Etat de l`art zooplancton
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Etat de l`art zooplancton
Programme OCEANS : Causes et conséquences des proliférations d’organismes marins Rapport à l’attention : Du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable, du Transport et des Logements Direction de la Recherche et de l’Innovation, Service de la Recherche Les proliférations et invasions du zooplancton gélatineux sur les côtes françaises Tiphaine Donnard 2012 L’auteur : Tiphaine Donnard Bureau d’étude en environnement Biotope Agence Nord-littoral Z.A de la Maie 62720 Rinxent [email protected] Ce document a bénéficié des contributions d’experts scientifiques : François Schmitt, directeur de recherche au CNRS, Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences ; Luis Felipe Artigas, maître de conférences à l’Université du Littoral Côte d’Opale, Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences ; Dorothée Vincent Catherine de Noter, chef de projets milieux marins à Biotope Crédits photographiques (page de couverture) : Groupe de Pelagia ©C. et N. Sardet, Observatoire océanologique de Villefranche-sur-mer Financement : Projet OCEANS financé par le Ministère de l’Ecologie (MEDDTL). Participants : Bureau d’études en environnement Biotope, Laboratoire LOG (UMR 8187), Université Montpellier 2, Laboratoire ECOSYM (UMR 5119) -2- SOMMAIRE INTRODUCTION ..................................................................................................................... - 5 1. GENERALITES SUR LE ZOOPLANCTON GELATINEUX........................................................ - 6 1.1. Quelques définitions ................................................................................................. - 6 - 2. DESCRIPTION DES BLOOMS ............................................................................................. - 14 2.1. Blooms d’espèces natives ....................................................................................... - 14 2.1.1. Exemple de Pelagia noctiluca........................................................................... - 14 2.1.2. Exemple de Rhizostoma pulmo ......................................................................... - 17 2.2. Blooms d’espèces introduites................................................................................. - 18 2.2.1 Exemple de Mnemiopsis leidyi ........................................................................... - 19 2.2.2. Exemple d’Aurelia sp. ....................................................................................... - 19 3. CONSEQUENCES .............................................................................................................. - 21 3.1. Conséquences sur la faune et les réseaux trophiques.......................................... - 21 3. 2. Conséquences économiques .................................................................................. - 22 3.2.1. Effets sur le tourisme......................................................................................... - 22 3.2.2. Effets sur la pêche et l’aquaculture ................................................................... - 22 3.2.3. Effets sur les centrales d’énergie ....................................................................... - 23 3.3. Conséquences sur la santé humaine ..................................................................... - 23 4. MECANISMES DECLENCHEURS DE LA PROLIFERATION DES GELATINEUX .................... - 25 4.1. Les facteurs abiotiques........................................................................................... - 25 4.1.1. La température....................................................................................................... - 25 4.1.2. La disponibilité en nutriments ............................................................................... - 26 4.1.3 La disponibilité en dioxygène ................................................................................ - 27 4.1.4. Les conditions hydrodynamiques .......................................................................... - 27 4.2. Facteurs biotiques .................................................................................................. - 27 4.2.1. Facteurs intra-spécifiques ...................................................................................... - 28 4.2.2. La mortalité par prédation ..................................................................................... - 28 4.3. Facteurs anthropiques ........................................................................................... - 29 4.3.1. Croissance de la population humaine ................................................................ - 29 4.3.2. La surpêche ....................................................................................................... - 29 4.3.4. Les translocations .............................................................................................. - 30 5. MESURES DE GESTION..................................................................................................... - 33 - -3- 5. 1. Mesures à court terme .......................................................................................... - 34 5.2. Mesures à long terme ............................................................................................. - 36 6. LACUNES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE ................................................................. - 39 CONCLUSION ....................................................................................................................... - 41 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. - 42 - -4- INTRODUCTION Les formes libres du zooplancton gélatineux, plus connues sous le terme de « méduses » sont apparues sur Terre, il y a environ 650 millions d’années. Elles sont presque toutes marines, seules de rares espèces vivent en eau douce (environ 1%) (PNUE 1991). Le zooplancton gélatineux occupe une place importante dans les écosystèmes pélagiques marins. Il contribue au fonctionnement de la pompe biologique en participant au transport des particules de matière organique depuis la surface des mers jusqu’au fond (Lebrato et al. 2012). Malheureusement, l’équilibre des écosystèmes peut parfois être rompu par l’apparition temporaire d’une ou plusieurs espèces en très forte abondance. Ce phénomène est appelé « bloom » en anglais, pullulation ou prolifération. Dans certains environnements, cela peut devenir des phénomènes récurrents (PNUE 1991). Si la plupart des blooms semblent être liés à une augmentation naturelle des populations natives du zooplancton gélatineux (PNUE 1991 ; Mills 2001), des blooms inhabituels d’espèces introduites ont lieu à différents endroits dans le monde (Richardson et al. 2009). De récentes études ont d’ailleurs commencé à sonner l’alarme sur le nombre, la durée et la date de chaque évènement qui semblent augmenter ces dernières décennies (Purcell 2005 ; Brotz et al. 2012 ; Ramsăk et al. 2012 ; Williams Non daté). Malheureusement, peu d’enregistrements passés existent pouvant être comparés aux populations actuelles (Purcell 2005). Les proliférations et invasions des espèces gélatineuses sont des phénomènes mondiaux (Richardson et al. 2009). Dans ce rapport, seules les pullulations ou invasions se produisant sur les côtes françaises seront traitées. Certaines espèces semblent avoir pris leur quartier en Méditerranée, d’autres sont en voie de coloniser la mer du Nord, d’autres encore s’échouent par milliers sur la côte Atlantique. Il n’y a guère plus d’endroits qui échappent aux gélatineux. Dans ce rapport, est regroupé sous le vocable de zooplancton gélatineux divers groupes macroplanctoniques à forte teneur en eau parmi lesquels sont inclus l’embranchement des Cnidaires (Scyphoméduses, Hydroméduses, Cuboméduses et Siphonophores) et celui des Cténophores tel Mnemiopsis leidyi. Ces organismes partagent de nombreuses caractéristiques incluant leur nature liquide et gélatineuse ainsi que leur haut rang de prédateurs dans les communautés planctoniques (Mills 2001 ; Brotz et al. 2012). Toutefois, peu d’informations sur leur cycle de vie dans les océans existent (Johnson et al. 2001). Cet état de l’art a pour but de faire la synthèse des connaissances sur ce phénomène. A travers les exemples de quelques blooms d’espèces, les différentes conséquences qui en résultent et les facteurs contrôlant ces phénomènes seront illustrés. En outre, les différents moyens de gestion permettant de limiter et contrôler ces proliférations seront abordés. Ainsi, les lacunes et perspectives de recherche pourront être mises en évidence. -5- 1. GENERALITES SUR LE ZOOPLANCTON GELATINEUX 1.1. Quelques définitions Cnidaires: Phylum des Invertébrés qui contient des animaux comme les anémones et les coraux (anthozoaires) mais aussi une série de méduses, incluant de grandes scyphozoaires (jusqu’à 2m de diamètre, environ 200 espèces décrites) et de petites hydrozoaires (quelques mm de diamètre, 3700 espèces décrites). Ce sont des organismes plutôt méroplanctoniques. Généralement ces animaux alternent entre des phases de vie sous forme de polype et sous forme libre de méduse. Ils possèdent des cellules urticantes (= nématocystes) concentrées dans les tentacules et les appendices buccaux pour empoisonner ou endormir leurs proies (Richardson et al. 2009). Colloblaste : Cellule sécrétrice de colle (Haddock 2007). Cténophores: Les Cténophores sont des organismes uniquement marins, transparents et carnassiers. Ils ne sont pas urticants contrairement aux Cnidaires (Ifremer). Ces organismes appartenant au phylum très diversifié des Invertébrés, parfois appelé “comb jellies » = méduses à peigne ou « gooseberries » = groseilles de mer, se propulsent grâce aux battements séquentiels de leurs rangées de cils (ou rangées de peignes). Ils possèdent 2 tentacules et sont bioluminescents. Ces organismes ont des colloblastes qui peuvent libérer de la colle pour piéger leurs proies, ce sont donc des carnivores marins gélatineux. Les cténophores sont holoplanctoniques, restant toute leur vie dans le plancton (Richardson et al. 2009). On peut les trouver de la surface jusqu’à plusieurs centaines de mètres de profondeur mais restent au niveau de la zone côtière. Leur morphologie peut être simple ou complexe allant de la forme de sac sans tentacule à de larges formes découpées avec des oreillettes, des papilles ou des tentacules. De par la présence de leur bouche en forme de bec, les cténophores sont différents des méduses (Haddock 2007). Eudoxie : Organisme libre qui se détache de certains siphonophores et qui libère des petites méduses qui se reproduiront. Ephyrule: -6- Larve initiale à ombrelle découpée produite asexuellement par le polype benthique lors de la phase méduse nageant librement dans la colonne d’eau (Richardson et al. 2009). Eutrophique: Eau qui a un taux élevé en nutriments. Cette concentration élevée en nutriments a souvent tendance à augmenter la production primaire et la biomasse algale ainsi qu’à réduire la transparence de l’eau et la concentration en oxygène dissout (Ifremer ; Richardson et al. 2009).Il s’en suit, entre autres, une diversité animale et végétale amoindrie et des usages perturbés (Ifremer). Filtration: Ingestion de petites particules flottant en pleine eau par le plancton mais souvent aussi par des petits poissons pélagiques (Richardson et al. 2009 ; Ifremer). Flagellé: Organisme unicellulaire qui utilise son flagelle, filament mobile servant d’organe locomoteur (Ifremer), pour se propulser. La plupart des flagellés contiennent de la chlorophylle et sont photosynthétiques alors que certains ne mangent que partiellement ou uniquement de la matière organique (Richardson et al. 2009). Hydraires : Invertébrés souvent de petite taille, communs sur les algues ou sur les coquilles où ils forment des colonies comprenant de nombreux animaux. Au moment de la reproduction, les individus porteurs de cellules reproductrices se détachent de leur tige et prennent la forme de petites méduses. Font partie des Hydrozoaires. Ils sont caractérisés par une alternance de génération polype/méduses libres (Ifremer). Hydrozoaires : Les Hydrozoaires sont des Cnidaires le plus souvent coloniaux, fixés ou pélagiques. Leur cycle de vie est caractérisé en grande majorité par une alternance caractéristique des phases polype et méduse. Ils sont composés d’une part des Hydraires et d’autre part des Siphonophores. Méduse: Phase libre et mobile des Cnidaires par opposition à la forme fixée, nommée polype. Presque toutes les méduses sont marines, seules de rares espèces vivent en eau douce (Ifremer). Dans le langage courant, est appelé méduse les Cnidaires gélatineux en forme de cloche ou d’ombrelle, d’où s’échappent des tentacules urticants qui peuvent nager librement dans la mer grâce à la contraction musculaire de leur ombrelle. Il s’agit en fait des Acalèphes (Ifremer ; Richardson et al. 2009). -7- Pélagique: Vivant dans la colonne d’eau. Opposé à vivant sur ou proche du fond marin (= benthique) (Richardson et al. 2009). Polype: Phase benthique des Cnidaires avec en général un corps cylindrique vertical à double paroi et des tentacules autour de l’ouverture orale (Richardson et al. 2009 ; Ifremer). Sciphozoaires : Invertébré de l'embranchement des cnidaires représenté par des méduses souvent de grande taille (Ifremer). Siphonophores : Cnidaires des eaux chaudes (Ifremer). Ce sont, de loin, les carnivores les plus abondants dans les écosystèmes marins. Ils se présentent sous la forme d’étranges colonies pélagiques et complexes composés d’une extension parfois longue de plusieurs mètres (Licandro et al. 2011). Ils possèdent un flotteur rempli de gaz sous lequel sont agencés des méduses modifiées et des polypes très différenciés (DORIS, http://doris.ffessm.fr/). En raison de leur forme coloniale, les siphonophores peuvent rapidement devenir dominant sous des conditions défavorables, ils sont capables de relâcher des centaines d’eudoxies qui chacune pourra former une nouvelle colonie (Licandro et al. 2011). Statolithe: Structure en carbonate de calcium au bord de l’ombrelle des méduses, utilisée dans la perception de la gravité et permettant de maintenir le sens de l’orientation. Toxine : Substance (molécule) élaborée par un organisme vivant qui a des effets défavorables sur des processus vivants (Mariottini et al. 2010). Venin : Sécrétion complexe qui est constituée de plusieurs constituants actifs incluant normalement une variété de toxines et de substances accessoires qui facilitent le processus d’envenimation (Mariottini et al. 2010). Zooplancton : -8- Plancton animal. Il est constitué d’animaux incapables de se mouvoir de façon autonome et qui flottent au gré du courant et de la marée (animaux marins microscopiques, larves, œufs, méduses). Le zooplancton se nourrit directement ou indirectement de phytoplancton (Ifremer). 1.2. Classification Bien entendu, tout système de classification est susceptible d’évolution et de modifications. Le cadre systématique présenté ci-dessous essaie de donner un aperçu de la classification actuelle qui est en pleine évolution. -9- Figure 1. Classification du zooplancton gélatineux (d’après Müller 2004 ; Lecointre & Le Guyader 2006) - 10 - 1.3. Cycle de vie et reproduction Il existe deux types de reproduction propre à chaque embranchement : - En général, le cycle reproducteur des Cnidaires comprend une phase fixe et une phase mobile sauf les Anthozoaires qui n'existent que sous la forme fixée. Le cycle de vie des Scyphozoaires comprend une phase de polype à reproduction asexuée (production de polypes filles par bourgeonnement végétatif, fission ou formation de cystes) et une phase de méduses à reproduction sexuée. Les polypes produisent des éphyrules (jeunes méduses) de manière asexuée, par strobilation. D’un polype, plusieurs éphyrules se forment. Les éphyrules deviennent ensuite des méduses adultes. Les méduses femelles matures produisent des œufs qui se développent en millions de larves planulae après fertilisation. Les larves s’installent ensuite sur un substrat et se métamorphosent en polypes qui donneront à leur tour pleins de petites méduses (Holst et al. 2007). - Chez les Cténophores, seul le stade mobile existe. La plupart des Cténophores ont une reproduction sexuée et sont hermaphrodites. La reproduction sexuée donne directement un adulte mais de petite taille. Quelque soit la reproduction, les Cnidaires et les Cténophores ont la faculté de se reproduire et de pulluler rapidement (Thibault-Botha 2007). 1.4. L’alimentation Généralement, l’alimentation des gélatineux est composée de plancton, de larves de bivalves (huîtres et moules) et d’œufs de poissons, voire des poissons juvéniles (variable selon la taille du gélatineux) et même des adultes. Des observations scientifiques ont aussi montré les comportements cannibales de certaines espèces (cas de Beroe ovata et B. gracilis qui se nourrissent de Mnemiopsis leidyi, toutes trois des Cténophores) (Salihoglu et al. 2011). - 11 - Figure 2. Beroe gracilis (à gauche) attaque Mnemiopsis leidyi (à droite) (© Lodewikjk van Walraven, Bulletin MEMO n°2). L’alimentation des prédateurs gélatineux est caractérisée par la sélectivité qui dépend de plusieurs facteurs comme la taille des proies, la vitesse et le type de nage des prédateurs et de leurs proies, la longueur des tentacules, le type de nématocystes pénétrant les proies et leur capacité à s’échapper (Riisgård et al. 2010). Les prédateurs qui ont de nombreux tentacules mangent des plus petites proies de types crustacés que les prédateurs qui en ont peu, où les tentacules sont plus espacés, et qui mangent plutôt des larves de poissons (Purcell et al. 2001). La diversité du zooplancton gélatineux provient de la forte variété des stratégies alimentaires (Haddock 2007). Alimentation par les tentacules : Les méduses sont munies de cellules urticantes en chaîne (nématocystes). Elles paralysent les proies qu’elles amènent vers leur bouche grâce à leurs tentacules (Haddock 2007). Les Cténophores utilisent un tissu collant pour retenir les proies venues les toucher. Ensuite, par rotation, les tentacules acheminent les proies vers la bouche. Alimentation par les lobes : Les lobées utilisent leurs lobes musculeux pour attraper la nourriture. L’une des lobées les plus communément étudiée est Mnemiopsis leydi. Toutefois, son mode d’alimentation par filtration ne semble pas typique des autres lobés (Haddock 2007). Alimentation par engloutissement : - 12 - Beroe est un genre de Cténophore en forme de sac. Il engloutit complètement ses proies ou une grande partie. Durant la chasse cette espèce est sensible à des signaux chimiques et mécaniques. Leur bouche est composée de dents comme des macrocils qui leurs permettent de mettre leurs lèvres rapidement à la surface de leur proie (Haddock 2007). - 13 - 2. DESCRIPTION DES BLOOMS La définition du mot « bloom » reste encore assez controversée et différents concepts ont pu être abordés. Selon Miranda et al. (2012), on parle de « bloom » de préférence pour les végétaux et d’éruptions (en anglais « outbreak ») pour les animaux. Il est également fait mention de « vrai bloom » et de « bloom apparent ». Selon eux, un vrai bloom correspond à une rapide croissance de la population par la reproduction et un bloom apparent est une population stable qui est redistribuée ou redispersée en conséquences de facteurs physiques, chimiques et comportementaux ; c’est pourquoi le terme de bloom est aussi accepté pour les animaux. L’augmentation des populations du zooplancton gélatineux peut être liée à des espèces natives comme à des espèces introduites dans les écosystèmes côtiers (Mills 2001). 2.1. Blooms d’espèces natives 2.1.1. Exemple de Pelagia noctiluca Pelagia noctiluca est une petite Scyphoméduse cosmopolite apparemment endémique de la mer Méditerranée. C’est peut être la seule espèce de méduses pour laquelle les fluctuations de populations sont connues (Mills 2001). Elle est surnommée « ortie de mer », « piqueur mauve » ou « mauve stinger » (Hecq et al. 2009). Elle possède une longue ombrelle hémisphérique mesurant 3 à 12 cm de diamètre chez les adultes, généralement violette, bioluminescente et entourée de 16 tentacules (Hecq et al. 2009 ; Mariottini et al. 2010). Son ombrelle et ses 4 bras buccaux sont recouverts de centaines de verrues de couleurs vives qui sont en réalité des nématocystes (Hecq et al. 2009). Contrairement à la plupart des scyphoméduses, elle est exclusivement pélagique, ce qui explique sa présence à grande distance des côtes (PNUE 1991 ; Hecq et al. 2009). Elle est décrite comme une espèce océanique vivant dans les eaux chaudes et tempérées (PNUE 1991 ; Stopar et al. 2010). L’apparition des pullulations de Pelagia s’étend sur une vaste zone géographique en mer Méditerranée. Ces pullulations semblent avoir lieu depuis 200 ans (Goy et al. 1989 ; PNUE 1991). Dans l’ouest et le centre de la mer Méditerranée des pics de population sont apparus tous les douze ans entre 1785 et 1985 (Goy et al. 1989 ; Mills 2001). D’après Bernard et al. (2011), entre 1981 et 1985, Pelagia noctiluca a fortement bloomé au niveau des côtes méditerranéennes françaises. Par la suite aucune prolifération n’a été reportée pendant 10 ans. De 1994 à 2008, son abondance redevint forte, exceptée en 1997, 2001 et 2002. Cette longue période de forte abondance ne va donc pas dans le - 14 - sens du modèle de Goy et al. (1989) qui décrivait des cycles de 12 ans. En effet, d’après l’étude de Kogovsek et al. (2010), les fluctuations de Pelagia ont une périodicité de 10 ans, 2.5 ans, 8-14 mois et/ou 8 mois. En baie de Calvi (Corse), des mesures hebdomadaires effectuées depuis 2003 ont permis de montrer une augmentation graduelle de l’abondance de la méduse Pelagia noctiluca de 2004 à 2005, suivie d’une augmentation drastique en 2006, puis d’une diminution significative les étés 2007 et 2008. Dans cette zone, les Pelagia semblent obéir à un cycle de 4 à 7 ans (Hecq et al. 2009). Néanmoins, depuis une dizaine d’années, les apparitions massives de cette méduse sont de plus en plus fréquentes en Méditerranée occidentale (Hecq et al. 2009). Figure 3. Les années à Pelagia entre 1985 et 2008 (© Bernard et al. 2010). Données de Goy et al. (1989) (1885-1986) en cercles noirs, données de Bernard et al. (2010) en cercles blancs. Figure 4. Pulullation de Pelagia noctiluca dans le port de STARESO (Photo Stephen Mauron STARESO-mai-2006) Figure 5. Pelagia noctiluca adulte (photo : http://www.flickr.com/photos/thomasvignaud/tags/httpwwwt homasvignaudcom/) - 15 - La période d’apparition des blooms semblent fortement changer d’un endroit à l’autre de la mer Méditerranée. Ces blooms sont divisés en 3 étapes : - la phase initiale de mars à juin qui voit pondre et disparaître l’ancienne génération tandis qu’émerge la nouvelle, représentée d’abord par des éphyrules puis par des individus de plus en plus grands, capables de se reproduire vers 50 mm de diamètre dès le début de l’été ; - la phase de croissance pendant les mois de l’été et ceux de l’automne. A partir de fin juin, début juillet, l’évolution se ralentit : les éphyrules sont de moins en moins nombreuses, le transfert vers les tailles supérieures se ralentit faute de nourriture mais la température élevée favorise la maturation sexuelle qui échoue toujours par absence de nourriture, - puis la phase de déclin en hiver. Le refroidissement retarde ou même arrête la reproduction, ce qui favorise la survie des individus en vie ralentie tout au long de l’hiver. Dès l’approche du bloom zooplanctonique printanier, un ultime effort de reproduction est cette fois couronné de succès. Au large, les espèces peuvent être retrouvées à 5-10 mètres d’intervalles, lorsqu’il y a agrégation, à moins d’un mètre d’intervalle. Les espèces sont surtout présentes dans les 20-30 premiers mètres depuis la surface. La plupart des agrégations sont passivement maintenues par les courants et les vents. Toutefois, certaines méduses se déplacent activement grâce à la pulsation de leurs membranes et tentacules (Hecq et al. 2009). Les Pelagia vivent en essaims dont plusieurs types sont observés. Les essaims passifs de surface observés dans le port de Stareso (Corse) contiennent des individus généralement dégradés (perte des tentacules, du manubrium,..), voire moribonds, mais qui restent urticants. Parfois réduits à la seule ombrelle, ces méduses se déplacent peu et s’accumulent en grand nombre (parfois plus de 200 par m2), bord à bord, en essaims passifs limités aux trois premiers mètres de la colonne d’eau. Ce type d’essaim se retrouve d’ailleurs dans de nombreuses criques de la baie de Calvi ainsi que sur les plages. Ces essaims subissent une prédation active par de nombreux poissons sparidés (bogues, sars,...). Ils disparaissent de la surface en quelques heures du fait de cette prédation ou par sédimentation massive des animaux morts formant des essaims passifs de fond (Hecq et al. 2009). Par contre, dans les eaux plus au large dans la Baie de Calvi, les mesures in situ de la distribution spatiale de Pelagia noctiluca montrent que durant les pics de 2006, la plupart des organismes sont présents à distance des côtes où ils forment des essaims actifs de 200 m de long et 50 m de large, situés entre 10 et 60 m de profondeur. Dans ces essaims actifs de surface (Figure 6A), 5 à 10 individus par m³ ont été observés. Ceux-ci sont équidistants et nagent activement dans la couche supérieure avec les tentacules étendus, capturant la nourriture. Dans certains cas, des individus moribonds partiellement détruits ou à la fin de leur cycle biologique sortent des essaims actifs et dérivent - 16 - passivement à la surface, sous l’action du vent et des mouvements de l’eau, vers les zones côtières (Hecq et al. 2009). Figure 6. (A) Essaim actif de P. noctiluca dans les eaux du large (photo Gilles CAVIGNEAUX- doris.ffesm.fr) ; (B) Essaim passif de surface dans le port de STARESO (photo S. Maurin); (C) échouage massif d’animaux moribonds dans le fond du port. Ces essaims actifs sont générés par la mobilité propre des méduses. Dans ce type d’essaim, les Pelagia dépassent rarement plus de 10 à 15 individus par m3. Celles-ci sont équidistantes et nagent activement avec les tentacules étendus, capturant la nourriture. Cette densité maximale semble critique pour que l’essaim actif soit fonctionnel (Hecq et al. 2009). Un deuxième type d’essaim apparait en bordure des côtes et dans les criques, ce sont les essaims passifs (Fig. 6B). Ces essaims peuvent contenir plusieurs centaines d’individus par m2 sur une épaisseur de 1m et une surface totale de 100 m2. Ils contiennent des méduses moribondes endommagées par les effets de la houle ce qui provoque des lésions de l’ombrelle, leur destruction et l’arrêt progressif de la mobilité propre. Ces essaims passifs de surface sont générés par entrainement des masses d’eau de surface et sont liés à l’hydrodynamisme (vent, tourbillons, turbulence, microcourant) (Hecq et al. 2009). Suite à la sédimentation ou l’échouage massif, les méduses mortes ou moribondes s’accumulent à faible profondeur en nappes d’une cinquantaine de centimètres d’épaisseur, avec des densités de l’ordre de cent individus par m3 et forment des essaims passifs de fond (Hecq et al. 2009). 2.1.2. Exemple de Rhizostoma pulmo Rhizostoma pulmo est une grande méduse dont l’ombrelle peut mesurer jusqu'à 1 mètre de diamètre. De couleur blanche, avec des reflets bleu à rose, l'ombrelle est soulignée d'un liseré bleu. - 17 - Selon certains scientifiques, Rhizostoma pulmo est souvent confondue avec Rhizostoma octopus (Linnaeus 1788), qui serait en fait la variété atlantique, plus petite, de R. pulmo. Selon le principe d'antériorité, le nom valide de cette espèce est Rhizostoma pulmo, que Macri a décrit 10 ans avant Linné. Dans certains ouvrages ces 2 espèces sont présentées comme Figure 7. Rhizostoma pulmo (©CNRS Photothèque / ZUBERER, Frédéric) différentes, R. pulmo étant méditerranéenne, R. octopus étant de l’Atlantique (Daly Yahia et al. 2003). Mais dans la grande majorité des cas, ces deux "espèces" n'en forment qu'une, et les 2 noms sont reconnus comme synonymes. Les cycles de vie de Rhizostoma n’ont été décrits qu’en laboratoire, ils n’ont pas été observés dans la nature (Holst el al. 2007 ; Fuentes et al. 2011). Les blooms de Rhizostoma sont répartis dans toute l’Europe dont la France. En effet, R. pulmo (ou R. octopus selon les auteurs) est une espèce présente sur le littoral français. Dans le golfe de Gascogne, des blooms ont été observés pour la première fois en 1977 avec d’autres signalements en 1978 et 1982 où 20 tonnes avaient été ramassées par un pêcheur. Depuis la fin du XXe siècle, la fréquence des blooms ne cesse d’augmenter. La Rochelle fait partie des hotspots (Lilley et al. 2009). D’ailleurs ces méduses sont largement suivies au niveau du Pertuis Charentais, au large de la Rochelle où elles représentent de manière localisée de la nourriture pour les tortues luths. Lors de l’été 2011, des chercheurs de l’Université de Swansea (Grande-Bretagne) étaient à La Tranche sur Mer pour une quinzaine de jours afin d’essayer de mieux comprendre le comportement et les déplacements de ces méduses. 2.2. Blooms d’espèces introduites La mer Méditerranée est le « hotspot » le plus important d’invasions marines sur Terre. Les mollusques introduits sont principalement enregistrés dans l’est et le centre du bassin, seulement un peu dans l’ouest. Depuis 1960, les invasions par des espèces introduites s’accélèrent en raison des activités humaines et plus particulièrement en raison du transport maritime international (Rilov et al. 2009 ; Ghabooli et al. 2011). - 18 - 2.2.1 Exemple de Mnemiopsis leidyi Mnemiopsis leidyi est un Cténophore qui a été introduit dans la mer Noire et dans le nord de la mer Egée au début des années 80. Ses habitats d’origine sont les côtes-est des continents Nord et Sud américains (Fuentes et al. 2010). Par la suite, ces invasions se sont étendues à la mer Caspienne durant cette dernière décennie et plus récemment dans la mer du Nord et la mer Baltique (Ghabooli et al. 2011 ; Salihoglu et al. 2011). Elle est présente sur les côtes françaises de la Méditerranée et est considérée comme l’une des espèces introduites les plus invasives en Figure 8. Mnemiopsis leidyi (©Ifremer, Karl Van Ginderdeuren) raison de sa large tolérance écologique et physiologique (Fuentes et al. 2010 ; Ghabooli et al. 2011 ; Costello et al. 2012). Son introduction en mer Méditerranée doit certainement résulter de son transport de la mer Noire via les eaux de ballast et les courants. M. leidyi a été enregistrée pour la première fois en 1990 dans la mer Méditerranée. Aucun rapport n’avait été fait jusqu’en 2005 lorsqu’elle est apparue en France (Shiganova & Malej 2009 ; Fuentes et al. 2010). Quelques individus ont été observés en Manche, mer du Nord du côté de Gravelines et au large de Calais. Le projet européen interrégional MEMO a pour but de déterminer si la présence de cette espèce dans la région est une importante menace. Elle est également nocive et rangée parmi les 100 espèces les plus nocives dans le monde. (Javidpour et al. 2009). M. leidyi est carnivore mais pas strictement, elle peut aussi manger le nano- et le microplancton, ce qui représente une source d’azote importante pour sa croissance (Javidpour et al. 2009). Elle a un taux de croissance linéaire rapide et une capacité à se reproduire sous de larges conditions environnementales (Salihoglu et al. 2011). Sa durée de vie est de quelques mois à un an (Ghabooli et al. 2011). Sa dynamique de population présente 4 phases : une phase de production d’œufs, de développement des juvéniles, de transition et enfin la phase adulte. Les adultes frayent tous les 10-20 jours relâchant 100 à 10 000 œufs à chaque fois. (Salihoglu et al. 2011). 2.2.2. Exemple d’Aurelia sp. Aurelia sp. appartenant à la classe des Scyphozoaires, est l’une des espèces les plus communes, répandues et étudiées des méduses à travers le monde (Purcell et al. 2010), se situant globalement entre le parallèle 70°N et 50°S (Dawson et al. 2001). Aurelia est donc un genre cosmopolite qui a été introduit à travers le monde dans différents ports via les Figure 9. Aurelia aurita (©Nausicaa, Eric Walravens) - 19 - transports maritimes et les eaux de ballast (Lucas 2001 ; Mills 2001 ; Daly Yahia et al. 2003). Ses apparitions ont fortement augmenté ces dernières décennies dans les eaux européennes (Ramšak et al. 2012). Les études phylogénétiques sur l’ADN mitochondrial et nucléaire ribosomial d’Aurelia aurita révèlent 10 espèces cryptiques dissimulées dans l’espèce Aurelia aurita échantillonnée à travers le monde (Dawson et al. 2005). La distribution des différentes espèces cryptiques (Adriatique, Atlantique, mer Noire, mer Baltique, mer du Nord, lac Mljet) reflète les processus géologiques passés et l’extension de l’espèce ancestrale vis-à-vis des nouveaux environnements (Dawson & Jacobs 2001). Les adaptations écologiques, les différences phénotypiques et écologiques par sélection peuvent être une explication raisonnable pour l’étendue des différentes d’Aurelia spp. (Ramsăk et al. 2012). Généralement, les espèces d’Aurelia sont observées à des profondeurs spécifiques, ceci du à la présence de récepteurs sensible à la pression hyrdrostatique (David 2011). Aurelia aurita, espèce endémique de la mer du Nord et de la mer Baltique, est abondante en été sur les côtes nord de l’Atlantique où elle est reconnue comme être une importante prédatrice des communautés planctoniques sur un large rang de taille et de taxonomie (Riisgård et al. 2010). En fait, A. aurita est une espèce opportuniste qui mange ce qu’elle trouve de meilleur dans les mers pour sa nutrition et ses besoins énergétiques, allant du micro- au mésozooplancton en passant par les larves de poissons (Dawson et al. 2001 ; Lucas 2001) ; ainsi son alimentation reflète la composition du zooplancton présent. Les méduses d’Aurelia sp. se développent au printemps, les éphyrules en automne et en hiver ; il peut y avoir diapause dans le fond de l’eau (Lucas 2001). Ses éphyrules sont plus petits que 10mm de diamètre et sont dépourvus de tentacules. Son ombrelle fait en moyenne 30cm de diamètre (Riisgård et al. 2010) mais elle peut atteindre des diamètres de 45cm. Il est difficile d’estimer son âge mais elle vit généralement entre 4 et 8 mois, peu dépasse 1 an (Lucas 2001). - 20 - 3. CONSEQUENCES Les méduses ont persisté là où des millions d’autres espèces ont péri. Ces adaptations de 500 millions d’années ont été si réussies qu’elles impactent maintenant sérieusement l’écologie des écosystèmes marins et perturbent de nombreuses activités humaines (Purcell et al. 2010). 3.1. Conséquences sur la faune et les réseaux trophiques Le zooplancton gélatineux est responsable de l’élimination de certaines espèces et donc de la perte de biodiversité (Mills 2001). Les Cnidaires mangent principalement des larves de poissons (94% à 100% de leur régime). Toutefois, Aurelia aurita peut manger du poisson comme des crustacés ou d’autres gélatineux (Purcell et al. 2001). C’est pourquoi, la forte biomasse d’Aurelia aurita, en tant que prédatrice gélatineuse peut affecter directement les populations zooplanctoniques et ichtyofauniques par prédation des œufs et des larves ou indirectement par la compétition avec les larves pour les nutriments (Lucas 2001 ; Riisgård et al. 2010). De plus, la diminution des communautés zooplanctoniques, s’il y a assez de lumière et de nutriments, peut aboutir à des blooms phytoplanctoniques (Lucas 2001). Les Cténophores comme Mnemiopsis régulent aussi profondément les communautés zooplanctoniques et celles des poissons planctonivores par prédation ou compétition, plus particulièrement pendant la moitié chaude de l’année (Javidpour et al. 2009 ; Salihoglu et al. 2011). Par exemple, depuis son introduction par les eaux de ballast en 1987 dans la mer Noire, elle constitue actuellement 95% de la population zooplanctonique dans cette zone (Youngbluth et al. 2001). Cela illustre bien le fait que l’invasion par les espèces gélatineuses est un phénomène mondial qui conduit à l’altération du fonctionnement des écosystèmes natifs, ceci passant souvent par l’effondrement ou la disparition des espèces natives (Salihoglu et al. 2011). Toutefois, le zooplancton gélatineux n’a pas que des conséquences négatives sur la faune. Il existe des interactions positives entre certaines méduses et les poissons. En effet, face à la prédation, certains juvéniles de poissons trouvent refuge dans les tentacules de méduses ou proches d’elles. Ces intrus mangent les proies et les parasites des méduses, améliorant potentiellement le recrutement des poissons dans certaines situations (Richardson et al. 2009). De plus, une étude de Sweetman et al. (2011) a révélé, par photos à l’appui, que les carcasses de méduses en - 21 - décomposition servaient de sources de nourriture pour différents organismes tels que des crevettes par exemple. En effet, la mort des méduses peut améliorer la sédimentation en carbone et azote dans le fond des mers, servant ainsi de sources de nourriture à la faune benthique et démersale de ces environnements, les organismes venant directement s’alimenter sur les carcasses. Figure 10. Carcasse de méduses en décomposition servant de source de nourriture pour des crevettes (© Sweetman et al. 2011) 3. 2. Conséquences économiques 3.2.1. Effets sur le tourisme Les bancs de méduses ont tendance à dériver vers les côtes et les plages où sont rassemblés les touristes causant ainsi une nuisance majeure (Rilov et al. 2009 ; Baxter et al. 2010 ; Williams Non daté). Cela peut induire des pertes de revenus par la fermeture des plages. En effet, les proliférations en masse des méduses gênent les touristes parce qu’elles piquent ou parce que échouées sur les plages, elles en dégradent l’aspect et l’odeur (Richardson et al. 2009). 3.2.2. Effets sur la pêche et l’aquaculture Les blooms du zooplancton gélatineux peuvent réduire la production de pêche par la compétition pour la nourriture entre les poissons et les méduses mais aussi par la prédation des méduses sur les poissons (Richardson et al. 2009; Rilov et al. 2009). Aurelia aurita étant une grande prédatrice des œufs et larves de poissons, leur forte biomasse peut affecter l’activité de la pêche en diminuant le nombre de prises puisque le taux de recrutement a diminué (Riisgård et al. 2010). Les blooms du zooplancton gélatineux peuvent aussi perturber les fermes d’aquaculture en tuant les poissons et les larves dans les enclos (Hecq et al. 2009 ; Baxter et al. 2010 ; Purcell et al. 2010 ; Astorga et al. 2012). En Bretagne, fin novembre 94, les élevages de salmonidés ont été confrontés à des proliférations de méduses urticantes. En janvier 95, ce sont des élevages de truites en baie de Douarnenez qui ont été touchés par ces phénomènes. L’espèce de méduse en cause était Pelagia noctiluca. L’impact des bancs de méduses sur les poissons a été variable. Lors de ces proliférations, le diamètre du disque des méduses allait de 1,5 à 5 cm environ et le maillage des filets variait, lui, entre 1,5 et 2,5 cm. Ainsi, les cages garnies d'un filet à grandes mailles ont pu être pénétrées par les plus petits individus, tandis que celles à petites mailles n'ont pu l'être. L’irritation causée par les piqûres a provoqué une très forte agitation des poissons et pour certains, la mort directe par crise cardiaque (Merceron et al. 1995). - 22 - 3.2.3. Effets sur les centrales d’énergie Les blooms de méduses peuvent être nuisibles pour les installations côtières comme les centrales d’énergies (Richardson et al. 2009 ; Astorga et al. 2012). Elles bloquent les canalisations et empêchent ainsi l’entrée d’eau qui sert de système de refroidissement pour les centrales nucléaires (Lucas 2001; Rilov et al. 2009). Dans les années 1980, le problème s’était déjà posé à la centrale de Gravelines avec le Cténophore Pleurobrachia pileus appelé groseille de mer (Le Fèvre-Lehoërff et al. 1996). 3.3. Conséquences sur la santé humaine Certaines espèces peuvent être dangereuses pour la santé humaine. Les Cnidaires sont plus dangereux pour les gens que les Cténophores en raison de leurs cellules urticantes sur leurs ombrelles et tentacules (Richardson et al. 2009). La plupart des cas restent heureusement bénins et ne nécessitent pas une intervention médicale. Toutefois, des cas sévères peuvent avoir lieu, engageant le pronostic vital, en particulier chez l’enfant qui présente une vulnérabilité accrue (Larréché et al. 2011). Les tentacules de méduses portent des cellules venimeuses, les nématocystes. Un stimulus mécanique ou osmotique provoque la dévagination brutale du nématocyste et l’injection d’une dose de venin. L’envenimation correspond donc à l’effet cumulé de multiples injections déclenchées par le contact avec les tentacules (Birsa et al. 2010 ; Larréché et al. 2011). La douleur de type « décharge électrique » ou « brûlure » est immédiate. Les lésions cutanées (érythèmes, œdèmes, phlyctènes, nécroses) sont parfois typiques et permettent alors de définir l’espèce responsable. La cicatrisation est souvent de mauvaise qualité, avec pigmentation (Larréché et al. 2011). Les impacts sur la santé peuvent être minimisés par des programmes d’éducation à la santé (PNUE 1991). La plupart des composés chimiques utilisés pour traiter les piqûres de méduses sont l’acide acétique dilué (vinaigre), le bicarbonate de sodium (soda chaud), l’ammonium, la papaïne, l’éthanol ou l’eau salée. Ceci permet d’inactiver les nématocystes qui sont restés sur la peau. Des solutions diluées d’anesthésiants locaux sont préconisés pour soulager la douleur des piqûres (Birsa et al. 2010). Aurelia aurita est particulièrement dangereuse pour l’Homme (Dong et al. 2010). Celles provenant du vieux monde (mer Rouge) semblent plus dangereuses que celles provenant du nouveau monde (baie de Chesapeake) (Mariottini et al. 2010). - 23 - Même si Pelagia sp. n’a pas de graves conséquences sur la santé, si ce n’est quelques complications sérieuses de piqûres, elle reste toutefois la plus dangereuse des méduses autochtones de la Méditerranée (Mariottini et al. 2010). La sévérité des cas varie selon la durée du contact avec la peau et la rapidité des premiers soins apportés. Cependant, dans la plupart des cas, les piqûres ne nécessitent pas d’attention médicale particulière. En général, ces piqûres entrainent des sensations de douleur, des rougeurs, des brûlures ou des démangeaisons. Les cas de mortalité suite à des piqûres de Pelagia noctiluca sont très rares et résultent d’un choc anaphylactique ou bien sont arrivés à des personnes qui présentaient déjà des défaillances cardiaques ou rénales (PNUE 1991). Lors d’envenimation plus massive, des lésions vésiculeuses, purpuriques puis nécrotiques (desquamations) laissent une pigmentation cicatricielle durant quelques mois. Ces lésions entraînent une gêne esthétique, principalement quand le contact avec la méduse a été long ou l'envenimation sévère. Peuvent alors s’ensuivre des symptômes apparaissant après 2 à 4 heures : mal de tête, vertige, syncope, vomissement, faiblesse, fièvre, ulcération et hématurie. Des cas de chocs anaphylactiques ont déjà été observés en Méditerranée occidentale (Hecq et al. 2009). - 24 - 4. MECANISMES DECLENCHEURS DE LA PROLIFERATION DES GELATINEUX Dans les habitats donnés, la distribution et l’abondance du zooplancton gélatineux est maintenu par l’équilibre entre 3 facteurs : le recrutement via la reproduction sexuée et asexuée, la migration et la mortalité (Lucas 2001). En se fondant sur les connaissances actuelles concernant les problèmes liés aux blooms du zooplancton gélatineux, des hypothèses ont été avancées quant aux causes des phénomènes : - d’importants changements hydroclimatiques retentissant sur les facteurs qui régissent normalement les populations du zooplancton ; - un déséquilibre entre les facteurs recrutement, migration et mortalité ; - une augmentation de productivité due soit à des fluctuations naturelles, soit à une pollution organique provoquant une augmentation de la nourriture disponible pour les organismes ; - des changements dans le rapport prédateurs/concurrents des méduses. 4.1. Les facteurs abiotiques Même si certains facteurs abiotiques sont suspectés de contrôler la croissance du zooplancton gélatineux, nos connaissances sont encore malheureusement faibles, notamment celles sur comment les facteurs environnementaux affectent la taille des populations sont faibles (Purcell 2005). 4.1.1. La température D’après les observations de nombreux scientifiques, les gélatineux ont la capacité de se développer suivant une large gamme de température. Pour exemples, Aurelia aurita peut se développer pour des températures allant de 0° à 36°C (Dong et al. 2010). Une étude récente (Purcell et al. 2012), consistant à maintenir les polypes d’Aurelia aurita et Rhizostoma pulmo provenant du NW de la Méditerranée, à trois températures différentes (14, 21°C et 28°C) a illustré que les polypes de ces deux espèces survivaient le plus longtemps à 14°C. Par ailleurs, à cette même température, A. aurelia strobilait plus tôt que R. pulmo. Ces deux schémas correspondent parfaitement à ce qui est observé dans cette région où A. aurita apparaît très tôt vers avril-mai dans des eaux plus froides suivi de R. pulmo vers mai-juin lorsque la température de l’eau a augmenté. Les optima de population et de croissance de Mnemiopsis leidyi sont obtenus pour des températures autour de 20°C. On peut néanmoins la retrouver dans des milieux où les températures varient entre 2° et 32°C (Fuentes et al. 2010). Sa fécondité dépend aussi de la température ; son développement - 25 - embryonnaire dure environ une journée à 23°C (Salihoglu et al. 2011). D’après l’étude de Javidpour et al. (2009), la période de reproduction de Mnemiopsis leidyi est associée à des températures chaudes, les faibles abondances aux températures plus froides. Grâce au modèle de Salihoglu et al. (2011), on estime qu’une diminution de la température de 5°C résulte en une considérable diminution de toutes les phases de son développement alors qu’à une température moyenne de 25°C, une diminution de 40% de la ressource alimentaire peut amener une interruption de transfert entre les différentes phases. Toutefois, lorsque les températures atteignent 19°C et plus, le métabolisme de Mnemiopsis leidyi augmente tellement que la disponibilité en nourriture n’est plus suffisante pour satisfaire ses besoins (PNUE 1991). Concernant Pelagia noctiluca, Goy et al (1989), estiment qu’un printemps chaud et humide favorise les proliférations en été. D’après ces données, on peut supposer que le changement global modifie localement les densités de populations des méduses (Johnson et al. 2001; Roy Houghton et al. 2007; Richardson et al. 2009; Dong et al. 2010) où l’augmentation de la température entraînerait une hausse des proliférations et faciliterait les invasions. En effet, le réchauffement climatique entraîne une stratification de la colonne d’eau ce qui favorise le développement des dinoflagellés au profit des diatomées (Granéli et al. 2011). Les systèmes dominés par les dinoflagellés sont plus favorables aux méduses qu’aux poissons. En outre, les températures chaudes étant favorables à la croissance et à la production des éphyrules, le réchauffement climatique pourrait accentuer ces phénomènes (Purcell 2005 ; Richardson et al. 2009) et être favorable à certaines méduses comme Aurelia aurita (Holst 2012). Le réchauffement peut aussi étendre la distribution des méduses tropicales les plus toxiques vers des latitudes sub-tropicales et tempérées (Richardson et al. 2009). Par exemple, le changement global pourrait faciliter la dispersion de Mnemiopsis leidyi dans l’océan Atlantique nord et ainsi augmenter le risque d’invasion (Ghabooli et al. 2011). Un autre aspect du changement climatique qui peut influencer les méduses est l’acidification des océans, résultant de l’augmentation du CO2 atmosphérique. Les méduses augmentent en abondance quand le pH diminue. Mais aucune autre étude que celle de Richardson et al. (2009) ne montre de relation significative entre l’abondance des méduses et l’acidification. Cependant, malgré l’ensemble de ces résultats, l’influence des variations climatiques et du changement global sur le zooplancton gélatineux est toujours débattu. 4.1.2. La disponibilité en nutriments La disponibilité en nutriments est essentielle pour le développement des gélatineux. L’eutrophisation a donc surement un lien avec l’augmentation des blooms du zooplancton gélatineux (Roy Houghton et al. 2007; Richardson et al. 2009 ; Holst 2012 ; Riisgard et al. 2012). - 26 - Aurelia aurita semble en effet, surtout liée aux eaux eutrophisées (Daly Yahia et al. 2003). Quand les conditions nutritives sont suffisantes, A. aurita peut croître rapidement. Au contraire, si elles sont insuffisantes, elle s’adapte rapidement en rétractant ses gonades. Puis lorsque les aliments reviennent en concentration normale, elle redevient à nouveau féconde. Ainsi, elle arrive à tirer avantage de son milieu environnent (Lucas 2001). En baie de Calvi, la prolifération de Pelagia noctiluca en 2006 succède à des biomasses particulièrement élevées de méso-zooplancton en 2005. On peut émettre l’hypothèse que l’abondance exceptionnelle des proies pourrait être une des causes de la prolifération. En effet, la survie des larves et les pullulations des adultes durant l’été 2006 semblent être en relation avec la disponibilité en zooplancton de l’année précédente. A la fin de l’été 2006, la prolifération de Pelagia pourrait être la cause du déclin du méso-zooplancton et des larves de poissons. Durant l’été 2007, le zooplancton était bas et par conséquent Pelagia a décliné (Hecq et al. 2009). Malgré ces études, il est encore assez difficile de faire un lien équivoque entre eutrophisation et augmentation des blooms (Arai 2001). 4.1.3 La disponibilité en dioxygène D’après l’étude de Condon et al. (2001), les méduses semblent assez tolérantes à de faibles concentrations en oxygène dissout ; les polypes peuvent également survivre et se reproduire asexuellement même en condition prolongée d’anoxie. C’est pourquoi, l’eutrophisation (qui entraîne un épisode d’hypoxie) peut jouer un rôle dans l’augmentation des blooms de méduses (Mills 2001). 4.1.4. Les conditions hydrodynamiques Les courants transportent les méduses dans des endroits où elles n’étaient pas auparavant (PNUE 1991). Le vent est aussi un facteur dans la dissipation des populations (Johnson et al. 2001 ; Roy Houghton et al. 2007). De plus, les variabilités interannuelles du zooplancton gélatineux peuvent être liées à la NAO (Roy Houghton et al. 2007). Il semblerait que lorsque la NAO augmente positivement, les méduses augmentent aussi (Richardson et al. 2009). Par exemple, Aurelia aurita est abondante dans les baies et les estuaires, là où les flux de marée peuvent varier considérablement. Toutefois, son abondance est généralement plus forte dans des petits systèmes, peu profonds, fermés ou semi-fermés avec des échanges limitants lors de la marée que dans des systèmes profonds et ouverts (Lucas 2001). 4.2. Facteurs biotiques - 27 - 4.2.1. Facteurs intra-spécifiques Les gélatineux ont une large panoplie de caractères qui leurs permettent de vivre dans plusieurs milieux différents et même de survivre dans des milieux où les conditions sont défavorables. Ces attributs incluent : un large régime alimentaire, un taux de croissance rapide, l’aptitude à rétrécir lorsqu’ils sont affamés, la capacité à se fragmenter et à se régénérer aussi bien que la tolérance aux hypoxies (Richardson et al. 2009). Par ailleurs, l’encystement des podocystes peut aider au maintien des populations de méduses lorsque les conditions environnementales ne sont pas favorables. C’est le cas des podocystes d’Aurelia aurita qui sont capables de survivre jusqu’à 3,2 ans grâce à leur forte réserve organique. Les podocystes sortent de leur encystement lorsque les températures atteignent 28°C (Thein et al. 2012). Il est possible qu’à un moment donné, une espèce est mieux adaptée aux changements saisonniers que ses compétiteurs ; ceci a pour conséquences un meilleur recrutement larvaire et une plus forte croissance de la population. Cette espèce peut ensuite dominer l’environnement, consommer les ressources disponibles et vaincre ses compétiteurs ; un bloom peut alors apparaître. Comme une augmentation de la taille de la population entraîne une augmentation de l’effort reproductif, cette espèce est encore favorisée si les conditions restent favorables. Les blooms peuvent continuer sur plusieurs années mais les ressources disponibles diminuent le stock des espèces proies alors que la population des prédateurs et parasites peut augmenter. Ceci peut alors conduire à un retour à la normale (PNUE 1991). 4.2.2. La mortalité par prédation La prédation des méduses par d’autres organismes permet également de réguler les abondances et biomasses des populations de zooplancton gélatineux (Dong et al. 2010). Il a été reporté que 124 espèces de poissons et 34 autres espèces animales peuvent manger occasionnellement ou de façon régulière les méduses. Sur ces espèces, 11 sont spécialisées dans les méduses mais ce sont parfois des espèces en danger comme la tortue luth, Dermochelys coriacea, qui ciblent les blooms de méduses (Richardson et al. 2009). Précédemment (dans la partie généralités), il a même été illustré que certaines méduses peuvent prédater d’autres méduses comme Beroe ovata avec Mnemiopsis leidyi (Purcell 1991). Toutefois, certaines méduses ont la capacité d’éviter autant que possible cette prédation. C’est le cas par exemple de Mnemiopsis leidyi qui répond à la présence des prédateurs en augmentant sa vitesse de nage et en abaissant sa distribution verticale (Titelman et al. 2012). D’autres espèces comme Aurelia qui sont sensibles à la lumière et au touché, peuvent aussi augmenter leur vitesse de nage lorsque leur - 28 - ombrelle est touchée par des prédateurs gélatineux tels que Phacellophora camtschatica ou Cyanea capillata (Cnidaires). Grâce à leurs mécano- et chémorécepteurs, elles peuvent détecter des organismes qui nagent à côté d’elles. En outre, elles effectuent des mouvements migratoires verticaux ; la nuit elles migrent vers la surface tandis que le jour, on les trouve plus en profondeur. Ceci est un comportement typique instauré pour éviter la prédation (David 2011). Les espèces du genre Pelagia effectuent également des migrations verticales (Hecq et al. 2009). Enfin, il n’y a pas que les formes pélagiques qui peuvent être prédatées, les polypes peuvent également être consommés. Une étude récente d’Hoover et al. (2012) a mis en évidence la consommation des polypes Hermissenda crassicornis de la méduse Aurelia labiata par des nudibranches. La consommation des polypes est corrélée avec la taille des nudibranches. Ces résultats illustrent l’importance de la prédation pour contrôler les polypes benthiques du zooplancton gélatineux et par conséquent les blooms des méduses. Les activités humaines doivent agir séparément ou mutuellement avec les facteurs biotiques et abiotiques dans les pullulations du zooplancton gélatineux. Il est plus facile de faire le lien entre pullulation et eutrophisation/surpêche/translocation des espèces qu’avec les changements climatiques et ceux des habitats (Richardson et al. 2009). 4.3. Facteurs anthropiques 4.3.1. Croissance de la population humaine Ces dernières décennies, l’expansion de la population humaine influence les océans et cause de réels changements. Ceci laisse penser que dans certaines régions, l’augmentation des blooms serait une réponse aux effets cumulés de ces impacts. Le problème n’est pas aussi simple et malheureusement il y a peu de données pour confirmer cette hypothèse (Mills 2001). 4.3.2. La surpêche L’une des préoccupations clé dans les phénomènes de prolifération du zooplancton gélatineux est considérée comme étant la surpêche (Mills 2001 ; Pauly et al. 2002 ; Richardson et al. 2009 ; Dong et al. 2010 ; Williams Non daté). Elle peut jouer un rôle dans l’augmentation des populations de méduses par la capture de leurs prédateurs (Roy Houghton et al. 2007 ; Salihoglu et al. 2011 ; Astorga et al. 2012 ; Holst 2012). Récemment, un rapport de l’Alliance Ocean2012, groupe d’une centaine d’organisations de défense des écosystèmes marins, estime que la prolifération des méduses en Méditerranée pourrait être une conséquence de la surexploitation des stocks de pêche par les pêcheurs européens, « les bancs de - 29 - méduses s’accroissent et les pressions exercées par des activités humaines, telles que la surpêche, en seraient la cause la plus probable ».Ocean2012 note que « le prélèvement d’un trop grand nombre de poissons dans ces écosystèmes offre à ces méduses une niche écologique où elles peuvent prospérer ». Chaque année, entre 100 et 200 millions de tonnes d’organismes marins (poissons, invertébrés, prises accessoires, espèces illégales et non déclarées) sont retirées de la mer. La diminution des stocks halieutiques semblent être un phénomène à l’échelle mondiale (Richardson et al. 2009). Beaucoup d’espèces, maintenant très rares, telles que l’espadon et le thon rouge sont des prédateurs majeurs des méduses ; les tortues luths aussi, malheureusement leur nombre a brutalement diminué. La surpêche a ainsi contribué à laisser les méduses sans prédateurs naturels et aussi sans compétiteurs comme les sardines et la petite friture (Mills 2001 ; Williams Non daté). 4.3.3. Modification des habitats Les substrats naturels tels que les coquillages ou les algues sont moins attractifs que les substrats artificiels (béton, machine à laver, polyéthylène, verre…). Ainsi Holst et al. (2007) ont supposé que l’augmentation des substrats artificiels dans nos mers, en raison des pollutions marines et des constructions sous marines élargie l’aire de distribution des polypes des Scyphozoaires aussi bien dans les zones côtières que celles du large. D’un polype plusieurs éphyrules se forment, il est donc évident que l’augmentation de la population des polypes est suivie d’une augmentation des éphyrules causant de nombreuses proliférations de méduses. L’étude de Richardson et al. (2009) ainsi que celle d’Astorga et al. (2012) valident cette hypothèse. 4.3.4. Les translocations Il est possible que l’introduction d’espèces ait favorisé les blooms du zooplancton gélatineux (Richardson et al. 2009). Les translocations d’espèces depuis leurs habitats d’origine vers de nouveaux territoires sont généralement causées par les eaux de ballast et le fouling. Beaucoup de gélatineux, en particulier les Cténophores sont résistants au changement d’eau via les eaux de ballast. Ainsi, dans un milieu où les poissons planctonivores dominants ont été surpêchés, les méduses introduites peuvent se développer. C’est le cas par exemple de Mnemiopsis leidyi qui s’est bien développée en Méditerranée suite à la surpêche de l’anchois (Richardson et al. 2009). - 30 - Figure 11. Mécanismes pouvant augmenter les pullulations du zooplancton gélatineux. (a) impacts des changements d'habitats, des translocations et de la surpêche sur les pullulations de méduses. (b) impacts de l’eutrophisation et du changement climatique sur les pullulations des méduses. (© Richardson et al. 2009) - 31 - Un facteur n’agit pas de manière isolée. Ce sont en fait, les effets cumulés du transport maritime, du changement global, de l’acidification des océans, l’eutrophisation et l’exploitation des ressources marines qui ont favorisé l’extension, l’installation et parfois la dominance des espèces introduites sur les natives. De plus, en raison de l’augmentation d’apparitions de certaines espèces typiques d’eaux chaudes, il a été dit que la Méditerranée est sous un processus de tropicalisation. Le changement climatique, les introductions volontaires ou involontaires d’espèces exotiques par l’Homme, les migrations lessepsiennes et les entrées via le détroit de Gibraltar conduisent à l’établissement d’un biotope marin tropical dans la mer Méditerranée (Bianchi 2007). Certains scientifiques pensent même que les blooms proviennent d’évènements physiques ou planétaires (taches solaires, changement de la circulation océanique…) (PNUE 1991). - 32 - 5. MESURES DE GESTION Aucune intervention seule ne peut être effective. Pour réussir à gérer les phénomènes de pullulations des méduses, il est nécessaire de développer et de combiner des stratégies tactiques à court terme et des réponses préventives à long terme basées sur de la recherche fondamentale ciblée sur ce groupe. L’accent doit d’ailleurs être porté plutôt sur la prévention que la guérison (PNUE 1991 ; Richardson et al. 2009). Tableau 1. Mesures de gestion potentielles et domaines de recherche nécessaires pour prévenir les écosystèmes d'éventuelles pullulations de méduses (d'après Richardson et al. 2009) Mesures de Recherche gestion Bénéfices Risques Mesures à court terme Développement des produits à base de méduse pour Augmenter les recherches dans la transformation et la commercialisation des espèces non comestibles et dans l’efficacité de la médecine Développement de l’économie locale ; limiter les impacts sur les recrutements des poissons et réduire la biomasse des méduses Dépendance au commerce internationale ; pourrait l’alimentation augmenter la et la médecine pression de pêche sur les espèces non problématiques Détruire les structures artificielles et Accélérer le développement des Détruire les polypes benthiques Menace de antifouling non nocifs ; identifier les et prévenir leur installation et bioaccumulation niches de polypes donc réduire le nombre de toxique ; prévenir leur méduses installation Utilisation Identifier ces agents ; la majeure partie Contrôle sélectif du nombre de La plupart des d’agents de des recherches de biocontrôle se font méduses et réduction de leur prédateurs de contrôle dans le milieu terrestre : réussir à les biomasse méduses ne sont biologique transférer au milieu marin pas sélectifs donc il y un risque pour les autres espèces Arrêter ou diminuer les Identifier les espèces qui posent des Réduire les introductions Les méduses problèmes de translocation accidentelles sont très transports de attractives dans méduses les aquariums, - 33 - vivantes entre peut-être que aquariums des espèces locales pourraient être utilisées Mesures à long terme Réduire l’eutrophisation Recherche sur l’alimentation des Réduire les blooms algaux ; méduses et sur la résilience des augmenter la concentration en 02 écosystèmes et améliorer la prédation et la compétition sur les polypes Réduire la Développer de nouvelles méthodes de Augmenter la prédation sur les Difficile de surpêche pêche ; recherche de conservation sur polypes et les méduses ; contrôler les prédateurs de méduses tels que les diminuer la fragmentation des particulièrement tortues et les poissons lunes… polypes dans les milieux ouverts. Renforcer la législation sur les eaux de ballast Développer des traitements pour les Minimiser les introductions Impacts sur les eaux de ballast pouvant tuer des accidentelles écosystèmes espèces potentiellement invasives ; marins inconnus Identifier les espèces qui ont la capacité de survivre à un changement de milieu Minimiser le réchauffement Recherche sur les énergies Favoriser les réseaux trophiques Nécessite des renouvelables et à faible émission de dominés par les diatomées et interventions gaz à effet de serre poissons à ceux dominés par les des flagellés et les méduses. gouvernements global 5. 1. Mesures à court terme Des chercheurs ont proposé une liste de mesures applicables directement pendant les blooms, il s’agit de mesures de contrôle (Williams Non daté): - Envoyer des flottilles de petits bateaux au large pour ramasser les méduses à la surface en utilisant un filet ; - Poser des pièges à méduses le long des plages menacées ; - Restreindre la zone de baignade quand c’est nécessaire ; - Poser des filets de protection ; - Informer les populations locales et les touristes sur comment se protéger ; - 34 - En Méditerranée, certaines communes tentent bien de protéger leurs plages et d’éviter la fuite des touristes en installant des filets, mais ces barrières flottantes assez onéreuses à installer ne sont que des compromis à court terme faute de mieux. Lorsque les bassins d’aquaculture sont impactés comme ce fut le cas en 1995 dans la baie de Douarnenez diverses mesures de contrôle sont mises en œuvre. Des abattages de précaution peuvent être effectués pour éviter d’éventuelles conséquences de stress ultérieurs, les poissons légèrement atteints sont souvent tués (Merceron et al. 1995). Face à ce danger, un certain nombre de contre-mesures sont envisageables et souhaitables afin d’éviter ces pertes de production. Un regroupement des signalements de cette espèce à la fin de l’été et en automne serait à même d’avertir les aquaculteurs d’un risque imminent. Un tel délai leur permettrait de protéger les cages par des filets de plus petites mailles. Si cette solution était impraticable, le déplacement des radeaux vers une zone plus favorable pourrait être envisagé (Merceron et al. 1995). En termes de gestion, la valorisation des méduses est également possible. Les méduses pourraient être valorisées par l’alimentation (Williams Non daté). En effet, elles peuvent représenter une source alimentaire pour l’Homme. Dans l’Asie du sud par exemple, environ 420 000 tonnes de méduses ont été récoltées chaque année pour la consommation pendant les années 19962005. Cette production représente un marché de plusieurs millions de dollars qui est en train de proliférer dans le monde (Armani et al. 2012). Des fermes d’aquaculture de méduses existent déjà dans 15 pays incluant la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Malaisie et les Philippines avec des exportations vers l’Australie et les Etats-Unis (Richardson et al. 2009). Cet aliment peut aussi s’acheter en Europe dans des boutiques chinoises, en dépit d’un manque de traçabilité du produit, bien que les méduses n’aient pas encore été officiellement définies par la Législation européenne sur l’hygiène alimentaire (Armani et al. 2012). Toutefois, selon Dong et al. (2010), il semble impensable que les blooms de méduses puissent facilement être utilisés dans le cadre de l’alimentation dans les pays européens en raison de leur faible qualité gustative et nutritive. Les composés de méduses peuvent aussi être valorisés dans le domaine pharmacologique. Il s’avère que de nombreuses molécules extraites, en dose sublétale, peuvent avoir des propriétés cytotoxiques, cardiotoxiques, etc. Les biotoxines extraites peuvent ainsi être utilisées pour traiter différentes maladies, infectieuses ou autres (Mariottini et al. 2010 ; Kim et al. 2012). Traditionnellement, les méduses étaient utilisées pour soulager et guérir une gamme de maladies incluant les arthrites, les bronchites, les brûlures, la fatigue, les gouttes, l’hypertension, les douleurs des menstruations et les ulcères. De récentes études ont confirmé que le collagène des méduses pouvaient supprimer les arthrites des rats de laboratoire et stimuler le système immunitaire dans les réponses inflammatoires - 35 - (Richardson et al. 2009).Toutefois, ces composés n’ont pas encore dévoilés toutes leurs possibilités, ce domaine de recherche étant relativement récent mais en pleine expansion. Par ailleurs la découverte, l’isolation et le développement d’une protéine fluorescente des méduses a entraîné une révolution dans le domaine des biotechnologies (Zimmer 2005) et un prix nobel (Coleman 2010). 5.2. Mesures à long terme La question soulevée par les gestionnaires est : « Quelles sont les solutions pour réduire les proliférations et les dégâts occasionnés ? » Selon les spécialistes, il n’y a pas de solution immédiate. Cependant, il est nécessaire de mieux connaître les espèces présentes sur nos côtes et de mieux comprendre les phénomènes à l’origine de la prolifération des méduses pour pouvoir mener des actions efficaces. D’où l’intérêt de la mise en place d’un suivi régulier et de programme de recherche afin d’améliorer les connaissances sur ces organismes. C’est pourquoi les gouvernements ont commencé à développer des programmes de gestion qui s’intéressent aux effets néfastes écologiques, économiques et sanitaires liés aux blooms du zooplancton gélatineux. Ces efforts ont pour but de réduire le nombre d’espèces introduites. Cela nécessite donc de savoir comment ces espèces sont apparues sur un territoire donné (l’utilisation d’outils génétiques tels que les marqueurs moléculaires permettent de retrouver les origines de ces espèces) (Ghabooli et al. 2011). Par exemple, c’est le phénomène de pullulations des méduses Pelagia noctiluca reportées pour la 1e fois en 1977 dans la mer Adriatique qui a entrainé la mobilisation de plusieurs instituts scientifiques dans la création d’un programme de recherche et de surveillance. Ce programme régional de recherche et de surveillance des blooms du zooplancton gélatineux, nommé le MED POL jellyfish Programme, était sous la coordination et le support financier de l’UNEP/MAP Programme. Ceci a généré un important volume de nouvelles informations sur le zooplancton gélatineux en général et sur Pelagia en particulier (PNUE 1991). De plus, vis-à-vis du tourisme et de la pêche cette méduse très urticante provoque des dommages tels qu'un programme de recherche international (U.N.E.R) avait été développé afin de pouvoir mieux comprendre ses pullulations (Merceron et al. 1995). Un réseau de surveillance méditerranéen pour cette méduse avait également été mis en place par Patrice Bernard ; programme installé sous l’égide de l’INSERM. Les maîtres nageurs sauveteurs de la police française (1984-1998), la Sureté de Monaco (1981-2008) et les pompiers de la ville de Nice (1995-2008) reportaient tous les jours le nombre approximatif de méduses qu’ils voyaient sur les - 36 - plages, le nombre de piqûres par les méduses étaient également reportés. Cela a permis de créer une importante base de données (Bernard et al. 2010). Figure 12. Localisations des stations de réseau de surveillance de Bernard (2010). Les stations sont surveillées par la police (croix), les pompiers (cercles) et Monaco (triangle). D’Ouest en Est, Gazanière, Soleil, Tambour, Batterie, Tiercé, Lido, Bambou, Magnan, Forum, Beau Rivage, Centenaire, Felix Raynaud, Fourmi, Petite Afrique, Eze, Mala, Marquet, Larvotto. Un autre réseau de surveillance existe c’est le Continuous Plankton Recorder (CPR) qui a permis de mettre en évidence des changements dans la fréquence d’apparition des méduses en mer du Nord et dans la partie nord de l’océan Atlantique. C’est un enregistreur rapide et robuste du plancton qui a d’abord été remorqué à l’arrière des bateaux de marchandise ; à l’origine, il était utilisé pour échantillonner les larves de poissons. Ensuite, il a servi pour l’échantillonnage des copépodes et autres mésozooplancton dans un filet de maille 270µm. (Baxter et al. 2010). Le développement d’un système vidéo adapté à la surveillance du plancton gélatineux in situ a démontré que les Siphonophores représentent une importante fraction du plancton. Dans la baie de Villefranche, le zooplancton gélatineux est surveillé depuis la fin du XIXe siècle. Dans le début des années 60, Braconnot et ses collègues ont développé un réseau de surveillance, « the Regent net », adapté à l’étude quantitative du plancton gélatineux. Les données de 1974-1999 représentent les seules données quantitatives sur les Siphonophores en mer Méditerranée (Licandro et al. 2011). - 37 - De plus, un nouveau programme, le programme MedAzur, a été mis en place par l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-mer. Il s’agit d’un modèle de prévision d’invasion des méduses qui a été développé grâce à l’étude de leurs échouages sur les plages azuréennes de ces 30 dernières années. Ce programme constitue une réelle innovation qui permettrait dès cet été de diffuser sur le site du Conseil Générale des Alpes maritimes de véritables « bulletins météo » des méduses afin d’informer les communes côtières, les journaux locaux et tous les estivants et d’améliorer considérablement le confort et la qualité des baignades. Les mesures de contrôle des blooms passent aussi par un renforcement de la législation. C’est pourquoi, en raison des effets néfastes de Mnemiopsis leidyi, l’Organisation Internationale Maritime a en 1993, décidé qu’il ne fallait pas chargé en eaux de ballast les bateaux avec de l’eau contaminée et relâcher ensuite ces eaux dans les océans ouverts afin de réduire les probabilités d’extension de cette espèce (Ghabooli et al. 2011). - 38 - 6. LACUNES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE Globalement, il existe très peu de séries à long terme sur les blooms de méduses, principalement à cause des difficultés rencontrées pour les étudier vivantes tellement elles sont fragiles (Haddock. 2007 ; Pierce 2009 ; Kogovsek et al. 2010). C’est pourquoi il y a un besoin urgent de développer la recherche sur le zooplancton gélatineux (Purcell et al. 2010). A ce jour, il est encore difficile de comprendre et prédire l’apparition des blooms massifs de certaines espèces nocives qui peuvent présenter un risque pour la santé humaine et exercer des impacts sur la pêche, le tourisme et toutes autres activités nautiques (PNUE 1991). En outre, leur taxonomie reste encore imprécise (Hecq et al. 2009). Malgré leur rôle essentiel dans le cycle de vie d’une méduse, les polypes benthiques des scyphozoaires n’ont reçu qu’une faible attention (Condon et al. 2001) ; actuellement, peu d’informations sont connues sur le domaine écologique des polypes (Lucas 2001; Mills 2001; Holst et al. 2007). Ainsi pour mieux connaître les causes des blooms de méduses, des recherches futures sur les réponses écologiques, comportementales et physiologiques des polypes vis-à-vis des facteurs environnementaux sont nécessaires (Condon et al. 2001; Lucas 2001). C’est pourquoi il est urgent d’établir des programmes de surveillance sur le long terme pour les méduses, similaires aux réseaux qui existent déjà pour la surveillance des crustacés zooplanctoniques (PNUE 1991 ; Richardson et al. 2009). De plus, on pourrait augmenter les observations de méduses grâce à des méthodes acoustiques, aériennes, sous-marines ou numériques. Chaque donnée récoltée devrait ensuite être intégrée aux réseaux de surveillance (Richardson et al. 2009). L’amélioration des connaissances sur les méduses pourrait se faire grâce à l’étude des statolithes déposés dans les sédiments (Richardson et al. 2009). Les travaux de modélisation sont aussi essentiels. Malheureusement ils sont encore peu utilisés pour l’étude des proliférations des blooms du zooplancton gélatineux. Ainsi, développer des modèles en essayant de simuler les étapes de croissance des méduses permettrait de mieux comprendre leur cycle de vie et leur écologie et d’évaluer les effets des principaux stress (changement climatique, pêche et eutrophisation) sur les stratégies mises en place (Richardson et al. 2009). Comme il a été dit précédemment, il est pour l’instant difficile de faire le lien entre les proliférations massives des méduses et le changement global. Il est donc nécessaire d’étendre les travaux d’expérimentation pour déterminer les effets du changement climatique, plus particulièrement de - 39 - regarder les effets du pH sur les statolithes des méduses (Richardson et al. 2009). Toutefois, il est nécessaire de standardiser les méthodes d’échantillonnage d’une zone de recherche à une autre afin de pouvoir comparer les données (PNUE 1991). De plus, il est difficile de prévoir l’écosystème final par rapport à la surpêche en raison des faibles informations qui existent. C’est pourquoi, il est essentiel de continuer les recherches dans ce domaine (Purcell et al. 2001). Par ailleurs, il est actuellement impossible de prévoir dans quelle étendue les espèces tropicales pourront affecter le réseau trophique et le fonctionnement de l’écosystème méditerranéen (Bianchi 2007). Des études doivent aussi être menées sur le rôle de la plasticité génotypique et phénotypique dans la gouvernance des populations en relation à l’environnement ambiant (Lucas 2001). Dans ce cadre, il est urgent de développer les études génétiques moléculaires pour comprendre la biogéographie de toutes les espèces introduites (Mills 2001 ; Stopar et al. 2010). - 40 - CONCLUSION Ces dernières années, les prédateurs gélatineux et en particulier les scyphoméduses ont reçu un intérêt mondial de la part des scientifiques (Mills 2001 ; Purcell 2005 ; Astorga et al. 2012). L’invasion des habitats marins par les espèces gélatineuses est un sujet écologique qui concerne le monde entier dus aux impacts négatifs qu’ils ont sur la structure et la fonction des écosystèmes natifs souvent liés à la diminution ou à l’extinction des populations natives. C’est pourquoi des symposiums internationaux sur les blooms de méduses ont lieu dont le premier date de janvier 2000. Ces ssymposiums ont pour objectifs de trouver les nouveaux champs de recherche sur ce sujet et de comprendre les dynamiques et impacts des blooms de méduses à l’échelle globale (Mianzan et al. 2012). Les blooms des gélatineux ont en effet modifié la structure des systèmes pélagiques en passant rapidement d’un système dominé par les poissons (qui attrapent les méduses et contrôle leur abondance par prédation et compétition) à un autre moins désirable dominé par les gélatineux (Astorga et al. 2012) avec des conséquences écologiques, sociales et économiques durables. Certains chercheurs ont même spéculé que les stress anthropogéniques menaçaient les récents écosystèmes par un retour vers celui du Cambrien ; environnement qui a existé il y a plus de 550 millions d’années et où à cette époque, les poissons étaient absents (Richardson et al. 2009). Le remplacement des poissons par les méduses est donc un phénomène inquiétant et comme dirait Daniel Pauly, biologiste marin spécialisé dans le domaine de la pêche, si l’on n’agit pas immédiatement, « nos enfants pourront dire à leurs enfants, mange ta méduse ! » (Richardson et al. 2009). Même s’il est difficile de lutter contre les proliférations des méduses qui sont, rappelons le, des éléments essentiels de l’écosystème pélagique, des éléments existent permettant de prévoir des invasions imminentes (Hecq et al. 2009). Par ailleurs, grâce au développement des aquariums, le public semble de mieux en mieux informé sur ce groupe, ce qui limite les effets sur la santé humaine (Mills 2001). Maintenant, les blooms de méduses et du zooplancton gélatineux en général sont même devenus des indicateurs de la performance des écosystèmes pélagiques et de leur évolution (Javidpour et al. 2009 ; Dong et al. 2010) à travers le monde ; les bras buccaux et les tissus de l’ombrelle pouvant accumuler de l’aluminium, de l’arsenic, du baryum, cadmium, cuivre, fer, manganèse et du zinc. La signature des différents éléments montrent en effet, des variations spatiales reflétant les séparations géographiques entre les lieux. Leur capacité de bioaccumulation, les traits d’histoire de vie et les aspects biophysiques indiquent que ces espèces ont un fort potentiel de bio-indicateur des systèmes côtiers marins (Templeman & Kingsford 2010 ; Templeman & Kingsford 2012). C’est pourquoi l’observation de ces biomasses ne doit pas cesser et au contraire, devrait augmenter. - 41 - BIBLIOGRAPHIE Arai. M. N. (2001). Pelagic coelenterates and eutrophication: a review. Hydrobiologia, 451: 69-87 Armani. 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