Les champs électromagnétiques ne sont pas responsables de tous

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Les champs électromagnétiques ne sont pas responsables de tous
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Travail & Sécurité 05 - 08
© Stéphane Lacroix pour l’INRS
Champs électromagnétiques
Invisibles,
mais bien présents
Omniprésents dans notre environnement,
tant domestique que professionnel,
les rayonnements électromagnétiques
suscitent de multiples questions sur leurs
effets potentiels sur la santé, à court
et à plus long termes. Dans le monde
du travail, les sources d’exposition sont
de plus en plus nombreuses et de plus
en plus répandues : domaine médical
(IRM), domaine industriel (équipements
de soudage, électrolyseurs, lignes de
transports électriques, transformateurs,
alternateurs, fours de fusion, fours
de vulcanisation, chauffage par
induction), radiocommunications
et télécommunications (émissions
satellitaires, stations hertziennes,
téléphonie mobile, radars), etc.
La transposition de la directive
européenne 2004/40/CE « concernant
les prescriptions minimales de sécurité
et de santé relatives à l’exposition
des travailleurs aux risques dus
aux agents physiques (champs
électromagnétiques) », qui est le texte
de référence sur la question, initialement
fixée au 30 avril 2008, a finalement
été reportée de quatre ans. En attendant,
comment les entreprises concernées
par ces questions s’organisent-elles
pour prévenir les risques de surexposition
et préserver la santé de leurs salariés ?
Travail & Sécurité 05 - 08
19
Champs électromagnétiques
Des interrogations récurrentes
© Idé pour l’INRS
Q
uels sont les effets des
rayonnements électro­
magnétiques sur la
santé des salariés ? Alors que
le développement de nou­velles
technologies industrielles et
médicales tend à augmenter
sans cesse les sources d’expo­
sitions professionnelles aux
champs électromagné­tiques,
la question, posée depuis des
années, fait toujours débat. Les
risques éventuels engendrés
font l’objet de multiples contro­
verses. Étant donné la diversité
des paramètres physiques qui
caractérisent ces rayonne­
ments (fréquence, puissance,
intensité…), les problèmes évo­
qués se révèlent complexes.
« Les entreprises se posent
beaucoup de questions sur le
sujet, mais pas forcément les
bonnes. Elles se préoccupent
par exemple plus de l’antenne
relais à proximité que du transformateur électrique à haute
tension ou du poste à souder
par résistance au sein de l’éta-
blissement », constate Philippe
Demaret, technicien supérieur
au département Ingénierie
des équipements de travail de
© Stéphane Lacroix pour l’INRS
Présents dès lors qu’une
application électrique
est en fonctionnement,
les champs
électromagnétiques
sont partout dans notre
environnement.
En milieu professionnel,
le seul texte
réglementaire qui
fasse référence en
matière d’exposition
aux rayonnements
électromagnétiques est
la directive européenne
2004/40/CE, dont
la transposition
vient d’être reportée
de quatre ans.
État des lieux.
20
Travail & Sécurité 05 - 08
l’INRS. En milieu profession­
nel, les limites d’exposition
autorisées sont globalement
cinq fois supérieures à celles
du grand public.
En l’absence d’un cadre
réglementaire français
précis, la réfé­
rence actuelle
est la direc­
tive européenne
2004/40/CE. Or, sa
transposition au niveau natio­
nal, initialement prévue pour
fin avril 2008, a finalement
été reportée au 30 avril 2012
(voir encadré), illustrant la
complexité du sujet. Les effets
biologiques à court terme des
ondes électromagnétiques
sont connus : échauffement
des tissus pour les hautes
fréquences (> 100 kHz) ; sti­
mulation du système nerveux
par conduction électrique
pour les basses fréquences (0
à 10 MHz) ; les deux phéno­
mènes pouvant coexister entre
100 kHz et 10 MHz.
Quatre grandes
mesures
de prévention
Les effets à court terme doivent
être prévenus par le respect
des valeurs limites, définies
par l’ICNIRP (1) et reprises par la
directive. Á cette fin, les mesu­
res de prévention préconisées
sont la réduction à la source,
par diminution de la puissance
d’émission, et l’installa­
tion d’un blindage intégré.
L’aménagement des pos­
tes et lieux de travail dès
leur conception peut
y contribuer. Si
cette option
n’est pas possi­
ble, une autre
solution est
envisageable : la
protection collective (blindage
d’une zone de travail).
L’éloignement de la source
est également recommandé,
l’exposition diminuant rapide­
ment avec la distance. Enfin,
en dernier recours, des pro­
tections individuelles (combi­
naisons qui ne protègent pas
contre les champs électroma­
gnétiques basses fréquences)
doivent être utilisées.
Un sujet propice
aux extrapolations
En revanche, les effets à long
terme, lors d’expositions pro­
longées inférieures aux valeurs
limites, restent méconnus et
suscitent le débat. Á l’heure
actuelle, il n’existe aucune
preuve scientifique d’effets
à long terme résultant d’une
exposition faible mais prolon­
gée. Néanmoins, une littéra­
ture abondante sur le sujet a
montré qu’un certain nombre
d’études révèlent des effets
inattendus, qui ne peuvent
être expliqués par les mécanis­
mes classiques d’interaction
et auxquels il n’a pas été pos­
sible d’attribuer une significa­
tion biologique. Les recherches
demandent donc encore à être
approfondies.
Autre questionnement : cer­
taines personnes sont-elles
plus sensibles que d’autres aux
champs électromagnétiques ?
Sur ce point, les opinions
divergent. Un avis médical
sur la compatibilité avec un
poste exposant aux champs
électromagnétiques doit être
prononcé pour les porteurs
d’implants actifs (pacemakers,
stimulateurs cardiaques…),
conformément à la directive
européenne.
Il semble également prudent
de porter une attention par­
ticulière aux femmes encein­
tes, aux porteurs d’implants
La directive européenne
2004/40/CE
I
nitialement fixée au 30 avril 2008, la transposition par
les États membres de la directive européenne 2004/40/CE
concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé
relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux
agents physiques (champs électromagnétiques) a été reportée
au 30 avril 2012. Cela résulte principalement des protestations
de la communauté des radiologues, pour qui le texte « limite
de façon disproportionnée l’utilisation et le développement
de la technique de l’IRM ».
Cette directive fixe des prescriptions minimales pour protéger
la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des champs
électromagnétiques de 0 à 300 GHz dans leur activité
professionnelle. Elle traite uniquement des effets reconnus
nocifs à court terme sur le corps humain – stimulation
du système nerveux et échauffement des tissus – et pas
des effets à long terme, dont les éventuels effets cancérogènes,
pour lesquels il n’existe pas de données scientifiques probantes
permettant d’établir un lien de causalité, ni des effets résultants
d’un contact avec un conducteur sous tension. Elle charge
l’employeur de procéder à l’évaluation des niveaux des champs
électromagnétiques auxquels les salariés sont exposés
et de mettre en œuvre des mesures de protection, de formation
et d’information sur le sujet ainsi qu’une surveillance médicale
appropriée des employés. Elle définit des valeurs limites
d’exposition (VLE) internes à l’organisme. Mais, celles-ci
n’étant pas mesurables, la directive introduit parallèlement
des valeurs déclenchant l’action (VDA), externes et différentes
selon la fréquence des ondes. Il s’agit des mêmes valeurs
que celles préconisées par l’ICNIRP.
Travail & Sécurité 05 - 08
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Des interrogations récurrentes
passifs métalliques (broches)
et aux personnes souffrant de
troubles du rythme cardiaque.
Selon Christian Bonnet, contrô­
leur de sécurité au Centre de
mesures physiques de la CRAM
de la région Centre, « de temps
en temps nous sommes sollici-
La téléphonie
mobile
U
ne étude internationale
épidémiologique sur
les relations entre exposition
au téléphone mobile
et tumeurs de la tête,
Interphone, est en cours.
Menée dans treize pays
et coordonnée par le CIRC (1),
l’étude considérait comme
pathologies : le gliome
du cerveau, le méningiome
cérébral, le neurinome
du nerf acoustique et
la tumeur de la parotide.
Elle ne portait néanmoins
pas spécifiquement sur
une utilisation dans le cadre
professionnel. Les résultats
pour la partie française
ont été publiés en
septembre 2007. Ils ont
mis en évidence qu’une
utilisation régulière
n’augmentait pas le risque
de développer une de
ces tumeurs. Cependant,
le risque de gliome
augmente chez les plus gros
consommateurs (durées
cumulées de communication
d’environ 22 h par mois).
www.afsset.fr
1. CIRC : Centre international
de recherche sur le cancer
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Travail & Sécurité 05 - 08
tés par des salariés présentant
des maux de tête ou ayant des
malaises. Nous procédons alors
à des mesures dont les résultats se révèlent parfois bien
inférieurs aux valeurs limites. Il
nous est par conséquent difficile
de statuer sur ces situations ».
En l’état actuel
des connaissances…
Les notions sont de l’ordre du
ressenti individuel bien plus
que des constats scientifiques
avérés. Interprétation d’autant
plus complexe qu’il convient
de ne pas exclure les facteurs
confondants, multiples, qui
interfèrent constamment.
Impossible également de
nier le facteur psychologique,
qui joue pour une large part.
« Sans occulter les nombreux
enjeux sociétaux et sociolo­
giques autour de ces questions,
le débat devient rapidement
confus du fait des intérêts et
des objectifs des différents
acteurs. Puisque, jusqu’à présent, rien n’a permis de prouver
l’existence d’un risque, on ne
doit pas contribuer à induire
des sentiments de crainte »,
souligne Jean-Pierre Servent,
ingénieur d’assistance conseil
au département Expertise et
conseil technique de l’INRS.
Le report de la transposition
de la directive européenne
offre l’opportunité d’appro­
fondir les connaissances sur
les expositions sur le terrain.
Cela est déjà en cours dans le
cadre de la campagne natio­
nale de mesures en entrepri­
ses menée depuis le début
de l’année et jusqu’à fin 2009
par le département Ingénierie
Pour en savoir plus
• Fiches INRS de la collection Champs électromagnétiques, série
ED 4200 à 4210, téléchargeables sur www.inrs.fr. En particulier :
- ED 4202 Les sources de rayonnements non ionisants (jusqu’à
60 GHz)
- ED 4203 Les effets des rayonnements non ionisants
sur l’homme
- ED 4204 La réglementation en milieu professionnel
- Dernièrement parue : ED 4210 Les lignes à haute tension
et les transformateurs
• ED 5004 Champs et ondes électromagnétiques (0 Hz-300 GHz),
collection Le point des connaissances sur…
• www.inrs.fr/dossiers/rni.html : dossier sur les champs
électromagnétiques, avec questionnaire pour l’identification
des risques et outil de calcul des valeurs déclenchant l’action.
• www.who.int/peh-emf/fr/ : dossier sur les champs
électromagnétiques du site de l’OMS
• www.iarc.fr/indexfr.html : Centre international de recherche
sur le cancer (iarc)
• www.ineris.fr : rubrique Expertise
• www.icnirp.org : site du Comité international de protection
des rayonnements non ionisants (site en anglais)
• www.anfr.fr : Agence nationale des fréquences
• www.sante-radiofrequences.org : Fondation Santé
et radiofréquences
•w
ww.sfrp.asso.fr : Société française de radioprotection
• www.criirem.org : Centre de recherche et d’information
indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques
• www.afsset.fr : Agence française de sécurité sanitaire
de l’environnement et du travail
des équipements de travail
de l’INRS et les différents cen­
tres de mesures physiques
des CRAM. Elle va permettre
d’établir en entreprise, sur une
quinzaine d’équipements par
région, un état des lieux sur les
rayonnements électromagné­
tiques, afin de définir ensuite
des mesures de protection et
de prévention. Et d’accroître
concrètement les données sur
le sujet.
1. ICNIRP : Commission internationale
pour la protection contre les radiations
non ionisantes.
C. R.
Dr René de Seze, spécialiste en radiologie :
« Les champs électromagnétiques ne sont
pas responsables de tous les maux. »
■ Travail et Sécurité : Quelles
réactions observez-vous, à
travers les remontées faites
par les médecins du travail
par exemple, à propos du risque d’exposition aux champs
électromagnétiques en entre­
prise ?
D r René de Seze, spécialiste en radiologie : Lors du
dévelop­pement de nouvelles
applications, comme c’est le
cas actuellement pour les
bornes wi-fi, quelques per­
sonnes expriment des inter­
rogations et parfois des
craintes. Les médecins du
travail, qui jouent un rôle dans
le processus d’information,
sont très sollicités. Depuis
plusieurs années, j’interviens
en régions dans le cadre de
journées de formation-infor­
mation de la profession, pour
lesquelles le sujet des champs
électromagnétiques attire
toujours un grand nombre
de participants. Néanmoins,
les applications des champs
électromagnétiques étant
très variées, peu de méde­
cins réclament une formation
complète à la prise en charge,
qui représenterait sans doute
un investissement trop lourd.
Par ailleurs, certains grands
groupes (entreprises de l’élec­
trolyse, opérateurs de télé­
phonie mobile, opérateurs de
radiodiffusion, entreprises de
transports…) demandent par­
fois un avis ou un conseil pour
accompagner leur démarche
de prise en charge de la pro­
blématique : définition des
sources, des expositions,
cartographie des champs,
information, formation, enre­
gistrement des expositions…
Les entreprises, même si elles
ne génèrent pas nécessai­
rement de fortes expositions,
manifestent un réel besoin de
conseil. Enfin, il m’arrive d’être
interrogé lors de situations
particulières où les salariés
présentent des symptômes
qu’ils attribuent aux champs
électromagnétiques ou bien
lors de situations acciden­
telles, accompagnées ou non
de symptômes. On ne relève
dans la littérature qu’une
quinzaine de cas d’accidents
avec effets sur la santé, un
événement qui, même s’il est
certainement sous-estimé,
reste rare.
© Stéphane Lacroix pour l’INRS
Spécialiste en
radiologie, le Dr René
de Seze mène des
travaux de recherche
à l’Ineris pour évaluer
l’impact des champs
électromagnétiques
sur la santé. Entretien.
Travail & Sécurité 05 - 08
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« Les champs électromagnétiques ne sont pas
responsables de tous les maux. »
Dr R. de S. : Il est aujourd’hui
tout à fait possible de faire des
mesures fiables d’exposition.
Peu d’applications présentent
un niveau d’exposition élevé
par rapport aux valeurs limites
d’exposition recommandées.
On relève toutefois des niveaux
d’exposition qui s’en appro­
chent pour des opérations de
soudage électrique, souvent à
cause des câbles, donc en par­
tie liés à des procédures et aux
usages. Le soudage des matiè­
res plastiques (1), les émetteurs
de télé ou radiodiffusion (2) ou
certaines applications médi­
cales (IRM, bistouri électrique,
physiothérapie…) peuvent éga­
lement générer des expositions
significatives. Par ailleurs, il
existe des situations acciden­
telles qui concernent principa­
lement les radars (applications
militaires, aéroports, police…)
et la maintenance des instal­
lations (radiofréquence, fours à
micro-ondes industriels…).
Ces accidents donnent majo­
ritairement lieu à des brû­
lures et surviennent dans des
circonstances particulières, lors
des interventions d’entretien
ou des phases d’installation,
en l’absence de protections. La
définition de procédures doit
permettre de les éviter, mais
la rareté de ces événements
incite peu les constructeurs et
fabricants de matériel ou les
sociétés qui les utilisent à se
préoccuper du risque de surex­
position pouvant survenir dans
ces situations.
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Travail & Sécurité 05 - 08
Principaux effets sur l’homme
des champs électromagnétiques
Effets directs
• Champs statiques : réactions cutanées, modification de l’électrocardiogramme, malaises…
• Champs électromagnétiques basse fréquence : le CIRC a classé les champs électromagnétiques
basse fréquence comme possiblement cancérogènes pour l’homme (catégorie 2B) sur la base
d’études épidémiologiques mettant en évidence un risque accru
de leucémie chez des enfants exposés à proximité de lignes haute tension. Toutefois, aucun lien
de cause à effet n’a à ce jour été établi entre les expositions incriminées et l’apparition
de cancers.
• Champs électromagnétiques haute fréquence : hyperthermie, effet athermique, symptômes
non spécifiques pour lesquels il est difficile d’affirmer le rôle de l’exposition aux champs…
Effets indirects
Déclenchement d’une explosion ou d’un incendie du fait d’un arc électrique, dysfonctionnement
des systèmes électroniques, projection d’objets ferromagnétiques, effets particuliers sur les
implants médicaux et sur la grossesse…
■ Existe-t-il des populations
plus sensibles que d’autres ?
Dr R. de S. : Aucune étude n’a
pu montrer de relations de
cause à effet entre exposition
et symptômes, ni l’existence
de populations plus sensibles
que d’autres aux champs élec­
tromagnétiques. Si une hyper­
sensibilité s’exprime, elle se
fait sur le terrain dans
une situation bien
spécifique. Il sem­
© Stéphane Lacroix pour l’INRS
■ Quelles sont les principales
situations d’exposition aux
champs électromagnétiques
en entreprise ?
ble que la majorité des person­
nes qui se sentent exposées
présentent une hyperactivité
du système neurovégétatif
qui se traduit par une hyper­
sudation et une variabilité du
rythme cardiaque. Une étude
qui reste à confirmer évoque
une sensibilité au courant
électrique accrue chez ces
personnes. Ce qu’il faut dire,
à mon avis, sur l’aspect psy­
chologique, c’est que bien des
inquiétudes sont générées ou
entretenues par des discours
alarmistes ou par mécon­
naissance. La connaissance
insuffisante des médecins du
travail et des personnels sur
ce sujet fait que l’exclusion de
facteurs confondants (envi­
ronnement de travail, bruit,
facteurs chimiques…) n’est pas
réalisée de façon systématique.
Les champs électromagné­
tiques ne sont pas respon­
sables de tous les maux et,
parfois, l’anxiété a plus de
conséquences que les phéno­
mènes incriminés. Quoi qu’il
en soit, il est important de ne
pas laisser subsister les inquié­
tudes. Le médecin du travail
est aussi là pour lever les dou­
tes et explorer la situation de
travail dans son ensemble, en
prenant en compte tous les
facteurs environnementaux et
sociaux. La décision d’extraire
le salarié à la source, qui peut
exceptionnellement être prise
au cas par cas, doit également
s’accompagner d’une infor­­
mation. Il faut bien expliquer
aux salariés que leurs inquié­
tudes peuvent elles-mêmes
avoir une incidence sur les
symptômes qu’ils observent.
1. Ndlr : Lire à ce sujet l’article sur l’entreprise
Sipack, pages 26 et 27.
2. Ndlr : Lire également les articles sur TDF
et la Tour Eiffel, pages 30 et 31.
Propos recueillis par G. B.
En attendant 2012
La prévention
au stade de la conception
Les basses fréquences
constituent une
famille de champs
électromagnétiques
présents en milieu
professionnel. Elles
sont notamment
rencontrées dans
les usines d’électrolyse
(du chlore,
de l’aluminium).
Illustration auprès
de deux entreprises
de cette filière.
E
xistant depuis plus de
cent ans, la production
de chlore par électrolyse
nécessite des équipements
électriques de puissance tels
les transformateurs, redres­
seurs et barres de cuivre reliant
les redresseurs aux électroly­
seurs. Ces appareils véhiculent
des courants continus impor­
tants et génèrent des champs
électromagnétiques statiques
auxquels sont superposés des
champs alternatifs résiduels
de basse fréquence (300 Hz,
600 Hz…). Or, les procédés
nécessitent parfois la présence
de salariés à proximité de ces
équipements, pour des rai­
sons de maintenance ou de
production.
© Stéphane Lacroix pour l’INRS
Limiter l’accès aux
cabines de redresseurs
Comment les entreprises
concernées abordent-elles la
question de l’exposition de
leurs salariés ? Qu’est-ce qui est
mis en œuvre concrètement ?
« Bien que la transposition de
la directive soit repoussée au
30 avril 2012, nous continuons
à évaluer les niveaux d’expo­
sition, à réaliser des mesurages
et à chercher à concevoir des
instal­lations générant des
champs électromagnétiques moindres, ainsi
que des modes opératoires exposant moins
les personnels, répond
Jean-Paul Viallefont,
ingénieur électricien
chez Arkema, entre­
prise de chimie. Nous
sommes en train de
finaliser la mise au point d’une
nouvelle série de mesures avec
un autre appareil pour pallier
une certaine compensation
entre les ondes de différentes
fréquences. »
Même approche chez Solvay,
autre producteur de chlore.
« Notre stratégie est de faire
en sorte que les zones acces­
sibles au personnel restent à des
valeurs inférieures aux valeurs
d’action et que l’accès aux zones
où le champ est supérieur, ainsi
qu’à l’intérieur des cabines de
redresseurs, soit limité, explique
Joachim Lange, ingénieur élec­
tricien de l’entreprise. Depuis
1999, nous avons recherché des
solutions techniques pour répondre au mieux aux exigences de
la directive. Cela a donné lieu
à deux brevets. Nous sommes
ainsi intervenus sur les moyens
de conception même des s­alles
d’électrolyse “bipolaires”, la technologie d’électrolyseurs la plus
récente. »
L’impact des très basses fré­
quences de champs électroma­
gnétiques sur la santé apparaît
relativement limité. Si certains
symptômes réversibles (réflexes
nerveux, perturbation de la per­
ception de la vision comme les
magnétopho­s­phènes) ont pu
être observés pour des inten­
sités supérieures à celles des
installations d’électrolyse, les
études médicales publiées dans
différents pays n’ont pas mon­
tré d’effets négatifs sur la santé
des travailleurs exerçant dans
les installations d’électrolyse.
« Dans la directive, la valeur d’action définie est inférieure d’un
facteur 30 aux effets observa-
bles. », indique Joachim Lange.
De fait, la mise en œuvre de la
directive européenne n’est pas
aisée pour les chloriers.
Trop éloignée
de la pratique
« La directive présente des
valeurs d’action sévères et des
limites d’exposition à l’intérieur du corps humain non
mesu­rables. Elle doit donc
être améliorée en expliquant
notamment comment calculer le courant induit dans le
corps humain. Étant donné les
valeurs limites retenues, l’application stricte de la directive telle
qu’elle existe aujourd’hui pénaliserait toute l’industrie européenne du chlore par rapport à
d’autres producteurs comme le
Japon », précise Joachim Lange.
Les différents chloriers se sont
associés au sein du syndicat
EuroChlor afin de travailler sur
des méthodes de sécurité, des
méthodes de mesures ainsi
que des solutions réduisant les
champs électromagné­tiques.
Par ailleurs, le Cenelec (Comité
européen de la normalisation
électrotechnique) réfléchit
actuellement à la rédaction
d’une norme relative à la
mesure des champs de tous
types (magnétiques, électri­
ques, multifréquentiels, pul­
sés…). « La situation demeure
évolutive en attendant la
transposition de 2012, et nous
la suivons avec le plus grand
soin en essayant d’anticiper… »,
conclut Jean-Paul Viallefont.
C. R.
Travail & Sécurité 05 - 08
25
Soudage haute fréquence
De la difficulté d’évaluer
l’exposition des salariés
A
u seuil de l’atelier, des
pictogrammes signa­
lent la présence de
rayonnements non ionisants.
Sur la ligne de condition­
nement, un groupe de femmes
s’active… En tête de ligne, elles
sont deux à placer le produit
dans des coquilles de plastique,
puis à les disposer rapidement
sur le tapis d’alimentation.
Près de la soudeuse, la chef de
ligne, postée sur une palette
en bois qui la met au niveau de
son poste de travail, alimente
le carrousel de la presse. Elle
place deux jeux de boîtes dans
les « contre-électrodes » avant
de les couvrir d’une feuille
de plastique. Toutes les neuf
secondes, le carrousel effectue
un quart de tour. La machine
soude alors pendant deux
secondes en émettant des
ondes électromagnétiques
à la fréquence de 27 MHz.
Au quart de tour suivant, les
emballages soudés viennent
se positionner devant l’opé­
ratrice qui est chargée de les
évacuer, elle aussi debout sur
une palette en bois. Durant les
deux secondes du « soudage »,
un champ électromagnétique
intense est venu chauffer le
plastique pour souder les élé­
ments en contact.
Un accès à
l’information difficile
Comment évaluer le degré
d’exposition d’une personne
placée à proximité du géné­
rateur dans ces conditions de
production ? « Il est vraiment
difficile de trouver des informations, surtout quand on
est une PME dotée de peu de
moyens et qui possède peu de
compétences sur le sujet. Cela
© Yves Cousson/INRS
L’évaluation de
l’exposition à un champ
électromagnétique
se révèle difficile,
car elle dépend de
nombreux paramètres.
L’entreprise Sipack
en a fait l’expérience
avec l’aide du Centre
de mesures physiques
de la CRAM de
la région Centre.
Cette PME spécialisée
dans le conditionnement
à façon (blisters) utilise
des presses de soudage
haute fréquence
dans ses ateliers.
Ces équipements
exposent le personnel
à des rayonnements
électromagnétiques.
26
Travail & Sécurité 05 - 08
doit en décourager plus d’un »,
indique Ludovic Francini, direc­
teur de l’entreprise. Il évoque
les dix-huit mois passés à
rechercher des informations
sur les champs électromagné­
tiques et, surtout, à identifier
un organisme susceptible de
lui fournir des données objec­
tives sur l’exposition de ses
salariées. C’est finalement le
médecin du travail qui l’a mis
mètre, ils relèvent les valeurs
du champ électromagné­tique
en différents points de l’en­
vironnement immédiat du
générateur. Les mesures sont
inférieures à celles de la cam­
pagne précédente. Mais il est
difficile de comparer ce qui
n’est pas comparable : l’expo­
sition dépend de la configu­
ration de travail, de la durée
d’émission du champ, de la
Le conditionnement à façon
L
en contact avec le Centre de
mesures physiques (CMP) de
la CRAM du Centre.
« Nos inquiétudes, lorsque nous
avons contacté le CMP, étaient
réelles et sérieuses. Mais l’idée
que nous nous en faisions était
fausse. Nous avons découvert
des paramètres auxquels nous
n’avions pas pensé », pour­
suit-il. Aujourd’hui, Christian
Bonnet et Philippe Defrance,
contrôleurs de sécurité au
CMP de la CRAM du Centre,
vérifient que les dispositifs de
protection mis en place par
l’entreprise suite aux préconi­
sations du CMP sont efficaces.
Il s’agissait principalement de
l’amélioration du blindage en
cuivre existant. Avec un champLes opératrices travaillent à
proximité des postes à souder,
pas toujours équipés de blindage.
L’entreprise a cherché à savoir
si ses employées étaient exposées
à des champs électromagnétiques
élevés.
cadence, du produit fabri­
qué et de l’éloignement du
personnel. Comme l’indique
Christian Bonnet, « la cadence
aujourd’hui est élevée. La première fois, le temps de soudage était de 3 secondes pour
une séquence de 45 secondes
et les produits fabriqués différents. Et la configuration
intervient aussi : à 20 cm de
distance, le champ peut être
très différent ».
Des blindages
en option
Le CMP dispose d’une pince de
courant permettant de mesu­
rer le courant induit dans le
corps des opératrices par la
proximité du champ électro­
magnétique à haute fréquen­
ce. Les résultats restent très
en dessous des valeurs d’ac­
tion réglementaires, fixées
à 100 mA. La mesure réali­
sée avec la pince de courant
© Yves Cousson/INRS
’entreprise Sipack opère dans le secteur très concurrentiel
du conditionnement à façon. Dans ce secteur à faible
marge, l’adaptabilité, la réactivité et les services sur mesure
au client sont les meilleurs arguments de vente. Le quotidien
y est rythmé par les changements permanents de production.
En effet, toute commande passée avant midi est sur les lignes
de conditionnement le lendemain. Les effectifs permanents
(environ 20 personnes dont une majorité de jeunes femmes)
sont complétés par des intérimaires fidélisées selon la charge
de travail.
Le CMP a mesuré le courant électrique grâce à des pinces de courant
placées aux chevilles des opérateurs : les résultats sont inférieurs
aux valeurs d’action réglementaires.
placée autour de la cheville
démontre l’intérêt de l’isola­
tion électrique procurée par
la palette en bois sur laquelle
travaillent les opératrices.
L’entreprise insiste sur la fia­
bilité et la sécurité de son outil
de travail qu’elle fait vérifier
régulièrement. Toutefois, cela
ne suffit pas. Dans l’atelier,
sur les cinq lignes de condi­
tionnement avec soudeuses
haute fréquence, une seule
est équipée d’un blindage
d’origine. « Les fournisseurs et
constructeurs proposent ce­r­
taines protections, mais en
option afin de tirer les prix au
plus bas, constate Christian
Bonnet. Cela conduit cer­taines
entreprises, conscientes du
risque, à aménager leurs propres protections, sans garantie
d’efficacité. »
C. L.
Travail & Sécurité 05 - 08
27
Télédiffusion de France
Un risque maîtrisé
TDF exploite
des installations
radioélectriques
dans des gammes de
fréquences comprises
entre 162 kHz et
40 GHz. Ses trois
principales activités
concernent
le personnel intervenant
sur ses 7 000 sites :
l’implantation
d’antennes à proximité
d’autres installations
déjà en service,
la maintenance
préventive et la
maintenance corrective,
ces deux dernières
exposant à des
émissions courtes,
mais répétées.
Entretien avec Éric
Chargy, pilote national
de la prévention
des risques au sein
de TDF.
■ Travail et Sécurité : Le risque
électromagnétique est-il dominant pour TDF ?
Éric Chargy, pilote national de
la prévention des risques : TDF
est confrontée à quatre grands
risques professionnels : routier
(un millier de nos salariés se
déplacent quotidiennement
sur les routes), électrique, les
chutes liées aux interventions
en hauteur et le rayonnement
électromagnétique. Pour ce
dernier, nous n’avons jamais
connu d’accident lié à une
surexposition, sur un effectif
de 600 à 800 salariés amenés
à intervenir sur nos sites.
■ Que met en œuvre TDF pour
que le risque électromagné­
tique reste maîtrisé ?
É. C. : Nos ingénieurs pren­
nent en compte les aspects
exposition des personnes aux
champs électromagnétiques
et depuis 2002-2003, notre
entreprise a mis en place dif­
férentes procédures d’inter­
vention sur sites ainsi que
des outils pratiques. Il s’agit
de l’identification et l’évalua­
tion des risques ; d’une pla­
nification sécurité reposant
sur une cartographie de tous
nos sites et leur classement
en différentes zones selon le
degré d’exposition ; de la for­
mation et l’information des
salariés. Suite à une campa­
gne de mesures sur nos sites,
les voies d’accès et les postes
de travail ont été classés en
quatre catégories : zone 1
(exposition <61 V/m), zone 2
(de 61 à 122 V/m), zone 3
(122 à 200 V/m) et zone 4
(>200 V/m). Au total, 400 sites
sur lesquels des mesures spé­
cifiques sont à prendre ont
été identifiés, dont une petite
vingtaine en zone 4. Des pan­
neaux de signalisation et d’in­
formation sont affichés sur
chacun d’entre eux. Et, selon
la zone et la durée d’interven­
tion, différentes règles doivent
être respectées.
© Stéphane Lacroix pour l’INRS
■ Quelles protections collec­
tives utilisez-vous sur le
terrain ?
28
Travail & Sécurité 05 - 08
É. C. : Dans la mesure du pos­
sible, nous installons près
des antennes des protections
métalliques qui font office de
cage de Faraday (grillage, pan­
neaux métalliques à barreaux,
jupes métalliques inversées).
De façon plus anecdotique,
il est apparu que les crino­
lines sur les échelles, prévues
contre les chutes de hauteur,
ont également un effet pro­
tecteur qu’il est possible de
renforcer par la pose d’un
grillage. Et ponctuellement,
lorsque c’est nécessaire, nous
réduisons la puissance d’émis­
sion des antennes le temps de
l’intervention.
■ Et pour les protections
individuelles ?
É. C. : Nous avons fait appel à
un fabricant qui a conçu une
combinaison répondant pré­
cisément à nos besoins. Il en
existait déjà sur le marché,
mais elles étaient inadaptées,
tant en termes de protection
que d’ergonomie. L’EPI en ques­
tion est un mélange polyestercoton intégrant un maillage
fin en acier inox, qui présente
les caractéristiques d’une
cage de Faraday : lorsqu’on
le porte, on se retrouve à un
niveau d’exposition équiva­
lent à une zone 1. Il présente
par ailleurs l’avantage d’être
porté en sous-vêtement et
non en survêtement, d’où un
encombrement moindre. Dans
le cadre de notre obligation
d’employeur, nous fournissons
cette combinaison à nos sala­
riés, ainsi que des kits « pocket
sécurité ». Ce sont des fiches
qui rappellent les consignes
de prévention à suivre sur nos
sites. Ces kits sont également
mis à disposition de nos pres­
tataires et de nos clients. Il n’y
a pas de distinction dans les
Des obstacles au repérage
I
l existe six familles de champs
électromagnétiques : les champs statiques,
les basses fréquences, les moyennes
fréquences, les hautes fréquences,
les hyperfréquences et les télécommunications.
Il n’est pas toujours aisé de rapporter
l’exposition à une source électromagnétique
dans un environnement de travail aux
caractéristiques mêmes de cette source.
En l’absence d’autre référence, on peut
se reporter à la classification élaborée par
le ministère néerlandais des Affaires sociales
et de l’Emploi. Selon cette classification,
les environnements de travail réputés donner
lieu à une exposition acceptable a priori
sont listés dans un tableau 1. Les autres
sont regroupés en trois catégories dans
un tableau 2, une division visant à simplifier
la procédure d’évaluation des risques
et à définir les mesures de protection
nécessaires à mettre en place. Les principaux
effets observés connus lors des interactions
avec les champs électromagnétiques
sont les effets directs (champ/organisme)
et indirects (champ/élément intermédiaire/
organisme). Si les effets biologiques
ou sanitaires à court terme sont connus,
l’impact sur la santé à plus long terme
interroge. « Les seuls effets avérés
sur la santé sont la stimulation électrique
du système nerveux et l’hyperthermie,
explique Yaël Ganem, médecin-conseil à l’INRS.
En cas de suspicion, le médecin du travail
est relativement démuni : aucun examen
complémentaire ne peut être prescrit
pour détecter les effets sur la santé pour
un salarié exposé à un champ magnétique. »
Ses seules armes : l’examen clinique
classique, des mesures de champ sur le poste
de travail, les tests du retrait temporaire
et, le cas échéant, la consultation de
pathologie professionnelle. « Le lien entre
une exposition et l’apparition de symptômes
n’est pas établi. L’enjeu aujourd’hui
est d’objectiver l’absence de dépassement
de valeur limite d’exposition, ajoute Yaël
Ganem. Pour les populations dites sensibles,
femmes enceintes, porteurs d’implants
médicaux, personnes qui présentent
des antécédents de cancer, le médecin
du travail peut prendre la décision d’appliquer
un principe de précaution ou d’évitement
et les soustraire à certains postes. »
Cette situation, qui ne s’appuie sur aucune
base scientifique, est toutefois loin de faire
consensus.
G. B.
règles ni dans les moyens de
prévention entre nos salariés
et le personnel externe inter­
venant sur nos sites.
■ Des formations ont-elles été
délivrées au personnel ?
É. C. : Oui, 85 % du personnel
de TDF, tous services confon­
dus, a suivi une formation sur
le sujet. Il est légitime, étant
donné notre domaine d’ac­
tivité, que chacun connaisse
les risques du secteur et soit
à même de les comprendre
et d’en parler. Nos médecins
ont également été formés
et informés, afin d’homogé­
néiser leurs connaissances,
toujours dans l’optique de
parler le même langage avec
les mêmes références.
■ Pouvez-vous nous donner
un ordre de grandeur financier
correspondant à ces investissements ?
É. C. : Nous avons financé
la phase d’ingénierie et de
déploiement du projet :
études théoriques, simula­
tions, matériel de mesure,
EPI. Il est difficile de chiffrer
le temps consacré aux mul­
tiples réflexions sur le sujet.
Aujourd’hui, les investisse­
ments concernent plus spéci­
fiquement l’actualisation des
données et le renouvellement
du matériel, comme les combi­
naisons, qui ont une durée de
vie limitée (45 lavages) et dont
le prix unitaire est d’environ
600 euros.
Propos recueillis par C. R.
Travail & Sécurité 05 - 08
29
Scintillement de la Tour Eiffel
Le dernier étage ne brillera pas
P
renez un monument his­
torique emblématique :
la Tour Eiffel. Prévoyez
durant plusieurs mois la pose
manuelle de milliers d’ampou­
les pour la faire scintiller de
mille feux tous les soirs. Tenez
compte de la présence de
multiples émetteurs de radio­
fréquences en son sommet.
À quels risques s’exposent
les opérateurs intervenant
à proximité immédiate des
antennes situées au sommet
de l’édifice, le « 6e étage » ?
C’est le médecin du travail de
la société Jarnias, employeur
des cordistes ou « alpinistes de
la Tour Eiffel », qui, le premier,
s’est inquiété des risques éven­
tuels que pouvaient encourir
ses opérateurs. Afin d’établir
un état des lieux préalable, il
a fait appel au contrôleur de
sécurité de la Cramif, Magali
Gaultier-Lecossec.
Une démarche
durable
Une campagne de mesures
impliquant le Centre de mesu­
res physiques de la Cramif a
alors été réalisée. « Cette étude
Caractéristiques
du chantier « scintillement »
• Fréquences : de 88 à 108 MHz.
• Puissance : environ 20 kW dans chaque direction.
• Intensité du champ : jusqu’à 1 100 V/m.
• Temps de pose estimé par projecteur : 30 minutes.
• Pour l’ensemble du chantier :
– 20 000 ampoules pour un total de 3 tonnes ;
– 800 guirlandes électriques de 25 kg chacune
pour une longueur de 18 km ;
– 30 km de câbles.
30
Travail & Sécurité 05 - 08
© Stéphane Lacoix pour l’INRS
S’éloigner de la source
émettrice est l’une des
solutions préconisées
pour se protéger
des rayonnements
électromagnétiques.
C’est celle qui a été
retenue lors du chantier
« scintillement »
sur la Tour Eiffel.
Ainsi, risquant d’exposer
les opérateurs
à des champs trop
élevés à proximité
des antennes, le maître
d’ouvrage a renoncé
à la pose d’ampoules
sur les arceaux
au sommet de l’édifice.
a été l’occasion d’une véritable
prise de conscience. Jusqu’alors,
peu de personnes avaient réalisé
la problématique que posent
les champs électromagnétiques
en milieu professionnel », note
Dominique Beaumont, méde­
cin à la Cramif. Preuve que
la prise de conscience sur les
rayonnements non ionisants en
milieu professionnel est relati­
vement récente. « Au 5e étage
(passerelle technique inférieure
située au bas des arceaux), nos
Mesures de prévention
- Identification et caractérisation des sources d’émission ;
- balisage des zones ;
- information des entreprises ;
- suppression ou diminution de l’émission lors
des interventions lorsque c’est possible ;
- information des médecins du travail pour organiser
un suivi adapté ;
- vêtements de protection compatibles avec les tâches
et équipés de badges sonores ;
- temps d’interventions fixés en fonction de la pénibilité
globale du travail pour le port des EPI.
mesures du champ électrique
ont atteint 63 V/m. Au 6e étage,
juste sous les antennes FM, les
résultats ont donné 400 V/m.
Et juste devant les antennes, les
valeurs sont montées jusqu’à
1 100 V/m, soit près de 20 fois
la valeur déclenchant l’action
fixée par la directive européenne, qui est de 61 V/m »,
précise Emmanuel Marteau,
ingénieur-conseil, qui a réa­
lisé les mesures pour le Centre
de mesures physiques de la
Cramif. La santé des opéra­
teurs passant avant les beaux
feux de la Dame de fer, il était
exclu que les interventions se
déroulent à proximité d’anten­
nes en fonctionnement.
Des zones
trop exposées
Alors, que faire ? La solution la
plus efficace pour supprimer
le risque – l’interruption de
l’émission des antennes lors
de l’intervention – n’étant pas
envisageable, il a fallu trouver
une alternative. La diminution
de la puissance étant propor­
tionnelle au carré de la dis­
tance à la source, la solution
retenue a été l’éloignement
des opérateurs. Ils ne sont donc
pas intervenus dans les zones
les plus exposées. Ainsi, l’ins­
tallation initialement prévue
de 36 projecteurs sur chacun
des quatre arceaux de la partie
sommitale a été abandonnée.
« Des mesures de protection
collectives (cage de Faraday) et
individuelles (combinaisons de
protection) étaient déjà mises
en place sur le site depuis 1999.
Cette campagne de mesures a
permis d’établir un protocole
d’intervention définissant clairement des durées de présence
en fonction de zones autour
des émetteurs », note Gérard
Navarre, chef du service sécu­
rité à la Société d’exploitation
de la Tour Eiffel.
Un balisage a par ailleurs été
installé autour du site « sensi­
ble ». Des EPI – combinaisons
avec tissage métallique – ont
également été mis à dispo­
sition des opérateurs. Et une
large campagne d’information,
incluant les mesures de pré­
vention à mettre en œuvre sur
le site, a été diffusée auprès de
toutes les entreprises inter­
venant au 6e étage : outre les
cordistes, TDF, SPR (peintres),
Amec-Spie (électriciens), Otis
(ascensoristes).
Une prévention
collective
Les mesures de prévention
ont donc pris diverses formes,
de la modification du projet
initial au balisage des zones
exposantes en passant par
une information des entre­
prises intervenant sur zone.
« Au-delà des mesures mises en
place à l’occasion de ce chantier,
la démarche peut être qualifiée
de durable puisqu’elle est toujours suivie par les entreprises
chargées de travaux d’entretien
ou de maintenance », résume
Dominique Beaumont. « Notre
objectif est désormais de parvenir à supprimer le port, relativement contraignant, des
combinaisons en augmentant
encore les surfaces des cages
de Faraday. Et nous commençons également à obtenir des
périodes de coupure d’émission
la nuit de la part de certains
opérateurs », conclut Gérard
Navarre. La solution idéale
pour éliminer tout risque
électromagnétique.
C.R.
Maintenance
des antennesrelais
L
es antennes-relais de
téléphonie mobile sont
installées pour une large
part sur des édifices qui
n’appartiennent pas aux
opérateurs. La maintenance
des sites – installations
électroniques et ouvrages
qui les accueillent – étant
réalisée par des prestataires
externes, le nombre d’acteurs
concernés (y compris le
gestionnaire du site) devient
vite très important. Or, la mise
en œuvre d’une démarche
coordonnée de prévention
est délicate. « La véritable
mesure de prévention
consiste à couper l’émission
des antennes le temps
de l’intervention. Nous tentons
de faciliter le dialogue entre
les différentes parties, mais
ce n’est pas simple car tous ne
parlent pas le même langage,
explique François Blanchard,
ingénieur-conseil à la Cramif.
En théorie, les opérateurs
se sont engagés à couper
les antennes lorsque c’est
nécessaire. Cette action est
généralement réalisée
à distance et, dans les faits,
le salarié sur le site n’a pas
le moyen de s’en assurer.
C’est pourquoi, parmi
les mesures que nous
demandons (1), figure
l’installation sur l’antenne
d’un moyen visuel d’émission,
comme un voyant lumineux. »
1. Voir en particulier la note technique
n° 19 publiée par la Cramif – DTE140
(téléchargeable sur www.cramif.fr)
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