Les complications de la blépharoplastie – Partie 2

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Les complications de la blépharoplastie – Partie 2
MARS/AVRIL 2005
Volume 3, numéro 2
Ophtalmologie
MC
Conférences scientifiques
COMPTE RENDU DES CONFÉRENCES
SCIENTIFIQUES DU DÉPARTEMENT
D’OPHTALMOLOGIE ET
DES SCIENCES DE LA VISION,
FACULTÉ DE MÉDECINE,
UNIVERSITÉ DE TORONTO
Les complications de la blépharoplastie – Partie 2
PA R J A M E S O E S T R E I C H E R , M . D . , F R C P C
FACU LT Y O F M E D I C I N E
r
La partie 1 de ce vaste thème rédigée par le D James Oestreicher, un chirurgien oculoplasticien de renom, a été présentée dans le numéro de Janvier/Février d’Ophtalmologie –
Conférences scientifiques. La partie 2 est présentée dans ce numéro.
Un i v e r s i t y o f To r o n t o
Jeffrey Hurwitz, rédacteur, Ophtalmologie – Conférences scientifiques
Anomalies cicatricielles
La ligne d’incision extérieure de la paupière doit être placée symétriquement et l’incision
doit être fermée méticuleusement pour éviter l’asymétrie. Occasionnellement, les lignes d’incision peuvent avoir un aspect hypertrophié, en particulier chez les patients dont la cicatrice
est chéloïde. Cependant, la peau de la paupière guérit mieux que celle de presque toute
autre partie du corps et les cicatrices oculaires réellement chéloïdes sont rares. Occasionnellement, la ligne d’incision peut être un peu épaisse et rouge après 4 semaines et un
mélange judicieux de temps, de massage et de crème à la vitamine E peut être utile.
Il faut distinguer les kystes épithéliaux d’inclusion de l’épaississement cicatriciel, étant
antérieurement donné qu’une décompression ou une excision peut être nécessaire. La formation de granulomes sur le fil de suture peut être évitée en utilisant des fils de suture
inerte en prolène et en les retirant complètement. Les incisions cutanées au laser CO 2
doivent être évitées chez les patients asiatiques et noirs en raison du risque de dépigmentation et d’hypertrophie cicatricielle. Cependant, on peut utiliser le laser en toute sécurité à
l’intérieur de la peau pour retirer l’excès de graisse chez ces patients. Les incisions faites par
voie transconjonctivale peuvent engendrer occasionnellement des granulomes pyogènes.
Si un traitement de courte durée par des corticostéroïdes topiques ne résout pas le problème,
la solution est l’excision.
Anomalies pigmentaires
De nombreux patients consultent pour une correction de cernes foncés sous les yeux.
Ils sont causés par trois facteurs :
• Obscurcissement causé par l’hernie graisseuse au-dessus de la zone foncée
• Apport de sang au niveau du tissu adipeux visible à travers la peau fine de la paupière
• Présence de pigment dans l’épiderme et le derme.
La résection de l’excès de graisse contribuera à l’élimination des deux premières causes,
alors que le resurfaçage de la peau au laser peut aider à résoudre la troisième cause si le pigment est relativement superficiel. Le patient doit être un candidat au resurfaçage pour que
l’on envisage cette modalité thérapeutique (type de peau I, II ou III de Fitzpatrick) et les
risques d’hypopigmentation et d’hyperpigmentation doivent être soulignés. En présence de
pigment sans hernie graisseuse, on peut faire l’essai initialement d’un traitement avec des
agents de blanchiment de la peau. Chez les sujets qui ont la peau foncée qui présentent un
risque d’hyperpigmentation réactive après le traitement, on peut administrer un traitement
préopératoire et postopératoire avec des crèmes topiques au rétinol (vitamine A) ou de blanchiment. Il existe diverses compositions de crèmes de blanchiment contenant des associations
d’hydroquinone, d’acide glycolique, d’acide kojique, d’acide rétinoïque et d’hydrocortisone.
L’hyperpigmentation postopératoire qui n’est pas causée par le laser peut être due à la
formation d’un hématome et à l’exposition excessive au soleil. Le resurfaçage au laser
présente en soi un risque d’hypopigmentation (très rare sur la peau de la paupière) et d’hyperpigmentation. Les patients atteints de vitiligo peuvent présenter un risque accru d’hypopigmentation. On peut proposer au patient un test sur une petite surface cutanée, bien qu’un
bon résultat à ce test ne garantisse pas de bons résultats ultérieurement. Il n’existe pas de
traitement systématiquement efficace pour l’hypopigmentation. Une légère hyperpigmentation
Disponible sur Internet à : www.ophtalmologieconferences.ca
Département
d’ophtalmologie et des
sciences de la vision
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Jeffrey Jay Hurwitz, M.D., Rédacteur
Professeur et président
Martin Steinbach, Ph.D.
Directeur de la recherche
The Hospital for Sick Children
Elise Heon, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Mount Sinai Hospital
Jeffrey J. Hurwitz, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Princess Margaret Hospital
(Clinique des tumeurs oculaires)
E. Rand Simpson, M.D.
Directeur, Service d’oncologie oculaire
St. Michael’s Hospital
Alan Berger, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Sunnybrook and Women’s College
Health Sciences Centre
William S. Dixon, M.D.
Ophtalmologiste en chef
The Toronto Hospital
(Toronto Western Division and
Toronto General Division)
Robert G. Devenyi, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Faculté de médecine
Université de Toronto
60 Murray St.
Bureau 1-003
Toronto (Ontario) M5G 1X5
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Conférences scientifiques est déterminé
exclusivement par le Département
d’ophtalmologie et des sciences de la vision,
Faculté de médicine, Université de Toronto.
est relativement fréquente 4 semaines après le surfaçage
qui disparaît généralement spontanément. Cependant,
si on note une hyperpigmentation, elle doit être traitée
avec une crème de blanchiment. Si elle persiste, la
lumière intense pulsée est un traitement adjuvant utile.
L’érythème causé par le resurfaçage au laser est
universel et prévisible. Tous les patients doivent être
prévenus à l’avance, et d’autres options que le laser
doivent être explorées. Le resurfaçage au laser chez les
patients pour qui il est indiqué, associé à la blépharoplastie transconjonctivale et à un resserrement
adéquat de la paupière, permet d’obtenir un résultat
bien supérieur à la blépharoplastie externe classique,
car cette technique permet d’éviter les cicatrices et la
rétraction des paupières et d’éliminer l’excès de peau et
les rides de façon plus naturelle et complète. L’érythème dure en moyenne 3 mois chez les femmes, mais
peut être dissimulé facilement avec de fond de teint
après 8 ou 9 jours. Les hommes ont le teint plus coloré
et leur érythème dure 60 % plus longtemps en
moyenne. Un érythème prononcé et prolongé est relativement rare et peut être traité avec de la crème
topique à l’hydrocortisone 1 % ou avec des traitements
de lumière intense pulsée. Il est rare que l’érythème ne
disparaisse pas.
Épiphora et inconfort oculaire
En raison du gonflement des tissus palpébraux après
l’intervention, une dysfonction du clignement est
fréquente. Celle-ci entrave le mécanisme de pompage
des larmes. La lagophtalmie peut augmenter la sécrétion
réflexe des larmes et entraîner une épiphora relative.
Les lignes d’incision ou le resurfaçage au laser peuvent
causer une inversion ou une éversion des points lacrymaux en raison du gonflement ou de la contraction tissulaire, pouvant également contribuer à l’épiphora. De
même, le chémosis conjonctival causé par l’incision
transconjonctivale et par un dessèchement oculaire lié à
la lagophtalmie peut recouvrir les points lacrymaux. La
lubrification, l’application de compresses froides et l’observation aideront à résoudre ce problème. De même, la
dégradation de l’épithélium cornéen peut causer une
douleur transitoire, une sensation de corps étranger et
des larmoiements. Le plus important dans le traitement
est de favoriser la guérison de l’épithélium cornéen
aussi rapidement que possible, afin de prévenir une
kératite infectieuse. On peut appliquer un onguent ophtalmique et un patch oculaire ou utiliser une lentillepansement pendant 12 à 24 heures pour permettre une
guérison cornéenne rapide et confortable sans pression
artificielle sur les lignes de suture.
Une épiphora due à la lésion du système lacrymal
d’évacuation peut apparaître si la ligne d’incision est
effectuée trop médialement et trop près de la ligne
médiane horizontale. Le point lacrymal est un repère
utile pour établir la limite médiale de l’incision de la
paupière supérieure. L’arrêt de l’incision en ce point
permet d’éviter la formation d’un pli dans la région du
canthus interne ainsi que la possibilité de lésion de
l’appareil lacrymal. Les incisions doivent se situer au
moins 4 à 5 mm au- dessus du point lacrymal pour
éviter le canal d’union. De même, la limite médiale de
l’incision de la paupière inférieure doit s’arrêter latéralement par rapport au point lacrymal, qu’elle soit conjonctivale ou sous le rebord ciliaire.
Une lésion du système canaliculaire réelle peut
nécessiter une réparation ultérieure si elle cause une
épiphora. De nombreux patients âgés présentent une
obstruction d’un canalicule lacrymal sans larmoiement
en raison de la réduction de la sécrétion des larmes. Si
l’obstruction est située plus loin que 8 mm du point
lacrymal (peu probable dans la blépharoplastie), une
dacryocystorhinostomie (DCR) transcanaliculaire
permet la reconstruction du système. Dans les cas
d’obstruction plus proximale avec larmoiement, une
séquence d’interventions est possible, en commençant
par trois petites incisions du point lacrymal du
canalicule non obstrué réalisées à l’aide de ciseaux,
suivies d’une DCR (pour améliorer le flux à travers le
canalicule non obstrué), suivie d’une DCR avec un tube
de Jones dans les cas réfractaires.
Surcorrection de la paupière supérieure
Les anomalies esthétiques et fonctionnelles proviennent de la résection excessive de la peau et de la graisse
et d’une cicatrisation excessive ou d’adhérences dans
l’aponévrose du muscle releveur et autour de celle-ci. Le
chirurgien doit prendre des précautions particulières
chez les patients qui ont un excès de peau important ou
des sourcils particulièrement bas, et dans les cas où une
blépharoplastie et/ou un relèvement des sourcils ont été
réalisés antérieurement. Un traumatisme antérieur de la
paupière, les affections dermatologiques entraînant
le resserrement de la peau ainsi que la maladie de
Graves sont des facteurs de risque de surcorrection.
Le chirurgien doit laisser 10 mm de peau (en règle
générale) sous les sourcils et au-dessus de l’incision
dans le pli palpébral supérieur. Sinon, la paupière sera
trop courte pour se fermer et elle ne fonctionnera pas
indépendamment des sourcils. Cela pourra entraîner
une kératite d’exposition réfractaire. On peut obtenir
un effet supérieur (pour retendre la peau loin des cils)
tout en réséquant moins de peau en créant un pli
palpébral plus haut durant la blépharoplastie.
La rétraction de la paupière supérieure et l’exposition sclérale (et la lagophtalmie) peuvent survenir lors
d’un traumatisme excessif du muscle releveur et de la
graisse pré-aponévrotique. Ce traumatisme peut survenir lors d’un dépôt d’énergie laser excessif lors de la
résection de la graisse. Il peut être évité en utilisant une
technique appropriée et une « butée » à l’aide d’un
coton-tige placé immédiatement derrière l’incision du
tissu adipeux. Il faut éviter une cautérisation excessive
du muscle releveur.
On peut remédier à un manque de peau par une
greffe de peau pleine épaisseur. Si le chirurgien a pensé
à préserver la peau excisée dans de la gaze humide, elle
peut être utilisée jusqu’à une semaine après l’opération.
On peut souvent utiliser la peau rétro-auriculaire qui
est un bon substitut de la peau des paupières. Le greffon
cutané est placé sur le pli palpébral supérieur pour aider
à le dissimuler dans le sillon supra-tarsal. Cependant, il
sera toujours moins esthétique qu’une blépharoplastie
primaire réalisée de façon conservatrice et il peut falloir
jusqu’à un an pour qu’il se fonde à la paupière.
Dans le cas où la libération d’une cicatrice profonde
est nécessaire, celle-ci doit être effectuée lors du placement du greffon cutané et du fil de traction sur la
paupière supérieure. Autrement, le greffon cutané sera
inefficace 1-3 . La libération d’une cicatrice profonde
entraîne le risque de souscorrection ou de surcorrection, causant un ptosis ou une récidive de la rétraction
de la paupière. La réalisation d’une réparation appropriée est un art en soi. Plusieurs réparations peuvent
être nécessaires pour obtenir un résultat optimal. Il vaut
mieux éviter les greffes à l’aide de lambeaux de pleine
épaisseur (sclère ou tarse), étant donné qu’elles sont
inutiles et peuvent être inesthétiques et palpables pour
le patient. Il est essentiel de libérer la cloison des tissus
plus profonds, étant donné que son incorporation est
souvent le principal agent étiologique responsable de la
rétraction des paupières. L’agrandissement secondaire
de la paupière supérieure peut être effectué postérieurement si une greffe cutanée adéquate a déjà été réalisée,
ce qui évite une autre incision cutanée. Une technique
utile est de laisser le fil de traction en place pendant
plus d’une semaine de façon à ce que le patient puisse
ajuster la hauteur de la paupière en tirant sur le muscle
élévateur pour ajuster sa hauteur finale.
En raison des difficultés associées à la modification
d’une paupière supérieure surcorrigée, les cas peu
graves causant une lagophtalmie symptomatique peuvent être résolus par l’élévation de la paupière inférieure
avec une greffe de lamelle postérieure sur la paupière
inférieure (voir la section suivante). Dans les cas appropriés, cela peut améliorer la lagophtalmie sans incisions
externes visibles ou sans risque d’entraîner un ptosis ou
des greffes de peau inesthétiques. Le degré de lagophtalmie doit être tel que l’élévation de la paupière
inférieure l’éliminerait (1 à 2 mm en moyenne) et la
position de la paupière inférieure doit être telle que son
élévation à cette hauteur n’entraînera pas le recouvrement excessif de la partie inférieure de l’iris.
La résection excessive de graisse ou l’élévation
excessive du pli peut entraîner le phénomène d’œil
creux sur la paupière supérieure. Même si ce phénomène est léger, le patient qui a toujours eu une grande
paupière peut être contrarié. Le temps estompera le pli
de la paupière supérieure à mesure que le patient
apprend à relâcher ses sourcils, qui étaient chroniquement arqués avant l’intervention (en raison d’une
hyperélasticité cutanée). Le remplissage des régions
creuses peut être problématique. On peut faire l’essai
de microsphères de graisses, d’injections de graisse,
d’une greffe de graisse dermique et d’injections de substances alloplastiques. Cependant, les risques sont
importants et comprennent : un effet de courte durée,
la formation d’une cicatrice, les irrégularités tissulaires,
les contours irréguliers, le ptosis et la rétraction des
paupières. L’injection intraveineuse ou intra-artérielle
accidentelle de ces substances, en particulier près des
vaisseaux supraorbitaux, peut causer la cécité ou une
embolie4,5.
Surcorrection et rétraction de la paupière
inférieure
Les malpositions de la paupière inférieure comprennent la rétraction de la paupière inférieure avec exposition sclérale, l’arrondissement du contour de la paupière
inférieure, l’arrondissement de l’angle canthal latéral et
l’ectropion franc. Comme dans les cas n’ayant pas subi
une blépharoplastie, ces anomalies peuvent entraîner
une insuffisance de peau, la formation d’une cicatrice
lamellaire médiane (cloison orbitaire) et la formation
d’une cicatrice lamellaire postérieure (rétracteurs et
conjonctive). La laxité horizontale de la sangle tarsoligamentaire qui n’est pas corrigée lors de la blépharoplastie est un facteur clé dans la manifestation des
autres anomalies après la chirurgie6,7.
Au début de la période postopératoire, de petites
interventions peuvent faire une grande différence dans
le résultat final. Le traitement du chémosis conjonctival
peut réduire la pression vers le bas exercée sur la
paupière inférieure. L’élimination de l’allergie topique et
occasionnellement, l’utilisation d’un corticostéroïde
topique pendant une courte durée sont utiles. On peut
demander au patient d’effectuer un massage de la
paupière vers le haut pour réduire au minimum l’infection et la formation d’une cicatrice et pour diminuer la
rétraction. Si l’on détecte la formation précoce d’une
cicatrice, une injection locale de corticostéroïde n’ayant
pas un effet retard permettra occasionnellement d’éliminer la nécessité d’une intervention plus compliquée.
S’il apparaît que le chirurgien a sous-estimé le degré de
laxité horizontale de la paupière (une plicature latérale
du tendon a été réalisée au lieu de la technique classique de prélèvement d’une bande tarsienne) et se
retrouve avec une paupière ectropique, une révision
précoce peut dans ce cas également contribuer à éviter
une intervention ultérieure plus complexe.
La résection de la graisse par voie transconjonctivale
uniquement doit être envisagée chez les patients plus
jeunes qui peuvent avoir un excès de peau minime et
dont la peau peut être suffisamment résiliente pour se
resserrer spontanément après l’intervention. Le resserrement horizontal graduel de la paupière peut être réalisé
chez tous les patients sauf ceux d’un très jeune âge. Le
resurfaçage au laser est utilisé lorsque l’on désire
réduire la peau et estomper les rides. La technique du
lambeau musculo-cutané sous ciliaire pour les poches
graisseuses doit si possible être évitée. Chez les patients
(en particulier les hommes) ayant un excès de graisse
orbitaire et de peau faisant saillie qui ne sont pas des
candidats au laser, la graisse est réséquée par voie
transconjonctivale, la paupière est resserrée horizontalement et une excision pincement musculo-cutanée classique est réalisée. Il est recommandé de faire preuve de
prudence chez les patients dont la structure osseuse de
la partie médiane du visage est mal développée et dont
les paupières inférieures sont relativement basses et
présentent un risque de rétraction postopératoire plus
élevé. Dans ces cas, l’élévation prophylactique des
paupières inférieures et la greffe de lamelle postérieure
peuvent être envisagées lors de la blépharoplastie.
Figure 1: Illustration du test des trois doigts
Le chiffre 1 indique l’étirement de la paupière latéralement uniquement ; le chiffre 2 indique la poussée vers
le haut de la partie médiane de la paupière inférieure ;
le chiffre 3 indique l’élévation de la partie médiane du
visage.
Le test des trois doigts
Chez les patients plus âgés, la contribution
relative de la laxité palpébrale, de l’insuffisance de
peau et de la formation d’une cicatrice lamellaire
médiane est évaluée avec le « test des trois doigts »
(figure 1).
• Si la paupière revient dans sa position initiale
et que l’exposition sclérale est éliminée en resserrant simplement la peau latéralement, le raccourcissement palpébral horizontal est suffisant,
habituellement au moyen de la technique de la
bande tarsienne. (Il faut se rappeler que dans ces
circonstances, le taux de déhiscence de l’attache
périostique est accru).
• Si un deuxième doigt est nécessaire pour
appuyer vers le haut sur la partie médiane de la
paupière inférieure, une greffe de lamelle postérieure est habituellement nécessaire. Cependant,
si l’insuffisance de peau est évidente, une greffe
cutanée de pleine épaisseur peut être nécessaire.
Cette intervention est beaucoup moins satisfaisante
sur le plan esthétique, les greffons ressemblant à
des pièces qui ne se fondent pas avec le reste de la
peau de façon optimale avant an. Cependant, de
nos jours où les chirurgiens sont plus conscients
qu’il faut éviter de réséquer trop de peau, ce scénario est rare. Dans les cas équivoques, on doit
faire l’essai tout d’abord d’une greffe de lamelle
postérieure et le patient est prévenu qu’une greffe
cutanée pourra être nécessaire ultérieurement. La
muqueuse du palais dur est fréquemment utilisée
pour la greffe8-13. On peut aussi effectuer une greffe
tarso-conjonctivale14-17.
• Si un troisième doigt est nécessaire pour saisir
la peau et pousser la partie médiane du visage vers
le haut, une greffe cutanée ou éventuellement un
lifting chirurgical de la partie médiane du visage
peut être nécessaire. On peut obtenir une amélioration partielle avec une greffe de lamelle postérieure
et un resserrement horizontal uniquement.
Nous avons décrit la technique de réparation
avec une bande tarsienne dans la partie 1 du
numéro précédent. On résèque la peau et le muscle
orbiculaire, la marge de la paupière, la conjonctive
et le rétracteur de la paupière inférieure de l’excès
palpébral latéral, en créant une bande tarsienne latérale qui est ensuite fixée au tubercule de Whitnall à
l’intérieur du bord orbitaire latéral. L’angle canthal
latéral est reformé selon une configuration aiguë18-20.
L’élévation de la paupière postérieure est
réalisée par une dissection soigneuse au niveau
inférieur du tarse palpébral, à travers la conjonctive, les rétracteurs de la paupière inférieure et la
cloison orbitaire. On effectue avec précaution la
résection de ces structures vers le bas en les
séparant du muscle orbiculaire qui les recouvre. La
cicatrice que l’on peut voir et palper est libérée
agressivement dans le cas d’une rétraction palpébrale post-blépharoplastie, pour libérer la paupière
de ses attaches au bord ortibaire inférieur. Une
greffe de lamelle postérieure est ensuite mise en
place entre le bord inférieur réséqué du tarse
palpébral et le bord conjonctival réséqué qui
présentait une récession. La muqueuse du palais
dur ou la conjonctive tarsienne de la paupière
supérieure peuvent être utilisées pour la greffe,
mais du fait que ces patients ont déjà subi une
intervention agressive, il est souvent plus sage
d’éviter une manipulation supplémentaire de la
paupière supérieure en prélevant un lambeau d’un
donneur. La paupière inférieure est ensuite resserrée (si elle est relâchée) ou elle est tirée vers le haut
par une tarsorrhaphie (si elle n’est pas relâchée).
Une lentille-pansement ou une lentille en collagène
est appliquée pour protéger la cornée et la paupière
inférieure est placée en traction vers le haut pendant la nuit. Ces techniques sont semblables à
celles utilisées pour traiter la rétraction de la
paupière dans les cas de maladie de la thyroïde
avec atteinte oculaire.
Le creusement excessif de l’œil dû à la résection
excessive de graisse peut être traité avec les mêmes
techniques d’amélioration que celles décrites pour
les paupières supérieures. Elles entraînent les
mêmes risques et ont les mêmes limites. Dans les
cas de résection excessive de la peau nécessitant
une greffe, la technique est similaire à celle d’autres
formes d’ectropion cicatriciel. La cicatrice antérieure est ouverte, les adhérences internes sont
largement libérées et l’on obtient une hémostase
parfaite. La paupière est placée en traction vers le
haut afin de faciliter ce processus et une greffe de
pleine épaisseur de taille appropriée est mise en
place de façon à corriger le défaut après que la
paupière ait été resserrée horizontalement. La
paupière doit être mise en traction vers le haut
pendant 1 à 7 jours avec un fil de suture fixé
latéralement au sourcil21,22. La description du lifting
chirurgical de la partie médiane du visage dépasse
la portée de cet article (figures 2 et 3)23.
Ophtalmologie
Conférences scientifiques
Figure 2 : Ectropion et rétraction graves de la paupière
inférieure chez un patient ayant subi antérieurement
une blépharoplastie suivie de plusieurs tentatives de
réparations par le même chirurgien. Le patient a reçu
des corticostéroïdes topiques par le chirurgien ayant
réalisé l’intervention initiale, qui ont entraîné une
pression intraoculaire non traitée de 45 mm Hg. Il
souffrait d’un chémosis grave et d’une gêne dus à
une lagophtalmie importante.
Asymétrie
Une planification soignée des mesures préopératoires doit faire partie de la pratique routinière de tous les chirurgiens. Le chirurgien et le
patient doivent être conscients de l’asymétrie
préopératoire et de la possibilité d’interventions
mineures de « retouches » qui sont généralement
réalisées ≥ 3 mois si possible après la première
intervention, afin d’obtenir un résultat définitif.
Dans certains cas, on devra accepter que l’asymétrie
ne soit pas corrigée (telle qu’une légère différence
de hauteur des sourcils).
Le résultat le plus fréquemment observé par les
patients est une asymétrie du pli palpébral. Si elle
persiste, le pli le plus bas peut être rehaussé en
effectuant une incision plus haut pour la faire correspondre à celle de l’autre œil et en fixant le pli à
l’aponévrose du muscle releveur juste au-dessus de
la partie supérieure du tarse palpébral. Cependant,
il est difficile d’abaisser un pli qui est trop haut. Il
existe un risque d’échec, soit en mettant trop en
évidence, en créant deux plis ou d’autres cicatrices.
Si cela est essentiel, une incision plus basse est réalisée et la graisse est déplacée en avant entre la
peau et le muscle releveur afin de prévenir la réadhérence de ces structures.
Il peut se produire également une asymétrie
de la réduction de la ride de la patte d’oie au coin
de l’œil. Un marquage préopératoire soigneé
minimisera l’incidence de ce résultat. Dans de
nombreux cas, une asymétrie mineure disparaîtra
avec le temps. Si elle persiste, une excision cutanée supéro- latérale avec la reformation du pli
rehaussera le côté où la patte d’oie n’avait pas été
éliminée. Il est important d’effectuer l’incision vers
le haut à la limite latérale, sinon la patte d’oie
persistera.
Figure 3 : Vue postopératoire après l’élévation de
la paupière inférieure, la libération de la cicatrice,
la mise en place d’une greffe de muqueuse du
palais dur pour réparer la lamelle postérieure et
d’une greffe cutanée du côté gauche (plus grave).
Les paupières ont été opérées séparément en raison
de la nécessité d’une greffe et de leur mise en
tension pendant un certain temps après la chirurgie.
La pression intraoculaire est à nouveau normale.
On note la formation d’un pli au niveau du canthus interne lorsque les incisions sont effectuées
trop médialement. La peau comble ensuite le creux
supéro-médial de la paupière supérieure en une
ligne droite. La reconnaissance de cette anomalie
initialement et un massage vigoureux de cette
région l’élimineront dans la majorité des cas.
Blépharoplastie des yeux asiatiques
Ce sous-groupe de blépharoplastie nécessite la
connaissance spécifique des différences existant
entre l’anatomie des paupières des occidentaux et
des orientaux. La différence est principalement due
au fait que le point de fusion entre la cloison
orbitaire et l’aponévrose du muscle releveur de la
paupière supérieure des asiatiques est plus bas
(ayant pour conséquence le positionnement plus
bas de la graisse orbitaire) et à la présence accrue
de graisse dans la couche fibroadipeuse préseptale.
L’asymétrie dans la blépharoplastie des asiatiques est la complication la plus fréquente. La
planification soignée de l’incision et une chirurgie
méticuleuse minimiseront ce problème. L’ « occidentalisation » excessive en plaçant le pli trop haut
doit être évitée. Chez les jeunes patients, la formation du pli par la fixation de la peau au tarse
palpébral antérieur plutôt qu’à l’aponévrose du
muscle releveur évite l’ectropion de la marge de la
paupière supérieure et la migration supérieur du
pli. Il arrive fréquemment que l’on n’effectue pas la
résection de la graisse chez ces patients et l’excision
de la peau est conservatrice. La hauteur de cette
incision cutanée est souvent assez basse, à 3 à 5
mm, selon les résultats convenus à la consultation
préoporératoire. Chez les patients âgés ayant un
excès de graisse sur la paupière supérieure, la cloison doit être ouverte pour réséquer la graisse préaponévrotique. L’incision cutanée doit également
Ophtalmologie
Conférences scientifiques
être basse, peut-être à 5 ou 6 mm au plus. La formation
du pli ne doit pas être à un niveau élevé sur le muscle
releveur (si elle est au-dessus du tarse palpébral) pour
éviter une fausse apparence occidentale et le ptosis. Sur
la paupière inférieure des asiatiques, la résection de la
graisse par voie transconjonctivale donne des résultats
bien supérieurs à ceux obtenus avec une incision
externe.
Résumé
La blépharoplastie est une pratique très répandue
qui a beaucoup de succès. Cependant, en raison de la
structure et de la fonction complexes des paupières, des
complications peuvent survenir. La sélection appropriée
des patients et une technique chirurgicale adéquate permettront d’éviter la plupart de celles-ci. Il existe des
techniques pour traiter efficacement la plupart sinon
toutes les complications qui surviennent.
Références
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Réunion scientifique à venir
13 au 15 avril 2005
World Cornea Congress V
Washington, DC
Renseignements : Meeting Services
Tél. : 866 614-5502
Fax : 877878-3388
Courriel : [email protected]
Site web : www.ascrs.org
Université de Toronto
Département d’Ophtalmologie et
des Sciences de la vision
Événements à venir
7 avril 2005
PPI – Dr Paul Edward, Detroit, Michigan
Diabetic Retinopathy
14 avril 2005
PPI – Dr David Zee, Baltimore, Maryland
Congenital nystagmus – mechanism and treatment
28 avril 2005
PPI – Dr Steve Baker, Victoria C.-B.
Management of Orbital infection
5 mai 2005
PPI – à préciser
19 mai 2005
Réunion combinée de l’Université de Toronto et de TOS
Note : La réunion du PPI se tiendra cette année à l’Hôpital
St Michael, 30 Bond Street, Toronto – Paul Marshall
Lecture Theatre, B1 – Queen, Entrée Queen Street
(près de Second Cup)
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La version française a été révisée par le professeur Pierre Lachapelle,
Montréal.
L’élaboration de cette publication a bénéficié d’une subvention à l’éducation de
Novartis Ophthalmics
© 2005 Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto, seul responsable du contenu de cette publication. Édition : SNELL Communication
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