Ethique sur l`étiquette - Alternatives Economiques
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Ethique sur l`étiquette - Alternatives Economiques
www.alternatives-economiques.fr N u m e er ro o 0 ■ 8 3 , 8 0 22 75 09 b■i s j u■ i nj u2i 0n 0 7 2 0 ■ 2 DROIT DU TRAVAIL Un grand bond en avant ? page 4 prisons LE témoignage de Lu de Cheng page 7 DISTRIBUTION les grandes marques encore loin du but page 8 LE COLLECTIF page 11 LA PéTITION page 12 Jouez le jeu pour les J. o. www.ethique-sur-etiquette.org MÖbvusf!sfhbse!tvs! mÖdpopnjf!fu!mb!tpdju DIBRVF!NPJT-!BMUFSOBUJWFT!FDPOPNJRVFT!DÖFTU!; www.alternatives-economiques.fr ?!!Mf!tvjwj!dpnqmfu!ef!mÖbduvbmju!dpopnjrvf!fu!tpdjbmf!! fo!Gsbodf-!fo!Fvspqf!fu!bv!ojwfbv!joufsobujpobm ?!!Eft!forvuft!fu!eft!fousfujfot!qpvs!wpvt!! N U M E R O 2 5 3 D E C E M B R E 2 0 0 6 DOSSIER : LE CHANTIER DE LA VILLE DURABLE ÉCONOMIE : POURQUOI L'INFLATION A ÉTÉ DOMPTÉE page 56 page 32 3 , 8 0 LICENCIEMENTS La grande triche PAGE 38 SYNTHÈSE Les migrations et le développement du Sud PAGE 78 SOUTIEN SCOLAIRE La fièvre des cours particuliers PAGE 46 SUD Les limites du microcrédit PAGE 70 jogpsnfs!ef!upvu!df!rvj!cpvhf-!tbot!pvcmjfs!qpvs!bvubou!! df!rvj!of!dibohf!qbt-!pv!qbt!bttf{!wjuf Climat ?!!Eft!tzouitft!sejhft!qbs!mft!nfjmmfvst!tqdjbmjtuft-!! ON EN PARLE (BEAUCOUP) MAIS ON NE FAIT RIEN (OU PRESQUE) PAGE 6 bßo!ef!gbjsf!mf!upvs!eft!rvftujpot!rvj!gpou!ecbu ?!!Vo!dmbjsbhf!vojrvf!tvs!upvuft!mft!bmufsobujwft!! ISSN 0247-3739 rvj!dpousjcvfou!!sfoesf!mf!npoef!qmvt!kvtuf T 02125 - 253 - F: 3,80 E 3:HIKMLC=ZUX]U^:?k@m@f@d@a; (France métropolitaine) BELGIQUE/LUXEMBOURG 4,30 € ALLEMAGNE/ESPAGNE/ITALIE/GRÈCE/PORTUGAL (CONT) 4,60 € SUISSE 8 CHF DOM/A 5,20 € DOM/S 4,30 € MAROC 42 MAD ZONE CFA 3-300 CFA CANADA 6.95 CAD BMUFSOBUJWFT!FDPOPNJRVFT!DÖFTU!BVTTJ! 5!ipst.tsjf!qbs!bo!rvj!gpou!mf!qpjou!tvs!eft!rvftujpot! BCPOOF[.WPVT! QPVS!5-19!Ü!QBS!NPJT!! tvs!xxx/bmufsobujwft.fdpopnjrvft/gs eÖbduvbmju!pv!rvj!qspqptfou!eft!tzouitft!joejtqfotbcmft!;! MÖfnqmpj-!Mb!ßobodf-!MÖubu!ef!mÖdpopnjf-!MÖdpopnjf!ef!nbsdiÊ! Qspdibjoft!qbsvujpot!;!Mft!dijggsft!ef!mÖdpopnjf!311:!)pdu!3119*-! 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RC 84 B 221 Dijon, Siret 330 394 479 00043. Le capital est partagé principalement entre les salariés de la Scop-SA, l’Association Alternatives Economiques et la Société civile des lecteurs d’Alternatives Economiques. Directeur de la publication : Philippe Frémeaux CPPAP 0309 I 84446 - ISSN 0247-3739 Dépôt légal à parution Imprimé en France/Printed in France. © Alternatives Economiques. Toute reproduction, même partielle, des textes, infographies et documents parus dans le présent numéro est soumise à l’autorisation préalable de l’éditeur, quel que soit le support de la reproduction. Toute copie destinée à un usage collectif doit avoir l’accord du Centre français du droit de copie (CFC) : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, tél. : 01 44 07 47 70, fax : 01 46 34 67 19. Soyez réalistes, demandez l’impossible ! I mpossible is nothing ! (Rien n’est impossible), affirme le slogan d’Adidas. Serait-il possible par exemple que les vêtements et les chaussures de sport soient fabriqués dans le respect des normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail : interdiction du travail forcé, non-exploitation des enfants, liberté syndicale, droit d’organisation et de négociation collective, salaire minimum vital, durée maximale de travail, non-discrimination, santé et sécurité au travail ? Au vu des difficultés à surmonter, on pourrait, en effet, croire que c’est impossible. Mais, si l’une des leçons du sport est « ce qui semble impossible finit par être atteint, à force de ténacité et de courage », alors, oui, nous pouvons y arriver ! La pression croissante de l’opinion publique a déjà obligé les plus grandes marques (Nike, Adidas, Puma…) à modifier leurs pratiques et à imposer des codes de conduite à leurs sous-traitants. On arrive ainsi à faire réintégrer des syndicalistes licenciés ou à dédommager des salariés victimes d’accidents du travail. Mais les pratiques d’achat ne changent pas, privilégiant prix, délais et flux tendus. Dès lors, horaires interminables, salaires de misère, précarité et conditions de travail insalubres restent monnaie courante. Avec un nouveau problème : la fin de l’accord multifibre, qui attribuait des quotas de production aux différents pays, se traduit aujourd’hui par des restructurations entraînant fermetures d’usines et licenciements. La production se concentre de plus en plus dans les pays où la liberté syndicale n’existe pas : Chine, Vietnam, zones franches du Bangladesh (la Chine détient 58 % de la production mondiale de chaussures de sport !). Pourtant, l’industrie du sport est très rentable. Ses profits ne cessent de s’accroître et des sommes pharamineuses sont investies dans la communication et le sponsoring. A titre d’exemple, pour devenir sponsor officiel des jeux Olympiques de Pékin, on estime qu’Adidas aurait payé autour de 90 millions de dollars, sans compter le sponsoring D. R. Fondateur, conseiller de la rédaction : Denis Clerc RÉDACTION : 28 rue du Sentier 75002 Paris Tél. 01 44 88 28 90 Courriel : [email protected] Pour joindre directement votre correspondant, composez le 01 44 88 suivi des quatre chiffres entre parenthèses. Directeur de la rédaction : Philippe Frémeaux (28 90) Rédacteur en chef : Guillaume Duval (28 92) Rédacteurs en chef adjoints : Sandra Moatti (95 36), Christian Chavagneux (27 38) Secrétaire général de la rédaction : Daniel Salles (28 98) Macroéconomie : Christian Chavagneux, Sandra Moatti Entreprise : Marc Chevallier (27 39), Pascal Canfin (95 39) Société : Louis Maurin, chef de service (28 94), Naïri Nahapétian (23 85). Travail, social : Camille Dorival (28 99) International : Antoine de Ravignan (95 92) Histoire : Gérard Vindt Livres : Christian Chavagneux Multimédia : Bruno Lapeyssonnie Agir, agenda, association des lecteurs : Claire Alet-Ringenbach (23 86) Secrétariat de rédaction, iconographie : Martine Dortée (27 37), Nathalie Zemmour-Khorsi (28 96), Jérémie Sieffert Ont également participé à ce numéro : Mariano Fandos et Pierre Tiessen Relations extérieures : Véronique Orlandi (28 90) Comité d’orientation : Jean-Joseph Boillot, Philippe Bonzom, Jean-Pierre Chanteau, Christian Dufour, Christophe Fourel, Jean-Paul Hébert, Daniel Lenoir, Bruno Magliulo, Jacques Maire, Dominique Méda, Bernard Pecqueur, Jean Pisani-Ferry, Dominique Plihon, Hugues Sibille, Pierre Volovitch Rédaction Web : Wojtek Kalinowski Développement Web : Romain Dortier d’équipes nationales comme celle de la France. Ces entreprises comptent bien utiliser les JO de Pékin pour soutenir leur développement dans l’immense marché chinois, en pleine expansion. C’est pourquoi, ces JO 2008 doivent être une occasion de réaffirmer notre attachement à la défense des droits de l’homme au travail. En 2004, à l’occasion des Jeux d’Athènes, le collectif Ethique sur l’étiquette, relayant la campagne internationale menée par l’Alliance Play “ Les JO 2008 doivent être une occasion de réaffirmer notre attachement à la défense des droits de l’homme au travail ” Fair, avait rassemblé plus de 100 000 signatures sur une pétition adressée au Comité international olympique (CIO). Elle lui demandait de travailler avec les ONG et les syndicats pour faire respecter les droits de l’homme au travail, conformément à sa charte qui déclare que l’olympisme se fonde sur « le respect des principes éthiques fondamentaux universels ». Le CIO avait alors renvoyé la balle aux comités nationaux, et peu de progrès ont été faits depuis. C’est pourquoi, notre collectif lance une nouvelle campagne, à l’occasion des Jeux de Pékin, toujours en relais d’une campagne internationale menée par l’Alliance Play Fair 2008 (1), en s’adressant cette fois au comité français. Le fait que ces Jeux 2008 se déroulent en Chine est hautement symbolique. Les droits de l’homme au travail, en particulier la liberté syndicale, y sont systématiquement bafoués. C’est l’occasion de faire bouger les autorités sportives pour qu’on finisse par pouvoir affirmer que « Impossible is nothing » ! 5 Mariano Fandos du collectif Ethique sur l’étiquette (1) En 2008, l’Alliance Play Fair rassemble la Clean Clothes Campaign, la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Fédération internationale des travailleurs du textile, du cuir et de l’habillement (FITTCH). nº 270 bis juin 2008 ALTERNatives Économiques I www.ethique-sur-etiquette.org I Jouez le jeu pour les J.O. La violation des droits sociaux au travail reste monnaie courante en Chine. Si la récente réforme du droit du travail tente d’y remédier, elle risque d’atteindre rapidement ses limites, faute de syndicats indépendants. Un grand bond en avant ? L sultent d’opérations d’assemblage et de transformation de produits semifinis importés. Des opérations menées très souvent par des entreprises étrangères. Celles-ci profitent de la maind’œuvre chinoise abondante et peu coûteuse sur laquelle le pays a bâti son développement économique. Mais ces bas coûts de production ont un revers : les conditions dans lesquelles les produits sont fabriqués. En comparant les pays asiatiques visà-vis des principaux risques de violation des droits sociaux au travail (1), Jean-François Huchet, directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine, basé à Hongkong, montre que la Chine est la plus mal placée, juste derrière l’Indonésie et la Thaïlande. Il dénonce en particulier les heures supplémentaires non rémunérées, les salaires de misère, l’absence de liberté syndicale, etc. Esclavage et travail forcé Les pires conditions de travail se trouvent cependant dans les activités tournées vers le marché intérieur. L’année dernière, plusieurs affaires d’esclavage ont ainsi été découvertes dans des briqueteries et dans les mines de charbon clandestines des provinces du Shanxi et du Henan. Près de 1 400 hommes, adolescents et enfants – dont certains avaient Mark Leong - Réa a Chine est sur le point de devancer l’Allemagne et de devenir le premier exportateur mondial. Depuis les années 90, elle a en effet beaucoup diversifié sa production destinée à l’export : partie du textile et des jouets, elle s’est orientée ensuite vers les télévisions, l’électroménager, le matériel informatique, les biens d’équipement, etc. Aujourd’hui, elle produit 60 % des chaussures du monde, un tiers des lecteurs de CD, 45 % des micro-ondes, 90 % du petit matériel hi-fi, etc. Bref, elle est devenue l’atelier du monde. Ou, plus précisément, son atelier d’assemblage. Car plus de la moitié des exportations chinoises ré- Mineurs à Shanxi. Les pires conditions de travail se trouvent dans les activités tournées vers le marché intérieur, notamment dans les mines et les briqueteries. I ALTERNatives Économiques nº 270 bis juin 2008 Jouez le jeu pour les J.O. I été enlevés puis vendus pour moins de 50 euros – travaillaient jour et nuit et sans le moindre salaire pour le compte de leurs geôliers. Plus largement, de très nombreuses entreprises (près de 70 000 briqueteries notamment) et ateliers opèrent en Chine en toute illégalité. « Ces établissements emploient leur maind’œuvre dans des conditions parfois inhumaines », analyse Bai Sun, juriste originaire de Shijiazhuang, dans la province du Hebei (ouest de Pékin). Le travail forcé reste par ailleurs la norme dans l’ensemble des prisons du pays. Malgré une loi votée en 1991 interdisant en théorie les exportations de produits fabriqués par des détenus, ces produits se faufilent jusqu’à nos chariots de supermarché via des cascades de sous-traitants. « Bien que nous ne connaissions pas les commanditaires de nos productions, nous savions à leur design que certains produits étaient destinés à l’exportation », témoigne Lu De Cheng, emprisonné pendant neuf ans dans un camp de travail forcé en Chine (voir notre entretien avec lui page 7). Travail des enfants et absence de liberté syndicale Quant au travail des enfants, celui qui transmet à l’étranger des informations sur le sujet risque la peine de mort (2). Du fait de cette censure, le travail des enfants n’est pas généralement considéré comme un problème grave en Chine, notamment lorsqu’on compare sa situation avec celle de l’Inde, du Pakistan ou du Bangladesh. Cependant, dans une enquête sur le sujet, le China Labour Bulletin relève de nombreux cas de travail des enfants et estime que leur nombre est en hausse, en liaison avec les difficultés croissantes que rencontrent leurs parents et le coût très élevé des études. La situation est plus nette en ce qui concerne l’absence de liberté syndicale et de réelle négociation collective. L’Etat chinois continue de ne reconnaître qu’une organisation syndicale : l’All China Federation of Trade Unions (ACFTU). Celle-ci opère sous le contrôle direct du Parti communiste chinois. Elle est présente dans pratiquement toutes les grandes et moyennes entreprises du pays. Mais son rôle consiste bien davantage à contrôler les travailleurs, notamment par le biais des œuvres sociales qu’elle gère, et à transmettre les consignes du Parti, qu’à défendre les droits des salariés dans l’entreprise. Cette absence de liberté syndicale est une des principales barrières à l’amélioration du respect Ce que change le nouveau code du travail chinois Les contrats à durée déterminée (CDD) et indéterminée (CDI) : jusqu’alors, les entreprises pouvaient ne jamais avoir recours au CDI en faisant signer à leurs salariés des CDD à répétition. A présent, lorsqu’un employé a une ancienneté d’au moins dix ans – et s’il en fait la demande –, l’employeur est tenu de signer avec lui un CDI. Dans son article 82, la nouvelle loi oblige également l’employeur à ne proposer que deux CDD consécutifs. « La sanction de la violation de cette obligation consiste pour l’employeur à verser un double salaire [à compter de la date à laquelle le CDI aurait dû être conclue] », précise Aiqing Zheng. Le licenciement économique : l’employeur ne peut plus avoir recours des droits des travailleurs en Chine. Ainsi qu’à l’application effective des codes de conduite que les multinationales ont désormais le plus souvent adoptés et imposés à leurs fournisseurs. Les migrants, premières victimes Ces multinationales continuent le plus souvent à choisir leurs sous-traitants en fonction de leurs faibles prix de vente. Une situation qui se répercute évidemment sur les salaires et sur les conditions de travail : non-respect des Plusieurs affaires d’esclavage ont été découvertes en 2007 dans des briqueteries et des mines de charbon clandestines minimums salariaux, non-paiement ou avec retard des salaires et des heures supplémentaires, dépassement de la durée maximum du travail autorisée par la loi… « Dans les grandes entreprises du delta des Perles [sud du pays], les employés sont obligés de loger sur leur lieu de travail, note en particulier JeanFrançois Huchet. C’est contraire aux règles les plus fondamentales du travail au licenciement pour raison économique lorsque seulement un ou quelques employés sont concernés. Au moins 10 % de l’ensemble du personnel doit désormais être renvoyé afin d’entrer dans le cadre d’un licenciement massif. Les clauses d’indemnité : dans l’ancien système, l’employeur et le salarié convenaient d’une indemnisation en cas de rupture du contrat de travail, par l’une des deux parties. Or, l’employé devait souvent, pour avoir le simple droit de démissionner avant la fin de son contrat, s’acquitter de fortes sommes (calculées généralement en fonction des mois qui lui restaient à faire avant la fin de son contrat). La nouvelle loi interdit ou annule ces clauses. 5 car, souvent, les papiers de ces salariés sont confisqués. Ils sont alors à l’entière disposition de leur employeur. » Dans un tel contexte, quand les multinationales envoient des inspecteurs pour vérifier le respect d’un code de conduite, il est aisé de le tromper sur la situation réelle car personne n’osera protester auprès de lui, même dans un entretien en tête-à-tête. Les populations les plus touchées par ces violations sont les 150 à 200 millions de migrants venus des zones rurales. Ils occupent des postes non ou très peu qualifiés dans les usines vouées à l’exportation (textile, jouets, électronique, etc.). La Chine reste un des pays les moins chers du monde en matière de travail non qualifié. Certes, les salaires ont augmenté assez rapidement ces derniers temps, (+ 18 % depuis un an), mais ces hausses concernent surtout les emplois les plus qualifiés. Et, dans le même temps, la hausse des prix s’est, elle aussi, beaucoup accélérée. De sorte qu’en termes réels, les revenus des moins qualifiés tendent parfois à baisser. (1) « La responsabilité sociale des entreprises étrangères en Chine », par Jean-François Huchet, Ires-FO, juin 2007. (2) Une circulaire publiée en 2000 par le ministère du Travail chinois précise les informations considérées comme secrets d’Etat et dont la divulgation est passible de mort. Le travail des enfants en fait partie. nº 270 bis juin 2008 ALTERNatives Économiques I Sang-Hoon - Sipa I Jouez le jeu pour les J.O. Entreprise à Zucheng. Les 150 à 200 millions de personnes venues des zones rurales qui occupent des postes non ou très peu qualifiés dans les usines vouées à l’exportation souffrent le plus des violations de leurs droits de travailleurs. Un début de pénurie de main-d’œuvre non qualifiée commence cependant à être observé, notamment dans la province de Guangdong, au sud, qui pèse pour près du tiers des exportations chinoises. Une situation qui pourrait pousser les salaires à la hausse à moyen terme. A cela, il faut ajouter un nombre croissant de conflits sociaux. Près de 90 000 manifestations impliquant plus de 100 personnes étaient ainsi recensées dans l’ensemble du pays en 2005, contre 10 000 dix ans plus tôt. Li Hua, avocate au cabinet Gide Loyrette Nouel, à Pékin, précise : « Les rapports sociaux à l’intérieur des entreprises se sont détériorés ces dernières années. En 2007, le nombre de contentieux entre les deux parties – employeurs d’un côté, employés de l’autre – a augmenté de 30 % à Shanghai et à Pékin principalement dans les secteurs de l’industrie et de la construction. » Un peu plus de protection pour les salariés Ces troubles ont poussé le gouvernement à engager une réforme du droit du travail (voir encadré page 5) qui a abouti à l’adoption d’un nouveau code I ALTERNatives Économiques nº 270 bis juin 2008 du travail, entré en application le 1er janvier dernier. Ce nouveau code – qui vient renforcer l’ancien, établi en 1994 – présente un caractère plus protecteur pour les travailleurs. Il impose notamment un contrat de travail écrit, il favorise le contrat à durée indéterminée, prévoit des obligations d’indemnisation en cas de licenciement et ouvre même la possibilité de négociations collectives, sans toutefois autoriser la grève. L’établissement de contrats de travail écrits constitue un des points clés de cette réforme. Jusqu’alors, l’employeur n’avait en pratique aucune obligation d’en établir un. « En cas de litige sur l’existence même de la relation de travail, un salarié sans contrat était alors défavorisé dans l’administration de la preuve et exposé au risque d’un licenciement discrétionnaire, explique Aiqing Zheng. Des amendes sont aujourd’hui prévues pour les employeurs qui renonceraient à signer un contrat avec un salarié. » La Chine serait-elle alors en train d’intégrer les normes internationales sur ce plan ? « On sent en tout cas une vraie volonté de renforcer le droit des salariés », note Li Hua. Mais ces droits risquent d’être difficilement applicables tant les inspections sont rares, en raison de la corruption, de l’absence de syndicats, du manque de moyens : quelque dix mille inspecteurs du travail seulement sont censés contrôler les cinq à six millions d’entreprises privées recensées dans cet immense pays. « C’est évidemment trop peu pour vérifier si les dispositions importantes du nouveau code du travail sont appliquées », rappelle Jean-François Huchet. « Nous allons dans le bon sens, tempère pour sa part Bai Sun. Il faut à présent que les salariés – ouvriers et employés – se créent leur propre culture juridique et traînent si nécessaire leur patron devant les autorités compétentes. » Depuis le 1 er mai 2008, une nouvelle loi permet en effet à l’employé, insatisfait de ses conditions de travail et/ou salariales, de s’adresser directement à un comité d’arbitrage, sorte de prud’hommes, et non plus à un tribunal ordinaire comme c’était le cas jusqu’alors. Toutefois, sans le soutien de syndicats indépendants, les salariés devraient peu solliciter ces nouvelles structures. Et sur ce point, aucune avancée. 5 Pierre Tiessen pour en savoir plus www.cefc.com.hk : Centre d’études français sur la Chine contemporaine. http://perspectiveschinoises.revues.org : la revue Perspectives chinoises. « La chine, l’atelier du monde… et après ? », Problèmes économiques n° 2946, 23 avril 2008. www.china-labour.org.hk : China Labour Bulletin est un syndicat autonome basé à Hongkong qui fournit des informations sur le travail en Chine. « La responsabilité sociale des entreprises étrangères en Chine », par Jean-François Huchet, Ires, juin 2007. Jouez le jeu pour les J.O. I “ entretien ” Le travail forcé est systématique dans les prisons chinoises Lu De Cheng, arrêté alors qu’il manifestait place Tien An Men en 1989, a été emprisonné pendant neuf ans. Depuis 2006, il vit au Canada et parcourt le monde pour témoigner des conditions de détention en Chine. Et notamment du travail forcé. Dans quelles conditions travailliez-vous en prison ? Le travail forcé est systématique dans les prisons chinoises. Nous devions travailler quatorze heures par jour pour 3 yuans (3 centimes d’euro) par mois. Si nous ne respections pas les quotas imposés, nous n’avions pas le droit de dormir. La pression était très forte, car les ouvriers étaient mis en compétition entre eux : quand un ouvrier parvenait à terminer une tâche dans les temps impartis, les gardiens augmentaient les cadences. Les prisonniers qui avaient un peu d’argent achetaient le travail des prisonniers les plus rapides. On n’en finissait jamais. Au cours de mes neuf années d’incarcération, j’ai successivement réparé des voitures, rempli des flacons de shampoing et fabriqué des cravates et des pulls en laine. Aujourd’hui, je sais que certains prisonniers fabriquent des ballons de foot. Comme ils les cousent à la main, ils ont les doigts en sang. deux noms : celui du centre carcéral et celui du camp de travail. Par exemple l’entreprise Cimenterie vie nouvelle est aussi la prison de Langsi. Celle où j’ai été incarcéré, la prison Hunan n° 2, portait aussi une enseigne d’usine de montage de voitures. Cependant, on estime à 5 000 le nombre de prisons et à 10 millions le nombre de prisonniers en Chine. A votre sortie de prison, vous avez également travaillé dans une usine… Oui, fin 1999, j’ai été embauché dans une usine qui fabriquait de la colle synthétique. Là aussi, la vérité des conditions de travail était masquée. Le patron invitait des journalistes (chinois) parmi les plus connus pour faire la promotion de D. R. Je sais que certains prisonniers fabriquent des ballons de foot. Comme ils les cousent à la main, ils ont les doigts en sang Lu De Cheng, arrêté en 1989 place Tien An Men et emprisonné pendant neuf ans son usine. Mais il ne leur montrait que le bout de la chaîne, le packaging, qui était réalisé dans un environnement propre. La colle elle-même était fabriquée en sous-traitance dans des conditions dangereuses pour les ouvriers du fait de la manipulation de produits chimiques sans aucune protection. Le patron profitait du chômage [qui sévit toujours en Chine] pou r payer ses ouv r iers seu lement 300 yuans (28 euros) par mois. Il était sans scrupule. 5 Propos recueillis par Cl. A.-R. Pour en savoir plus : www.ethique-sur-etiquette.org, www.acatfrance.fr Lu De Cheng était accueilli en France par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (AcatFrance). Sait-on pour quelles entreprises travaillent ces prisons ? Les prisons font le travail que les autres usines ne veulent pas faire, car c’est toujours un travail très dur. Du fait des salaires très bas, cela permet à des entreprises de faire de la sous-traitance à des coûts défiant toute concurrence. Je sais que les ballons de foot et les pulls sont destinés à l’exportation, mais on ne connaît pas les destinataires finaux. C’est très opaque. Il s’agirait souvent de contrefaçons. Combien y-a-t-il de prisons en Chine ? Les informations concernant les prisons sont un secret d’Etat. De plus, les pistes sont brouillées car toutes les prisons portent nº 270 bis juin 2008 ALTERNatives Économiques I I Jouez le jeu pour les J.O. Les principales marques sportives se sont engagées à améliorer les conditions de travail chez leurs sous-traitants. Mais aucune n’est disposée à revoir ses pratiques d’achat, qui engendrent bas salaires et cadences effrénées. Les grandes marques encore loin du but G Richard Jones - Sinopix/Réa are au travailleur qui osera dire la réalité de ses conditions de travail à un inspecteur ! Ici, dans l’usine de la société Mainland Headwear, à Shenzhen, au sud de la Chine, le mensonge est imposé aux ouvriers. Et pour cause : dans cette entreprise hong kongaise cotée en Bourse, les pratiques sociales sont dignes des pires sweatshops (les ateliers de la sueur). Les employés travaillent en moyenne treize heures et demie par jour pour un salaire de 800 à 1 200 yuans (72 à 108 euros) par mois, ce qui est nettement inférieur (plus du tiers) au salaire minimum légal. Or, non seulement Mainland Headwear est fournisseur des marques Adidas, Nike et Puma, mais en plus elle s’est vu accorder par le Comité d’organisation des jeux Olympiques de Pékin 2008 les droits exclusifs pour la production de casquettes et autres couvre-chefs portant les anneaux olympiques. Une situation en contradiction avec les principes de l’olympisme. C’est ce que dénonce Ethique sur l’étiquette, un collectif d’une vingtaine d’organisations, à travers la campagne « Jouez le jeu pour les JO ». Cette campagne relaie la mobilisation internationale Play Fair 2008, lancée par une alliance constituée de syndicats et d’organisations non gouvernementales (ONG), dont la Clean Clothes Campaign. Une pétition s’adresse au Comité international olympique (CIO), qui accorde les licences aux entreprises pour la fabrication de produits estampillés « JO », et au Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui gère les contrats nationaux en France. En effet, les entreprises accréditées par le Usine à Guangdong. Les grandes marques sportives ont mis en place des actions pour améliorer leurs pratiques sociales, mais elles refusent de reconnaître la notion de salaire minimum vital. I ALTERNatives Économiques nº 270 bis juin 2008 Jouez le jeu pour les J.O. I CIO se voient imposer toute une série de conditions contractuelles, mais aucune ne concerne les droits des travailleurs. D’où la revendication d’Ethique sur l’étiquette et de Play Fair d’inclure dans ces contrats une clause de respect des normes fondamentales du travail telles qu’énoncées par l’Organisation internationale du travail (OIT). Des progrès sensibles Pour appuyer ses demandes, Play Fair 2008 a publié en avril dernier un rapport (1) dans lequel il montre combien l’industrie des vêtements et des chaussures de sport est lucrative : entre 2004 et 2007, les bénéfices bruts de Nike, Adidas et Puma ont augmenté respectivement de 52 %, 68 % et 14 %. Cette industrie est caractérisée également par sa très grande concentration : le marché des chaussures de sport est La part des chaussures de sport Nike fabriquées dans des pays où la liberté d’association existe est passée de 52 % à 38 % entre 1998 et 2005 dominé à 60 % par deux entreprises, Nike et Adidas. Par contraste, les salaires que touchent les travailleurs qui fabriquent les chaussures, vêtements et autres équipements sportifs restent désespérément bas, même si les salaires chinois ont augmenté rapidement ces dernières années, comme d’ailleurs les prix des biens et des services. Interpellées depuis les années 90 par des ONG et des associations de consommateurs sur la question des droits des travailleurs, les grandes marques de sport ont été forcées de réagir. Prises au piège de leur image, elles ont mis en place des actions pour améliorer leurs pratiques sociales. En 2004, à l’occasion des jeux Olympiques d’Athènes, Play Fair leur avait d’ailleurs déjà demandé d’adopter des mesures concrètes. Où en sont-elles aujourd’hui ? Dans son récent rapport, Play Fair relève des progrès et note que « les initiatives afférentes à la responsabilité sociale des entreprises ont connu un essor exponentiel depuis 2004 ». De fait, toutes les grandes marques se sont dotées depuis de codes de conduite. Leur application est vérifiée par des audits, plus ou moins nombreux selon les entreprises. Elles ont également progressé sur le chemin de la transparence : Adidas, Puma, Nike Plus haut, plus fort… plus cher Les jeux Olympiques de Pékin sont une occasion en o r p o ur l es mar qu es de sport de s’offrir une cam pagne de marketing en di rection du (très prisé) mar ché chinois. La médaille de l’investissement marketing revient à Adidas. La marque a investi entre 80 et 100 millions de dollars pour être partenaire officiel des Jeux de Beijing. Organisateurs, bénévoles et équipes chinoises seront ainsi habillés par la marque aux trois bandes. De plus, Adidas est partenaire du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), contrat pour lequel la firme a dépensé 23 millions d’euros. Elle sponsorise ainsi les é q u i p e s o l y m p i q u e s d e France, d’Australie, de Belgi- et Reebok rendent publique la liste de leurs sites de production et donnent de nombreuses informations dans leur rapport annuel. Avec une exception : la marque Fila, montrée du doigt pour son inaction et son manque de transparence. C’est « la pire », selon un autre rapport publié par Oxfam International : « Offside ! Labour Rights and Sportswear Production in Asia ». De leur côté, Adidas, Nike et Puma ont rejoint la Fair Labor Association (FLA), qui lutte contre les mauvaises conditions de travail dans les sweatshops. La FLA a notamment organisé des formations sur les droits des travailleurs à l’attention des directions de ses entreprises membres. Les marques Puma et Umbro ont, quant à elles, organisé dans plusieurs pays d’Asie des formations destinées aux travailleurs sur le thème de la liberté d’association. Limites et contradictions Ces actions rencontrent néanmoins de nombreuses limites et certaines de ces grandes marques le reconnaissent. C’est le cas notamment des audits sociaux. En particulier en Chine. En effet, d’après les ONG et les syndicats hong kongais, qui occupent un poste d’observation privilégié pour suivre la réalité d’un pays toujours privé de liberté d’expression et d’association (2), la falsification des données relatives au travail reste un sport très courant dans l’empire du Milieu. De toute façon, ces audits sont loin de couvrir l’ensemble des sous-traitants d’une entreprise. Par exemple, alors que Nike compte 180 soustraitants en Chine, seuls 22 audits sur les salaires et les heures de travail ont été menés en 2007, ainsi que 21 audits portant sur les questions de santé, sécurité et environnement. Certaines entreprises, dont Nike et Reebok, ont cherché à limiter ces problèmes en mettant en place des initiatives inno- que, de Chine, d’Allemagne et du Royaume-Uni. Comme rien n’est trop beau pour dorer son image, Adidas sera également sponsor d’athlètes à titre individuel. L’équipementier ne s’est pas arrêté en si bon chemin : il a signé un contrat de sponsoring pour les JO de Londres 2012, pour lequel il a versé plus de 200 millions de dollars. 5 vantes : des enveloppes dont les timbres ont été prépayés sont données aux ouvriers pour qu’ils puissent envoyer leurs plaintes, des numéros de téléphone gratuits ont été installés, des interviews d’ouvriers sont réalisées à l’extérieur de l’enceinte de l’usine. Mais les grandes marques ne sont pas à une contradiction près. Le rapport d’Oxfam International se fait l’écho de plusieurs cas où elles ont stoppé leurs commandes à des usines asiatiques dans lesquelles les travailleurs avaient établi des syndicats. Puma a ainsi rompu ses relations commerciales en 2005 avec l’usine Lian Thaï en Thaïlande. Nike s’est également distinguée en Indonésie où elle a arrêté ses commandes à l’usine PT Doson en 2002. Une décision qui n’est pas sans lien, d’après la SPN Union (le syndicat local), avec la campagne menée alors pour de meilleurs salaires. Parallèlement, les marques continuent à déplacer la fabrication de leurs produits vers des pays ou des zones franches d’exportation où il est interdit de former des syndicats. Ainsi, la part des chaussures de sport Nike fabriquées dans des pays où la liberté d’association existe est passée de 52 % à 38 % entre 1998 et 2005. Ce mouvement s’est amplifié depuis la fin de l’accord multifibre, le 1er janvier 2005. Cet accord organisait la production textile au niveau mondial en imposant des quotas d’exportations à certains pays, dont la Chine. Ces quotas ayant disparu, la production se concentre désormais vers les pays où la main-d’œuvre est la moins chère : le Vietnam, les zones franches du Bangladesh et la Chine. (1) « Surmonter les obstacles. Mesures pour améliorer les salaires et les conditions de travail dans l’industrie mondiale des vêtements et chaussures de sport ». (2) En Chine, un syndicat ne peut opérer légalement que s’il est affilié à l’All-China Federation of Trade Unions (ACFTU), contrôlée par le Parti communiste chinois. nº 270 bis juin 2008 ALTERNatives Économiques I I Jouez le jeu pour les J.O. Hongkong. Play Fair 2008 demande au CIO d’inclure dans les contrats qui le lient aux entreprises une clause de respect des normes fondamentales du travail. Philippe Lopez - AFP « Dans les faits, les pratiques d’achat n’ont pas évolué : les délais sont toujours trop courts, les changements de design excessifs, et les prix offerts aux fournisseurs très bas », affirme Nayla Ajaltouni, coordinatrice d’Ethique sur l’étiquette. D’après Play Fair, cette question des salaires reste l’obstacle le plus difficile à surmonter. Les marques refusent en particulier de reconnaître la notion de salaire minimum vital ; elles se réfèrent seulement au salaire minimum légal, qui est le plus souvent insuffisant pour vivre (quand il existe). Surtout, elles n’ont pas réellement modifié leurs pratiques d’achat, notamment leur pression exercée sur les fournisseurs pour obtenir les prix les plus bas. Une timide prise de conscience commence à émerger chez quelques marques, dont Adidas, Nike et Puma, qui acceptent de reconnaître l’impact de leurs pratiques d’achat sur les conditions de travail. Puma affirme même prendre en compte le respect du droit du travail dans son prix d’achat aux fournisseurs, mais refuse de communiquer sa méthode. D’ailleurs, aucune marque n’accepte de donner des informations sur ses prix d’achat à ses fournisseurs. Les marques alternatives En réaction aux mau vaises conditions de travail imposées aux travailleurs de l’industrie textile, des initia tives alternatives se sont multipliées, dont certaines proposent des vêtements et des chaussures de sport. Sur ce large créneau, on trouve notamment les marques Timäo, Mestres, Misericordia, Tudo Bom, Vejas et, enfin, Ethletic pour un ballon de foot fabriqué dans des conditions équitables et écologiques. Ces initiatives alternatives recouvrent cependant des pratiques très différentes : bio, équitable, etc. Or, pour le moment, il n’existe pas de label reconnu qui garantisse le respect des normes internationales du travail. Cependant, les entreprises alternat i v e s l e s p l u s s é r i e u s e s, comme Misericordia, Tudo 10 I ALTERNatives Économiques nº 270 bis juin 2008 Bom et Vejas intègrent de plus en plus de critères relatifs au conditions de fabrication et aux droits de l’homme au travail : rémunération juste des travailleurs, relations commerciales stables avec leurs fournisseurs et respect des droits du travail tels qu’énoncés par l’Organisation internationale du travail. 5 Pour en savoir plus : www.commer cequitable.org Chantage aux délocalisations Les multinationales de l’industrie du sport ne peuvent cependant créer seules les conditions du respect des droits des travailleurs à s’organiser collectivement, ni même l’environnement propice à une augmentation des salaires. Le rôle des gouvernements, par la législation et le contrôle de son application, reste central. Mais les gouvernements des pays asiatiques font preuve d’une extrême prudence dans la régulation des comportements de ces entreprises. Ils ont peur qu’elles délocalisent s’ils améliorent l’encadrement du droit des travailleurs. Une crainte qui n’est pas fantasmée : les chambres de commerce des Etats-Unis et de l’Union européenne en Chine ont ainsi fait pression sur le gouvernement chinois pour qu’il limite les mesures de protection supplémentaires accordées aux travailleurs dans la nouvelle loi sur les contrats de travail entrée en vigueur en janvier 2008. Elles avaient averti : leurs membres pourraient abandonner le pays si la flexibilité était réduite. 5 Claire Alet-Ringenbach pour en savoir plus LES RAPPORTS « Surmonter les obstacles. Mesures pour améliorer les salaires et les conditions de travail dans l’industrie mondiale des vêtements et chaussures de sport », Play Fair, avril 2008, accessible sur www.ethique-sur-etiquette.org/docs/ PF2008/Surmonter_les_obstacles.pdf « Pas de médaille “droits des travailleurs” pour les jeux Olympiques », Play Fair, juin 2007. Accessible sur www.ethique-sur-eti quette.org/ docs/PF2008/Rapport1_FR.pdf « La responsabilité sociale des entreprises étrangères en Chine », par Jean-François Huchet, Ires, juin 2007. « Offside ! Labour Rights and Sportswear Production in Asia », Oxfam-International, juin 2006, accessible sur www.oxfam.org.au/campaigns/ labour/06report/docs/5792oxflrrweb.pdf LES SITES www.ethique-sur-etiquette.org www.oxfam.org/fr www.cleanclothes.org www.workersrights.org : le site de Workers Rights Consortium. www.playfair2008.org Jouez le jeu pour les J.O. I “ entretien Le décalage entre les intentions et la réalité n’est pas acceptable ” Le collectif Ethique sur l’étiquette a déjà à son actif de nombreuses campagnes sur le thème du respect des droits de l’homme au travail. Jacques Pulh, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) et membre du bureau du collectif, explique les raisons pour lesquelles il faut continuer à agir. Pourquoi se mobiliser en 2008 ? Les droits des travailleurs dans de nombreuses industries à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’industrie textile, ne sont toujours pas respectés. Pire, à l’occasion des grands événements tels que les jeux Olympiques de Pékin, la pression sur ces travailleurs ne cesse d’augmenter. Leurs conditions de travail sont à l’opposé des principes de la charte olympique, qui affirme notamment : « L’olympisme se veut créateur d’un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, et [sur] le respect des principes éthiques fondamentaux universels. » Ce décalage entre les intentions et la réalité n’est pas acceptable. Les réactions à propos des prochains jeux Olympiques sont nombreuses. Quelle est la spécificité du collectif ? Notre collectif ne s’est pas créé pour les Jeux de Pékin. Il a déjà mené des campagnes sur les conditions de fabrication des articles de sport lors des JO de 2004 et lors de la Coupe du monde de football en 1998. En s’appuyant sur un réseau de milliers de bénévoles, il a permis de faire passer des sujets comme les codes de conduite ou les chartes éthiques, de la confidentialité au débat public. Le collectif tient une place originale dans le paysage de la solidarité internationale, car il réunit à la fois des organisations syndicales de travailleurs, des associations de solidarité internationale, des associations de consomLes coordonnées des collectifs locaux et de nombreuses informations : www.ethique-sur-ethiquette.org mateurs et des collectivités locales impliquées dans les démarches d’achat éthiques. Il se mobilisera encore en 2012, au moment des JO de Londres. Quels sont vos objectifs ? La diversité des membres du collectif permet de mener de front plusieurs actions complémentaires. D’abord, visà-vis des consommateurs, pour les informer de l’origine et des conditions sociales de production des articles qu’ils achètent. Ensuite, en direction des marques, industriels et distributeurs, afin qu’ils s’assurent du respect des droits D. R. Ethique sur l’étiquette : une place originale Jacques Pulh, membre du CCFD et d’Ethique sur l’étiquette des travailleurs tout au long de la chaîne d’approvisionnement et qu’ils donnent des garanties en acceptant des contrôles indépendants. Ethique sur l’étiquette veut aussi interpeller les gouvernements nationaux et les institutions internationales qui ont, au minimum, la responsabilité de promouvoir et de faire appliquer les conventions de l’Organisation internationale du travail. 5 Les membres du collectif Association française des volontaires du progrès (AFVP) Association études et consommation CFDT Association Léo-Lagrange pour la défense des consommateurs Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) Confédération française démocratique du travail (CFDT) et cinq de ses fédérations Chrétiens dans le monde rural (CMR) Centre français d’information sur les entreprises (CFIE) Centre de recherche et d’information sur le développement (Crid) Cités unies France (CUF) Fédération Artisans du monde Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) Fédération syndicale unitaire (FSU) Indecosa CGT Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) Ligue de l’enseignement Peuples solidaires Réseau d’information tiers monde (Ritimo) Solidarité laïque Union française des œuvres laïques d’éducation physique (Ufolep). " A découper ou à reproduire et à renvoyer au collectif Ethique sur l’étiquette, c/o CFDT 4 bd de la Villette 75019 Paris Je commande Un lot de 10 tirés à part « Jouez le jeu pour les JO » (15 €) Un lot de 10 argumentaires « Jouez le jeu pour les JO » avec la pétition au CNOSF (1 €) Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal . . . . . . . . . . . . . . . Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .