interdiction d`exploitation imposee aux compagnies aeriennes

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interdiction d`exploitation imposee aux compagnies aeriennes
INTERDICTION D’EXPLOITATION IMPOSEE AUX
COMPAGNIES AERIENNES AFRICAINES PAR L’UNION
EUROPEENNE
Par
Dr. Elijah Chingosho
Secrétaire Général
LE 17 JUILLET 2012
Abuja, Nigeria
INTRODUCTION
AFRAA est très honorée de profiter de cette occasion pour aborder avec les parties prenantes de
l'industrie l'important sujet de la liste noire des compagnies interdites par l’Union Européenne (UE)
et comment faire face à ce problème.
La sécurité est la priorité dans l'industrie du transport aérien. En effet les niveaux de sécurité sur le
continent africain ont été en constante évolution pendant ces dernières années et cet élan doit être
maintenu.
Malgré cette amélioration progressive, de plus en plus de pays africains continuent d'être ajoutés à la
liste interdite de l'UE. Ce document traitera de la portée et de l'ampleur de la liste noire de l'UE et de
son impact négatif sur toutes les compagnies aériennes africaines. La présentation mettra aussi en
exergue le manque de transparence dans l’établissement de la liste interdite qui n'aide pas à
améliorer la sécurité en Afrique mais constitue juste un obstacle technique au développement des
compagnies aériennes africaines. Certaines solutions de rechange plus efficaces que la liste interdite
seront proposées.
Aperçu de la présentation
Sujets traités dans cette présentation:
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
La liste noire UE des compagnies aériennes
Qui est responsable de la mise à jour de la liste ?
Analyse critique de la liste noire
Impact de la liste noire sur l'industrie africaine du transport aérien
Obstacles techniques au commerce
Quelles sont les alternatives les plus efficaces?
Conclusions
Liste noire des Compagnies aériennes interdites par l’UE
La liste noire des compagnies aériennes a été initiée par les Etats-Unis sur proposition de la
« Federal Aviation Authority » (FAA) et de l’ « International Aviation Safety Assessment (IASA).
Le programme IASA classifie les compagnies aériennes en deux catégories, à savoir:
Catégorie 1: Cette note signifie que l'autorité de l'aviation civile dans le pays répond aux normes de
l'OACI ;
Catégorie 2: Cette note signifie qu’un pays n'a ni les lois ou règlements nécessaires pour surveiller
les transporteurs aériens en conformité avec les normes internationales minimales, ou
que son autorité de l'aviation civile est déficiente dans un ou plusieurs domaines tels
que l'expertise technique, la formation, les procédures du personnel, la tenue des
registres ou l'inspection.
Selon le site de la EC/SAFA, la liste noire de l'UE est établi selon les conseils d'un comité de la
sécurité aérienne sous les auspices du programme de la sécurité des aéronefs étrangers (SAFA) lié à
la commission européenne(CE). Ils affirment que la liste noire de l'UE est assemblée sur les bases
suivantes:
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 des résultats des contrôles au sol dans les aéroports de l'UE
 de l’incapacité de la compagnie aérienne à corriger les déficiences identifiées lors des
inspections au sol
 de l'incapacité des autorités nationales à effectuer les opérations de contrôle
 de l'utilisation d'avions mal entretenus, vétustes ou obsolètes.
La première version de la liste noire a été publiée en 2006, sur la base juridique du règlement n°
474/2006 de la Commission européenne, publié le 22 Mars de cette année. La version actuelle de la
liste a été publiée le 3 Avril 2012. La liste a été régulièrement mise à jour depuis lors, et nous avons
été témoins du rajout de plus en plus de pays sur la liste.
La liste noire de l'UE publiée en Avril 2012 comprend 284 compagnies aériennes de 24 pays dans le
monde entier actuellement interdites de vol en Europe. Sur les 24 pays à travers le monde avec des
compagnies aériennes sur la liste interdite, 17 d'entre eux, soit plus de 70%, sont en Afrique. Cela
signifie qu'environ un tiers des pays africains sont sur la liste interdite. Actuellement, aucun pays
africain n'a été retiré de la liste, bien que nous ayons assisté à une amélioration générale de la
sécurité aérienne sur le continent et qu'un certain nombre de pays sur la liste noire ont corrigé
plusieurs manquements à la sécurité identifiés par les audits USOAP de l'OACI.
La liste interdite comporte deux annexes à savoir l'annexe «A» et «B». L’annexe «A» liste les
transporteurs aériens soumis à une interdiction totale d’opération au sein de l'UE, alors que l’annexe
«B» liste les transporteurs aériens soumis à des restrictions d'opération au sein de l'UE.
Les pays suivants sont ou ont des compagnies aériennes sur la liste interdite de l’UE (liste noire)
(annexe «A»):
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PAYS AYANT DES COMPAGNIES AERIENNES SUR LA LISTE INTERDITE PAR L’UE
(03 AVRIL 2012)
Nombre de compagnies
aériennes
Pays
1. Ghana
2. Honduras
3. Rwanda
4. Afghanistan
5. Angola
6. Bénin
7. République du Congo Brazzaville
8. RDC
9. Djibouti
10. Guinée Equatoriale
11. Indonesie
12. Kazakhstan
13. République de Kyrgyz
14. Liberia
15. Gabon
16. Mauritanie
17. Mozambique
18. Philippines
19. Sao Tome et Principe
20. Sierra Leone
21. Soudan
22. Suriname
23. Swaziland
24. Zambie
TOTAL
1
1
1
4
13
8
5
36
1
3
47
37
16
0
7
1
13
56
10
7
14
1
1
1
284
Totale dans le monde entier
Total en Afrique
Nombre de pays africains touchés par la liste noire de l’UE
- 284 compagnies aériennes
- 130 compagnies aériennes
- 17.
Les transporteurs aériens figurant à l'annexe A peuvent être autorisés à exploiter les droits de trafic
en utilisant des aéronefs loués avec équipages à un transporteur aérien qui ne fait pas l'objet d'une
interdiction d'opération, à condition que les normes de sécurité applicables soient respectées. Ces
avions viennent en grande partie de l'UE, ce qui est une activité très lucrative pour eux alors que
c'est très cher pour le transporteur interdit.
Qui est responsable de la mise à jour de la liste noire ?
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La Commission européenne (CE) et les États membres de l’Union européenne mettent en place et
actualisent régulièrement la liste noire de la CE par le biais du Comité de la sécurité aérienne qui se
réunit environ trois fois l’an. En retour, il est de la responsabilité des Etats membres d’appliquer la
liste noire établie suivant les règlements de la CE.
Analyse critique de la liste interdite
Sur les 130 compagnies aériennes africaines qui sont sur la liste noire de l’UE, moins d’une demidouzaine volaient vers Europe ou avaient l’intention de le faire. Les quelques rares qui l’ont fait
visaient en grande partie une clientèle de niche principalement du trafic ethnique. Il s'agit
notamment des transporteurs de classe mondiale tels que Air Madagascar et LAM Mozambique
Airlines. Ces deux compagnies aériennes ont un excellent niveau de sécurité que peu de compagnies
dans le monde peuvent se vanter d'avoir. Ces compagnies aériennes sont enregistrées IOSA et
adoptent les meilleures pratiques de l'industrie en matière de sûreté, sécurité et qualité. Les
statistiques de la « Flight Safety Foundation » montrent que ces transporteurs n'ont jamais eu
d'accidents graves au cours des 25 dernières années.
En revanche quelques-unes des grandes compagnies aériennes européennes ne peuvent prétendre à
ce genre de palmarès. Par exemple, selon la « Flight Safety Foundation », Air France a eu 23
accidents majeurs (impliquant des dommages importants aux aéronefs, des blessures graves ou des
morts) depuis 1990, trois d'entre eux ont provoqué des dommages corporels avec un total de 348
morts.
Ces compagnies aériennes africaines ont travaillé dur et investi d'importantes ressources pour
atteindre les meilleures pratiques de l'industrie sur la sécurité, ce qui leur a permis d'obtenir la
Certification IATA sur l’Audit de Sécurité et au fil des ans son renouvellement. AFRAA ne voit pas
comment une telle interdiction aveugle contribue à encourager les transporteurs africains à obtenir
les meilleures pratiques de l'industrie dans le respect des normes de sécurité.
Même le Libéria, qui ne possède pas de compagnie aérienne, n'est pas épargné par la liste noire. En
d'autres termes, il a été dit au Libéria de ne pas créer de compagnie aérienne à vocation
internationale parce qu'elle ne sera pas autorisée à aller en Europe.
Les raisons de mettre une compagnie aérienne sur la liste noire sont rarement claires. Si ces raisons
étaient claires les diverses parties prenantes sauraient comment empêcher une compagnie aérienne
de se retrouver sur la liste interdite ou comment en sortir quand elle y est déjà. Il est très facile de se
retrouver sur la liste mais difficile d'en sortir.
En effet, si les raisons de mettre une compagnie aérienne ou un pays sur la liste interdite relèvent
d’un souci de sécurité par exemple, un pays ayant des aéroports internationaux avec des services de
recherche et de sauvetage déficients, sans clôture de sécurité, un service de sécurité incendie
inadéquat ou des pompiers mal formés, pourquoi donc les compagnies aériennes européennes vont telles dans ces pays? Si un pays ou une destination n'est pas sûre pour les compagnies africaines, elle
ne l’est pas aussi pour les compagnies européennes. Ce que nous constatons c'est que lorsque la
compagnie locale est interdite, c’est en ce moment que les transporteurs européens augmentent leurs
fréquences vers cette destination pour prendre tout le trafic perdu par cette compagnie locale
interdite.
En revanche, la « Federal Aviation Administration » (FAA) des Etats-Unis a établi le programme
IASA à travers une politique publique en Août 1992. Le programme FAA d’évaluation étrangère se
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concentre sur la capacité d'un pays et non pas d’un transporteur aérien, à respecter les normes et
pratiques internationales recommandées pour l'exploitation et l’entretien des aéronefs établies par
l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) comme souligné plus tôt. Il est également
évident que les USA n’utilisent pas le principe de deux poids deux mesures où des transporteurs
d’un pays sont interdits d'opérer aux USA alors que ceux des USA sont autorisés à aller vers ces
pays prétendument pas sûrs. Dans ce cas les parties prenantes africaines comprennent que les USA
ne s’intéressent qu’à la question de sûreté ou sécurité mais non pas à celle d’avantage commercial
sur les compagnies africaines, ce qui est tout à fait à l’opposé des pratiques de l’UE.
Nous notons également qu’aucun opérateur majeur de l'avion Airbus n'a jamais été mis sur la liste
noire de l'UE
Les opérateurs africains qui volent vers l'UE connaissent plus de problèmes liés à des contrôles au
sol plus fréquents que les autres opérateurs, laissant apparaître nettement une discrimination envers
les compagnies africaines.
Malgré des taux relativement élevés d'accidents en Russie, le pays n'est pas concerné par la liste
noire de l'UE. Nous croyons que c'est parce que l'UE sait que la Russie n'acceptera pas des normes
injustes crées pour le bénéfice économique des transporteurs de l'UE.
Impact de la liste interdite sur l'industrie aérienne africaine
L'adoption par l'UE de la liste noire, que ce soit partiellement ou totalement, est très dommageable
pour l'industrie du transport aérien africain dans son ensemble, bien au-delà des compagnies
aériennes ciblées avec des répercussions économiques et financières sur les états concernés et les
peuples sans apporter une quelconque amélioration à la sécurité du transport aérien.
Avec 130 compagnies aériennes sur la liste interdite, les clients, particulièrement ceux de l'UE ont
une perception négative des compagnies aériennes africaines. En fait, plusieurs personnes m'ont dit
que leurs agents de voyage leur ont conseillé d'éviter les compagnies aériennes africaines parce
qu'elles ne seraient pas sûres. Ceci place les compagnies africaines aux standards internationaux
dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport aux compagnies européennes. Ceci
arrive à un moment où le trafic entre l'Europe et l'Afrique est largement dominé par les
transporteurs européens avec, par exemple, Air France ayant un monopole réel sur le trafic
international des pays francophones de l'Afrique de l'ouest et de l'Afrique central.
Le caractère unilatéral de la décision d'interdire et son manque de transparence jettent de sérieux
doutes quant à son équité ainsi qu'à son impartialité. La pratique ressemble à des manipulations
motivées par des intérêts économiques et financiers manifestes. Il est tout à fait évident que les
bénéficiaires de cette liste noire sont les compagnies aériennes européennes qui se précipitent pour
profiter du vide ainsi créé.
Une liste noire empêche non seulement l’opération des compagnies frappées vers les destinations
européennes mais produit des effets négatifs sur leurs opérations vers des destinations en dehors de
l'UE dans la mesure où la vente de leurs billets en Europe chute et que leurs partenaires en
codeshare/interline retirent leurs billets et limitent leur coopération.
Obstacles techniques au commerce
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Dans les années passées, les nations avaient l'habitude d'utiliser des barrières tarifaires pour protéger
leurs propres industries en imposant par exemple des droits de douane élevés ou des quotas. Ces
barrières sont devenues obsolètes et dans tous les cas, la réciprocité dans ce domaine affectait
négativement tous les pays. Alors des barrières commerciales plus sophistiquées sont créées sous
forme de règlements tels que le système de l’Union Européenne d’échange de quotas d’émissions de
gaz à effet de serre (EU ETS) pour décourager les compagnies aériennes étrangères qui volent vers
les états de l'UE. La liste noire de l'UE est une autre de ces mesures visant à affaiblir les pays du
tiers monde et leurs compagnies aériennes pour minimiser la concurrence avec les transporteurs de
l'UE. Comme les barrières tarifaires au commerce ont disparu, des normes de ce type ont émergé et
c’est une préoccupation.
Les gouvernements, les acteurs du marché et d'autres intervenants peuvent utiliser des normes
comme moyen efficace et efficient d'atteinte d’objectifs politiques et commerciaux légitimes. Mais
quand les mesures normatives sont trop discriminatoires, ou inappropriées, elles réduisent la
concurrence, étouffent l'innovation, et créent d'inutiles obstacles techniques au commerce.
Ces types de mesures prises par l'UE posent un problème particulier aux compagnies aériennes
africaines qui ont souvent à investir d'énormes moyens pour s'attaquer elles-mêmes à ces problèmes.
Les parties prenantes africaines, en particulier les gouvernements doivent lutter contre ces obstacles
techniques injustifiés aux activités du transport aérien africain. L'UE fait face à d'énormes défis
économiques et financiers et il faut s’attendre à la mise en place de plus en plus d’obstacles
techniques de ce genre au commerce.
Quelles sont les alternatives les plus efficaces?
Dans la mesure où la liste noire de l'UE ne contribue aucunement à la sécurité des vols, manque
d'objectivité et ne constitue pas un indicateur fiable du respect des standards de sécurité d’une
compagnie aérienne, AFRAA suggère ce qui suit que nous croyons être des alternatives
constructives et efficaces pour corriger les carences particulièrement au niveau des petites
compagnies africaines ayant des moyens limités.
a.
Plan d'action stratégique d'amélioration AFI
Un sommet sur la sécurité de l'aviation a eu lieu à Johannesburg du 14 au 16 mai 2012, organisée
par l'IATA et l'OACI en collaboration avec la CAFAC, AFRAA, ASECNA, ATNS, AASA, ACI,
EASA, FAA, CANSO, IFALPA, IFATCA, BOEING et AIRBUS pour les décideurs et a proposé un
plan d'action stratégique d’amélioration AFI présenté par IATA lors de cette conférence. L'adoption
et la mise en œuvre du plan d’action stratégique d’amélioration AFI avec des objectifs stratégiques
est fortement recommandé pour s’assurer que tous les pays et toutes les compagnies soient hors de la
liste interdite d’ici 2015 :





b.
Adoption et mise en place d'un système de surveillance réglementaire efficace et transparent;
Mise en œuvre de mesures de sécurité pour les pistes;
Formation sur la prévention de la Perte de contrôle;
Mise en place de moyens d’analyse des données de vol (FDA) ;
Mise en place de moyens de gestion de la sécurité (SMS).
Dialogue avec l'UE
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AFRAA appelle les gouvernements africains, la CAFAC et l'UA à prendre des mesures fermes et
décisives sur le nombre croissant d'Etats africains mis sur la liste noire des compagnies aériennes
interdites par l’UE mais aussi à engager avec la Commission européenne un dialogue consensuel
visant à établir des critères mutuellement acceptés pour l’amélioration de la sécurité sur le continent.
c.
IOSA
L'Afrique dispose de 42 compagnies aériennes sur le registre IOSA. IATA et AFRAA exigent que
toutes les compagnies aériennes membres soient certifiées IOSA de manière à prouver que la
sécurité reste la priorité pour les compagnies aériennes membres. Nous recommandons que les États
exigent la certification IOSA avant toute délivrance d’autorisation d’exploitation de manière à
prouver au monde que les compagnies aériennes africaines adoptent les meilleures pratiques en
matière de sécurité.
d.
Réciprocité
Si la destination d’un pays n'est pas sûre selon les normes de l'UE, alors les transporteurs de l'UE
devraient être interdits de voler vers cette destination, soit par l'UE ou par le pays africain concerné
jusqu'à ce que les manquements à la sécurité y soient corrigés.
Conclusions
La liste noire ou liste interdite de l’UE n'a pas contribué à améliorer la sécurité en Afrique. Le
processus de mettre des compagnies aériennes sur la liste interdite manque de transparence et
d'objectivité. Pas un seul pays mis sur la liste n’en est sorti et la procédure pour en sortir n’est ellemême ni claire ni transparente. L'objectif non avoué de la liste noire a été de créer un avantage
commercial pour les compagnies aériennes de l’UE qui trouvent sécurisant de voler vers des
destinations africaines jugées non sûres. Il n’y a aucune utilité à mettre une compagnie qui ne va pas
dans les pays membres de l’UE sur la liste noire.
Les solutions de remplacement les plus efficaces pour améliorer la sécurité sur le continent
comprennent l'adoption du plan d'action stratégique d'amélioration AFI, l’obligation faite à tous les
transporteurs d’obtenir au préalable la certification IOSA .Ceci encouragera le développement d’une
culture de la sécurité chez les transporteurs africains. L'Union africaine, la CAFAC et tous les autres
intervenants doivent parler d'une seule voix pour condamner la liste noire qui a été mise en place à
des fins purement commerciales au bénéfice des transporteurs de l'UE.
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