LA CRISE EN UKRAINE
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LA CRISE EN UKRAINE
WorldZine.fr AVRIL 2014 EDITION ANNIVERSAIRE 2 Numéro Spécial : les meilleurs dossiers 2012-2014 ans DOSSIER MONDE CONTEXTE & ENJEUX LA CRISE EN UKRAINE CULTURE SOCIETE Twitter : ce support de la haine HISTOIRE INTERVIEW Bernard Werber “Les Micro-Humains” Numéro Spécial Noob : un renouveau de l’imaginaire français Nelson Mandela, la perte d’une icône Pour fêter les 2 ans de WorldZine, ce numéro vous propose une sélection des meilleurs articles publiés entre 2012 et 2014. 2 SOMMAIRE Page 4 Le dossier international UKRAINE : Explication du contexte et des enjeux de la crise ukrainienne débutée en 2013 et toujours au coeur de l’actualité à l’heure de la publication de ce numéro. Page 6 Le dossier “culture geek” NOOB : Analyse du succès phénoménal de la websérie “Noob”. Comment une équipe de passionnés a-t-elle pu aboutir à une oeuvre audiovisuelle forte d’une communauté de dizaine de milliers de fans ? Page 8 Le dossier société TWITTER & RESEAUX SOCIAUX : Si leur apport démocratique est incontestable, ils sont également un déversoir de haine sans limite. Analyse & coup de gueule. Page 10 Interview BERNARD WERBER : Interview de l’auteur à l’occasion de la sortie de son roman “Les Micro-Humains”, aux éditions Albin Michel. Restranscription écrite en partenariat avec l’émission “Le NewsTalk”. Page 12 Dans la TV HOUSE OF CARDS : analyse d’une série pas comme les autres, autant par son contenu (au coeur de la politique américaine) que par son support de diffusion (Netflix). Page 14 Dossier historique NELSON MANDELA : il s’est éteint à l’âge de 95 ans en 2013. Ce dossier retrace sa vie. Comité Editorial Contacts La Rédaction Marcus Dupont-Besnard [email protected] Cyprien Dagnicourt Charles Izard L’Association [email protected] Maude Bréger Editorial 3 EDITO : l’information développée par les jeunes Être un média qui ne soit pas dans l’immédiateté, tel est notre challenge... 2 ans d’existence, cela signifie que WorldZine n’est plus un simple “projet”, il est aujourd’hui un véritable magazine, solide, avec une base de lecteurs et une belle équipe de rédacteurs passionnés par le métier de journaliste. E n étant une nouvelle génération de journalistes en devenir, notre rôle n’est pas d’entrer dans le jeu de la course à la « nouvelle nouveauté », en cherchant à être « plus, encore plus, toujours plus » sophistiqué. Nous cherchons, depuis notre lancement, à revenir à la simplicité de l’essence même du journalisme : comprendre pour faire comprendre, découvrir pour faire découvrir. Et pour ce faire, nous essayons d’utiliser les outils modernes sans perdre de vue le principe d’un journalisme indépendant, en nous détachant de l’impératif de l’immédiateté. Dans la nouvelle ère des médias, la presse devient progressivement dépendante du buzz, dépendante de l’instantanéité, on ne prend plus le temps de traiter l’actualité, on enchaîne les informations comme de simples produits. Cela revient à se divertir avec l’information, puisque c’est en faire un feuilleton, il y a de moins en moins d’apport culturel ou historique proposé au lecteur. Depuis quelques années, chaque nouveau média, nouveau blog, nouvelle émission, affirme ce système. Seul le journalisme participatif (“Le Plus”) est une innovation bénéfique tirée des outils modernes. N ous ne prétendons pas pouvoir faire mieux que les journalistes professionnels, la question n’est pas de remettre en question la qualité de leur travail, nous avons bon nombre de choses à apprendre de leurs connaissances. En revanche, être dans la continuité de ce qui se fait aujourd’hui serait une erreur pour un nouveau magazine comme le notre, nous devons être dans la complémentarité, en opérant une fusion unique entre notre jeunesse, qui nous pose au coeur de l’univers de la modernité, et un retour au journalisme traditionnel. Marcus Dupont-Besnard, Rédacteur en Chef 4 LE DOSSIER INTERNATIONAL Comprendre la crise ukrainienne : contexte et enjeux d’une guerre latente Publié le 6 mars 2014 - Notre chroniqueur Baptiste Michel avait proposé un dossier purement contextuel, loin de tout jugement, expliquant clairement les enjeux de cette crise internationale. L e monde retient son souffle alors que des troupes nonidentifiées prennent le contrôle de la péninsule de Crimée, province autonome d’Ukraine. La communauté internationale s’inquiète de la tournure que prend la situation ukrainienne, qualifiée de « pire crise en Europe » du XXIème siècle par William Hague, chef de la diplomatie britannique. Pourtant ce ne sont pas des images de ruines ou de blessés qui inondent les médias. Il semblerait même que la Crimée soit relativement calme, que la population accueille les soldats en libérateurs, et que se faire prendre en photo en compagnie de soldats est devenue une attraction populaire à Sébastopol. Alors, comment le pays en est arrivé à une telle situation, qui peut paraitre difficilement compréhensible ? Explications. HISTOIRE GENERALE DE L’UKRAINE F aisons tout d’abord un bond en arrière de plusieurs siècles. Au XIVe siècle, la Pologne et la Lituanie prennent la majeure partie de l’Ukraine pour faire face à l’envahisseur Mongol. Au XVIIIe siècle, les empires russes et austro-hongrois profitent de l’instabilité de la Pologne pour se partager cette dernière, et l’empire Russe peut donc s’emparer de toute la partie orientale de l’Ukraine, tandis que l’Autriche-Hongrie prend la partie occidentale. C’est le début d’un clivage entre l’ouest et l’est du territoire, délimité grossièrement par le fleuve Dniepr qui traverse l’Ukraine du nord au sud. A la chute de l’empire russe en 1917, l’Ukraine parvient brièvement à obtenir son indépendance, mais en 1920 elle est happée par l’influence bolchévique et intègre l’URSS en 1922. S’en suivent alors les épisodes de la Seconde guerre mondiale et de la Guerre froide, qui renforcent considérablement l’implication de l’Ukraine au sein du Pacte de Varsovie et au plan économique et militariste de l’URSS. Cependant le rejet de l’économie de marché a un coût pour les pays soviétiques, qui accusent encore de nos jours un retard considérable dans leur développement, comparativement aux pays de l’ouest. Depuis la chute de l’URSS en 1991, comme beaucoup d’autres états satellites, l’Ukraine a été laissée à son sort ; mais de par sa position stratégique sur la Mer Noire, elle fait toujours l’objet de convoitises. LE CAS PARTICULIER DE LA CRIMEE B ien que la Crimée fasse partie du territoire de l’Ukraine, la péninsule possède un statut particulier de république autonome. En 1954, Nikita Krouchtchev, alors président de l’URSS et lui-même d’origine ukrainienne « offre » en cadeau la péninsule de Crimée à l’Ukraine à l’occasion du 300ème anniversaire de la réunification de la Russie et de l’Ukraine. C’est après l’échec du bloc soviétique, que la Crimée se proclamera LE DOSSIER INTERNATIONAL autonome, par référendum. Sept mois plus tard l’Ukraine accède à son tour à l’indépendance, revendiquant sa souveraineté sur la Crimée. La part importante de russophones de la Crimée ne supporte pas que la péninsule soit considérée comme un simple territoire qui peut être cédé et annexé à la guise des dirigeants ukrainiens, et de nombreuses tensions agitent la péninsule. L’autonomie de la Crimée revendiquée par son parlement est contestée par le pouvoir central ukrainien. C’est finalement en 1998 que la Crimée est officiellement reconnue comme une province autonome d’Ukraine à qui il est accordé une certaine autonomie budgétaire et le droit d’instituer sa propre représentation. Par ailleurs, grâce à des accords russo-ukrainiens, la Russie dispose de plusieurs bases militaires en Crimée, une présence militaire prolongée de 25 ans par des traités additionnels, au-delà de l’échéance initiale en 2017. IANOUKOVITCH ET LES EMEUTES DE NOVEMBRE 2013 V iktor Ianoukovitch obtient en 2010 la présidence d’un état exsangue, corrompu et dans un contexte économique peu favorable. Il mène une série de réformes constitutionnelles visant à renforcer les pouvoirs présidentiels, ce qui lui attire la colère d’une partie de la population, qui l’accuse d’une dérive autoritaire croissante de l’Ukraine. A l’ouest, depuis 2007, L’Union Européenne souhaite intégrer plusieurs anciennes républiques soviétiques à son programme de partenariat oriental, dont l’Ukraine. A la clé, des accords de libre-échange pour ce pays qui a un besoin urgent de relancer son économie. A l’est, la fédération de Russie s’emploie, sous l’impulsion de Vladimir Poutine, à reconstruire son aire de domination. L’Ukraine serait d’une importance primordiale pour l’établissement d’une union douanière entre les anciennes républiques soviétiques, prémisse d’une alliance eurasienne future. L’Ukraine, qui entretient déjà de bonnes relations commerciales avec ses voisins, se retrouve entre les intérêts russes et ceux de l’UE, et c’est Ianoukovitch qui a la charge des négociations. Pour faire pencher la balance, Poutine propose une augmentation de l’aide financière au profit de l’Ukraine ainsi qu’une baisse du prix du gaz (dont la Russie est un de ses principaux fournisseurs). En novembre 2013, Ianoukovitch annonce l’arrêt des négociations avec l’UE. Il apparaît comme un traître aux yeux des pro-européens, et une manifestation d’une grande ampleur paralyse Kiev. La violence de la répression policière conduit à une radicalisation du mouvement, et de violentes émeutes secouent tout le territoire, faisant des dizaines de morts. Ianoukovitch est destitué de ses fonctions le 22 février 2014, remplacé le 26 par Arseni Iatseniouk à la tête d’un gouvernement intérimaire. 5 L’OCCUPATION DE LA CRIMEE L e 2 février dernier, Poutine demande et obtient l’autorisation de la haute chambre russe pour intervenir en Ukraine avec l’armée, et dès le lendemain plusieurs points stratégiques, villes majeures et aéroports de Crimée sont contrôlés par des hommes armés, des soldats visiblement bien organisés et équipés. Comme mentionné plus haut, ces soldats ne sont identifiés à aucune armée régulière, ne possèdent pas d’écussons ni de drapeaux et sont encagoulés. Les soldats présents font usage de techniques de « désilhouettage », ce qui rend la situation d’autant plus confuse. Le président par intérim Iatseniouk considère qu’il s’agit là d’un acte de guerre de la part de la Russie, la communauté internationale s’émeut et appelle aux négociations, mais Poutine nie toute implication de l’armée russe, tout en condamnant le « coup d’état » mené contre le « seul président légitime », Viktor Ianoukovitch. L ’Ukraine abrite un important réseau de gazoducs qui alimente l’Europe toute entière en gaz naturel provenant de Russie, qui pourrait décider de fermer les vannes pour faire pression sur l’Union Européenne. Cette dernière n’acceptera pas qu’un état puisse servir d’instrument de pression, et ne souhaite pas renoncer à ses accords avec l’Ukraine. 6 LE DOSSIER “CULTURE GEEK” Noob : un renouveau de l’imaginaire français Publié le 23 août 2013 - Romain Mangattale s’est penché sur l’intriguant succès de la websérie “Noob”. Depuis 2008, la websérie Noob fait de plus en plus parler d’elle sur Internet. Si celleci a commencé grâce à des passionnés de l’audiovisuel et de la culture geek, cette dernière prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui à travers de multiples projets Author: John Doe allant du film au jeu vidéo. Simple buzz -tants. Ces épisodes assez courts assez courts sont dûs ou renouveau de l’imaginaire français, tout d’abord aux budgets, souvent assez restreints, des Noob est difficilement descriptible par réalisateurs puisque beaucoup d’entre eux commenune simple catégorie mais continue à se cent comme amateurs mais ce format répond aussi au démarquer progressivement en France où moyen de diffusion. Charger des épisodes d’une heure les productions cinématographiques de sur des plateformes comme Youtube reste assez conheroic fantasy et de science-fiction restent traignant pour de nombreux internautes. Ainsi, les réau point mort malgré quelques trop rares alisateurs cherchent souvent à concentrer l’action et programmes originaux (Kaamelott ou Hero l’intrigue pour offrir une véritable fluidité dans la série. Corp pour ne citer qu’eux). Vous n’aurez pas de mal à rentrer rapidement dans une après quelques épisodes, grâce à cette rapidité LA WEBSERIE, NOUVEAU FORMAT websérie, à mettre en place des personnages et une intrigue. De EN VOGUE plus, beaucoup de webséries ont recours pour intéresser les internautes à se présenter tout d’abord sous forme de La Websérie est un format assez particusketchs. La première saison est souvent un premier essai lier qui commence à se populariser sur Inpour voir si l’univers créé est attrayant, si les personternet. Disponible en libre diffusion nages sont attachants et donc si un public adsur les plateformes vidéos telles hère à ce contenu. Une fois que ces sketchs que Youtube, Dailymotion ou “Vous ont permis de présenter les personnages, encore Wat, le contenu est din’aurez pas on a accès alors à l’intrigue qui est des fois rectement accessible gratude mal à rentrer présente mais seulement en filigranes. itement, généralement après rapidement dans Grâce à son modèle très souple, la Webune courte annonce publiciune websérie” série est en quelque sorte le lieu pour de taire. Ainsi, les principaux béjeunes scénaristes et réalisateurs où ils peunéfices dépendent du nombre vent s’exprimer et montrer qu’ils peuvent de vues des webséries, détermijustement trouver un public solide qui pourra nant ainsi s’il y a vraiment un public les suivre au fil des saisons, en relayant justement la pour de tels contenus. Autre particularité, websérie sur les réseaux sociaux, ou tout simplement en la plupart des webséries adoptent des forla faisant connaître par le bouche à oreille. La Websérie mats assez courts allant de 5 minutes, à 25 s’appuie énormément sur son public et ne peut pas vivre minutes pour les épisodes les plus impor- LE DOSSIER “CULTURE GEEK” sans ce qui peut être souvent un gage de qualité qui se marie très bien avec la dose de risques que prennent les scénaristes pour innover et proposer un contenu original. UN MELANGE DE CULTURES Il est très difficile de parler de Noob comme un seul genre. On peut voir à travers les épisodes les très nombreuses influences qui vont du Donjon de Nahalbeuk, au Seigneur des Anneaux, en passant par Matrix. Noob est presque un concentré de culture geek, c’est-à-dire proche des univers imaginaires fantastiques ou futuristes, et qui n’hésite pas à faire constamment des clins d’œil par-ci par-là à pleins d’œuvres différentes. Si la première saison est clairement sous le signe de la parodie, de nombreux genres débarquent par la suite avec l’arrivée d’une véritable intrigue. Les influences se multiplient progressivement avec bien sûr, les jeux vidéos, les mangas et divers autres genres encore. L’esthétique de la série a pour but quant à elle d’embarquer le spectateur dans un véritable jeu en ligne. Ainsi, on peut voir des curseurs avec les pseudos des joueurs, des fenêtres de tchat s’ouvrir ou encore voir l’écran se pixeliser lorsqu’un des héros tente de baisser la résolution. Malgré l’aspect toujours un peu amateur, la série garde cependant un certain charme mais qui sera peut être apprécié seulement par les habitués du genre. Cependant, il est assez difficile de compren- 7 dre Noob sans avoir jeté un coup justement de ce qui leur a plu d’œil avant à toutes ces œuvres ce ou pas ou de comment ils voient qui peut expliquer que certains l’univers. Aujourd’hui, la commud’entre vous risquent d’être nauté Noob est très active aurebutés justement par tour de l’équipe et cela ce penchant « geek » se traduit par exem“Il est totalement assumé ple par des dons par la série. Un très difficile d’argent pour des autres points aider la websérie de parler de Noob forts de la série à s’améliorer. est son univers comme d’un seul qui s’étoffe proLe modèle genre” gressivement au économique de fil des épisodes et la Websérie permet fini par révéler une vérid’assurer un système de table profondeur et une vraie communication basé surtout cohérence. sur le bouche à oreille, mettant en place un cercle vertueux où la ENTRE PRO ET AMATEUR communauté est mise au centre de la Websérie. L’équipe s’investit On peut être alors assez désori- pour ses fans et pour leur offrir enté quand on commence Noob. le meilleur contenu possible qui Il faut rappeler que beaucoup des a son tour continue à parler de acteurs ou du staff sont des per- Noob autour d’eux pour ramensonnes bénévoles. Olydri Studio er d’autres personnes qui peuétait auparavant une association, vent ensuite s’investir dans cette la Funglisoft, qui correspondait en même communauté. fait à un groupe de potes qui allait faire justement des vidéos ama- Noob est donc une des rares teurs. Noob n’est donc pas leur réussites de la Websérie, une lipremier coup d’essai mais l’aspect cence qui a su offrir à ses fans amateur peut sauter aux yeux au une bonne part d’originalité et départ surtout si on est habitué de divertissement. L’avenir nous aux blockbusters américains. Ain- dira si ce modèle peut continuer si, on peut reprocher à Noob ses à survivre par la suite mais il est effets spéciaux peu réalistes, ses clair qu’elle a réussi à dénicher un jeux d’acteurs qui peuvent être public plutôt jeune, plus tourné souvent maladroits ou encore vers la culture geek qui est peutquelques vannes qui s’avèrent être trop ignorée aujourd’hui en très peu hilarantes. Pourtant, on France. ne peut s’empêcher de remarquer que ces défauts, même s’ils restent présents, s’estompent petit à petit. Grâce aux réseaux sociaux ainsi qu’aux forums mis à disposition par l’équipe, les fans peuvent se retrouver et discuter 8 LE DOSSIER SOCIETE Twitter : ce support de la haine Publié le 19 août 2013. Dans ce papier d’opinion, Yoann Jacquet faisait part à nos lecteurs de son inquiétude face à la montée de haine sur les réseaux sociaux, et plus précisément sur Twitter. Les révolutions arabes de 2011 ont laissé apparaître l’émergence d’un phénomène nouveau. Fléau de ce début de XXIe siècle pour certains, véritable progrès inscrit à jamais dans l’Histoire pour d’autres, les réseaux sociaux ne cessent d’envahir chaque jour un peu plus nos écrans d’ordinateurs et de téléphones. Ils nous permettent de réduire les distances, de faciliter nos communications, d’élargir nos cercles sociaux, de nous lier ensemble, de nous donner rendez-vous, de renverser des dictateurs, de partager l’actualité. Ils se font véritables échos de l’opinion en transformant Monsieur tout-lemonde en rédacteur politique, en faisant de tata Jeannine une chroniqueuse gastronomique, en permettant au petit jeune du coin de la rue de se faire connaître pour ses vidéos humoristiques. UNE UTOPIE INFORMATIQUE En considérant les réseaux sociaux ainsi, les amoureux de la liberté d’expression, les défenseurs de la démocratie, les dégoûtés de l’opinion unique véhiculée par la télévision, osaient entrapercevoir un nouveau lieu, une utopie informatique concrétisant leurs rêves divers ont compris le regain de visibilité qu’ils pouvaient en tirer. Comme si l’appauvrissement de la pensée symbolisée par la limite fatale des cent-quarante caractères le rendait tout public, encore plus de monde s’y est mis. Ainsi Twitter dirigea le monde. les plus fous. Les Facebook et autres Twitter allaient devenir le lieu du débat, où des anonymes pourraient argumenter, poser leurs idées, leurs arguments. Ces réseaux sociaux seraient le reflet d’un progrès social, celui d’une démocratie vraiment participative, dans laquelle tout un chacun pourrait exister. D’abord, il y a eu Facebook. Tout le monde s’y est mis : les jeunes cadres dynamiques voulant partager leur expérience professionnelle, les ados prépubères en quête de nouvelles relations mi-voyeuristes mi-exhibitionnistes, et puis mamie Claudette, souhaitant partager les photos de ses petits-enfants avec les amis du quartier. Ensuite, il y a eu Twitter. Alors, le réseau social a pris une dimension nouvelle. Il ne s’est plus contenté de rester dans le cadre de l’échange et du partage privés, mais il s’est ouvert au monde entier. Les personnalités télé, les journalistes, les commentateurs et stars LA CONNERIE A GRANDE ECHELLE Les incroyables possibilités de l’outil nous font d’autant plus entrevoir l’horrible dégradation de sa concrétisation. Loin d’être devenus cet idéal démocratique et d’intelligence tant espéré, les réseaux sociaux se font forgés sur le moule de l’opinion superficielle dominante, sur la loi doxative du nombre, sur l’inintelligence populaire. Bref, sur la connerie à grande échelle. Alors, comment s’étonner de la multi-apparition sur le réseau social de dizaines et dizaines de stars éphémères de la télé-réalité, de la chanson ou d’internet en quête du plus grand nombre de «followers» possible, en racontant leur vie ou en clashant dans l’espoir de faire le buzz ? Comment s’étonner des nombreuses digressions de nos responsables politiques qui n’hésitent pas à twitter que Najat Vallaud-Belka- LE DOSSIER SOCIETE 9 -cem suce son stylo de manière érotique à l’Assemblée Nationale, ou d’autres messages frisant avec la débilité, voire avec l’intolérance assumée ? Comment s’étonner que Twitter soit devenu quelque chose d’assez crédible pour le public, lorsque la première dame de France n’hésite pas à casser l’ex de son Président de mari ? UN MALAISE Certes, il y a un malaise dans la civilisation, un malaise dans les communications et dans la vie sociale des anonymes d’aujourd’hui. L’espace de l’activité sociale se déplace progressivement, mais rapidement, des bars et autres lieux de rencontre avec ses potes vers ces réseaux sociaux qui séduisent des millions d’adolescents. Comme bien d’autres, lorsque Hannah Smith, jeune adolescente britannique de quatorze ans, s’est inscrite sur le site de questions-réponses anonymes Ask.fm, elle avait certainement besoin d’une certaine popularité, de reconnaissance de la part d’autrui pour combler un vide affectif, mal inévitable de ce début de XXIe siècle. Mais Internet et les réseaux sociaux étant devenus le lieu de l’impunité, de la méchanceté, de l’harcèlement, Hannah s’est pendue dans sa chambre après avoir reçu des dizaines de messages injurieux. LE SUPPORT DE LA HAINE Mais c’est aussi la haine totalement débridée qui court sur Twitter qui choque. Le malaise actuel est évident, comment rester insensible face à la montée des discriminations, de l’intolérance sur le réseau aux cent-quarante caractères ? Après les nombreux hashtags ouvertement racistes et antisémites (rappelez-vous de #unbonjuif) qui avaient récemment poussé SOS Racisme à réagir, c’est au tour de l’homophobie d’envahir Twitter. Dans un contexte politique où le mouvement anti mariage-gay a renforcé une atmosphère putride d’homophobie, des hashtags tels que #LesGaysDoiventDisparaîtreCar, #TeamHomophobe ou encore #brulonslesgaysurdu fleurissent aux quatre coins du réseau social. Bien plus que de l’intolérance, c’est bel et bien des appels à la haine et à l’extermination qui se développent avec une vitesse et une intensité effarantes, rappelant bien tristement une période bien noire de l’histoire européenne, où là aussi la différence était motif de condamnation à mort. Non seulement condamner ces propos, les responsables politiques actuels doivent également prendre toute la considération de la gravité de la chose. Des décisions, des punitions exemplaires, une surveillance accrue des réseaux sociaux doivent être menées pour que la situation ne déborde pas, dans un climat de crise propice aux discriminations et à la recherche de boucs-émissaires. Les réseaux sociaux ne doivent pas être abandonnés, mais ils doivent être utilisés de façon intelligente, responsable, afin qu’ils ne deviennent pas supports de la haine. Mais pour cela, il faudra de l’optimisme, de l’action, et un changement des mentalités. 10 Interview Entretien avec Bernard Werber : “Les Micro-Humains” I Interview réalisée en partenariat avec l’émission radio “Le NewsTalk”, présentée par Marcus Dupont-Besnard, rédacteur en chef de WorldZine. Interview audio et retranscription écrite du 30 novembre 2013. Bernard Werber est l’un des auteurs contemporains français les plus vendus dans le monde. Des «Fourmis» aux « Thanatonautes », ses livres n’ont aucune difficulté à devenir cultes. Il est revenu avec une nouvelle saga, « Troisième Humanité », dans laquelle il imagine une nouvelle humanité qui nous succéderait : plus petite, plus féminine, plus solidaire. Le deuxième tome, « Les Micro-Humains », est sorti en octobre 2013 aux éditions Albin Michel. Comment a émergé en vous cette idée qu’il y ait plusieurs humanités ? J’ai observé que toutes les espèces évoluées avaient plusieurs stades. Par exemple les dinosaures sont le premier stade des reptiles, et les lézards que nous avons actuellement c’est le deuxième stade, donc je n’ai fait que reporter ce mécanisme de rétrécissement des espèces, qui s’applique à d’autres animaux, à l’Homme. Le vrai thème du roman c’est comment allons-nous évoluer, d’où venons-nous, et comment allons-nous probablement la voie d’évolution qui a été choisie par mes petits animaux avancer. préférés… à savoir les fourmis. Elles étaient plus grandes, plus solitaires et plus masculines, et elles sont devenues Est-ce-que vous opérez une hiérarchie entre plus féminines, plus solidaires, et plus petites. Donc j’ai ces différentes humanités, ou elles sont bien appliqué sur l’Homme le même système que la nature a distinctes ? Pour moi il n’y a pas de hiérarchie, utilisé sur les insectes. ça dépend à quel niveau vous mettez le mot « hiérarchie », il n’y en a pas une meilleure Comment percevez-vous le stade actuel de notre humanique l’autre. Il y a juste une ancienne, une acté ? Je pense que nous sommes à une période où des choix tuelle, et une future. Après, il faudrait qu’il sont en train d’être effectués, et ces choix c’est nous qui y ait une sorte d’arbitre neutre qui décide allons les faire. laquelle est la meilleure. L’arbitre neutre, en l’occurrence, ça serait le lecteur, qui décideAu début des « Micro-Humains », tout comme au début de rait si entre la première humanité de géant, « Troisième Humanité », vous mettez l’avertissement suila deuxième humanité que nous sommes vant : “Cette histoire se déroule dans un temps relatif et nous, et la troisième humanité qu’inventent non dans un temps absolu, elle se passe exactement dix mes héros, il y en a une qui est plus intéresans après l’instant où vous ouvrirez ce roman et commensante que l’autre. cerez à le lire”. C’est intriguant, pourriez-vous nous expliquer? Des livres comme « 1984 » ou « ’Odyssée de l’Espace» Dans ce nouveau roman vous avez imaginé avaient défini une date, or cette date est arrivée et on a une humanité suivante à la notre qui serait pu s’apercevoir que ce n’était pas exactement comme ce plus petite et plus féminine. Pourquoi avoir qui avait été prévu. Pour éviter d’être exposé à ce risque, choisis ces deux critères là ? Parce-que c’est Interview j’ai mis cet avertissement, à savoir que c’est dix ans après le moment où on ouvre le livre, donc si on lit le livre en l’an 3000 ce serait en 3010 que se passe l’histoire, j’ai essayé d’imaginer une sorte de futur déplaçable. Malgré cet aspect intemporel, est-ce-qu’on peut dire que cela reste un roman d’actualité ? Pour moi c’est de l’actualité, oui, c’est lié à ce qu’on voit actuellement aux informations. C’est juste une petite projection, je pousse un tout petit peu le coup suivant des problèmes qu’on voit avec la pollution, avec les guerres, avec la bourse, avec l’ONU, avec la conquête de l’espace. J’ai essayé de projeter un peu plus loin pour voir ce que ça donne. Pour écrire un roman sur l’humanité, il faut opérer un recul sur soi-même, une réflexion philosophique, comment avez-vous fait ? Ca m’amuse! Depuis le début, ça fait 22 ans que je suis publié, plus de 30 ans que j’écris, je considère que n’importe quel humain doit se poser cette question : d’où venons-nous, qui sommes-nous, et où allons-nous. C’est pas de la philosophie, c’est juste de la curiosité. Et je crois que le drame c’est ceux qui vivent juste dans un petit quotidien avec le boulot, la famille, la santé, et qui ne réfléchissent pas à la perspective de l’espèce dans laquelle ils sont. J’ai écrit ce livre pour justement donner envie aux gens d’avoir un peu de perspective, et de prendre un peu le large. Est-ce-qu’on peut malgré tout appeler cela de la science-fiction philosophique ? Moi j’appelle ça de la philosophie-fiction, comme ça c’est plus court, mais je crois que de toute façon la sciencefiction ancienne a besoin d’être modernisée. Une des manières de moderniser, ce serait en effet de trouver le lien avec la philosophie. Quel est le message concret que vous voulez faire passer à travers cette idée des « Micro-Humains»? Nous sommes actuellement dans un carrefour, et si on se trompe on peut tout foutre en l’air, mais si on réfléchit bien et si on a de l’imagination, on peut tout sauver. Voilà le message un peu… subliminal, qui transporte le roman. 11 « L’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu » est présente dans quasiment toutes vos sagas, elle est constamment renouvelée… quel travail vous opérez pour réussir à construire cette encyclopédie « continue » ? J’étais journaliste scientifique, donc j’avais noté plein de petites histoires marrantes que je n’avais pas pu traiter en articles, donc je les passe maintenant dans mon encyclopédie. Et puis, c’est une manière d’aérer le texte, et d’offrir encore une autre perspective. C’est-à-dire que vous avez l’histoire, et à côté vous allez avoir tout le travail autour de documentations qui va être présenté. Une chose est indéniable : vos romans touchent particulièrement les jeunes. Pourquoi, à votre avis ? Parce-qu’ils sont plus intelligents, tout simplement ! [rire] Qu’est-ce-que vous pourriez nous dire sur la suite des Micro-Humains ? Pour l’instant j’en ai écrit trois. Le troisième va être publié en octobre (2014, ndlr), maintenant ça va dépendre aussi de l’accueil du public. Si je sens qu’il y a un grand engouement j’en ferais un quatrième, sinon je ferais autre chose, probablement du polar. J’ai trois ou quatre petites pistes nouvelles, et je vais les tester, au bout d’un moment il y en a une qui apparaitra. Mais, pour l’instant, mon grand projet majeur c’est quand même « Troisième Humanité ». 12 DANS LA TV House Of Cards : dans les coulisses du pouvoir... La révolution Netflix fait son effet Publié le 13 mars 2014. House of Cards est bien plus qu’une série, puisque c’est une série proposée par Netflix. Pour notre chroniqueur Cyprien Dagnicourt, cette série est une révolution tant par son contenu que par la plateforme où elle est proposée. La première série diffusée exclusivement sur Netflix, le leader du streaming américain, fait fureur outre-Atlantique. Créée par Beau Willimon et produit par David Fincher (Seven, Fight Club entre autres), « House of Cards », entre réalité et fiction, met en lumière la face cachée la plus sombre de la Maison-Blanche. Ajoutez l’acteur doublement oscarisé Kevin Spacey (Usual Suspects, American Beauty) dans le rôle principal, et voilà qui devrait suffire à aiguiser l’intérêt de tout amoureux du petit écran…et du grand. PRAGMATIQUE ET SANS PITIE Franck Underwood, Whip en chef de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, est l’un des principaux architectes de la victoire du Président des Etats-Unis nouvellement élu, Garrett Walker. Ce dernier fait miroiter à Underwood, pour ses loyaux et très efficaces services, le poste très envié de secrétaire d’Etat. Mais au dernier moment, le Président décide de revenir sur sa promesse, et il va s’en mordre les doigts. En effet, Underwood, qui s’attendait à être nommé, est l’oublié du nouveau gouvernement. Ulcéré, le politicien, incarné à merveille par Kevin Spacey, prépare dans l’ombre sa vengeance. Soutenu par sa femme, Claire, qui voit l’occasion s’échapper de faire promouvoir son ONG environnementale, Franck met en place des stratagèmes politiques plus tordus les uns que les autres, la légalité n’étant pas une barrière infranchissable à ses yeux. Il n’hésite pas à fournir des informations confidentielles à Zoe Barnes, une journaliste arriviste, un brin naïve et emprisonnée dans les rouages politiques, afin qu’elle publie des articles mettant en cause la Maison-Blanche. Le gouvernement américain se retrouve alors enseveli sous un déluge de scandales, orchestré en coulisse d’une main de maître par Franck. Ce dernier continue alors de placer ses pions en manipulant son monde dans un seul objectif, arriver au sommet. REALITE CRITIQUE D’UNE CRISE DE CONFIANCE POLITIQUE Vous n’aimez pas la politique ? Vous allez la détester encore plus. Dans cette série, tous les ingrédients sont réunis pour préparer une cuisine politique infâme, au goût amer. Lobbying, sexe, un milieu politico-journalistique corrompu, subornation de témoins, chantage, menaces et même homicides sont à la carte de House of Cards. Franck Underwood incarne un véritable Machiavel des temps modernes, dans une machinerie politique où tous les coups sont permis pour arriver à ses fins. La série se veut immorale, à l’image de la crise politique globale que nous vivons, comme l’illustre cette phrase d’Underwood, témoignage d’un système démocratique enrayé : DANS LA TV « À un pas de la présidence sans qu’on ait voté une seule fois pour moi… La démocratie, c’est tellement surfait ». Cette escalade du pouvoir nous montre avec lucidité l’œil malveillant que porte l’opinion publique sur ses représentants politiques. Le politicien pragmatique Franck Underwood n’est pas conduit par des convictions profondes visant à satisfaire l’intérêt général, mais par la ruse et la soif de vengeance. Dans cette critique du pouvoir, certes caricaturale, les différents réalisateurs mettent en scène une « politique politicienne », où le bonheur du peuple ne donne pas de véritables maux de tête aux dirigeants. Si des questions de géopolitiques sont traitées, telle que la réforme de l’éducation, l’âge de la retraite, ou encore un conflit de cyberterrorisme avec la Chine, le fond de la série reste axé sur le personnage charismatique de Franck Underwood, et sur les « personnages-pions » dont il se sert et qui gravitent autour de lui. UNE REALISATION THEATRALE ET INNOVANTE «Il y a deux sortes de douleurs, celle qui vous rend forte et celle inutile qui fait seulement souffrir. Je n’ai aucune patience pour cette dernière», Frank Underwood nous régale à chaque épisode d’aphorismes percutants, qui ne laissent pas de place au sentimentalisme. Face à la caméra, à la manière d’un acteur de théâtre, il donne la réplique en aparté aux téléspectateurs qui deviennent complices de ses malversations. Nous avons perdu Walter White (Breaking Bad) en anti-héros effroyable et fascinant. A sa manière, Frank Underwood a repris le flambeau, en incarnant le plus impitoyable des anti-héros du moment dans le monde des séries. Du côté des autres personnages, Robin Wright est époustouflante dans le rôle de Claire Underwood, inflexible et glaciale, elle apporte un soutien infaillible à son mari ; au même titre que Doug Stamper (Michael Kelly), l’homme de main va rapidement devenir incontournable dans la reconquête du pouvoir par Underwood. Peter Russo (Corey Stoll), le jeune parlementaire rongé par l’alcool, est touchant par son honnêteté et sa naïveté, mais tout comme la journaliste Zoe Barnes (Kate Mara), il tombe rapidement sous l’emprise de Franck. Quant au scénario, rien n’est laissé au hasard. Tous les gestes et actions ont des répercussions dans cette escalade du pouvoir. C’est un puzzle parfaitement monté où les pièces s’associent à mesure que le récit se construit. Aucune intrigue n’est superflue, de l’histoire de Rachel, l’ex prosti- 13 tuée qui en fait voir de toutes les couleurs à Doug, à celle de Freddy, dont le passé criminel met en danger Franck. Ainsi, même les histoires (a priori) secondaires sont déterminantes puisqu’elles sont toutes liées à la trame principale. PORTE-PAROLE DE LA REVOLUTION NETFLIX House of Cards incarne la nouvelle plateforme de streaming Netflix, qui révolutionne le business des séries. La traditionnelle (et lente) diffusion hebdomadaire se voit bouleversée par Netflix qui distribue en intégralité ses séries. Ainsi, l’ensemble de la saison 2 a été mis en ligne le 14 février 2014. Une nouvelle ère dans la manière de consommer les séries s’ouvre, celle du bingewatching (ou marathon télévisuel). Le choix de diffuser House of Cards par cette méthode révolutionnaire est judicieux, tant le succès de cette série est conséquent. Nominé à neuf reprises pour les Emmy Awards de 2013, House of Cards sera également au rendez-vous en 2014, où son seul concurrent sérieux sera sans doute le chef d’œuvre True Detective. Il n’est alors pas surprenant de voir Netflix commander une troisième saison, avant même la mise en ligne de la saison 2, et ce n’est pas Mr. Obama qui s’en plaindra. 14 DOSSIER HISTORIQUE Décès de Nelson Mandela, la perte d’une icône Publié le 12 décembre 2013, dossier spécial par Vincent Nael retraçant la vie de Nelson Mandela, icône inconstable d’un bon nombre de valeurs humanistes. Il est décédé le 5 décembre 2013, le monde entier était alors en émoi. Nelson Mandela, héros de la lutte contre le régime raciste de l’apartheid qui sévissait jusqu’à ce qu’il soit élu premier président noir de l’Afrique du Sud démocratique, est mort jeudi 5 décembre, à l’âge de 95 ans à son domicile de Johannesburg, a annoncé l’actuel chef de l’État sud-africain Jacob Zuma à la télévision publique. « Notre cher Madiba aura des funérailles d’Etat », a-t-il ajouté, annonçant que les drapeaux seraient en berne à partir de vendredi et jusqu’aux obsèques qui auront lieu le 15 décembre à Qunu, son village natal. Celui qu’on surnommait « Madiba », déplorait qu’on le présente comme « une sorte de demi-dieu » et insistait sur ses « erreurs », ses « insuffisances », il se considérait comme un « simple humain », lui qui était pourtant tellement bon. LA NAISSANCE MYTHE D’UN Rolihlahla Mandela de son vrai nom, naît le 18 juillet 1918 au village de Mvezo dans le district d’Umtata situé dans la région du Transkei. Cette terre appartient à son père qui sera banni de cette dernière par l’autorité coloniale blanche, peu de temps après la naissance du petit Rolihlahla. Déporté dans un village proche nommé Qunu (lieu de ses obsèques), Mandela évoque dans ses Mémoires y avoir passé « une enfance heureuse » malgré la mort de son père alors qu’il n’a que neuf ans. Il est alors pris en charge par le régent de sa tribu et devient ensuite le premier de celle-ci à aller en classe, c’est là que sa première institutrice lui attribue le nom de « Nelson ». Madiba manifeste très tôt un esprit rebelle, étudiant il est exclu de l’université de Fort hare (sud du pays) et à l’âge de 22 ans, Madiba fuit sa famille pour échapper à un mariage forcé. faire face plus « activement » au régime « blanc » des Afrikaners, qui institutionnalise l’apartheid (le développement séparé entre les blancs et les noirs) en 1948. Arrivé à Johannesburg, la capitale sud-africaine, le jeune homme prend conscience de l’ampleur de la ségrégation raciale dont son pays témoigne. Après avoir rejoint l’ANC (Congrès national africain) en 1942, il décide de créer la ligue de jeunesse de l’ANC et prend rapidement la tête de son parti pour le tour du monde : « J’ai dédié ma vie à la lutte pour le peuple africain. J’ai combattu la domination blanche et j’ai combattu la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble, dans l’harmonie, avec d’égales opportunités. C’est un idéal que j’espère atteindre et DE SON ARRESTATION A LA LIBERATION Après l’interdiction de son parti en 1960, Madiba passe dans la clandestinité et est arrêté en 1962. Deux ans plus tard, il échappe de justesse à la peine de mort mais il est condamné à perpétuité pour « haute trahison et tentative de renversement par la force du gouvernement », lors de son procès Nelson Mandela prononce une plaidoirie qui fait DOSSIER HISTORIQUE et pour lequel j’espère vivre. Mais, si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » En prison, il obtient deux diplômes d’études supérieures en droit, par correspondance, et partage son savoir avec ses codétenus. A tel point, qu’une majorité d’entre eux évoqueront « L’université Robben Island » qu’il met en place sur l’île, où il est retenu. Mandela apprend même la langue, tout en étudiant par la suite, l’histoire et la littérature de « l’ennemi » afrikaans (pourtant le gouvernement minoritaire qui avait décidé de le condamner jusqu’à la fin de sa vie sur cette île carcérale) tout en invitant ses compagnons de cellules à le suivre « parce qu’un jour, il faudra que tous les peuples de notre pays, Afrikaners compris, se comprennent pour vivre ensemble ». L’idée est déjà présente, tenace, tout comme le personnage prêt à tout pour arriver à son idéal, y compris à sacrifier sa famille pour son pays en passant 27 longues années derrière les barreaux, avant sa libération en 1990. LA NATION « ARC-ENCIEL» Le 11 février 1990, non pas la date de son accession au pouvoir mais bien celle de sa première victoire, à 16 heures, Nelson Rolihlahla Mandela se dirige vers la sortie de son ultime prison, le libérateur tient sa libération. A ce moment-là, toutes les personnes présentes devant leurs postes de télévisions tentent de se contenir devant toute cette grandeur, incarné par un homme de 73 ans que l’on craint éreinté par toutes ces années de travaux si physiques. 15 ment son équipe nationale et en montrant au capitaine de cette dernière, toute l’ampleur de l’enjeu politique que la victoire représenterait pour le pays. Pourtant, il se tient droit devant la terre tout entière, si intacte moralement après toutes ces années loin de sa famille et prêt à pardonner à tous ceux qui l’ont offensé (Mandela poussera même l’exemple jusqu’à aller serrer la main du procureur afrikaner qui voulait le pendre en 1964), les premiers signes d’une nation « arc-en-ciel » à laquelle Madiba pense déjà gouverner. Le 10 mai 1994, suivant quatre années difficiles faites de négociations ardues avec la minorité blanche représentant autrefois l’apartheid, l’icône peut enfin prêter serment et devient ainsi le premier président de la République démocratique sud-africaine en obtenant avec son parti, 62,6% des suffrages exprimés. « Jamais, plus jamais, ce beau pays ne vivra l’oppression des uns par les autres, lance-t-il. L’humanité ne connaîtra pas plus grand accomplissement. Que règne la liberté! ». Toutes ces années sacrifiées pour y arriver, le mythe tient sa légende pour de bon. Après avoir accompli son mandat, marqué notamment par cette victoire à la coupe du monde de rugby 1995, qui se tenait en Afrique du Sud. Un sacre renforçant l’unité de tout un pays lié en partie à son président, qui y a contribué en soutenant forte- Après 1999, date de la fin de son règne, Mandela se retire peu à peu de la vie politique mais se donne comme principale mission, la lutte contre le sida. Discipliné jusqu’au bout, il soutient la candidature à la présidence de Jacob Zuma (un de ses ex-compagnons de cellule), en 2009. N’apparaissant plus en public depuis 2010, à cause de nombreux problèmes de santé, il était encore très invoqué tant par le pouvoir que par l’opposition, une chose est certaine « Madiba » continuera indéfiniment à sourire chaque jour à tous les fils de la nation dont il sera à jamais le père. 16 CREDITS LA REDACTION Rédacteur en chef Rédactrices en chef adjointes Sécrétaire de rédaction Responsable communication Responsable informatique Auteurs des articles sélectionnés MARCUS DUPONT-BESNARD MAUDE BREGER (2014) KENDRA MOLDAVSKI (2012-2013) CYPRIEN DAGNICOURT CHARLES IZARD BENJAMIN CHEREL BAPTISTE MICHEL ROMAIN MANGATTALE YOANN JACQUET MARCUS DUPONT-BESNARD CYPRIEN DAGNICOURT VINCENT NAEL L’ASSOCIATION Président Secrétaire Général Trésorier MARCUS DUPONT-BESNARD CYPRIEN DAGNICOURT CHARLES IZARD PLUS D’ARTICLES SUR WWW.WORLDZINE.FR A PROPOS WORLDZINE EST UN ORGANE DE PRESSE ETUDIANT ASSOCIATIF (LOI 1901) NUMÉRO RNA DE L’ASSOCIATION : W353012716 RÉFÉRENCÉ À L’INSEE, SOUS LE SIREN N°801-154-600 LES TEXTES PUBLIÉS SONT SOUMIS A LA LOI DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE. 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