LA CRISE EN UKRAINE

Transcription

LA CRISE EN UKRAINE
WorldZine.fr
AVRIL 2014
EDITION ANNIVERSAIRE
2
Numéro Spécial : les meilleurs dossiers 2012-2014
ans
DOSSIER MONDE
CONTEXTE & ENJEUX
LA CRISE
EN
UKRAINE
CULTURE
SOCIETE
Twitter : ce support
de la haine
HISTOIRE
INTERVIEW
Bernard Werber
“Les Micro-Humains”
Numéro
Spécial
Noob : un
renouveau de
l’imaginaire français
Nelson Mandela, la
perte d’une icône
Pour fêter les 2 ans de WorldZine, ce numéro vous propose une sélection des
meilleurs articles publiés entre 2012 et 2014.
2
SOMMAIRE
Page 4
Le dossier international
UKRAINE : Explication du contexte et des
enjeux de la crise ukrainienne débutée en
2013 et toujours au coeur de l’actualité à
l’heure de la publication de ce numéro.
Page 6
Le dossier “culture geek”
NOOB : Analyse du succès phénoménal de
la websérie “Noob”. Comment une équipe
de passionnés a-t-elle pu aboutir à une
oeuvre audiovisuelle forte d’une communauté de dizaine de milliers de fans ?
Page 8
Le dossier société
TWITTER & RESEAUX SOCIAUX : Si leur
apport démocratique est incontestable, ils
sont également un déversoir de haine sans
limite. Analyse & coup de gueule.
Page 10
Interview
BERNARD WERBER : Interview de l’auteur
à l’occasion de la sortie de son roman “Les
Micro-Humains”, aux éditions Albin Michel.
Restranscription écrite en partenariat avec
l’émission “Le NewsTalk”.
Page 12
Dans la TV
HOUSE OF CARDS : analyse d’une série pas
comme les autres, autant par son contenu
(au coeur de la politique américaine) que
par son support de diffusion (Netflix).
Page 14
Dossier historique
NELSON MANDELA : il s’est éteint à l’âge
de 95 ans en 2013. Ce dossier retrace sa vie.
Comité Editorial
Contacts
La Rédaction
Marcus Dupont-Besnard
[email protected]
Cyprien Dagnicourt
Charles Izard
L’Association
[email protected]
Maude Bréger
Editorial
3
EDITO : l’information
développée par les jeunes
Être un média qui ne soit pas dans
l’immédiateté, tel est notre challenge...
2
ans d’existence, cela
signifie que WorldZine
n’est plus un simple
“projet”, il est aujourd’hui
un véritable magazine,
solide, avec une base de
lecteurs et une belle équipe
de rédacteurs passionnés
par le métier de journaliste.
E
n étant une nouvelle
génération de journalistes en devenir, notre
rôle n’est pas d’entrer dans
le jeu de la course à la « nouvelle nouveauté », en cherchant à être « plus, encore
plus, toujours plus » sophistiqué. Nous cherchons, depuis
notre lancement, à revenir à la
simplicité de l’essence même du
journalisme : comprendre pour
faire comprendre, découvrir
pour faire découvrir. Et pour ce
faire, nous essayons d’utiliser les
outils modernes sans perdre de
vue le principe d’un journalisme
indépendant, en nous détachant
de l’impératif de l’immédiateté.
Dans la nouvelle ère des médias, la presse devient progressivement dépendante du buzz,
dépendante de l’instantanéité,
on ne prend plus le temps de
traiter l’actualité, on enchaîne les
informations comme de simples
produits. Cela revient à se divertir avec l’information, puisque
c’est en faire un feuilleton, il y
a de moins en moins d’apport
culturel ou historique proposé
au lecteur. Depuis quelques années, chaque nouveau média,
nouveau blog, nouvelle émission, affirme ce système. Seul
le journalisme participatif (“Le
Plus”) est une innovation bénéfique tirée des outils modernes.
N
ous ne prétendons pas
pouvoir faire mieux que
les journalistes professionnels, la question n’est pas de
remettre en question la qualité
de leur travail, nous avons bon
nombre de choses à apprendre
de leurs connaissances. En revanche, être dans la continuité
de ce qui se fait aujourd’hui serait une erreur pour un nouveau
magazine comme le notre, nous
devons être dans la complémentarité, en opérant une fusion
unique entre notre jeunesse, qui
nous pose au coeur de l’univers
de la modernité, et un retour au
journalisme traditionnel.
Marcus Dupont-Besnard,
Rédacteur en Chef
4
LE DOSSIER INTERNATIONAL
Comprendre la crise ukrainienne : contexte et
enjeux d’une guerre latente
Publié le 6 mars 2014 - Notre chroniqueur Baptiste Michel avait proposé un dossier purement contextuel, loin de tout jugement, expliquant clairement les enjeux de cette crise internationale.
L
e monde retient son souffle
alors que des troupes nonidentifiées prennent le contrôle de la péninsule de Crimée,
province autonome d’Ukraine.
La communauté internationale
s’inquiète de la tournure que
prend la situation ukrainienne,
qualifiée de « pire crise en Europe » du XXIème siècle par William Hague, chef de la diplomatie britannique. Pourtant ce ne
sont pas des images de ruines ou
de blessés qui inondent les médias. Il semblerait même que la
Crimée soit relativement calme,
que la population accueille les
soldats en libérateurs, et que se
faire prendre en photo en compagnie de soldats est devenue
une attraction populaire à Sébastopol. Alors, comment le pays en
est arrivé à une telle situation, qui
peut paraitre difficilement compréhensible ? Explications.
HISTOIRE GENERALE DE
L’UKRAINE
F
aisons tout d’abord un
bond en arrière de plusieurs siècles. Au XIVe siècle, la Pologne et la Lituanie prennent la majeure partie de l’Ukraine
pour faire face à l’envahisseur
Mongol. Au XVIIIe siècle, les empires russes et austro-hongrois
profitent de l’instabilité de la
Pologne pour se partager cette
dernière, et l’empire Russe peut
donc s’emparer de toute la partie orientale de l’Ukraine, tandis
que l’Autriche-Hongrie prend la
partie occidentale. C’est le début
d’un clivage entre l’ouest et l’est
du territoire, délimité grossièrement par le fleuve Dniepr qui traverse l’Ukraine du nord au sud. A
la chute de l’empire russe en 1917,
l’Ukraine parvient brièvement à
obtenir son indépendance,
mais en 1920 elle est happée
par l’influence bolchévique et
intègre l’URSS en 1922. S’en
suivent alors les épisodes de la
Seconde guerre mondiale et de la
Guerre froide, qui renforcent considérablement l’implication de
l’Ukraine au sein du Pacte de Varsovie et au plan économique et
militariste de l’URSS. Cependant
le rejet de l’économie de marché
a un coût pour les pays soviétiques, qui accusent encore de
nos jours un retard considérable
dans leur développement, comparativement aux pays de l’ouest.
Depuis la chute de l’URSS en
1991, comme beaucoup d’autres
états satellites, l’Ukraine a été
laissée à son sort ; mais de par sa
position stratégique sur la Mer
Noire, elle fait toujours l’objet de
convoitises.
LE CAS PARTICULIER DE
LA CRIMEE
B
ien que la Crimée fasse
partie du territoire de
l’Ukraine, la péninsule
possède un statut particulier de
république autonome. En 1954,
Nikita Krouchtchev, alors président de l’URSS et lui-même
d’origine ukrainienne « offre » en
cadeau la péninsule de Crimée à
l’Ukraine à l’occasion du 300ème
anniversaire de la réunification
de la Russie et de l’Ukraine. C’est
après l’échec du bloc soviétique,
que la Crimée se proclamera
LE DOSSIER INTERNATIONAL
autonome, par référendum. Sept
mois plus tard l’Ukraine accède
à son tour à l’indépendance, revendiquant sa souveraineté sur
la Crimée. La part importante
de russophones de la Crimée ne
supporte pas que la péninsule
soit considérée comme un simple territoire qui peut être cédé
et annexé à la guise des dirigeants ukrainiens, et de nombreuses tensions agitent la péninsule.
L’autonomie de la Crimée revendiquée par son parlement est
contestée par le pouvoir central
ukrainien. C’est finalement en
1998 que la Crimée est officiellement reconnue comme une
province autonome d’Ukraine
à qui il est accordé une certaine
autonomie budgétaire et le droit
d’instituer sa propre représentation. Par ailleurs, grâce à des accords russo-ukrainiens, la Russie
dispose de plusieurs bases militaires en Crimée, une présence
militaire prolongée de 25 ans par
des traités additionnels, au-delà
de l’échéance initiale en 2017.
IANOUKOVITCH ET LES
EMEUTES DE NOVEMBRE
2013
V
iktor Ianoukovitch obtient
en 2010 la présidence d’un
état exsangue, corrompu
et dans un contexte économique
peu favorable. Il mène une série
de réformes constitutionnelles
visant à renforcer les pouvoirs
présidentiels, ce qui lui attire la
colère d’une partie de la population, qui l’accuse d’une dérive autoritaire croissante de l’Ukraine.
A
l’ouest, depuis 2007,
L’Union Européenne souhaite intégrer plusieurs anciennes républiques soviétiques
à son programme de partenariat
oriental, dont l’Ukraine. A la clé,
des accords de libre-échange
pour ce pays qui a un besoin urgent de relancer son économie.
A l’est, la fédération de Russie
s’emploie, sous l’impulsion de
Vladimir Poutine, à reconstruire
son aire de domination. L’Ukraine
serait d’une importance primordiale pour l’établissement d’une
union douanière entre les anciennes républiques soviétiques,
prémisse d’une alliance eurasienne future. L’Ukraine, qui entretient déjà de bonnes relations
commerciales avec ses voisins, se
retrouve entre les intérêts russes
et ceux de l’UE, et c’est Ianoukovitch qui a la charge des négociations. Pour faire pencher
la balance, Poutine propose une
augmentation de l’aide financière au profit de l’Ukraine ainsi
qu’une baisse du prix du gaz
(dont la Russie est un de ses principaux fournisseurs). En novembre 2013, Ianoukovitch annonce
l’arrêt des négociations avec l’UE.
Il apparaît comme un traître aux
yeux des pro-européens, et une
manifestation d’une grande ampleur paralyse Kiev. La violence
de la répression policière conduit
à une radicalisation du mouvement, et de violentes émeutes
secouent tout le territoire, faisant
des dizaines de morts. Ianoukovitch est destitué de ses fonctions
le 22 février 2014, remplacé le 26
par Arseni Iatseniouk à la tête
d’un gouvernement intérimaire.
5
L’OCCUPATION DE LA
CRIMEE
L
e 2 février dernier, Poutine demande et obtient
l’autorisation de la haute
chambre russe pour intervenir
en Ukraine avec l’armée, et dès le
lendemain plusieurs points stratégiques, villes majeures et aéroports de Crimée sont contrôlés
par des hommes armés, des soldats visiblement bien organisés et
équipés. Comme mentionné plus
haut, ces soldats ne sont identifiés à aucune armée régulière, ne
possèdent pas d’écussons ni de
drapeaux et sont encagoulés. Les
soldats présents font usage de
techniques de « désilhouettage »,
ce qui rend la situation d’autant
plus confuse. Le président par intérim Iatseniouk considère qu’il
s’agit là d’un acte de guerre de la
part de la Russie, la communauté
internationale s’émeut et appelle
aux négociations, mais Poutine
nie toute implication de l’armée
russe, tout en condamnant le «
coup d’état » mené contre le «
seul président légitime », Viktor
Ianoukovitch.
L
’Ukraine abrite un important réseau de gazoducs
qui alimente l’Europe toute
entière en gaz naturel provenant
de Russie, qui pourrait décider
de fermer les vannes pour faire
pression sur l’Union Européenne. Cette dernière n’acceptera
pas qu’un état puisse servir
d’instrument de pression, et ne
souhaite pas renoncer à ses accords avec l’Ukraine.
6
LE DOSSIER “CULTURE GEEK”
Noob : un
renouveau de
l’imaginaire français
Publié le 23 août 2013 - Romain Mangattale s’est penché sur l’intriguant succès de
la websérie “Noob”.
Depuis 2008, la websérie Noob fait de plus
en plus parler d’elle sur Internet. Si celleci a commencé grâce à des passionnés de
l’audiovisuel et de la culture geek, cette
dernière prend de plus en plus d’ampleur
aujourd’hui à travers de multiples projets
Author: John Doe
allant du film au jeu vidéo. Simple buzz
-tants. Ces épisodes assez courts assez courts sont dûs
ou renouveau de l’imaginaire français,
tout d’abord aux budgets, souvent assez restreints, des
Noob est difficilement descriptible par
réalisateurs puisque beaucoup d’entre eux commenune simple catégorie mais continue à se
cent comme amateurs mais ce format répond aussi au
démarquer progressivement en France où
moyen de diffusion. Charger des épisodes d’une heure
les productions cinématographiques de
sur des plateformes comme Youtube reste assez conheroic fantasy et de science-fiction restent
traignant pour de nombreux internautes. Ainsi, les réau point mort malgré quelques trop rares
alisateurs cherchent souvent à concentrer l’action et
programmes originaux (Kaamelott ou Hero
l’intrigue pour offrir une véritable fluidité dans la série.
Corp pour ne citer qu’eux).
Vous n’aurez pas de mal à rentrer rapidement dans une
après quelques épisodes, grâce à cette rapidité
LA WEBSERIE, NOUVEAU FORMAT websérie,
à mettre en place des personnages et une intrigue. De
EN VOGUE
plus, beaucoup de webséries ont recours pour intéresser
les internautes à se présenter tout d’abord sous forme de
La Websérie est un format assez particusketchs. La première saison est souvent un premier essai
lier qui commence à se populariser sur Inpour voir si l’univers créé est attrayant, si les personternet. Disponible en libre diffusion
nages sont attachants et donc si un public adsur les plateformes vidéos telles
hère à ce contenu. Une fois que ces sketchs
que Youtube, Dailymotion ou
“Vous
ont permis de présenter les personnages,
encore Wat, le contenu est din’aurez pas
on a accès alors à l’intrigue qui est des fois
rectement accessible gratude mal à rentrer
présente mais seulement en filigranes.
itement, généralement après
rapidement dans
Grâce à son modèle très souple, la Webune courte annonce publiciune websérie”
série est en quelque sorte le lieu pour de
taire. Ainsi, les principaux béjeunes scénaristes et réalisateurs où ils peunéfices dépendent du nombre
vent s’exprimer et montrer qu’ils peuvent
de vues des webséries, détermijustement trouver un public solide qui pourra
nant ainsi s’il y a vraiment un public
les suivre au fil des saisons, en relayant justement la
pour de tels contenus. Autre particularité,
websérie sur les réseaux sociaux, ou tout simplement en
la plupart des webséries adoptent des forla faisant connaître par le bouche à oreille. La Websérie
mats assez courts allant de 5 minutes, à 25
s’appuie énormément sur son public et ne peut pas vivre
minutes pour les épisodes les plus impor-
LE DOSSIER “CULTURE GEEK”
sans ce qui peut être souvent un
gage de qualité qui se marie très
bien avec la dose de risques que
prennent les scénaristes pour innover et proposer un contenu
original.
UN MELANGE DE CULTURES
Il est très difficile de parler de
Noob comme un seul genre. On
peut voir à travers les épisodes
les très nombreuses influences
qui vont du Donjon de Nahalbeuk, au Seigneur des Anneaux,
en passant par Matrix. Noob est
presque un concentré de culture geek, c’est-à-dire proche des
univers imaginaires fantastiques
ou futuristes, et qui n’hésite pas à
faire constamment des clins d’œil
par-ci par-là à pleins d’œuvres
différentes. Si la première saison
est clairement sous le signe de
la parodie, de nombreux genres
débarquent par la suite avec
l’arrivée d’une véritable intrigue.
Les influences se multiplient progressivement avec bien sûr, les
jeux vidéos, les mangas et divers
autres genres encore.
L’esthétique de la série a pour
but quant à elle d’embarquer le
spectateur dans un véritable jeu
en ligne. Ainsi, on peut voir des
curseurs avec les pseudos des
joueurs, des fenêtres de tchat
s’ouvrir ou encore voir l’écran se
pixeliser lorsqu’un des héros tente
de baisser la résolution. Malgré
l’aspect toujours un peu amateur,
la série garde cependant un certain charme mais qui sera peut
être apprécié seulement par les
habitués du genre. Cependant,
il est assez difficile de compren-
7
dre Noob sans avoir jeté un coup justement de ce qui leur a plu
d’œil avant à toutes ces œuvres ce ou pas ou de comment ils voient
qui peut expliquer que certains l’univers. Aujourd’hui, la commud’entre vous risquent d’être
nauté Noob est très active aurebutés justement par
tour de l’équipe et cela
ce penchant « geek »
se traduit par exem“Il est
totalement assumé
ple par des dons
par la série. Un
très difficile
d’argent
pour
des autres points
aider la websérie
de parler de Noob
forts de la série
à s’améliorer.
est son univers
comme d’un seul
qui s’étoffe proLe
modèle
genre”
gressivement au
économique
de
fil des épisodes et
la Websérie permet
fini par révéler une vérid’assurer un système de
table profondeur et une vraie
communication basé surtout
cohérence.
sur le bouche à oreille, mettant
en place un cercle vertueux où la
ENTRE PRO ET AMATEUR communauté est mise au centre
de la Websérie. L’équipe s’investit
On peut être alors assez désori- pour ses fans et pour leur offrir
enté quand on commence Noob. le meilleur contenu possible qui
Il faut rappeler que beaucoup des a son tour continue à parler de
acteurs ou du staff sont des per- Noob autour d’eux pour ramensonnes bénévoles. Olydri Studio er d’autres personnes qui peuétait auparavant une association, vent ensuite s’investir dans cette
la Funglisoft, qui correspondait en même communauté.
fait à un groupe de potes qui allait
faire justement des vidéos ama- Noob est donc une des rares
teurs. Noob n’est donc pas leur réussites de la Websérie, une lipremier coup d’essai mais l’aspect cence qui a su offrir à ses fans
amateur peut sauter aux yeux au une bonne part d’originalité et
départ surtout si on est habitué de divertissement. L’avenir nous
aux blockbusters américains. Ain- dira si ce modèle peut continuer
si, on peut reprocher à Noob ses à survivre par la suite mais il est
effets spéciaux peu réalistes, ses clair qu’elle a réussi à dénicher un
jeux d’acteurs qui peuvent être public plutôt jeune, plus tourné
souvent maladroits ou encore vers la culture geek qui est peutquelques vannes qui s’avèrent être trop ignorée aujourd’hui en
très peu hilarantes. Pourtant, on France.
ne peut s’empêcher de remarquer que ces défauts, même s’ils
restent présents, s’estompent
petit à petit. Grâce aux réseaux
sociaux ainsi qu’aux forums mis à
disposition par l’équipe, les fans
peuvent se retrouver et discuter
8
LE DOSSIER SOCIETE
Twitter : ce support de la haine
Publié le 19 août 2013. Dans ce papier d’opinion, Yoann Jacquet faisait part à nos lecteurs de son
inquiétude face à la montée de haine sur les réseaux sociaux, et plus précisément sur Twitter.
Les révolutions arabes de
2011 ont laissé apparaître
l’émergence d’un phénomène
nouveau. Fléau de ce début de
XXIe siècle pour certains, véritable progrès inscrit à jamais
dans l’Histoire pour d’autres,
les réseaux sociaux ne cessent
d’envahir chaque jour un peu
plus nos écrans d’ordinateurs
et de téléphones. Ils nous permettent de réduire les distances, de faciliter nos communications, d’élargir nos cercles
sociaux, de nous lier ensemble,
de nous donner rendez-vous,
de renverser des dictateurs, de
partager l’actualité. Ils se font
véritables échos de l’opinion en
transformant Monsieur tout-lemonde en rédacteur politique,
en faisant de tata Jeannine une
chroniqueuse gastronomique,
en permettant au petit jeune
du coin de la rue de se faire connaître pour ses vidéos humoristiques.
UNE UTOPIE INFORMATIQUE
En considérant les réseaux
sociaux ainsi, les amoureux
de la liberté d’expression, les
défenseurs de la démocratie, les
dégoûtés de l’opinion unique
véhiculée par la télévision,
osaient entrapercevoir un nouveau lieu, une utopie informatique concrétisant leurs rêves
divers ont compris le regain de
visibilité qu’ils pouvaient en tirer. Comme si l’appauvrissement
de la pensée symbolisée par la
limite fatale des cent-quarante
caractères le rendait tout public, encore plus de monde s’y
est mis. Ainsi Twitter dirigea le
monde.
les plus fous. Les Facebook et
autres Twitter allaient devenir le
lieu du débat, où des anonymes
pourraient argumenter, poser
leurs idées, leurs arguments.
Ces réseaux sociaux seraient le
reflet d’un progrès social, celui
d’une démocratie vraiment participative, dans laquelle tout un
chacun pourrait exister.
D’abord, il y a eu Facebook. Tout
le monde s’y est mis : les jeunes
cadres dynamiques voulant
partager leur expérience professionnelle, les ados prépubères
en quête de nouvelles relations
mi-voyeuristes mi-exhibitionnistes, et puis mamie Claudette,
souhaitant partager les photos
de ses petits-enfants avec les
amis du quartier. Ensuite, il y a
eu Twitter. Alors, le réseau social
a pris une dimension nouvelle. Il
ne s’est plus contenté de rester
dans le cadre de l’échange et
du partage privés, mais il s’est
ouvert au monde entier. Les
personnalités télé, les journalistes, les commentateurs et stars
LA CONNERIE A GRANDE
ECHELLE
Les incroyables possibilités de
l’outil nous font d’autant plus
entrevoir l’horrible dégradation
de sa concrétisation. Loin d’être
devenus cet idéal démocratique et d’intelligence tant espéré, les réseaux sociaux se font
forgés sur le moule de l’opinion
superficielle dominante, sur
la loi doxative du nombre, sur
l’inintelligence populaire. Bref,
sur la connerie à grande échelle.
Alors, comment s’étonner de la
multi-apparition sur le réseau
social de dizaines et dizaines
de stars éphémères de la télé-réalité, de la chanson ou
d’internet en quête du plus
grand nombre de «followers»
possible, en racontant leur vie
ou en clashant dans l’espoir
de faire le buzz ? Comment
s’étonner des nombreuses digressions de nos responsables
politiques qui n’hésitent pas à
twitter que Najat Vallaud-Belka-
LE DOSSIER SOCIETE
9
-cem suce son stylo de manière
érotique à l’Assemblée Nationale, ou d’autres messages frisant avec la débilité, voire avec
l’intolérance assumée ? Comment s’étonner que Twitter soit
devenu quelque chose d’assez
crédible pour le public, lorsque
la première dame de France
n’hésite pas à casser l’ex de son
Président de mari ?
UN MALAISE
Certes, il y a un malaise dans
la civilisation, un malaise dans
les communications et dans
la vie sociale des anonymes
d’aujourd’hui. L’espace de
l’activité sociale se déplace progressivement, mais rapidement,
des bars et autres lieux de rencontre avec ses potes vers ces
réseaux sociaux qui séduisent
des millions d’adolescents.
Comme bien d’autres, lorsque
Hannah Smith, jeune adolescente britannique de quatorze
ans, s’est inscrite sur le site de
questions-réponses anonymes
Ask.fm, elle avait certainement
besoin d’une certaine popularité, de reconnaissance de la
part d’autrui pour combler un
vide affectif, mal inévitable de
ce début de XXIe siècle.
Mais Internet et les réseaux sociaux étant devenus le lieu de
l’impunité, de la méchanceté,
de l’harcèlement, Hannah s’est
pendue dans sa chambre après
avoir reçu des dizaines de messages injurieux.
LE SUPPORT DE LA
HAINE
Mais c’est aussi la haine totalement débridée qui court sur
Twitter qui choque. Le malaise actuel est évident, comment rester insensible face à
la montée des discriminations,
de l’intolérance sur le réseau
aux cent-quarante caractères ?
Après les nombreux hashtags
ouvertement racistes et antisémites (rappelez-vous de #unbonjuif) qui avaient récemment
poussé SOS Racisme à réagir,
c’est au tour de l’homophobie
d’envahir Twitter. Dans un contexte politique où le mouvement anti mariage-gay a renforcé une atmosphère putride
d’homophobie, des hashtags
tels que #LesGaysDoiventDisparaîtreCar, #TeamHomophobe
ou encore #brulonslesgaysurdu
fleurissent aux quatre coins
du réseau social. Bien plus que
de l’intolérance, c’est bel et
bien des appels à la haine et à
l’extermination qui se développent avec une vitesse et une intensité effarantes, rappelant
bien tristement une période
bien noire de l’histoire européenne, où là aussi la différence
était motif de condamnation à
mort.
Non seulement condamner ces
propos, les responsables politiques actuels doivent également prendre toute la considération de la gravité de la
chose. Des décisions, des punitions exemplaires, une surveillance accrue des réseaux sociaux doivent être menées pour
que la situation ne déborde pas,
dans un climat de crise propice
aux discriminations et à la recherche de boucs-émissaires.
Les réseaux sociaux ne doivent
pas être abandonnés, mais ils
doivent être utilisés de façon
intelligente, responsable, afin
qu’ils ne deviennent pas supports de la haine. Mais pour
cela, il faudra de l’optimisme, de
l’action, et un changement des
mentalités.
10
Interview
Entretien avec Bernard Werber : “Les Micro-Humains”
I
Interview réalisée en partenariat avec l’émission radio “Le NewsTalk”, présentée par Marcus Dupont-Besnard, rédacteur en chef de WorldZine. Interview audio et retranscription écrite du 30 novembre 2013.
Bernard Werber est l’un des auteurs contemporains français les plus vendus dans le monde. Des «Fourmis»
aux « Thanatonautes », ses livres n’ont aucune difficulté à devenir cultes. Il est revenu avec une nouvelle
saga, « Troisième Humanité », dans laquelle il imagine une nouvelle humanité qui nous succéderait : plus
petite, plus féminine, plus solidaire. Le deuxième tome, « Les Micro-Humains », est sorti en octobre 2013
aux éditions Albin Michel.
Comment a émergé en vous cette idée
qu’il y ait plusieurs humanités ? J’ai observé
que toutes les espèces évoluées avaient plusieurs stades. Par exemple les dinosaures
sont le premier stade des reptiles, et les
lézards que nous avons actuellement c’est
le deuxième stade, donc je n’ai fait que reporter ce mécanisme de rétrécissement des
espèces, qui s’applique à d’autres animaux, à
l’Homme. Le vrai thème du roman c’est comment allons-nous évoluer, d’où venons-nous,
et comment allons-nous probablement
la voie d’évolution qui a été choisie par mes petits animaux
avancer.
préférés… à savoir les fourmis. Elles étaient plus grandes,
plus solitaires et plus masculines, et elles sont devenues
Est-ce-que vous opérez une hiérarchie entre
plus féminines, plus solidaires, et plus petites. Donc j’ai
ces différentes humanités, ou elles sont bien
appliqué sur l’Homme le même système que la nature a
distinctes ? Pour moi il n’y a pas de hiérarchie,
utilisé sur les insectes.
ça dépend à quel niveau vous mettez le mot
« hiérarchie », il n’y en a pas une meilleure
Comment percevez-vous le stade actuel de notre humanique l’autre. Il y a juste une ancienne, une acté ? Je pense que nous sommes à une période où des choix
tuelle, et une future. Après, il faudrait qu’il
sont en train d’être effectués, et ces choix c’est nous qui
y ait une sorte d’arbitre neutre qui décide
allons les faire.
laquelle est la meilleure. L’arbitre neutre, en
l’occurrence, ça serait le lecteur, qui décideAu début des « Micro-Humains », tout comme au début de
rait si entre la première humanité de géant,
« Troisième Humanité », vous mettez l’avertissement suila deuxième humanité que nous sommes
vant : “Cette histoire se déroule dans un temps relatif et
nous, et la troisième humanité qu’inventent
non dans un temps absolu, elle se passe exactement dix
mes héros, il y en a une qui est plus intéresans après l’instant où vous ouvrirez ce roman et commensante que l’autre.
cerez à le lire”. C’est intriguant, pourriez-vous nous expliquer? Des livres comme « 1984 » ou « ’Odyssée de l’Espace»
Dans ce nouveau roman vous avez imaginé
avaient défini une date, or cette date est arrivée et on a
une humanité suivante à la notre qui serait
pu s’apercevoir que ce n’était pas exactement comme ce
plus petite et plus féminine. Pourquoi avoir
qui avait été prévu. Pour éviter d’être exposé à ce risque,
choisis ces deux critères là ? Parce-que c’est
Interview
j’ai mis cet avertissement, à savoir que c’est dix
ans après le moment où on ouvre le livre, donc si
on lit le livre en l’an 3000 ce serait en 3010 que se
passe l’histoire, j’ai essayé d’imaginer une sorte
de futur déplaçable.
Malgré cet aspect intemporel, est-ce-qu’on peut
dire que cela reste un roman d’actualité ? Pour
moi c’est de l’actualité, oui, c’est lié à ce qu’on
voit actuellement aux informations. C’est juste
une petite projection, je pousse un tout petit peu
le coup suivant des problèmes qu’on voit avec la
pollution, avec les guerres, avec la bourse, avec
l’ONU, avec la conquête de l’espace. J’ai essayé
de projeter un peu plus loin pour voir ce que ça
donne.
Pour écrire un roman sur l’humanité, il faut opérer un recul sur soi-même, une réflexion philosophique, comment avez-vous fait ? Ca m’amuse!
Depuis le début, ça fait 22 ans que je suis publié, plus de 30 ans que j’écris, je considère que
n’importe quel humain doit se poser cette question : d’où venons-nous, qui sommes-nous, et où
allons-nous. C’est pas de la philosophie, c’est juste
de la curiosité. Et je crois que le drame c’est ceux
qui vivent juste dans un petit quotidien avec le
boulot, la famille, la santé, et qui ne réfléchissent
pas à la perspective de l’espèce dans laquelle ils
sont. J’ai écrit ce livre pour justement donner envie aux gens d’avoir un peu de perspective, et de
prendre un peu le large.
Est-ce-qu’on peut malgré tout appeler cela de la
science-fiction philosophique ? Moi j’appelle ça
de la philosophie-fiction, comme ça c’est plus
court, mais je crois que de toute façon la sciencefiction ancienne a besoin d’être modernisée. Une
des manières de moderniser, ce serait en effet de
trouver le lien avec la philosophie.
Quel est le message concret que vous voulez faire
passer à travers cette idée des « Micro-Humains»?
Nous sommes actuellement dans un carrefour, et
si on se trompe on peut tout foutre en l’air, mais
si on réfléchit bien et si on a de l’imagination, on
peut tout sauver. Voilà le message un peu… subliminal, qui transporte le roman.
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« L’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu »
est présente dans quasiment toutes vos sagas,
elle est constamment renouvelée… quel travail vous opérez pour réussir à construire cette
encyclopédie « continue » ? J’étais journaliste
scientifique, donc j’avais noté plein de petites
histoires marrantes que je n’avais pas pu traiter
en articles, donc je les passe maintenant dans
mon encyclopédie. Et puis, c’est une manière
d’aérer le texte, et d’offrir encore une autre perspective. C’est-à-dire que vous avez l’histoire,
et à côté vous allez avoir tout le travail autour
de documentations qui va être présenté.
Une chose est indéniable : vos romans touchent
particulièrement les jeunes. Pourquoi, à votre
avis ? Parce-qu’ils sont plus intelligents, tout
simplement ! [rire]
Qu’est-ce-que vous pourriez nous dire sur la
suite des Micro-Humains ? Pour l’instant j’en
ai écrit trois. Le troisième va être publié en octobre (2014, ndlr), maintenant ça va dépendre
aussi de l’accueil du public. Si je sens qu’il y a un
grand engouement j’en ferais un quatrième,
sinon je ferais autre chose, probablement du
polar. J’ai trois ou quatre petites pistes nouvelles, et je vais les tester, au bout d’un moment il y en a une qui apparaitra. Mais, pour
l’instant, mon grand projet majeur c’est quand
même « Troisième Humanité ».
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DANS LA TV
House Of Cards : dans les coulisses du pouvoir...
La révolution Netflix
fait son effet
Publié le 13 mars 2014.
House of Cards est bien plus
qu’une série, puisque c’est une
série proposée par Netflix. Pour
notre chroniqueur Cyprien Dagnicourt, cette série est une révolution tant par son contenu que
par la plateforme où elle est proposée.
La première série diffusée exclusivement sur Netflix, le leader du
streaming américain, fait fureur
outre-Atlantique. Créée par Beau
Willimon et produit par David
Fincher (Seven, Fight Club entre
autres), « House of Cards », entre
réalité et fiction, met en lumière la
face cachée la plus sombre de la
Maison-Blanche. Ajoutez l’acteur
doublement oscarisé Kevin Spacey (Usual Suspects, American
Beauty) dans le rôle principal, et
voilà qui devrait suffire à aiguiser
l’intérêt de tout amoureux du petit écran…et du grand.
PRAGMATIQUE ET SANS
PITIE
Franck Underwood, Whip en
chef de la majorité démocrate à
la Chambre des représentants,
est l’un des principaux architectes de la victoire du Président
des Etats-Unis nouvellement élu,
Garrett Walker. Ce dernier fait
miroiter à Underwood, pour ses
loyaux et très efficaces services,
le poste très envié de secrétaire
d’Etat. Mais au dernier moment,
le Président décide de revenir sur
sa promesse, et il va s’en mordre
les doigts. En effet, Underwood,
qui s’attendait à être nommé,
est l’oublié du nouveau gouvernement. Ulcéré, le politicien,
incarné à merveille par Kevin
Spacey, prépare dans l’ombre sa
vengeance.
Soutenu par sa femme, Claire,
qui voit l’occasion s’échapper de
faire promouvoir son ONG environnementale, Franck met en
place des stratagèmes politiques
plus tordus les uns que les autres,
la légalité n’étant pas une barrière infranchissable à ses yeux.
Il n’hésite pas à fournir des informations confidentielles à Zoe
Barnes, une journaliste arriviste,
un brin naïve et emprisonnée
dans les rouages politiques, afin
qu’elle publie des articles mettant en cause la Maison-Blanche.
Le gouvernement américain se
retrouve alors enseveli sous un
déluge de scandales, orchestré
en coulisse d’une main de maître
par Franck. Ce dernier continue
alors de placer ses pions en manipulant son monde dans un seul
objectif, arriver au sommet.
REALITE CRITIQUE D’UNE
CRISE DE CONFIANCE
POLITIQUE
Vous n’aimez pas la politique ?
Vous allez la détester encore plus.
Dans cette série, tous les ingrédients sont réunis pour préparer
une cuisine politique infâme, au
goût amer. Lobbying, sexe, un
milieu politico-journalistique corrompu, subornation de témoins,
chantage, menaces et même homicides sont à la carte de House
of Cards. Franck Underwood
incarne un véritable Machiavel
des temps modernes, dans une
machinerie politique où tous les
coups sont permis pour arriver
à ses fins. La série se veut immorale, à l’image de la crise politique globale que nous vivons,
comme l’illustre cette phrase
d’Underwood, témoignage d’un
système démocratique enrayé :
DANS LA TV
« À un pas de la présidence sans
qu’on ait voté une seule fois pour
moi… La démocratie, c’est tellement surfait ».
Cette escalade du pouvoir
nous montre avec lucidité l’œil
malveillant que porte l’opinion
publique sur ses représentants
politiques. Le politicien pragmatique Franck Underwood n’est
pas conduit par des convictions
profondes visant à satisfaire
l’intérêt général, mais par la ruse
et la soif de vengeance. Dans
cette critique du pouvoir, certes
caricaturale, les différents réalisateurs mettent en scène une
« politique politicienne », où le
bonheur du peuple ne donne pas
de véritables maux de tête aux
dirigeants. Si des questions de
géopolitiques sont traitées, telle
que la réforme de l’éducation,
l’âge de la retraite, ou encore un
conflit de cyberterrorisme avec
la Chine, le fond de la série reste
axé sur le personnage charismatique de Franck Underwood, et
sur les « personnages-pions »
dont il se sert et qui gravitent autour de lui.
UNE REALISATION THEATRALE
ET INNOVANTE
«Il y a deux sortes de douleurs,
celle qui vous rend forte et celle
inutile qui fait seulement souffrir. Je n’ai aucune patience pour
cette dernière», Frank Underwood nous régale à chaque épisode d’aphorismes percutants,
qui ne laissent pas de place au
sentimentalisme. Face à la caméra, à la manière d’un acteur
de théâtre, il donne la réplique
en aparté aux téléspectateurs
qui deviennent complices de
ses malversations. Nous avons
perdu Walter White (Breaking
Bad) en anti-héros effroyable et
fascinant. A sa manière, Frank
Underwood a repris le flambeau,
en incarnant le plus impitoyable
des anti-héros du moment dans
le monde des séries.
Du côté des autres personnages,
Robin Wright est époustouflante dans le rôle de Claire Underwood, inflexible et glaciale, elle
apporte un soutien infaillible
à son mari ; au même titre que
Doug Stamper (Michael Kelly),
l’homme de main va rapidement
devenir incontournable dans la
reconquête du pouvoir par Underwood. Peter Russo (Corey
Stoll), le jeune parlementaire
rongé par l’alcool, est touchant
par son honnêteté et sa naïveté,
mais tout comme la journaliste
Zoe Barnes (Kate Mara), il tombe
rapidement sous l’emprise de
Franck.
Quant au scénario, rien n’est
laissé au hasard. Tous les gestes
et actions ont des répercussions
dans cette escalade du pouvoir.
C’est un puzzle parfaitement
monté où les pièces s’associent à
mesure que le récit se construit.
Aucune intrigue n’est superflue,
de l’histoire de Rachel, l’ex prosti-
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tuée qui en fait voir de toutes les
couleurs à Doug, à celle de Freddy, dont le passé criminel met en
danger Franck. Ainsi, même les
histoires (a priori) secondaires
sont déterminantes puisqu’elles
sont toutes liées à la trame principale.
PORTE-PAROLE DE LA
REVOLUTION NETFLIX
House of Cards incarne la nouvelle plateforme de streaming
Netflix, qui révolutionne le business des séries. La traditionnelle
(et lente) diffusion hebdomadaire se voit bouleversée par
Netflix qui distribue en intégralité ses séries. Ainsi, l’ensemble de
la saison 2 a été mis en ligne le
14 février 2014. Une nouvelle ère
dans la manière de consommer
les séries s’ouvre, celle du bingewatching (ou marathon télévisuel).
Le choix de diffuser House of
Cards par cette méthode révolutionnaire est judicieux, tant
le succès de cette série est conséquent. Nominé à neuf reprises pour les Emmy Awards de
2013, House of Cards sera également au rendez-vous en 2014,
où son seul concurrent sérieux
sera sans doute le chef d’œuvre
True Detective. Il n’est alors pas
surprenant de voir Netflix commander une troisième saison,
avant même la mise en ligne de
la saison 2, et ce n’est pas Mr.
Obama qui s’en plaindra.
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DOSSIER HISTORIQUE
Décès de Nelson Mandela, la perte d’une icône
Publié le 12 décembre 2013,
dossier spécial par Vincent Nael
retraçant la vie de Nelson Mandela, icône inconstable d’un bon
nombre de valeurs humanistes.
Il est décédé le 5 décembre 2013,
le monde entier était alors en
émoi.
Nelson Mandela, héros de la lutte contre le régime raciste de
l’apartheid qui sévissait jusqu’à
ce qu’il soit élu premier président noir de l’Afrique du Sud
démocratique, est mort jeudi
5 décembre, à l’âge de 95 ans à
son domicile de Johannesburg,
a annoncé l’actuel chef de l’État
sud-africain Jacob Zuma à la télévision publique. « Notre cher
Madiba aura des funérailles
d’Etat », a-t-il ajouté, annonçant
que les drapeaux seraient en
berne à partir de vendredi et
jusqu’aux obsèques qui auront
lieu le 15 décembre à Qunu, son
village natal. Celui qu’on surnommait « Madiba », déplorait
qu’on le présente comme « une
sorte de demi-dieu » et insistait
sur ses « erreurs », ses « insuffisances », il se considérait comme
un « simple humain », lui qui était
pourtant tellement bon.
LA NAISSANCE
MYTHE
D’UN
Rolihlahla Mandela de son vrai
nom, naît le 18 juillet 1918 au village de Mvezo dans le district
d’Umtata situé dans la région du
Transkei. Cette terre appartient à
son père qui sera banni de cette
dernière par l’autorité coloniale
blanche, peu de temps après la
naissance du petit Rolihlahla.
Déporté dans un village proche
nommé Qunu (lieu de ses obsèques), Mandela évoque dans
ses Mémoires y avoir passé « une
enfance heureuse » malgré la
mort de son père alors qu’il n’a
que neuf ans. Il est alors pris en
charge par le régent de sa tribu
et devient ensuite le premier
de celle-ci à aller en classe, c’est
là que sa première institutrice
lui attribue le nom de « Nelson
». Madiba manifeste très tôt un
esprit rebelle, étudiant il est exclu de l’université de Fort hare
(sud du pays) et à l’âge de 22
ans, Madiba fuit sa famille pour
échapper à un mariage forcé.
faire face plus « activement » au
régime « blanc » des Afrikaners,
qui institutionnalise l’apartheid
(le développement séparé entre
les blancs et les noirs) en 1948.
Arrivé à Johannesburg, la capitale sud-africaine, le jeune
homme prend conscience de
l’ampleur de la ségrégation raciale dont son pays témoigne.
Après avoir rejoint l’ANC (Congrès national africain) en 1942, il
décide de créer la ligue de jeunesse de l’ANC et prend rapidement la tête de son parti pour
le tour du monde : « J’ai dédié ma
vie à la lutte pour le peuple africain. J’ai combattu la domination
blanche et j’ai combattu la domination noire. J’ai chéri l’idéal
d’une société démocratique et
libre dans laquelle tous vivraient
ensemble, dans l’harmonie, avec
d’égales opportunités. C’est un
idéal que j’espère atteindre et
DE SON ARRESTATION A
LA LIBERATION
Après l’interdiction de son parti
en 1960, Madiba passe dans
la clandestinité et est arrêté
en 1962. Deux ans plus tard, il
échappe de justesse à la peine
de mort mais il est condamné à
perpétuité pour « haute trahison
et tentative de renversement par
la force du gouvernement », lors
de son procès Nelson Mandela
prononce une plaidoirie qui fait
DOSSIER HISTORIQUE
et pour lequel j’espère vivre. Mais,
si besoin est, c’est un idéal pour
lequel je suis prêt à mourir. »
En prison, il obtient deux
diplômes d’études supérieures
en droit, par correspondance, et
partage son savoir avec ses codétenus. A tel point, qu’une majorité d’entre eux évoqueront «
L’université Robben Island » qu’il
met en place sur l’île, où il est retenu.
Mandela apprend même la
langue, tout en étudiant par la
suite, l’histoire et la littérature de
« l’ennemi » afrikaans (pourtant
le gouvernement minoritaire qui
avait décidé de le condamner
jusqu’à la fin de sa vie sur cette
île carcérale) tout en invitant
ses compagnons de cellules à le
suivre « parce qu’un jour, il faudra que tous les peuples de notre
pays, Afrikaners compris, se comprennent pour vivre ensemble ».
L’idée est déjà présente, tenace,
tout comme le personnage prêt
à tout pour arriver à son idéal, y
compris à sacrifier sa famille pour
son pays en passant 27 longues
années derrière les barreaux,
avant sa libération en 1990.
LA NATION « ARC-ENCIEL»
Le 11 février 1990, non pas la
date de son accession au pouvoir
mais bien celle de sa première
victoire, à 16 heures, Nelson Rolihlahla Mandela se dirige vers
la sortie de son ultime prison, le
libérateur tient sa libération. A ce
moment-là, toutes les personnes
présentes devant leurs postes de
télévisions tentent de se contenir
devant toute cette grandeur, incarné par un homme de 73 ans
que l’on craint éreinté par toutes
ces années de travaux si physiques.
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ment son équipe nationale et en
montrant au capitaine de cette
dernière, toute l’ampleur de
l’enjeu politique que la victoire
représenterait pour le pays.
Pourtant, il se tient droit devant
la terre tout entière, si intacte moralement après toutes ces années
loin de sa famille et prêt à pardonner à tous ceux qui l’ont offensé (Mandela poussera même
l’exemple jusqu’à aller serrer la
main du procureur afrikaner qui
voulait le pendre en 1964), les
premiers signes d’une nation «
arc-en-ciel » à laquelle Madiba
pense déjà gouverner.
Le 10 mai 1994, suivant quatre
années difficiles faites de négociations ardues avec la minorité
blanche représentant autrefois
l’apartheid, l’icône peut enfin
prêter serment et devient ainsi le
premier président de la République démocratique sud-africaine en obtenant avec son parti,
62,6% des suffrages exprimés. «
Jamais, plus jamais, ce beau pays
ne vivra l’oppression des uns par
les autres, lance-t-il. L’humanité
ne connaîtra pas plus grand accomplissement. Que règne la
liberté! ». Toutes ces années sacrifiées pour y arriver, le mythe tient
sa légende pour de bon.
Après avoir accompli son mandat, marqué notamment par
cette victoire à la coupe du
monde de rugby 1995, qui se tenait en Afrique du Sud. Un sacre
renforçant l’unité de tout un pays
lié en partie à son président, qui
y a contribué en soutenant forte-
Après 1999, date de la fin de son
règne, Mandela se retire peu à
peu de la vie politique mais se
donne comme principale mission, la lutte contre le sida.
Discipliné jusqu’au bout, il
soutient la candidature à la présidence de Jacob Zuma (un de ses
ex-compagnons de cellule), en
2009.
N’apparaissant plus en public
depuis 2010, à cause de nombreux problèmes de santé, il était
encore très invoqué tant par le
pouvoir que par l’opposition,
une chose est certaine « Madiba » continuera indéfiniment à
sourire chaque jour à tous les fils
de la nation dont il sera à jamais
le père.
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CREDITS
LA REDACTION
Rédacteur en chef
Rédactrices en chef adjointes
Sécrétaire de rédaction
Responsable communication
Responsable informatique
Auteurs des articles sélectionnés
MARCUS DUPONT-BESNARD
MAUDE BREGER (2014)
KENDRA MOLDAVSKI (2012-2013)
CYPRIEN DAGNICOURT
CHARLES IZARD
BENJAMIN CHEREL
BAPTISTE MICHEL
ROMAIN MANGATTALE
YOANN JACQUET
MARCUS DUPONT-BESNARD
CYPRIEN DAGNICOURT
VINCENT NAEL
L’ASSOCIATION
Président
Secrétaire Général
Trésorier
MARCUS DUPONT-BESNARD
CYPRIEN DAGNICOURT
CHARLES IZARD
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LES TEXTES PUBLIÉS SONT SOUMIS A LA LOI DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE. TOUTE REPRODUCTION
SANS AUTORISATION ÉCRITE DE SON AUTEUR EST STRICTEMENT INTERDITE.
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