ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Union européenne
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ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Union européenne
ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Union européenne – pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique Actes du colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" Paris - 27, 28 et 29 novembre 2006 SOMMAIRE Comment les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des Accords de partenariat économique ? – Synthèse du colloque, Cecilia Bellora (FARM) ........................................ 5 Discours d'ouverture de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) ......................................................................... 19 Intervention d'Edgard PISANI, ancien Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, ancien commissaire européen.................................................................................................................................. 23 Intervention Intervention d’Erik ORSENNA, écrivain, membre de l’Académie française, vice président de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) ........................................... 27 Intervention d’Ibrahim Assane MAYAKI, directeur exécutif de la Plateforme en Afrique de l’Ouest et du Centre, ancien Premier ministre du Niger ................................................................................ 29 Intervention de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) ........................................................................................... 33 Intervention de Bernard PETIT, Directeur Général Adjoint au Développement de la Commission européenne .............................................................................................................................. 35 Intervention de Soumaïla CISSE, président de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Afrique (UEMOA) .................................................................................................................................. 39 Intervention de Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture et de la Pêche ............................. 43 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE ? Benoît Faivre-Dupaigre (IRAM), Bénédicte Hermelin (GRET), Vincent RIBIER (CIRAD) ............................... 49 Les tarifs Extérieurs Communs de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et leurs conséquences sur l’intégration régionale et la négociation des Accords de Partenariat Economique, Bio Goura Soulé (LARES) ........................................................................................ 63 Les APE : atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC, Jean-Christophe Boungou Bazika (CERAPE) ....................................................................................................................... 73 Etude de l'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP, Lionel Fontagné (CEPII), David Laborde (CEPII), Cristina Mitaritonna (CEPII) ..................................................................... 89 Les normes en tant que barrières non tarifaires, Anne-Célia Disdier (INRA), Lionel Fontagné (CEPII), Mondher Mimouni (UNCTAD/WTO) ........................................................................................... 109 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 3 COMMENT LES PAYS D’AFRIQUE, DES CARAÏBES ET DU PACIFIQUE PEUVENT-ILS TIRER PARTI DES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ? Synthèse du colloque organisé par FARM Les 28 et 29 novembre 2006 Cecilia Bellora (FARM) RESUME Depuis 1975, les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) bénéficient d'un accès préférentiel au marché européen. Toutefois, ce régime commercial n'a pas eu l'effet attendu sur les économies des pays ACP. En outre, il n'est plus compatible avec les règles actuelles de l'Organisation Mondiale du Commerce. Ainsi l'UE et les pays ACP négocient de nouvelles règles commerciales, les Accords de Partenariat Economique (APE), la négociation devant théoriquement se conclure avant le 1er janvier 2008. Les APE sont des accords de libre échange entre l'UE et 6 unions douanières ACP. Les pays ACP ont la possibilité de tirer parti des APE. D'une part, ils peuvent protéger leurs secteurs les plus fragiles en gardant les barrières tarifaires qui y sont attachées. D'autre part, la constitution de réels marchés régionaux pourrait permettre de développer et améliorer la capacité d'offre des pays ACP. Toutefois, les effets des APE restent controversés puisque des risques importants existent, notamment de perte de recettes fiscales. Il est donc intéressant d'analyser les alternatives possibles aux APE. Ces alternatives se résument au régime "Tout sauf les armes" pour les pays moins avancés et au système de préférence généralisé (SPG) pour les autres pays, le SPG étant nettement moins intéressant qu'un régime de libre échange. Mais la durabilité et la validité de ces alternatives sont parfois remises en cause. Les APE peuvent être une opportunité de développement, à condition que les ACP constituent des politiques publiques volontaristes. Pour cela des délais longs et des mesures d'accompagnement sont nécessaires. Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? L'Union européenne (UE) et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) se trouvent devant une étape historique de leurs relations qui peut avoir des conséquences à long terme sur les agricultures locales. En effet, l'Europe négocie de nouveaux accords commerciaux avec les pays ACP. Elle a la possibilité de créer une nouvelle démarche de développement et de solidarité. Pourtant, le contenu des négociations et les enjeux pour l'agriculture sont souvent méconnus alors qu'ils sont considérables. Quels sont les régimes commerciaux dont bénéficient les pays ACP pour accéder au marché européen ? Quels vont être les changements apportés par les nouveaux accords ? Comment les pays ACP peuvent-ils en tirer parti ? Comment créer des marchés régionaux et favoriser les productions locales ? Le débat est vif autour de la question des avantages ou inconvénients des nouveaux accords. De nombreux modèles ont été établis et de nombreuses études d'impact ont été réalisées, les résultats sont parfois divergents. La grande quantité d'informations disparates n'aide pas à éclaircir ces discussions complexes. Cette synthèse du colloque organisé par la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) les 28 et 29 novembre 2006 donne quelques éléments d'analyse des débats. 1. TROIS REGIMES COMMERCIAUX REGIRONT L'ACCES DES PRODUITS AGRICOLES DES PAYS ACP SUR LE MARCHE EUROPEEN JUSQU'A LA FIN DE 2007 D'abord quelques chiffres pour recadrer le débat (cf. tableau 1). L'Union européenne est le principal partenaire commercial des pays ACP : en 2005, 23 % des exportations des pays ACP (en valeur) sont destinées à l'UE, alors que seulement 3 % des exportations de l'UE se font vers les pays ACP. Les produits agricoles représentent 28 % des exportations totales des pays ACP vers l'UE et 12 % des exportations totales de l'UE vers les pays ACP. Tableau 1 : Echanges commerciaux entre l'UE et les pays ACP Importations de l’UE depuis les ACP en 2005 Exportations de l’UE vers les ACP en 2005 (Afrique du Sud exclue) (Afrique du Sud exclue) Valeur Millions € Part en % Part relative en % TOTAL Dont : 36 138 3,07 100,0 Produits agricoles 10 039 12,40 Energie 13 211 5,29 Produits Valeur Millions € Part en % Part relative en % TOTAL Dont : 30 763 2,90 100,0 27,8 Produits agricoles 3 809 6,16 12,4 36,6 Energie 2 129 5,48 6,9 Produits Source : Direction générale du Commerce, Commission européenne Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 6 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? L'entrée des produits des pays ACP en général, et des produits agricoles en particulier, sur le marché de l'Union européenne est soumise à l'un des trois régimes suivants : • les dispositions commerciales de l'accord de Cotonou ; • l'initiative « Tout Sauf les Armes » qui concerne les pays moins avancés ; • le système de préférences généralisées possible selon les règles de l'OMC. Les exportations des pays ACP vers l'UE utilisent principalement les deux premiers régimes. 1.1. L'accord de Cotonou maintient jusqu'en 2007 un régime commercial préférentiel non réciproque La coopération entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) est formalisée en 1963 avec l’accord de Yaoundé. C’est en 1975, lors de la signature de la convention de Lomé I, que le système qui va régir les échanges commerciaux UE-ACP jusqu’à la fin de 2007 est mis en place. Ainsi, depuis plus de 30 ans, l’UE accorde aux pays ACP un régime commercial préférentiel. Les produits ACP importés par l’UE sont soumis à des droits de douane plus faibles (souvent nuls) que ceux touchant les produits provenant d’autres pays. La différence des droits de douane est appelée marge préférentielle. Les pays ACP bénéficient ainsi de préférences tarifaires, auxquelles s’ajoutent des préférences non tarifaires. Ces dernières peuvent notamment prendre la forme d’une exemption du respect d’un quota limitant la quantité d’un produit importé donné. Les préférences, qu’elles soient tarifaires ou non, sont non réciproques : les pays ACP ne sont pas tenus d’offrir un accès spécial sur leurs marchés aux produits européens. Les produits agricoles bénéficient de préférences parfois limitées. Les produits tropicaux qui ne concurrencent pas les productions européennes entrent en franchise de droit. Les autres produits sont soumis à certaines restrictions (réduction partielle des droits de douane, quotas, restrictions saisonnières liées aux calendriers de culture européens), la préférence communautaire reste en vigueur. Les bananes, le sucre, le rhum et la viande bovine sont l’objet de « protocoles » particuliers. Des quantités spécifiées (quotas) de banane et de rhum1 accèdent librement au marché européen ; des quantités fixées de viande bovine et de sucre bénéficient du prix intérieur européen, supérieur aux cours mondiaux, en plus d'une forte réduction des droits de douane. Les produits issus des pays ACP, comme ceux provenant des autres pays, sont soumis à des critères non tarifaires pouvant constituer des barrières au commerce. Pour les produits agricoles, les normes les plus importantes sont les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS). Elles visent à assurer l'innocuité des produits alimentaires et la sécurité des animaux et des végétaux afin de préserver la santé humaine, animale et végétale et de protéger l'environnement. L'UE adopte des normes très strictes et précises, 1 Le protocole rhum a disparu suite à l'accord de 1996 sur les spiritueux entre l'UE et les Etats-Unis. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 7 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? difficiles à respecter par les produits ACP du fait des capacités de production et des infrastructures des pays ACP. Des produits qui peuvent commercialement accéder librement sur le marché européen sont parfois refusés pour non respect des normes. L'impact des normes sur le commerce des pays ACP dépend beaucoup de la structure des exportations de chaque pays, c'est-à-dire du nombre et de la quantité relative de produits exportés. Par exemple, uniquement 3 produits exportés par la Guinée Bissau sont soumis à des normes, mais ils représentent 98,7 % des exportations totales du pays. A l'opposé, 176 produits exportés par le Zimbabwe doivent être conformes à des normes ; ils ne représentent que 16,7 % des exportations de ce pays (d'après Disdier, Fontagné Mimouni). 1.2. Le régime « Tout Sauf les Armes » donne un accès libre au marché de l'UE aux produits des pays moins avancés Le régime tarifaire établi par les accords de Lomé et de Cotonou a été appliqué à la totalité des pays ACP jusqu'en février 2001. A cette date, l'UE a décidé que tous les produits, exceptées les armes et les munitions, provenant des pays moins avancés (PMA), qu'ils appartiennent ou non au groupe ACP, entreraient librement sur son marché. Il s'agit de l'initiative « Tout Sauf les Armes » (TSA). Trois produits – la banane, le sucre et le riz – sont dans un premier temps soumis à des quotas hors taxes pour être libéralisés progressivement. La libéralisation totale de la banane s'est achevée le 1er janvier 2006 ; le sucre et le riz entrent en franchise de droits dans la limite d'un volume fixé (appelé contingent tarifaire). En 2009, l'accès au marché communautaire sera totalement libre pour le sucre et le riz des PMA. L'initiative TSA a introduit un nouveau régime commercial dans lequel les pays ACP ne bénéficient plus tous des mêmes avantages pour accéder au marché de l'UE. Les PMA de la région ACP ont un accès totalement en franchise de droits alors que les produits agricoles provenant des pays ACP non PMA sont soumis à des restrictions. 1.3. Le Système Généralisé de Préférences tarifaires accorde des préférences commerciales à tous les pays ACP moins avantageuses que celles prévues par Cotonou ou par TSA Le Système Généralisé de Préférences (SPG) s'applique aux exportations de tous les pays ACP. Il concerne 7 000 des 10 000 produits présents dans la nomenclature des douanes soit la plupart des produits industriels et de nombreux produits agricoles. En simplifiant, 3500 produits sont admis en franchise de droits et les autres 3500 produits sont considérés comme sensibles. Ces derniers bénéficient en général d'une réduction de 3,5 % sur les droits appliqués à tout pays importateur n'ayant pas signé d'accord commercial avec l'UE (les produits du textile et de l'habillement bénéficient d'une réduction de 20 %)2. Le SPG accorde bien des préférences commerciales mais elles sont beaucoup moins intéressantes que celles 2 Source : « Pays en développement, commerce international et développement soutenable : le rôle du Système de Préférences Généralisées (SPG) de la Communauté pour la décennie 2006/2015 ». Communication de la Commission européenne, 7 juillet 2004 – JO C242 du 29 septembre 2006. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 8 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? offertes par l'accord de Cotonou ou l'initiative TSA. Ainsi, aucun produit agricole provenant des pays ACP n'est exporté sous le régime du SPG. L'ensemble de ces régimes commerciaux conduit aux résultats suivants3 : entre 1999 et 2003, 97 % des produits (en volume) sont exportés par les pays ACP sur le marché européen sans barrières douanières, soit du fait des accords préférentiels, soit en application des règles générales. Les 3 % restants sont soumis à la clause de la Nation la plus favorisée (NPF), c'est-à-dire aux règles appliquées à tout pays exportateur n'ayant pas signé d'accord particulier. 60 % des produits agricoles en provenance des pays ACP ne sont soumis ni à des tarifs douaniers ni à des quotas. Ceci représente en valeur 88 % des produits agricoles exportés par les ACP non PMA. 1.4. La marge préférentielle donnée par les différents régimes continue à diminuer La marge préférentielle dont bénéficient les pays ACP diminue au cours du temps sous l'effet de trois phénomènes. D'une part la libéralisation du commerce mondial dans le cadre des négociations de l'OMC mène à une diminution des tarifs douaniers de l'UE. En conséquence, l'écart diminue entre les tarifs douaniers appliqués aux pays ACP et ceux appliqués aux autres pays. D'autre part, depuis 1963, l'UE a signé plusieurs accords bilatéraux qui diminuent les tarifs douaniers appliqués à certains produits en provenance des pays signataires. Aujourd'hui 35 pays et 12 ensembles régionaux (65 pays au total) ont signé des accords bilatéraux avec l'UE4. De plus en plus de pays bénéficient donc d'accords préférentiels, la marge préférentielle des pays ACP diminue relativement. Enfin, les réformes successives de la Politique agricole commune (PAC) tendent à diminuer les prix du marché interne européen pour les aligner sur les prix mondiaux. Ceci se traduit par une diminution des prix dont bénéficient les producteurs ACP dans le cadre des protocoles. 2. A PARTIR DE 2008 UN NOUVEAU REGIME COMMERCIAL COMPATIBLE AVEC LES REGLES DE L'OMC DEVRAIT ETRE MIS EN PLACE 2.1. Les APE sont des accords de libre échange entre unions douanières Le système de préférences non réciproques accordé par l'UE aux pays ACP touche à sa fin car il est incompatible avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il enfreint le principe de non discrimination établi par l'article premier du GATT. Deux exceptions à ce principe existent : 3 4 Source : Direction générale du Commerce, Commission européenne, « Opening the door to development – Developing country access to EU markets 1999-2003 ». Source : Direction générale du Commerce, Commission européenne. 12 pays ont signé à la fois un accord national et un accord régional. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 9 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? les accords de libre-échange où les accords discriminatoires sont réciproques ; les préférences non réciproques qui sont accordées à l'ensemble des pays en développement ou à l'ensemble des pays les moins avancés (PMA), sans aucune autre discrimination5. Or, les accords de Lomé ne sont compatibles avec aucune de ces exceptions. D'une part, ils sont non réciproques, les ACP n'ouvrant pas leurs marchés aux produits européens. D'autre part, ils sont discriminatoires : ils s'adressent uniquement aux pays ACP, un sous-ensemble des pays en voie de développement. L'UE a demandé et obtenu une dérogation à ces règles auprès de l'OMC pour l'accord Lomé IV bis (1995-2000). Une deuxième dérogation a été obtenue pour prolonger provisoirement le système, elle arrive à terme le 31 décembre 2007. En principe, pour être en conformité, des accords compatibles avec les règles de l’OMC doivent être conclus ou le droit commun de cette même organisation sera appliqué. L'UE et les ACP ont opté pour la signature de nouveaux accords. D’après l’accord de Cotonou, signé en 2000 par l’UE et 76 pays ACP, les accords de partenariat économique (APE) entrent en vigueur le 1er janvier 2008. Cet accord stipule que les APE sont des accords de libre-échange (ALE) entre l’UE et six régions ACP. Il prévoit la constitution de marchés régionaux par la création d'unions douanières régionales (cf. tableau 2). Les pays ACP ont décidé du nombre et de la constitution des entités régionales. La mise en place d’unions douanières est donc un préalable à la signature de chaque APE. Il est clairement énoncé dans l’accord de Cotonou que les APE doivent être compatibles avec les règles de l’OMC, ce qui exclut théoriquement la demande d’une nouvelle dérogation. Les APE sont, selon les termes de l’OMC, des accords bilatéraux où « l’essentiel » des échanges est libéralisé (article XXIV du GATT). Il n’existe pas de précision supplémentaire concernant la part de commerce qui doit être libéralisée. Selon l’interprétation de l’UE il s’agit de 90 % du commerce total, ce taux étant la moyenne de la part de commerce libéralisée pour chacun des partenaires. Puisqu'il s'agit d'une moyenne, la part de commerce libéralisée par l'UE peut être supérieure à celle libéralisée par les pays ACP : les APE sont asymétriques. De facto, la quasi-totalité des produits importés par l’UE en provenance des ACP rentrent sur le marché en franchise de droits et hors quotas ; la libéralisation des échanges sera effectuée surtout par les pays ACP. L’enjeu commercial pour l’UE apparaît faible alors qu’il est majeur pour les pays ACP. Pour l’UE, seul le secteur du sucre est réellement sensible. En résumé, les APE sont des ALE réciproques asymétriques entre l’UE et chacune des six régions ACP. 5 Ce principe est établi par la clause d'habilitation qui constitue les bases du Traitement Spécial et Différencié (TSD) pour les pays en développement au sein de l'OMC – GATT, décision du 28 novembre 1979 (L/4903). Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 10 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? Tableau 2 : Les six régions négociant les APE – en italique : PMA Régions Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et Mauritanie Pays membres Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger; Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC) et São Tomé et Principe Cameroun, Congo, Congo (République démocratique du), Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, São Marché commun des Etats de l’Afrique orientale et australe (COMESA) Burundi, Comores, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Madagascar, Malawi, Maurice, Rwanda, Seychelles, Soudan, Ouganda, Zambie, Zimbabwe Afrique australe Angola, Caraïbes Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Sainte-Lucie, Saint -Vincent et- les- Grenadines, SaintChristophe - et- Niévès, Suriname,Trinité-et-Tobago Pacifique Iles Cook, Micronésie (Etats fédérés), Fidji, Kiribati, Iles Marshall, Nauru, Niue, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Iles Salomon, Samoa, Tonga, Tuvalu, Vanuatu 2.2. Tomé et Principe, Tchad Botswana, Swaziland, Tanzanie Lesotho, Mozambique, Namibie, L'ouverture de marchés a deux conséquences : la perte des recettes douanières et la concurrence des produits importés sur les productions locales Les APE peuvent être asymétriques. On peut imaginer que l’UE supprime les barrières douanières sur la totalité des produits en provenance des ACP alors que ces derniers n’éliminent les barrières que sur 80 % de leurs importations en provenance de l’UE. Ainsi la moyenne de 90 % de libéralisation voulue par l'UE est respectée. 20 % des importations des ACP en provenance de l’UE peuvent être protégés grâce au choix de produits sensibles. Il est à noter que, conformément à l’article XXIV du GATT, l’exclusion de la libéralisation par le choix de produits sensibles ne peut pas concerner un secteur entier. De ce fait, il est impossible d’exclure tout le secteur agricole des négociations, indépendamment de la part de commerce que celui-ci représente. La possibilité offerte par cette exclusion est considérable et la Commission européenne y est favorable. La libéralisation des échanges peut poser des problèmes à cause d’une part de la baisse importante des recettes douanières (un des principaux postes budgétaires des Etats ACP) résultant du démantèlement des barrières tarifaires, et d’autre part de la concurrence, directe ou non, entre les produits européens et ceux des ACP. La perte de recettes fiscales est variable et peut atteindre jusqu'à 70 % des recettes initiales dans le cas de l'Afrique centrale (cf. graphique 1). Les agricultures des pays ACP sont moins compétitives que celle de l’Europe. L’ouverture pure et simple des marchés ACP aux importations en provenance de l’UE pourrait causer l’élimination d’une très grande partie des productions en posant de sérieux problèmes en termes de souveraineté alimentaire et de Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 11 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? conséquences sociales puisque 63 % de la population active des ACP est agricole6. Les produits les plus sensibles sont les céréales, le lait et la viande dont la volaille. Leur sensibilité est d'autant plus grande qu'il s'agit des principales productions des pays ACP. En d’autres termes, cela conduirait à l’appauvrissement des populations agricoles et déboucherait sur un exode rural vers des villes n’offrant pas suffisamment d’emplois, voire sur l’émigration. La situation serait dramatique. Le choix judicieux de produits sensibles permettra de protéger les secteurs les plus fragiles et de maintenir une partie des recettes fiscales. Toutefois, l’arbitrage entre maintien des recettes fiscales et protection des agriculteurs est pour une large part politique. Pour défendre l’agriculture il faudra que les organisations professionnelles agricoles puissent faire entendre leurs voix dans des négociations pilotées par les ministères du commerce et des finances qui ne considèrent pas forcément l’agriculture comme prioritaire. Le choix des produits sensibles est d’autant plus compliqué qu’il doit se faire au niveau régional. Ainsi, une négociation régionale se superpose aux négociations nationales. Les intérêts des pays d’un même ensemble pouvant être différents et même divergents (certaines régions rassemblent PMA et non PMA sans distinction), le choix des produits sensibles résultera de considérations d’économie politique plutôt que de rationalité socio-économique pure (d'après Hermelin, Faivre-Dupaigre, Ribier, 2006). Par ailleurs, certains produits peuvent être protégés par des barrières non tarifaires (d'après Bricas, CIRAD 2006). Par exemple, les infrastructures des pays ACP ne permettent pas le respect de la chaîne du froid et représentent un risque pour la santé des consommateurs. Des normes alimentaires pourraient limiter les importations ACP depuis l’UE de viande congelée en réduisant les risques alimentaires, protégeant ainsi la filière d’élevage. Toutefois, la portée de cette protection est peu importante, le nombre de produits concernés étant faible. 6 Source : « La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture » – FAO 2005. Dans les pays ACP, 61 % de la population est agricole et 65% est rurale. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 12 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? Graphique 1 : Pertes des recettes tarifaires agricoles prélevées sur des produits de l'UE (variation en % des recettes initiales) – d'après Laborde, Fontagné, Mitaritonna, CEPII 2006 2.3. L'intégration régionale pourrait donner leurs chances aux productions locales Si les échanges avec l'UE sont libéralisés, et pas ceux entre pays ACP, il y a un réel risque pour que les pays ACP s'approvisionnent plus auprès de l'UE, au détriment des autres pays ACP. Pour éviter ce phénomène de diversion de commerce, contraire au volet développement de l'accord de Cotonou, l'UE prévoit la constitution de marchés régionaux. Les effets de l'intégration régionale sont très mal connus et sont l'objet d'un débat animé. 2.3.1. L'intégration régionale paraît difficile… Actuellement les multiples accords régionaux ne sont globalement pas appliqués, seule la CEMAC a quasiment achevé son intégration. Les principales raisons de ce retard sont le manque d'infrastructures et les structures des marchés nationaux. Le manque de routes et de moyens de communication est un réel obstacle à la circulation des marchandises entre les pays. Cette circulation est rendue encore plus difficile par des problèmes de gouvernance tels que le paiement de taxes officiellement inexistantes. A titre d'exemple, au sein de la région Afrique centrale, entre Yaoundé (Cameroun) et Bangui (Centrafrique) il existe 128 points de contrôle à l'origine de taxations injustifiées (d'après Laborde, Fontagné, Mitaritonna, CEPII 2006). Les marchés des pays d'une même région sont parfois très similaires et donc peu complémentaires. Plusieurs pays sont demandeurs d'un même bien qu'aucun d'entre eux ne produit ; ils Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 13 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? sont obligés de s'approvisionner en dehors de la région. A titre d'exemple, l'indice de complémentarité entre les Comores et le reste de la région COMESA est d'environ 5 % (d'après Adriamamonjiarison, 2006). Enfin, la création de marchés régionaux constituerait une perte de recettes douanières ultérieure puisqu'elle implique la disparition des tarifs douaniers entre pays membres d'une même région. 2.3.2. …mais pourrait permettre le développement par le commerce Les unions douanières n'étant pas effectives, l'intégration régionale permettrait des gains considérables en termes d'échanges et d'amélioration de la concurrence. L’évolution prévue des exportations des pays ACP vers l’ensemble des pays ACP semble positive pour toutes les régions, variant entre 10 % et 55 %, sauf pour l’Afrique centrale (-2 %) (d'après Laborde, Fontagné, Mitaritonna, CEPII 2006). Cette dernière constitue déjà une zone intégrée et souffrirait des détournements de flux commerciaux vers les autres pays ACP. Les économies et les agricultures des pays ACP ne sont pas prêtes pour faire face à des importations massives à bas prix. Les exportations agricoles étant une des bases de ces économies, les risques de déstabilisation sont grands : réduction des budgets nationaux et ruine des agricultures locales. Mais il existe des façons de tirer parti des APE : les accords fournissant un accès libre au marché européen ne seront profitables que si les pays ACP ont une réelle capacité d’offre. Or, cette dernière reste faible dans la réalité. Toutefois l'absence de marchés régionaux ne permet pas de mesurer le potentiel productif réel. Ainsi, il est probable que la vallée du fleuve Niger ou du fleuve Sénégal pourrait satisfaire une grande partie des besoins en céréales de l'Afrique de l'Ouest. Ceci suppose l'organisation de véritables marchés régionaux pour que les APE promeuvent le développement et atteignent ainsi leur objectif, sans oublier que le commerce est un facteur de paix. Parallèlement, il est nécessaire de protéger les secteurs les plus sensibles. La mesure précise de ces aspects nécessiterait une étude complémentaire approfondie. 2.3.3. Les moyens pour réaliser l'intégration régionale existent mais ne sont pas encore au point Pour réaliser l’intégration régionale, des moyens financiers et des délais longs sont nécessaires. Les APE étant établis dans le cadre de Cotonou, les fonds européens pour le développement (FED) peuvent apporter les ressources financières nécessaires à l’amélioration des infrastructures. Le neuvième FED est constitué d’une enveloppe importante, d’environ 15 milliards d’euros. Toutefois ces ressources ne sont que potentiellement – et non pas effectivement – disponibles à cause des procédures de décaissement. Au 31 décembre 2005, 9,2 milliards ont été engagés et uniquement 2,6 milliards ont été effectivement payés7. 7 Source : « Cour des comptes de l’Union européenne », rapport annuel relatif à l’exercice 2005 /JO C263/1 du 30 octobre 2006). Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 14 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? Une révision en profondeur des procédures est nécessaire mais des fonds considérables seront disponibles pour la mise à niveau des structures. Reste la question des délais. L’article XXIV du GATT établit que la mise en place d’une zone de libreéchange doit se faire dans des « délais raisonnables » sans autre précision. On considère communément qu’un délai de dix ans est raisonnable mais il n’existe aucune interprétation officielle. La Commission européenne a réaffirmé sa volonté de faire preuve d’une grande inventivité et l’OMC prévoit, dans différents accords, des périodes de transition plus longues pour les pays en développement que pour les pays développés. Une marge de manœuvre permettant d’allonger la période de mise en œuvre à 15 ou 20 ans existe. Des délais longs sont une condition indispensable pour que les PED puissent tirer profit des APE. Pour valoriser au mieux la possibilité de développement offerte par l’ouverture des marchés régionaux et du marché européen, un cadre macroéconomique favorable et des politiques régionales sont nécessaires. Mais c’est plutôt une grande incohérence entre les politiques nationales et régionales qui transparaît des débats. Plus grave encore, les politiques agricoles régionales ne sont pratiquement pas évoquées. Or, sans ces politiques, le risque est grand de ne pas saisir l’opportunité offerte par les accords. La situation est d’autant plus complexe que les modèles de développement agricole ne sont pas établis dans les pays ACP. Les décideurs des pays ACP opposent un modèle d'exploitation familiale à une agriculture moderne sans arriver à intégrer ces deux paradigmes afin de promouvoir une agriculture familiale moderne et innovante. Il est donc urgent de renforcer les capacités d’expertise des ACP dans ce domaine. 3. SI LES APE NE SONT PAS SIGNES LE DROIT COMMUN DE L'OMC SERA PROBABLEMENT APPLIQUE, SAUF SI DES SOLUTIONS ORIGINALES SONT TROUVEES L'accord de Cotonou, dans son article 37, prévoit une différenciation entre les pays ACP PMA et non PMA, ainsi que l'examen d'alternatives pour les pays non PMA qui ne souhaiteraient pas signer un APE. Il faut noter que le régime TSA est une alternative aux APE très intéressante pour les pays ACP PMA. Tous les pays ACP, en signant l'accord de Cotonou, ont choisi de négocier les APE avec l'UE et de constituer des ensembles régionaux. Toutefois, tout pays ACP a la possibilité de quitter la négociation des APE à tout moment. De plus, les débats publics sur les APE et leur capacité de résoudre les problèmes de développement se sont multipliés. Ils ont amené de nombreux observateurs, notamment ceux issus de la société civile, à analyser les alternatives possibles. En schématisant, les alternatives aux APE peuvent être classées en deux catégories, en fonction de leur compatibilité avec les règles de l'OMC. Les alternatives incompatibles nécessitent le plus souvent soit une révision de l'article XXIV du GATT pour supprimer la réciprocité des préférences pour les ACP, soit une dérogation permanente au droit commun de l'OMC pour Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 15 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? les ACP, ce qui revient de fait à une modification des règles. La dérogation obtenue par l'UE prend fin le 31 décembre 2007. Les membres de l'OMC sont incapables actuellement de poursuivre les négociations du cycle de Doha. L'UE continue à affirmer qu'elle ne demandera pas une dérogation supplémentaire car cela la placerait dans une situation d'infériorité face aux autres membres de l'OMC pour les négociations à venir. Dans ce contexte une modification des règles de l'OMC ne parait pas vraisemblable. Ne seront donc analysées que les alternatives ne demandant pas de modification des règles de l'OMC. 3.1. Si les APE ne sont pas signés, les pays ACP seront soumis au régime SPG Si les APE n'étaient pas conclus, les pays ACP non PMA dépendraient du SPG. Une variante plus favorable aux pays exportateurs existe et est baptisée SPG+. Elle octroie des bénéfices plus importants que le SPG, mais moins intéressants que l'accord de Cotonou, aux Etats qui appliquent des réglementations de bonne gouvernance, de lutte contre les drogues ainsi que le droit du travail et les droits de l'homme. Certaines propositions visent à étendre le SPG+ à tous les pays ACP qui ne signeraient pas un APE. Toutefois la Commission européenne est très attachée à l'idée d'encouragement à la bonne gouvernance au travers d'une politique commerciale plus favorable et souhaite que le respect de certaines conventions reste la condition sine qua non pour accéder au SPG. Or, de nombreux pays ACP ne satisfont pas cette condition. Ainsi, en faisant l'hypothèse qu'aucune modification majeure ne sera apportée aux régimes commerciaux existants, le SPG est l'alternative à laquelle les pays ACP peuvent se référer en considérant l'éventualité de ne pas signer un APE. 3.2. Un APE allégé permettrait de tirer parti de l'imprécision des textes de l'OMC L'article XXIV du GATT n'est pas précis et laisse de ce fait des marges de manœuvre importantes pour la négociation. D'une part, il établit que la libéralisation doit concerner « l'essentiel des échanges commerciaux »: quel pourcentage des échanges est-ce que cela représente ? 90 % conformément à l'interprétation de l'UE ou bien 85 ou 80 % ? Comment mesurer ce pourcentage ? En part des volumes échangés, c'est-à-dire en tonnes comme prévu par l'UE ? Ou bien en nombre de lignes tarifaires ? D'autre part, l'article XXIV prévoit que les ALE soient mis en place dans un « délai raisonnable ». Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement ? L'UE propose 10 ou 15 ans, mais pourquoi pas 18 ou 20, voire 25 ans ? Une alternative à la proposition actuelle de la Commission européenne serait un accord moins ambitieux tirant parti au maximum des imprécisions des règles de l'OMC sur les ALE. Certains auteurs appellent cette alternative un « APE allégé ». Il s'agirait d'un ALE libéralisant 80 % du commerce de façon asymétrique (100 % pour l'UE – 60 % pour les ACP) et dont la mise en place s'étalerait sur 25 ans. Quels sont les risques liés à une telle alternative ? Un « APE allégé » résulte d'une interprétation souple des règles, qui pourrait être contestée par l'OMC. Toutefois, aucun ALE n'a jamais été contesté par l'OMC jusqu'à présent. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 16 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? Une éventuelle contestation pourrait venir d'un Etat membre de l'OMC. Plus l'interprétation sera souple, plus il y aura de risques de contestation. 3.3. Des APE nationaux tiendraient compte des différences entre PMA et non PMA mais arrêteraient l'intégration régionale L'accord de Cotonou prévoit que six APE soient conclus, un pour chaque ensemble régional ACP, sans exclure d'autres configurations telles que la signature pays par pays. Cette alternative offre la possibilité aux PMA de garder le régime TSA, plus avantageux qu'un éventuel APE car non réciproque et pratiquement sans exclusion de produits sensibles. Les ACP non PMA pourraient négocier nationalement en adaptant l'accord aux caractéristiques propres de leur économie. Toutefois les pays ayant un faible poids géopolitique se retrouveraient dans une situation difficile pour tirer parti des négociations. Certaines considérations légales appuient l'hypothèse d'une signature nationale. Les ensembles régionaux ACP ne sont pas déclarés auprès de l'OMC en tant qu'unions douanières. La notification à l'OMC de la signature d'un accord pays par pays est possible mais certains pays ACP ne sont pas membres de l'organisation8. Comment se comporter vis-à-vis d'eux ? Il faut également noter que la notification nationale peut aussi être envisagée dans le cadre d'APE négociés au niveau de la région, un accord cadre serait alors signé régionalement et ne serait pas notifié à l'OMC. Toutefois, signer des accords nationaux équivaut à signer la fin de la constitution de marchés régionaux. En concluant des accords nationaux indépendants, chaque pays aurait son propre régime douanier, l'harmonisation au niveau régional serait impossible. Théoriquement, les APE devraient être conclus le 31 décembre 2007. Mais vu l'état d'avancement des négociations, la probabilité d'une signature dans les délais est de plus en plus faible. Une multitude d'incertitudes subsiste. Les PMA vont-ils vouloir conclure des APE ? S'il n'y a pas de signature, quelle sera la réaction de l'OMC ? Quel sera le régime commercial appliqué dès le 1er janvier 2008 ? Ces incertitudes plaident en faveur d'une conclusion rapide. Pourtant il est important de ne pas bâcler les accords et de ne pas laisser passer une occasion historique d'offrir une réelle chance de développement aux pays ACP. 8 Liste des pays ACP signataires de Cotonou qui ne sont pas membres de l'OMC : Cap-Vert, Comores, Erythrée, Ethiopie, Guinée équatoriale, Libéria, Sao Tomé et Principe, Seychelles, Soudan, Bahamas, Iles Cook, Kiribati, Iles Marshall, Micronésie, Nauru, Niué, Palau, Samoa Occidentales, Tuvalu, Vanuatu. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 17 Comment les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peuvent-ils tirer parti des accords de partenariat économique? BIBLIOGRAPHIE Bilal Sanoussi, Rampa Francesco, APE alternatifs et alternatives aux APE – Scénarios envisageables pour les futures relations commerciales entre les ACP et l'UE, ECDPM, rapport n°11, Maastricht, mars 2006, 142 p. Boungou Bazika Jean-Christophe, Les APE : atouts et freins à l'intégration de la CEMAC, communication au colloque FARM, Paris, novembre 2006 CTA, Accès au marché : note de synthèse, Wageningen, 2004 Direction générale du commerce, Developing Country Access to EU markets 1999 – 2003, Commission européenne, Bruxelles, août 2005, 37 p. Disdier Anne-Célia, Fontagné Lionel, Mimouni Mondher, Les normes en tant que barrières non tarifaires, communication au colloque FARM, Paris, novembre 2006 ECDPM, De Lomé à Cotonou (Infokit Cotonou n°13), Maastricht, 2002 ECDPM, Histoire et évolution de la coopération ACP-EU (infokit Cotonou n°3), Maastricht, 2002 FAO, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, Rome, 2005, 225 p. Faivre-Dupaigre Benoît, Hermelin Bénédicte, Ribier Vincent, Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE ?, communication au colloque FARM, Paris, novembre 2006 Fontagné Lionel, Laborde David, Mitaritonna Cristina, Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP, FARM, Paris, novembre 2006 Soulé Bio Goura, Les tarifs extérieurs communs de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE, communication au colloque FARM, Paris, novembre 2006 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 18 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Discours d'ouverture de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) 29 novembre 2006 Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue ce matin au nom de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde. C’est un grand honneur pour nous d’accueillir l’assemblée internationale de professionnels et d’experts que vous constituez. Permettez-moi de saluer les participants étrangers. Les 400 participants inscrits pour ces trois jours relèvent de 35 nationalités. Nous sommes heureux de leur présence. Nous souhaitons qu’ils se sentent ici chez eux et qu’ils participent activement à ces travaux. Je souhaite aussi rendre hommage aux organisateurs et aux promoteurs de cette initiative. En effet, ce colloque rassemble, en fait, trois manifestations préparées par trois équipes qui ont décidé de le concevoir et de le préparer ensemble : le groupe Pluriagri, l’association Notre Europe et la fondation FARM. Il faut aussi souligner que ce projet a été soutenu et encouragé par les membres de ce que l’on appelle le groupe Sologne, entité à la fois informelle et dynamique qui réunit sous la présidence de Xavier BEULIN les organisations professionnelles des trois filières des grandes cultures, des oléo protéagineuses céréalières et sucrières, Groupama et le Crédit Agricole S.A. La démarche mérite d’être soulignée. Elle traduit une volonté de compréhension globale du monde et un sens de la solidarité internationale. Elle traduit aussi un désir de partager les informations et les expériences entre acteurs européens et acteurs des pays du Sud. Ce colloque s’intitule : « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Il a pour objectif de présenter les diagnostics préparés par des experts et de les discuter avec les professionnels. Cette initiative est opportune car l’agriculture est, de nouveau, à la veille de grandes échéances qui concernent l’Europe comme les pays en développement, avec en toile de fond l’incertitude de la reprise ou non des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les questions agricoles reviennent au cœur des préoccupations des responsables politiques comme des économistes et des financiers. La Banque mondiale va consacrer son rapport annuel l’agriculture, alors qu’elle n’avait plus abordé globalement ce thème depuis longtemps. 2008 à La question se pose, de nouveau, de savoir si la satisfaction des besoins du monde en produits agricoles, alimentaires ou énergétiques, est possible, à quel prix et de façon équitable. Doit on prévoir une augmentation durable des prix des matières premières ? Quelles conséquences doit on en tirer pour la conception des politiques agricoles ? Quels investissements seront nécessaires ? Qui y aura accès et comment ? Le Crédit Agricole porte un intérêt majeur à ces réflexions prospectives en tant que banque, mais aussi et surtout en tant que banque issue du monde agricole. La réussite de l’agriculture française et de l’agriculture européenne repose sur une certaine conception de la politique agricole et des rapports entre ses principaux acteurs : les organisations professionnelles, la mutualité pour le financement ou l’assurance, les entreprises et les pouvoirs publics. Cette conception a montré sa capacité d’adaptation puisqu’elle a affronté plusieurs réformes avec succès même si ce ne fut pas toujours sans difficulté. A quelles nouvelles inflexions doit-elle se préparer ? Comment répondre à long terme aux attentes des citoyens notamment en terme de sécurité sanitaire et d’environnement tout en satisfaisant l’équation étroite des prix aux consommateurs et des revenus des producteurs ? La politique agricole européenne connaîtra encore des évolutions. Pour autant, les principes qui ont fait son succès restent d’actualité et peuvent, nous le pensons, être utiles à nos amis des pays en développement et notamment des pays d’Afrique. Notre politique agricole, fondée sur un marché régional protégé, a donné leur chance aux productions européennes et a généré des industries agroalimentaires performantes. Les investissements et l’innovation technologique ont permis de tirer parti de ce marché intérieur. La modernisation de l’agriculture a constitué une des composantes de la croissance économique des trente glorieuses, les organisations professionnelles y ont joué un rôle déterminant. Les accords de partenariat économique qui vont régir les échanges commerciaux entre l’Union Européenne et les pays ACP à partir de 2008 offrent une opportunité historique pour que de véritables marchés agricoles régionaux se structurent. Mais ceci exige des politiques agricoles assurant la promotion des productions locales et soutenant les investissements dans l’agriculture. C’est surtout l’occasion de donner à tous les agriculteurs de ces pays, une perspective d’avenir et l’espoir de vivre de leur travail. Je suis sûr que les responsables politiques et les négociateurs cherchent à atteindre cet objectif. L’Union européenne qui partage avec vous une histoire et un avenir par la proximité géographique y a tout intérêt. Les pays ACP ne peuvent se donner des perspectives de développement économique sans amélioration de l’agriculture. 65% de leur population est agricole, soit 450 millions sur 700 millions d’habitants. Pourtant, il semble qu’il ne soit pas simple de trouver les meilleures voies pour y parvenir. C’est là l’enjeu de ce colloque. A partir de diagnostics partagés, comment suggérer les meilleures Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 20 façons d’atteindre un objectif d’intégration régionale, de modernisation agricole et de croissance économique ? La Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde a été créée par un groupe d’entreprises Casino, Suez, Limagrain-Vilmorin, l’Agence Française de Développement, le Crédit Agricole et Air France pour apporter les savoir faire des entreprises et des professionnels à l’agriculture des pays en développement. C’est une initiative de solidarité inspirée par une volonté d’entreprendre avec pragmatisme et professionnalisme. La finalité est d’aider les filières agricoles à accéder aux expériences et aux méthodes qui ont fait leur preuve et à accéder à des outils de travail indispensables tels que le crédit, l’eau, les innovations ou la formation au management. L’objectif de FARM est aussi de sensibiliser les responsables politiques aux enjeux de l’agriculture par des études rigoureuses et la valorisation des succès. La démarche associe étroitement les organisations professionnelles agricoles du Nord comme du Sud, que beaucoup d’entre vous représentent ici. Ce sont elles qui agissent. En Afrique, le séminaire sur la sécurité alimentaire, que les organisations professionnelles ont organisé à Niamey début novembre, a témoigné de leur capacité à mobiliser les responsables et les partenaires. Nous sommes prêts à les aider à démultiplier encore leur action comme nous le faisons avec l’association des producteurs de coton. Les travaux de ces trois jours sont très sont importants. Je ne doute pas qu’ils éclaireront l’avenir et permettront de le préparer grâce à des propositions opérationnelles, solidaires et équitables. Je vous remercie pour votre engagement. Il repose sur le triptyque : travail, générosité, responsabilité. Travail, sans lequel nous n’avons que peu de choses à partager, sinon l’envie ou les regrets ; travail, sans lequel il n’y a pas de promotion sociale ; travail enfin, sans lequel il est bien difficile de reconnaître les mérites. Générosité, cette vertu, sans laquelle la solidarité est très souvent la façon habile de gérer nos intérêts ou nos égoïsmes communs. Responsabilité qui nous invite à mesurer que nos actions, nos actes ont des conséquences sur notre environnement au sens le plus large du terme. Georges Clémenceau, un homme politique français du début du siècle dernier, avait coutume de dire : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Quand on l’a dit, il faut avoir la volonté de le faire ». C’est ce que je vous souhaite. C’est ce que je nous souhaite. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 21 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention d’Edgard PISANI, ancien Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, ancien commissaire européen. 28 novembre 2006 Quelle extraordinaire coïncidence que celle de l’intérêt simultané porté à l’Afrique par la Chine, les Etats-Unis et l’Europe. A y réfléchir de près, on y trouve une promesse et une menace. Je voudrais tenter de vous dire d’abord, où, à mes yeux, se trouve la menace, et à quelles conditions cette conjonction peut devenir une promesse, et dans quelles perspectives. Aussi ne m’inscrirai-je pas dans l’histoire, qui d’ailleurs ne vous apporterait rien, car elle est dépassée. Où est la menace ? Je voudrais le dire sans accuser quiconque. Il me semble que la passion subite que la Chine porte à l’Afrique est sans doute essentiellement expliquée par le fait que l’Afrique possède des matières premières dont la Chine ne dispose pas. D’où vient l’intérêt que les Etats-Unis portent à l’Afrique ? Il paraît qu’elle est l’un des foyers du terrorisme. Hélas, elle en souffre mais est victime d’elle-même. Que je sache les Africains ne se manifestent pas particulièrement dans les attentats qui ont eu lieu. D’où vient l’intérêt de l’Europe ? L’Europe, et la France en particulier, représente un vieil attachement dont il faut que nous nous départissions pour le retrouver. Nous ne sommes pas en Afrique les héritiers de nous mêmes, nous sommes les amis de nos voisins et nous travaillons pour que cette région du monde trouve un équilibre qu’elle n’a, jusqu’à présent, jamais connu. La menace est le fait que ce qui intéresse en Afrique est la matière première. Des investissements y sont faits, non pas pour y créer des emplois, alors que la démographie explose, mais pour emporter dans de grands bateaux des matières brutes que la main d’œuvre d’ici ou de là transformera. Comment ne pas se poser la question, par exemple, de savoir si ne pourrait pas être reconnu aux pays africains le droit de prélever sur l’exportation de matières premières brutes un droit qui permettrait de constituer un fonds de développement de l’Afrique ? Car, enfin, ceux qui viendront de ces continents pour vous aider, pour animer votre développement, viendront tout armés de la capacité juridique, administrative, financière qu’ils ont. Ce n’est que latéralement qu’ils se préoccuperont de votre développement, qu’ils se préoccuperont de votre croissance, parce qu’elle favorisera la leur. Méfiez vous de cette menace. Elle est considérable et elle serait redoutable si l’Afrique ne s’organisait pas pour y faire face. Comment le peut-elle ? Je voudrais essayer, comme en me promenant, d’évoquer quelques actions, quelques attitudes, quelques décisions qu’il serait bon de prendre - j’en ai évoquée une tout à l’heure sur le problème du droit à l’exportation, symétrique du droit à l’importation - et qui, dans les circonstances qui sont en train de naître, peuvent être utiles. Je crois que la première condition est que l’Afrique soit à la fois une et organisée en régions. Il ne faut pas qu’elle soit concurrente d’elle-même, mais il ne faut pas ambitionner d’organiser l’Afrique comme un ensemble, alors que les différences sont considérables d’une région à l’autre, alors qu’il y a des pays qui ont du pétrole et que d’autres n’en ont pas, alors qu’il y a des pays où l’agriculture vient naturellement, qu’elle a toujours existé et que dans d’autres, elle est très difficile. Des régions oui, car ce n’est pas si facile que cela entre pays voisins. Il y a des querelles ancestrales et la carte politique de l’Afrique a été ainsi faite qu’elle a calqué la géographie de la colonisation et non pas celle de l’héritage africain. Ainsi, nous nous trouvons devant des pays, pour amis qu’ils se déclarent, qui ne sont pas toujours prêts à travailler ensemble. Donc, il faudrait inventer des régions et leur donner des fonctions précises, de façon que, peu à peu, les Africains découvrent leur solidarité et choisissent de travailler ensemble pour aller plus loin. La première condition pour laquelle l’opportunité, qui s’est développée progressivement, soit saisie, c’est que l’Afrique se considère une et multiple. Non pas à cinquante, mais à cinq, six. Il existe des documents qui disent que ce procédé est déjà en route, s’il n’est déjà réalisé. Je voudrais retenir deux domaines, parmi tant d’autres, où la construction régionale me paraît essentielle : celui de la recherche et celui de l’enseignement supérieur. Vous êtes incapables, dans la plupart des pays d’Afrique, d’avoir des centres de recherche significatifs. Je ne cache pas, pour l’avoir constaté par moi-même, que la recherche que nous avons consacrée à l’Afrique a été plus consacrée au développement de produits dont nous avions besoin, qu’au développement de l’agriculture dont l’Afrique avait besoin pour vivre. Il faut avoir des centres de recherche jumelés avec Paris ou Wageningen ou d’autres. Mais ils doivent peu à peu se dédier à la problématique locale, qu’elle soit climatique, sociologique, alimentaire, cela à une échelle telle qu’il puisse y avoir des centres pluridisciplinaires utiles et efficaces. Là, l’Europe peut vous aider considérablement, parce que nous avons une foule immense de chercheurs qui connaissent bien l’Afrique. Pourtant, ceux-là mêmes qui se sont passionnés pour elle, l’ont souvent regardée à partir de leur chaire qui n’était pas africaine. De la même façon, il me paraît absolument évident que la plupart des pays d’Afrique ne peuvent pas se doter d’un enseignement supérieur, dont ils ont besoin. La situation désespérante dans laquelle vous vous trouvez est que les meilleurs des vôtres iront faire leurs études de l’autre côté des eaux, et, à cause des salaires plus élevés qui y sont actuellement attribués, ils resteront de l’autre côté des eaux, au lieu de revenir au pays. Des exceptions existent mais elles sont rares. Ainsi, recherche et enseignement supérieur suffiraient pour que les régions aient un sens. Mais elles en ont évidement un autre, sur lequel je n’insisterai pas. Elles constituent des ensembles qui sont géographiquement plus équilibrés, qui ont plus de chance d’aboutir à la conception d’un système de développement, qui ne soit pas limités par des frontières trop étroites. Y a t il d’autres domaines où il faut que l’occasion qui est offerte réveille chez vous une précaution, une attention, une éthique ? Ceux qui viennent essaieront de corrompre ceux qui dirigent, s’ils ne l’ont déjà fait. C’est ainsi que cela se passe partout dans le monde. Et vous ne vous en sortirez pas, vous ne pourrez pas vous en sortir, si ayant besoin d’argent immédiatement, vous vous précipitiez sur la vente de matières premières, au lieu de négocier, au risque de retarder les investissements qu’on vous promet. Vous ne vous en sortirez pas Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 24 si vous ne négociez pas âprement la création des usines de transformation de ces matières premières, qu’elles soient minérales ou végétales. Sans prolonger outre mesure mes propos, j’en reviens à l’agriculture. L’Afrique était autosuffisante il y a une trentaine, une quarantaine d’années ; elle ne l’est plus. L’aide alimentaire a d’ailleurs « aidé » à ce qu’elle ne le soit pas, et le prix de revient de la production agricole locale a amené les gouvernements à prendre des dispositions de libre-échange qui ont détruit des agricultures pourtant efficaces. Je pense au Président Félix Houphouët-Boigny qui s’est toujours inquiété du prix du riz et de la charge que cela représentait dans les budgets familiaux. Les experts lui ont dit que ces prix étaient la condition nécessaire au développement du riz en Côte d’Ivoire. Pour des raisons budgétaires, il en a éprouvé le regret par la suite, il a décidé d’ouvrir ses frontières au riz d’importation. Alors que la Côte d’Ivoire était autosuffisante en matière de riz, elle est devenue importatrice pour l’essentiel de sa consommation. Nous avons le devoir, avec vous, de réfléchir à la façon dont vous pouvez atteindre la sécurité alimentaire en vous donnant le temps, par un système à étudier, de vous protéger contre une concurrence que vous ne pouvez pas supporter ou qui, si vous pouviez, plongerait vos paysans dans la plus dramatique des misères. Il y a un autre risque et il est grave. Je vais vous en donner une image. Je connais un peu l’Afrique. Un jour, je visitais une bananeraie admirable aux ouvriers animés, compétents, actifs et gais. Le hasard a fait que je fus conduit aux limites de la plantation. De l’autre côté du grillage, j’ai vu la brousse dans sa tristesse grise ou noire. J’ai demandé au patron de la plantation si un hélicoptère ne pouvait pas me faire mieux admirer le site. Un hélicoptère fut mis à ma disposition – j’étais un personnage à l’époque. Le vert, la verdure s’arrêtaient aux limites exactes de la plantation. Ainsi, les hommes et les femmes qui travaillaient dans la verdure, dans une plantation, n’avaient en aucune façon été incités ou n’avaient en aucune façon, été aidés – et peut-être étaient-ils contrariés ? - pour planter des lopins pour leur autosuffisance. De ce fait, alors qu’ils avaient des terres fertiles, ils ne les cultivaient pas et achetaient, avec leur salaire, ce dont ils avaient besoin pour vivre. Aussi, deux certitudes se profilent-elles à l’horizon. D’une part, le concept de sécurité alimentaire est en Afrique plus évident, plus contraignant, plus absolu qu’ailleurs. D’autre part, ce continent va augmenter de quelques centaines de millions d’habitants. Va-t-il faillir un peu plus et ne pas nourrir les enfants qu’il appelle à la vie ? La vision mondialiste sans nuance qui est aujourd'hui critiquée attend sa revanche alors qu'elle est, pour un continent comme l’Afrique, un non-sens, voire un crime. Je voudrais aller plus loin et en venir aux modèles d’agriculture qu’il s’agit de favoriser. Nul doute que s’il y a de l’argent à gagner, si des terres sont disponibles, il y aura toujours des capitaux pour créer de grandes plantations. Monsanto et d’autres sont prêts à faire des expériences sur votre continent. Si vous n’inventez pas dans chacun de vos pays les moyens de l’épanouissement, du développement d’entreprises familiales agricoles, économes en énergie, donnant du travail à beaucoup et nourrissant de plus en plus, vous aurez manqué l’occasion qui vous est offerte. N’acceptez pas, sans y réfléchir à deux fois, que les plantations se multiplient, comme elles se multiplient dans le monde entier. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 25 Je terminerai par là. Il y a trois milliards de paysans dans le monde. Il y en a huit cents millions en Chine. Il y a chaque année vingt-trois millions de Chinois qui quittent la campagne pour aller en ville, alors que les usines débauchent et que l’on ne sait plus quoi faire de cette main-d’œuvre dont on n’a plus guère besoin. Il y a des Etats, la Russie, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, dont les terres étaient collectives et qui les afferment à des conditions défiant toute concurrence à de grandes compagnies, par hasard américaines, pour qu’elles constituent de grands ensembles, capables d’aller sur le marché mondial. Prenons-y garde. On peut imaginer techniquement un monde nourrissant le monde (mais c’est difficile) à partir de quelques millions de fermes dotées chacune de quelques dizaines de tracteurs et de moins d’ouvriers. A l’opposé, il nous faut imaginer, en Afrique comme ailleurs, une agriculture familiale car elle est protectrice de l’environnement, elle crée autant de richesses que l’autre et permet que les déséquilibres démographiques qui menacent le monde soient moins grands qu’ils ne le seraient. Voilà ce qu’un vieil homme peut dire au gré de soixante ans d’expérience et de connaissance de l’Afrique et d’une crainte, qu’une fois encore, une occasion soit manquée. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 26 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention d’Erik ORSENNA, écrivain, membre de l’Académie française, vice président de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) 29 novembre 2006 Je vais être bref. Je voudrais vous dire trois choses. La première concerne le rendez-vous extrêmement important entre l’Union Européenne et les pays ACP. Les négociations des Accords de partenariat Economique (APE) définiront le cadre des vingt prochaines années. Des personnes ne voudront pas y participer. Soit. Notre position, à nous à FARM, sera, bien évidemment, d’y assister. Nous ferons tout, aussi, au travers de cette fondation pour aider ces négociations, aider à préparer ceux qui souhaitent y participer. Beaucoup des actions possibles vont être déterminées pendant cette période. Mais, immédiatement, se pose la question de savoir pourquoi faut-il se laisser contraindre à un rythme et un ordre du jour ? Pourquoi entrer dans ces négociations ? Pourquoi se précipiter joyeusement dans la seringue ? La réponse est le commerce bien sûr. Je voudrais qu’à l’occasion de ces négociations nous nous posions quelques petites questions gênantes. Par exemple, s’il y a des règles du jeu qui sont définies, que se passe-t-il quand des Etats ou des groupes d’Etats ne les respectent pas ? Nous avons vu cela avec l’OMC, à quoi sert de déterminer comme illégales un certain nombre de règles, de mesures ? Cela ne sert à rien. Donc à quoi servent des négociations commerciales ? Il s’agit là de ma première question. J’en aurai une autre à vous soumettre. De quoi faisons-nous commerce ? Nous faisons commerce de matières premières agricoles. Mais, le cadre de ce commerce est une autre matière première, la monnaie. Personne n’aborde les questions monétaires, comme si le commerce mondial est hors monétaire. J’ai été élevé dans la passion de l’Europe qui a été fondée sur deux éléments concrets : la PAC et le système monétaire européen, qui est un élément de vraie volonté. Or, maintenant, nous avons retiré la monnaie du cadre politique. Nous nous trouvons dans une situation invraisemblable où les pays les plus nécessiteux de la planète sont reliés, via le CFA, à la monnaie la plus surévaluée de la planète, l’euro. De plus avec la politique de l’euro très fort qui est celle de la Banque centrale européenne on ne peut prévoir aucune amélioration. Cette politique de l’euro fort est destinée à lutter contre l’inflation. Mais où est l’inflation ? A quoi sert de se battre des années pour des règles commerciales qui sont premièrement bafouées et deuxièmement remises en cause par des manipulations monétaires ? Il faut avoir soit de l’aveuglement soit un sens de la bataille ancré en soi pour continuer. Autre point à interroger dans ce qui accompagne le commerce. Pourquoi les négociations qui s’ouvrent en ce moment ont moins d’écho que les négociations des conventions antérieures ? Dans ces dernières, le commerce était présent, certes, mais il y avait d’autres éléments qui l’accompagnaient tels les mécanismes de stabilisation des cours, les mécanismes de lissage. En 1981, je rentrais dans le cabinet de M. Jean-Pierre Cot, pendant deux ans je me suis occupé d’un petit mécanisme beaucoup décrié depuis, le Stabex. Pourtant, le Stabex rendait des services. N’y aurait-il pas d’autres mécanismes de ce type pour accompagner des cours de matières premières qui sont des cours extrêmement instables ? En ce qui concerne l’instabilité, je voudrais que ne soit pas seulement traitée celle des cours, mais que soit également abordée l’instabilité monétaire. Grâce aux études de Reynald Evangelista, nous savons clairement que la situation du paysan qui cultive le coton est meilleure avec un cours de 55 cents de dollar et un taux de change de 1,15 dollar pour un euro, qu’avec un cours, comme aujourd’hui, de 58/59 cents de dollar et la parité actuelle entre euro et dollar. A quoi cela sert-il de ne pas aborder cette question centrale ? Cela fait montre d’un aveuglement et d’une impuissance généralisée. Dernier point, j’aimerais que la réalité des paysans soit plus débattue. Qui sont les paysans ? Ceux sont des personnes qui nourrissent d’autres personnes. Les personnes qui auront besoin d’être nourries seront de plus en plus nombreuses. Comme Edgard Pisani l’a souligné, dans son intervention précédente, il existe deux tabous, un monétaire et un autre démographique. Qui nourrira la population en Afrique, population amenée à doubler dans les prochains vingt-cinq ans ? Toujours les paysans, et qui seront-ils ? Les paysans du Nord avec leurs exportations massives ou les paysanneries du Sud avec un soutien nécessaire ? Car il n’existe aucune paysannerie, de par le monde, qui ne soit soutenue. Je voudrais clore ce tout petit exorde en vous disant que chez nous les paysans seront toujours soutenus, d’une manière sans doute vouée à changer. Pourquoi un tel soutien ? Parce que le paysan, et ce dans toutes les sociétés, est toujours un garant d’une certaine identité, d’un certain équilibre des civilisations. Pour nous, il représente un enjeu lié à une part économique croissante et aux problématiques environnementales et énergétiques. Dans le Sud, le paysan n’est pas une question d’identité ou d’équilibre, il est une question de survie. Je vous remercie. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 28 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention d’Ibrahim Assane MAYAKI, directeur exécutif de la Plateforme en Afrique de l’Ouest et du Centre, ancien Premier ministre du Niger 29 novembre 2006 Je remercie FARM de m’avoir invité à ce colloque. Il a suscité des débats très vifs sur des questions d’actualité, qui, je suis convaincu, auront une suite. Je suis responsable d’une plateforme en Afrique de l’Ouest et du Centre. Sa finalité est d’apporter une assistance dans la définition des politiques agricoles, de renforcer les capacités des organisations de producteurs, des organisations paysannes et d'organiser le dialogue politique sur des questions de développement rural. La plateforme est formée d'un groupe d’experts travaillant sur les marchés, la compétitivité, le foncier et les politiques agricoles. Dans l’équipe, en réalité, je suis le seul qui ne soit pas un expert. A la lumière de ce colloque et du thème traité, j’avais demandé à mes experts de faire un exposé en adéquation totale avec le sujet. Après les deux journées de débats auxquelles j'ai assisté, j’ai décidé de refondre mon intervention afin d'apporter une réelle valeur ajoutée. Dans sa mission « dialogue politique », la plateforme a organisé deux grands ateliers sur les APE en Afrique de l’Ouest et du Centre. Y ont assisté les fonctionnaires des ministères de l’Agriculture et du Commerce de la région, les représentants des organisations de producteurs et les représentants du secteur privé. Au départ, nous les avions définis comme des « ateliers de sensibilisation » avec une présentation introductive faisant le point sur les APE. Ces ateliers regroupaient, chacun, plus de cinquante personnes. Nous avons eu la surprise de constater que la partie introductive prit plus de temps que prévu, car le niveau d’information, de connaissance des particularités et de la complexité du sujet était relativement faible. A partir de ce constat, nous nous sommes interrogés sur deux points : le degré d’internalisation par les différents acteurs de cette question essentielle qui impose des délais très courts et le niveau de préparation technique sur le processus de négociation. Ce questionnement nous a amené à nous interroger sur les structures des participants, à enquêter sur les déficits d’information et sur le niveau faible de préparation malgré les efforts fournis par la CEDEAO, de l’UEMOA et d’autres. Pour trouver une réponse à ces questions, il est nécessaire d’établir brièvement le contexte historique. Au cours des années 1960/1970, nous avons assisté, au sein des administrations publiques de l’Afrique de l’Ouest, à la mise en place de ministères de Planification relativement bien structurés qui ont établi des perspectives décennales et des plans. L’Etat avait le monopole de la réflexion sur le développement. Durant cette période, il orientait avec des formes d’assistance technique, tout en conservant le monopole de la définition des politiques publiques. Pendant les années 1980/1990, avec l’échec des politiques antérieures, ont été mises en place des mesures d’ajustement structurel. Celles-ci ont conduit à la totale déstructuration de l’Etat, à la disparition des ministères du Plan et à l’affaiblissement considérable des systèmes d’information. La priorité n’était plus le « développement », mais « l’ajustement » avec ses propres réseaux et structures. Le monopole de la définition du développement est passé de l’Etat aux institutions financières internationales et aux différents bailleurs. Donc, la capacité à formuler des politiques publiques à l’intérieur des systèmes administratifs a été affaiblie. A la suite de l’évaluation des mesures d’ajustement structurel et des différentes initiatives concernant les réductions de la dette, nous avons abouti aux stratégies de réduction de la pauvreté. Il y a eu un glissement sémantique des plus visibles. Nous sommes passés du « développement » à « la réduction de la pauvreté ». Cette « réduction de la pauvreté » se fait avec des systèmes administratifs fortement affaiblis et un accompagnement par des mesures visant la participation des différents acteurs. Tout cela constitue le cadre de référence actuel de l’essentiel de nos politiques publiques. En essayant de voir dans quelle mesure les stratégies de réduction de la pauvreté définis en Afrique de l’Ouest et du Centre intégraient les débats et les anticipations relatifs aux APE, nous nous sommes rendus compte que la question avait été très peu abordée. De plus, dans la plupart des processus participatifs devant conduire à la définition des stratégies de la réduction de la pauvreté, la question relative aux APE était presque passée sous silence. Ainsi, les systèmes producteurs de ces politiques ne s’étaient pas eux-mêmes préparés à intégrer cette donne. Cela montre le niveau de préparation qu’il pouvait y avoir par rapport aux processus de négociation. Il est important de souligner cet aspect de la réalité. Car souvent, nous imaginons que les systèmes de production de politiques publiques sont rodés sur des bases vérifiables, que les processus sont cohérents, que les politiques sont rationnelles et qu’il y a les ressources humaines adéquates etc. Mais nous nous fourvoyons. Nous nous concentrons alors sur le contenu d’un certain nombre de politiques qui sont dérivées de multiples études effectuées à gauche et à droite et réchauffées, en oubliant le processus qui a amené la définition de ces politiques publiques et qui comporte en lui-même des déficits importants. Tant que nous n’aurons pas mis l’accent sur les déficits relatifs aux processus de définition des politiques publiques, nous aurons toujours les résultats que nous voyons de manque d’information sur le sujet, de préparation inadéquate etc. Alors, pour toucher la question des APE, il faut noter que dans ces ateliers la participation a permis d’aboutir à un certain nombre de points de consensus, quasi global, par rapport aux axes de négociation qui devaient être privilégiés par nos négociateurs. Principalement, il s'agissait de l’augmentation du TEC (tarif extérieur commun) des produits sensibles, de l’application de ce TEC jusqu’en 2020, accompagnée d’un bilan au terme de ces années, tenant compte des différents cercles de compétitivité. Le consensus a aussi porté sur la négociation d’un volet de développement suffisamment conséquent permettant d’appuyer l’intégration régionale et renforçant les capacités productives existant dans la région. A l’intérieur de ce triangle, se retrouvent la plupart des idées qui ont été émises sur la manière de stimuler le processus de négociation. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 30 J’aimerais revenir aux questions de contextualisation. En organisant ces ateliers sur les APE, nous avons eu une deuxième surprise lors de ces ateliers. Les représentants des organisations de producteurs ne sont pas les moins informés, les moins préparés. Sur ces vingt dernières années, le changement est spectaculaire. Il y a vingt ans, il était quasiment impossible de rencontrer, dans des processus participatifs liés à la définition de politiques publiques, des représentants d’organisations de producteurs. Aujourd’hui, et nous en avons un exemple flagrant dans cette salle, les producteurs ont une belle représentation. Ils ont émergé au travers d’un certain nombre de mécanismes, ils sont présents. Ce qui est significatif dans leur comportement est qu’ils n’intellectualisent pas leurs discours. Leur priorité est la défense de leurs intérêts. Là réside le changement. Les politiques publiques peuvent penser rationnellement, avec des étapes, des conditions... mais elles sont aussi le produit de rapports de force entre des acteurs qui ont des intérêts distincts. La présence de ces organisations de producteurs, agissant pour la défense de leurs intérêts, est une donne nouvelle, coïncidant de manière singulière avec le processus de négociation des APE. Quel que soit le scénario retenu, ces agriculteurs, qui représentent une part très importante de nos populations, s’organisent de mieux en mieux en vue de la défense de leurs intérêts. Ils essayent de faire face aux problèmes de structuration. Mais leur présence est un point essentiel sur ces questions là. Ce n’est un secret pour personne que des chefs d’Etat ou des membres de gouvernement demandent aux représentants des organisations de producteurs de dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Ainsi, la configuration du système de décision publique change. Nous sommes passés d’une période de certitude où l’Etat avait le monopole de la définition des politiques publiques à une autre période où la Banque mondiale et le Fonds monétaire international avaient le monopole de la définition des politiques publiques. Aujourd’hui, nous sommes dans une période où il n’y a plus de monopole et où existe un flou paradigmatique valant pour les Etats et les bailleurs. Cette dernière période est le témoin de l’émergence d’un corps organisé, parfaitement conscient de ses intérêts et qui cherche à les pousser. Je vous remercie. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 31 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention de René CARRON, président de Crédit Agricole S.A. et de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) 29 novembre 2006 Monsieur le Ministre, Je suis heureux de vous accueillir au nom des organisateurs et de l’ensemble des participants de ce colloque. Je vous remercie d’avoir accepté de consacrer de votre temps à la clôture d’une manifestation qui a réuni pendant trois jours près de quatre cents personnes. Je ne vais pas tirer les conclusions de ces trois journées, pour deux raisons. La première, je n’ai malheureusement pas pu participer à la totalité des travaux, la seconde, je sais que votre temps est compté. Cette réunion qui a rassemblé des experts, des agriculteurs et des négociateurs, a été très intéressante. Je sais qu’elle a donné lieu à des débats clairs et engagés. Ils nous ont offert des éléments qui nous permettront d’avancer ensemble. J’ai noté également, en ce qui concerne les Accords de Partenariat Economique (APE) entre l’Union européenne et l’Afrique, qu’il y a eu des confrontations d’opinions cordiales et franches entre les agriculteurs africains, qui pensent que ce n’est pas possible, les négociateurs, qui estiment qu’il faut laisser du temps au temps, et une Union Européenne, qui a la volonté d’engager les moyens permettant ces accords. Quelles que soient les orientations qui seront prises, FARM et les associations agricoles françaises seront aux côtés de nos amis africains pour aboutir à une réelle avancée sur le plan agricole. Le débat qui était le vôtre recouvre de grands enjeux. Il est normal qu’il nécessite du temps pour parvenir à autre chose que de simples ajustements. Il est ici question de politique nouvelle, alors, sachons prendre du temps … pour construire dans la durée. Cela représente une exigence qu’il faut savoir respecter. Pour être comme ceux qui parmi vous, de par leurs responsabilités, voient ce monde changer, bouger et évoluer plus vite que nous pouvons même l’imaginer, je pense qu’il y a des attitudes qui s’imposent à nous. La première, ce fut la vôtre aujourd’hui, et nous devrions tous l’avoir, c’est d’être capable d’écouter. Ecouter non pas pour contester, pour polémiquer ou pour affirmer la supériorité de telle ou telle culture, de telle ou telle politique sur l’autre, mais pour comprendre. Comprendre, c’est le premier pas vers le respect de l’autre, c’est aussi à ce prix que nous pourrons bâtir ensemble un tronc commun de pratiques ou de cultures à côté de nos cultures originelles. Je sais que le plus grand frein à l’écoute ce sont nos certitudes. Certitudes qui peuvent être liées à la caste, parfois aux diplômes ou aux organisations dont nous avons posés comme postulat qu’elles étaient meilleures que les autres. Sachons contraindre nos certitudes et faire montre d’un peu d’humilité … Ce dont je suis certain, là où je suis, au regard de mon histoire, de mon expérience, de ma culture, et peut-être de mes valeurs morales, c’est qu’il existe un champ du possible, hors duquel les choses sont illusoires … C’est en sachant confronter, exposer son expérience au regard des autres, qu’ensemble nous serons capables de construire, et de le faire dans le respect de la diversité … Ne passons pas trop de temps à vouloir réduire nos différences, sachons simplement unir nos volontés pour construire ensemble. Le temps fera le reste …. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 34 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention de Bernard PETIT, Directeur Général Adjoint au Développement de la Commission européenne 29 novembre 2006 Je vous remercie de me donner l’opportunité de partager avec vous quelques réflexions sur les Accords de Partenariat Economique (APE) dont vous avez débattu pendant ces trois sessions de rencontres. Je ne le ferai pas dans une perspective d’universitaire, de chercheur ou de spécialiste des questions commerciales mais, dans une perspective de « développeur », puisque j’ai passé trente années de mon existence professionnelle au service du développement. Je me permets cette remarque car les discussions, voire les divergences, que vous avez exprimées cet après-midi, existent au sein de la Commission européenne, soyez-en certains. J’ai les mêmes discussions passionnées, parfois émotionnelles, avec mes collègues de la Direction générale du commerce, mais surtout avec mes collègues de la Direction générale de l’agriculture. Il n’y a pas de pensée unique, non plus, au sein de la Commission. Cette question des Accords de Partenariat Economique a été très controversée pendant la négociation de l’accord de Cotonou. Les mêmes critiques continuent à se développer depuis l’ouverture des négociations avec les six régions Afrique Caraïbes et Pacifique (ACP). Ces critiques proviennent, pour un certain nombre, des Etats ACP, mais elles sont, également, exacerbées par des organisations non gouvernementales et une partie du monde académique qui expriment une opposition générale à la libéralisation et, plus globalement, à la mondialisation. Il est impératif d’écouter ces critiques, de ne pas être dogmatique, de prendre en compte les préoccupations des uns et des autres, de dialoguer avec eux et non pas d’aller vers la confrontation ou de rester figé sur des positions tranchées. Plutôt que de m’engager dans un débat rhétorique, même émotionnel, sur cette question, je voudrais, de façon plus pragmatique, partir d’un constat et en tirer une démarche et voir quelles sont les conditions pour que cette démarche soit assurée de succès. Le constat quel est-il ? Depuis trente ans, les pays ACP ont bénéficié de préférences unilatérales sur le marché communautaire qui, au fil des années et des engagements multilatéraux, se sont érodées et n’ont favorisé ni la production, ni la diversification, ni l’accroissement des exportations. Au contraire, les pays ACP ont perdu des parts sur le marché communautaire au profit de leurs concurrents d’Asie ou d’Amérique latine qui ne bénéficiaient pas des mêmes préférences. Le constat met en lumière, également, deux autres éléments. Premièrement, les investissements directs étrangers ne se tournent que très peu vers l’Afrique - qui n’en reçoit environ que 2 %. Deuxièmement, les préférences unilatérales des conventions précédentes n’étaient plus compatibles avec les règles de l’OMC. Ce constat, les négociateurs de Cotonou l’ont fait et, malgré les doutes, malgré les incertitudes, malgré les craintes, ils ont choisi la démarche des APE. Leur objectif, à ce titre, n’est pas la création de zones de libre échange, au sens stricte du concept, dans lesquelles l’Union européenne aurait des intérêts offensifs ou agressifs à l’égard des marchés ACP. L’objectif est avant tout « développemental ». Il est, d’abord, de faciliter, d’appuyer l’établissement de marchés régionaux plus grands, plus performants, plus dynamiques avant de développer les échanges commerciaux entre les régions ACP et l’Europe. Les perspectives les plus immédiates en matière de commerce se trouvent dans les régions ACP et, paradoxalement, c’est là que se trouvent les obstacles les plus importants au commerce. L’intégration régionale, nous pensons, peut contribuer à stimuler les échanges et la croissance économique. L’intégration régionale, par ailleurs, va bien au-delà de considérations économiques; elle est la clef de la paix et de la stabilité dans une région et est donc un préalable au développement. Il s’agit là d’un domaine où l’Europe peut proposer une expérience, un savoirfaire, sans comparaison. Les APE sont un élément déterminant de cette équation. Ces accords ne sont pas un objectif en soi. Le véritable objectif de cette démarche est de promouvoir le développement durable pour éradiquer la pauvreté. En effet, des marchés régionaux plus grands, plus dynamiques attireront de nouveaux investissements privés. Mais pour attirer les investissements privés il est nécessaire d’offrir aux investisseurs un environnement réglementaire qui soit plus sûr, plus prévisible pour l'activité des entreprises. En Afrique, il faut en moyenne soixante-quatre jours pour créer une entreprise, il faut dix-huit signatures pour exporter un produit - il n’en faut que trois pour les pays de l’OCDE… Je pourrais continuer longtemps cette litanie d’exemples qui constituent autant de maux qui freinent le développement. Les APE ont l’ambition de constituer une réponse à cette situation. Mais, avant de former ce que la Commission appelle « un véritable outil de développement », deux conditions, au moins, sont à satisfaire : l’accès au marché dans les deux sens et le financement, l’appui financier à apporter à ce processus. En ce qui concerne l’accès au marché, je connais la position des pays ACP qui ont très clairement exprimé leur désir d’avoir un accès sans restriction au marché communautaire, en d’autres termes d’avoir un élargissement à tous les pays ACP de l’initiative que Pascal Lamy avait créée, « Tout sauf les armes ». A cet égard, il existe des discussions parfois animées au sein de la Commission. En tant que développeur, il n’y a, pour moi, pas d’alternative. Si l’ambition de mise en œuvre d’accords de partenariat économique est réelle, il faut que pour tous les pays ACP, PMA ou non, soit mis en place un accès sans restriction au marché européen. Naturellement, ce n’est pas suffisant. Les tarifs sont importants. Cependant, aujourd’hui, les normes, les standards sont un élément aussi, sinon plus, important. Ils nécessitent à cet égard un appui sans réserve de l’Union européenne. Mais qu'en est il de l’ouverture par les Etats ACP de leurs marchés aux exportations européennes ? Il s’agit là d’un domaine sur lequel la Commission a donné, depuis longtemps, des assurances. Les APE seront mis en œuvre avec toute la flexibilité requise. Voyons ce que cela signifie concrètement. Dans l’état de la négociation, il s’agit d’engagements politiques mais concrètement il faudra négocier sur ce que signifie cette flexibilité, j'invite les partenaires ACP à le faire. Nous n’attendrons pas que les régions ACP ouvrent complètement leurs marchés aux exportations européennes. Cette libéralisation sera mise en œuvre de façon asymétrique avec de longs délais de transition. Que veut dire "longs délais"? Douze, quinze, vingt ans? Cela doit faire partie de la négociation. Il est aussi impératif de protéger les industries Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 36 naissantes, les secteurs sensibles pour l’activité économique des pays concernés et les producteurs de ces pays. Nous n’allons pas ouvrir immédiatement ces marchés et soumettre ces produits sensibles à la concurrence plus large. Enfin, l’Union européenne doit se montrer ambitieuse et généreuse à ce sujet. Il faudra aussi bien traiter dans le cadre des négociations APE, la situation de produits européens bénéficiant de subventions à l’exportation et qui pourraient introduire une concurrence parfaitement déloyale dans l’échange entre l’Europe et les pays ACP. Pour l’instant, cette question, qui est fondamentale, n’a pas fait l’objet d’un mandat à la Commission. En tant que développeur, je me battrai sur ce point. Nous savons que les APE doivent être compatibles avec les règles de l’OMC et, à cet égard, des engagements politiques ont été pris par le commissaire Peter Mendelson et le commissaire Louis Michel. Tous deux vont défendre avec force, à l’OMC, la flexibilité dans le processus de libéralisation. Abordons maintenant la question des financements. Il s’agit là d’un sujet important et sensible. Il est clair que les pays ACP auront besoin d’une aide substantielle pour renforcer leurs capacités et s’adapter, à la fois, à l’intégration économique et au nouveau régime commercial proposé, pour développer leur capacité de réponse et financer le coût de l’ajustement. Outre la mise en place d’une aide financière, les APE ne seront pas réussis si l’agriculture continue à être délaissée comme cela a été le cas depuis des décennies. Les niveaux d’aide à l’agriculture ont continuellement décru depuis vingt ans. Pourquoi ? Il est sans doute plus gratifiant aux yeux de son opinion publique de favoriser l’éducation et la santé. De surcroît, l’agriculture est un domaine extrêmement difficile à traiter. Les processus sont longs et comportent énormément de composantes. Ainsi les donateurs s’en retirent. Même la Commission européenne n’a consacré qu’entre 3 et 5 % de ses financements à l’agriculture dans le cadre du Fonds Européen de Développement (FED) précédent. Si les donateurs ont une responsabilité importante, la responsabilité première incombe aux pays ACP eux-mêmes qui n’ont pas fait de l’agriculture leur première priorité alors que 70 % des pauvres vivent en milieu rural. Il faut donc opérer un changement de tendance très net. Si l’agriculture n’est pas remise au niveau des priorités, qui devrait être le sien, les APE sont voués à l’échec. Le concept des APE ne peut pas être, également, désolidarisé de l’accord de Cotonou et du FED, comme s’ils poursuivaient un objectif de développement qui leur serait propre. C’est la raison pour laquelle, au niveau de la Commission, nous avons décidé que l’enveloppe régionale du prochain FED – environ deux milliards d’euros - soutiendrait, intégralement, ce processus, en couvrant les deux dimensions du programme : d’une part la maximisation des avantages à tirer du commerce et, d’autre part, l’intégration régionale. Mais naturellement ceci n’est pas suffisant. Au-delà de ce que fait la Commission avec les ressources qu’elle gère, c’est l’Union européenne, dans son ensemble, qui doit soutenir les APE. Le Conseil des ministres de l’Union européenne l’a confirmé avec clarté. Il a décidé, le mois dernier, qu’une part très substantielle de l’aide bilatérale des Etats membres serait consacrée aux APE. C’est environ un milliard d’euros par an que les Etats membres se sont engagés à mettre à la disposition de l’aide au commerce à partir de 2010. Nous ne pouvons qu’applaudir un tel engagement politique. Il faut, maintenant, le traduire concrètement dans la réalité pour aboutir à une vision commune combinant la volonté des pays ACP de Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 37 mener les réformes politiques nécessaires et le soutien fort et sans réserve de l’Union européenne d’accompagner ces réformes. Souvent est évoquée la notion d’alternative aux APE. Existe-t-elle vraiment ? Est-elle valide et offre-t-elle les mêmes bénéfices que les APE ? La Commission, et ce point est présent dans l’accord de Cotonou, a toujours considéré qu’elle examinerait toute proposition à cet égard. Mais que pouvons nous envisager qui serait compatible avec l’OMC ? Pour les PMA la situation est simple, puisqu’ils ont tous le bénéfice du « Tout sauf les armes », ils pourraient continuer à en bénéficier. Pour les pays non PMA, l’alternative sera d’être intégrés ou d’avoir accès au système de préférences généralisées. Mais ce système offre moins d’avantages que l’accord de Cotonou actuel. Dans les deux cas, en ce qui me concerne, les pays ACP perdraient la sécurité, les règles, le renforcement de l’intégration régionale, l’accès à des marchés régionaux plus grands plus dynamiques. Je ne pense pas non plus que cela puisse constituer un modèle de développement à plus long terme. Certains partagent le sentiment qu’il n’existe pas d’alternative, mais ces mêmes personnes, ces mêmes Etats poussent à étendre le délai de négociation et donc à solliciter une nouvelle dérogation à l’OMC. Mais, ils ne peuvent ignorer qu’une telle dérogation est extrêmement difficile à obtenir, parce qu’il y a, à l’OMC, de nombreux pays en développement. Certains, même plus pauvres que les pays ACP, rejettent les avantages accordés à ces pays, car ils voient en eux une forme de discrimination. Mais, supposons qu’une telle dérogation soit accordée. Le prix à payer serait très élevé en terme d’une nouvelle érosion très substantielle des préférences dont bénéficient actuellement les pays ACP. Pour conclure, je soulignerai que la Commission, dans sa diversité, est consciente des difficultés, des contraintes, auxquelles doivent faire face les administrations des pays ACP et les régions dans les pays ACP. S’engager dans une nouvelle démarche, quelle qu’elle soit, crée, toujours, des réticences et des résistances d’appareils qui sont compréhensibles. A mon avis, cette négociation a été trop politisée, voire trop dogmatisée. Naturellement, il est possible de disserter à l’infini sur le sexe des anges. Vous vous souvenez que les Romains écrasaient des perles fines dans l’ambroisie en pensant devenir éternels, tandis que les Barbares trépignaient d’impatience aux pieds de la ville éternelle. On pourrait dire des APE ce qu’Alain, le philosophe, disait du théâtre : « Le tragique est dans l’attente, pas dans la catastrophe ». Il faudrait aujourd’hui un peu moins d’idéologie et un peu plus de bon sens de part et d’autre. J’espère que les rencontres, comme celle à laquelle nous participons à l’heure actuelle, oeuvreront dans ce sens. Je vous remercie. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 38 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention de Soumaïla CISSE, président de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Afrique (UEMOA) 29 novembre 2006 Je voulais commencer par une profession de foi et m’exprimer avec sincérité. Nous sommes ici pour parler franchement les uns avec les autres. Sans honnêteté, il n’y aura pas de solution aux APE. Je suis un fils de paysan. Parce que mon père a eu la chance d’aller à l’école, (ce qui ne fut pas le cas de ses frères et sœurs), j’ai eu, moi aussi, la chance d’y aller. Je suis issu d’un village où, à mon enfance, vivaient plusieurs centaines de personnes. Aujourd’hui, mon village s’est vidé. Il y a une école de six classes que j’essaie tant bien que mal d’aider en envoyant des livres scolaires. Pourquoi un tel vide ? Tout le monde aspire à l’électricité, à l’eau potable, en somme, tout le monde aspire à s’installer en ville. L’aspiration des paysans, ce n’est pas de rester indéfiniment paysans. Quelle agriculture voulons-nous pour demain ? Je n’ai rien à reprocher aux ONG, mais savez-vous quelle est l’agriculture type ONG ? Exploitation de type A, exploitation de type B, de type C, telle culture parce que le sol est ainsi, culture bovine ou asine parce que le sol est comme cela, etc. Mais, ce n’est pas cela l’avenir ! L’avenir repose sur une agriculture moderne, plus compétitive, plus performante. Au Mali, j’ai travaillé pendant huit ans dans une entreprise cotonnière : la CMDT [Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles]. Le rendement était de 1400 kg/hectare, aujourd’hui, il est à peine de 900 kg/hectare La productivité a terriblement baissé. Quelle est notre vision de notre agriculture ? Quelle est notre vision de notre monde rural ? Allonsnous contribuer à maintenir 70 % de nos concitoyens dans le monde rural ? Nous avons rompu avec l’ancien système étatique. Aujourd’hui, nous avons des Etats différents. Il faudrait, alors, également rompre avec le mode de production actuel. Nous avons des méthodes traditionnelles et nous sommes dans un monde moderne. Il y a une rupture entre les forces productives et les rapports de production. Cette question est fondamentale, et si elle n’est pas réglée, nous ne pourrons pas avancer. Au niveau des élevages, il y a le même problème. Vous avez des vaches qui produisent un litre de lait par jour. Vous avez un éleveur qui est fier parce qu’il a trois cents têtes de bétail. Il passe sa journée derrière ses bêtes, allant de pâturage en pâturage. Mais comment gagne-t-il sa vie ? Il ne vend pas son lait, il ne vend pas la viande de ses vaches. Il se croit riche mais il ne l’est pas. Comment pouvons-nous arrêter cette manière de penser ? Comment régler ce problème ? Certainement pas en nous plaignant. Je suis convaincu que même dans un pays comme la France, en passant du quai d’Orsay à celui de Bercy, il est impossible de régler ce genre de problème. Pour ce faire, il faut s’adresser directement aux entreprises. Je suis allé en Bretagne, qui est la première région européenne en agro-alimentaire. Elle est plus riche que toute l'UEMOA, c’est-à-dire les 8 pays de notre Union, réunis. Ses agriculteurs produisent quatre milliards et demi de litres de lait. Ils viennent de relancer, avec leur secteur privé, le lait en Algérie. Ce sont des gens comme cela qui nous intéressent. Le 22 janvier 2007, ils seront à Ouagadougou puis à Cotonou. L’année prochaine, ils seront à Dakar et à Bamako. Soixante entreprises seront présentes. Elles ne viennent pas nous faire la charité, elles viennent pour faire des affaires avec leurs homologues. Ce sont de tels rapports qu’il faut instaurer, des échanges, comme il est dit maintenant « gagnant/gagnant ». Il faut que les producteurs s’associent. Là, dans de telles associations, se trouvent les occasions intéressantes. Je viens de Lomé, j’étais avec les représentants de soixante entreprises chinoises de différents secteurs. Nous leur proposons de venir travailler avec nos entreprises. Sur les APE, ce qui est important pour nous, c’est notre capacité de négociation. Et celle-ci est faible Dans le sigle « APE », la lettre la plus importante est le « A » pour « accords ». La FAO demande : quel en est l’objectif ? L’objectif est un accord qui sera signé. Quelle est l'alternative aux APE ? Si les APE ne sont pas signés, qu’est-ce que cela va vraiment changer pour nous en Afrique ? Les échanges à l’intérieur de nos régions représentent 12 à 13 % et le reste des échanges se réalise avec l’Europe, de façon générale. APE ou pas, nous achetons à l’extérieur, et ceci nous différencie de l’Union européenne. Nous sommes déjà dans un système qui est perverti, qui est réorienté vers l’extérieur. Les APE devraient améliorer cela et nous permettre d’avoir plus de chances d’accéder au marché. Nous avons insisté auprès de nos partenaires sur l’aspect du développement. Si celuici n’est pas au rendez-vous, même si les frontières sont ouvertes, il n’y a pas de pouvoir d’achat, et les gens ne commercent pas. Pour que le marché soit solvable, les gens doivent travailler. Ainsi, ils auront un revenu et un pouvoir d’achat. Les APE n’ont aucune chance de réussir si l’aspect développement est occulté, si dans les régions les plus pauvres, les entreprises ne sont pas remises à niveau et si les problèmes fiscaux ne sont pas réglés. La majorité de nos Etats tirent leurs principales ressources des droits de douane. Tant que les réformes à l’intérieur ne permettent pas de trouver des ressources fiscales internes, il n’y aura pas de solution, car les finances publiques des Etats s’écrouleront, et les situations ne seront pas soutenables. Les APE ne sont pas pour autant une camisole de force. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 40 Notre but dans notre zone est de continuer la dynamique qui existe, nous travaillons avec la société civile, avec le ROPPA et d’autres, en vue d’améliorer cela. C’est d’ailleurs peut–être pour cela que nous sommes un peu en retard, les autres disent qu’ils sont en avance, cela ne m’inquiète pas. L’important est de savoir ce que nous voulons. Nous allons par ailleurs préciser nos objectifs en décembre lors de la réunion à Ouagadougou avec nos chefs d’Etat et les Commissaires européens. Quand nous parlons de développement, de transitions fiscales, de mise à niveau des entreprises, parlons-nous exactement de la même chose ? Parlons-nous le même langage ? Je n’en suis pas convaincu. En ce qui concerne l’agriculture, je suis d’accord avec le ROPPA. S’il y a un problème avec les tarifs extérieurs, il faut le régler. Mais, avant, notre tarif extérieur commun, nos tarifs extérieurs étaient plus élevés, et pourtant notre agriculture n’en a pas profité. Les problèmes de fiscalité ne suffisent donc pas à impulser les investissements. Il doit y avoir certainement d’autres critères, peut-être plus attrayants psychologiquement. Il y a la vision de ce qu’il faut et celle de ce qui se passe au quotidien, que les pouvoirs publics se doivent de régler sans attendre que leur vision à long terme soit concrétisée. Il y a deux aspects que Erik Orsenna a soulevés, notamment celui de la démographie. J’aimerais y revenir. Avec une démographie galopante, il y a automatiquement une pression sur la production agricole. S’il y a une pression, il y aura une pression des consommateurs et une pression en faveur de l'importation de produits alimentaires moins chers. L’agriculture doit donc sortir de sa dépendance et être beaucoup plus productive. Si elle est beaucoup plus productive, elle libérera des bras. Il y a deux aspects sur lesquels il faut travailler. La démographie d’un côté, et d’un autre la transformation de l’agriculture, pour que les bras qui vont se libérer n’aillent pas en ville, ne connaissent pas le chômage, ne traversent pas la Méditerranée, ne viennent pas ici. J’ai une belle phrase qui a été dite à Bruxelles : « Pour l’Afrique, continuer d’exporter des matières premières est la plus mauvaise des gouvernances. La matière première vendue au Royaume-Uni à un dollar le kilo, revient à l’Ouganda, après transformation, à 15 dollars le kilo. Qui aide qui ? Je considère que c’est l’Ouganda qui subventionne votre café. Il en est de même pour le coton. Aujourd’hui, les Chinois veulent des matières premières d’Afrique. L’exportation de matières premières doit être incluse dans les critères de mauvaise gouvernance. » Nous devons avoir une agriculture qui soit plus prospective. Aller à un niveau de transformation suffisant pour pouvoir absorber cette main d’œuvre supplémentaire. Nous n’avons pas besoin de 70 % de la population pour nourrir l’Afrique. Il faut œuvrer dans ce sens et pour ce faire, il faut agir sur la démographie, sur la transformation des matières premières et sur la productivité. Le deuxième aspect que je vais aborder, à l’instar de Erik Orsenna, est celui de la monnaie. L’exemple que je cite concerne la CMDT où j’ai travaillé. En 1994, cette société qui était la plus importante du Mali, qui réalise 15 % du PIB, 60 % des exportations a connu un déficit de 20 milliards de francs CFA. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 41 L’année suivante, la même société avait 20 milliards de bénéfice. Tout simplement parce que la monnaie joue un rôle de levier extraordinaire. Mais le problème est la bonne gestion de la monnaie. La parité fixe, unique dans le monde, entre l’euro et le franc CFA doit être bien gérée. Autrement, nous risquons les mêmes problèmes que la Guinée et le Zimbabwe avec l'inflation, qui est toujours néfaste aux plus pauvres. Il s’agit donc d’un couteau à double tranchant. Il faut savoir comment négocier. Nous bénéficions de la parité fixe, nous bénéficions de la garantie de convertibilité. Laquelle est la plus importante ? Nous faut-il les deux ? Ce débat appartient aux économistes et aux monétaristes. En ce qui concerne le tarif extérieur commun agricole, nous sommes ouverts à tout changement, ce débat ne sera pas difficile à conduire. Pour conclure, j’aimerais vous faire part de l’image tirée du livre de Hernando de Soto Le mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs ? Il utilise la métaphore de quatre aveugles rencontrant un éléphant. Le premier touchant la patte croit qu’il s’agit d’un arbre, le deuxième prenant la trompe pense qu’il s’agit d’un serpent, le troisième touchant la queue croit qu’il s’agit d’une corde, le dernier touchant les oreilles s’imagine qu’il s’agit de voiles. Cette histoire démontre que chacun est resté dans son coin. Pour résoudre les problèmes, il faut en faire une analyse globale. Il n’y a pas que le problème du commerce ou celui de l’agriculture, il y a aussi l'éducation, la santé, les infrastructures, la gouvernance, etc. S’il n’existe pas des services publics qui fonctionnent normalement, un Etat qui oriente les choses, il n’y a pas de résultat positif. Il faut faire ensemble les choses. Tout dernier point, je fais appel au philosophe français Edgar Morin qui dit que « dans une société en évolution rapide, l’important n’est pas l’expérience accumulée mais l’adhérence au mouvement ». Aujourd’hui, les choses bougent vite. Nous ne pouvons pas nous arrêter pour réfléchir à comment nos grands-pères se sont comportés ou miser sur les clichés. En agissant d’une telle manière, nous laisserons passer un train qui ne s’arrêterait plus. Merci beaucoup. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 42 « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » Colloque des 27, 28 et 29 novembre 2006 organisé par Notre Europe, Pluriagri et FARM Intervention de Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture et de la Pêche 29 novembre 2006 [Seul le prononcé fait foi] Monsieur le Président , cher René Carron, Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs, Mesdames, Messieurs, L’agriculture constitue un domaine stratégique, au carrefour d’enjeux aussi essentiels que la souveraineté des Etats, la sécurité alimentaire, l’aménagement des territoires et la protection de l’environnement. A ce titre, la connaissance de ces nombreux facteurs est un préalable nécessaire à l’action politique. La question que vous posez : « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » doit être aujourd’hui examinée par les Gouvernements, les think tanks (clubs de réflexion et de prospective), les institutions nationales, régionales ou communautaires, et les grandes organisations internationales. Ce temps de la réflexion est utile afin de mieux saisir les contraintes qui pèsent sur le travail agricole : l’instabilité chronique des marchés, l’évolution de la réglementation, les exigences venant de la société et le changement d’attitude des consommateurs, sont autant de défis à relever. De même, nous devons réfléchir à des formes de coopération agricole susceptibles de favoriser l’intérêt de tous, mais surtout des plus faibles. Les diagnostics que vous avez établis durant ces trois jours, en spécialistes soucieux de s’adresser à un public plus large, servent à préparer les propositions utiles et l’action politique. 1. L’enjeu des politiques agricoles au regard du calendrier Je me réjouis qu’à la suite des Assises de l’Agriculture, organisées au Conseil Economique et Social le 22 novembre, ce colloque vienne témoigner de la place qu’occupe la France en matière de prospective agricole. Le contexte nous invite à conduire ce type de travail : présidence de l’Union européenne par la France en 2008, accords de partenariat économique (APE) entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ces deux perspectives posent la question du renouvellement des modes de régulation installés depuis plus d’un demi-siècle. La négociation des APE doit aboutir début 2008. De notre côté, en Europe, un examen de la PAC interviendra en 2008 : d’intenses discussions sont au programme et nous voyons déjà poindre l’échéance de 2013. Nous avons une responsabilité particulière dans ce contexte : l’action politique doit être au rendez-vous, il faut anticiper. 2. Il ne peut pas y avoir de développement économique sans politique agricole. L’agriculture est une activité tout à fait spécifique qui se trouve, je l’ai rappelé à l’instant, au cœur d’enjeux essentiels pour l’humanité. Au croisement de nombreux champs d’action, l’agriculture remplit aussi des fonctions non marchandes (sécurité sanitaire, respect de l’environnement, structuration des territoires, etc.). L’équilibre de cette activité essentielle justifie l’intervention de la puissance publique en matière réglementaire, financière ou sociale. De plus, pour les pays en développement, le secteur agricole peut offrir une première réponse aux défis du développement économique, notamment lorsque l’on prend en considération le défi démographique. Une agriculture bien conduite déclenche un cercle vertueux : les progrès de la productivité agricole rendent possible l’investissement et l’emploi dans les activités non agricoles. La plupart des grands bailleurs de fonds et des instituts de crédit, y compris la Banque Mondiale qui l’avait longtemps oublié, reconnaissent que la modernisation de l’agriculture libère les ressources nécessaires au développement. Afin de définir une politique agricole, il convient d’agir sur plusieurs fronts et notamment sur celui de la stabilisation des revenus des agriculteurs. Cet enjeu est évident dans les pays du Sud, où la volatilité des prix mondiaux ruine par avance toute stratégie de développement à moyen ou long terme. Il n’est pas non plus absent dans les pays du Nord, avec par exemple les systèmes d’assurance récolte aux Etats-Unis ou au Canada, ou bien les dispositifs de sécurisation des revenus au sein de l’Union européenne. Vous connaissez à cet égard l’action déterminée que la France a menée pour compléter notre Politique Agricole Commune de dispositifs pertinents et efficaces de gestion des risques et des crises. 3. Dans les pays en développement, comme dans les pays développés, les politiques publiques ne doivent pas perdre de vue que le premier objectif de l’agriculture est celui de nourrir les hommes. La première fonction de l’agriculture est de nourrir les hommes. Or, près d’un milliard d’êtres humains souffrent aujourd’hui de malnutrition dans le monde. Les 3/4 des gens qui ont moins de deux dollars par jour, qui ont des carences alimentaires et qui meurent de faim, sont des ruraux, et bien souvent des paysans. Cette situation ne s’améliore guère : l’Afrique subsaharienne, qui était il y a une vingtaine d’années auto-suffisante, est maintenant importatrice nette de produits alimentaires. L’analyse des études prospectives internationales sur la sécurité alimentaire mondiale, diffusées au cours des années récentes, montre que le débat sur la sécurité alimentaire mondiale est toujours ouvert. Il demeure une réelle incertitude sur la capacité du monde à résoudre son équation alimentaire à l’échéance 20202030. Dans ce contexte, la nécessité de politiques agricoles régulatrices demeure. Toutefois, il est clair qu’elles sont différentes, selon qu’il s’agit de pays développés ou de pays en développement. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 44 Afin de résoudre l’équation alimentaire mondiale, des politiques agricoles volontaristes s’imposent. Cela vous a conduits, au cours des interventions et des discussions, à aborder la question de la concurrence entre les usages alimentaires et non alimentaires des productions agricoles. Si l’on prend l’exemple du développement des biocarburants en France, on peut estimer que 2 millions d’hectares seront nécessaires pour atteindre l’objectif de 7 % d’incorporation que nous nous sommes fixés. Il est important de mettre en place les conditions nécessaires pour que le développement des biocarburants ne se fasse pas au détriment des productions alimentaires. Aussi, chez nous, ce développement des biocarburants se fera par la remise en culture de jachères qui représentent plus d’un million d’hectare, et par l’utilisation de terres dévolues aux exportations, en raison des engagements internationaux pris par l’Union Européenne dans le cadre des négociations internationales. C’est dans cette direction qu’il nous faut je crois aller pour assurer un équilibre entre productions alimentaires et non alimentaires sur notre territoire. La production de biocarburants ne menace en rien nos besoins alimentaires. 4. Afin de répondre à ces différents objectifs et à ces différents défis, les pays du Nord comme ceux du Sud ont un droit légitime à revendiquer leur souveraineté et leur sécurité alimentaires. A mon sens, les Etats doivent rester pleinement souverains pour définir leurs politiques internes, pour autant que ces politiques ne créent pas de distorsions importantes de la concurrence et ne créent pas de grave préjudice aux autres économies. L’Union européenne a pris en compte ces principes lorsqu’elle a réformé la politique agricole commune (PAC), en réduisant très sensiblement la portée des mesures de soutien qui pouvaient porter tort aux pays en développement. De même, elle a accepté de supprimer les restitutions à l’exportation, en 2013, sous réserve d’un engagement parallèle de nos principaux concurrents. Une politique agricole souveraine, cela ne veut donc pas dire une politique agricole égoïste et indifférente, mais une politique qui répond à ses buts légitimes. Une politique agricole ne peut être jugée uniquement au regard de critères commerciaux ou purement juridiques. C’est bien ainsi qu’il faut comprendre les pouvoirs attribués à l’Organisation Mondiale du Commerce lors de sa création, ainsi que les limites de ces pouvoirs. Si cette Organisation est parfaitement fondée à définir des règles et des disciplines pour le commerce international, elle doit rester vigilante à ne pas empiéter sur des sujets qui ne relèvent pas de sa compétence, notamment les politiques visant à la sécurité alimentaire, ou celles qui visent à favoriser le développement des filières agricoles dans les pays pauvres. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 45 5. Le développement des capacités productives des pays en développement et la constitution de grandes régions agricoles sont les deux préalables à une plus vaste libéralisation des échanges. Face à l’ampleur des défis humains, économiques et sociaux auxquels sont confrontés les pays en développement, nous savons que les forces du marché ne suffiront pas pour atteindre les objectifs communs que la communauté internationale s’est fixés. Une libéralisation des échanges commerciaux sans garde-fous risque de créer des dommages considérables aux économies les plus fragiles. Dans le domaine agricole, on est en droit de s’interroger sur les conséquences d’une mise en concurrence intégrale entre des pays où les écarts moyens de productivité vont maintenant de 1 à 1000. C’est pourquoi nul ne conteste à l’OMC l’idée de réserver un « traitement spécial et différencié » aux pays en développement, afin de rétablir un peu d’équilibre dans les échanges commerciaux, même si la question qui se pose reste celle du ciblage de ce traitement particulier sur les pays qui en ont réellement besoin. Au-delà de ce principe, d’autres voies doivent être explorées. A cet égard, nous devons encourager très fortement la voie de l’intégration régionale. L’expérience montre que les échanges commerciaux se développent de façon plus équitable dans le cadre d’espaces économiques régionaux, dont les membres ont des économies comparables en termes de taille et de niveau de développement. Des échanges commerciaux dynamiques au niveau régional renforcent l’interdépendance entre les pays, et par là-même contribuent à la stabilité politique et à la paix entre les peuples. C’est d’ailleurs le choix historique qu’a fait l’Europe, il y a plus de 60 ans, et dont les Européens peuvent aujourd’hui s’en féliciter. Les critiques adressées à la PAC ne doivent pas nous empêcher de voir l’essentiel : la PAC nous a permis d’atteindre les objectifs que nous nous étions fixés, avec la création d’un marché commun agricole. Qu’en est-il dans les échanges entre pays du Sud ? La part des échanges de produits agricoles entre pays en développement a nettement augmenté ces dix dernières années. Mais des marges de progression considérables existent dans les échanges « Sud-Sud », et il faut s’attacher à lever certaines entraves qui ralentissent les processus d’intégration régionale. Il y a par exemple des difficultés à mettre en œuvre et à appliquer un « tarif extérieur commun », dans les zones qui se sont engagées dans la voie de l’intégration. Le développement des échanges doit aussi se fonder sur une amélioration des infrastructures de transport dans les pays du Sud. L’intégration régionale, vous le savez, est l’un des principes forts qui guide la politique commerciale de l’Union européenne vis-à-vis des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La négociation des accords de partenariats économiques (APE) doit s’inscrire dans une perspective de long terme. Les APE offriront une Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 46 véritable perspective aux pays concernés s’ils viennent accompagner une politique d’intégration régionale, et s’ils sont compatibles avec la pérennité des filières vivrières locales. Cela implique des délais de mise en œuvre, afin de laisser aux pays concernés le temps d’ajustement nécessaire, mais aussi la tolérance de certaines asymétries dans les échanges, de manière à prendre en compte la sensibilité des filières locales. 6. Afin de concilier les objectifs de la libéralisation des échanges portés par l’O.M.C, les objectifs du Millénaire et ceux de la Conférence de Rio dans le domaine agricole, il est indispensable de prendre le temps de la réflexion afin de s’assurer de la cohérence de nos politiques. La teneur des discussions à l’O.M.C avant leur suspension ne semblait pas de nature à assurer la cohérence des différents objectifs que je viens de rappeler. L’une des raisons principales de cette situation, c’est qu’au fil des négociations, le champ des discussions s’est dramatiquement rétréci au point d’avoir exclu des questions essentielles, tout en rendant actuellement improbable un accord capable de satisfaire les 150 membres de l’Organisation. La déclaration ministérielle de Doha de 2001 ouvrait des perspectives ambitieuses à ce cycle, mais la négociation s’est focalisée de façon excessive sur la question de l’abaissement des droits de douane agricoles de certains pays développés - au seul bénéfice d’un nombre très limité de pays, qui sont eux aussi pour la plupart des pays développés. Tout ceci n’est pas à la hauteur des enjeux initiaux. Les négociations du cycle de Doha sont pour le moment suspendues, ce qui nous laisse un peu de temps pour approfondir notre réflexion et rendre un cadre cohérent aux négociations si elles devaient reprendre. Conclusion Les enjeux que devra affronter l’agriculture mondiale sont considérables. Il faudra répondre aux besoins alimentaires de 8 milliards d’habitants en 2020, dans un contexte marqué par la restriction des ressources naturelles disponibles – terres arables, eau, énergie. Est-ce en démantelant nos politiques agricoles et en libéralisant les échanges, notamment l’accès au marché des pays pauvres, que nous relèveront ce défi ? Je crois avoir souligné, par cette intervention, combien le contexte mondial et les perspectives qui attendent les agriculteurs du monde entier justifient la mise en oeuvre de politiques agricoles modernes, respectueuses du droit international, et en même temps pleinement souveraines pour les Etats. Cette double exigence constitue à mon sens le cadre des politiques agricoles, nécessaires si nous voulons relever les défis alimentaires et non alimentaires du monde de demain. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 47 QUELLES MARGES DE MANŒUVRE POUR LES PRODUITS AGRICOLES SENSIBLES DANS LE CADRE DES APE ? Intervention lors du colloque " Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006 Benoît Faivre-Dupaigre (IRAM) Bénédicte Hermelin (GRET) Vincent Ribier (CIRAD) 1. DE LOME A COTONOU : LA MISE EN PLACE DES APE Jusqu’en juin 2000, les relations commerciales entre l’Union européenne et les pays ACP étaient basées sur un système de préférences non réciproques pour la plupart des produits industriels et agricoles, régies par les successives Conventions de Lomé. 93% des produits ACP rentraient librement sur le marché européen. Pour trois produits agricoles concurrents de productions européennes (la viande de bœuf, le sucre et la banane), un régime particulier a été instauré, appelé « Protocole ». Une quantité limitée (quota) de viande de boeuf, sucre ou banane des ACP entre sur le territoire européen, à prix intérieur européen c’est-à-dire fixe et au-dessus du cours mondial. Enfin, quelques autres produits (produits laitiers, des légumes frais comme les carottes ou les salades, des fruits frais, des jus de fruits par exemple) étaient soumis à des droits de douane. L’Accord de Cotonou, signé en juin 2000, modifie profondément ce régime commercial. Il prévoit en effet des zones de libre-échange dont l’instauration est négociée entre l’UE et les régions ACP9 dans le cadre d’« Accords de Partenariat Economique » (APE). Cette modification permet de mettre en conformité les relations UE-ACP avec les principes de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT, ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce - OMC). Le GATT est régi par trois principes essentiels : > La clause de la Nation la Plus Favorisée (clause NPF), qui dispose que tout pays doit accorder à l’ensemble de ses partenaires commerciaux le traitement qu’il accorde à « la nation la plus favorisée » (c'est-à-dire le traitement commercial le plus favorable) ; > La clause du traitement national, selon laquelle les produits importés doivent être traités de la même manière que les produits locaux ; > La réciprocité, principe selon lequel chaque pays s'engage à accorder des avantages commerciaux équivalents à ceux que lui consent un pays partenaire. 9 Les régions sont les suivantes : Caraïbes, Pacifique, CEDEAO + Mauritanie pour l’Afrique de l’Ouest, CEMAC + Sao Tomé et Principe pour l’Afrique Centrale, Afrique Australe et Orientale, SADC. Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? Un pays développé peut toutefois accorder à l’ensemble des pays en développement ou à l’ensemble des pays les moins avancés (PMA) un régime tarifaire préférentiel, sans réciprocité. C’est le cas de l’initiative Tout Sauf les Armes (TSA) accordée de manière unilatérale par l’UE aux PMA10. Le régime commercial de Lomé était lui aussi non réciproque, mais il entraînait une discrimination entre les pays en développement ACP et les autres, ce qui le rendait non compatible avec les principes du GATT. 2. 7L’ARTICLE XXIV DU GATT OU LA POSSIBILITE D’UNE OUVERTURE ASYMETRIQUE Une manière de maintenir la distinction entre pays ACP et les autres réside dans l’établissement de zones de libre-échange. Dans ce cas, les pays (ou groupes de pays dans des unions douanières) s’accordent des avantages réciproques qu’ils n’accordent pas aux autres pays membres de l’OMC. Cette dérogation au principe de la clause NPF est prévue dans le cadre de l’article XXIV du GATT. Le GATT n’oblige toutefois pas à une réciprocité totale : il permet qu’une partie des échanges ne soit pas libéralisée. Ainsi, l’Accord sur le commerce, le développement et la coopération entre l’UE et la République d’Afrique du Sud, prévoit que 90% des échanges soient libéralisés, et que l’ouverture soit asymétrique. En effet, l’ouverture sera de 86% pour l’Afrique du Sud, avec une ouverture progressive sur 12 ans, et de 94% pour l’UE. Cette interprétation n’ayant pas été contestée par les membres de l’OMC, on peut donc estimer qu’elle prévaut. La libéralisation dans le cadre des APE pourrait donc d’une part ne pas être totale et ne couvrir que 90 % des échanges UE-région-ACP, et d’autre part être asymétrique, si l’UE y consent. Il existe donc une certaine marge de manœuvre pour les pays signataires d’un APE concernant le choix de biens ou de services qu’ils souhaitent exclure de la libéralisation. Notons toutefois que, conformément au même article XXIV, cette exclusion ne peut concerner un secteur entier. De ce fait, un pays ou un groupe de pays ne peuvent envisager d’exclure de la libéralisation l’ensemble de leur secteur agricole, même si la totalité de leurs importations agricoles ne dépasse pas les 10 % des flux commerciaux avec l’Union européenne. Reste donc la question cruciale du choix des produits « sensibles » à exclure, à mener au niveau des blocs de pays qui signeront des APE avec l’Union européenne. C’est en effet à ce niveau que sont menées les négociations, et non au niveau de chaque pays ACP pris individuellement. Cela suppose que chaque pays identifie ses principaux produits sensibles, puis se concerte avec les autres pays de la sous région pour établir la liste des produits sensibles à négocier avec l’Union européenne. Le point suivant présente les termes du débat selon lesquels se pose la question du choix des produits sensibles. 10 Mise en place en mars 2001, elle accorde un libre-accès au marché européen pour tous les produits en provenance des PMA, à l’exception des armes et des munitions, d’où son nom. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 50 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? 3. LE CHOIX DES PRODUITS « SENSIBLES » 3.1. Les critères de choix des produits sensibles La libéralisation des échanges de produits agricoles avec l’Union européenne, premier partenaire commercial des ACP (26% de leurs exportations et 23% de leurs importations), va avoir deux conséquences : > une perte des recettes douanières ; > une concurrence accrue sur les marchés domestiques avec les productions locales, brutes ou transformées. Du point de vue économique, la sensibilité d’un produit doit donc s’estimer à partir de ces deux conséquences, détaillées ci-dessous. 3.1.1. Impact sur les recettes douanières La libéralisation des échanges de produits agricoles avec l’Union européenne va entraîner mécaniquement une perte des recettes douanières, qui peut être relativement importante comme l’illustre l’exemple de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). La part des taxes prélevées sur les importations en provenance de l’UE, dans les recettes publiques des pays de la CEDEAO s’échelonne de 4,7% pour le Nigeria à 33,7% pour la Gambie. Compte tenu d’une certaine progressivité des droits et du fait que les produits manufacturés proviennent essentiellement de l’UE, l’impact, sur les finances publiques des pays membres de la CEDEAO, de l’élimination des taxes douanières au sein d’une zone de libre-échange avec l’UE serait important. Il convient également de prendre en considération le fait que l’APE s’accompagne d’une modification des relations commerciales entre pays de la CEDEAO. Certains (essentiellement ceux qui ne font pas partie de l’UEMOA11) maintenaient des droits de douane sur les échanges intra-Afrique de l’Ouest. L’intégration régionale préalable à la conclusion de l’APE impliquera donc, pour ces pays, une baisse de recettes fiscales supplémentaire. Au total, et sur la base de données de 2001, une étude de 2004 estime que la mise en place d’un APE pourrait se traduire par une baisse allant de 2,5% pour le Nigeria à 22% pour la Gambie des recettes fiscales totales du pays12. Mais les pertes potentielles de recettes douanières sont difficiles à estimer, pour plusieurs raisons : > les flux commerciaux ne sont pas tous renseignés et les déclarations en douane parfois sous-évaluées ; 11 Union économique et monétaire ouest-africaine, qui regroupe 8 des 15 pays de la CEDEAO. Busse, Bormann et Großmann 2004. The impact of ACP/EU Economic partnership Agreements on ECOWAS countries : An empirical analysis of the trade and budget effects 12 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 51 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? > l’application des droits de douane ne correspond pas toujours à ce qui devrait être officiellement pratiqué (Tarifs Extérieurs Communs (TEC), quand ils existent, ou grille tarifaire nationale dans les autres cas). Les produits sont parfois affectés d’un droit de douane indu parce que mal classés ou déclarés selon une origine erronée13 ; > en changeant les tarifs douaniers, on modifie les volumes des flux commerciaux et donc l’assiette de calcul des recettes. Au Mali, par exemple, on estime que le manque à gagner de recettes fiscales par cette application non-conforme du TEC s’élevait à 27 milliards Fcfa en 2003. La base de calcul pour les baisses de recettes consécutives à l’établissement d’une zone de libre échange est alors différente selon qu’on considère que le système douanier devient plus efficace ou non, et que les flux d’importations sont affectés par la baisse des tarifs ou non. Selon les hypothèses, au Mali, l’APE entraînerait une perte de recette de 9 à 18 milliards Fcfa14. Les négociations pour le choix des produits sensibles du point de vue de la fiscalité devraient alors s’orienter vers des demandes de dérogation pour les produits les plus pourvoyeurs de recettes – et qui souvent constituent des enjeux économiques secondaires pour l’UE -. Pour l’Afrique de l’Ouest on retrouvera souvent dans ces catégories les tabacs et cigarettes, les alcools et spiritueux, les farines, les véhicules automobiles, la friperie, des préparations alimentaires et confiseries. Au Mali par exemple, les analyses ont démontré que dans les importations en provenance de l'Union européenne, seulement 19 lignes tarifaires sur un total de 2290 procurent 45 % des recettes fiscales de porte. 3.1.2. Le critère de concurrence vis-à-vis des productions locales La sensibilité des produits est également évaluée à l’aune de la concurrence que ceux qui sont importés exercent sur la production locale. Cette concurrence est de diverses natures : elle peut être directe, quand les importations sont équivalentes ou très voisines de la production locales : c’est notamment le cas des conserves, des huiles végétales et de la viande ; elle peut être indirecte, quand les importations et la production nationale ne sont pas équivalentes, mais qu’il peut y avoir substitution au moins partielle au niveau de la consommation : c’est le cas du blé avec les céréales locales ; elle peut n’être que potentielle : les importations ne concurrencent aucune activité productive existante mais risquent d’exercer un frein à moyen ou long terme sur le développement attendu de nouvelles activités productives ; elle peut être sélective et ne concerner que certains secteurs de la population et pas d’autres ; certaines importations servent en effet de matière première à des usines locales (blé, malt, triple 13 14 Ce point est particulièrement vrai pour la CEMAC, car l’application du TEC est très variable en fonction des pays. Faivre-Dupaigre, Coulibaly et Diarra 2004. Etude d’impact des APE sur l’économie du Mali. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 52 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? concentré de tomate), elles sont donc bénéfiques pour les transformateurs, moins pour les activités potentiellement concurrencées par la production qui sort de ces usines. 3.1.3. Les enjeux concurrentiels des importations ACP Céréales et dérivés (farine, pain, pâtes) d’une part, et produits élaborés (saucisses, moutarde et condiments, soupes, jus de fruits, préparations à base de légumes, …) d’autre part, constituent les deux principaux groupes de produits importés par les pays ACP en provenance de l’UE, avec une part relative de 22 et 18 % respectivement. Viennent ensuite les produits laitiers (sous forme de lait en poudre et de lait concentré sucré principalement) pour 14%, et les boissons (vin et whisky principalement) pour 13%. Les importations ACP sont complétées par quelques produits agricoles : tabacs (7%), viandes, dont les exportations sont généralement constituées de morceaux de basse qualité (6 %), huiles (5 %) et sucre (3%)15. Les céréales16 Alors que l'Union européenne ne représente que 9% des exportations mondiales de céréales, elle fournit plus de 20% des céréales importées par les pays ACP, ce qui traduit une relation assez privilégiée entre les deux groupes de pays. A noter toutefois qu’avec une part globale du marché ACP de 36%, les Etats Unis en sont de loin les premiers fournisseurs. Les importations ACP représentent 11,5% des exportations européennes de céréales sur les marchés extra-communautaires alors qu'elles ne représentent que 4,5% des exportations américaines. Outre la SADC, l'Union européenne est très présente sur le marché 15 Moyenne 2003 – 2004 en valeur – Base de données COMEXT de la Commission européenne Pour les différents produits, voir Ribier et Blein, 2002, Echanges agricoles UE-ACP: vers une exacerbation de la concurrence entre agricultures ? Notes et Etudes Economiques du Ministère de l'Agriculture, n°15, mars 2002, pp.53-86 16 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 53 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? des pays de la zone UEMOA et CEMAC qui absorbent respectivement 24 et 12% des exportations européennes vers les ACP. En revanche, l'Union européenne est absente de certains marchés importants, en particulier le Nigeria qui importe plus d'un million de tonnes par an. La question de la concurrence des exportations européennes de blé et dérivés vis à vis de la production ACP de céréales (mil, sorgho, mais également riz et maïs) et de ses substituts (plantain, racines et tubercules) est assez délicate. • Une certaine concurrence des exportations européennes sur la production locale ACP n’est pas à exclure : l'importance de la population rurale concernée par la céréaliculture dans les pays ACP est telle qu'on peut imaginer l’effet d’une pénétration accrue du marché par les importations extra-ACP sur la dynamique agricole. De surcroît, une libéralisation des importations de farine pourra engendrer des concurrences vis-à-vis des minoteries locales quand il y en a. Seules l’ouverture aux importations de malt ou de céréales fourragères pourront être positives pour les brasseries et les provenderies locales. • Les niveaux élevés de croissance démographique dans la plupart des pays ACP, situés entre 2,5 et 3% par an, induisent une croissance de la demande de céréales qui nécessite à la fois le développement des productions internes et un recours accru aux importations. On a ainsi observé au cours des années 90 une hausse concomitante de la production céréalière dans les différentes céréales et une hausse assez voisine du volume des importations de blé, farine et riz. Les viandes Dans le cas de la viande bovine, le niveau élevé des excédents communautaires et la politique de fortes restitutions destinée à les écouler sur le marché mondial ont, dans les années 80 et début des années 90, gravement porté atteinte à la production locale africaine et au commerce régional, mettant en péril le succès de projets d’élevage financés par le FED. Ainsi, entre 1980 et 1988, les exportations sahéliennes de bétail vers les pays côtiers auraient ainsi chuté de 430.000 à 250.000 têtes. Depuis, la situation a sensiblement évolué. L’application de l’Accord de Marrakech et la mise en œuvre des réformes de la PAC a permis de limiter la production et de diminuer sensiblement le niveau des subventions à l’exportation. Bien que la concurrence de la viande bovine européenne soit aujourd’hui beaucoup moins forte, le risque à terme n’est pas écarté d’exportations européennes ponctuelles à très bas prix destinées à réduire les stocks d’excédents. Ainsi, en 2000, alors que les réserves de viande bovine européenne étaient au plus haut suite à la crise de la vache folle, le Royaume-Uni a massivement vendu vers le Nigeria, avec une flambée des volumes exportés de 300% en trois mois17. En ce qui concerne la viande de volaille, l’Europe est devenue le premier exportateur mondial grâce à sa politique de bas prix pour les céréales servant à l’alimentation animale et à des opérateurs privés très performants. Pour l’Europe, les pays ACP sont un marché important. Elle y exporte essentiellement des 17 Assemblée parlementaire paritaire de l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part - Resolution sur la sécurité alimentaire dans le cadre des échanges commerciaux ACP-UE adoptée à Libreville le 22 mars 2001, Journal officiel n° C 265 du 20/09/2001 p. 0028 - 0028 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 54 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? sous-produits qui ne bénéficient pas d’aides à l’exportation vers ces pays, mais dont le prix est néanmoins très compétitif. Si ces sous produits approvisionnent une population à bas pouvoir d’achat, ce sont aussi des concurrents très rudes pour les productions locales de volailles, notamment pour la filière poulet locale, mais aussi pour les autres viandes. Au delà du désarmement tarifaire vis à vis de l’UE qui offrirait un nouvel avantage de 20 à 30 % aux volailles européennes importées, il convient de noter que l’abaissement des barrières douanières au Nigeria, consécutif à l’intégration commerciale de tous les pays de la CEDEAO prônée par les APE, favorisera les achats auprès du Brésil qui est en passe de devancer l’Union européenne sur les marchés des pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Les produits laitiers L’Union européenne qui assure plus de la moitié des importations ACP y représente une part supérieure à celle qu’elle assure sur l’ensemble du marché mondial. Dans le cas de l’UEMOA et de la CEMAC, l’UE occupe une place dominante en fournissant respectivement 54 et 80 % des importations de ces deux ensembles régionaux. En revanche, elle est concurrencée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande sur la zone SADC où elle ne couvre que 35 % des importations. Le Nigeria qui, à lui seul, représente 20% des importations ACP, est approvisionné seulement à hauteur de 25% par l’Union européenne. L’essentiel de ses importations est fourni par l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Pour l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne, l’Union européenne reste cependant le principal fournisseur dans les différents produits. Sur cette zone, les poudres de lait écrémé ou grasses constituent l’essentiel des importations, à des fins de reconstitution pour l’alimentation humaine. En alimentant des usines de reconstitution de lait, les exportations de poudres sont considérées comme un des principaux facteurs de perturbation des filières locales de lait. La concurrence exercée par les importations dissuade les pouvoirs publics et les entreprises privées d’investir dans la modernisation des filières de production, transformation et distribution de produits d’origine locale. Compte tenu des contraintes très lourdes qui pèsent sur ce type de filières (produit périssable, difficulté de conservation et de transport, problèmes de conditionnement…), les stratégies de modernisation nécessitent un environnement économique stable et prévisible. Les huiles L’Afrique est menacée sur son marché domestique par les importations des huiles du sud-est asiatique. Les importations en provenance d’Europe sont en progression, mais restent très minoritaires. Elles sont principalement constituées d’huile de soja dont la graine a été importée par l’UE au préalable. L’ouverture des marchés domestiques aux huiles européennes ne peut que fragiliser les filières oléagineuses africaines dans leur effort d'approvisionnement des marchés intérieurs, sans améliorer pour autant la compétitivité des huiles africaines à l'exportation. La non-réciprocité du régime de Lomé permettait aux différents pays ACP de restreindre l'accès à leur marché intérieur. Les futurs APE n'offrent plus cette possibilité et les exportations européennes risquent alors de se joindre à celles déjà existantes en provenance d'Asie pour venir concurrencer encore davantage qu'aujourd'hui les huiles produites et Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 55 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? échangées au niveau des espaces régionaux ACP comme l’huile de palme de pays tels que le Cameroun ou la Côte d’Ivoire vendues traditionnellement à leurs voisins de la CEDEAO et de la CEMAC. Les légumes frais et les conserves Les exportations UE de fruits et légumes à destination de la zone ACP sont globalement faibles ; elles ne représentent que de l’ordre de 50 millions d’euros, soit 2 % environ des exportations agricoles européennes de ces produits. Elles sont principalement constituées de pomme de terre et d’oignon et en Afrique, la Mauritanie, le Sénégal et la Côte d’Ivoire en sont les principaux pays importateurs. Les exportations européennes de pomme de terre et d’oignon, constituées pour partie de produits déclassés sur le marché européen, peuvent déstabiliser ponctuellement quelques bassins de production de la zone sahélienne, en venant les concurrencer sur les marchés locaux. Ailleurs en Afrique, la concurrence est faible compte tenu des faibles volumes exportés par l’UE. Les conserves et notamment le concentré de tomate, par le jeu des subventions dont bénéficient les transformateurs18, peuvent concurrencer les industries agro-alimentaires africaines et indirectement les producteurs de tomates fraîches. Le recours aux importations européennes à bas prix est un frein évident au développement d’usines de transformation. La libéralisation accentuera ce phénomène. Le sucre Les industriels africains du sucre se plaignent déjà de la concurrence du sucre européen importé. Une ouverture des marchés pourrait conférer à ce dernier un avantage complémentaire (baisse du prix de 30 %), et accentuerait la concurrence si les prix européens convergent vers les cours mondiaux. 3.1.4. Le dumping sur les exportations L’avantage concurrentiel des produits européens peut avoir des fondements divers, ce qui peut motiver des stratégies de négociation et donc de choix différenciés des produits sensibles de la part des pays ACP. En effet, la concurrence peut correspondre à des avantages comparatifs réels mais aussi à des interventions sur les marchés qui diminuent les prix, comme l’a fait la Politique agricole commune (PAC) européenne pour une majorité de produits agricoles. Dans ce dernier cas, les pays qui subissent cette concurrence peuvent la considérer comme déloyale et, en s’appuyant sur les principes défendus à l’OMC, devraient pouvoir légitimer des mesures correctrices de protection pour les produits concernés. L’OCDE fournit différentes mesures de soutien aux productions intérieures. Le Coefficient national de protection (CNP) aux producteurs mesure le rapport entre le prix moyen perçu par les producteurs (au départ de l'exploitation) y compris les paiements au titre de la production, et le prix à la frontière (ramené au niveau de l'exploitation). Le CNP aux producteurs peut donc être considéré comme une estimation du taux de la subvention implicite à l'exportation nécessaire pour exporter les quantités produites. Or les mesures donnent les résultats suivants : 18 La production de concentré de tomates européenne bénéficie d’aides à la production de tomates pour la transformation, et d’aides à l’exportation. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 56 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? Tableau 1 : Valeur des coefficients nominaux de protection au sein de l’UE à 15 en 2005 Blé 1,07 Maïs 1,39 Sucre 2,7 Pomme de terre 1,1 Lait 1,4 Viande bovine 1,7 Porc 1,19 Volaille 1,8 Viande ovine 1,28 Source : OCDE Le choix des produits sensibles devrait donc aussi être motivé par des considérations d’efficacité économique où la prise en compte des avantages comparatifs réels devrait primer mais où des distorsions créées sur les marchés extérieurs par des mesures de soutien à l’agriculture pourrait donner lieu à correction de la part des zones économiques qui en subissent un effet concurrentiel néfaste. 3.1.5. Une illustration : le cas des produits sensibles de la CEMAC Une étude réalisée en 200619 montre que, dans le cas de la région CEMAC, les plus fortes pertes de recettes douanières découleraient de la libéralisations des importations de la farine, devant les produits laitiers concentrés et la viande de volaille. Il y a cependant des différences majeures en fonction des pays : > Le Tchad, la RCA, Sao Tomé et le Congo voient les pertes les plus importantes pour la farine ; > Le Cameroun et le Gabon sont particulièrement touchés pour les produits laitiers. L’élaboration de la liste des produits sensibles de la CEMAC à la libéralisation avec l’Union européenne tient compte des deux critères, à savoir recettes fiscales et concurrence, qui sont synthétisés dans le tableau suivant : 19 Douya, Hermelin et Ribier (2006) : Impact sur l’agriculture de la CEMAC et de Sao Tomé et Principe d’un Accord de partenariat économique avec l’Union européenne. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 57 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? Synthèse de la sensibilité des produits à la libéralisation Produits Sensibilité fiscale Sensibilité à la concurrence Sensibilité globale ++ 0 Moyenne Farine de blé +++ +++ Très forte Lait en poudre +++ + Forte Volaille +++ +++ Très forte Huile de soja ++ +++ Forte Tomates en conserve ++ + Faible Sucre + +++ Moyenne Malt + 0 Très faible Blé Légende : sensibilité nulle 0, faible +, moyenne ++, forte +++ Ce tableau permet de proposer l’exclusion de la libéralisation des produits suivants : farine de blé, volaille, lait en poudre, huile de soja. En revanche, une ouverture du marché régional aux exportations de sucre et de tomates en conserve n’aurait que peu d’impact. On peut également considérer que, malgré les pertes fiscales, une ouverture du marché de l’Afrique centrale au blé et au malt européen permettra aux industries de transformation d’avoir accès à ces matières premières à moindre coût, et donc de gagner en compétitivité. 4. LES DEFIS A RELEVER POUR LE CHOIX DES PRODUITS SENSIBLES Mais au delà de la pure rationalité économique, la négociation qui pourrait s’enclencher sur les produits sensibles devra affronter plusieurs défis. Le premier relève de la logique même de l’APE qui résulterait d’un accord entre une zone déjà unifiée quant à sa politique économique (l’UE) et une entité au sein de laquelle les politiques nationales restent prééminentes : le cas de la CEDEAO en est l’illustration. L’APE, traditionnellement considéré comme un moteur d’intégration prend le risque d’exacerber les contradictions entre les intérêts nationaux, faute d’une dynamique politique régionale préalable suffisamment forte. Le second résulte de l’importance des divergences d’intérêts qui transcendent les frontières des pays ACP et qui tiennent à la place particulière occupée par les commerçants dans les systèmes économiques et politiques, en particulier en Afrique. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 58 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? 4.1. Le problème de l’harmonisation régionale La divergence d’intérêt entre pays peut prendre la forme de priorités différentes accordées à certains produits en raison de leur part dans les recettes fiscales des pays. Dans le cas de la CEMAC, si le Tchad, la RCA, le Congo et Sao Tomé ont intérêt à ne pas libéraliser les importations de farine, le Cameroun et le Gabon devraient plutôt conserver des droits de douane sur les produits animaux (poudre de lait et viande de volaille). Mais ces contradictions entre pays résultent aussi de leurs structures socio-économiques. Les pays côtiers et urbanisés tendront à acheter sur le marché international des produits alimentaires peu chers alors que les pays enclavés et ruraux cherchent à maintenir leurs débouchés régionaux. On peut donc s’attendre à une opposition entre pays sahéliens fournisseurs traditionnels de bétail aux pays du Golfe de Guinée et ces derniers qui profiteront de la baisse des tarifs pour diminuer le coût de l’alimentation de leurs ressortissants. Le phénomène inverse peut se produire pour les huiles avec une diversion du commerce en provenance de l’Union européenne au détriment des huiles tropicales fournies auparavant par les pays forestiers aux pays de l’hinterland pourrait se produire. Enfin, les pays qui se joindraient à une entité régionale, à la faveur des APE, devraient harmoniser leurs politiques commerciales (cas de la RDCongo vis à vis de la CEMAC ou du Nigeria à l’intérieur de la CEDEAO). La question est alors celle de l’alignement sur les niveaux de protection des pays auxquels ils se joignent ou au contraire, selon leur poids économique, d’une remise en cause des règles préexistantes. La difficulté de l’obtention d’un consensus régional risque de déteindre sur le choix des produits sensibles. Un pays important comme le Nigeria qui a toujours privilégié des relations commerciales dans le cadre d’accords spécifiques avec ses partenaires, pourrait être tenté de vouloir tirer profit de sa position comme fournisseur de produits pétroliers à ses voisins et de débouché majeur pour certains produits de ses voisins (oignons, riz, bétail en plus du commerce de réexportation) pour imposer sa vision des priorités en matière de produits sensibles. Il n’est pas sûr que l’agriculture en reste le bénéficiaire. Finalement, la diversité de situation pose un problème majeur dans la perspective du choix des produits sensibles. Le principe de libéralisation qui prévalait dans l’accord de Cotonou avait le mérite de simplifier les règles par son caractère « uniformisateur ». Dès lors qu’il s’agit d’octroyer des dérogations, on doit se rendre à l’évidence que le rapport de force entre pays agira sur la défense de la protection d’un produit plutôt qu’un autre. Les dérogations risquent alors de constituer un facteur centrifuge d’une construction politique qui se voulait intégratrice. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 59 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? 4.2. Les intérêts catégoriels Le clivage entre pays passe en réalité souvent par des divergences d’intérêts entre opérateurs économiques. Lorsque le Sénégal souhaite se protéger des importations de concentré de tomate, c’est parce qu’un industriel y a développé une filière. Et lorsque les pays voisins sont insensibles à cet argument, c’est parce que des commerçants, sous couvert de favoriser le pouvoir d’achat des consommateurs, cherchent à dégager des marges élevées sur la revente de concentré qu’ils importent. Un constat analogue pourrait être formulé en ce qui concerne l’importation de farine de blé plutôt que de blé à transformer dans les minoteries africaines. Et les divergences peuvent s’étendre aux produits agricoles primaires. Sous couvert de sécurisation alimentaire, les commerçants importateurs sont prompts à faire valoir l’avantage d’importer des découpes de volaille ou du lait en poudre plutôt que de favoriser les productions locales. L’histoire montre que souvent, les intérêts des commerçants prévalent sur ceux des secteurs de la production et de la transformation agro-alimentaire. On peut notamment se demander si l’origine du capital investi n’est pas un facteur essentiel des choix politiques dans le secteur agro-alimentaire20. Les industries agroalimentaires les plus significatives sont en Afrique de l’Ouest quasi-exclusivement tenues par du capital d’origine étrangère : minoterie, sucrerie, concentré de tomate, et désormais huilerie sans parler du coton. Même si les dirigeants et actionnaires majoritaires de ces entreprises ont souvent accès au cercle restreint du pouvoir, ils ne jouissent pas de l’influence que les commerçants savent exercer sur la vie politique et donc sur les décisions. Le pouvoir des importateurs s’appuie sur les multiples réseaux économiques tissés jusque dans les campagnes et les alliances nouées avec les autorités traditionnelles. Ils disposent donc de relais sociaux qui sauront faire écho à leurs revendications. Ce modèle de décision, dominant dans les pays francophones de la CEDEAO est sans doute un peu différent au Nigeria, voire au Ghana où la formation d’une classe d’entrepreneurs industriels nationaux lui donne du poids La capacité d´influence des différents catégories d’acteurs des filières, les rapports qui peuvent se nouer entre eux, l’état des forces en présence au niveau des pays ACP joueront en définitive tout autant que les intérêts des exportateurs européens sur le choix final des produits sensibles. Ce sont finalement ces considérations d’économie politique plutôt que la rationalité économique pure qui détermineront pour les négociateurs, les marges de manœuvre pour la défense des activités nationales lors des négociations sur les produits sensibles. 20 B. Faivre Dupaigre « Une économie politique du secteur agro-alimentaire à la lumière des choix de politique commerciale » in Libéralisation et politique agricole du Sénégal, Paris, Karthala, Crepos, Enda, 2006, à paraître. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 60 Quelles marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE? BIBLIOGRAPHIE Busse Mathias, Borrmann Axel, Großmann Harald, 2004, L’impact des accords de partenariat économique ACP – UE sur les pays de la CEDEAO : une analyse empirique des effets commerciaux et budgétaires, éd. HWWA, Juillet 2004, 72 p. Douya Emmanuel, Hermelin Bénédicte, Ribier Vincent, 2006, Impact sur l’agriculture de la CEMAC et de Sao Tomé et Principe d’un Accord de Partenariat Economique avec l’Union européenne, Paris , Gret, mars 2006, 118 p. Faivre Dupaigre Benoît, Coulibaly Massa, Diarra Amadou, 2004, Etude d’impact des APE sur l’économie : Renforcement des capacités en appui à la préparation des APE, IRAM, Octobre 2004, 156 p. + annexes. Faivre Dupaigre Benoît, à paraître, « Une économie politique du secteur agro-alimentaire à la lumière des choix de politique commerciale » in Libéralisation et politique agricole du Sénégal, Paris, Karthala, Crepos, Enda, 2006, à paraître. Ribier Vincent et Blein Roger, 2002, Echanges agricoles UE-ACP: vers une exacerbation de la concurrence entre agricultures ? Notes et Etudes Economiques du Ministère de l'Agriculture, n°15, mars 2002, pp.53-86 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 61 LES TARIFS EXTÉRIEURS COMMUNS DE LA COMMUNAUTÉ ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST ET LEURS CONSÉQUENCES SUR L’INTÉGRATION RÉGIONALE ET LA NÉGOCIATION DES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Intervention lors du colloque " Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006 Bio Goura SOULE (LARES, Cotonou) INTRODUCTION Pour parachever leur intégration économique et promouvoir le développement régional, les 15 Etats de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ont adopté le 12 Janvier 2006 à Niamey (Niger), la décision portant application du Tarif Extérieur Commun (TEC) de la communauté. La décision prévoit entre autres, la suppression de toutes les entraves tarifaires et non tarifaires aux échanges communautaires et la mise en place d’un TEC. Elle institue une période transitoire de deux (2) ans, allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, période censée conduire à la mise en application effective du TEC/CEDEAO dès le 1er janvier 2008 en même temps que les accords de partenariat économique entre la région et l’Union Européenne. Calqué sur le TEC UEMOA, adopté le 28 novembre 1997, et entré en vigueur le 1er janvier 2000, le TEC CEDEAO fait l’objet d’un vif débat intérieur, quant à, non seulement son opportunité au regard du niveau actuel du processus d’intégration de la région, mais aussi des implications potentielles de ce TEC sur l’économie de la région et les Accords de Partenariat Economique que la région s’apprête à conclure avec L’UE. 1. LA STRUCTURE DU TEC DE LA CEDEAO. Le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO est, à l’instar de celui de l’UEMOA, composé d’une nomenclature tarifaire et statistique (NTS) et d’un tableau des droits et taxes, y compris des mesures de sauvegarde. La Nomenclature Tarifaire et Statistique de la CEDEAO est une nomenclature douanière Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE commune basée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (SH) adoptée par la Communauté. Il a permis de ramener le nombre de taxes perçues au niveau du cordon douanier à cinq (05) dont les unes sont permanentes et les autres temporaires. Le tableau des droits et taxes applicables aux produits importés comprend le droit de douane, la redevance statistique et le Prélèvement communautaire de la CEDEAO ainsi que des mesures d'accompagnement sur certains produits selon des conditions bien définies. 1.1. Catégorisation des Produits et Droits de Douane Les produits figurant dans la Nomenclature Tarifaire et Statistique sont répartis en quatre (4) catégories désignées comme suit : Catégorie Produits 0 Biens sociaux essentiels 1 Biens de première nécessité, matières premières de base, biens d’équipement, intrants spécifiques Droit de douane 0% 5% 2 Produits intermédiaires 10% 3 Biens de consommation finale et tous autres produits non mentionnés ailleurs 20% Cette structure tarifaire de base et la classification des produits selon ces catégories prennent en compte un certain nombre de préoccupations d’ordre régional, à savoir: • des raisons de santé publique (médicaments; appareils de rééducation, notamment stimulateurs cardiaques, chaises roulantes) • des raisons de politique éducative (livres, journaux) • l’amélioration du niveau de production locale à travers l’accroissement de la valeur ajoutée • la protection de l'environnement • la garantie de recettes douanières comme source importante de recettes fiscales. Les critères de classification des produits sont multiples, on peut citer: • le degré de transformation du produit, le principe étant que plus le produit est transformé, plus il gagne en catégorie e.g. catégorie 3 pour les produits finis • la valeur sociale du produit, qui veut que les biens dits sociaux soient en catégorie 0 • les produits de première nécessité • les produits ayant subi un début de transformation et nécessitant un apprêt (huile brute, contreplaqué, papier rouleau, tissu écru, métal rouleau) • les équipements (machines industrielles, ordinateurs, etc.) ou intrants ne pouvant être produits par les pays membres à court ou moyen terme (produits chimiques, etc.). Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 64 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE 1.2. Les autres droits à caractère permanent Ils sont au nombre de deux : • La Redevance Statistique qui est de 1%, perçue sur tous les produits à l'exception de ceux bénéficiant de privilèges diplomatiques et de ceux importés sur financement extérieur • Le Prélèvement Communautaire (PC), de 0,5%, dont les ressources sont affectées à la compensation des moins-values de recettes douanières, à la dotation des fonds structurels et au financement du fonctionnement du secrétariat de la communauté. 1.3. Les mesures d'accompagnement En plus des droits et taxes proposés sous le Tarif Extérieur Commun, la décision d’adoption du TEC a prévu trois mesures d'accompagnement visant la protection des secteurs agricole, manufacturier et industriel susceptibles de faire face à une concurrence déloyale des importations, suite à l’introduction du TEC. • Taxe Dégressive de Protection de la CEDEAO (TDPC) La Taxe Dégressive de Protection de la CEDEAO (TDPC) est une mesure de sauvegarde temporaire appliquée aux produits pour lesquels le niveau de protection fourni par le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO n’est pas jugé suffisant pour protéger la production locale contre la concurrence déloyale des produits importés. Elle sera appliquée à la valeur CAF des importations, en plus du droit de douane et autres taxes prévues. Le taux de la TDPC sera déterminé pays par pays. Les autorités nationales compétentes seront invitées à soumettre leurs demandes relatives à l’application de la TDPC, au Comité de Gestion du TEC pour décision. La TDPC sera éliminée progressivement sur une période de dix ans, à partir du 1er janvier 2008 (date prévue pour l’entrée en vigueur du Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO) jusqu’au 31 décembre 2017 (quand le taux de la TDPC deviendra zéro). Les taux spécifiques de la TDPC seront négociés. Le taux maximum de départ de la TDPC sera le taux minimum entre 20% et le niveau de réduction du droit de douane induite par l’application du TEC. Ce mécanisme comportera une procédure transparente d’enquête, de détermination, de révision et de notification de la TDPC qui sera initiée par le Comité de Gestion du TEC. La CEDEAO avisera les autres membres de l’OMC et le comité technique compétent de l’OMC, des décisions et autres règlements pris par la Communauté dans le cadre de la mise en œuvre de la TDPC. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 65 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE • Taxe de Sauvegarde de la CEDEAO (TSC) La Taxe de Sauvegarde de la CEDEAO (TSC) est une surtaxe temporaire appliquée aux produits en provenance de pays hors de la CEDEAO. Elle a pour objectif de protéger la production locale contre les fluctuations des prix sur le marché international et la forte augmentation des importations. L’application de la TSC sera générée par deux facteurs principaux, à savoir le déclenchement du prix à l'importation et du volume des importations. Le déclenchement du prix sera déterminé par une baisse du prix unitaire CAF des importations d’un produit donné, sur une période de six mois, excédant 20% du prix moyen de la période de six mois correspondante de l’année précédente. Le déclenchement du volume sera déterminé par une hausse du volume des importations d’un produit donné pendant une période de six mois excédant 50% du volume moyen des six mois correspondants de l’année précédente. Le taux de la taxe supplémentaire appliqué sous ce mécanisme de sauvegarde sera soit 100% du taux de baisse du prix unitaire des importations soit 50% du taux d'augmentation du volume des importations. Le taux de la taxe le plus élevé entre ces deux paramètres sera appliqué. Cette taxe supplémentaire sera calculée en pourcentage de la valeur CAF du produit importé, en plus du droit de douane et d’autres taxes existantes (la redevance statistique, le Prélèvement communautaire, la taxe sur la valeur ajoutée, les droits d’accise, etc.). 2. UN SEUIL DE PROTECTION JUGE FAIBLE. L’adoption du Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO, alimente encore de nombreux débats dans la région. Comme son homologue de l’UEMOA, son adoption ne semble pas avoir été pleinement inspirée par les préoccupations d’accélération de la mise en œuvre du processus d’intégration régionale et surtout d’une réelle volonté de protection des secteurs de production de la région. Il apparaît comme une politique d’urgence. Le TEC est adopté à un moment où la région ne s’est pas encore dotée d’une politique industrielle ; et n’a pas encore fait l’expérience de la mise en œuvre de sa politique agricole. Elle ne connaît donc pas le niveau réel de protection qu’il faut pour réaliser les objectifs stratégiques qu’elle s’est fixée dans les différents secteurs productifs. Aucune liste crédible de secteurs et de produits sensible n’est disponible au regard des préoccupations fiscales, économiques et de souveraineté alimentaire des différents Etats, devant faire l’objet d’une forte protection ou exclus de la libéralisation des échanges dans le cadre du nouveau régime commercial que l’Europe suggère à la région CEDEAO + la Mauritanie. Les récriminations des organisations socio-professionnelles (agricole, des industriels et autres manufacturiers) sont d’autant plus vives, qu’il n’existe à ce jour aucun résultat d’évaluation du TEC UEMOA disponible, qui permet d’avoir une idée exacte de ses retombées sur l’économie régionale. On se contente de quelques appréciations des opérateurs économiques, qui pensent qu’il a très peu contribué à l’extension et à la création de commerce à l’intérieur de l’Union. C’est dans ce contexte qu’intervient le TEC CEDEAO Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 66 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE qui ne semble avoir suffisamment pris en compte les recommandations du troisième axe de la politique agricole de la même institution. Cet axe recommande en effet : qu’« en l’absence d’un accord visible sur le commerce des produits agricoles à l’OMC, qui réduira ou éliminerait de telles subventions, une action de protection unilatérale au niveau régional est justifiée comme moyen de compenser les distorsions sur le marché mondial. Une protection différenciée similaire se justifie pour les incertitudes liées aux fluctuations du marché affectant des populations vulnérables. Enfin, elle se justifie dans une perspective de protection des investissements pour certaines filières pour lesquelles la région bénéficie d’avantages comparatifs potentiels. » En effet, dans sa conception actuelle, tant du point de vue des lignes tarifaires que des différentes mesures de sauvegarde, le TEC CEDEAO affiche de très faibles taux de protection. Si on considère les produits alimentaires, on peut constater que du fait d’un système de protection très peu contraignant, ces produits sont en moyenne classés dans les tranches les plus élevées des taxes du TEC21. Alors que le droit maximal du TEC est de 20%, le taux de protection des produits alimentaires (hors produits tropicaux et non alimentaires) est de 15% en moyenne simple et de 13% en moyenne pondérée par les importations. Les organisations professionnelles, notamment le Réseau des Organisations des Producteurs et des Paysans (ROPPA) contestent les orientations prises par le TEC CEDEAO qui sont en totale déphase de celles de la politique agricole de la région. Cette dernière a fait l’option d’une protection différenciée en fonction des enjeux de chaque filière et plus généralement des préoccupations de souveraineté alimentaire de la région. Le ROPPA estime que la tarification extérieure ne créée pas les conditions d’une souveraineté alimentaire régionale, pourtant inscrite dans les perspectives de l’ECOWAP. La faiblesse des taux de protection du TEC CEDEAO est également perceptible comparée aux taux que pratiquent d’autres pays, notamment l’Union Européenne avec qui la région s’apprête à conclure un accord de partenariat économique. Les écarts sont de plus de 7 points de moyenne supérieurs pour les produits alimentaires européens comparés aux mêmes produits de la CEDEAO (22% pour l'UE contre 15% pour la CEDEAO). Ces écarts sont de 50 points dans le lait, 32 points pour les céréales, 25 points pour ceux de la minoterie, 31 points pour le sucre, et plus de 13 points pour les animaux et les viandes. Pour l'UE, l'Union douanière et le Tarif commun (TARIC) ont été les instrumentsclés de la Politique agricole et de la construction de la préférence communautaire depuis plus de trente ans. Cette comparaison entre l'UE et la CEDEAO souligne les différences d'options économiques de la politique agricole et agroalimentaire des deux régions. La CEDEAO ne semble avoir pleinement internalisé la nécessité de l’utilisation du Tarif Extérieur Commun comme un des principaux instruments de la construction d’un véritable marché commun régional et partant de la promotion du commerce intra-régional. 21 Toutefois les graines oléagineuses et la poudre de lait sont, par exemple taxées à 5 %, ce qui permet l’importation de produits concurrents ou de substitutions aux produits locaux. De même, les brisures de riz sont taxées à 10 %, ce qui est insuffisant pour protéger les filières locales Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 67 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE Sur tout un autre plan, comparés à ceux d’autres pays similaires engagés dans des négociations devant conduire à la création d’une zone de libre échange, les taux de protection du TEC de la CEDEAO sont nettement en deça de ceux pratiqués par ces pays. Dans le cas du Maroc qui entretient un Accord d'association avec l'UE (Gallezot, FAO, 2004), les écarts avec la politique de protection agricole sont encore plus importants. Les taux de protection sont en moyenne de plus de 35 points supérieurs pour le Maroc par rapport à la CEDEAO (le droit moyen marocain est de 50% contre seulement 15% pour la CEDEAO). Ces écarts sont même considérables pour certains secteurs comme celui des viandes (+136 points), celui du lait (+54 points) ou encore celui de la minoterie (+36 points). Dans cette comparaison il convient de noter que les instruments tarifaires de l'UE et du Maroc incorporent massivement des droits spécifiques (Euros/100kg par exemple) qui permettent une meilleure protection des produits soumis à une baisse des prix. Ces modalités, associées à un contingentement de certaines productions (quotas), manquent cruellement dans le TEC de la CEDEAO (Gallezot, OXFAM, ROPPA , 2006). La faible protection des marchés de la CEDEAO dans le cadre de la mise en place des APE doit être mise en perspective avec les cycles des négociations multilatérales. Bien que l'échéancier du cycle de Doha soit actuellement compromis, le processus de libéralisation se poursuivra durant la période d'application des APE et de ce fait, les mécanismes d'érosions des marges préférentielles réduiront plus encore l'avantage commercial de ces accords pour les pays africains (Bouët A., Fontagné L, Jean S.,2005.) Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 68 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE Tableau 2 : Les tarifs extérieurs agricoles comparés de la CEDEAO avec ceux de l'UE et du Maroc Tarif extérieur commun UEMOA-CEDEAO CEDEAO en 2003 Union Ecarts MAROC Ecarts NombreDroits MFN EuropéenneCEDEAO CEDEAO Lignes moyens Droits MFN ** UE Droits MFN ** MAROC sh6 % EAV moyens % EAV moyens % [1] [2] [2] - [1] [3] [3] - [1] Produits alimentaires 1 - ANIMAUX VIVANTS 2 - VIANDES ET ABATS COMESTIBLES 4 - LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; Œ 5 - AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMA 6 - PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE 7 - LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TU 8 - FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'A 10 - CÉRÉALES 11 - PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; 12 - GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; G 15 - GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU 16 - PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POI 17 - SUCRES ET SUCRERIES 19 - PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉAL 20 - PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE F 21 - PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIV 22 - BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES 23 - RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTR 24 - TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC 33 - HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏD 35 - MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUIT Total alimentaires 17 52 27 16 11 54 55 16 34 44 43 11 16 17 44 16 22 25 9 15 10 554 14 20 17 5 12 19 19 6 12 5 13 20 11 18 20 15 20 10 12 10 9 15 27 36 67 0 7 14 16 38 37 4 11 24 42 22 25 13 8 23 20 3 9 22 13 16 50 -5 -5 -5 -3 32 25 -1 -2 4 31 4 5 -2 -12 13 8 -7 0 7 62 156 71 33 35 46 51 19 48 25 23 50 35 49 50 47 50 24 23 41 29 50 48 136 54 28 23 27 32 13 36 20 10 30 24 31 30 32 30 14 11 31 20 35 * Il s'agit du droit NPF (tous pays tiers) appliqué par l'UEMOA et généralisé à l'ensemble de la CEDEAO (Droits permanents hors listes d'exceptions) **Les EAV (équivalents ad-valorem) européens résultent de la conversion effectuée par l'UE dans le cadre des travaux de l'OMC en 2005. Il convient de considérer en effet que dans le cas de l'UE (comme pour le Maroc), un grand nombre de droits (47% des lignes tarifaires agricoles) sont des droits spécifiques ou complexes (exemple 10,2 + 93,1 Eur/100 kg/net pour le code 1029005) Sources : Baci (CEPII), BDI (OMC- Genève), MacMap (CEPII) 3. CONSEQUENCES SUR L’INTEGRATION REGIONALE ET LES NEGOCIATIONS APE La manière dont évoluera la politique commerciale de la CEDEAO au cours des quatorze prochains mois sera déterminante, tant pour le processus d’intégration régionale que pour les négociations des APE. De deux choses, l’une ; ou la zone confirme sa trop grande ouverture aux échanges extérieurs en s’en tenant au niveau actuel de protection, ou elle procède à des réajustements qui permettent de relever le niveau de taux de protection, perspective souhaitée par les professionnels de la région. Cette dernière éventualité est envisagée au travers de deux procédures. La première consiste à procéder à une reclassification de certains produits agricoles en les faisant passer dans les catégories supérieures de 15 et Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 69 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE 20 %. La seconde éventualité, pour l’instant timidement défendue par le Nigeria qui pratique les taux de protection les plus élevés (en moyenne 39%), porte sur la création d’une cinquième bande de 50 % où seraient logés les produits qui présentent un enjeu stratégique important pour la région. De toute évidence, en l’absence de nouvelles propositions fortes émanant des socio-professionnels, notamment des organisations des producteurs agricoles, qui n’ont pas encore mis sur la table de négociation, de propositions alternatives fortes, la région d’achemine dangereusement vers la confirmation de la large ouverture de son marché aux échanges extérieurs. Le niveau de protection du marché régional de la région a des implications multiples sur le processus d’intégration régionale et sur le contenu des accords de partenariat économique. Le degré d’ouverture du marché régional est déterminant du rythme de la libération et du niveau d’asymétrie de la zone de libre échange. Les accords du GATT-OMC précisent (Art XXIV) que les droits, après constitution d'une zone de libre échange (ZLE), ne peuvent être plus élevés que ceux qui précédaient la mise en place. La marge de manœuvre de la région pour un réajustement des taux de protection du TEC est quasi nulle, en absence d’une révision du contenu de l’article XXIV. L’Union européenne constitue un des principaux fournisseurs de produits agro-alimentaires importés par la région. Les importations agro-alimentaires de la CEDEAO ont progressé de 96%, passant de 7 672 230 Euros en 1988-89 à 10 965 320 Euros en 2003-2004 (Blein, ROPPA, 2006). Les importations agricoles représentent 16,5 des importations totales en provenance de l’Union Européenne. Par conséquent un démantèlement des protections aux frontières (non application du TEC sur les importations d’origine européenne dans le cadre de l’APE) conduirait à placer les importations d’origine européennes en concurrence directe avec les filières ouest africaines. Ce risque a été mis en évidence pour de nombreuses filières dans les études d’impact d’un APE entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest. Les simulations des études d’impact laissent entrevoir une augmentation comprise entre 20 et 30 % des importations ouest africaines de produits d‘origine européenne, du fait du démantèlement des barrières tarifaires. Du fait de la suppression des barrières tarifaires, les estimations des augmentations d’importations des produits agricoles porteraient sur 16%, 15%, 17% et 18% respectivement pour les oignons, la pomme de terre, la viande bovine et la viande de volaille (Busse et al, 2004, PWC et al, 2002, Kpade, 2004, Blein et al, 2004). Cet accroissement des importations risque de mettre à mal un secteur agricole qui souffre déjà de la faible productivité de ses actifs, due en partie aux distorsions résultant des multiples soutiens dont bénéficient les producteurs agricoles européens : environ 16 000 $US par producteur chaque année contre des revenus moyens per capita de 163$ pour chaque producteur agricole africain (Enterplan, 2005). Les enjeux au niveau régional portent sur des produits dont la présence sur le marché communautaire, découle des complémentarités écologiques. Les viandes bovines, l’oignon, constituent des Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 70 Les TEC de la CEDEAO et leurs conséquences sur l'intégration régionale et la négociation des APE filières représentatives de cette catégorie. Ces produits alimentent des courants commerciaux des pays sahéliens (Burkina Faso, Mali et Niger) vers les pays côtiers (Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigeria). Des pertes importantes de part du marché régional sont envisagées dans la perspective de la mise en œuvre d’un APE qui démantèle toutes les barrières tarifaires. En ce qui concerne les produits animaux, les simulations montrent, au Mali, une diminution de la valeur ajoutée du secteur de près de 6 milliards de F CFA (9,15 millions €), soit une baisse de 8% et une perte de débouchés de 37 000 têtes d’animaux. Des pertes similaires sont envisagées au Burkina Faso et au Niger. Il s’agit là de conséquences d’autant plus néfastes que ces productions sont non seulement très compétitives sur le marché régional et de bonne qualité, mais jouent aussi un rôle essentiel dans la valorisation des zones agro-pastorales sahéliennes, le revenu et les conditions de vie des éleveurs. Les productions d’oignon, notamment de Galmi au Niger et du Sud du Burkina-Faso se retrouvent dans les mêmes conditions. Exportées vers les marchés du Ghana et de la Côte-d’Ivoire, ces productions vont subir la concurrence des importations européennes. La suppression des barrières douanières risque de fragiliser dangereusement les exploitations dans ces pays, si des mesures conséquentes d’accompagnement ne sont pas prises. Cette situation met en relief les risques que courent : • Le secteur agricole ; une forte concurrence des produits d’origine européenne, une paupérisation des producteurs, une augmentation de l’exode rural. • Un détournement de trafic, qui peut plonger au fond de la vase le commerce intra-communautaire, un des principaux indicateurs du niveau d’intégration régionale. Dans ce contexte, les produits agricoles pourraient être considérés comme des produits sensibles exclus, définitivement ou temporairement, partiellement ou complètement, du programme de libéralisation des échanges. Le volet de la négociation relatif à la libéralisation du commerce entre les deux régions (ampleur du désarmement tarifaire, couverture des produits, rythme et calendrier, protection / exclusion des produits sensibles, etc.) sera en principe traitée en 2007. Il ne reste donc qu’environ 13 mois à l’Afrique de l’Ouest pour créer les conditions d’une telle alternative en procédant dans le cadre d’une large concertation avec tous les acteurs à une revue de son Tarif Extérieur Commun : reclassification des produits ou création d’une nouvelle bande et développement de droits spécifiques pour mieux protéger les produits agricoles. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 71 LES APE : ATOUTS ET FREINS A L'INTEGRATION REGIONALE DES PAYS DE LA CEMAC Intervention lors du colloque " Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006 Jean-Christophe Boungou Bazika Centre d’Etudes et de Recherche sur les Analyses et Politiques Economiques (CERAPE)22 INTRODUCTION La Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) est un regroupement qui compte six pays : Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique, Guinée Équatoriale. Depuis 2002, ces pays sont engagés dans un processus de négociations avec l’Union européenne dans le cadre des Accords de Partenariat Economique (APE) mis en place par la convention de Cotonou. Il est prévu l’entrée en application des APE en 2008. C’est pourquoi, une réflexion importante a été menée pour évaluer l’impact de ces accords sur l’économie des pays africains (Hammouda et al, 2005; Karingi et al, 2004). Les APE abordent les questions concernant les entraves aux échanges commerciaux, les contraintes d’offre des pays ACP et de la compatibilité des relations commerciales UE-ACP avec les règles adoptées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les APE visent la mise en place de zones de libre échange (ZLE) en vue de se substituer aux préférences commerciales non réciproques actuellement accordées par l’UE aux pays ACP en application de la convention de Lomé. L’objectif de cette communication est d’évaluer l’incidence des APE sur le processus d’intégration régionale des pays de la CEMAC. Les objectifs spécifiques sont d’analyser l’impact des APE sur la création et le détournement de commerce, les exportations de certains biens agricoles, de voir ce que pourraient être les pertes de revenus subies par ces pays et de présenter quelques alternatives. La méthodologie utilisée se fonde sur un modèle d’équilibre partiel en s’inspirant des travaux effectués par la Commission Économique pour l’Afrique (CEA) en 2004. Cette approche a permis d’obtenir, sur la base de scénarios de libéralisation commerciale dans le cadre de la zone de libre échange UE-ACP, des résultats d’impact intéressants. La limite de la modélisation en équilibre partiel est qu’elle ne permet 22 BP 15397 Brazzaville Congo Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC pas de saisir les effets secondaires (second round effect). La modélisation en équilibre général permet par contre d’appréhender ce type d’effets, mais l’inconvénient est le manque de données sur les pays africains pris de façon particulière (Karingi et al, 2004). La communication est structurée en deux principaux points : le premier point traite du contexte des APE. Il examine l’accord de Cotonou, la compatibilité des règles de l’OMC et présente les relations commerciales entre la CEMAC et l’Union européenne. Le second point montre l’impact des APE sur la CEMAC et analyse les atouts et freins des APE sur les économies de la sous région de l’Afrique centrale ainsi que quelques scénarios d’APE alternatifs. 1. LE CONTEXTE DES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE (APE) Les APE ont été conçus dans un contexte marqué par l’adoption de nouvelles règles de libéralisation commerciale établies par l’OMC et qui devaient être intégrées dans la convention de Cotonou. En outre, le processus d’intégration régionale, un des piliers de la coopération UE-ACP connaît une stagnation. Pendant ce temps, les relations commerciales de la CEMAC se caractérisent par la prépondérance des échanges avec l’UE, échanges revêtant un aspect asymétrique. 1.1. L’accord de coopération de Cotonou L’accord de Cotonou est le cadre juridique actuel qui réglemente les relations entre l’Union européenne et les pays ACP. Entré en vigueur depuis le 1er avril 2003, l’accord de Cotonou a pour objectif de rétablir les équilibres macro-économiques, de développer le secteur privé, d’améliorer les services sociaux, de favoriser l’intégration régionale, de promouvoir l’égalité entre l’homme et la femme, de protéger l’environnement et d’abolir de manière progressive les entraves aux échanges commerciaux. L’accord de Cotonou a une durée de vingt ans, avec des révisions possibles tous les cinq ans. Il repose sur cinq piliers interdépendants: - un dialogue politique mené entre les partenaires du Nord et du Sud doit pouvoir aborder toutes les questions d’intérêt mutuel. Ces questions portent particulièrement sur la consolidation de la paix, la prévention et la résolution des conflits, le respect des droits de l’homme, les principes démocratiques et de l’Etat de droit, la bonne gouvernance et gestion des affaires publiques ; - une plus grande participation de la société civile et des acteurs économiques et sociaux locaux à la mise en œuvre des politiques et des projets ; - la lutte contre la pauvreté avec un rôle central pour le secteur privé et l’intégration régionale dans les stratégies de développement ; - un nouveau cadre de coopération économique et commerciale en conformité avec les dispositions de l’OMC afin d’intégrer les pays ACP dans l’économie mondiale. Ce cadre met au premier rang de ses priorités l’intégration régionale ; Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 74 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC - Une réforme de la coopération financière visant à assurer, notamment, la simplicité, la cohérence, l’efficacité, la flexibilité et l’adaptation continue de l’aide à la situation de chaque pays. S’agissant du commerce, l’accord de Cotonou ne donne pas de détails sur les dispositions à prendre. Cependant, il propose la poursuite des accords non-réciproques de Lomé jusqu’au début de l’année 2008 au plus tard. L’accord stipule clairement, qu’après cette date limite, un accord commercial compatible avec les règles de l’OMC devra être mis en place. Cette disposition a par la suite été validée par l’OMC lors de la conférence ministérielle de Doha en septembre 2001. 1.2. La compatibilité avec les règles de l’OMC Le traitement de la Nation la Plus Favorisée (NPF) constitue un des principes fondamentaux de l’OMC. Il stipule qu’un pays membre, en accordant un avantage commercial à un autre pays membre, doit automatiquement étendre cet avantage à tous les pays membres de l’OMC (article I de l’Accord général sur les tarifs et le commerce). Au principe NPF, on oppose deux exceptions : la première autorise le traitement préférentiel basé sur des préoccupations de développement. Cela signifie qu’un pays développé peut accorder une préférence commerciale à un pays en développement dans l’objectif de stimuler la croissance et le développement économique du second pays. L’autre exception concerne les zones de libre-échange. Cette dérogation est accordée lorsque un groupe de pays décident de réaliser leur intégration régionale à condition que les tarifs douaniers qui frappent les importations des pays tiers ne soient pas plus élevés que dans la situation précédant l’intégration. Un autre principe essentiel de l’OMC est la non discrimination entre pays de niveau de développement similaire. Concernant les ZLE, l’article XXIV du GATT définit les modalités selon lesquelles les membres de l’OMC peuvent ne pas respecter la clause NPF. La justification qui sous-tend cette dérogation au principe NPF est que, sous certaines conditions, des accords de libre-échange bénéficient non seulement à leurs membres, mais également à l’économie mondiale du fait qu’ils rapprochent ces pays de l’économie basée sur la libre circulation des biens et des personnes. Des accords tels que les APE rentreraient dans cette catégorie s’ils possèdent un caractère réciproque, permettant à chaque partie un traitement préférentiel symétrique. Compte tenu du niveau de développement encore très inégal entre les pays ACP et l’UE, les ACP souhaitent maintenir un certain degré d’asymétrie dans leur futur accord avec l’UE. Il faut souligner que l’article XXIV du GATT maintient une certaine ambiguïté en ce qui concerne ce point. En particulier, l’article 8b exige que les droits de douane et autres réglementations restrictives du commerce soient éliminées pour « l’essentiel des échanges commerciaux » entre les parties. La signification exacte des termes « essentiel des échanges commerciaux » est l’objet de discussions et donne lieu à diverses interprétations. Le pourcentage du commerce qui pourrait être libéralisé est une des questions importantes en négociation et Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 75 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC intéresserait les pays africains qui désirent assurer une certaine protection sur leurs industries en enfance. On pense généralement que 90% du commerce pourrait être libéralisé au terme d’un accord de libre échange. Cependant, il n’y a aucune confirmation légale sur ce point. Si on prend le cas de l’accord de libre échange entre l’Afrique du Sud et l’UE, l’accord commercial a été interprété de façon non réciproque. L’UE dans le cadre cet accord a accepté de libéraliser 95% de son commerce avec l’Afrique du Sud alors que cette dernière n’a autorisé la libéralisation que de 85% de ses importations en provenance de l’UE. S’agissant des délais, l’article XXIV parle de délai « raisonnable » et ainsi entretient une certaine ambiguïté dans la période de mise en œuvre. Sur ce point, il n’existe aucune interprétation officielle ou légale de ce qui pourrait être un délai raisonnable, bien que par convention, on pense à un délai de 10 ans (Karingi et al, 2004) 1.3. La question de l’intégration régionale L’intégration est aussi considérée comme un moyen d’insérer les économies africaines dans l’économie mondiale en stimulant la création des unions douanières et la formation de vastes marchés à l’échelle régionale. Cette question fait partie des priorités de l’UE dans le cadre des négociations des APE avec ses partenaires en développement. Depuis la création du marché commun jusqu’à la formation de l’Union économique, les pays européens ont toujours manifesté un intérêt particulier à l’intégration africaine. Le concept même de zone eurafrique dont parle déjà Pierre Moussa (1957) s’inspire de cette préoccupation. Dans la politique de coopération de l’UE, des aides particulières avaient été prévues pour appuyer le processus d’intégration régionale des pays ACP : financements des infrastructures communautaires, aides aux institutions d’intégration régionale, etc. Dans le cadre actuel des APE, la question de l’intégration régionale revêt une dimension nouvelle. Il est prévu d’ici 2008, la mise en place des zones de libre-échange entre l’UE et les pays ACP. Il s’agit surtout d’encourager dans un premier temps des accords Sud - Sud, puis dans un deuxième temps des accords Nord-Sud (Mainguy, 2005). Il semble que dans les discussions préliminaires relatives à l’intégration régionale, la Commission européenne a tenté de faire passer l’idée selon laquelle, les pays ACP devaient appliquer l’approche de l’intégration régionale en s’inspirant de l’expérience de l’Union européenne. Les pays ACP se sont opposés à cette vision. Plutôt que d’imiter l’expérience européenne, il serait plus pertinent que ces pays suivent leur propre voie basée sur la flexibilité, la différenciation et la géométrie variable (Bilal et Rampa, 2006). L’une des raisons qui expliquent d’ailleurs l’échec de l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC) est le fait que ce groupement a voulu copier et transplanter l’expérience du marché commun Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 76 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC européen à la réalité de l’Afrique centrale quand bien même les deux réalités étaient différentes (Boungou Bazika, 2001; Bekolo Ebe, 1994) Pour chaque région ACP, la négociation des APE devrait mettre l’accent sur la synchronisation des priorités régionales. Ces priorités devront être définies par les ACP eux-mêmes en fonction de leurs particularités régionales et de leurs objectifs de développement, plutôt que d’incorporer dans chaque APE un agenda standard. C’est d’ailleurs le souhait exprimé par les pays ACP. Il se peut que le processus d’intégration régionale dans une zone comme celle de l’Afrique centrale soit handicapée par une série de contraintes (étroitesse des marchés, insuffisance de voies de communication reliant les différentes économies de la zone, entraves à la circulation des personnes, etc.). Dans ces conditions, la maturation du processus ne serait pas encore au point de permettre aux pays de la CEMAC d’assumer les engagements pris en matière d’intégration régionale dans le cadre d’un APE. De façon classique, on attend de l’intégration régionale des effets statiques et dynamiques, surtout quant l’approche adoptée, comme celle de la CEMAC, est en grande partie fondée sur le marché. Viner (1950) a montré comment l’intégration engendrait des effets de création et de détournement de commerce au sein des pays partenaires regroupés dans une zone communautaire. Ces effets s’expliquent surtout par la baisse du coût des importations qui découle de la suppression des droits de douane et de la libre circulation des marchandises induites par l’union douanière. Or à l’inverse de ce qui s’est passé au sein du marché commun européen marqué par une proportion importante des échanges intra-régionaux (30% environ au moment de la signature du Traité de Rome), les pays de la zone CEMAC sont caractérisés par un niveau faible de commerce intra-régional. Celui-ci avoisine actuellement 2% (Boungou Bazika, 2006; CEMAC, 2005). Dans ces conditions, les effets de création et de détournement de trafic sont souvent dérisoires, voir nuls (Balamona 2006; Ondo Ossa, 2004). Par conséquent, la constitution d'unions douanières africaines semble avoir peu d’effets économiques. Les relations commerciales entre l’UE et la CEMAC sont asymétriques. Elles représentent plus de 50% pour les pays africains de la CEMAC et 1 à 2% pour les pays européens. L’enjeu pour eux est donc faible (Mainguy, 2005). Les effets dynamiques peuvent se traduire par l’amélioration de la concurrence qui pousse les entreprises à baisser les coûts de production et à innover afin d’améliorer la qualité des produits et diversifier la production. En définitive, les effets dynamiques engendrent des économies d’échelle et l’accroissement du surplus du consommateur. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 77 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC 1.4. Les relations commerciales de la CEMAC avec l’UE Le commerce de la CEMAC avec l’UE connaît une balance commerciale positive de 1997 à 2002. L’excédent est passé de 2,4 milliards de dollars au début des années 1990 à 46 millions en 2002. Au niveau des exportations, le commerce de la CEMAC n’a pas connu de développement significatif des exportations destinées à l’UE pendant la période des années 1990. Après un léger recul, elles ont retrouvé leur niveau au début des années 2000, soit 3,2 milliards de dollars. S’agissant des importations provenant de l’UE, celles-ci ont enregistré un net accroissement, passant de 1,3 milliards de dollars en 1994 à 3,1 milliards en 2002. Graphique 1: commerce de la CEMAC en Afrique en millions de dollars (1970-2001) Source : CEA, 2004 Graphique 2 : exportations CEMAC + Sao Tomé-Principe Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 78 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC Graphique 3 : importations CEMAC + Sao Tomé-et-Principe Source : CEA, 2004 Comme le montre le graphique ci-dessous, la balance commerciale de la CEMAC plus Sao Tome et Principe avec l’UE, est fortement excédentaire. Par contre, celle avec le reste de l’Afrique est déficitaire. Graphique 4 : balance commerciale CEMAC + Sao Tomé-et-Principe (P.23) Source : CEA, 2004 Quand on observe la structure des exportations de la CEMAC vers l’Union européenne, la plus grande part des produits exportés sont les combustibles minéraux, en d’autres termes, les produits pétroliers essentiellement bruts car la CEMAC compte aujourd’hui dans ses rangs 5 pays pétroliers qui sont le Gabon, le Congo, le Cameroun, le Tchad et la Guinée Equatoriale. Les exportations des produits pétroliers s’élèvent à 43,9%. En deuxième position viennent les exportations de produits agricoles, soit Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 79 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC 23,49%. C’est dire l’importance que joue le secteur agricole dans le commerce des pays de la CEMAC avec les pays de l’UE. Tableau 1 : structure du commerce de la CEMAC (et Sao Tomé-et-Principe) avec l’UE Désignation Exportations Importations 0 Produits. alimentaires et animaux vivants 23,49 17,38 1 Boisson et Tabac 0,04 1,82 2 Matières brutes non comestibles 21,98 1,82 3 Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes 43,90 2,28 4 Huiles, graisses d'origine animale ou végétale 0,00 1,45 5 Produits chimiques et produits connexes 0,00 19,85 6 Articles manufacturés 9,98 17,02 7 Machines et matériel de transport 0,52 31,59 8 Articles manufacturés divers 0,06 6,79 9 Articles et transactions non classés 0,02 0,00 Source : CEA, 2004 S’agissant des importations de la CEMAC, les machines et matériels de transport occupent la première place soit 31,59%, les produits chimiques la seconde place (19,85%). Quant aux produits agricoles, ils viennent en troisième position avec 17,38% des importations. 2. L’IMPACT DES APE SUR LA CEMAC Pour identifier les atouts et les freins des APE sur les économies de la CEMAC, il importe de procéder à des simulations de libéralisation commerciale. Le logiciel WITT/SMART mis au point par la Banque Mondiale, permet actuellement de réaliser ces simulations en équilibre partiel. Les impacts négatifs sont les freins tandis que les impacts positifs sont les atouts. Les travaux de recherche menés récemment montrent les différents types d’impacts sous la forme de gains et de pertes que procure l’application des APE aux pays de la CEMAC (Karingi et al, 2004). 2.1. Les atouts des APE Un des atouts que pourront susciter les APE est l’amélioration de l’accès des exportations de la CEMAC sur le marché européen. Les exportations agricoles devraient connaître une nette augmentation car ce sont particulièrement les produits de l’agriculture qui sont caractérisés par une forte protection au sein de l’Union européenne. On sait que la PAC a toujours été considérée par la Commission européenne comme un domaine non négociable et les importations agricoles étaient soumises à de nombreuses restrictions sur le marché de l’Union européenne. Cette situation avait comme inconvénient de limiter fortement les exportations de produits agricoles en provenance des pays ACP. L’accroissement des parts de marché des Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 80 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC pays de la CEMAC dépendra de leur capacité à lever les contraintes de l’offre et les normes exigées pour l’exportation sur le marché européen. Un autre atout des APE est qu’ils vont entraîner une baisse des prix des produits importés sur le marché et donc susciter une amélioration du surplus du consommateur et un accroissement du bien-être. Les importations de produits alimentaires en provenance de l’UE devront s’accroître et leurs prix sur le marché connaître une baisse. Le tableau suivant montre les gains que pourrait obtenir le consommateur. Tableau 3 : effets sur le bien-être (surplus des consommateurs) de l'APE (en milliers de dollars) Pays Surplus des consommateurs Cameroun 30 260,214 Congo 16 047,979 Gabon 16 116,391 Guinée équatoriale 6 231,219 République centrafricaine 1 050,21 Tchad 4 348,18 Source: Simulations CEA, WITS/SMART 2.2. Les freins des APE Les conséquences négatives découlant des APE sont nombreuses. On peut évoquer l’éviction des producteurs locaux, la baisse des échanges intra-communautaires au profit des échanges entre les pays de la CEMAC et l’UE, le détournement de commerce et la chute des recettes budgétaires se rattachant aux droits de douanes. Dans ces conditions, les APE vont encore faire reculer le processus d’intégration régionale et renforcer les importations des produits agricoles au détriment du secteur agricole national des pays de la CEMAC. Les simulations montrent que la mise en œuvre des APE à travers l’application du principe de réciprocité va entraîner une importante perte de revenus tarifaires pour les pays de la CEMAC. 2.2.1 Détournement de commerce de la CEMAC Les effets statiques comme nous l’avons vu précédemment concernent le détournement de commerce. Les importations de biens en provenance de l’Union européenne devraient connaître un net accroissement au détriment des importations du reste du monde et de la CEMAC. Cette création de commerce dont bénéficiera l’UE concerne essentiellement trois pays : le Cameroun, le Congo et le Gabon. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 81 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC Deux pays particulièrement, le Gabon et la RCA vont connaître une chute de leurs exportations au sein de la CEMAC au profit des exportations réalisées par les pays de l’Union européenne sur le marché régional. Cela aura comme conséquence une réduction des échanges intra-régionaux qui se situent déjà à un niveau dérisoire (2%). Tableau 4 : création et détournement de commerce pour les pays de la CEMAC/CEEAC (milliers de dollars) Var, importations Création de Détournement de Dont det, de de l'UE Commerce commerce Com, Cemac Cameroun 281 994,173 255 425,935 26 568,238 0,00 Congo 144 185,091 123 707,24 20 477,85 0,00 Gabon 154 184,776 126 494,87 27 689,91 1 244,92 58 683,413 53 293,68 5 389,737 0,00 9 485,76 8 232,94 1 252,818 305,6 46 673,379 40 732,15 5 941,23 0,00 Pays Guinée équatoriale Rép, centrafricaine Tchad Sources: Simulations CEA, WITS/SMART Graphique 5: création et détournement de commerce Sources : Simulations CEA, WITS/SMART Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 82 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC 2.2.2 Difficultés d’écoulement des produits agricoles bénéficiant de subventions Concernant le sucre et la banane, deux produits longtemps subventionnés par l’UE, ces productions vont connaître d’importantes difficultés. En effet, ces deux produits qui bénéficiaient de subventions de la part de l’UE à travers les préférences commerciales (quotas réservés, prix d’achat garanti au-dessus du cours mondial) verront se rétrécir leurs parts de marché. Ils seront confrontés à des difficultés d’écoulement avec la mise en œuvre des APE conformément aux règles de l’OMC. Il a été prouvé que ces produits agricoles ne sont pas compétitifs face au sucre et à la banane produits en Amérique latine. Au Congo, les recettes tirées des exportations de sucre par l’entreprise Saris-Congo pourraient, par conséquent, être diminuées par la réforme du régime sucrier de l’UE, qui deviendra effectif à partir du 1er juillet 2006.23 Ce régime avait été reconnu contraire aux règles de l’OMC.24 A l'issue de la réforme, le prix minimal du sucre sur le marché de l’UE, qui est trois fois supérieur à celui du marché mondial, pourrait baisser de 36% sur quatre ans. Les exportateurs des pays ACP qui éprouveront des difficultés dans ce nouveau contexte pourront toutefois bénéficier d’un soutien financier destiné à faciliter leur modernisation, leur adaptation ou leur diversification, pour un montant total (affecté par l’UE) de 40 millions d’euros en 2006, et qui ouvrira la voie à d’autres aides.25 Selon l’entreprise Saris-Congo, les réformes des marchés américain et de l'UE auraient comme conséquence une baisse d’environ un tiers de son chiffre d’affaires. Un plan de restructuration de l’entreprise a été élaboré. Il devra coûter 11,5 milliards de francs CFA (17,5 millions d’euros), et permettre à l’entreprise de développer ses plantations, renforcer ses capacités de stockage et écouler une partie de sa production sur le marché de la CEMAC.26 Outre cette subvention de l’État, l’entreprise Saris-Congo bénéficie de l’agrément à la Charte des investissements. Le sucre raffiné (provenant de canne) figure parmi les produits agricoles fortement protégés par le Congo. En plus d’un droit de douane de 30 %, le sucre raffiné est également soumis à une licence d’importation, et à une homologation de son prix à des niveaux plafond. L’importation du sucre raffiné est quasiment nulle depuis 1999, année de reprise de la production nationale de sucre de canne. 23 "Règlement (CE) N°. 318/2006 du Conseil du 20 février 2006 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre". Voir le communiqué de presse de la Commission européenne, "Réforme de la PAC: les ministres de l’agriculture adoptent une réforme radicale du secteur sucrier", IP/06/94 du 20 février 2006. 24 Le Congo s’est joint aux consultations relatives aux deux différends portés devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC: "Communautés européennes — Subventions à l’exportation de sucre (Plaignant: Brésil)" (WT/DS266), et "Communautés européennes — Subventions à l’exportation de sucre (Plaignant: Australie)" (WT/DS265). Voir également "Communautés européennes — Subventions à l’exportation de sucre (Plaignant: Thailande)" (WT/DS283). L’Organe d’appel a rendu le jugement définitif dans ces trois différends le 28 avril 2005; l’arbitrage au titre de l’article 21:3 c) a été rendu le 28 octobre 2005. 25 Communiqué de presse de la Commission européenne, "L’Union européenne réforme de fond en comble son secteur sucrier afin d’offrir aux producteurs des perspectives d’avenir à long-terme", IP/05/1473 du 24 novembre 2005. 26 Agence France-Presse, "Congo: Un plan de restructuration de la Société sucrière du Congo a été approuvé par la direction de Saris-Congo à hauteur de 11,5 milliards de francs CFA". Disponible sur: http//www.izf.net [28 mai 2006]. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 83 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC 2.2.3 Tendances à la désindustrialisation de la CEMAC Du fait de l’accroissement des importations en provenance de l’UE, une des conséquences attendues est l’éviction des producteurs locaux et le renforcement de la désindustrialisation déjà constatée au sein des pays de la CEMAC. Soulignons que 10% des exportations de la CEMAC vers l’UE sont constituées de biens manufacturés. Il est difficile de mesurer avec précision l’ampleur de ce phénomène à cause de sa complexité et des effets induits importants générés par les IDE et la délocalisation de certaines industries qui pourrait se faire au profit des pays de la CEMAC. Cette délocalisation dépendra beaucoup du cadre macro-économique, de la stabilité politique et des infrastructures en mesure d’exercer un attrait régional auprès des investisseurs étrangers et nationaux. S’agissant de la production agricole et avicole, il est à craindre que l’application des APE viennent encore aggraver le déclin de ce secteur. Cette tendance au déclin pourrait être évitée si les négociations portant sur la suppression des subventions des pays de l’UE auprès de leurs exportateurs de produits agricoles entraient effectivement en application et mettaient fin à la concurrence déloyale dont font face les producteurs africains. 2.2.4 Pertes de revenus tarifaires Un autre effet négatif des APE concerne des pertes de revenus tarifaires découlant de l’application du principe de réciprocité et de la suppression de droits de douanes. Deux pays sont l’objet de baisses les plus importantes : le Cameroun (69,6%) et la Guinée équatoriale (60,3%). Dans une étude récente, il a été estimé que la seule baisse de 10 points du TEC conduirait à une chute de 51% des recettes douanières du Congo (Koyangozo, 2005) Tableau 5 : variation des importations et pertes de revenus de la CEMAC en % Pays Cameroun Var. importations de l'UE Pertes de revenus 28,58 -69,60 Congo 29,11 -55,20 Gabon 29,96 -51,90 Guinée équatoriale 29,36 -60,30 Rép. Centrafricaine 27,64 -55,60 Tchad 24,01 -58,60 Ces pertes ont été aussi calculées en valeur absolue. Elles s’élèvent pour le Cameroun par exemple à 149 millions de dollars US, pour le Congo 75 millions, le Gabon 74 millions etc. comme le montre le tableau suivant. Cela est considérable et aura des effets néfastes sur le plan budgétaire. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 84 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC Tableau 6 : implications en termes de revenus d'un APE sur la CEMAC (milliers de dollars) Pays Cameroun Déficit de revenu -149 256,117 Congo -75 104,052 Gabon -74 302,297 Guinée équatoriale -33 914,150 République centrafricaine -5 844,950 Tchad -26 677,028 Sources: Simulations CEA, WITS/SMART Trois pays, le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Tchad, subissent les plus importantes pertes relatives de revenus suite à l’application des APE. Graphique 6 : variations des importations et pertes de revenus Sources : Simulations CEA, WITS/SMART Tous ces effets négatifs vont engendrer des coûts d’ajustement et un recul du processus d’intégration régionale. Les échanges intra-régionaux déjà faibles, les difficultés budgétaires des pays en proie à une dette extérieure lourde, le déclin de l’agriculture et de l’industrie suite à la mise en œuvre des APE, sont des phénomènes qui vont accentuer la vulnérabilité des économies de la CEMAC à l’échelle nationale et régionale. Dans ces conditions, on voit mal comment les engagements en matière d’intégration régionale pourraient être tenus par des pays affaiblis. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 85 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC 2.3. Comment lever les freins ou quelques scénarios envisagés Plusieurs scénarios ont été envisagés pour rendre plus flexibles les APE et améliorer les chances de leur mise en œuvre sans que cela entraîne des dysfonctionnements préjudiciables aux pays ACP (Bilal et Rampa, 2006). Seront évoquées ici deux alternatives : le scénario étalon et les APE allégés. Le premier scénario est défendu par la Commission européenne et le second par l’Ile Maurice. Pour la Commission européenne, l’APE devrait couvrir les échanges de marchandises, y compris les produits agricoles et les services ainsi que les questions relatives à la concurrence, aux investissements, à la facilitation des échanges. L’accord de libre-échange devrait se traduire par une libéralisation de 90% des échanges entre les parties selon la conception qu’elle défend de « l’essentiel des échanges » contenu dans l’article XXIV. L’UE applique une approche asymétrique en tenant compte du niveau de développement inégal des acteurs. Les APE doivent contribuer à élargir et à mieux intégrer les marchés des pays ACP. Cette approche risque d’imposer à des pays vulnérables un agenda d’intégration qui ne sera pas respecté car ne répondant pas aux contraintes de ces pays. L’autre scénario, celui d’un APE allégé, permettrait à tous les pays ACP de conserver et d’améliorer leur accès au marché de l’UE après 2007, tout en cherchant à limiter les effets négatifs d’une libéralisation intégrale. Selon le scénario allégé, les pays ACP devraient éliminer les tarifs que sur 50% à 60% seulement de leurs importations sur une période de 20 ans. Concernant l’intégration régionale, pour que les APE atteignent des résultats positifs, il faudrait procéder par étapes : renforcer d’abord les marchés sous-régionaux des pays ACP, puis penser par la suite, une fois le premier objectif atteint, à l’ouverture significative de leur marché face aux produits de l’UE. CONCLUSION Les APE sont apparus dans un contexte profondément marqué par le vent de la libéralisation commerciale et de la mondialisation impulsée par l’OMC. Les simulations montrent que la mise en œuvre des APE comporte des aspects positifs comme l’accès au marché de l’UE surtout en ce qui concerne les produits agricoles, l’amélioration du surplus du consommateur. Mais, cela comporte aussi des aspects négatifs : détournement de commerce intra-régional, difficultés d’écoulement des produits agricoles auparavant subventionnés comme le sucre et la banane, tendance à la désindustrialisation et éviction des producteurs locaux, pertes de revenus tarifaires. Il est envisagé des scénarios alternatifs d’APE qui introduiraient plus de souplesse et de flexibilité compte tenu de la vulnérabilité des économies africaines. Cependant, il importe de souligner que les APE devraient générer des coûts d’ajustement que les simulations ne peuvent mettre en évidence, mais dont il faudra tenir compte. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 86 Les APE: atouts et freins à l'intégration régionale des pays de la CEMAC BIBLIOGRAPHIE Balomana E. (2006), L’impact de la CEMAC sur le commerce extérieur du Congo, mémoire de maîtrise en sciences économiques, Université Marien Ngouabi, Brazzaville, Congo. Bekolo Ebe B. (1994), L’intégration africaine dans la zone franc : contraintes et perspectives, communication colloque de l’Association Tiers-Monde. Bilal S. et Rampa F. (2006), APE alternatifs et alternatives aux APE, Rapport ECDM 11, mars, Oxfam, Ends. Boungou Bazika J.-C. (2001), L’impact de l’intégration économique européenne sur l’intégration économique africaine, Thèse de doctorat d’Etat, Université de Yaoundé II, Cameroun. Boungou Bazika J.C. (2006), Intégration régionale, croissance et pauvreté, rapport d’étude, Ministère du Plan, Brazzaville. Hammouda B. H., Lang R., Sadni-Jallab M. 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Ce projet pose la question des marges de manœuvre disponibles à l’occasion de cette négociation, de l’impact sur les recettes publiques du choix retenu. On examine un contrefactuel qui est le retour au droit commun de l’OMC et de l’accès au marché européen dans les cadres GSP, GSP+ et TSA. Le travail est fondé sur une analyse fine du niveau de protection incluant tous les instruments (droits de douane, contingents tarifaires, etc.) au niveau HS6. Un modèle d’équilibre partiel est développé accordant une place centrale aux questions de substitutions des produits. L’impact des réformes tarifaires, examiné du point de vue des recettes fiscales, découle de la variation attendue des importations une fois ces phénomènes de substitution dûment pris en compte. Nous concluons que l’impact attendu de l’accord diffère selon les sous-régions, qui toutes n’ont pas un intérêt égal à signer ; mais des marges de manœuvre sont identifiées, permettant de préserver les budgets publics et les productions locales. A ce stade de l’étude, la difficulté à collecter les données intra-Africaines ne permet pas de répondre avec précision à la question des perspectives offertes par les marchés régionaux. 2. INTRODUCTION Les concessions tarifaires non réciproques accordées par l’UE aux pays ACP, émanation des programmes successifs d’appui aux pays des régions concernées, ont vécu. La dérogation arrivera à terme fin 2007 à l’OMC et il convient donc de trouver les termes d’un accord de libre-échange ou de revenir au droit commun de l’OMC. Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Il s’agit fondamentalement d’ouvrir les marchés ACP à cette occasion. Ceci pose plusieurs difficultés : • La base fiscale étant étroite, une perte de recette tarifaire se traduira mécaniquement par des problèmes budgétaires si les effets d’entraînement de l’économie n’entraînent pas un accroissement suffisant de l’assiette fiscale sur laquelle porte les autres prélèvements. Notons que cet effet peut être temporairement amorti, à mesure que les tarifs sont réduits, en raison d’effets dynamiques (augmentation des importations sur lesquelles portent les droits réduits). Mais ces effets ne sont pas permanents : au terme de la libéralisation, lorsque les droits sont nuls, les recettes tarifaires le sont également, tandis que les importations n’ont pas augmenté sur les lignes soumises à des droits maintenus élevés. • La capacité des producteurs domestiques à résister à la concurrence internationale est limitée. C’est en particulier le cas pour un certain nombre de productions agricoles. • L’intégration régionale est embryonnaire et les multiples accords concernés ne sont globalement pas appliqués, limitant par conséquent la possibilité du recours à un marché régional. • L’ouverture se fait en accroissant le caractère distorsif de la structure tarifaire, puisque les possibilités de différentiation des tarifs vont devoir être exploitées au maximum pour minimiser les deux effets précédents. Il s’ensuit un risque d’allocation inefficace des ressources. • Cette ouverture renforcée sur l’UE sera à l’origine de détournements de trafic, alors que des offres plus compétitives existent au niveau mondial (Asie par exemple) pour de nombreux biens. • Les intérêts offensifs des ACP sont inexistants, en raison de l’accès déjà préférentiel au marché européen. • Les termes de l’accord éventuel, concernant le libre échange avec l’UE, restent imprécis (à notre connaissance). En particulier, si l’extension du TSA à l’ensemble des ACP semble être la voie praticable, cela pose le problème des règles d’origine associées, celles dont bénéficiant les ACP étant actuellement plus favorables. Ce rapport travaille sous l’hypothèse qu’un accord avec l’UE doit être trouvé. Il cherche les marges de manœuvre exploitables pour en minimiser l’impact, en s’intéressant en particulier aux aspects budgétaires. Nous accordons une place centrale à l’hypothèse selon laquelle les produits locaux ou régionaux sont différents des produits européens et donc moins substituables. Afin de procéder à cet examen, nous travaillons sur des données fines de protection, tirées de la dernière version de MAcMap. Les équivalents ad valorem des niveaux de protection bilatéraux appliqués et des droits consolidés sont pris en compte au niveau des positions à 6 chiffres de la nomenclature harmonisée des échanges (HS6). Ces équivalents intègrent les droits spécifiques convertis sur la base des valeurs unitaires du groupe de référence d’appartenance de l’exportateur, ainsi que les contingents tarifaires. Pour ces derniers nous Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 90 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP tenons compte du taux de remplissage du quota (et donc de son caractère contraignant) pour déterminer le droit de douane correspondant. Comme nous le verrons cette disposition a une importance particulière pour certains produits, comme le sucre. 3. LES SCENARIOS DE LIBERALISATION TARIFAIRE 3.1. La protection agricole en 2004 Le graphique 1 présente les protections bilatérales agrégées dans le domaine agricole entre l’UE et les 6 zones de négociations ACP. Il est important de rappeler que ces différences de protection moyennes sont la combinaison d’accords préférentiels distincts (au sein des zones et entre zones) et de la structure d’exportations des pays concernés. En effet, la composition des exportations d’un pays conditionne directement la protection moyenne rencontrée. Ainsi, un pays qui produit et exporte essentiellement du riz et de la viande rencontrera en Europe une protection moyenne bien plus élevée qu’un autre pays, bénéficiant exactement des mêmes conditions d’accès au marché, qui n’exporte que du cacao. Dans le cas de la protection appliquée européenne, les différences proviennent aussi de l’allocation des contingents tarifaires entre partenaires et de la différence de nature (PMA versus simple pays en développement) des pays qui composent les différentes zones. La protection rencontrée par l’UE sur les marchés ACP reste élevée : entre 17 % (zone SADC) à 36% en Afrique de l’Ouest. Cependant, l’UE n’est pas négativement discriminée par rapport aux autres zones ACP puisque dans tous les cas (sauf l’Afrique de l’Ouest), d’autres zones ACP rencontrent des barrières tarifaires moyennes plus élevées. Il y aurait donc des gains importants à favoriser l’intégration des marchés africains dans leur ensemble. A part la CEMAC, aucune zone ACP n’a réalisé une intégration complète de son marché intérieur27. L’Afrique Orientale avec une protection intérieure moyenne de 5% est aussi en passe d’achever son intégration. L’intégration régionale peut donc encore être largement accentuée. Les contingents tarifaires sur le Sucre de l’Union Européenne sont pour la plupart saturés. La protection marginale rencontrée est donc le droit de douanes hors quota. Cette protection très élevée empêche toute exportation supplémentaire, c’est celle-ci qui est représentée ici. Néanmoins, ce type de protection donne naissance à une rente captée par les pays exportateurs qui peuvent vendre leur sucre a un prix élevé en Europe (égale au cours mondial corrigé à la hausse par le droit de douanes multilatéral hors quota), tout en ne payant que le droit in-quota. La protection rencontrée par des pays exportateurs de sucre (Caraïbes, Maurice, Mozambique) est dont très élevée, mais cette protection est associée à une rente 27 Il est important de ne pas sur estimer la portée effective de l’intégration régionale en Afrique Centrale. Si le cadre juridique est présent, il demeure que le commerce est loin d’être libre de toute entrave. Ainsi entre Yaoundé (Cameroun) et Bangui (Centrafrique), il y a encore 128 points de contrôle qui donnent parfois lieu à des taxations injustifiées. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 91 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP importante. En cas de libéralisation, la protection marginale va baisser, la rente de quotas disparaître pour se transformer en marges préférentielles, qui seront la source d’une nouvelle rente. En raison du point précédent, les zones Caraïbes et SADC rencontrent une protection moyenne très élevée sur le marché de l’UE. Les autres régions africaines bénéficient d’un accès moyen extrêmement favorable avec un droit moyen inférieur de moitié à la protection agricole européenne moyenne (20%, MacMapHS6v2). L’Afrique de l’Ouest rencontre les droits les plus faibles (3%). Comparé à la protection rencontrée par l’UE dans cette région (cf. supra), c’est au sein de cette relation bilatérale que l’on constate la plus forte asymétrie initiale et donc que l’on attend les effets les plus déséquilibrés lors de la mise en place des APE. Si nous venons de souligner que certains pays africains rencontrent toujours des niveaux de protection élevée en Europe, il faut garder en tête que cela vient du fait de la concentration de leurs exportations (existantes ou potentielles) sur certains secteurs très sensibles pour l’UE, protégés par des pics tarifaires. En regardant les protections moyennes au niveau du Système Harmonisé à 2 chiffres (SH2), nous pouvons déjà identifier ces secteurs (cf. Graphique 2) : Le sucre (pour tous les partenaires) ; La viande (Groupe SADC) ; Les produits laitiers (Afrique Centrale) ; Les préparations alimentaires des produits de la pêche28 (Afrique de l’Est, Caraïbes, et SADC). Si les barrières tarifaires semblent très décourageantes, il est évident que pour les trois dernières catégories les normes phytosanitaires prohiberont tout commerce, comme il est advenu pour le poisson de la région des Grands Lacs par exemple. Note : Notons que si la protection rencontrée par les économies insulaires de la zone caraïbe et pacifique sont élevées pour de nombreux produits (céréales, minoterie etc), ces régions ne semblent pas en mesure d’avoir un potentiel productif dans ces activités. Actuellement sous investigation dans cette sous partie : Le cas des zones SADC-Caraïbes pour la protection appliquée par l’EU Le cas de la protection intra-Afrique de l’Ouest 28 Notons que dans la définition des produits agricoles et agroalimentaires retenues ici, les produits de la pêche non transformés ou partiellement transformés sont largement exclus, conformément aux indications de l’OMC. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 92 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 1 : protection Agricole moyenne par importateur en abscisse et par partenaire, en 2004 Afrique Occidentale Afrique Centrale Afrique Orientale Groupe SADC Caraïbes Pacifique UE 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Afrique Occidentale Afrique Centrale Afrique Orientale Groupe SADC Caraïbes Pacifique UE Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) Graphique 2 : principales barrières rencontrées en Europe en 2004 Afrique Occidentale Afrique Centrale Afrique Orientale Groupe SADC Caraïbes Pacifique Minoterie, malt Laits, œufs, miel Préparations de viandes, poissons Viandes et abats comestibles Sucres et sucreries Céréales 0% 20% 40% 60% 80% 100% 120% 140% 160% 180% 200% Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 93 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP 3.2. La fin des accords de Cotonou-Lomé et le retour au régime de l’OMC Dans tout exercice de simulation, il est très important de définir clairement les alternatives possibles, et de bien prendre en compte les éléments critiques de l’évolution prévisible de l’environnement. Concernant les alternatives, une différence importante entre pays ACP doit être soulignée. Si les APE n’aboutissent pas, l’ultime dérogation dont bénéficie l’UE pour l’application de ses préférences asymétriques spécifiques prendra fin. Conformément aux règles de l’OMC, les pays ACP ne pourront bénéficier alors, que des préférences de droit commun : le GSP ou le GSP+. Pour les pays les moins avancés, le changement sera faible29. En revanche, les autres pays en développement, ils reviendront à un pied d’égalité avec les pays similaires d’Asie et d’Amérique du Sud. Concernant l’évolution prévisible de l’environnement, il est difficile de préjuger de l’issue du DDA. De ce point de vue, il est probablement conservatoire de tabler sue une absence d’accord, et c’est ce que nous faisons ici. Il n’y a donc pas d’autre érosion des marges de préférence que celle liée aux changements intervenant ici. Par contre, la question du sucre et des bananes est plus critique. Les calendriers intégrés dans TSA interfèrent complètement avec notre exercice : la libéralisation du sucre sera totale en juillet 2009, soit en principe dix huit mois après la mise en œuvre d’un éventuel accord APE, tandis que pour les bananes le tarif zéro était programmé pour le 1er janvier 2006. Dans ces conditions, l’accord de libre échange n’apportera rien de plus, pour ces produits, aux PMA ACP, tandis que les autres ACP ne seront pas protégés de l’érosion de leurs préférences par la signature d’un accord APE. Compte tenu du faible niveau de protection rencontré au départ, l’Afrique de l’Ouest devrait être a priori particulièrement concernée par la non-signature d’un accord, suivie du retour dans le droit commun en matière d’accès au marché européen. Nous nous intéressons à ce cas d’école dans le graphique 3, qui dépeint les conséquences de la suppression des accords de Cotonou pour cette région, en dépit de la possibilité de passage en GSP ou GSP+ (nous faisons l’hypothèse que les pays actuellement GSP restent GSP et non GSP+). La protection rencontrée va doubler en moyenne si l’accord n’est pas signé. Des pertes d’accès particulièrement importantes sont attendues, de façon instantanée, pour les fruits, pour les produits de la minoterie et pour les amidons. Par contre, aucun gain n’est enregistré, en 2008, pour le sucre. Ce dernier produit étant exclu d’EBA jusqu’à juillet 2009, des gains d’accès s’ajouteront très rapidement à ce qui est présenté ici (ces gains d’accès sont pris en compte dans notre estimation de l’évolution des recettes tarifaires infra.). Analysons maintenant de façon détaillée les conséquences des différents scénarios en matière d’accès au marché, pour les différentes zones de la région. 29 Surtout au niveau tarifaire, seules les règles d’origine deviendront plus contraignantes Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 94 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 3 : protection à l’entrée du marché UE pour l'Afrique de l'Ouest: Cotonou versus GSP, effet instantané Droits 2004 Droits sans Cotonou 60% 50% 40% 30% 20% 10% Gommes, résines & extraits végétaux Minoterie, malt Laits, œufs, miel Autres fibres textiles végétales Laine, poils fins ou grossiers, crin Matières albuminoïdes, colle; enzyme Tabacs Huile essentielle & résinoïde, parfumerie Déchets indus alimentaires Préparations de légumes/fruits Préparations de viandes, poissons Préparations base de céréales; pâtisseries Graisses & huiles, cires animales Oléagineux, graines Matières à tresser, pdts végétaux nda Légumes & autres alimentaires Fruits comestibles, écorces d'agrumes Autres pdts d'origine animale, nda Plantes vivantes et pdts floriculture Transactions spéciales commerciales Sucres et sucreries Viandes et abats comestibles Produits chimiques organiques Produits divers des industries chimiques Préparations alimentaires diverses Pelleteries et fourrures; pelleteries factices Coton Peaux (autres que les pelleteries) et cuirs Céréales Café, thé, maté et épices Cacao et ses préparations Animaux vivants Boissons, liquides alcooliques et vinaigres 0% Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) 3.3. Les conséquences tarifaires des APE Le résultat de ces simulations tarifaires est présenté par les graphiques 4 à 9 au niveau SH2, après agrégation des positions HS6. La libéralisation réciproque devrait conduire à l’annulation de tous les droits de douanes. Or, la présence de produits sensibles permet aux pays ACP de maintenir des protections dans certains secteurs. Dans les graphiques ci-dessous, les droits de douanes résiduels (barres rouges) sont la conséquence de produits sensibles. Rappelons que dans nos scénarios l’Union Européenne procède à une suppression de toutes les droits de douanes et quotas sur les produits originaires des ACP. L’effet est simple et nous concentrerons notre analyse sur les pays ACP. Nous autorisons, dans les cas de l’APE simulé ici, les pays ACP à sélectionner une liste de produits couvrant 20% de leurs importations en provenance de l’UE. Le critère de choix est un critère d’économie politique prenant en compte les pertes pour le budget de l’état, les gains potentiels pour les consommateurs et l’impact sur les producteurs conformément à la méthodologie développée par Jean, Laborde et Martin (2006).. Ce faisant, nous optimisons l’utilisation des marges de manœuvre dont ces pays disposent. Comme le montre le Graphique 4, l’Afrique de l’Ouest et la zone Pacifique sont dans une position plus avantageuse que l’Afrique centrale ou les Caraïbes. En effet, la structure de leur protection est plus Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 95 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP concentrée : en écartant 20% du commerce bilatéral avec l’UE de la libéralisation, ils peuvent conserver une protection plus importante et donc un niveau de recettes tarifaires plus élevés : pour le premier groupe de pays, 20% du commerce représente 40% des recettes tarifaires, pour le second, la protection est plus homogène, les recettes tarifaires évoluent donc avec le commerce (20% des recettes tarifaires correspondent à 20% du commerce). Graphique 4 : fonction de distribution des recettes tarifaires initiales Part des recettes tarifaires prélevées sur l'UE 100% 90% 80% 70% Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Afrique Orientale Groupe SADC Caraïbes Pacifique 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Part du commerce avec l'UE Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) La zone pacifique neutralise l’essentiel de la libéralisation : son taux de protection moyen passe de 32,5% à 30% ; les caraïbes baissent de moitié leur protection moyenne ; le groupe SADC un peu plus de la moitié, tout comme l’Afrique occidentale ; l’Afrique centrale et orientale font le plus de concessions en moyenne parce qu’ils coupent leurs droits de douanes des deux tiers. Les impacts sectoriels restent distincts et reflètent les spécialisations et avantages comparatifs initiaux des différents pays. Seuls les produits du tabac et les alcools restent protégés dans toues les ACP pour des raisons de recettes fiscales et de sensibilité politique de ces secteurs. A l’inverse, le sucre reste sensible et protégé en Afrique centrale et orientale, mais sera presque totalement libéralisé dans les autres ACP (qui produisent et exportent ce bien).Les légumes, dont le manioc, et les fruits restent aussi protégés en Afrique centrale et dans les caraïbes et un peu en Afrique de l’Ouest (avec un maintien des protections beaucoup plus prononcés sur les fruits) et de l’Est. Les céréales ne restent protégées qu’en Afrique de l’Ouest, alors que les viandes le sont en Afrique de l’Est et dans les Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 96 ANIMAUX VIVANTS Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 97 VIANDES ET ABATS COMESTIBLES Tout TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS SUCRES ET SUCRERIES PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES CHIMIQUES RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU Droits 2004 PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'AGRUMES OU DE MELONS GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET EXTRAITS VÉGÉTAUX GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS; GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES; PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET TISSUS DE CRIN LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES) ET CUIRS PELLETERIES ET FOURRURES; PELLETERIES FACTICES PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA FLORICULTURE PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE COTON CÉRÉALES CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES CACAO ET SES PRÉPARATIONS AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES; FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Caraïbes. A l’inverse les produits laitiers, sont totalement libéralisés en Afrique de l’Est mais pas les caraïbes, le groupe SADC et l’Afrique de l’Ouest. Les graisses et huiles (potentiels concurrents de l’huile de palme) ne sont fortement libéralisées qu’en Afrique de l’Est et dans le groupe SADC. Actuellement en cours d’investigation : Discrimination viande rouge / blanche. Corrélation avec les produits laitiers (filière bovine). Graphique 5 : protection appliquée par l'Afrique Centrale à l'Union Européenne 40% Droits EPA 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% ANIMAUX VIVANTS PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS SUCRES ET SUCRERIES SOIE PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES CHIMIQUES RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'AGRUMES OU DE MELONS GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET EXTRAITS VÉGÉTAUX GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS; GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES; PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET TISSUS DE CRIN LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES) ET CUIRS PELLETERIES ET FOURRURES; PELLETERIES FACTICES PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA FLORICULTURE PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE COTON CÉRÉALES CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES CACAO ET SES PRÉPARATIONS Tout Droits EPA VIANDES ET ABATS COMESTIBLES Graphique 7 : protection appliquée par l'Afrique de l'Est à l'Union Européenne VIANDES ET ABATS COMESTIBLES Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) Tout TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS SUCRES ET SUCRERIES SOIE PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES CHIMIQUES RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS Droits 2004 PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU ANIMAUX VIVANTS AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES; FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES Droits 2004 PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'AGRUMES OU DE MELONS GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET EXTRAITS VÉGÉTAUX GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS; GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES; PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET TISSUS DE CRIN LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES) ET CUIRS PELLETERIES ET FOURRURES; PELLETERIES FACTICES PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA FLORICULTURE PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE COTON CÉRÉALES CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES CACAO ET SES PRÉPARATIONS AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES; FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 6: protection appliquée par l'Afrique de l'Ouest à l'Union Européenne Droits EPA 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 98 ANIMAUX VIVANTS PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS SUCRES ET SUCRERIES SOIE PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES CHIMIQUES RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'AGRUMES OU DE MELONS GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET EXTRAITS VÉGÉTAUX GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS; GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES; PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET TISSUS DE CRIN LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES) ET CUIRS PELLETERIES ET FOURRURES; PELLETERIES FACTICES PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA FLORICULTURE PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE COTON CÉRÉALES CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES CACAO ET SES PRÉPARATIONS VIANDES ET ABATS COMESTIBLES 40% VIANDES ET ABATS COMESTIBLES Droits EPA Tout Graphique 9 : protection appliquée par les Caraïbes à l'Union Européenne Tout TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS SUCRES ET SUCRERIES SOIE PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES CHIMIQUES RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS Droits 2004 PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU ANIMAUX VIVANTS AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES; FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES Droits 2004 PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'AGRUMES OU DE MELONS GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET EXTRAITS VÉGÉTAUX GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS; GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES; PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET TISSUS DE CRIN LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES) ET CUIRS PELLETERIES ET FOURRURES; PELLETERIES FACTICES PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA FLORICULTURE PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE COTON CÉRÉALES CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES CACAO ET SES PRÉPARATIONS AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES; FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 8 : protection appliquée par la zone sud - Groupe SADC à l'Union Européenne Droits EPA 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 99 4. 1. 2. 3. 30 ANIMAUX VIVANTS 4.1. 4.2. Avec toute fois la mise en place des dernières clauses de l’initiative TSA concernant les produits à protocole. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 100 VIANDES ET ABATS COMESTIBLES Tout TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS SUCRES ET SUCRERIES SOIE PRODUITS DE LA MINOTERIE; MALT; AMIDONS ET FÉCULES; INULINE; GLUTEN PRODUITS DIVERS DES INDUSTRIES CHIMIQUES RÉSIDUS ET DÉCHETS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; ALIMENTS PRÉPARÉS PRODUITS CHIMIQUES ORGANIQUES PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS OU D'AUTRES PARTIES DE PLANTES PRÉPARATIONS DE VIANDE, DE POISSONS OU DE CRUSTACÉS, DE MOLLUSQUES OU Droits 2004 PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES FRUITS COMESTIBLES; ÉCORCES D'AGRUMES OU DE MELONS GOMMES, RÉSINES ET AUTRES SUCS ET EXTRAITS VÉGÉTAUX GRAINES ET FRUITS OLÉAGINEUX; GRAINES, SEMENCES ET FRUITS DIVERS; GRAISSES ET HUILES ANIMALES OU VÉGÉTALES; PRODUITS DE LEUR HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES; PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE LAINE, POILS FINS OU GROSSIERS; FILS ET TISSUS DE CRIN LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; oeUFS D'OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES MATIÈRES À TRESSER ET AUTRES PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE, NON MATIÈRES ALBUMINOÏDES; PRODUITS À BASE D'AMIDONS OU DE FÉCULES PEAUX (AUTRES QUE LES PELLETERIES) ET CUIRS PELLETERIES ET FOURRURES; PELLETERIES FACTICES PLANTES VIVANTES ET PRODUITS DE LA FLORICULTURE PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D'AMIDONS, DE FÉCULES OU DE COTON CÉRÉALES CAFÉ, THÉ, MATÉ ET ÉPICES CACAO ET SES PRÉPARATIONS AUTRES FIBRES TEXTILES VÉGÉTALES; FILS DE PAPIER ET TISSUS DE FILS DE AUTRES PRODUITS D'ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 10 : protection de la zone Pacifique appliquée à l'Union Européenne Droits EPA 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% Source : MacMapHS6v2. Calculs des auteurs. Agrégation par la méthode des groupes de référence (voir Bouet et al., 2004) SIMULATIONS DES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE Présentation du modèle (Description du modèle, de la base commerciale, des choix d’élasticités, discussion sur la capacité d’offre africaine) Les scénarios simulés Par rapport à la situation de statu-quo30, nous examinons trois scénarios distincts : Scenario I : la disparition de la préférence asymétrique de l’Union Européenne octroyée aux ACP (cf. 0). Scenario II : la signature des APE sur la base d’une libération totale de l’UE et à hauteur de 80% du commerce pour les pays ACP. (cf. 0) Scenario III : partie intégrante de la dynamique commerciale des APE, l’intégration régionale apparaît comme une source de création de flux commerciaux importante (cf. les barrières élevées initiales entre pays ACP, cf. 0), et comme la meilleure solution pour limiter les effets de diversion de commerce qui résulteraient d’une ouverture des pays ACP uniquement à l’encontre de l’UE. Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Nous faisons donc l’hypothèse que chaque zone de négociations ACP parvient à former une zone de libre échange. 4.3. Résultats (Dans la version finale, les effets de la perte des préférences actuels pourront être dissociés des deux scénarios « positifs » i.e. les APE et les APE+ intégrations régionales. Les effets des scénarios positifs seront alors exprimés en % par rapport à la situation « perte de Cotonou »). Commençons par observer l’impact de la perte des préférences de Cotonou (Scenario I). Le graphique 11 présente les évolutions des exportations des pays ACP vers l’UE. En moyenne, les exportations agricoles baisseraient de 5% avec un écart notable entre les produits animaux (-15%) et les productions végétales (-3.5%) illustrant la moins grande générosité du GSP sur la première catégorie de produits. Notons que près des 90% des exportations étant composées de produits végétaux, c’est l’effet sur la production végétale qui domine. Si les résultats par zone reflètent les spécialisations sectorielles, ils dépendent aussi du nombre de PMA pouvant se replier sur des droits TSA plus avantageux. Ainsi, le groupe SADC et l’Afrique Orientale se retrouvent les plus pénalisés par la caducité des accords de Cotonou-Lomé. Graphique 11 : effets de la perte de Cotonou sur les exportations ACP vers l'UE (volume, %) Tous les produits ACP Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Pdction animale Afrique de l'Est Pdction végétale Groupe SADC Caraïbes Pacifique 0 -5 -10 -15 -20 -25 -30 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 101 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Abordons maintenant les effets des accords APE. Les exportations de l’UE (graphique 12) progressent fortement (45%) et de manière assez homogène entre zones. Seul le groupe SADC se distingue par un taux d’augmentation plus faible (30%). Ce résultat est cohérent avec les niveaux de protection initiale : cette région étant la moins protectionniste vis-à-vis de l’Europe. La formation d’accords régionaux au niveau des pays africains ne limitera la progression des exportations européennes que dans le cas de la zone Pacifique (effet réduit d’un dixième). De plus, les plus forts taux de progression sont rencontrés dans les productions animales (graphique 13) à l’exception de la région SADC qui possède des avantages comparatifs plus marqués dans la filière viande et qui préserve la moitié de ses protections dans le secteur laitier. Graphique 12 : évolution des exportations européennes vers les pays ACP (volume, en %) S2:APE S3:APE+IR 70 60 50 40 30 20 10 0 ACP Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Afrique de l'Est Groupe SADC Caraïbes Pacifique Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 102 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 13 : évolution des exportations de l’UE (%, volume) par type de production (animale vs végétale). Scenario II : APE. ani veg 80 70 60 50 40 30 20 10 0 ACP Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Afrique de l'Est Groupe SADC Caraïbes Pacifique En ce qui concerne les pays ACP, nous présentons tout d’abord les résultats les plus optimistes sur leurs exportations puisque nous considérons le cas où l’offre de ces pays est infiniment élastique31 : quelque soit la hausse de la demande européenne, mais aussi des pays ACP, les producteurs de ces pays peuvent y faire face sans avoir à augmenter leur prix. Cette hypothèse pour être réaliste demandera la mise en place d’importantes capacités de production. Le graphique 14 montre l’importance d’accompagner les APE d’un fort mouvement d’intégration régionale. En effet, d’importantes créations de commerce auront lieu qui effaceront sans difficulté les très faibles effets de diversion de trafic entraînés par la libéralisation avec l’Europe. La faiblesse des niveaux de commerce initiaux au sein des zones ACP et la différence entre produits locaux et importés de l’UE l’inexistence d’effets de diversion expliquent pour l’essentiel cette absence d’effet de diversion. A l’inverse, l’effet richesse sur les consommateurs, occasionné par la baisse des biens importés d’Europe, permet même d’avoir un effet une hausse de la consommation en produits ACP de l’Afrique de l’Ouest, y compris en l’absence d’accords régionaux. A l’inverse, la région d’Afrique Centrale, qui est déjà intégrée, ne gagne rien en interne à la formation d’une zone de libre échange mais va souffrir sur les marchés ACP tiers qui s’intègrent de détournements de flux commerciaux. 31 Inversement, considérer que l’UE peut répondre à une hausse de la demande des pays ACP tout en maintenant ses prix constants est tout à fait réaliste. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 103 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 14 : exportations des pays ACP vers l'ensemble de la zone ACP (flux intra zone inclus) S2:APE S3:APE+IR 50 40 30 20 10 0 -10 ACP Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Afrique de l'Est Groupe SADC Caraïbes Pacifique L’évolution du solde commercial agricole de l’UE avec ses partenaires ACP est présentée dans le graphique 15. Le résultat présenté ici peut sembler surprenant : dans l’ensemble les pays ACP renforcent leur excédent commercial agricole sur l’UE de 3,2 Milliards d’euros à plus de 6,4. Pour autant ce résultat masque une double réalité : • d’une part, l’Afrique de l’Ouest voit son excédent diminué et l’Afrique centrale renforce sa position d’importatrice nette. • d’autre part, l’Afrique de l’Est et le Groupe SADC connaissent une très forte amélioration de leur situation du pour l’essentiel à la progression de pays en développement sur les produits anciennement couverts par les protocoles (sucre, riz, banane) et par une baisse des protections rencontrés sur les filières animales32. 32 Rappelons que les normes sanitaires ne sont pas prises en compte ici et peuvent grandement compromettre, voire prohiber, le potentiel exportateur de ses pays vers l’UE sur les produits du règne animal. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 104 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 15 : solde agricole de l'UE avec les partenaires ACP (Millions d'euros 2004) Initial ACP Afrique de l'Ouest SI: Perte de Cotonou S2: APE S3: APE + IR Afrique centrale Afrique de l'Est Groupe SADC Caraïbes Pacifique 1000 0 -1000 -2000 -3000 -4000 -5000 -6000 -7000 -8000 Le graphique 16 et le graphique 17 présentent l’impact fiscal de la libéralisation des APE, y compris dans le cas d’une intégration régionale avancée qui viendrait amputer un peu plus les recettes douanières. Les APE se traduiraient par une baisse de 60% des droits de douanes collectées sur les exportations agricoles européennes, soit 22% sur le total des recettes douanières agricoles. La mise en place de zones de libre échange régionales porterait à 28% la perte de recettes fiscales. Rappelons que les APE se traduiraient par une hausse de 45 % des exportations agricoles européennes et que l’intégration régionale étudiée ici provoquerait une hausse de 28% du commerce ACP. L’Afrique centrale est la région la plus affectée du point de vue fiscale par la libéralisation avec l’UE. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 105 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP Graphique 16 : pertes des recettes tarifaires agricoles prélevées sur des produits de l'UE (variation en % des recettes initiales) ACP Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Afrique de l'Est Groupe SADC Caraïbes Pacifique 0 -10 -20 -30 -40 APE -50 -60 -70 -80 Graphique 17 : pertes des recettes tarifaires agricoles totales (variation en % des recettes initiales) ACP Afrique de l'Ouest Afrique Centrale Afrique de l'Est Groupe SADC Caraïbes Pacifique 0 -5 -10 -15 -20 APE APE+IR -25 -30 -35 -40 -45 -50 Actuellement sous investigation dans cette sous partie : Les conséquences d’un hypothèse alternative sur l’offre Analyse du solde avec une vision sectorielle et calorique Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 106 Etude d'impact des APE et de l'intégration régionale sur les pays ACP BIBLIOGRAPHIE Bouët A., Y. Decreux, L. Fontagné et S. Jean, 2004, “Computing an exhaustive and consistent, ad-valorem equivalent measure of applied protection: a detailed description of MAcMap-HS6 methododology”. Working paper GTAP and CEPII n°2004-22. Jean S., D. Laborde et W. Martin, 2005, “Sensitive Products: Selection and Implications for Agricultural Trade Negotiations”. TradeAg Working Paper 2005-02. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 107 LES NORMES EN TANT QUE BARRIERES NON TARIFAIRES ♦ Intervention lors du colloque " Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM les 27, 28 et 29 novembre 2006 Anne-Célia Disdier (INRA) Lionel Fontagné (Université Paris 1 & CEPII) Mondher Mimouni (International Trade Center – UNCTAD/WTO) Les pays membres de l’OMC peuvent dans le cadre des accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur les obstacles techniques au commerce (OTC) adopter des mesures afin de protéger la vie humaine, animale, végétale, la faune et la flore, l’environnement, et la sécurité humaine. Sont précisées en outre dans ces accords les conditions d’adoption de ces mesures, l’objectif étant d’éviter que ces dernières ne soient appliquées par les pays à des fins protectionnistes, notamment dans le contexte actuel de réductions des barrières tarifaires. Toutefois, la ligne de partage entre ces normes et les barrières aux échanges reste ténue, en particulier pour les produits agricoles, et plusieurs pays en développement se sont récemment élevés contre la multiplication des obstacles au commerce. En juillet 2004 lors de leur réunion à l’Ile Maurice, les Ministres du Commerce des pays ACP ont souligné que les barrières non tarifaires - notamment les mesures SPS et OTC - restreignaient l’accès de leurs produits agricoles sur les différents marchés. Les textes des accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les obstacles techniques au commerce sont disponibles sur le site Internet de l’OMC33. Nous reprenons ici brièvement quelques-uns des principaux points de ces accords. L’accord SPS traite de l’innocuité des produits alimentaires, de la santé et de la sécurité des animaux et des végétaux et incitent les pays à privilégier – lorsqu’elles existent – les normes internationales (FAO, OMS). Toutefois, les pays peuvent également établir leurs propres normes, à condition qu’elles soient fondées scientifiquement, ou imposer des standards plus élevés que les standards internationaux, à nouveau sur la base d’une justification scientifique ou d’une évaluation appropriée des risques. Pour favoriser la diffusion de l’information sur les normes mises en place, ces dernières doivent être notifiées à l’avance et un point national d’information doit être établi. L’accord sur les obstacles techniques au commerce vise pour sa part à ce que les normes et les procédures d’essai et d’homologation des produits ne soient pas source d’obstacles au commerce. Afin d’éviter une multiplication ♦ Texte rédigé par Anne-Célia Disdier. Ce travail est issu d’une recherche plus large portant sur l’ensemble des pays du monde. Les résultats présentés ici concernent uniquement les exportations des pays ACP. 33 http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm#sanitary Les normes en tant que barrières non tarifaires des mesures, les pays sont là encore incités à privilégier les normes internationales, tout en restant néanmoins libres de fixer un niveau de protection éventuellement plus élevé. L’accord insiste également sur le fait que l’évaluation de la conformité des produits aux standards imposés doit être juste et équitable. Enfin, comme pour l’accord SPS, les mesures OTC doivent notifiées à l’avance et un point d’information doit être établi dans chaque pays. Sur le plan méthodologique, notre étude couvre l’ensemble des pays membres de l’OMC. Ces derniers ont en effet obligation de notifier leurs mesures SPS et OTC à l’Organisation. Quelques pays non membres (comme la Russie) fournissent également la liste de leurs notifications et sont inclus dans notre échantillon. S’agissant des produits, nous couvrons tous les produits agricoles tels qu’ils sont définis dans l’Accord sur l’Agriculture de l’OMC au niveau 6 digits de la classification harmonisée. Nos données sur les normes SPS et OTC proviennent de la base des Nations Unies sur les barrières au commerce. Pour chaque barrière, la base indique le pays importateur qui notifie, le produit affecté et le type de barrière imposée. Nous considérons les mesures notifiées jusqu’en 2004. Il convient de souligner que les mesures SPS et OTC n’ont pas de dimension bilatérale : elles sont appliquées unilatéralement par les pays importateurs et appliquées à l’ensemble des pays exportateurs. S’agissant des données de commerce, qui elles ont une dimension bilatérale34, nous utilisons la base BACI développée par le CEPII. Au final notre échantillon comprend 75 pays ACP exportateurs, 153 importateurs et 672 produits agricoles. Parmi les 153 pays importateurs, seuls 91 notifient des normes SPS et OTC sur les produits agricoles. Notre recherche vise à apporter des réponses aux questions suivantes : (i) Quels sont les pays importateurs qui ont le plus recours aux mesures SPS et aux OTC ? (ii) Quels sont les secteurs et les pays exportateurs les plus affectés ? (iii) Ces mesures sont-elles utilisées dans le cadre défini par les accords SPS et OTC ou utilisées à des fins protectionnistes ? Pour répondre à ces questions, il est possible d’utiliser la méthode de l’inventaire. Cette méthode consiste à examiner la part du commerce mondial affecté par les normes SPS et les OTC. Si cette part est significative, alors ceci suggère l’existence d’un large consensus sur l’impact négatif du produit pour l’environnement ou la santé. En revanche, si un seul ou peu de pays notifient une mesure SPS ou OTC sur un produit, nous pouvons penser que nous sommes en présence de protectionnisme. La frontière entre ces deux situations sera naturellement partiellement subjective. Avant d’étudier plus en détail les points susmentionnés, intéressons-nous tout d’abord aux motifs invoqués par les pays pour justifier l’application de mesures SPS et OTC. Comme noté en introduction, six raisons peuvent être avancées : protection de la santé humaine, animale, végétale, de la faune et de la flore, de l’environnement, et de la sécurité humaine. Au sein de notre échantillon, la protection de la santé humaine est l’argument le plus souvent invoqué (cf. figure 1). 34 A titre d’exemple, BACI fournit les importations de la France en provenance du Kenya ou celles de l’Italie en provenance de l’Argentine. Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 110 Les normes en tant que barrières non tarifaires Ce motif est également associé au plus fort taux de couverture. Ce taux est calculé comme le rapport entre les exportations des pays ACP soumises à des normes SPS et OTC et leurs exportations totales. L’étude de la concentration des mesures SPS et OTC offre également des indications sur l’importance et l’impact de ces normes sur les exportations des pays ACP. Les résultats obtenus montrent que 153 produits agricoles exportés par les pays ACP ont un taux de couverture supérieur à 50%. Autrement dit, la moitié au moins des exportations de ces produits est soumise à des normes SPS et OTC. Nous remarquons aussi que seulement 34 produits exportés par les pays ACP ne sont sujets à aucune norme. Précisons que ceci ne signifie pas pour autant l’absence totale de normes sur ces produits au niveau mondial. Certains pays importateurs peuvent notifier des mesures sur ces produits et les importer de pays autres que les pays ACP. Dans la mesure où notre échantillon est restreint aux exportations des seuls pays ACP, ces produits apparaissent dans ce cas au sein de notre étude comme n’étant soumis à aucune norme SPS ou OTC. Figure 1: objectifs de protection des mesures SPS-OTC Il est également possible d’examiner les produits les plus affectés par les mesures SPS et OTC. Pour ce faire, différents critères peuvent être retenus : (i) le nombre de pays qui notifient, (ii) la part du commerce affecté (ou taux de couverture), et (iii) la valeur des importations notifiées Les résultats obtenus dépendent fortement du critère de classement choisi (cf. figure 2). Il apparaît en effet que les produits les plus affectés en termes de nombre de pays qui notifient ne sont pas ceux pour lesquels la part du Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 111 Les normes en tant que barrières non tarifaires commerce affecté est la plus élevée, ni ceux pour lesquels la valeur des importations notifiées est la plus forte (sauf dans le cas des fleurs et boutons de fleurs frais). Un autre aspect intéressant à étudier concerne l’emploi des mesures SPS & OTC par les pays importateurs. Nous nous concentrons ici sur les mesures notifiées par les pays de l’OCDE (cf. figure 3). Les pays sont classés par ordre décroissant suivant la part de leurs importations en provenance des pays ACP soumises à des normes SPS ou OTC. Nous reportons également le nombre de biens affectés. Les résultats montrent de fortes variations entre les pays. Quatre d’entre eux (le Mexique, l’Australie, la Norvège et la Nouvelle-Zélande) ont un taux de couverture supérieur à 85%. A titre de comparaison, seulement 6,6% des importations de l’UE25 en provenance des pays ACP sont sujettes à des normes SPS ou OTC. La Corée du Sud et la Turquie ne notifient pour leur part aucune mesure SPS ou OTC sur les produits agricoles. Enfin, la méthode de l’inventaire permet également de lister les pays exportateurs les plus affectés (cf figure 4). Nous retenons deux des critères de classement précédemment utilisés : (i) la part du commerce affecté et (ii) le nombre de biens concernés, et reportons les dix pays exportateurs les plus touchés dans chaque cas. Figure 2 : liste des produits des pays ACP les plus affectés • • • Selon le nombre de pays qui notifient Animaux vivants, exceptés les animaux de la ferme (61) Fleurs et boutons de fleurs frais (53) Boutures non racinées et greffons (46) Autres plantes vivantes (41) Autres préparations alimentaires (41) Selon la part du commerce affecté Sarrasin (99,5) Soie grège (non moulinée) (99,2) Feuillages, feuilles et rameaux frais (98,9) Pelleteries brutes d’agneaux (98,7) Graines de betteraves (98,4) Selon la valeurs des importations notifiées (millions USD) Fleurs et boutons de fleurs frais (364,1) Cacao en fèves et brisures de fèves, bruts ou torréfiés (324,5) Coton, non cardé ni peigné (316,7) Sucre de canne (315,1) Thé noir (fermenté) et thé partiellement fermenté (304,3) A nouveau, les résultats obtenus dépendent fortement du critère employé. Seul le Kenya apparaît dans les deux classements, en neuvième position lorsque la part du commerce affecté est retenue comme critère et en deuxième position lorsque le classement est basé sur le nombre de biens affectés. Il convient également de remarquer le fort écart existant entre ces deux groupes de pays tant pour le nombre de produits affectés que pour le ratio de couverture : 70,4% des exportations de la Mauritanie Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 112 Les normes en tant que barrières non tarifaires (20 produits exportés) sont soumises à des normes SPS et OTC. Par comparaison, 583 produits exportés par l’Afrique du Sud sont sujets à des mesures SPS et OTC. Toutefois, ces produits ne représentent que 24,6% des exportations de ce pays. Figure 3 : importations notifiées par les pays de l'OCDE Pays Part de commerce notifiée (%) Nb. de biens notifiés Mexique 99,4 74 Australie 97,6 311 Norvège 90,1 116 Nouvelle Zélande 87,3 229 Suisse 31,8 130 Canada 31,2 184 Islande 26,1 17 Etats-Unis 23,7 273 Europe 6,6 90 Japon 5,8 27 Corée du Sud 0 0 Turquie 0 0 Figure 4 : pays ACP exportateurs les plus affectés Pays Commerce affecté (%) Nb. de biens Pays Commerce affecté (%) Nb. de biens Guinée-Bissau 98,7 3 Afrique du Sud 34,6 583 Mauritanie 70,4 20 Kenya 47,3 320 Somalie 67,3 26 Fidji 40,2 197 Erythrée 50,4 16 Zimbabwe 16,7 176 Samoa 50,2 42 Tanzanie 32,2 168 Angola 49 6 Rép. Domin. 14,6 162 Nauru 48,8 1 Ghana 11,5 146 Cuba 48,2 63 Uganda 19,9 132 Kenya 47,3 320 Sénégal 20,8 118 Iles Salomon 47 13 Côte d'Ivoire 13,4 114 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 113 Colloque international 27- 28- 29 novembre 2006 Siège du Crédit agricole S.A, 91 boulevard Pasteur, Paris 15e Trois journées pour réfléchir à l’avenir des politiques agricoles Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? Dans les prochaines années, l’agriculture va être confrontée à de nombreux changements, qui concernent aussi bien l’Union européenne (UE) que les pays en développement (PED). En effet, cinquante ans après la signature du traité de Rome en 1957, l’UE s’apprête à lancer une nouvelle réflexion pour approfondir la réforme de la politique agricole commune (PAC). De même, trente ans après les accords de Lomé en 1975, les accords de partenariat économique (APE) sont sur le point de redéfinir les règles des échanges commerciaux entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Ces deux perspectives annoncent le renouvellement du mode de régulation pensé au milieu du XXème siècle. Notre Europe et FARM, réunis dans cette démarche de prospective « Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ? » proposent de mener leur réflexion conjointement avec Pluriagri autour de cet enjeu majeur. Les mutations actuelles exigent en effet de repenser les politiques agricoles jusque dans leurs fondements et de concevoir l’avenir de la PAC et de la relation Europe - pays ACP en un ensemble durable. L’analyse sera conduite en deux temps : en établissant les diagnostics de portée générale d’une part – présentés et discutés lors du présent colloque de 2006 – et en élaborant des propositions en 2007 d’autre part. Le programme des 27, 28 et 29 novembre 2006 proposera tout d’abord de rapprocher les prévisions de marché à moyen terme des facteurs susceptibles de modifier durablement l’équilibre entre l’offre et la demande mondiales de produits agricoles. Ce diagnostic économique et technique sera complété par l’examen des attentes en matière agricole et alimentaire des sociétés européennes contemporaines. Enfin, les discussions sur les retombées des Accords de Partenariat Economique pour l’intégration régionale et l’agriculture aborderont la question des solidarités ente l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ce colloque s’adresse aux experts, professionnels et chercheurs des pays en développement et de l’Union européenne. Les intervenants sont des chercheurs, des économistes, des décideurs, des professionnels de divers horizons : institutions nationales, régionales ou communautaires, organismes internationaux (FAO, Banque mondiale), entreprises. MARDI 28 NOVEMBRE 2006 SESSION 4 ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ET MARCHES REGIONAUX : QUELLES MARGES DE MANŒUVRE POUR LES PAYS EN DEVELOPPEMENT ? ANIMEE PAR FARM 14h20-14h40 Des accords de Lomé aux accords de Cotonou : mise en perspective historique Edgard Pisani, ancien Ministre et ancien Commissaire européen Président de séance : Thiendou Niang, Directeur, Réseau d’expertise des Politiques Agricoles (REPA), Sénégal 14h40-14h50 Accueil et présentation du programme Bernard Bachelier, Directeur de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM), Paris, France 14h50-15h Etat d’avancement des négociations et conséquences de la suspension du cycle de Doha sur les négociations des APE Kathleen Van Hove, Chargée de programme, Centre Commun de gestion des politiques de développement (ECDPM), Maastricht, Pays-Bas 15h-15h10 Enjeux et marges de manœuvre pour les produits agricoles sensibles Bénédicte Hermelin, Coordinatrice du pôle Politiques publiques et régulations internationales, Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques (GRET), Paris, France, synthèse préparée avec Benoît Faivre Dupaigre, Coordinateur de l'Unité Politiques agricoles et Acteurs ruraux, Institut de Recherches et d'Applications des Méthodes de Vincent Ribier, Economiste, Centre de développement (IRAM), Paris, France, et Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), Nogent-sur-Marne, France 15h10-15h20 Les Tarifs Extérieurs Communs (TEC) de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et leurs conséquences sur l’intégration régionale et la négociation des APE Bio Goura Soulé, Directeur, Laboratoire d'Analyse Régionale et d'Expertise Sociale (LARES), Bénin 15h20-15h30 Les APE, freins et atouts à l’intégration régionale de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) Jean-Christophe Boungou Bazika, Chercheur, Centre d’études et de recherche sur les analyses et politiques économiques. Université Marien Ngouabi, Congo 15h30-16h15 Débat avec la salle 16h15-16h40 Pause 16h40-17h10 Analyse d'impact en équilibre partiel des aspects commerciaux et tarifaires : nouvelle étude du Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII), Paris, France David Laborde, Economiste, Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales 17h10-18h Table ronde : Quelles marges de manœuvre pour les pays en développement ? Président : Jean-Paul Betbèze, chef économiste de Crédit Agricole S.A. • Lionel Fontagné, Economiste, Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII), Paris, France • Mathias Busse, Economiste, Institut d’Economie Internationale de Hambourg, Allemagne • Emmanuel Douya, Economiste, université de Yaoundé, Cameroun • Hélène Fiagan, Secrétariat des ACP, Bruxelles, Belgique • Isabelle Garzon , Unité B.1, Direction générale au développement, Commission Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 116 européenne • Saliou Sarr, Coordonnateur du Réseau des Organisations Paysannes et des • Jean-Luc Sénou, Représentant de la Commission de l’Union Economique et Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) pour le Sénégal Monétaire Ouest Africaine à Bruxelles, Belgique 18-18h30 Débat avec la salle Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 117 MERCREDI 29 NOVEMBRE 2006 SESSION 5 ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ET MARCHES REGIONAUX: LES REGULATIONS NON TARIFAIRES DU MARCHE AGRICOLE ANIMEE PAR FARM Président de séance : Jean-Yves Grosclaude, Directeur Développement rural, Agence Française de Développement (AFD) 8h30-9h00 Accueil 9h00-9h30 Introduction Michel Petit, Président, Conseil scientifique de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) 9h30-9h45 Les normes en tant que barrières non tarifaires Anne-Célia Disdier, Chercheur, Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Paris, France, Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII), Paris, France analyse commune avec Lionel Fontagné, Economiste, CEPII, France 9h45-10h00 Consommation urbaine et intégration régionale dans les pays ACP Nicolas Bricas, Responsable de l'unité Normes et régulation des marchés agricoles, Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), Montpellier, France 10h-10h15 Les normes en tant qu’élément favorisant la conquête des marchés régionaux par les produits locaux Noro Andriamamonjiarison, Hermes Conseil, membre du cabinet d’appui technique aux négociations APE, Madagascar 10h15-11h00 Débat avec la salle 11h00-11h30 Pause 11h30-12h45 Table ronde • • Marie-Andrée Tall, Présidente, Association Afrique agro-export (AAFEX), Sénégal Amadou Guiro, Directeur Général, Institut des Technologies Alimentaires (ITA), Sénégal • • • 12h45-14h Gérard Renouard, Président de Agriculteurs Français et Développement International (AFDI), Paris, France Olivier Bernadas, Directeur, Lobodis Bruno Colombani, responsable Ethique sociale, Casino DEJEUNER Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 118 SESSION 6 ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE ET MARCHES REGIONAUX : QUE PEUT-ON ATTENDRE DES NEGOCIATIONS ? ANIMEE PAR FARM Président de séance : 14h30-15h00 Christian de Boissieu, Président, Conseil d’Analyse Economique (CAE) et Conseil de Prospective Européenne et Internationale pour l’Agriculture et l’Alimentation (COPEIAA) Exposés introductifs • Ibrahim Assane Mayaki, Directeur exécutif, Plateforme en Afrique de l’Ouest et • Erik Orsenna de l’Académie française, vice président du Conseil d’administration du Centre, ancien premier ministre du Niger de la Fondation pour l’Agriculture et Ruralité dans le Monde (FARM) 15h00-16h00 Table ronde • • • • • Mamadou Cissokho, Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) Xavier Beulin, Vice-président de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), Président de Sofiprotéol Ibrahim Bocar Ba, Ambassadeur du Mali à Bruxelles Claude Maerten, Chef d’unité, Direction Générale du commerce, Commission européenne Hervé Lejeune, Directeur général adjoint de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) 16h00-16h30 Débat avec la salle 16h30-17h00 Pause 17h00-18h00 Séance de clôture Président : René Carron, Président, Crédit Agricole S.A., Président de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde, France • Madan Murlidhar Dulloo, Ministre des Affaires étrangères, du Commerce international et de la Coopération, République de Maurice • Bernard Petit, Directeur Général Adjoint au Développement, Commission européenne • Soumaïla Cissé, Président, Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) • Dominique Bussereau, Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, France Cocktail de clôture Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 119 FONDATION POUR L’AGRICULTURE ET LA RURALITE DANS LE MONDE FARM c/o Crédit Agricole S.A. 91 — 93 boulevard Pasteur 75015 Paris www.fondation-farm.org [email protected] Tél. : 01 57 72 07 19 Colloque "Quel cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?" – 27, 28 et 29 novembre 2006 120