons les
mêmes problèmes que la Guinée et le Zimbabwe avec l'inflation, qui est toujours néfaste aux plus pauvres.
Il s’agit donc d’un couteau à double tranchant. Il faut savoir comment négocier. Nous bénéficions de la
parité fixe, nous bénéficions de la garantie de convertibilité. Laquelle est la plus importante ? Nous faut-il
les deux ? Ce débat appartient aux économistes et aux monétaristes.
En ce qui concerne le tarif extérieur commun agricole, nous sommes ouverts à tout changement,
ce débat ne sera pas difficile à conduire.
Pour conclure, j’aimerais vous faire part de l’image tirée du livre de Hernando de Soto Le mystère
du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe
en Occident et échoue partout
ailleurs ?
Il utilise la
métaphore de quatre aveugles rencontrant un éléphant. Le premier touchant la patte croit qu’il s’agit d’un
arbre, le deuxième prenant la trompe pense qu’il s’agit d’un serpent, le troisième touchant la queue croit
qu’il s’agit d’une corde, le dernier touchant les oreilles s’imagine qu’il s’agit de voiles. Cette histoire
démontre que chacun est resté dans son coin. Pour résoudre les problèmes, il faut en faire une analyse
globale. Il n’y a pas que le problème du commerce ou celui de l’agriculture, il y a aussi l'éducation, la santé,
les infrastructures, la gouvernance, etc. S’il n’existe pas des services publics qui fonctionnent normalement,
un Etat qui oriente les choses, il n’y a pas de résultat positif. Il faut faire ensemble les choses.
Tout dernier point, je fais appel au philosophe français Edgar Morin qui dit que « dans une société
en évolution rapide, l’important n’est pas l’expérience accumulée mais l’adhérence au mouvement ».
Aujourd’hui, les choses bougent vite. Nous ne pouvons pas nous arrêter pour réfléchir à comment
nos grands-pères se sont comportés ou miser sur les clichés. En agissant d’une telle manière, nous
laisserons passer un train qui ne s’arrêterait plus.
Merci beaucoup.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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« Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ? »
Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006
organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM
Intervention de Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture et de la Pêche
29 novembre 2006
[Seul le prononcé fait foi]
Monsieur le Président , cher René Carron,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
L’agriculture constitue un domaine stratégique, au carrefour d’enjeux aussi essentiels que la
souveraineté des Etats, la sécurité alimentaire, l’aménagement des territoires et la protection de l’environnement.
A ce titre, la connaissance de ces nombreux facteurs est un préalable nécessaire à l’action politique. La question
que vous posez : « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en
développement ? » doit être aujourd’hui examinée par les Gouvernements, les think tanks (clubs de réflexion et
de prospective), les institutions nationales, régionales ou communautaires, et les grandes organisations
internationales. Ce temps de la réflexion est utile afin de mieux saisir les contraintes qui pèsent sur le travail
agricole : l’instabilité chronique des marchés, l’évolution de la réglementation, les exigences venant de la société
et le changement d’attitude des consommateurs, sont autant de défis à relever. De même, nous devons réfléchir
à des formes de coopération agricole susceptibles de favoriser l’intérêt de tous, mais surtout des plus faibles. Les
diagnostics que vous avez établis durant ces trois jours, en spécialistes soucieux de s’adresser à un public plus
large, servent à préparer les propositions utiles et l’action politique.
1. L’enjeu des politiques agricoles au regard du calendrier
Je me réjouis qu’à la suite des Assises de l’Agriculture, organisées au Conseil Economique et Social le
22 novembre, ce colloque vienne témoigner de la place qu’occupe la France en matière de prospective agricole.
Le contexte nous invite à conduire ce type de travail : présidence de l’Union européenne par la France en 2008,
accords de partenariat économique (APE) entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ces
deux perspectives posent la question du renouvellement des modes de régulation installés depuis plus d’un
demi-siècle. La négociation des APE doit aboutir début 2008. De notre côté, en Europe, un examen de la PAC
interviendra en 2008 : d’intenses discussions sont au programme et nous voyons déjà poindre l’échéance de
2013. Nous avons une responsabilité particulière dans ce contexte : l’action politique doit être au rendez-vous, il
faut anticiper.
2. Il ne peut pas y avoir de développement économique sans politique agricole.
L’agriculture est une activité tout à fait spécifique qui se trouve, je l’ai rappelé à l’instant, au cœur
d’enjeux essentiels pour l’humanité. Au croisement de nombreux champs d’action, l’agriculture remplit aussi des
fonctions non marchandes (sécurité sanitaire, respect de l’environnement, structuration des territoires, etc.).
L’équilibre de cette activité essentielle justifie l’intervention de la puissance publique en matière réglementaire,
financière ou sociale.
De plus, pour les pays en développement, le secteur agricole peut offrir une première réponse aux défis du
développement économique, notamment lorsque l’on prend en considération le défi démographique. Une
agriculture bien conduite déclenche un cercle vertueux : les progrès de la productivité agricole rendent possible
l’investissement et l’emploi dans les activités non agricoles. La plupart des grands bailleurs de fonds et des
instituts de crédit, y compris la Banque Mondiale qui l’avait longtemps oublié, reconnaissent que la modernisation
de l’agriculture libère les ressources nécessaires au développement.
Afin de définir une politique agricole, il convient d’agir sur plusieurs fronts et notamment sur celui de la
stabilisation des revenus des agriculteurs. Cet enjeu est évident dans les pays du Sud, où la volatilité des prix
mondiaux ruine par avance toute stratégie de développement à moyen ou long terme. Il n’est pas non plus
absent dans les pays du Nord, avec par exemple les systèmes d’assurance récolte aux Etats-Unis ou au Canada,
ou bien les dispositifs de sécurisation des revenus au sein de l’Union européenne. Vous connaissez à cet égard
l’action déterminée que la France a menée pour compléter notre Politique Agricole Commune de dispositifs
pertinents et efficaces de gestion des risques et des crises.
3. Dans les pays en développement, comme dans les pays développés, les politiques publiques ne
doivent pas perdre de vue que le premier objectif de l’agriculture est celui de nourrir les
hommes.
La première fonction de l’agriculture est de nourrir les hommes. Or, près d’un milliard d’êtres humains
souffrent aujourd’hui de malnutrition dans le monde. Les 3/4 des gens qui ont moins de deux dollars par jour,
qui ont des carences alimentaires et qui meurent de faim, sont des ruraux, et bien souvent des paysans. Cette
situation ne s’améliore guère : l’Afrique subsaharienne, qui était il y a une vingtaine d’années auto-suffisante, est
maintenant importatrice nette de produits alimentaires.
L’analyse des études prospectives internationales sur la sécurité alimentaire mondiale, diffusées au
cours des années récentes, montre que le débat sur la sécurité alimentaire mondiale est toujours ouvert. Il
demeure une réelle incertitude sur la capacité du monde à résoudre son équation alimentaire à l’échéance 20202030. Dans ce contexte, la nécessité de politiques agricoles régulatrices demeure. Toutefois, il est clair qu’elles
sont différentes, selon qu’il s’agit de pays développés ou de pays en développement.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Afin de résoudre l’équation alimentaire mondiale, des politiques agricoles volontaristes s’imposent.
Cela vous a conduits, au cours des interventions et des discussions, à aborder la question de la concurrence
entre les usages alimentaires et non alimentaires des productions agricoles. Si l’on prend l’exemple du
développement des biocarburants en France, on peut estimer que 2 millions d’hectares seront nécessaires pour
atteindre l’objectif de 7 % d’incorporation que nous nous sommes fixés.
Il est important de mettre en place les conditions nécessaires pour que le développement des
biocarburants ne se fasse pas au détriment des productions alimentaires. Aussi, chez nous, ce développement
des biocarburants se fera par la remise en culture de jachères qui représentent plus d’un million d’hectare, et par
l’utilisation de terres dévolues aux exportations, en raison des engagements internationaux pris par l’Union
Européenne dans le cadre des négociations internationales. C’est dans cette direction qu’il nous faut je crois
aller pour assurer un équilibre entre productions alimentaires et non alimentaires sur notre territoire. La
production de biocarburants ne menace en rien nos besoins alimentaires.
4. Afin de répondre à ces différents objectifs et à ces différents défis, les pays du Nord comme ceux
du Sud ont un droit légitime à revendiquer leur souveraineté et leur sécurité alimentaires.
A mon sens, les Etats doivent rester pleinement souverains pour définir leurs politiques internes, pour
autant que ces politiques ne créent pas de distorsions importantes de la concurrence et ne créent pas de grave
préjudice aux autres économies.
L’Union européenne a pris en compte ces principes lorsqu’elle a réformé la politique agricole
commune (PAC), en réduisant très sensiblement la portée des mesures de soutien qui pouvaient porter tort aux
pays en développement. De même, elle a accepté de supprimer les restitutions à l’exportation, en 2013, sous
réserve d’un engagement parallèle de nos principaux concurrents.
Une politique agricole souveraine, cela ne veut donc pas dire une politique agricole égoïste et
indifférente, mais une politique qui répond à ses buts légitimes. Une politique agricole ne peut être jugée
uniquement au regard de critères commerciaux ou purement juridiques. C’est bien ainsi qu’il faut comprendre les
pouvoirs attribués à l’Organisation Mondiale du Commerce lors de sa création, ainsi que les limites de ces
pouvoirs. Si cette Organisation est parfaitement fondée à définir des règles et des disciplines pour le commerce
international, elle doit rester vigilante à ne pas empiéter sur des sujets qui ne relèvent pas de sa compétence,
notamment les politiques visant à la sécurité alimentaire, ou celles qui visent à favoriser le développement des
filières agricoles dans les pays pauvres.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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5. Le développement des capacités productives des pays en développement et la constitution de
grandes régions agricoles sont les deux préalables à une plus vaste libéralisation des échanges.
Face à l’ampleur des défis humains, économiques et sociaux auxquels sont confrontés les pays en
développement, nous savons que les forces du marché ne suffiront pas pour atteindre les objectifs communs que
la communauté internationale s’est fixés. Une libéralisation des échanges commerciaux sans garde-fous risque de
créer des dommages considérables aux économies les plus fragiles. Dans le domaine agricole, on est en droit de
s’interroger sur les conséquences d’une mise en concurrence intégrale entre des pays où les écarts moyens de
productivité vont maintenant de 1 à 1000.
C’est pourquoi nul ne conteste à l’OMC l’idée de réserver un « traitement spécial et différencié » aux
pays en développement, afin de rétablir un peu d’équilibre dans les échanges commerciaux, même si la question
qui se pose reste celle du ciblage de ce traitement particulier sur les pays qui en ont réellement besoin.
Au-delà de ce principe, d’autres voies doivent être explorées. A cet égard, nous devons encourager
très fortement la voie de l’intégration régionale. L’expérience montre que les échanges commerciaux se
développent de façon plus équitable dans le cadre d’espaces économiques régionaux, dont les membres ont des
économies comparables en termes de taille et de niveau de développement. Des échanges commerciaux
dynamiques au niveau régional renforcent l’interdépendance entre les pays, et par là-même contribuent à la
stabilité politique et à la paix entre les peuples. C’est d’ailleurs le choix historique qu’a fait l’Europe, il y a plus de
60 ans, et dont les Européens peuvent aujourd’hui s’en féliciter. Les critiques adressées à la PAC ne doivent pas
nous empêcher de voir l’essentiel : la PAC nous a permis d’atteindre les objectifs que nous nous étions fixés,
avec la création d’un marché commun agricole.
Qu’en est-il dans les échanges entre pays du Sud ? La part des échanges de produits agricoles entre
pays en développement a nettement augmenté ces dix dernières années. Mais des marges de progression
considérables existent dans les échanges « Sud-Sud », et il faut s’attacher à lever certaines entraves qui
ralentissent les processus d’intégration régionale. Il y a par exemple des difficultés à mettre en œuvre et à
appliquer un « tarif extérieur commun », dans les zones qui se sont engagées dans la voie de l’intégration. Le
développement des échanges doit aussi se fonder sur une amélioration des infrastructures de transport dans les
pays du Sud.
L’intégration régionale, vous le savez, est l’un des principes forts qui guide la politique commerciale
de l’Union européenne vis-à-vis des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La négociation des accords de
partenariats économiques (APE) doit s’inscrire dans une perspective de long terme. Les APE offriront une
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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véritable perspective aux pays concernés s’ils viennent accompagner une politique d’intégration régionale, et s’ils
sont compatibles avec la pérennité des filières vivrières locales. Cela implique des délais de mise en œuvre, afin
de laisser aux pays concernés le temps d’ajustement nécessaire, mais aussi la tolérance de certaines asymétries
dans les échanges, de manière à prendre en compte la sensibilité des filières locales.
6. Afin de concilier les objectifs de la libéralisation des échanges portés par l’O.M.C, les objectifs du
Millénaire et ceux de la Conférence de Rio dans le domaine agricole, il est indispensable de prendre
le temps de la réflexion afin de s’assurer de la cohérence de nos politiques.
La teneur des discussions à l’O.M.C avant leur suspension ne semblait pas de nature à assurer la
cohérence des différents objectifs que je viens de rappeler. L’une des raisons principales de cette situation, c’est
qu’au fil des négociations, le champ des discussions s’est dramatiquement rétréci au point d’avoir exclu des
questions essentielles, tout en rendant actuellement improbable un accord capable de satisfaire les 150 membres
de l’Organisation. La déclaration ministérielle de Doha de 2001 ouvrait des perspectives ambitieuses à ce cycle,
mais la négociation s’est focalisée de façon excessive sur la question de l’abaissement des droits de douane
agricoles de certains pays développés - au seul bénéfice d’un nombre très limité de pays, qui sont eux aussi pour
la plupart des pays développés.
Tout ceci n’est pas à la hauteur des enjeux initiaux. Les négociations du cycle de Doha sont pour le
moment suspendues, ce qui nous laisse un peu de temps pour approfondir notre réflexion et rendre un cadre
cohérent aux négociations si elles devaient reprendre.
Conclusion
Les enjeux que devra affronter l’agriculture mondiale sont considérables. Il faudra répondre aux
besoins alimentaires de 8 milliards d’habitants en 2020, dans un contexte marqué par la restriction des
ressources naturelles disponibles – terres arables, eau, énergie. Est-ce en démantelant nos politiques agricoles et
en libéralisant les échanges, notamment l’accès au marché des pays pauvres, que nous relèveront ce défi ?
Je crois avoir souligné, par cette intervention, combien le contexte mondial et les perspectives qui attendent les
agriculteurs du monde entier justifient la mise en oeuvre de politiques agricoles modernes, respectueuses du
droit international, et en même temps pleinement souveraines pour les Etats. Cette double exigence constitue à
mon sens le cadre des politiques agricoles, nécessaires si nous voulons relever les défis alimentaires et non
alimentaires du monde de demain.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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QUELLES MARGES DE MANŒUVRE POUR LES PRODUITS
AGRICOLES SENSIBLES DANS LE CADRE DES APE ?
Intervention lors du colloque
" Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en
développement ?"
organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006
Benoît Faivre-Dupaigre (IRAM)
Bénédicte Hermelin (GRET)
Vincent Ribier (CIRAD)
1.
DE LOME A COTONOU : LA MISE EN PLACE DES APE
Jusqu’en juin 2000, les relations commerciales entre l’Union européenne et les pays ACP étaient
basées sur un système de préférences non réciproques pour la plupart des produits industriels et agricoles,
régies par les successives Conventions de Lomé. 93% des produits ACP rentraient librement sur le marché
européen. Pour trois produits agricoles concurrents de productions européennes (la viande de bœuf, le
sucre et la banane), un régime particulier a été instauré, appelé « Protocole ». Une quantité limitée (quota)
de viande de boeuf, sucre ou banane des ACP entre sur le territoire européen, à prix intérieur européen
c’est-à-dire fixe et au-dessus du cours mondial. Enfin, quelques autres produits (produits laitiers, des
légumes frais comme les carottes ou les salades, des fruits frais, des jus de fruits par exemple) étaient
soumis à des droits de douane.
L’Accord de Cotonou, signé en juin 2000, modifie profondément ce régime commercial. Il prévoit
en effet des zones de libre-échange dont l’instauration est négociée entre l’UE et les régions ACP9 dans le
cadre d’« Accords de Partenariat Economique » (APE). Cette modification permet de mettre en conformité
les relations UE-ACP avec les principes de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT,
ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce - OMC). Le GATT est régi par trois principes essentiels :
>
La clause de la Nation la Plus Favorisée (clause NPF), qui dispose que tout pays doit accorder à
l’ensemble de ses partenaires commerciaux le traitement qu’il accorde à « la nation la plus favorisée »
(c'est-à-dire le traitement commercial le plus favorable) ;
>
La clause du traitement national, selon laquelle les produits importés doivent être traités de la même
manière que les produits locaux ;
>
La réciprocité, principe selon lequel chaque pays s'engage à accorder des avantages commerciaux
équivalents à ceux que lui consent un pays partenaire.
9
Les régions sont les suivantes : Caraïbes, Pacifique, CEDEAO + Mauritanie pour l’Afrique de l’Ouest, CEMAC + Sao Tomé et
Principe pour l’Afrique Centrale, Afrique Australe et Orientale, SADC.
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
Un pays développé peut toutefois accorder à l’ensemble des pays en développement ou à
l’ensemble des pays les moins avancés (PMA) un régime tarifaire préférentiel, sans réciprocité. C’est le cas
de l’initiative Tout Sauf les Armes (TSA) accordée de manière unilatérale par l’UE aux PMA10. Le régime
commercial de Lomé était lui aussi non réciproque, mais il entraînait une discrimination entre les pays en
développement ACP et les autres, ce qui le rendait non compatible avec les principes du GATT.
2.
7L’ARTICLE XXIV DU GATT OU LA POSSIBILITE D’UNE OUVERTURE ASYMETRIQUE
Une manière de maintenir la distinction entre pays ACP et les autres réside dans l’établissement de
zones de libre-échange. Dans ce cas, les pays (ou groupes de pays dans des unions douanières)
s’accordent des avantages réciproques qu’ils n’accordent pas aux autres pays membres de l’OMC. Cette
dérogation au principe de la clause NPF est prévue dans le cadre de l’article XXIV du GATT.
Le GATT n’oblige toutefois pas à une réciprocité totale : il permet qu’une partie des échanges ne
soit pas libéralisée. Ainsi, l’Accord sur le commerce, le développement et la coopération entre l’UE et la
République d’Afrique du Sud, prévoit que 90% des échanges soient libéralisés, et que l’ouverture soit
asymétrique. En effet, l’ouverture sera de 86% pour l’Afrique du Sud, avec une ouverture progressive sur
12 ans, et de 94% pour l’UE. Cette interprétation n’ayant pas été contestée par les membres de l’OMC, on
peut donc estimer qu’elle prévaut. La libéralisation dans le cadre des APE pourrait donc d’une part ne pas
être totale et ne couvrir que 90 % des échanges UE-région-ACP, et d’autre part être asymétrique, si l’UE y
consent.
Il existe donc une certaine marge de manœuvre pour les pays signataires d’un APE concernant le
choix de biens ou de services qu’ils souhaitent exclure de la libéralisation. Notons toutefois que,
conformément au même article XXIV, cette exclusion ne peut concerner un secteur entier. De ce fait, un
pays ou un groupe de pays ne peuvent envisager d’exclure de la libéralisation l’ensemble de leur secteur
agricole, même si la totalité de leurs importations agricoles ne dépasse pas les 10 % des flux commerciaux
avec l’Union européenne.
Reste donc la question cruciale du choix des produits « sensibles » à exclure, à mener au niveau
des blocs de pays qui signeront des APE avec l’Union européenne. C’est en effet à ce niveau que sont
menées les négociations, et non au niveau de chaque pays ACP pris individuellement. Cela suppose que
chaque pays identifie ses principaux produits sensibles, puis se concerte avec les autres pays de la sous
région pour établir la liste des produits sensibles à négocier avec l’Union européenne. Le point suivant
présente les termes du débat selon lesquels se pose la question du choix des produits sensibles.
10
Mise en place en mars 2001, elle accorde un libre-accès au marché européen pour tous les produits en provenance des PMA,
à l’exception des armes et des munitions, d’où son nom.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
50
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
3.
LE CHOIX DES PRODUITS « SENSIBLES »
3.1.
Les critères de choix des produits sensibles
La libéralisation des échanges de produits agricoles avec l’Union européenne, premier partenaire
commercial des ACP (26% de leurs exportations et 23% de leurs importations), va avoir deux
conséquences :
>
une perte des recettes douanières ;
>
une concurrence accrue sur les marchés domestiques avec les productions locales, brutes ou
transformées.
Du point de vue économique, la sensibilité d’un produit doit donc s’estimer à partir de ces deux
conséquences, détaillées ci-dessous.
3.1.1.
Impact sur les recettes douanières
La libéralisation des échanges de produits agricoles avec l’Union européenne va entraîner
mécaniquement une perte des recettes douanières, qui peut être relativement importante comme l’illustre
l’exemple de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest).
La part des taxes prélevées sur les importations en provenance de l’UE, dans les recettes publiques
des pays de la CEDEAO s’échelonne de 4,7% pour le Nigeria à 33,7% pour la Gambie. Compte tenu d’une
certaine progressivité des droits et du fait que les produits manufacturés proviennent essentiellement de
l’UE, l’impact, sur les finances publiques des pays membres de la CEDEAO, de l’élimination des taxes
douanières au sein d’une zone de libre-échange avec l’UE serait important. Il convient également de
prendre en considération le fait que l’APE s’accompagne d’une modification des relations commerciales
entre pays de la CEDEAO. Certains (essentiellement ceux qui ne font pas partie de l’UEMOA11) maintenaient
des droits de douane sur les échanges intra-Afrique de l’Ouest. L’intégration régionale préalable à la
conclusion de l’APE impliquera donc, pour ces pays, une baisse de recettes fiscales supplémentaire.
Au total, et sur la base de données de 2001, une étude de 2004 estime que la mise en place d’un
APE pourrait se traduire par une baisse allant de 2,5% pour le Nigeria à 22% pour la Gambie des recettes
fiscales totales du pays12.
Mais les pertes potentielles de recettes douanières sont difficiles à estimer, pour plusieurs raisons :
>
les flux commerciaux ne sont pas tous renseignés et les déclarations en douane parfois sous-évaluées ;
11
Union économique et monétaire ouest-africaine, qui regroupe 8 des 15 pays de la CEDEAO.
Busse, Bormann et Großmann 2004. The impact of ACP/EU Economic partnership Agreements on ECOWAS countries : An
empirical analysis of the trade and budget effects
12
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
51
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
>
l’application des droits de douane ne correspond pas toujours à ce qui devrait être officiellement
pratiqué (Tarifs Extérieurs Communs (TEC), quand ils existent, ou grille tarifaire nationale dans les
autres cas). Les produits sont parfois affectés d’un droit de douane indu parce que mal classés ou
déclarés selon une origine erronée13 ;
>
en changeant les tarifs douaniers, on modifie les volumes des flux commerciaux et donc l’assiette de
calcul des recettes.
Au Mali, par exemple, on estime que le manque à gagner de recettes fiscales par cette application
non-conforme du TEC s’élevait à 27 milliards Fcfa en 2003. La base de calcul pour les baisses de recettes
consécutives à l’établissement d’une zone de libre échange est alors différente selon qu’on considère que le
système douanier devient plus efficace ou non, et que les flux d’importations sont affectés par la baisse des
tarifs ou non. Selon les hypothèses, au Mali, l’APE entraînerait une perte de recette de 9 à 18 milliards
Fcfa14.
Les négociations pour le choix des produits sensibles du point de vue de la fiscalité devraient alors
s’orienter vers des demandes de dérogation pour les produits les plus pourvoyeurs de recettes – et qui
souvent constituent des enjeux économiques secondaires pour l’UE -. Pour l’Afrique de l’Ouest on
retrouvera souvent dans ces catégories les tabacs et cigarettes, les alcools et spiritueux, les farines, les
véhicules automobiles, la friperie, des préparations alimentaires et confiseries. Au Mali par exemple, les
analyses ont démontré que dans les importations en provenance de l'Union européenne, seulement 19
lignes tarifaires sur un total de 2290 procurent 45 % des recettes fiscales de porte.
3.1.2.
Le critère de concurrence vis-à-vis des productions locales
La sensibilité des produits est également évaluée à l’aune de la concurrence que ceux qui sont
importés exercent sur la production locale. Cette concurrence est de diverses natures :
ƒ
elle peut être directe, quand les importations sont équivalentes ou très voisines de la production
locales : c’est notamment le cas des conserves, des huiles végétales et de la viande ;
ƒ
elle peut être indirecte, quand les importations et la production nationale ne sont pas équivalentes,
mais qu’il peut y avoir substitution au moins partielle au niveau de la consommation : c’est le cas
du blé avec les céréales locales ;
ƒ
elle peut n’être que potentielle : les importations ne concurrencent aucune activité productive
existante mais risquent d’exercer un frein à moyen ou long terme sur le développement attendu de
nouvelles activités productives ;
ƒ
elle peut être sélective et ne concerner que certains secteurs de la population et pas d’autres ;
certaines importations servent en effet de matière première à des usines locales (blé, malt, triple
13
14
Ce point est particulièrement vrai pour la CEMAC, car l’application du TEC est très variable en fonction des pays.
Faivre-Dupaigre, Coulibaly et Diarra 2004. Etude d’impact des APE sur l’économie du Mali.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
52
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
concentré de tomate), elles sont donc bénéfiques pour les transformateurs, moins pour les
activités potentiellement concurrencées par la production qui sort de ces usines.
3.1.3.
Les enjeux concurrentiels des importations ACP
Céréales et dérivés (farine, pain, pâtes) d’une part, et produits élaborés (saucisses, moutarde et
condiments, soupes, jus de fruits, préparations à base de légumes, …) d’autre part, constituent les deux
principaux groupes de produits importés par les pays ACP en provenance de l’UE, avec une part relative de
22 et 18 % respectivement. Viennent ensuite les produits laitiers (sous forme de lait en poudre et de lait
concentré sucré principalement) pour 14%, et les boissons (vin et whisky principalement) pour 13%. Les
importations ACP sont complétées par quelques produits agricoles : tabacs (7%), viandes, dont les
exportations sont généralement constituées de morceaux de basse qualité (6 %), huiles (5 %) et sucre
(3%)15.
„
Les céréales16
Alors que l'Union européenne ne représente que 9% des exportations mondiales de
céréales, elle fournit plus de 20% des céréales importées par les pays ACP, ce qui traduit une relation assez
privilégiée entre les deux groupes de pays. A noter toutefois qu’avec une part globale du marché ACP de
36%, les Etats Unis en sont de loin les premiers fournisseurs. Les importations ACP représentent 11,5% des
exportations européennes de céréales sur les marchés extra-communautaires alors qu'elles ne représentent
que 4,5% des exportations américaines. Outre la SADC, l'Union européenne est très présente sur le marché
15
Moyenne 2003 – 2004 en valeur – Base de données COMEXT de la Commission européenne
Pour les différents produits, voir Ribier et Blein, 2002, Echanges agricoles UE-ACP: vers une exacerbation de la concurrence
entre agricultures ? Notes et Etudes Economiques du Ministère de l'Agriculture, n°15, mars 2002, pp.53-86
16
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
53
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
des pays de la zone UEMOA et CEMAC qui absorbent respectivement 24 et 12% des exportations
européennes vers les ACP. En revanche, l'Union européenne est absente de certains marchés importants,
en particulier le Nigeria qui importe plus d'un million de tonnes par an.
La question de la concurrence des exportations européennes de blé et dérivés vis à vis de la
production ACP de céréales (mil, sorgho, mais également riz et maïs) et de ses substituts (plantain, racines
et tubercules) est assez délicate.
•
Une certaine concurrence des exportations européennes sur la production locale ACP n’est pas à
exclure : l'importance de la population rurale concernée par la céréaliculture dans les pays ACP est telle
qu'on peut imaginer l’effet d’une pénétration accrue du marché par les importations extra-ACP sur la
dynamique agricole. De surcroît, une libéralisation des importations de farine pourra engendrer des
concurrences vis-à-vis des minoteries locales quand il y en a. Seules l’ouverture aux importations de
malt ou de céréales fourragères pourront être positives pour les brasseries et les provenderies locales.
•
Les niveaux élevés de croissance démographique dans la plupart des pays ACP, situés entre 2,5 et 3%
par an, induisent une croissance de la demande de céréales qui nécessite à la fois le développement
des productions internes et un recours accru aux importations. On a ainsi observé au cours des années
90 une hausse concomitante de la production céréalière dans les différentes céréales et une hausse
assez voisine du volume des importations de blé, farine et riz.
„
Les viandes
Dans le cas de la viande bovine, le niveau élevé des excédents communautaires et la politique de
fortes restitutions destinée à les écouler sur le marché mondial ont, dans les années 80 et début des
années 90, gravement porté atteinte à la production locale africaine et au commerce régional, mettant en
péril le succès de projets d’élevage financés par le FED. Ainsi, entre 1980 et 1988, les exportations
sahéliennes de bétail vers les pays côtiers auraient ainsi chuté de 430.000 à 250.000 têtes. Depuis, la
situation a sensiblement évolué. L’application de l’Accord de Marrakech et la mise en œuvre des réformes
de la PAC a permis de limiter la production et de diminuer sensiblement le niveau des subventions à
l’exportation. Bien que la concurrence de la viande bovine européenne soit aujourd’hui beaucoup moins
forte, le risque à terme n’est pas écarté d’exportations européennes ponctuelles à très bas prix destinées à
réduire les stocks d’excédents. Ainsi, en 2000, alors que les réserves de viande bovine européenne étaient
au plus haut suite à la crise de la vache folle, le Royaume-Uni a massivement vendu vers le Nigeria, avec
une flambée des volumes exportés de 300% en trois mois17.
En ce qui concerne la viande de volaille, l’Europe est devenue le premier exportateur mondial grâce
à sa politique de bas prix pour les céréales servant à l’alimentation animale et à des opérateurs privés très
performants. Pour l’Europe, les pays ACP sont un marché important. Elle y exporte essentiellement des
17
Assemblée parlementaire paritaire de l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part - Resolution sur la sécurité
alimentaire dans le cadre des échanges commerciaux ACP-UE adoptée à Libreville le 22 mars 2001, Journal officiel n° C 265 du
20/09/2001 p. 0028 - 0028
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
54
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
sous-produits qui ne bénéficient pas d’aides à l’exportation vers ces pays, mais dont le prix est néanmoins
très compétitif. Si ces sous produits approvisionnent une population à bas pouvoir d’achat, ce sont aussi
des concurrents très rudes pour les productions locales de volailles, notamment pour la filière poulet locale,
mais aussi pour les autres viandes. Au delà du désarmement tarifaire vis à vis de l’UE qui offrirait un nouvel
avantage de 20 à 30 % aux volailles européennes importées, il convient de noter que l’abaissement des
barrières douanières au Nigeria, consécutif à l’intégration commerciale de tous les pays de la CEDEAO
prônée par les APE, favorisera les achats auprès du Brésil qui est en passe de devancer l’Union européenne
sur les marchés des pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
„
Les produits laitiers
L’Union européenne qui assure plus de la moitié des importations ACP y représente une part
supérieure à celle qu’elle assure sur l’ensemble du marché mondial. Dans le cas de l’UEMOA et de la
CEMAC, l’UE occupe une place dominante en fournissant respectivement 54 et 80 % des importations de
ces deux ensembles régionaux. En revanche, elle est concurrencée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande sur
la zone SADC où elle ne couvre que 35 % des importations. Le Nigeria qui, à lui seul, représente 20% des
importations ACP, est approvisionné seulement à hauteur de 25% par l’Union européenne. L’essentiel de
ses importations est fourni par l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Pour l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne, l’Union européenne reste cependant le principal
fournisseur dans les différents produits. Sur cette zone, les poudres de lait écrémé ou grasses constituent
l’essentiel des importations, à des fins de reconstitution pour l’alimentation humaine. En alimentant des
usines de reconstitution de lait, les exportations de poudres sont considérées comme un des principaux
facteurs de perturbation des filières locales de lait. La concurrence exercée par les importations dissuade
les pouvoirs publics et les entreprises privées d’investir dans la modernisation des filières de production,
transformation et distribution de produits d’origine locale. Compte tenu des contraintes très lourdes qui
pèsent sur ce type de filières (produit périssable, difficulté de conservation et de transport, problèmes de
conditionnement…), les stratégies de modernisation nécessitent un environnement économique stable et
prévisible.
„
Les huiles
L’Afrique est menacée sur son marché domestique par les importations des huiles du sud-est
asiatique. Les importations en provenance d’Europe sont en progression, mais restent très minoritaires.
Elles sont principalement constituées d’huile de soja dont la graine a été importée par l’UE au préalable.
L’ouverture des marchés domestiques aux huiles européennes ne peut que fragiliser les filières
oléagineuses africaines dans leur effort d'approvisionnement des marchés intérieurs, sans améliorer pour
autant la compétitivité des huiles africaines à l'exportation. La non-réciprocité du régime de Lomé
permettait aux différents pays ACP de restreindre l'accès à leur marché intérieur. Les futurs APE n'offrent
plus cette possibilité et les exportations européennes risquent alors de se joindre à celles déjà existantes en
provenance d'Asie pour venir concurrencer encore davantage qu'aujourd'hui les huiles produites et
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
55
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
échangées au niveau des espaces régionaux ACP comme l’huile de palme de pays tels que le Cameroun ou
la Côte d’Ivoire vendues traditionnellement à leurs voisins de la CEDEAO et de la CEMAC.
„
Les légumes frais et les conserves
Les exportations UE de fruits et légumes à destination de la zone ACP sont globalement faibles ;
elles ne représentent que de l’ordre de 50 millions d’euros, soit 2 % environ des exportations agricoles
européennes de ces produits. Elles sont principalement constituées de pomme de terre et d’oignon et en
Afrique, la Mauritanie, le Sénégal et la Côte d’Ivoire en sont les principaux pays importateurs. Les
exportations européennes de pomme de terre et d’oignon, constituées pour partie de produits déclassés sur
le marché européen, peuvent déstabiliser ponctuellement quelques bassins de production de la zone
sahélienne, en venant les concurrencer sur les marchés locaux. Ailleurs en Afrique, la concurrence est faible
compte tenu des faibles volumes exportés par l’UE.
Les conserves et notamment le concentré de tomate, par le jeu des subventions dont bénéficient
les transformateurs18, peuvent concurrencer les industries agro-alimentaires africaines et indirectement les
producteurs de tomates fraîches. Le recours aux importations européennes à bas prix est un frein évident
au développement d’usines de transformation. La libéralisation accentuera ce phénomène.
„
Le sucre
Les industriels africains du sucre se plaignent déjà de la concurrence du sucre européen importé.
Une ouverture des marchés pourrait conférer à ce dernier un avantage complémentaire (baisse du prix de
30 %), et accentuerait la concurrence si les prix européens convergent vers les cours mondiaux.
3.1.4.
Le dumping sur les exportations
L’avantage concurrentiel des produits européens peut avoir des fondements divers, ce qui peut
motiver des stratégies de négociation et donc de choix différenciés des produits sensibles de la part des
pays ACP. En effet, la concurrence peut correspondre à des avantages comparatifs réels mais aussi à des
interventions sur les marchés qui diminuent les prix, comme l’a fait la Politique agricole commune (PAC)
européenne pour une majorité de produits agricoles. Dans ce dernier cas, les pays qui subissent cette
concurrence peuvent la considérer comme déloyale et, en s’appuyant sur les principes défendus à l’OMC,
devraient pouvoir légitimer des mesures correctrices de protection pour les produits concernés.
L’OCDE fournit différentes mesures de soutien aux productions intérieures. Le Coefficient national
de protection (CNP) aux producteurs mesure le rapport entre le prix moyen perçu par les producteurs (au
départ de l'exploitation) y compris les paiements au titre de la production, et le prix à la frontière (ramené
au niveau de l'exploitation). Le CNP aux producteurs peut donc être considéré comme une estimation du
taux de la subvention implicite à l'exportation nécessaire pour exporter les quantités produites. Or les
mesures donnent les résultats suivants :
18
La production de concentré de tomates européenne bénéficie d’aides à la production de tomates pour la transformation, et
d’aides à l’exportation.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
56
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
Tableau 1 : Valeur des coefficients nominaux de protection au sein de l’UE à 15 en 2005
Blé
1,07
Maïs
1,39
Sucre
2,7
Pomme de terre
1,1
Lait
1,4
Viande bovine
1,7
Porc
1,19
Volaille
1,8
Viande ovine
1,28
Source : OCDE
Le choix des produits sensibles devrait donc aussi être motivé par des considérations d’efficacité
économique où la prise en compte des avantages comparatifs réels devrait primer mais où des distorsions
créées sur les marchés extérieurs par des mesures de soutien à l’agriculture pourrait donner lieu à
correction de la part des zones économiques qui en subissent un effet concurrentiel néfaste.
3.1.5.
Une illustration : le cas des produits sensibles de la CEMAC
Une étude réalisée en 200619 montre que, dans le cas de la région CEMAC, les plus fortes pertes
de recettes douanières découleraient de la libéralisations des importations de la farine, devant les produits
laitiers concentrés et la viande de volaille. Il y a cependant des différences majeures en fonction des pays :
>
Le Tchad, la RCA, Sao Tomé et le Congo voient les pertes les plus importantes pour la farine ;
>
Le Cameroun et le Gabon sont particulièrement touchés pour les produits laitiers.
L’élaboration de la liste des produits sensibles de la CEMAC à la libéralisation avec l’Union
européenne tient compte des deux critères, à savoir recettes fiscales et concurrence, qui sont synthétisés
dans le tableau suivant :
19
Douya, Hermelin et Ribier (2006) : Impact sur l’agriculture de la CEMAC et de Sao Tomé et Principe d’un Accord de
partenariat économique avec l’Union européenne.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
57
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
Synthèse de la sensibilité des produits à la libéralisation
Produits
Sensibilité fiscale
Sensibilité à la concurrence
Sensibilité globale
++
0
Moyenne
Farine de blé
+++
+++
Très forte
Lait en poudre
+++
+
Forte
Volaille
+++
+++
Très forte
Huile de soja
++
+++
Forte
Tomates en conserve
++
+
Faible
Sucre
+
+++
Moyenne
Malt
+
0
Très faible
Blé
Légende : sensibilité nulle 0, faible +, moyenne ++, forte +++
Ce tableau permet de proposer l’exclusion de la libéralisation des produits suivants : farine de blé,
volaille, lait en poudre, huile de soja. En revanche, une ouverture du marché régional aux exportations de
sucre et de tomates en conserve n’aurait que peu d’impact. On peut également considérer que, malgré les
pertes fiscales, une ouverture du marché de l’Afrique centrale au blé et au malt européen permettra aux
industries de transformation d’avoir accès à ces matières premières à moindre coût, et donc de gagner en
compétitivité.
4.
LES DEFIS A RELEVER POUR LE CHOIX DES PRODUITS SENSIBLES
Mais au delà de la pure rationalité économique, la négociation qui pourrait s’enclencher sur les
produits sensibles devra affronter plusieurs défis.
Le premier relève de la logique même de l’APE qui résulterait d’un accord entre une zone déjà
unifiée quant à sa politique économique (l’UE) et une entité au sein de laquelle les politiques nationales
restent prééminentes : le cas de la CEDEAO en est l’illustration. L’APE, traditionnellement considéré comme
un moteur d’intégration prend le risque d’exacerber les contradictions entre les intérêts nationaux, faute
d’une dynamique politique régionale préalable suffisamment forte.
Le second résulte de l’importance des divergences d’intérêts qui transcendent les frontières des
pays ACP et qui tiennent à la place particulière occupée par les commerçants dans les systèmes
économiques et politiques, en particulier en Afrique.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
58
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
4.1.
Le problème de l’harmonisation régionale
La divergence d’intérêt entre pays peut prendre la forme de priorités différentes accordées à
certains produits en raison de leur part dans les recettes fiscales des pays. Dans le cas de la CEMAC, si le
Tchad, la RCA, le Congo et Sao Tomé ont intérêt à ne pas libéraliser les importations de farine, le
Cameroun et le Gabon devraient plutôt conserver des droits de douane sur les produits animaux (poudre de
lait et viande de volaille).
Mais ces contradictions entre pays résultent aussi de leurs structures socio-économiques. Les pays
côtiers et urbanisés tendront à acheter sur le marché international des produits alimentaires peu chers alors
que les pays enclavés et ruraux cherchent à maintenir leurs débouchés régionaux. On peut donc s’attendre
à une opposition entre pays sahéliens fournisseurs traditionnels de bétail aux pays du Golfe de Guinée et
ces derniers qui profiteront de la baisse des tarifs pour diminuer le coût de l’alimentation de leurs
ressortissants. Le phénomène inverse peut se produire pour les huiles avec une diversion du commerce en
provenance de l’Union européenne au détriment des huiles tropicales fournies auparavant par les pays
forestiers aux pays de l’hinterland pourrait se produire.
Enfin, les pays qui se joindraient à une entité régionale, à la faveur des APE, devraient harmoniser
leurs politiques commerciales (cas de la RDCongo vis à vis de la CEMAC ou du Nigeria à l’intérieur de la
CEDEAO). La question est alors celle de l’alignement sur les niveaux de protection des pays auxquels ils se
joignent ou au contraire, selon leur poids économique, d’une remise en cause des règles préexistantes. La
difficulté de l’obtention d’un consensus régional risque de déteindre sur le choix des produits sensibles. Un
pays important comme le Nigeria qui a toujours privilégié des relations commerciales dans le cadre
d’accords spécifiques avec ses partenaires, pourrait être tenté de vouloir tirer profit de sa position comme
fournisseur de produits pétroliers à ses voisins et de débouché majeur pour certains produits de ses voisins
(oignons, riz, bétail en plus du commerce de réexportation) pour imposer sa vision des priorités en matière
de produits sensibles. Il n’est pas sûr que l’agriculture en reste le bénéficiaire.
Finalement, la diversité de situation pose un problème majeur dans la perspective du choix des
produits sensibles. Le principe de libéralisation qui prévalait dans l’accord de Cotonou avait le mérite de
simplifier les règles par son caractère « uniformisateur ». Dès lors qu’il s’agit d’octroyer des dérogations, on
doit se rendre à l’évidence que le rapport de force entre pays agira sur la défense de la protection d’un
produit plutôt qu’un autre. Les dérogations risquent alors de constituer un facteur centrifuge d’une
construction politique qui se voulait intégratrice.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
59
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
4.2.
Les intérêts catégoriels
Le clivage entre pays passe en réalité souvent par des divergences d’intérêts entre opérateurs
économiques. Lorsque le Sénégal souhaite se protéger des importations de concentré de tomate, c’est
parce qu’un industriel y a développé une filière. Et lorsque les pays voisins sont insensibles à cet argument,
c’est parce que des commerçants, sous couvert de favoriser le pouvoir d’achat des consommateurs,
cherchent à dégager des marges élevées sur la revente de concentré qu’ils importent. Un constat analogue
pourrait être formulé en ce qui concerne l’importation de farine de blé plutôt que de blé à transformer dans
les minoteries africaines. Et les divergences peuvent s’étendre aux produits agricoles primaires. Sous
couvert de sécurisation alimentaire, les commerçants importateurs sont prompts à faire valoir l’avantage
d’importer des découpes de volaille ou du lait en poudre plutôt que de favoriser les productions locales.
L’histoire montre que souvent, les intérêts des commerçants prévalent sur ceux des secteurs de la
production et de la transformation agro-alimentaire.
On peut notamment se demander si l’origine du capital investi n’est pas un facteur essentiel des
choix politiques dans le secteur agro-alimentaire20. Les industries agroalimentaires les plus significatives
sont en Afrique de l’Ouest quasi-exclusivement tenues par du capital d’origine étrangère : minoterie,
sucrerie, concentré de tomate, et désormais huilerie sans parler du coton. Même si les dirigeants et
actionnaires majoritaires de ces entreprises ont souvent accès au cercle restreint du pouvoir, ils ne
jouissent pas de l’influence que les commerçants savent exercer sur la vie politique et donc sur les
décisions. Le pouvoir des importateurs s’appuie sur les multiples réseaux économiques tissés jusque dans
les campagnes et les alliances nouées avec les autorités traditionnelles. Ils disposent donc de relais sociaux
qui sauront faire écho à leurs revendications. Ce modèle de décision, dominant dans les pays francophones
de la CEDEAO est sans doute un peu différent au Nigeria, voire au Ghana où la formation d’une classe
d’entrepreneurs industriels nationaux lui donne du poids
La capacité d´influence des différents catégories d’acteurs des filières, les rapports qui peuvent se
nouer entre eux, l’état des forces en présence au niveau des pays ACP joueront en définitive tout autant
que les intérêts des exportateurs européens sur le choix final des produits sensibles. Ce sont finalement ces
considérations d’économie politique plutôt que la rationalité économique pure qui détermineront pour les
négociateurs, les marges de manœuvre pour la défense des activités nationales lors des négociations sur
les produits sensibles.
20
B. Faivre Dupaigre « Une économie politique du secteur agro-alimentaire à la lumière des choix de politique commerciale » in
Libéralisation et politique agricole du Sénégal, Paris, Karthala, Crepos, Enda, 2006, à paraître.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
60
Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE?
BIBLIOGRAPHIE
Busse Mathias, Borrmann Axel, Großmann Harald, 2004, L’impact des accords de partenariat économique
ACP – UE sur les pays de la CEDEAO : une analyse empirique des effets commerciaux et budgétaires, éd.
HWWA, Juillet 2004, 72 p.
Douya Emmanuel, Hermelin Bénédicte, Ribier Vincent, 2006, Impact sur l’agriculture de la CEMAC et de Sao
Tomé et Principe d’un Accord de Partenariat Economique avec l’Union européenne, Paris , Gret, mars 2006,
118 p.
Faivre Dupaigre Benoît, Coulibaly Massa, Diarra Amadou, 2004, Etude d’impact des APE sur l’économie :
Renforcement des capacités en appui à la préparation des APE, IRAM, Octobre 2004, 156 p. + annexes.
Faivre Dupaigre Benoît, à paraître, « Une économie politique du secteur agro-alimentaire à la lumière des
choix de politique commerciale » in Libéralisation et politique agricole du Sénégal, Paris, Karthala, Crepos,
Enda, 2006, à paraître.
Ribier Vincent et Blein Roger, 2002, Echanges agricoles UE-ACP: vers une exacerbation de la concurrence
entre agricultures ? Notes et Etudes Economiques du Ministère de l'Agriculture, n°15, mars 2002, pp.53-86
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
61
LES TARIFS EXTÉRIEURS COMMUNS DE LA
COMMUNAUTÉ ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE
DE L’OUEST ET LEURS CONSÉQUENCES SUR
L’INTÉGRATION RÉGIONALE ET LA NÉGOCIATION DES
ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE
Intervention lors du colloque
" Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en
développement ?"
organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006
Bio Goura SOULE (LARES, Cotonou)
INTRODUCTION
Pour parachever leur intégration économique et promouvoir le développement régional, les 15
Etats de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ont adopté le 12 Janvier 2006 à
Niamey (Niger), la décision portant application du Tarif Extérieur Commun (TEC) de la communauté. La
décision prévoit entre autres, la suppression de toutes les entraves tarifaires et non tarifaires aux échanges
communautaires et la mise en place d’un TEC. Elle institue une période transitoire de deux (2) ans, allant
du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, période censée conduire à la mise en application effective du
TEC/CEDEAO dès le 1er janvier 2008 en même temps que les accords de partenariat économique entre la
région et l’Union Européenne.
Calqué sur le TEC UEMOA, adopté le 28 novembre 1997, et entré en vigueur le 1er janvier 2000, le
TEC CEDEAO fait l’objet d’un vif débat intérieur, quant à, non seulement son opportunité au regard du
niveau actuel du processus d’intégration de la région, mais aussi des implications potentielles de ce TEC
sur l’économie de la région et les Accords de Partenariat Economique que la région s’apprête à conclure
avec L’UE.
1.
LA STRUCTURE DU TEC DE LA CEDEAO.
Le Tarif Extérieur Commun
de la CEDEAO est, à l’instar de celui de l’UEMOA, composé d’une
nomenclature tarifaire et statistique (NTS) et d’un tableau des droits et taxes, y compris des mesures de
sauvegarde. La Nomenclature Tarifaire et Statistique de la CEDEAO est une nomenclature douanière
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
commune basée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (SH)
adoptée par la Communauté. Il a permis de ramener le nombre de taxes perçues au niveau du cordon
douanier à cinq (05) dont les unes sont permanentes et les autres temporaires. Le tableau des droits et
taxes applicables aux produits importés comprend le droit de douane, la redevance statistique et le
Prélèvement communautaire de la CEDEAO ainsi que des mesures d'accompagnement sur certains produits
selon des conditions bien définies.
1.1.
Catégorisation des Produits et Droits de Douane
Les produits figurant dans la Nomenclature Tarifaire et Statistique sont répartis en quatre (4)
catégories désignées comme suit :
Catégorie
Produits
0
Biens sociaux essentiels
1
Biens de première nécessité, matières premières de base, biens d’équipement,
intrants spécifiques
Droit de douane
0%
5%
2
Produits intermédiaires
10%
3
Biens de consommation finale et tous autres produits non mentionnés ailleurs
20%
Cette structure tarifaire de base et la classification des produits selon ces catégories prennent en
compte un certain nombre de préoccupations d’ordre régional, à savoir:
•
des raisons de santé publique (médicaments; appareils de rééducation, notamment
stimulateurs cardiaques, chaises roulantes)
•
des raisons de politique éducative (livres, journaux)
•
l’amélioration du niveau de production locale à travers l’accroissement de la valeur ajoutée
•
la protection de l'environnement
•
la garantie de recettes douanières comme source importante de recettes fiscales.
Les critères de classification des produits sont multiples, on peut citer:
•
le degré de transformation du produit, le principe étant que plus le produit est transformé, plus
il gagne en catégorie e.g. catégorie 3 pour les produits finis
•
la valeur sociale du produit, qui veut que les biens dits sociaux soient en catégorie 0
•
les produits de première nécessité
•
les produits ayant subi un début de transformation et nécessitant un apprêt (huile brute,
contreplaqué, papier rouleau, tissu écru, métal rouleau)
•
les équipements (machines industrielles, ordinateurs, etc.) ou intrants ne pouvant être produits
par les pays membres à court ou moyen terme (produits chimiques, etc.).
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
64
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
1.2.
Les autres droits à caractère permanent
Ils sont au nombre de deux :
•
La Redevance Statistique qui est de 1%, perçue sur tous les produits à l'exception de ceux
bénéficiant de privilèges diplomatiques et de ceux importés sur financement extérieur
•
Le Prélèvement Communautaire (PC), de 0,5%, dont les ressources sont affectées à la
compensation des moins-values de recettes douanières, à la dotation des fonds structurels et
au financement du fonctionnement du secrétariat de la communauté.
1.3.
Les mesures d'accompagnement
En plus des droits et taxes proposés sous le Tarif Extérieur Commun, la décision d’adoption du TEC
a prévu trois mesures d'accompagnement visant la protection des secteurs agricole, manufacturier et
industriel susceptibles de faire face à une concurrence déloyale des importations, suite à l’introduction du
TEC.
•
Taxe Dégressive de Protection de la CEDEAO (TDPC)
La Taxe Dégressive de Protection de la CEDEAO (TDPC) est une mesure de sauvegarde temporaire
appliquée aux produits pour lesquels le niveau de protection fourni par le Tarif Extérieur Commun de la
CEDEAO n’est pas jugé suffisant pour protéger la production locale contre la concurrence déloyale des
produits importés. Elle sera appliquée à la valeur CAF des importations, en plus du droit de douane et
autres taxes prévues.
Le taux de la TDPC sera déterminé pays par pays. Les autorités nationales compétentes seront
invitées à soumettre leurs demandes relatives à l’application de la TDPC, au Comité de Gestion du TEC pour
décision. La TDPC sera éliminée progressivement sur une période de dix ans, à partir du 1er janvier 2008
(date prévue pour l’entrée en vigueur du Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO) jusqu’au 31 décembre
2017 (quand le taux de la TDPC deviendra zéro).
Les taux spécifiques de la TDPC seront négociés. Le taux maximum de départ de la TDPC sera le
taux minimum entre 20% et le niveau de réduction du droit de douane induite par l’application du TEC. Ce
mécanisme comportera une procédure transparente d’enquête, de détermination, de révision et de
notification de la TDPC qui sera initiée par le Comité de Gestion du TEC. La CEDEAO avisera les autres
membres de l’OMC et le comité technique compétent de l’OMC, des décisions et autres règlements pris par
la Communauté dans le cadre de la mise en œuvre de la TDPC.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
65
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
•
Taxe de Sauvegarde de la CEDEAO (TSC)
La Taxe de Sauvegarde de la CEDEAO (TSC) est une surtaxe temporaire appliquée aux produits en
provenance de pays hors de la CEDEAO. Elle a pour objectif de protéger la production locale contre les
fluctuations des prix sur le marché international et la forte augmentation des importations.
L’application de la TSC sera générée par deux facteurs principaux, à savoir le déclenchement du
prix à l'importation et du volume des importations. Le déclenchement du prix sera déterminé par une baisse
du prix unitaire CAF des importations d’un produit donné, sur une période de six mois, excédant 20% du
prix moyen de la période de six mois correspondante de l’année précédente. Le déclenchement du volume
sera déterminé par une hausse du volume des importations d’un produit donné pendant une période de six
mois excédant 50% du volume moyen des six mois correspondants de l’année précédente. Le taux de la
taxe supplémentaire appliqué sous ce mécanisme de sauvegarde sera soit 100% du taux de baisse du prix
unitaire des importations soit 50% du taux d'augmentation du volume des importations. Le taux de la taxe
le plus élevé entre ces deux paramètres sera appliqué. Cette taxe supplémentaire sera calculée en
pourcentage de la valeur CAF du produit importé, en plus du droit de douane et d’autres taxes existantes
(la redevance statistique, le Prélèvement communautaire, la taxe sur la valeur ajoutée, les droits d’accise,
etc.).
2.
UN SEUIL DE PROTECTION JUGE FAIBLE.
L’adoption du Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO, alimente encore de nombreux débats dans
la région. Comme son homologue de l’UEMOA, son adoption ne semble pas avoir été pleinement inspirée
par les préoccupations d’accélération de la mise en œuvre du processus d’intégration régionale et surtout
d’une réelle volonté de protection des secteurs de production de la région. Il apparaît comme une politique
d’urgence. Le TEC est adopté à un moment où la région ne s’est pas encore dotée
d’une politique
industrielle ; et n’a pas encore fait l’expérience de la mise en œuvre de sa politique agricole. Elle ne connaît
donc pas le niveau réel de protection qu’il faut pour réaliser les objectifs stratégiques qu’elle s’est fixée
dans les différents secteurs productifs. Aucune liste crédible de secteurs et de produits sensible n’est
disponible au regard des préoccupations fiscales, économiques et de souveraineté alimentaire des différents
Etats, devant faire l’objet d’une forte protection ou exclus de la libéralisation des échanges dans le cadre
du nouveau régime commercial que l’Europe suggère à la région CEDEAO + la Mauritanie.
Les récriminations des organisations socio-professionnelles (agricole, des industriels et autres
manufacturiers) sont d’autant plus vives, qu’il n’existe à ce jour aucun résultat d’évaluation du TEC UEMOA
disponible, qui permet d’avoir une idée exacte de ses retombées sur l’économie régionale. On se contente
de quelques appréciations des opérateurs économiques, qui pensent qu’il a très peu contribué à l’extension
et à la création de commerce à l’intérieur de l’Union. C’est dans ce contexte qu’intervient le TEC CEDEAO
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
66
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
qui ne semble avoir suffisamment pris en compte les recommandations du troisième axe de la politique
agricole de la même institution. Cet axe recommande en effet : qu’« en l’absence d’un accord visible sur le
commerce des produits agricoles à l’OMC, qui réduira ou éliminerait de telles subventions, une action de
protection unilatérale au niveau régional est justifiée comme moyen de compenser les distorsions sur le
marché mondial. Une protection différenciée similaire se justifie pour les incertitudes liées aux fluctuations
du marché affectant des populations vulnérables. Enfin, elle se justifie dans une perspective de protection
des investissements pour certaines filières pour lesquelles la région bénéficie d’avantages comparatifs
potentiels. » En effet, dans sa conception actuelle, tant du point de vue des lignes tarifaires que des
différentes mesures de sauvegarde, le TEC CEDEAO affiche de très faibles taux de protection. Si on
considère les produits alimentaires, on peut constater que du fait d’un système de protection très peu
contraignant, ces produits sont en moyenne classés dans les tranches les plus élevées des taxes du TEC21.
Alors que le droit maximal du TEC est de 20%, le taux de protection des produits alimentaires (hors
produits tropicaux et non alimentaires) est de 15% en moyenne simple et de 13% en moyenne pondérée
par les importations.
Les organisations professionnelles, notamment le Réseau des Organisations des Producteurs et des
Paysans (ROPPA) contestent les orientations prises par le TEC CEDEAO qui sont en totale déphase de
celles de la politique agricole de la région. Cette dernière a fait l’option d’une protection différenciée en
fonction des enjeux de chaque filière et plus généralement des préoccupations de souveraineté alimentaire
de la région. Le ROPPA estime que la tarification extérieure ne créée pas les conditions d’une souveraineté
alimentaire régionale, pourtant inscrite dans les perspectives de l’ECOWAP.
La faiblesse des taux de protection du TEC CEDEAO est également perceptible comparée aux
taux que pratiquent d’autres pays, notamment l’Union Européenne avec qui la région s’apprête à
conclure un accord de partenariat économique.
Les écarts sont de plus de 7 points de moyenne
supérieurs pour les produits alimentaires européens comparés aux mêmes produits de la CEDEAO (22%
pour l'UE contre 15% pour la CEDEAO). Ces écarts sont de 50 points dans le lait, 32 points pour les
céréales, 25 points pour ceux de la minoterie, 31 points pour le sucre, et plus de 13 points pour les
animaux et les viandes. Pour l'UE, l'Union douanière et le Tarif commun (TARIC) ont été les instrumentsclés de la Politique agricole et de la construction de la préférence communautaire depuis plus de trente
ans. Cette comparaison entre l'UE et la CEDEAO souligne les différences d'options économiques de la
politique agricole et agroalimentaire des deux régions. La CEDEAO ne semble avoir pleinement
internalisé la nécessité de l’utilisation du Tarif Extérieur Commun comme un des principaux instruments
de la construction d’un véritable marché commun régional et partant de la promotion du commerce
intra-régional.
21
Toutefois les graines oléagineuses et la poudre de lait sont, par exemple taxées à 5 %, ce qui permet l’importation de
produits concurrents ou de substitutions aux produits locaux. De même, les brisures de riz sont taxées à 10 %, ce qui est
insuffisant pour protéger les filières locales
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
67
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
Sur tout un autre plan, comparés à ceux d’autres pays similaires engagés dans des négociations
devant conduire à la création d’une zone de libre échange, les taux de protection du TEC de la CEDEAO
sont nettement en deça de ceux pratiqués par ces pays. Dans le cas du Maroc qui entretient un Accord
d'association avec l'UE (Gallezot, FAO, 2004), les écarts avec la politique de protection agricole sont
encore plus importants. Les taux de protection sont en moyenne de plus de 35 points supérieurs pour le
Maroc par rapport à la CEDEAO (le droit moyen marocain est de 50% contre seulement 15% pour la
CEDEAO). Ces écarts sont même considérables pour certains secteurs comme celui des viandes (+136
points), celui du lait (+54 points) ou encore celui de la minoterie (+36 points). Dans cette comparaison il
convient de noter que les instruments tarifaires de l'UE et du Maroc incorporent massivement des droits
spécifiques (Euros/100kg par exemple) qui permettent une meilleure protection des produits soumis à
une baisse des prix. Ces modalités, associées à un contingentement de certaines productions (quotas),
manquent cruellement dans le TEC de la CEDEAO (Gallezot, OXFAM, ROPPA , 2006).
La faible protection des marchés de la CEDEAO dans le cadre de la mise en place des APE doit
être mise en perspective avec les cycles des négociations multilatérales. Bien que l'échéancier du cycle
de Doha soit actuellement compromis, le processus de libéralisation se poursuivra durant la période
d'application des APE et de ce fait, les mécanismes d'érosions des marges préférentielles réduiront plus
encore l'avantage commercial de ces accords pour les pays africains (Bouët A., Fontagné L, Jean
S.,2005.)
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
68
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
Tableau 2 : Les tarifs extérieurs agricoles comparés de la CEDEAO avec ceux de l'UE et du
Maroc
Tarif extérieur commun UEMOA-CEDEAO
CEDEAO en 2003
Union
Ecarts
MAROC
Ecarts
NombreDroits MFN EuropéenneCEDEAO
CEDEAO
Lignes moyens
Droits MFN ** UE
Droits MFN ** MAROC
sh6
%
EAV moyens
%
EAV moyens
%
[1]
[2]
[2] - [1]
[3]
[3] - [1]
Produits alimentaires
1 - ANIMAUX VIVANTS
2 - VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
4 - LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; Œ
5 - AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMA
6 - PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE
7 - LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TU
8 - FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'A
10 - CÉRÉALES
11 - PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
12 - GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; G
15 - GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
16 - PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POI
17 - SUCRES ET SUCRERIES
19 - PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉAL
20 - PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE F
21 - PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIV
22 - BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES
23 - RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTR
24 - TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
33 - HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏD
35 - MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUIT
Total alimentaires
17
52
27
16
11
54
55
16
34
44
43
11
16
17
44
16
22
25
9
15
10
554
14
20
17
5
12
19
19
6
12
5
13
20
11
18
20
15
20
10
12
10
9
15
27
36
67
0
7
14
16
38
37
4
11
24
42
22
25
13
8
23
20
3
9
22
13
16
50
-5
-5
-5
-3
32
25
-1
-2
4
31
4
5
-2
-12
13
8
-7
0
7
62
156
71
33
35
46
51
19
48
25
23
50
35
49
50
47
50
24
23
41
29
50
48
136
54
28
23
27
32
13
36
20
10
30
24
31
30
32
30
14
11
31
20
35
* Il s'agit du droit NPF (tous pays tiers) appliqué par l'UEMOA et généralisé à l'ensemble de la CEDEAO (Droits permanents
hors listes d'exceptions)
**Les EAV (équivalents ad-valorem) européens résultent de la conversion effectuée par l'UE dans le cadre des travaux de
l'OMC en 2005. Il convient de considérer en effet que dans le cas de l'UE (comme pour le Maroc), un grand nombre de
droits (47% des lignes tarifaires agricoles) sont des droits spécifiques ou complexes (exemple 10,2 + 93,1 Eur/100 kg/net
pour le code 1029005)
Sources : Baci (CEPII), BDI (OMC- Genève), MacMap (CEPII)
3.
CONSEQUENCES SUR L’INTEGRATION REGIONALE ET LES NEGOCIATIONS APE
La manière dont évoluera la politique commerciale de la CEDEAO au cours des quatorze prochains
mois sera déterminante, tant pour le processus d’intégration régionale que pour les négociations des APE.
De deux choses, l’une ; ou la zone confirme sa trop grande ouverture aux échanges extérieurs en
s’en tenant au niveau actuel de protection, ou elle procède à des réajustements qui permettent de relever
le niveau de taux de protection, perspective souhaitée par les professionnels de la région. Cette dernière
éventualité est envisagée au travers de deux procédures. La première consiste à procéder à
une
reclassification de certains produits agricoles en les faisant passer dans les catégories supérieures de 15 et
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
69
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
20 %. La seconde éventualité, pour l’instant timidement défendue par le Nigeria qui pratique les taux de
protection les plus élevés (en moyenne 39%), porte sur la création d’une cinquième bande de 50 % où
seraient logés les produits qui présentent un enjeu stratégique important pour la région.
De toute évidence, en l’absence de nouvelles propositions fortes émanant des socio-professionnels,
notamment des organisations des producteurs agricoles, qui n’ont pas encore mis sur la table de
négociation, de propositions alternatives fortes, la région d’achemine dangereusement vers la confirmation
de la large ouverture de son marché aux échanges extérieurs.
Le niveau de protection du marché régional de la région a des implications multiples sur le
processus d’intégration régionale et sur le contenu des accords de partenariat économique. Le degré
d’ouverture du marché régional est déterminant du rythme de la libération et du niveau d’asymétrie de la
zone de libre échange. Les accords du GATT-OMC précisent (Art XXIV) que les droits, après constitution
d'une zone de libre échange (ZLE), ne peuvent être plus élevés que ceux qui précédaient la mise en place.
La marge de manœuvre de la région pour un réajustement des taux de protection du TEC est quasi nulle,
en absence d’une révision du contenu de l’article XXIV.
L’Union européenne constitue
un des principaux fournisseurs de produits agro-alimentaires
importés par la région. Les importations agro-alimentaires de la CEDEAO ont progressé de 96%, passant de
7 672 230 Euros en 1988-89 à 10 965 320 Euros en 2003-2004 (Blein, ROPPA, 2006). Les importations
agricoles représentent 16,5 des importations totales en provenance de l’Union Européenne. Par conséquent
un démantèlement des protections aux frontières (non application du TEC sur les importations d’origine
européenne dans le cadre de l’APE) conduirait à placer les importations d’origine européennes en
concurrence directe avec les filières ouest africaines.
Ce risque a été mis en évidence pour de nombreuses filières dans les études d’impact d’un APE
entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest. Les simulations des études d’impact laissent entrevoir une
augmentation comprise entre 20 et 30 % des importations ouest africaines de produits d‘origine
européenne, du fait du démantèlement des barrières tarifaires. Du fait de la suppression des barrières
tarifaires, les estimations des augmentations d’importations des produits agricoles porteraient sur 16%,
15%, 17% et 18% respectivement pour les oignons, la pomme de terre, la viande bovine et la viande de
volaille (Busse et al, 2004, PWC et al, 2002, Kpade, 2004, Blein et al, 2004). Cet accroissement des
importations risque de mettre à mal un secteur agricole qui souffre déjà de la faible productivité de ses
actifs, due en partie aux distorsions résultant des multiples soutiens dont bénéficient les producteurs
agricoles européens : environ 16 000 $US par producteur chaque année contre des revenus moyens per
capita de 163$ pour chaque producteur agricole africain (Enterplan, 2005).
Les enjeux au niveau régional portent sur des produits dont la présence sur le marché
communautaire, découle des complémentarités écologiques. Les viandes bovines, l’oignon, constituent des
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
70
Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des
APE
filières représentatives de cette catégorie. Ces produits alimentent des courants commerciaux des pays
sahéliens (Burkina Faso, Mali et Niger) vers les pays côtiers (Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigeria). Des
pertes importantes de part du marché régional sont envisagées dans la perspective de la mise en œuvre
d’un APE qui démantèle toutes les barrières tarifaires. En ce qui concerne les produits animaux, les
simulations montrent, au Mali, une diminution de la valeur ajoutée du secteur de près de 6 milliards de F
CFA (9,15 millions €), soit une baisse de 8% et une perte de débouchés de 37 000 têtes d’animaux. Des
pertes similaires sont envisagées au Burkina Faso et au Niger. Il s’agit là de conséquences d’autant plus
néfastes que ces productions sont non seulement très compétitives sur le marché régional et de bonne
qualité, mais jouent aussi un rôle essentiel dans la valorisation des zones agro-pastorales sahéliennes, le
revenu et les conditions de vie des éleveurs.
Les productions d’oignon, notamment de Galmi au Niger et du Sud du Burkina-Faso se retrouvent
dans les mêmes conditions. Exportées vers les marchés du Ghana et de la Côte-d’Ivoire, ces productions
vont subir la concurrence des importations européennes. La suppression des barrières douanières risque de
fragiliser dangereusement les exploitations dans ces pays, si des mesures conséquentes d’accompagnement
ne sont pas prises.
Cette situation met en relief les risques que courent :
•
Le secteur agricole ; une forte concurrence des produits d’origine européenne, une paupérisation
des producteurs, une augmentation de l’exode rural.
•
Un détournement de trafic, qui peut plonger au fond de la vase le commerce intra-communautaire,
un des principaux indicateurs du niveau d’intégration régionale.
Dans ce contexte, les produits agricoles pourraient être considérés comme des produits sensibles
exclus, définitivement ou temporairement, partiellement ou complètement, du programme de libéralisation
des échanges. Le volet de la négociation relatif à la libéralisation du commerce entre les deux régions
(ampleur du désarmement tarifaire, couverture des produits, rythme et calendrier, protection / exclusion
des produits sensibles, etc.) sera en principe traitée en 2007. Il ne reste donc qu’environ 13 mois à l’Afrique
de l’Ouest pour créer les conditions d’une telle alternative en procédant dans le cadre d’une large
concertation avec tous les acteurs à une revue de son Tarif Extérieur Commun : reclassification des
produits ou création d’une nouvelle bande et développement de droits spécifiques pour mieux protéger les
produits agricoles.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
71
LES APE : ATOUTS ET FREINS A L'INTEGRATION
REGIONALE DES PAYS DE LA CEMAC
Intervention lors du colloque
" Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en
développement ?"
organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006
Jean-Christophe Boungou Bazika
Centre d’Etudes et de Recherche sur les Analyses
et Politiques Economiques (CERAPE)22
INTRODUCTION
La Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) est un regroupement qui
compte six pays : Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique, Guinée Équatoriale. Depuis 2002, ces
pays sont engagés dans un processus de négociations avec l’Union européenne dans le cadre des Accords
de Partenariat Economique (APE) mis en place par la convention de Cotonou. Il est prévu l’entrée en
application des APE en 2008. C’est pourquoi, une réflexion importante a été menée pour évaluer l’impact de
ces accords sur l’économie des pays africains (Hammouda et al, 2005; Karingi et al, 2004).
Les APE abordent les questions concernant les entraves aux échanges commerciaux, les
contraintes d’offre des pays ACP et de la compatibilité des relations commerciales UE-ACP avec les règles
adoptées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les APE visent la mise en place de zones de
libre échange (ZLE) en vue de se substituer aux préférences commerciales non réciproques actuellement
accordées par l’UE aux pays ACP en application de la convention de Lomé.
L’objectif de cette communication est d’évaluer l’incidence des APE sur le processus d’intégration
régionale des pays de la CEMAC. Les objectifs spécifiques sont d’analyser l’impact des APE sur la création et
le détournement de commerce, les exportations de certains biens agricoles, de voir ce que pourraient être
les pertes de revenus subies par ces pays et de présenter quelques alternatives.
La méthodologie utilisée se fonde sur un modèle d’équilibre partiel en s’inspirant des travaux
effectués par la Commission Économique pour l’Afrique (CEA) en 2004. Cette approche a permis d’obtenir,
sur la base de scénarios de libéralisation commerciale dans le cadre de la zone de libre échange UE-ACP,
des résultats d’impact intéressants. La limite de la modélisation en équilibre partiel est qu’elle ne permet
22
BP 15397 Brazzaville Congo
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
pas de saisir les effets secondaires (second round effect). La modélisation en équilibre général permet par
contre d’appréhender ce type d’effets, mais l’inconvénient est le manque de données sur les pays africains
pris de façon particulière (Karingi et al, 2004).
La communication est structurée en deux principaux points : le premier point traite du contexte des
APE. Il examine l’accord de Cotonou, la compatibilité des règles de l’OMC et présente les relations
commerciales entre la CEMAC et l’Union européenne. Le second point montre l’impact des APE sur la
CEMAC et analyse les atouts et freins des APE sur les économies de la sous région de l’Afrique centrale ainsi
que quelques scénarios d’APE alternatifs.
1.
LE CONTEXTE DES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE (APE)
Les APE ont été conçus dans un contexte marqué par l’adoption de nouvelles règles de libéralisation
commerciale établies par l’OMC et qui devaient être intégrées dans la convention de Cotonou. En outre, le
processus d’intégration régionale, un des piliers de la coopération UE-ACP connaît une stagnation. Pendant
ce temps, les relations commerciales de la CEMAC se caractérisent par la prépondérance des échanges avec
l’UE, échanges revêtant un aspect asymétrique.
1.1. L’accord de coopération de Cotonou
L’accord de Cotonou est le cadre juridique actuel qui réglemente les relations entre l’Union européenne
et les pays ACP. Entré en vigueur depuis le 1er avril 2003, l’accord de Cotonou a pour objectif de rétablir les
équilibres macro-économiques, de développer le secteur privé, d’améliorer les services sociaux, de favoriser
l’intégration régionale, de promouvoir l’égalité entre l’homme et la femme, de protéger l’environnement et
d’abolir de manière progressive les entraves aux échanges commerciaux. L’accord de Cotonou a une durée
de vingt ans, avec des révisions possibles tous les cinq ans. Il repose sur cinq piliers interdépendants:
-
un dialogue politique mené entre les partenaires du Nord et du Sud doit pouvoir aborder toutes les
questions d’intérêt mutuel. Ces questions portent particulièrement sur la consolidation de la paix, la
prévention et la résolution des conflits, le respect des droits de l’homme, les principes
démocratiques et de l’Etat de droit, la bonne gouvernance et gestion des affaires publiques ;
-
une plus grande participation de la société civile et des acteurs économiques et sociaux locaux à la
mise en œuvre des politiques et des projets ;
-
la lutte contre la pauvreté avec un rôle central pour le secteur privé et l’intégration régionale dans
les stratégies de développement ;
-
un nouveau cadre de coopération économique et commerciale en conformité avec les dispositions
de l’OMC afin d’intégrer les pays ACP dans l’économie mondiale. Ce cadre met au premier rang de
ses priorités l’intégration régionale ;
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
74
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
-
Une réforme de la coopération financière visant à assurer, notamment, la simplicité, la cohérence,
l’efficacité, la flexibilité et l’adaptation continue de l’aide à la situation de chaque pays.
S’agissant du commerce, l’accord de Cotonou ne donne pas de détails sur les dispositions à prendre.
Cependant, il propose la poursuite des accords non-réciproques de Lomé jusqu’au début de l’année 2008
au plus tard. L’accord stipule clairement, qu’après cette date limite, un accord commercial compatible avec
les règles de l’OMC devra être mis en place. Cette disposition a par la suite été validée par l’OMC lors de la
conférence ministérielle de Doha en septembre 2001.
1.2. La compatibilité avec les règles de l’OMC
Le traitement de la Nation la Plus Favorisée (NPF) constitue un des principes fondamentaux de
l’OMC. Il stipule qu’un pays membre, en accordant un avantage commercial à un autre pays membre, doit
automatiquement étendre cet avantage à tous les pays membres de l’OMC (article I de l’Accord général sur
les tarifs et le commerce). Au principe NPF, on oppose deux exceptions : la première autorise le traitement
préférentiel basé sur des préoccupations de développement. Cela signifie qu’un pays développé peut
accorder une préférence commerciale à un pays en développement dans l’objectif de stimuler la croissance
et le développement économique du second pays. L’autre exception concerne les zones de libre-échange.
Cette dérogation est accordée lorsque un groupe de pays décident de réaliser leur intégration régionale à
condition que les tarifs douaniers qui frappent les importations des pays tiers ne soient pas plus élevés que
dans la situation précédant l’intégration.
Un autre principe essentiel de l’OMC est la non discrimination entre pays de niveau de
développement similaire. Concernant les ZLE, l’article XXIV du GATT définit les modalités selon lesquelles
les membres de l’OMC peuvent ne pas respecter la clause NPF. La justification qui sous-tend cette
dérogation au principe NPF est que, sous certaines conditions, des accords de libre-échange bénéficient
non seulement à leurs membres, mais également à l’économie mondiale du fait qu’ils rapprochent ces pays
de l’économie basée sur la libre circulation des biens et des personnes. Des accords tels que les APE
rentreraient dans cette catégorie s’ils possèdent un caractère réciproque, permettant à chaque partie un
traitement préférentiel symétrique.
Compte tenu du niveau de développement encore très inégal entre les pays ACP et l’UE, les ACP
souhaitent maintenir un certain degré d’asymétrie dans leur futur accord avec l’UE. Il faut souligner que
l’article XXIV du GATT maintient une certaine ambiguïté en ce qui concerne ce point. En particulier, l’article
8b exige que les droits de douane et autres réglementations restrictives du commerce soient éliminées pour
« l’essentiel des échanges commerciaux » entre les parties. La signification exacte des termes « essentiel
des échanges commerciaux » est l’objet de discussions et donne lieu à diverses interprétations. Le
pourcentage du commerce qui pourrait être libéralisé est une des questions importantes en négociation et
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
75
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
intéresserait les pays africains qui désirent assurer une certaine protection sur leurs industries en enfance.
On pense généralement que 90% du commerce pourrait être libéralisé au terme d’un accord de libre
échange. Cependant, il n’y a aucune confirmation légale sur ce point. Si on prend le cas de l’accord de libre
échange entre l’Afrique du Sud et l’UE, l’accord commercial a été interprété de façon non réciproque. L’UE
dans le cadre cet accord a accepté de libéraliser 95% de son commerce avec l’Afrique du Sud alors que
cette dernière n’a autorisé la libéralisation que de 85% de ses importations en provenance de l’UE.
S’agissant des délais, l’article XXIV parle de délai « raisonnable » et ainsi entretient une certaine
ambiguïté dans la période de mise en œuvre. Sur ce point, il n’existe aucune interprétation officielle ou
légale de ce qui pourrait être un délai raisonnable, bien que par convention, on pense à un délai de 10 ans
(Karingi et al, 2004)
1.3. La question de l’intégration régionale
L’intégration est aussi considérée comme un moyen d’insérer les économies africaines dans
l’économie mondiale en stimulant la création des unions douanières et la formation de vastes marchés à
l’échelle régionale.
Cette question fait partie des priorités de l’UE dans le cadre des négociations des APE avec ses
partenaires en développement. Depuis la création du marché commun jusqu’à la formation de l’Union
économique, les pays européens ont toujours manifesté un intérêt particulier à l’intégration africaine. Le
concept même de zone eurafrique dont parle déjà Pierre Moussa (1957) s’inspire de cette préoccupation.
Dans la politique de coopération de l’UE, des aides particulières avaient été prévues pour appuyer le
processus d’intégration régionale des pays ACP : financements des infrastructures communautaires, aides
aux institutions d’intégration régionale, etc.
Dans le cadre actuel des APE, la question de l’intégration régionale revêt une dimension nouvelle. Il
est prévu d’ici 2008, la mise en place des zones de libre-échange entre l’UE et les pays ACP. Il s’agit surtout
d’encourager dans un premier temps des accords Sud - Sud, puis dans un deuxième temps des accords
Nord-Sud (Mainguy, 2005).
Il semble que dans les discussions préliminaires relatives à l’intégration régionale, la Commission
européenne a tenté de faire passer l’idée selon laquelle, les pays ACP devaient appliquer l’approche de
l’intégration régionale en s’inspirant de l’expérience de l’Union européenne. Les pays ACP se sont opposés à
cette vision. Plutôt que d’imiter l’expérience européenne, il serait plus pertinent que ces pays suivent leur
propre voie basée sur la flexibilité, la différenciation et la géométrie variable (Bilal et Rampa, 2006). L’une
des raisons qui expliquent d’ailleurs l’échec de l’Union Douanière
et Economique de l’Afrique Centrale
(UDEAC) est le fait que ce groupement a voulu copier et transplanter l’expérience du marché commun
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
76
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
européen à la réalité de l’Afrique centrale quand bien même les deux réalités étaient différentes (Boungou
Bazika, 2001; Bekolo Ebe, 1994)
Pour chaque région ACP, la négociation des APE devrait mettre l’accent sur la synchronisation des
priorités régionales. Ces priorités devront être définies par les ACP eux-mêmes en fonction de leurs
particularités régionales et de leurs objectifs de développement, plutôt que d’incorporer dans chaque APE
un agenda standard. C’est d’ailleurs le souhait exprimé par les pays ACP. Il se peut que le processus
d’intégration régionale dans une zone comme celle de l’Afrique centrale soit handicapée par une série de
contraintes (étroitesse des marchés, insuffisance de voies de communication reliant les différentes
économies de la zone, entraves à la circulation des personnes, etc.). Dans ces conditions, la maturation du
processus ne serait pas encore au point de permettre aux pays de la CEMAC d’assumer les engagements
pris en matière d’intégration régionale dans le cadre d’un APE.
De façon classique, on attend de l’intégration régionale des effets statiques et dynamiques, surtout
quant l’approche adoptée, comme celle de la CEMAC, est en grande partie fondée sur le marché.
Viner (1950) a montré comment l’intégration engendrait des effets de création et de détournement
de commerce au sein des pays partenaires regroupés dans une zone communautaire. Ces effets
s’expliquent surtout par la baisse du coût des importations qui découle de la suppression des droits de
douane et de la libre circulation des marchandises induites par l’union douanière. Or à l’inverse de ce qui
s’est passé au sein du marché commun européen marqué par une proportion importante des échanges
intra-régionaux (30% environ au moment de la signature du Traité de Rome), les pays de la zone CEMAC
sont caractérisés par un niveau faible de commerce intra-régional. Celui-ci avoisine actuellement 2%
(Boungou Bazika, 2006; CEMAC, 2005). Dans ces conditions, les effets de création et de détournement de
trafic sont souvent dérisoires, voir nuls (Balamona 2006; Ondo Ossa, 2004).
Par conséquent, la constitution d'unions douanières africaines semble avoir peu d’effets
économiques. Les relations commerciales entre l’UE et la CEMAC sont asymétriques. Elles représentent plus
de 50% pour les pays africains de la CEMAC et 1 à 2% pour les pays européens. L’enjeu pour eux est donc
faible (Mainguy, 2005).
Les effets dynamiques peuvent se traduire par l’amélioration de la concurrence qui pousse les
entreprises à baisser les coûts de production et à innover afin d’améliorer la qualité des produits et
diversifier la production. En définitive, les effets dynamiques engendrent des économies d’échelle et
l’accroissement du surplus du consommateur.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
77
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
1.4. Les relations commerciales de la CEMAC avec l’UE
Le commerce de la CEMAC avec l’UE connaît une balance commerciale positive de 1997 à 2002.
L’excédent est passé de 2,4 milliards de dollars au début des années 1990 à 46 millions en 2002.
Au niveau des exportations, le commerce de la CEMAC n’a pas connu de développement significatif des
exportations destinées à l’UE pendant la période des années 1990. Après un léger recul, elles ont retrouvé
leur niveau au début des années 2000, soit 3,2 milliards de dollars. S’agissant des importations provenant
de l’UE, celles-ci ont enregistré un net accroissement, passant de 1,3 milliards de dollars en 1994 à 3,1
milliards en 2002.
Graphique 1: commerce de la CEMAC en Afrique en millions de dollars (1970-2001)
Source : CEA, 2004
Graphique 2 : exportations CEMAC + Sao Tomé-Principe
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
Graphique 3 : importations CEMAC + Sao Tomé-et-Principe
Source : CEA, 2004
Comme le montre le graphique ci-dessous, la balance commerciale de la CEMAC plus Sao Tome et
Principe avec l’UE, est fortement excédentaire. Par contre, celle avec le reste de l’Afrique est déficitaire.
Graphique 4 : balance commerciale CEMAC + Sao Tomé-et-Principe (P.23)
Source : CEA, 2004
Quand on observe la structure des exportations de la CEMAC vers l’Union européenne, la plus
grande part des produits exportés sont les combustibles minéraux, en d’autres termes, les produits
pétroliers essentiellement bruts car la CEMAC compte aujourd’hui dans ses rangs 5 pays pétroliers qui sont
le Gabon, le Congo, le Cameroun, le Tchad et la Guinée Equatoriale. Les exportations des produits
pétroliers s’élèvent à 43,9%. En deuxième position viennent les exportations de produits agricoles, soit
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
79
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
23,49%. C’est dire l’importance que joue le secteur agricole dans le commerce des pays de la CEMAC avec
les pays de l’UE.
Tableau 1 : structure du commerce de la CEMAC (et Sao Tomé-et-Principe) avec l’UE
Désignation
Exportations
Importations
0 Produits. alimentaires et animaux vivants
23,49
17,38
1 Boisson et Tabac
0,04
1,82
2 Matières brutes non comestibles
21,98
1,82
3 Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes
43,90
2,28
4 Huiles, graisses d'origine animale ou végétale
0,00
1,45
5 Produits chimiques et produits connexes
0,00
19,85
6 Articles manufacturés
9,98
17,02
7 Machines et matériel de transport
0,52
31,59
8 Articles manufacturés divers
0,06
6,79
9 Articles et transactions non classés
0,02
0,00
Source : CEA, 2004
S’agissant des importations de la CEMAC, les machines et matériels de transport occupent la
première place soit 31,59%, les produits chimiques la seconde place (19,85%). Quant aux produits
agricoles, ils viennent en troisième position avec 17,38% des importations.
2.
L’IMPACT DES APE SUR LA CEMAC
Pour identifier les atouts et les freins des APE sur les économies de la CEMAC, il importe de procéder
à des simulations de libéralisation commerciale. Le logiciel WITT/SMART mis au point par la Banque
Mondiale, permet actuellement de réaliser ces simulations en équilibre partiel. Les impacts négatifs sont les
freins tandis que les impacts positifs sont les atouts. Les travaux de recherche menés récemment montrent
les différents types d’impacts sous la forme de gains et de pertes que procure l’application des APE aux
pays de la CEMAC (Karingi et al, 2004).
2.1. Les atouts des APE
Un des atouts que pourront susciter les APE est l’amélioration de l’accès des exportations de la
CEMAC sur le marché européen. Les exportations agricoles devraient connaître une nette augmentation car
ce sont particulièrement les produits de l’agriculture qui sont caractérisés par une forte protection au sein
de l’Union européenne. On sait que la PAC a toujours été considérée par la Commission européenne comme
un domaine non négociable et les importations agricoles étaient soumises à de nombreuses restrictions sur
le marché de l’Union européenne. Cette situation avait comme inconvénient de limiter fortement les
exportations de produits agricoles en provenance des pays ACP. L’accroissement des parts de marché des
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
80
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
pays de la CEMAC dépendra de leur capacité à lever les contraintes de l’offre et les normes exigées pour
l’exportation sur le marché européen.
Un autre atout des APE est qu’ils vont entraîner une baisse des prix des produits importés sur le
marché et donc susciter une amélioration du surplus du consommateur et un accroissement du bien-être.
Les importations de produits alimentaires en provenance de l’UE devront s’accroître et leurs prix sur le
marché connaître une baisse. Le tableau suivant montre les gains que pourrait obtenir le consommateur.
Tableau 3 : effets sur le bien-être (surplus des consommateurs) de l'APE
(en milliers de dollars)
Pays
Surplus des consommateurs
Cameroun
30 260,214
Congo
16 047,979
Gabon
16 116,391
Guinée équatoriale
6 231,219
République centrafricaine
1 050,21
Tchad
4 348,18
Source: Simulations CEA, WITS/SMART
2.2. Les freins des APE
Les conséquences négatives découlant des APE sont nombreuses. On peut évoquer l’éviction des
producteurs locaux, la baisse des échanges intra-communautaires au profit des échanges entre les pays de
la CEMAC et l’UE, le détournement de commerce et la chute des recettes budgétaires se rattachant aux
droits de douanes.
Dans ces conditions, les APE vont encore faire reculer le processus d’intégration régionale et
renforcer les importations des produits agricoles au détriment du secteur agricole national des pays de la
CEMAC.
Les simulations montrent que la mise en œuvre des APE à travers l’application du principe de
réciprocité va entraîner une importante perte de revenus tarifaires pour les pays de la CEMAC.
2.2.1
Détournement de commerce de la CEMAC
Les effets statiques comme nous l’avons vu précédemment concernent le détournement de
commerce. Les importations de biens en provenance de l’Union européenne devraient connaître un net
accroissement au détriment des importations du reste du monde et de la CEMAC. Cette création de
commerce dont bénéficiera l’UE concerne essentiellement trois pays : le Cameroun, le Congo et le Gabon.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
81
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
Deux pays particulièrement, le Gabon et la RCA vont connaître une chute de leurs exportations au
sein de la CEMAC au profit des exportations réalisées par les pays de l’Union européenne sur le marché
régional. Cela aura comme conséquence une réduction des échanges intra-régionaux qui se situent déjà à
un niveau dérisoire (2%).
Tableau 4 : création et détournement de commerce pour les pays de la CEMAC/CEEAC (milliers
de dollars)
Var, importations
Création de
Détournement de
Dont det, de
de l'UE
Commerce
commerce
Com, Cemac
Cameroun
281 994,173
255 425,935
26 568,238
0,00
Congo
144 185,091
123 707,24
20 477,85
0,00
Gabon
154 184,776
126 494,87
27 689,91
1 244,92
58 683,413
53 293,68
5 389,737
0,00
9 485,76
8 232,94
1 252,818
305,6
46 673,379
40 732,15
5 941,23
0,00
Pays
Guinée
équatoriale
Rép,
centrafricaine
Tchad
Sources: Simulations CEA, WITS/SMART
Graphique 5: création et détournement de commerce
Sources : Simulations CEA, WITS/SMART
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
82
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
2.2.2
Difficultés d’écoulement des produits agricoles bénéficiant de
subventions
Concernant le sucre et la banane, deux produits longtemps subventionnés par l’UE, ces productions
vont connaître d’importantes difficultés. En effet, ces deux produits qui bénéficiaient de subventions de la
part de l’UE à travers les préférences commerciales (quotas réservés, prix d’achat garanti au-dessus du
cours mondial) verront se rétrécir leurs parts de marché. Ils seront confrontés à des difficultés
d’écoulement avec la mise en œuvre des APE conformément aux règles de l’OMC. Il a été prouvé que ces
produits agricoles ne sont pas compétitifs face au sucre et à la banane produits en Amérique latine.
Au Congo, les recettes tirées des exportations de sucre par l’entreprise Saris-Congo pourraient, par
conséquent, être diminuées par la réforme du régime sucrier de l’UE, qui deviendra effectif à partir du
1er juillet 2006.23 Ce régime avait été reconnu contraire aux règles de l’OMC.24 A l'issue de la réforme, le
prix minimal du sucre sur le marché de l’UE, qui est trois fois supérieur à celui du marché mondial, pourrait
baisser de 36% sur quatre ans. Les exportateurs des pays ACP qui éprouveront des difficultés dans ce
nouveau contexte pourront toutefois bénéficier d’un soutien financier destiné à faciliter leur modernisation,
leur adaptation ou leur diversification, pour un montant total (affecté par l’UE) de 40 millions d’euros en
2006, et qui ouvrira la voie à d’autres aides.25
Selon l’entreprise Saris-Congo, les réformes des marchés américain et de l'UE auraient comme
conséquence une baisse d’environ un tiers de son chiffre d’affaires.
Un plan de restructuration de
l’entreprise a été élaboré. Il devra coûter 11,5 milliards de francs CFA (17,5 millions d’euros), et permettre
à l’entreprise de développer ses plantations, renforcer ses capacités de stockage et écouler une partie de sa
production sur le marché de la CEMAC.26 Outre cette subvention de l’État, l’entreprise Saris-Congo bénéficie
de l’agrément à la Charte des investissements.
Le sucre raffiné (provenant de canne) figure parmi les produits agricoles fortement protégés par le
Congo.
En plus d’un droit de douane de 30 %, le sucre raffiné est également soumis à une licence
d’importation, et à une homologation de son prix à des niveaux plafond. L’importation du sucre raffiné est
quasiment nulle depuis 1999, année de reprise de la production nationale de sucre de canne.
23
"Règlement (CE) N°. 318/2006 du Conseil du 20 février 2006 portant organisation commune des marchés dans le secteur du
sucre". Voir le communiqué de presse de la Commission européenne, "Réforme de la PAC: les ministres de l’agriculture
adoptent une réforme radicale du secteur sucrier", IP/06/94 du 20 février 2006.
24
Le Congo s’est joint aux consultations relatives aux deux différends portés devant l’Organe de règlement des différends de
l’OMC: "Communautés européennes — Subventions à l’exportation de sucre (Plaignant: Brésil)" (WT/DS266), et "Communautés
européennes — Subventions à l’exportation de sucre (Plaignant: Australie)" (WT/DS265). Voir également "Communautés
européennes — Subventions à l’exportation de sucre (Plaignant: Thailande)" (WT/DS283). L’Organe d’appel a rendu le
jugement définitif dans ces trois différends le 28 avril 2005; l’arbitrage au titre de l’article 21:3 c) a été rendu le 28 octobre
2005.
25
Communiqué de presse de la Commission européenne, "L’Union européenne réforme de fond en comble son secteur sucrier
afin d’offrir aux producteurs des perspectives d’avenir à long-terme", IP/05/1473 du 24 novembre 2005.
26
Agence France-Presse, "Congo: Un plan de restructuration de la Société sucrière du Congo a été approuvé par la direction de
Saris-Congo à hauteur de 11,5 milliards de francs CFA". Disponible sur: http//www.izf.net [28 mai 2006].
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
83
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
2.2.3
Tendances à la désindustrialisation de la CEMAC
Du fait de l’accroissement des importations en provenance de l’UE, une des conséquences
attendues est l’éviction des producteurs locaux et le renforcement de la désindustrialisation déjà constatée
au sein des pays de la CEMAC. Soulignons que 10% des exportations de la CEMAC vers l’UE sont
constituées de biens manufacturés.
Il est difficile de mesurer avec précision l’ampleur de ce phénomène à cause de sa complexité et
des effets induits importants générés par les IDE et la délocalisation de certaines industries qui pourrait se
faire au profit des pays de la CEMAC. Cette délocalisation dépendra beaucoup du cadre macro-économique,
de la stabilité politique et des infrastructures en mesure d’exercer un attrait régional auprès des
investisseurs étrangers et nationaux.
S’agissant de la production agricole et avicole, il est à craindre que l’application des APE viennent
encore aggraver le déclin de ce secteur. Cette tendance au déclin pourrait être évitée si les négociations
portant sur la suppression des subventions des pays de l’UE auprès de leurs exportateurs de produits
agricoles entraient effectivement en application et mettaient fin à la concurrence déloyale dont font face les
producteurs africains.
2.2.4
Pertes de revenus tarifaires
Un autre effet négatif des APE concerne des pertes de revenus tarifaires découlant de l’application
du principe de réciprocité et de la suppression de droits de douanes.
Deux pays sont l’objet de baisses les plus importantes : le Cameroun (69,6%) et la Guinée équatoriale
(60,3%). Dans une étude récente, il a été estimé que la seule baisse de 10 points du TEC conduirait à une
chute de 51% des recettes douanières du Congo (Koyangozo, 2005)
Tableau 5 : variation des importations et pertes de revenus de la CEMAC en %
Pays
Cameroun
Var. importations de l'UE
Pertes de revenus
28,58
-69,60
Congo
29,11
-55,20
Gabon
29,96
-51,90
Guinée équatoriale
29,36
-60,30
Rép. Centrafricaine
27,64
-55,60
Tchad
24,01
-58,60
Ces pertes ont été aussi calculées en valeur absolue. Elles s’élèvent pour le Cameroun par exemple
à 149 millions de dollars US, pour le Congo 75 millions, le Gabon 74 millions etc. comme le montre le
tableau suivant. Cela est considérable et aura des effets néfastes sur le plan budgétaire.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
84
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
Tableau 6 : implications en termes de revenus d'un APE sur la CEMAC
(milliers de dollars)
Pays
Cameroun
Déficit de revenu
-149 256,117
Congo
-75 104,052
Gabon
-74 302,297
Guinée équatoriale
-33 914,150
République centrafricaine
-5 844,950
Tchad
-26 677,028
Sources: Simulations CEA, WITS/SMART
Trois pays, le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Tchad, subissent les plus importantes pertes
relatives de revenus suite à l’application des APE.
Graphique 6 : variations des importations et pertes de revenus
Sources : Simulations CEA, WITS/SMART
Tous ces effets négatifs vont engendrer des coûts d’ajustement et un recul du processus
d’intégration régionale. Les échanges intra-régionaux déjà faibles, les difficultés budgétaires des pays en
proie à une dette extérieure lourde, le déclin de l’agriculture et de l’industrie suite à la mise en œuvre des
APE, sont des phénomènes qui vont accentuer la vulnérabilité des économies de la CEMAC à l’échelle
nationale et régionale. Dans ces conditions, on voit mal comment les engagements en matière d’intégration
régionale pourraient être tenus par des pays affaiblis.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
85
Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
2.3. Comment lever les freins ou quelques scénarios envisagés
Plusieurs scénarios ont été envisagés pour rendre plus flexibles les APE et améliorer les chances de
leur mise en œuvre sans que cela entraîne des dysfonctionnements préjudiciables aux pays ACP (Bilal et
Rampa, 2006). Seront évoquées ici deux alternatives : le scénario étalon et les APE allégés. Le premier
scénario est défendu par la Commission européenne et le second par l’Ile Maurice.
Pour la Commission européenne, l’APE devrait couvrir les échanges de marchandises, y compris les
produits agricoles et les services ainsi que les questions relatives à la concurrence, aux investissements, à
la facilitation des échanges. L’accord de libre-échange devrait se traduire par une libéralisation de 90% des
échanges entre les parties selon la conception qu’elle défend de « l’essentiel des échanges » contenu dans
l’article XXIV. L’UE applique une approche asymétrique en tenant compte du niveau de développement
inégal des acteurs. Les APE doivent contribuer à élargir et à mieux intégrer les marchés des pays ACP.
Cette approche risque d’imposer à des pays vulnérables un agenda d’intégration qui ne sera pas respecté
car ne répondant pas aux contraintes de ces pays.
L’autre scénario, celui d’un APE allégé, permettrait à tous les pays ACP de conserver et d’améliorer
leur accès au marché de l’UE après 2007, tout en cherchant à limiter les effets négatifs d’une libéralisation
intégrale. Selon le scénario allégé, les pays ACP devraient éliminer les tarifs que sur 50% à 60% seulement
de leurs importations sur une période de 20 ans.
Concernant l’intégration régionale, pour que les APE atteignent des résultats positifs, il faudrait procéder
par étapes : renforcer d’abord les marchés sous-régionaux des pays ACP, puis penser par la suite, une fois
le premier objectif atteint, à l’ouverture significative de leur marché face aux produits de l’UE.
CONCLUSION
Les APE sont apparus dans un contexte profondément marqué par le vent de la libéralisation
commerciale et de la mondialisation impulsée par l’OMC. Les simulations montrent que la mise en œuvre
des APE comporte des aspects positifs comme l’accès au marché de l’UE surtout en ce qui concerne les
produits agricoles, l’amélioration du surplus du consommateur. Mais, cela comporte aussi des aspects
négatifs : détournement de commerce intra-régional, difficultés d’écoulement des produits agricoles
auparavant subventionnés comme le sucre et la banane, tendance à la désindustrialisation et éviction des
producteurs locaux, pertes de revenus tarifaires. Il est envisagé des scénarios alternatifs d’APE qui
introduiraient plus de souplesse et de flexibilité compte tenu de la vulnérabilité des économies africaines.
Cependant, il importe de souligner que les APE devraient générer des coûts d’ajustement que les
simulations ne peuvent mettre en évidence, mais dont il faudra tenir compte.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC
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Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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ETUDE DE L'IMPACT DES APE ET DE L'INTEGRATION
REGIONALE SUR LES PAYS ACP
Etude réalisée par
Lionel Fontagné, David Laborde, Cristina Mitaritonna
Centre d'étude prospectives et d'informations internationales
1.
RESUME
Les pays ACP doivent trouver avec l’UE un accord se substituant au système préférentiel d’accès
actuel arrivant au terme de sa période dérogatoire fin 2007. L’option d’un accord préférentiel envisagée par
la Commission européenne impose d’introduire de la réciprocité dans les concessions. Les pays concernés
doivent donc ramener à zéro une série de tarifs mais ont la possibilité d’une flexibilité pour des lignes
tarifaires à définir. Ce projet pose la question des marges de manœuvre disponibles à l’occasion de cette
négociation, de l’impact sur les recettes publiques du choix retenu. On examine un contrefactuel qui est le
retour au droit commun de l’OMC et de l’accès au marché européen dans les cadres GSP, GSP+ et TSA. Le
travail est fondé sur une analyse fine du niveau de protection incluant tous les instruments (droits de
douane, contingents tarifaires, etc.) au niveau HS6. Un modèle d’équilibre partiel est développé accordant
une place centrale aux questions de substitutions des produits. L’impact des réformes tarifaires, examiné du
point de vue des recettes fiscales, découle de la variation attendue des importations une fois ces
phénomènes de substitution dûment pris en compte. Nous concluons que l’impact attendu de l’accord
diffère selon les sous-régions, qui toutes n’ont pas un intérêt égal à signer ; mais des marges de manœuvre
sont identifiées, permettant de préserver les budgets publics et les productions locales. A ce stade de
l’étude, la difficulté à collecter les données intra-Africaines ne permet pas de répondre avec précision à la
question des perspectives offertes par les marchés régionaux.
2.
INTRODUCTION
Les concessions tarifaires non réciproques accordées par l’UE aux pays ACP, émanation des
programmes successifs d’appui aux pays des régions concernées, ont vécu. La dérogation arrivera à terme
fin 2007 à l’OMC et il convient donc de trouver les termes d’un accord de libre-échange ou de revenir au
droit commun de l’OMC.
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Il s’agit fondamentalement d’ouvrir les marchés ACP à cette occasion. Ceci pose plusieurs
difficultés :
•
La base fiscale étant étroite, une perte de recette tarifaire se traduira mécaniquement par
des problèmes budgétaires si les effets d’entraînement de l’économie n’entraînent pas un
accroissement suffisant de l’assiette fiscale sur laquelle porte les autres prélèvements.
Notons que cet effet peut être temporairement amorti, à mesure que les tarifs sont
réduits, en raison d’effets dynamiques (augmentation des importations sur lesquelles
portent les droits réduits). Mais ces effets ne sont pas permanents : au terme de la
libéralisation, lorsque les droits sont nuls, les recettes tarifaires le sont également, tandis
que les importations n’ont pas augmenté sur les lignes soumises à des droits maintenus
élevés.
•
La capacité des producteurs domestiques à résister à la concurrence internationale est
limitée. C’est en particulier le cas pour un certain nombre de productions agricoles.
•
L’intégration régionale est embryonnaire et les multiples accords concernés ne sont
globalement pas appliqués, limitant par conséquent la possibilité du recours à un marché
régional.
•
L’ouverture se fait en accroissant le caractère distorsif de la structure tarifaire, puisque les
possibilités de différentiation des tarifs vont devoir être exploitées au maximum pour
minimiser les deux effets précédents. Il s’ensuit un risque d’allocation inefficace des
ressources.
•
Cette ouverture renforcée sur l’UE sera à l’origine de détournements de trafic, alors que
des offres plus compétitives existent au niveau mondial (Asie par exemple) pour de
nombreux biens.
•
Les intérêts offensifs des ACP sont inexistants, en raison de l’accès déjà préférentiel au
marché européen.
•
Les termes de l’accord éventuel, concernant le libre échange avec l’UE, restent imprécis (à
notre connaissance). En particulier, si l’extension du TSA à l’ensemble des ACP semble être
la voie praticable, cela pose le problème des règles d’origine associées, celles dont
bénéficiant les ACP étant actuellement plus favorables.
Ce rapport travaille sous l’hypothèse qu’un accord avec l’UE doit être trouvé. Il cherche les marges
de manœuvre exploitables pour en minimiser l’impact, en s’intéressant en particulier aux aspects
budgétaires. Nous accordons une place centrale à l’hypothèse selon laquelle les produits locaux ou
régionaux sont différents des produits européens et donc moins substituables. Afin de procéder à cet
examen, nous travaillons sur des données fines de protection, tirées de la dernière version de MAcMap. Les
équivalents ad valorem des niveaux de protection bilatéraux appliqués et des droits consolidés sont pris en
compte au niveau des positions à 6 chiffres de la nomenclature harmonisée des échanges (HS6). Ces
équivalents intègrent les droits spécifiques convertis sur la base des valeurs unitaires du groupe de
référence d’appartenance de l’exportateur, ainsi que les contingents tarifaires. Pour ces derniers nous
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
90
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
tenons compte du taux de remplissage du quota (et donc de son caractère contraignant) pour déterminer
le droit de douane correspondant. Comme nous le verrons cette disposition a une importance particulière
pour certains produits, comme le sucre.
3.
LES SCENARIOS DE LIBERALISATION TARIFAIRE
3.1.
La protection agricole en 2004
Le graphique 1 présente les protections bilatérales agrégées dans le domaine agricole entre l’UE et
les 6 zones de négociations ACP. Il est important de rappeler que ces différences de protection moyennes
sont la combinaison d’accords préférentiels distincts (au sein des zones et entre zones) et de la structure
d’exportations des pays concernés. En effet, la composition des exportations d’un pays conditionne
directement la protection moyenne rencontrée. Ainsi, un pays qui produit et exporte essentiellement du riz
et de la viande rencontrera en Europe une protection moyenne bien plus élevée qu’un autre pays,
bénéficiant exactement des mêmes conditions d’accès au marché, qui n’exporte que du cacao. Dans le cas
de la protection appliquée européenne, les différences proviennent aussi de l’allocation des contingents
tarifaires entre partenaires et de la différence de nature (PMA versus simple pays en développement) des
pays qui composent les différentes zones.
La protection rencontrée par l’UE sur les marchés ACP reste élevée : entre 17 % (zone SADC) à
36% en Afrique de l’Ouest. Cependant, l’UE n’est pas négativement discriminée par rapport aux autres
zones ACP puisque dans tous les cas (sauf l’Afrique de l’Ouest), d’autres zones ACP rencontrent des
barrières tarifaires moyennes plus élevées. Il y aurait donc des gains importants à favoriser l’intégration des
marchés africains dans leur ensemble. A part la CEMAC, aucune zone ACP n’a réalisé une intégration
complète de son marché intérieur27. L’Afrique Orientale avec une protection intérieure moyenne de 5% est
aussi en passe d’achever son intégration. L’intégration régionale peut donc encore être largement
accentuée.
Les contingents tarifaires sur le Sucre de l’Union Européenne sont pour la plupart saturés. La
protection marginale rencontrée est donc le droit de douanes hors quota. Cette protection très élevée
empêche toute exportation supplémentaire, c’est celle-ci qui est représentée ici. Néanmoins, ce type de
protection donne naissance à une rente captée par les pays exportateurs qui peuvent vendre leur sucre a
un prix élevé en Europe (égale au cours mondial corrigé à la hausse par le droit de douanes multilatéral
hors quota), tout en ne payant que le droit in-quota. La protection rencontrée par des pays exportateurs de
sucre (Caraïbes, Maurice, Mozambique) est dont très élevée, mais cette protection est associée à une rente
27
Il est important de ne pas sur estimer la portée effective de l’intégration régionale en Afrique Centrale. Si le cadre juridique
est présent, il demeure que le commerce est loin d’être libre de toute entrave. Ainsi entre Yaoundé (Cameroun) et Bangui
(Centrafrique), il y a encore 128 points de contrôle qui donnent parfois lieu à des taxations injustifiées.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
91
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
importante. En cas de libéralisation, la protection marginale va baisser, la rente de quotas disparaître pour
se transformer en marges préférentielles, qui seront la source d’une nouvelle rente.
En raison du point précédent, les zones Caraïbes et SADC rencontrent une protection moyenne très
élevée sur le marché de l’UE. Les autres régions africaines bénéficient d’un accès moyen extrêmement
favorable avec un droit moyen inférieur de moitié à la protection agricole européenne moyenne (20%,
MacMapHS6v2). L’Afrique de l’Ouest rencontre les droits les plus faibles (3%). Comparé à la protection
rencontrée par l’UE dans cette région (cf. supra), c’est au sein de cette relation bilatérale que l’on constate
la plus forte asymétrie initiale et donc que l’on attend les effets les plus déséquilibrés lors de la mise en
place des APE.
Si nous venons de souligner que certains pays africains rencontrent toujours des niveaux de
protection élevée en Europe, il faut garder en tête que cela vient du fait de la concentration de leurs
exportations (existantes ou potentielles) sur certains secteurs très sensibles pour l’UE, protégés par des pics
tarifaires. En regardant les protections moyennes au niveau du Système Harmonisé à 2 chiffres (SH2), nous
pouvons déjà identifier ces secteurs (cf. Graphique 2) :
Le sucre (pour tous les partenaires) ;
La viande (Groupe SADC) ;
Les produits laitiers (Afrique Centrale) ;
Les préparations alimentaires des produits de la pêche28 (Afrique de l’Est, Caraïbes, et SADC).
Si les barrières tarifaires semblent très décourageantes, il est évident que pour les trois dernières
catégories les normes phytosanitaires prohiberont tout commerce, comme il est advenu pour le poisson de
la région des Grands Lacs par exemple.
Note :
Notons que si la protection rencontrée par les économies insulaires de la zone caraïbe et
pacifique sont élevées pour de nombreux produits (céréales, minoterie etc), ces régions ne semblent pas en
mesure d’avoir un potentiel productif dans ces activités.
Actuellement sous investigation dans cette sous partie :
Le cas des zones SADC-Caraïbes pour la protection appliquée par l’EU
Le cas de la protection intra-Afrique de l’Ouest
28
Notons que dans la définition des produits agricoles et agroalimentaires retenues ici, les produits de la pêche non transformés
ou partiellement transformés sont largement exclus, conformément aux indications de l’OMC.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 1 : protection Agricole moyenne par importateur en abscisse et par partenaire, en
2004
Afrique Occidentale
Afrique Centrale
Afrique Orientale
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
UE
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Afrique
Occidentale
Afrique Centrale
Afrique Orientale
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
UE
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
Graphique 2 : principales barrières rencontrées en Europe en 2004
Afrique Occidentale
Afrique Centrale
Afrique Orientale
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
Minoterie, malt
Laits, œufs, miel
Préparations de viandes, poissons
Viandes et abats comestibles
Sucres et sucreries
Céréales
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
140%
160%
180%
200%
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
3.2.
La fin des accords de Cotonou-Lomé et le retour au régime de l’OMC
Dans tout exercice de simulation, il est très important de définir clairement les alternatives
possibles, et de bien prendre en compte les éléments critiques de l’évolution prévisible de l’environnement.
Concernant les alternatives, une différence importante entre pays ACP doit être soulignée. Si les
APE n’aboutissent pas, l’ultime dérogation dont bénéficie l’UE pour l’application de ses préférences
asymétriques spécifiques prendra fin. Conformément aux règles de l’OMC, les pays ACP ne pourront
bénéficier alors, que des préférences de droit commun : le GSP ou le GSP+. Pour les pays les moins
avancés, le changement sera faible29. En revanche, les autres pays en développement, ils reviendront à un
pied d’égalité avec les pays similaires d’Asie et d’Amérique du Sud.
Concernant l’évolution prévisible de l’environnement, il est difficile de préjuger de l’issue du DDA.
De ce point de vue, il est probablement conservatoire de tabler sue une absence d’accord, et c’est ce que
nous faisons ici. Il n’y a donc pas d’autre érosion des marges de préférence que celle liée aux changements
intervenant ici. Par contre, la question du sucre et des bananes est plus critique. Les calendriers intégrés
dans TSA interfèrent complètement avec notre exercice : la libéralisation du sucre sera totale en juillet
2009, soit en principe dix huit mois après la mise en œuvre d’un éventuel accord APE, tandis que pour les
bananes le tarif zéro était programmé pour le 1er janvier 2006. Dans ces conditions, l’accord de libre
échange n’apportera rien de plus, pour ces produits, aux PMA ACP, tandis que les autres ACP ne seront pas
protégés de l’érosion de leurs préférences par la signature d’un accord APE.
Compte tenu du faible niveau de protection rencontré au départ, l’Afrique de l’Ouest devrait être a
priori particulièrement concernée par la non-signature d’un accord, suivie du retour dans le droit commun
en matière d’accès au marché européen. Nous nous intéressons à ce cas d’école dans le graphique 3, qui
dépeint les conséquences de la suppression des accords de Cotonou pour cette région, en dépit de la
possibilité de passage en GSP ou GSP+ (nous faisons l’hypothèse que les pays actuellement GSP restent
GSP et non GSP+). La protection rencontrée va doubler en moyenne si l’accord n’est pas signé. Des pertes
d’accès particulièrement importantes sont attendues, de façon instantanée, pour les fruits, pour les produits
de la minoterie et pour les amidons. Par contre, aucun gain n’est enregistré, en 2008, pour le sucre. Ce
dernier produit étant exclu d’EBA jusqu’à juillet 2009, des gains d’accès s’ajouteront très rapidement à ce
qui est présenté ici (ces gains d’accès sont pris en compte dans notre estimation de l’évolution des recettes
tarifaires infra.).
Analysons maintenant de façon détaillée les conséquences des différents scénarios en matière
d’accès au marché, pour les différentes zones de la région.
29
Surtout au niveau tarifaire, seules les règles d’origine deviendront plus contraignantes
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 3 : protection à l’entrée du marché UE pour l'Afrique de l'Ouest: Cotonou versus
GSP, effet instantané
Droits 2004
Droits sans Cotonou
60%
50%
40%
30%
20%
10%
Gommes, résines & extraits végétaux
Minoterie, malt
Laits, œufs, miel
Autres fibres textiles végétales
Laine, poils fins ou grossiers, crin
Matières albuminoïdes, colle; enzyme
Tabacs
Huile essentielle & résinoïde, parfumerie
Déchets indus alimentaires
Préparations de légumes/fruits
Préparations de viandes, poissons
Préparations base de céréales; pâtisseries
Graisses & huiles, cires animales
Oléagineux, graines
Matières à tresser, pdts végétaux nda
Légumes & autres alimentaires
Fruits comestibles, écorces d'agrumes
Autres pdts d'origine animale, nda
Plantes vivantes et pdts floriculture
Transactions spéciales commerciales
Sucres et sucreries
Viandes et abats comestibles
Produits chimiques organiques
Produits divers des industries chimiques
Préparations alimentaires diverses
Pelleteries et fourrures; pelleteries factices
Coton
Peaux (autres que les pelleteries) et cuirs
Céréales
Café, thé, maté et épices
Cacao et ses préparations
Animaux vivants
Boissons, liquides alcooliques et vinaigres
0%
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
3.3.
Les conséquences tarifaires des APE
Le résultat de ces simulations tarifaires est présenté par les graphiques 4 à 9 au niveau SH2, après
agrégation des positions HS6. La libéralisation réciproque devrait conduire à l’annulation de tous les droits
de douanes. Or, la présence de produits sensibles permet aux pays ACP de maintenir des protections dans
certains secteurs. Dans les graphiques ci-dessous, les droits de douanes résiduels (barres rouges) sont la
conséquence de produits sensibles.
Rappelons que dans nos scénarios l’Union Européenne procède à une suppression de toutes les
droits de douanes et quotas sur les produits originaires des ACP. L’effet est simple et nous concentrerons
notre analyse sur les pays ACP. Nous autorisons, dans les cas de l’APE simulé ici, les pays ACP à
sélectionner une liste de produits couvrant 20% de leurs importations en provenance de l’UE. Le critère de
choix est un critère d’économie politique prenant en compte les pertes pour le budget de l’état, les gains
potentiels pour les consommateurs et l’impact sur les producteurs conformément à la méthodologie
développée par Jean, Laborde et Martin (2006).. Ce faisant, nous optimisons l’utilisation des marges de
manœuvre dont ces pays disposent.
Comme le montre le Graphique 4, l’Afrique de l’Ouest et la zone Pacifique sont dans une position
plus avantageuse que l’Afrique centrale ou les Caraïbes. En effet, la structure de leur protection est plus
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
95
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
concentrée : en écartant 20% du commerce bilatéral avec l’UE de la libéralisation, ils peuvent conserver
une protection plus importante et donc un niveau de recettes tarifaires plus élevés : pour le premier groupe
de pays, 20% du commerce représente 40% des recettes tarifaires, pour le second, la protection est plus
homogène, les recettes tarifaires évoluent donc avec le commerce (20% des recettes tarifaires
correspondent à 20% du commerce).
Graphique 4 : fonction de distribution des recettes tarifaires initiales
Part des recettes tarifaires prélevées sur l'UE
100%
90%
80%
70%
Afrique de l'Ouest
Afrique Centrale
Afrique Orientale
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Part du commerce avec l'UE
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
La zone pacifique neutralise l’essentiel de la libéralisation : son taux de protection moyen passe de
32,5% à 30% ; les caraïbes baissent de moitié leur protection moyenne ; le groupe SADC un peu plus de la
moitié, tout comme l’Afrique occidentale ; l’Afrique centrale et orientale font le plus de concessions en
moyenne parce qu’ils coupent leurs droits de douanes des deux tiers. Les impacts sectoriels restent
distincts et reflètent les spécialisations et avantages comparatifs initiaux des différents pays. Seuls les
produits du tabac et les alcools restent protégés dans toues les ACP pour des raisons de recettes fiscales et
de sensibilité politique de ces secteurs.
A l’inverse, le sucre reste sensible et protégé en Afrique centrale et orientale, mais sera presque
totalement libéralisé dans les autres ACP (qui produisent et exportent ce bien).Les légumes, dont le manioc,
et les fruits restent aussi protégés en Afrique centrale et dans les caraïbes et un peu en Afrique de l’Ouest
(avec un maintien des protections beaucoup plus prononcés sur les fruits) et de l’Est. Les céréales ne
restent protégées qu’en Afrique de l’Ouest, alors que les viandes le sont en Afrique de l’Est et dans les
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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ANIMAUX VIVANTS
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
Tout
TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
FABRIQUÉS
SUCRES ET SUCRERIES
PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN
PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES
CHIMIQUES
RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES
ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS
PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES
PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES
PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS
OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU
Droits 2004
PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES
FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES
D'AGRUMES OU DE MELONS
GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET
EXTRAITS VÉGÉTAUX
GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX;
GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS;
GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR
HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE
LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET
TISSUS DE CRIN
LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS
D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS
LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET
TUBERCULES ALIMENTAIRES
MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON
MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À
BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES
PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES)
ET CUIRS
PELLETERIES ET FOURRURES;
PELLETERIES FACTICES
PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA
FLORICULTURE
PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE
FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE
COTON
CÉRÉALES
CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES
CACAO ET SES PRÉPARATIONS
AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES;
FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE
AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS
BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET
VINAIGRES
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Caraïbes. A l’inverse les produits laitiers, sont totalement libéralisés en Afrique de l’Est mais pas les
caraïbes, le groupe SADC et l’Afrique de l’Ouest. Les graisses et huiles (potentiels concurrents de l’huile de
palme) ne sont fortement libéralisées qu’en Afrique de l’Est et dans le groupe SADC.
Actuellement en cours d’investigation :
Discrimination viande rouge / blanche. Corrélation avec les produits laitiers (filière bovine).
Graphique 5 : protection appliquée par l'Afrique Centrale à l'Union Européenne
40%
Droits EPA
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
ANIMAUX VIVANTS
PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
FABRIQUÉS
SUCRES ET SUCRERIES
SOIE
PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN
PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES
CHIMIQUES
RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES
ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS
PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES
PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES
PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS
OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU
PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES
FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES
D'AGRUMES OU DE MELONS
GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET
EXTRAITS VÉGÉTAUX
GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX;
GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS;
GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR
HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE
LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET
TISSUS DE CRIN
LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS
D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS
LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET
TUBERCULES ALIMENTAIRES
MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON
MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À
BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES
PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES)
ET CUIRS
PELLETERIES ET FOURRURES;
PELLETERIES FACTICES
PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA
FLORICULTURE
PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE
FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE
COTON
CÉRÉALES
CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES
CACAO ET SES PRÉPARATIONS
Tout
Droits EPA
VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
Graphique 7 : protection appliquée par l'Afrique de l'Est à l'Union Européenne
VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
Tout
TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
FABRIQUÉS
SUCRES ET SUCRERIES
SOIE
PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN
PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES
CHIMIQUES
RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES
ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS
Droits 2004
PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES
PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS
OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU
ANIMAUX VIVANTS
AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES;
FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE
AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS
BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET
VINAIGRES
Droits 2004
PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES
FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES
D'AGRUMES OU DE MELONS
GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET
EXTRAITS VÉGÉTAUX
GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX;
GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS;
GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR
HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE
LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET
TISSUS DE CRIN
LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS
D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS
LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET
TUBERCULES ALIMENTAIRES
MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON
MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À
BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES
PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES)
ET CUIRS
PELLETERIES ET FOURRURES;
PELLETERIES FACTICES
PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA
FLORICULTURE
PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE
FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE
COTON
CÉRÉALES
CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES
CACAO ET SES PRÉPARATIONS
AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES;
FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE
AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS
BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET
VINAIGRES
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 6: protection appliquée par l'Afrique de l'Ouest à l'Union Européenne
Droits EPA
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
98
ANIMAUX VIVANTS
PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
FABRIQUÉS
SUCRES ET SUCRERIES
SOIE
PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN
PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES
CHIMIQUES
RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES
ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS
PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES
PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES
PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS
OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU
PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES
FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES
D'AGRUMES OU DE MELONS
GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET
EXTRAITS VÉGÉTAUX
GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX;
GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS;
GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR
HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE
LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET
TISSUS DE CRIN
LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS
D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS
LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET
TUBERCULES ALIMENTAIRES
MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON
MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À
BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES
PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES)
ET CUIRS
PELLETERIES ET FOURRURES;
PELLETERIES FACTICES
PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA
FLORICULTURE
PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE
FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE
COTON
CÉRÉALES
CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES
CACAO ET SES PRÉPARATIONS
VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
40%
VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
Droits EPA
Tout
Graphique 9 : protection appliquée par les Caraïbes à l'Union Européenne
Tout
TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
FABRIQUÉS
SUCRES ET SUCRERIES
SOIE
PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN
PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES
CHIMIQUES
RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES
ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS
Droits 2004
PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES
PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS
OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU
ANIMAUX VIVANTS
AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES;
FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE
AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS
BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET
VINAIGRES
Droits 2004
PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES
FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES
D'AGRUMES OU DE MELONS
GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET
EXTRAITS VÉGÉTAUX
GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX;
GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS;
GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR
HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE
LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET
TISSUS DE CRIN
LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS
D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS
LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET
TUBERCULES ALIMENTAIRES
MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON
MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À
BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES
PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES)
ET CUIRS
PELLETERIES ET FOURRURES;
PELLETERIES FACTICES
PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA
FLORICULTURE
PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE
FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE
COTON
CÉRÉALES
CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES
CACAO ET SES PRÉPARATIONS
AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES;
FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE
AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS
BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET
VINAIGRES
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 8 : protection appliquée par la zone sud - Groupe SADC à l'Union Européenne
Droits EPA
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
99
4.
1.
2.
3.
30
ANIMAUX VIVANTS
4.1.
4.2.
Avec toute fois la mise en place des dernières clauses de l’initiative TSA concernant les produits à protocole.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
100
VIANDES ET ABATS COMESTIBLES
Tout
TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC
FABRIQUÉS
SUCRES ET SUCRERIES
SOIE
PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT;
AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN
PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES
CHIMIQUES
RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES
ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS
PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES
PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES
PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS
OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU
Droits 2004
PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES
FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES
D'AGRUMES OU DE MELONS
GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET
EXTRAITS VÉGÉTAUX
GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX;
GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS;
GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU
VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR
HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE
LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET
TISSUS DE CRIN
LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS
D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS
LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET
TUBERCULES ALIMENTAIRES
MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON
MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À
BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES
PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES)
ET CUIRS
PELLETERIES ET FOURRURES;
PELLETERIES FACTICES
PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA
FLORICULTURE
PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE
FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE
COTON
CÉRÉALES
CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES
CACAO ET SES PRÉPARATIONS
AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES;
FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE
AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS
BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET
VINAIGRES
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 10 : protection de la zone Pacifique appliquée à l'Union Européenne
Droits EPA
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence
(voir Bouet et al., 2004)
SIMULATIONS DES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE
Présentation du modèle
(Description du modèle, de la base commerciale, des choix d’élasticités, discussion sur la capacité d’offre
africaine)
Les scénarios simulés
Par rapport à la situation de statu-quo30, nous examinons trois scénarios distincts :
Scenario I : la disparition de la préférence asymétrique de l’Union Européenne octroyée aux ACP
(cf. 0).
Scenario II : la signature des APE sur la base d’une libération totale de l’UE et à hauteur de 80%
du commerce pour les pays ACP. (cf. 0)
Scenario III : partie intégrante de la dynamique commerciale des APE, l’intégration régionale
apparaît comme une source de création de flux commerciaux importante (cf. les barrières élevées
initiales entre pays ACP, cf. 0), et comme la meilleure solution pour limiter les effets de diversion
de commerce qui résulteraient d’une ouverture des pays ACP uniquement à l’encontre de l’UE.
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Nous faisons donc l’hypothèse que chaque zone de négociations ACP parvient à former une zone
de libre échange.
4.3.
Résultats
(Dans la version finale, les effets de la perte des préférences actuels pourront être dissociés des deux
scénarios « positifs » i.e. les APE et les APE+ intégrations régionales. Les effets des scénarios positifs
seront alors exprimés en % par rapport à la situation « perte de Cotonou »).
Commençons par observer l’impact de la perte des préférences de Cotonou (Scenario I). Le
graphique 11 présente les évolutions des exportations des pays ACP vers l’UE. En moyenne, les
exportations agricoles baisseraient de 5% avec un écart notable entre les produits animaux (-15%) et les
productions végétales (-3.5%) illustrant la moins grande générosité du GSP sur la première catégorie de
produits. Notons que près des 90% des exportations étant composées de produits végétaux, c’est l’effet sur
la production végétale qui domine. Si les résultats par zone reflètent les spécialisations sectorielles, ils
dépendent aussi du nombre de PMA pouvant se replier sur des droits TSA plus avantageux. Ainsi, le groupe
SADC et l’Afrique Orientale se retrouvent les plus pénalisés par la caducité des accords de Cotonou-Lomé.
Graphique 11 : effets de la perte de Cotonou sur les exportations ACP vers l'UE
(volume, %)
Tous les produits
ACP
Afrique de
l'Ouest
Afrique
Centrale
Pdction animale
Afrique de l'Est
Pdction végétale
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
0
-5
-10
-15
-20
-25
-30
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
101
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Abordons maintenant les effets des accords APE. Les exportations de l’UE (graphique 12)
progressent fortement (45%) et de manière assez homogène entre zones. Seul le groupe SADC se
distingue par un taux d’augmentation plus faible (30%). Ce résultat est cohérent avec les niveaux de
protection initiale : cette région étant la moins protectionniste vis-à-vis de l’Europe. La formation d’accords
régionaux au niveau des pays africains ne limitera la progression des exportations européennes que dans le
cas de la zone Pacifique (effet réduit d’un dixième). De plus, les plus forts taux de progression sont
rencontrés dans les productions animales (graphique 13) à l’exception de la région SADC qui possède des
avantages comparatifs plus marqués dans la filière viande et qui préserve la moitié de ses protections dans
le secteur laitier.
Graphique 12 : évolution des exportations européennes vers les pays ACP (volume, en %)
S2:APE
S3:APE+IR
70
60
50
40
30
20
10
0
ACP
Afrique de
l'Ouest
Afrique Centrale Afrique de l'Est
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
102
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 13 : évolution des exportations de l’UE (%, volume) par type de production
(animale vs végétale). Scenario II : APE.
ani
veg
80
70
60
50
40
30
20
10
0
ACP
Afrique de
l'Ouest
Afrique Centrale Afrique de l'Est
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
En ce qui concerne les pays ACP, nous présentons tout d’abord les résultats les plus optimistes sur
leurs exportations puisque nous considérons le cas où l’offre de ces pays est infiniment élastique31 :
quelque soit la hausse de la demande européenne, mais aussi des pays ACP, les producteurs de ces pays
peuvent y faire face sans avoir à augmenter leur prix. Cette hypothèse pour être réaliste demandera la
mise en place d’importantes capacités de production.
Le graphique 14 montre l’importance d’accompagner les APE d’un fort mouvement d’intégration
régionale. En effet, d’importantes créations de commerce auront lieu qui effaceront sans difficulté les très
faibles effets de diversion de trafic entraînés par la libéralisation avec l’Europe. La faiblesse des niveaux de
commerce initiaux au sein des zones ACP et la différence entre produits locaux et importés de l’UE
l’inexistence d’effets de diversion expliquent pour l’essentiel cette absence d’effet de diversion. A l’inverse,
l’effet richesse sur les consommateurs, occasionné par la baisse des biens importés d’Europe, permet même
d’avoir un effet une hausse de la consommation en produits ACP de l’Afrique de l’Ouest, y compris en
l’absence d’accords régionaux. A l’inverse, la région d’Afrique Centrale, qui est déjà intégrée, ne gagne rien
en interne à la formation d’une zone de libre échange mais va souffrir sur les marchés ACP tiers qui
s’intègrent de détournements de flux commerciaux.
31
Inversement, considérer que l’UE peut répondre à une hausse de la demande des pays ACP tout en maintenant ses prix
constants est tout à fait réaliste.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
103
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 14 : exportations des pays ACP vers l'ensemble de la zone ACP (flux intra zone
inclus)
S2:APE
S3:APE+IR
50
40
30
20
10
0
-10
ACP
Afrique de
l'Ouest
Afrique
Centrale
Afrique de l'Est
Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
L’évolution du solde commercial agricole de l’UE avec ses partenaires ACP est présentée dans le
graphique 15. Le résultat présenté ici peut sembler surprenant : dans l’ensemble les pays ACP renforcent
leur excédent commercial agricole sur l’UE de 3,2 Milliards d’euros à plus de 6,4. Pour autant ce résultat
masque une double réalité :
•
d’une part, l’Afrique de l’Ouest voit son excédent diminué et l’Afrique centrale renforce sa position
d’importatrice nette.
•
d’autre part, l’Afrique de l’Est et le Groupe SADC connaissent une très forte amélioration de leur
situation du pour l’essentiel à la progression de pays en développement sur les produits
anciennement couverts par les protocoles (sucre, riz, banane) et par une baisse des protections
rencontrés sur les filières animales32.
32
Rappelons que les normes sanitaires ne sont pas prises en compte ici et peuvent grandement compromettre, voire prohiber,
le potentiel exportateur de ses pays vers l’UE sur les produits du règne animal.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
104
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 15 : solde agricole de l'UE avec les partenaires ACP (Millions d'euros 2004)
Initial
ACP
Afrique de
l'Ouest
SI: Perte de Cotonou
S2: APE
S3: APE + IR
Afrique centrale Afrique de l'Est Groupe SADC
Caraïbes
Pacifique
1000
0
-1000
-2000
-3000
-4000
-5000
-6000
-7000
-8000
Le graphique 16 et le graphique 17 présentent l’impact fiscal de la libéralisation des APE, y compris
dans le cas d’une intégration régionale avancée qui viendrait amputer un peu plus les recettes douanières.
Les APE se traduiraient par une baisse de 60% des droits de douanes collectées sur les exportations
agricoles européennes, soit 22% sur le total des recettes douanières agricoles. La mise en place de zones
de libre échange régionales porterait à 28% la perte de recettes fiscales. Rappelons que les APE se
traduiraient par une hausse de 45 % des exportations agricoles européennes et que l’intégration régionale
étudiée ici provoquerait une hausse de 28% du commerce ACP. L’Afrique centrale est la région la plus
affectée du point de vue fiscale par la libéralisation avec l’UE.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
105
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
Graphique 16 : pertes des recettes tarifaires agricoles prélevées sur des produits de l'UE
(variation en % des recettes initiales)
ACP
Afrique de
l'Ouest
Afrique
Centrale
Afrique de
l'Est
Groupe
SADC
Caraïbes
Pacifique
0
-10
-20
-30
-40
APE
-50
-60
-70
-80
Graphique 17 : pertes des recettes tarifaires agricoles totales
(variation en % des recettes initiales)
ACP
Afrique de
l'Ouest
Afrique
Centrale
Afrique de
l'Est
Groupe
SADC
Caraïbes
Pacifique
0
-5
-10
-15
-20
APE
APE+IR
-25
-30
-35
-40
-45
-50
Actuellement sous investigation dans cette sous partie :
Les conséquences d’un hypothèse alternative sur l’offre
Analyse du solde avec une vision sectorielle et calorique
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
106
Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP
BIBLIOGRAPHIE
Bouët A., Y. Decreux, L. Fontagné et S. Jean, 2004, “Computing an exhaustive and consistent, ad-valorem
equivalent measure of applied protection: a detailed description of MAcMap-HS6 methododology”. Working
paper GTAP and CEPII n°2004-22.
Jean S., D. Laborde et W. Martin, 2005, “Sensitive Products: Selection and Implications for Agricultural
Trade Negotiations”. TradeAg Working Paper 2005-02.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
107
LES NORMES EN TANT QUE BARRIERES NON
TARIFAIRES
♦
Intervention lors du colloque
" Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en
développement ?"
organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006
Anne-Célia Disdier (INRA)
Lionel Fontagné (Université Paris 1 & CEPII)
Mondher Mimouni (International Trade Center – UNCTAD/WTO)
Les pays membres de l’OMC peuvent dans le cadre des accords sur les mesures sanitaires et
phytosanitaires (SPS) et sur les obstacles techniques au commerce (OTC) adopter des mesures afin de
protéger la vie humaine, animale, végétale, la faune et la flore, l’environnement, et la sécurité humaine.
Sont précisées en outre dans ces accords les conditions d’adoption de ces mesures, l’objectif étant d’éviter
que ces dernières ne soient appliquées par les pays à des fins protectionnistes, notamment dans le
contexte actuel de réductions des barrières tarifaires. Toutefois, la ligne de partage entre ces normes et les
barrières aux échanges reste ténue, en particulier pour les produits agricoles, et plusieurs pays en
développement se sont récemment élevés contre la multiplication des obstacles au commerce. En juillet
2004 lors de leur réunion à l’Ile Maurice, les Ministres du Commerce des pays ACP ont souligné que les
barrières non tarifaires - notamment les mesures SPS et OTC - restreignaient l’accès de leurs produits
agricoles sur les différents marchés.
Les textes des accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les obstacles techniques
au commerce sont disponibles sur le site Internet de l’OMC33. Nous reprenons ici brièvement quelques-uns
des principaux points de ces accords. L’accord SPS traite de l’innocuité des produits alimentaires, de la
santé et de la sécurité des animaux et des végétaux et incitent les pays à privilégier – lorsqu’elles existent –
les normes internationales (FAO, OMS). Toutefois, les pays peuvent également établir leurs propres
normes, à condition qu’elles soient fondées scientifiquement, ou imposer des standards plus élevés que les
standards internationaux, à nouveau sur la base d’une justification scientifique ou d’une évaluation
appropriée des risques. Pour favoriser la diffusion de l’information sur les normes mises en place, ces
dernières doivent être notifiées à l’avance et un point national d’information doit être établi. L’accord sur les
obstacles techniques au commerce vise pour sa part à ce que les normes et les procédures d’essai et
d’homologation des produits ne soient pas source d’obstacles au commerce. Afin d’éviter une multiplication
♦
Texte rédigé par Anne-Célia Disdier. Ce travail est issu d’une recherche plus large portant sur l’ensemble des pays du monde.
Les résultats présentés ici concernent uniquement les exportations des pays ACP.
33
http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm#sanitary
Les normes en tant que barrières non tarifaires
des mesures, les pays sont là encore incités à privilégier les normes internationales, tout en restant
néanmoins libres de fixer un niveau de protection éventuellement plus élevé. L’accord insiste également sur
le fait que l’évaluation de la conformité des produits aux standards imposés doit être juste et équitable.
Enfin, comme pour l’accord SPS, les mesures OTC doivent notifiées à l’avance et un point d’information doit
être établi dans chaque pays.
Sur le plan méthodologique, notre étude couvre l’ensemble des pays membres de l’OMC. Ces
derniers ont en effet obligation de notifier leurs mesures SPS et OTC à l’Organisation. Quelques pays non
membres (comme la Russie) fournissent également la liste de leurs notifications et sont inclus dans notre
échantillon. S’agissant des produits, nous couvrons tous les produits agricoles tels qu’ils sont définis dans
l’Accord sur l’Agriculture de l’OMC au niveau 6 digits de la classification harmonisée.
Nos données sur les normes SPS et OTC proviennent de la base des Nations Unies sur les barrières au
commerce. Pour chaque barrière, la base indique le pays importateur qui notifie, le produit affecté et le
type de barrière imposée. Nous considérons les mesures notifiées jusqu’en 2004. Il convient de souligner
que les mesures SPS et OTC n’ont pas de dimension bilatérale : elles sont appliquées unilatéralement par
les pays importateurs et appliquées à l’ensemble des pays exportateurs. S’agissant des données de
commerce, qui elles ont une dimension bilatérale34, nous utilisons la base BACI développée par le CEPII. Au
final notre échantillon comprend 75 pays ACP exportateurs, 153 importateurs et 672 produits agricoles.
Parmi les 153 pays importateurs, seuls 91 notifient des normes SPS et OTC sur les produits agricoles.
Notre recherche vise à apporter des réponses aux questions suivantes : (i) Quels sont les pays
importateurs qui ont le plus recours aux mesures SPS et aux OTC ? (ii) Quels sont les secteurs et les pays
exportateurs les plus affectés ? (iii) Ces mesures sont-elles utilisées dans le cadre défini par les accords SPS
et OTC ou utilisées à des fins protectionnistes ? Pour répondre à ces questions, il est possible d’utiliser la
méthode de l’inventaire. Cette méthode consiste à examiner la part du commerce mondial affecté par les
normes SPS et les OTC. Si cette part est significative, alors ceci suggère l’existence d’un large consensus
sur l’impact négatif du produit pour l’environnement ou la santé. En revanche, si un seul ou peu de pays
notifient une mesure SPS ou OTC sur un produit, nous pouvons penser que nous sommes en présence de
protectionnisme. La frontière entre ces deux situations sera naturellement partiellement subjective.
Avant d’étudier plus en détail les points susmentionnés, intéressons-nous tout d’abord aux motifs
invoqués par les pays pour justifier l’application de mesures SPS et OTC. Comme noté en introduction, six
raisons peuvent être avancées : protection de la santé humaine, animale, végétale, de la faune et de la
flore, de l’environnement, et de la sécurité humaine. Au sein de notre échantillon, la protection de la santé
humaine est l’argument le plus souvent invoqué (cf. figure 1).
34
A titre d’exemple, BACI fournit les importations de la France en provenance du Kenya ou celles de l’Italie en provenance de
l’Argentine.
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Les normes en tant que barrières non tarifaires
Ce motif est également associé au plus fort taux de couverture. Ce taux est calculé comme le
rapport entre les exportations des pays ACP soumises à des normes SPS et OTC et leurs exportations
totales. L’étude de la concentration des mesures SPS et OTC offre également des indications sur
l’importance et l’impact de ces normes sur les exportations des pays ACP. Les résultats obtenus montrent
que 153 produits agricoles exportés par les pays ACP ont un taux de couverture supérieur à 50%.
Autrement dit, la moitié au moins des exportations de ces produits est soumise à des normes SPS et OTC.
Nous remarquons aussi que seulement 34 produits exportés par les pays ACP ne sont sujets à aucune
norme. Précisons que ceci ne signifie pas pour autant l’absence totale de normes sur ces produits au niveau
mondial. Certains pays importateurs peuvent notifier des mesures sur ces produits et les importer de pays
autres que les pays ACP. Dans la mesure où notre échantillon est restreint aux exportations des seuls pays
ACP, ces produits apparaissent dans ce cas au sein de notre étude comme n’étant soumis à aucune norme
SPS ou OTC.
Figure 1: objectifs de protection des mesures SPS-OTC
Il est également possible d’examiner les produits les plus affectés par les mesures SPS et OTC.
Pour ce faire, différents critères peuvent être retenus : (i) le nombre de pays qui notifient, (ii) la part du
commerce affecté (ou taux de couverture), et (iii) la valeur des importations notifiées Les résultats obtenus
dépendent fortement du critère de classement choisi (cf. figure 2). Il apparaît en effet que les produits les
plus affectés en termes de nombre de pays qui notifient ne sont pas ceux pour lesquels la part du
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Les normes en tant que barrières non tarifaires
commerce affecté est la plus élevée, ni ceux pour lesquels la valeur des importations notifiées est la plus
forte (sauf dans le cas des fleurs et boutons de fleurs frais).
Un autre aspect intéressant à étudier concerne l’emploi des mesures SPS & OTC par les pays
importateurs. Nous nous concentrons ici sur les mesures notifiées par les pays de l’OCDE (cf. figure 3).
Les pays sont classés par ordre décroissant suivant la part de leurs importations en provenance des pays
ACP soumises à des normes SPS ou OTC. Nous reportons également le nombre de biens affectés. Les
résultats montrent de fortes variations entre les pays. Quatre d’entre eux (le Mexique, l’Australie, la
Norvège et la Nouvelle-Zélande) ont un taux de couverture supérieur à 85%. A titre de comparaison,
seulement 6,6% des importations de l’UE25 en provenance des pays ACP sont sujettes à des normes SPS
ou OTC. La Corée du Sud et la Turquie ne notifient pour leur part aucune mesure SPS ou OTC sur les
produits agricoles.
Enfin, la méthode de l’inventaire permet également de lister les pays exportateurs les plus affectés
(cf figure 4). Nous retenons deux des critères de classement précédemment utilisés : (i) la part du
commerce affecté et (ii) le nombre de biens concernés, et reportons les dix pays exportateurs les plus
touchés dans chaque cas.
Figure 2 : liste des produits des pays ACP les plus affectés
•
•
•
Selon le nombre de pays qui notifient
Animaux vivants, exceptés les animaux de la ferme (61)
Fleurs et boutons de fleurs frais (53)
Boutures non racinées et greffons (46)
Autres plantes vivantes (41)
Autres préparations alimentaires (41)
Selon la part du commerce affecté
Sarrasin (99,5)
Soie grège (non moulinée) (99,2)
Feuillages, feuilles et rameaux frais (98,9)
Pelleteries brutes d’agneaux (98,7)
Graines de betteraves (98,4)
Selon la valeurs des importations notifiées (millions USD)
Fleurs et boutons de fleurs frais (364,1)
Cacao en fèves et brisures de fèves, bruts ou torréfiés (324,5)
Coton, non cardé ni peigné (316,7)
Sucre de canne (315,1)
Thé noir (fermenté) et thé partiellement fermenté (304,3)
A nouveau, les résultats obtenus dépendent fortement du critère employé. Seul le Kenya apparaît
dans les deux classements, en neuvième position lorsque la part du commerce affecté est retenue comme
critère et en deuxième position lorsque le classement est basé sur le nombre de biens affectés.
Il convient également de remarquer le fort écart existant entre ces deux groupes de pays tant pour
le nombre de produits affectés que pour le ratio de couverture : 70,4% des exportations de la Mauritanie
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Les normes en tant que barrières non tarifaires
(20 produits exportés) sont soumises à des normes SPS et OTC. Par comparaison, 583 produits exportés
par l’Afrique du Sud sont sujets à des mesures SPS et OTC. Toutefois, ces produits ne représentent que
24,6% des exportations de ce pays.
Figure 3 : importations notifiées par les pays de l'OCDE
Pays
Part de commerce notifiée (%)
Nb. de biens notifiés
Mexique
99,4
74
Australie
97,6
311
Norvège
90,1
116
Nouvelle Zélande
87,3
229
Suisse
31,8
130
Canada
31,2
184
Islande
26,1
17
Etats-Unis
23,7
273
Europe
6,6
90
Japon
5,8
27
Corée du Sud
0
0
Turquie
0
0
Figure 4 : pays ACP exportateurs les plus affectés
Pays
Commerce affecté (%)
Nb. de biens
Pays
Commerce affecté (%)
Nb. de biens
Guinée-Bissau
98,7
3
Afrique du Sud
34,6
583
Mauritanie
70,4
20
Kenya
47,3
320
Somalie
67,3
26
Fidji
40,2
197
Erythrée
50,4
16
Zimbabwe
16,7
176
Samoa
50,2
42
Tanzanie
32,2
168
Angola
49
6
Rép. Domin.
14,6
162
Nauru
48,8
1
Ghana
11,5
146
Cuba
48,2
63
Uganda
19,9
132
Kenya
47,3
320
Sénégal
20,8
118
Iles Salomon
47
13
Côte d'Ivoire
13,4
114
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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Colloque international 27- 28- 29 novembre 2006
Siège du Crédit agricole S.A, 91 boulevard Pasteur, Paris 15e
Trois journées pour réfléchir à l’avenir des politiques agricoles
Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en
Europe et dans les pays en développement ?
Dans les prochaines années, l’agriculture va être confrontée à de nombreux changements, qui
concernent aussi bien l’Union européenne (UE) que les pays en développement (PED). En effet,
cinquante ans après la signature du traité de Rome en 1957, l’UE s’apprête à lancer une nouvelle
réflexion pour approfondir la réforme de la politique agricole commune (PAC). De même, trente ans
après les accords de Lomé en 1975, les accords de partenariat économique (APE) sont sur le point de
redéfinir les règles des échanges commerciaux entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique (ACP). Ces deux perspectives annoncent le renouvellement du mode de régulation pensé au
milieu du XXème siècle.
Notre Europe et FARM, réunis dans cette démarche de prospective « Quel cadre pour les politiques
agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » proposent de mener leur
réflexion conjointement avec Pluriagri autour de cet enjeu majeur. Les mutations actuelles exigent en
effet de repenser les politiques agricoles jusque dans leurs fondements et de concevoir l’avenir de la
PAC et de la relation Europe - pays ACP en un ensemble durable. L’analyse sera conduite en deux
temps : en établissant les diagnostics de portée générale d’une part – présentés et discutés lors
du présent colloque de 2006 – et en élaborant des propositions en 2007 d’autre part.
Le programme des 27, 28 et 29 novembre 2006 proposera tout d’abord de rapprocher les prévisions
de marché à moyen terme des facteurs susceptibles de modifier durablement l’équilibre
entre l’offre et la demande mondiales de produits agricoles. Ce diagnostic économique et technique
sera complété par l’examen des attentes en matière agricole et alimentaire des sociétés
européennes contemporaines. Enfin, les discussions sur les retombées des Accords de Partenariat
Economique pour l’intégration régionale et l’agriculture aborderont la question des solidarités ente
l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Ce colloque s’adresse aux experts, professionnels et chercheurs des pays en
développement et de l’Union européenne. Les intervenants sont des chercheurs, des
économistes, des décideurs, des professionnels de divers horizons : institutions nationales, régionales
ou communautaires, organismes internationaux (FAO, Banque mondiale), entreprises.
MARDI 28 NOVEMBRE 2006
SESSION 4
ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ET MARCHES REGIONAUX : QUELLES MARGES DE
MANŒUVRE POUR LES PAYS EN DEVELOPPEMENT ?
ANIMEE PAR FARM
14h20-14h40
Des accords de Lomé aux accords de Cotonou : mise en perspective historique
Edgard Pisani, ancien Ministre et ancien Commissaire européen
Président de séance :
Thiendou Niang, Directeur, Réseau d’expertise des Politiques Agricoles (REPA),
Sénégal
14h40-14h50
Accueil et présentation du programme
Bernard Bachelier, Directeur de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde
(FARM), Paris, France
14h50-15h
Etat d’avancement des négociations et conséquences de la suspension du cycle
de Doha sur les négociations des APE
Kathleen Van Hove, Chargée de programme, Centre Commun de gestion des politiques de
développement (ECDPM), Maastricht, Pays-Bas
15h-15h10
Enjeux et marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles
Bénédicte Hermelin, Coordinatrice du pôle Politiques publiques et régulations
internationales, Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques (GRET), Paris,
France, synthèse préparée avec Benoît Faivre Dupaigre, Coordinateur de l'Unité Politiques
agricoles et Acteurs ruraux, Institut de Recherches et d'Applications des Méthodes de
Vincent Ribier, Economiste, Centre de
développement (IRAM), Paris, France, et
Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD),
Nogent-sur-Marne, France
15h10-15h20
Les Tarifs Extérieurs Communs (TEC) de la Communauté Economique des Etats
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et leurs conséquences sur l’intégration
régionale et la négociation des APE
Bio Goura Soulé, Directeur, Laboratoire d'Analyse Régionale et d'Expertise Sociale
(LARES), Bénin
15h20-15h30
Les APE, freins et atouts à l’intégration régionale de la Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC)
Jean-Christophe Boungou Bazika, Chercheur, Centre d’études et de recherche sur les
analyses et politiques économiques. Université Marien Ngouabi, Congo
15h30-16h15
Débat avec la salle
16h15-16h40
Pause
16h40-17h10
Analyse d'impact en équilibre partiel des aspects commerciaux et tarifaires :
nouvelle étude du Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII),
Paris, France
David Laborde, Economiste, Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations
Internationales
17h10-18h
Table ronde : Quelles marges de manœuvre pour les pays en développement ?
Président : Jean-Paul Betbèze, chef économiste de Crédit Agricole S.A.
•
Lionel Fontagné, Economiste, Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations
Internationales (CEPII), Paris, France
•
Mathias Busse, Economiste, Institut d’Economie Internationale de Hambourg,
Allemagne
•
Emmanuel Douya, Economiste, université de Yaoundé, Cameroun
•
Hélène Fiagan, Secrétariat des ACP, Bruxelles, Belgique
•
Isabelle Garzon , Unité B.1, Direction générale au développement, Commission
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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européenne
•
Saliou Sarr, Coordonnateur du Réseau des Organisations Paysannes et des
•
Jean-Luc Sénou, Représentant de la Commission de l’Union Economique et
Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) pour le Sénégal
Monétaire Ouest Africaine à Bruxelles, Belgique
18-18h30
Débat avec la salle
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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MERCREDI 29 NOVEMBRE 2006
SESSION 5
ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ET MARCHES REGIONAUX:
LES REGULATIONS NON TARIFAIRES DU MARCHE AGRICOLE
ANIMEE PAR FARM
Président de séance : Jean-Yves Grosclaude, Directeur Développement rural, Agence Française de
Développement (AFD)
8h30-9h00
Accueil
9h00-9h30
Introduction
Michel Petit, Président, Conseil scientifique de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité
dans le Monde (FARM)
9h30-9h45
Les normes en tant que barrières non tarifaires
Anne-Célia Disdier, Chercheur, Institut National de la Recherche Agronomique (INRA),
Paris, France, Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII),
Paris, France
analyse commune avec Lionel Fontagné, Economiste, CEPII, France
9h45-10h00
Consommation urbaine et intégration régionale dans les pays ACP
Nicolas Bricas, Responsable de l'unité Normes et régulation des marchés agricoles, Centre
de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
(CIRAD), Montpellier, France
10h-10h15
Les normes en tant qu’élément favorisant la conquête des marchés régionaux
par les produits locaux
Noro Andriamamonjiarison, Hermes Conseil, membre du cabinet d’appui technique aux
négociations APE, Madagascar
10h15-11h00
Débat avec la salle
11h00-11h30
Pause
11h30-12h45
Table ronde
•
•
Marie-Andrée Tall, Présidente, Association Afrique agro-export (AAFEX), Sénégal
Amadou Guiro, Directeur Général, Institut des Technologies Alimentaires (ITA),
Sénégal
•
•
•
12h45-14h
Gérard Renouard, Président de Agriculteurs Français et Développement
International (AFDI), Paris, France
Olivier Bernadas, Directeur, Lobodis
Bruno Colombani, responsable Ethique sociale, Casino
DEJEUNER
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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SESSION 6
ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ET MARCHES REGIONAUX :
QUE PEUT-ON ATTENDRE DES NEGOCIATIONS ?
ANIMEE PAR FARM
Président de séance :
14h30-15h00
Christian de Boissieu, Président, Conseil d’Analyse Economique (CAE) et Conseil de
Prospective Européenne et Internationale pour l’Agriculture et l’Alimentation (COPEIAA)
Exposés introductifs
•
Ibrahim Assane Mayaki, Directeur exécutif, Plateforme en Afrique de l’Ouest et
•
Erik Orsenna de l’Académie française, vice président du Conseil d’administration
du Centre, ancien premier ministre du Niger
de la Fondation pour l’Agriculture et Ruralité dans le Monde (FARM)
15h00-16h00
Table ronde
•
•
•
•
•
Mamadou Cissokho, Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs
Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA)
Xavier Beulin, Vice-président de la Fédération Nationale des Syndicats
d’Exploitants Agricoles (FNSEA), Président de Sofiprotéol
Ibrahim Bocar Ba, Ambassadeur du Mali à Bruxelles
Claude Maerten, Chef d’unité, Direction Générale du commerce, Commission
européenne
Hervé Lejeune, Directeur général adjoint de la FAO (Food and Agriculture
Organization of the United Nations)
16h00-16h30
Débat avec la salle
16h30-17h00
Pause
17h00-18h00
Séance de clôture
Président : René Carron, Président, Crédit Agricole S.A., Président de la Fondation pour
l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde, France
•
Madan Murlidhar Dulloo, Ministre des Affaires étrangères, du Commerce
international et de la Coopération, République de Maurice
•
Bernard Petit, Directeur Général Adjoint au Développement, Commission
européenne
•
Soumaïla Cissé, Président, Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
(UEMOA)
•
Dominique Bussereau, Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, France
Cocktail de clôture
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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FONDATION POUR L’AGRICULTURE ET LA RURALITE DANS LE MONDE
FARM
c/o Crédit Agricole S.A.
91 — 93 boulevard Pasteur
75015 Paris
www.fondation-farm.org
[email protected]
Tél. : 01 57 72 07 19
Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les
pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006
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