PDF - Centre for Contemporary Canadian Art

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 INTIMITÉ, DOMESTICITÉ ET ARCHITECTURE PRÉFABRIQUÉE DANS LES
ŒUVRES DE ANNIE POOTOOGOOK ET ITEE POOTOOGOOK
Noémie Despland-Lichtert
Situation géographique du village de Cape Dorset au Nunavut
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cape_Dorset
Village de Cape Dorset
http://canada.meteosun.com/meteo/previsions-ville/CA/cape-dorset-CAXX0617
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
Cette exposition présente les œuvres de deux artistes, Annie Pootoogook et Itee Pootoogook,
originaires du Village de Cape Dorset sur l’île Dorset, près de la Péninsule de Fox au Nunavut.
La population du village, environs 1300 habitants, est en grande majorité inuite. Dans ce village,
l'économie traditionnelle repose sur la chasse, principalement celle du phoque, mais beaucoup
d’habitants sont des artistes. On y trouve une coopérative d’artistes, la « West Baffin Eskimo Cooperative Limited », qui regroupe des sculpteurs, dessinateurs et graveurs, ainsi que le célèbre
atelier gravure de Dorset, tous deux fondés en 1959. Cet atelier regroupe les plus célèbres parmi
les artistes inuits contemporains. Leurs représentations minutieuses et précises de scènes
d’intérieur plongent le spectateur dans l’intimité du foyer inuit. Les thèmes de la famille, de la
domesticité, de la sphère personnelle, mais aussi de la modernisation, de la mondialisation et de
la colonisation saturent les œuvres de ces artistes. Ces thèmes sont directement liés et
perceptibles au travers de l’architecture des ces maisons préfabriquées. Ce type d’habitations ont
été choisies pour être peu coûteuses et rapidement construites, mais elles ne sont pas toujours
appropriées aux besoins de la population locale. Les dessins de Annie et Itee Pootoogook nous
montrent l’architecture, et plus particulièrement l’organisation spatiale des pièces de ces maisons.
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Igloo
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Iglu_1_1999-04-02.jpg
Qaemaq (maison en os de baleine)
http://en.wikipedia.org/wiki/Qarmaq
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Au-delà du design, je m’intéresse à la réponse sociale, émotive et personnelle des utilisateurs de
ces habitations. J’estime que les œuvres de Annie Pootoogook et Itee Pootoogook proposent une
vision du vécu de cet espace et de leur réponse affective en tant qu’utilisateurs. Les œuvres
choisies l’ont été selon trois thèmes, celui de la télévision au sein du foyer, celui des
marchandises importées et vendues à Cape Dorset, principalement des aliments transformés, et
finalement celui de l’architecture des maisons préfabriquées vues depuis l’extérieur dans le
paysage du village. Traditionnellement les habitants de Cape Dorset vivaient dans des maisons
construites en os de baleine à l’automne et en hiver, appelées « qarmat », et dans des tentes l’été.
Les igloos étaient construits principalement lors des déplacements.1 Une autre partie de la
population inuite vivait tout l’hiver dans des igloos. Cette construction en forme de dôme est
réalisable rapidement avec des matériaux disponibles sur place et protège efficacement du froid.
Plusieurs techniques de construction existent à partir de neige et de glace et toutes requièrent un
savoir-faire afin que la structure en forme de dôme ne s’écrase pas.2
Intérieure d’une maison préfabriquée
http://www.museevirtuel-virtualmuseum.ca/edu/ViewLoitLo.do;jsessionid=
1120412DB597EF2E1A3EABEBD4483841?method=preview&id=10752&lang=FR
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Famille inuit à l’intérieure d’une maison préfabriquée
http://www2.brandonu.ca/tyman/inuit205.html
Dans les années cinquante, en plein contexte de guerre froide, les Inuits deviennent intéressants
aux yeux du gouvernement canadien car ils occupent un territoire stratégique : celui du Grand
Nord. Des numéros d’identification et des certificats de naissance leurs sont attribués. Les
allocations familiales deviennent alors un argument pour encourager la sédentarisation. Cette
sédentarisation forcée entraîne de nombreuses relocalisations. À partir du début des années
soixante, des maisons préfabriquées, des écoles et des dispensaires sont envoyés par le
gouvernement pour équiper ces nouveaux villages. Ces maisons sont construites sur le pergélisol,
un sol gelé en permanence au long de l’année. L’architecture traditionnelle est abandonnée car
elle ne correspond plus à ce nouveau mode de vie sédentaire.
L’organisation de l’espace dans les maisons traditionnelles inuites et celle des maisons eurocanadiennes sont différentes. Peter Colin avance que la forme de l’organisation spatiale du foyer
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reflète les formes de l’organisation de la famille et que ces nouvelles maisons préfabriquées ne
correspondent pas aux valeurs, aux traditions et aux relations sociales des familles inuites
contemporaines.3 Entre autres, les nouvelles maisons euro-canadiennes, organisées pour une
famille nucléaire, diminuent la solidarité entre les familles inuites élargies. Pourtant ces
habitations on été préférées par le gouvernement à des fins, entres autres, administratives, soit de
réunir les familles nucléaires à la même adresse.4 Plusieurs erreurs de design rendent ces
habitations inadaptées aux besoins de la région et des utilisateurs. Les nouvelles constructions
sont trop compartimentées, la ségrégation spatiale des maisons euro-canadiennes ne correspond
pas à celle des habitations traditionnelles inuites. Ces excès de compartimentation nuisent aux
relations familiales entre les habitants de la maison. Par exemple, des espaces où la cuisine et la
pièce commune, salle à manger/salon seraient réunis conviendraient beaucoup mieux aux type
d’activités des familles.5 Le problème principal dans le design de ces habitations est que les
utilisateurs ne sont pas consultés pour les choix de design. Ces habitations sont conçues par des
Quallunaat ne connaissant pas les spécificités climatiques de la région ni surtout les besoins des
utilisateurs inuits en fonction de leur mode vie.6 Malgré leurs formes simples, à priori
transformables et modulables, elles restent dysfonctionnelles pour les habitants de la région. La
famille inuite s’organise généralement autour d’un père de famille, mais le foyer peut inclure sa
ou ses femme(s), ses parents, frères et sœurs et même cousins. En outre, auparavant plusieurs
familles nucléaires pouvaient demeurer dans la même tente.7
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Cuisine d’une maison préfabriquée
http://www2.brandonu.ca/tyman/inuit205.html
Ustensile de cuisine entreposé au sol
Canada Mortgage and Housing Corporation and Inuit Tapirisat of Canada, Research and
consultation project concerning Inuit housing across Canada
De plus, le type d’activités domestiques des familles inuites diffèrent de celles des familles eurocanadiennes. Par exemples, des espaces non chauffés pour entreposer en toute sécurité le matériel
de pêche et de chasse sont nécessaires. Des éviers et des armoires plus grandes pour cuisiner des
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aliments traditionnels sont aussi indispensables. Ces problématiques s’ajoutent à une crise du
logement généralisée au Nunavut. Effectivement, la plupart des ces habitations sont surpeuplées
et ne sont pas suffisamment nombreuses pour le nombre d’habitants de la région. Jusqu’à treize
personnes, dont plus de la moitié sont souvent des enfants, peuvent habiter dans une seule maison
à raison de jusqu'à quatre personne par chambre.8
Annie Pootoogook
Family Returning from the Grocery Store
2004-2005
Crayons de couleurs sur papier
Art Gallery of Ontario. Inuit Modern: The Samuel and Esther Sarick Collection. Toronto;
Vancouver; Berkeley: Art Gallery of Ontario; Douglas & McIntyre, 2011, 185.
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Annie Pootoogook est née à Cape Dorset en 1969, elle a commencé sa carrière d’artiste en 1997.
Ses œuvres sont de grands formats réalisés aux crayons de couleurs et représentant des moments
de sa vie quotidienne. Elle a longtemps travaillé au sein de la Coop d’artistes de Cape Dorset,
mais elle a aujourd’hui quitté sa ville natale pour s’établir à Ottawa.9 En 2006, elle gagne le prix
Sobey Art Award d’une valeur de 50 000 dollars et reçoit alors beaucoup de visibilité dans le
monde de l’art contemporain.
Dans ce tableau nous sommes transportés dans l’intimité d’un foyer de Cape Dorset. Les quatre
personnages semblent tous être des enfants et le titre nous indique qu’ils reviennent du
supermarché. Les marchandises sont représentées et identifiées avec beaucoup de détails, il est
écrit sur chacune d’entre elles de quoi il s’agit. Les personnages ne semblent pas poser, ni
participer à aucun type d’activité extraordinaires; il s’agit simplement d’un cliché d’une scène
quotidienne. Chaque enfant semble continuer le mouvement du personnage précédent depuis la
porte d’entrée, jusqu’à être confortablement assis par terre. Les mouvements de leurs corps
structurent le tableau et donnent une impression de rythme et d’action à la scène. L’extincteur sur
le mur nous rappelle à quel point les incendies sont une menace courante pour les Inuits qui
habitent ces nouvelles maisons préfabriquées facilement inflammables et inadaptées au climat, en
raison de leur construction en bois et en contreplaqué. La multiplicité des éléments de décoration
donne un caractère personnel et intime à cet intérieur; et pourtant, leur petite taille renforce
l’impression de vide. Les murs semblent vastes, pas encore remplis, comme si cette nouvelle
architecture préfabriquée moderne n’avait pas eu le temps d’être apprivoisée, habitée et adoptée
véritablement par ses habitants. Ce tableau nous montre aussi, qu’étonnamment ces maisons
préfabriquées n’ont aucun sas d’entrée, et que la porte extérieure donne directement sur la pièce
principale : ce qui est particulièrement inadapté à un climat froid. Ce dessin documente l’absence
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de réel design architectural dans la conception de ces maisons, ainsi que le type d’alimentation et
le quotidien des habitants.
Manifestation du 12 octobre 2012
https://www.facebook.com/media/set/?set=oa.292642297515021&type=1
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Manifestation du 12 octobre 2012
https://www.facebook.com/media/set/?set=oa.292642297515021&type=1
Il est aussi important de mentionner que les aliments importés sont particulièrement chers dans le
Nord car le transport est très couteux et pas suffisamment subventionné. Seule la nourriture locale
est abordable. Par exemple, un litre de lait coute six dollars, cinq lb de pommes de terres coûtent
dix dollars.10 De plus, de la nourriture de moindre qualité, et parfois même avariée, est vendu
dans le Nord, toujours à des prix exorbitants. Les Inuits manifestent régulièrement pour avoir
accès à de la nourriture à un prix correct. Certains d’entre eux se sont même tournés vers
l’agriculture à domicile pour pouvoir consommer des fruits et légumes frais.11 On peut imaginer
que ce tableau commente et critique le manque d’accès à de la nourriture abordable pour les
habitants de Cape Dorset. On peut d’ailleurs se demander si le nouveau mode de vie sédentaire et
ces maisons aux cuisines inadéquates auraient poussé les Inuits à devenir dépendants de
marchandises importées.
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Annie Pootoogook
Watching Dr. Phil
2006
Crayons de couleurs sur papier
http://m.theglobeandmail.com/arts/art-and-architecture/annie-pootoogook-onpaper/article4482668/?service=mobile
Dans cette seconde œuvre, plusieurs exemples de commodités modernes sont visibles. On voit
une télé, une radio, une lampe et un téléphone sans fil. La scène est sans aucun doute une scène
contemporaine. Les vêtements du seul personnage représenté donnent l’impression qu’il s’agit
d’un intérieur bien chauffé. Cet intérieur moderne n’a rien à voir avec celui d’habitations plus
traditionnelles de la région.
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Malgré le fait que ce type de maison pourrait être retrouvée n’importe où ailleurs dans le monde,
la fenêtre aux rideaux ouverts donne sur un paysage enneigé. Cette ouverture sur l’espace
extérieur permet de situer la scène dans le contexte de Cape Dorset.
Dans le téléviseur, on reconnaît le visage du célèbre animateur de l’émission Dr. Phil, un talk
show américain mettant en scène des familles dysfonctionnelles recevant les conseils du
psychologue. Il semble s’agir d’un détail très important; c’est aussi celui-ci qui donne son titre à
l’œuvre. Cette émission est un exemple de mondialisation culturelle. Si Cape Dorset reste très
difficilement accessible puisqu’aucune route ne le dessert, le village n’en n’est pas pour autant
coupé du monde. La télévision le relie au reste du monde à travers des mésaventures des invités
du talkshow du Dr. Phil. Plus particulièrement, ces mésaventures sont toujours des conflits
familiaux. Annie Pootoogook représente parfois beaucoup plus clairement la présence de
violence conjugale ou d’abus au sein du foyer inuit, mais dans cette œuvre, les difficultés
familiales sont évoquées au travers des téléviseurs plutôt que dessinées.
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Annie Pootoogook
Memory of my Life: Breaking Bottles
2002
Encre et crayons de couleurs sur papier.
http://beachpackagingdesign.typepad.com/boxvox/2010/06/memory-of-my-life-breakingbottles.html
Dans cette troisième œuvre l’artiste fait son portait cassant des bouteilles d’alcool derrière la
maison. Elle mentionne ici les problèmes d’alcoolisme, mais aussi sa propre souffrance face à
ceux-ci et son désir de s’en débarrasser. À nouveau, l’architecture dépouillée de la maison est
bien présente, et la fenêtre, sans rideau, ni stores, ni volets, permet de voir très clairement depuis
l’extérieur, l’intérieur de la maison. Les jonctions entre les différentes plaques de contreplaqué de
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la charpente ouverte sont bien visibles. C’est la structure même de l’habitation qui est
représentée. À droite de l’image on peut aussi voir le réservoir de mazout qui sert au chauffage
des maisons et qui constitue une des causes d’incendie de la région. En effet, ils sont parfois mal
entretenus car cet entretien est très couteux.
L’architecture du domicile semble avoir beaucoup d’importance dans la scène.
Une très
importante partie de la surface du tableau est couverte par les murs extérieurs de la maison. Le
bâtiment semble activement faire partie de la scène, occuper la place d’un protagoniste; c’est
celui-ci qui permet à Annie de se cacher par exemple. Effectivement derrière la maison se trouve
un homme qui ne peut voir la protagoniste. Sa présence contribue à la tension de la scène et le
spectateur ne peut s’empêcher d’anticiper sa réaction. Il est au centre de la tension dramatique.
Dans le passé, l’artiste a été victime d’abus et de violence conjugale, elle a été séquestrée, battue
et abusée pendant plusieurs mois par une de ses relations amoureuses passées. La violence
conjugale est un thème qu’elle exploite dans ses dessins sous forme d’autoportrait ou en
représentant d’autres personnages dans des scène d’intérieur, mais aussi d’extérieur.12
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Itee Pootoogook
Watching APTN
2009
Crayons de couleurs sur papier
http://www.nunatsiaqonline.ca/stories/article/13892_itee_pootoogook_a_self-taught_master/
Itee Pootoogook dessine et sculpte depuis plusieurs années, mais c’est seulement en 2008 qu’il a
rejoint la Coop d’artistes de Cape Dorset et que ses œuvres ont commencé à être commercialisées
et diffusées.13 Dans cette première œuvre intitulée Watchin APTN, on peut voir un homme de
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profil regardant la télévision. Il regarde Aboriginal People Network, la version anglophone de la
chaîne de télévision autochtone du Canada. Avec un choix très vaste d’émissions de télévision
anglophones, francophones et dans plusieurs langues autochtones; conçu par, pour, et à propos
des autochtones, cette chaîne est un élément de fierté pour les Premières Nations, Métis et
Inuits.14 Au contraire de l’œuvre d’Annie, le personnage ne regarde pas un programme importé
américain, mais une émission qui s’adresse à un public entre autres inuit. On semble même
pouvoir distinguer dans le téléviseur un paysage enneigé et une motoneige, on pourrait donc
penser qu’il s’agit d’une émission à propos de l’Arctique.
Dans cette œuvre, la maison semble étrangement spacieuse par rapport à la taille réelle des
habitations de la région. Les plafonds sont particulièrement hauts, surtout en comparaison au
mobilier de la cuisine par exemple. Ce problème de proportions entre les différents éléments de la
pièce et l’espace crée une sensation de vide ou d’inconfort chez le spectateur.
À nouveau le dessin est très épuré, les formes sont simples, il y a peu de meubles et de
décoration. Toutes les lignes sont impeccablement droites, parallèles ou perpendiculaires les unes
aux autres. Il n’y a pas d’effet d’ombre et de lumière. L’architecture est au centre du dessin, on
pourrait même imaginer que l’œuvre est inspirée de dessins d’architecture. Les couleurs des
murs sont très vives, comme dans les dessins de Annie. Pourtant il ne s’agit pas d’un détail
stylistique de la part des artistes, car ce sont bien les véritables couleurs des maisons construites
dans le Grand Nord avec des restes de peinture du gouvernement.15
Ici le spectateur est privé de la vision extérieure, des stores cachent la fenêtre. Nous pouvons
supposer que la scène se passe dans le Nord, mais rien ne nous le garantit. Contrairement aux
intérieurs d’Annie Pootoogook, ici, le paysage enneigé n’est pas visible au travers de la fenêtre,
mais au travers de l’écran de télévision.
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Itee Pootoogook
Drinking Coke
2010
Crayons de couleurs sur papier
http://www.nunatsiaqonline.ca/stories/article/13892_itee_pootoogook_a_self-taught_master/
Ce portrait s’accompagne d’une inscription « Drinking Coke. Most People Drink Coke. »,
pouvant être traduit « Boire du Coca, La plupart de gens boivent du Coca ». Le personnage ne
semble pas s’être préparé pour poser. Ce dessin décrit une habitude, une scène quotidienne. À
nouveau la fenêtre est ouverte et nous prive de la vision de l’extérieur.
La marque de commerce du produit consommé par le personnage est un élément crucial du
tableau et donne son titre à l’œuvre.
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Publicitée Coca-Cola
http://www.dinahmoe.com/?projects=coca-cola-arctic-home
Édition spéciale de la canette de Coca-Cola
http://blogs.canoe.ca/parker/general/coca-cola-and-the-polar-bears/
Coca-Cola est une multinationale symbole de mondialisation mais aussi d’impérialisme. Avec un
revenu de plus de 50 milliards de dollars par année, il est vendu dans plus de 200 pays à travers le
monde.16 Coca-Cola a reconnu dans le Nord et chez les populations autochtones un marché
prometteur. La marque organise des concours de décoration de leurs bouteilles pour les artistes
autochtones, et se vante de participer à la sauvegarde des ours polaires.17
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Mélange congelé de boisson Fruitopia
http://nunavutfoodprice.tumblr.com/
Paquet de canettes de Schweppes
https://www.facebook.com/photo.php?fbid=390840990951961&set=o.239422122837039&type=
3&theater
À nouveau ces marchandises importées sont très coûteuses. Une portion de jus d’orange congelé,
qui correspond à environ un litre et demi de jus, coûte plus de dix dollars. Minute Maid et
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Frutopia sont des marques Coca-Cola. Une cannette de Swcheppes, une marque qui appartient à
Coca-Cola et Cadbury, coûte près de sept dollars.18
Dans « Drinking Coke, » le dessin aux formes très géométriques nous en dit peu sur
l’architecture et l’espace où se trouve le personnage. Les formes très simples donnent un
caractère impersonnel à l’environnement alors que l’on assiste pourtant à une scène intime. Il
existe un décalage entre la banalité de la scène, son caractère intime et l’impersonnalité du décor.
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Itee Pootoogook
Preparing to go Hunting
2011
Crayons de couleurs sur papier, 19.75 x 25.5 pouce
http://www.marionscottgallery.com/EXHIBITIONS/2011/201103-ITEE/05.php
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Dans ce troisième tableau nous sommes transportés à l’extérieur de la maison. L’artiste nous
propose un autre angle de vue sur l’architecture. On peut y voir une motoneige et un traîneau, des
instruments utilisés pour la chasse. On y voit les autres maisons du village, ce qui nous permet
d’avoir une impression du paysage de la région. Toutes les maisons se ressemblent, elles sont
semblables en formes et en tailles. Seule la couleur de leurs murs extérieurs varie et les rend
reconnaissables les unes des autres dans le paysage enneigé.
La chasse est encore un moyen de subsistance et permet de pallier la nourriture trop coûteuse.
Traditionnellement la chasse et la pêche étaient des activités réservées aux hommes, pratiquées
avec fierté et beaucoup de respect pour la nature. Une fois l’animal tué, sa peau et sa fourrure
étaient utilisées pour fabriquer des tentes et des vêtements, ses os pour la structure des habitations
ou pour construire des outils, la viande était consommée et le gras servait d’huile de chauffage;
finalement très peu était gaspillé.19
Aujourd’hui, avec l’introduction des motoneiges et autres nouvelles technologies, la chasse est
devenue une activité coûteuse à pratiquer, et paradoxalement, plusieurs chasseurs doivent trouver
un autre emploi pour pouvoir continuer leur activité. De plus, à cause du matériel inadapté, il est
parfois difficile d’apprêter la viande chassée, et les mets préparés importés sont privilégiés.
En conclusion, ces œuvres documentent le quotidien, l’intimité mais aussi cette nouvelle
architecture préfabriquée de Cape Dorset. L’architecture est au cœur de plusieurs des tensions de
la vie quotidienne des Inuits et occupe une place très importante dans ces tableaux. Elle
représente les tensions entre leur culture, leurs traditions et le nouveau mode de vie sédentaire qui
leur a été imposé. Certains éléments des œuvres nous laissent deviner un élément d’inconfort ou
une trop grande différence entre l’architecture des maisons et la culture des habitants.
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NOTES
1
Alison K. Hoagland, “Eskimo Architecture: Dwelling and Structure in the Early Historic Period,” Canadian
Historical Review 85:2 (June 2004): 375–376.
2
Haogland.
3
Peter Colin Dawson, Variability in Traditional and Non-traditional Inuit Architecture, AD. 1000 to Present, Ph.D.
Dissertation (Calgary: University of Calgary, 1997).
4
Dawson.
5
Dawson.
6
Quallunaat est le mot inuit pour étranger référant au personnes non-inuit et par extension les blancs, colons etc.
7
Peter Colin Dawson, “An Examination of the Use of Domestic Space by Inuit Families Living in Arviat, Nunavut,”
May 2004, Canada Mortgage and Housing Corporation, accessed November 11, 2012 http://www.cmhcschl.gc.ca/odpub/pdf/63600.pdf.
8
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http://www.theglobeandmail.com/news/national/nunavut/portraits-of-nunavut/article633697/.
9
Spirit Wrelser Gallery, accessed November 11, 2012 http://www.spiritwrestler.com/.
10
Mary Simon, “Inuit and The Canadian Artic: Sovereignty at Home,” accessed November 11, 2012
http://www.tvo.org/theagenda/resources/pdf/MarySimonSpeech10_2A1370.pdf.
11
“Feeding My Family,” Facebook, accessed December 8, 2012
https://www.facebook.com/groups/239422122837039/?fref=ts.
12
“Inuit Art Loses the Ookpik,” The Globe and Mail, accessed December 21,
2012http://www.theglobeandmail.com/arts/inuit-art-loses-the-ookpik/article730588/.
13
Spirit Wresler Gallery.
14
“APTN,” Wikipédia, accessed December 8,
2012http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=APTN&oldid=63167611.
15
“Inuit Art Loses the Ookpik.”
16
“Coca-Cola,” Wikipedia, accessed December 9, 2012http://en.wikipedia.org/w/index.php?title=CocaCola&oldid=527023229.
17
“Coca-Cola and the Polar Bears,” Nosey Parker, accessed December 11, 2012
http://blogs.canoe.ca/parker/general/coca-cola-and-the-polar-bears/.
18
“Feeding My Family.”
19
“Modern VS Traditional Life,” Inuit Cultural Online Resource, accessed December 11, 2012
http://icor.ottawainuitchildrens.com/node/48.
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11, 2012. http://www.theglobeandmail.com/news/national/nunavut/portraits-ofnunavut/article633697/.
Simon, Mary. “Inuit and The Canadian Artic: Sovereignty at Home.” TVO. Accessed November
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Spirit Wrelser Gallery. Accessed November 11, 2012. http://www.spiritwrestler.com/.
Strub, Hárold, and University of British Columbia. Arctic Habitation. [Vancouver]: School of
Architecture, University of British Columbia, 1971.
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
CONCEPTE D’EXPOSITION VIRTUELLE :
Il est pour moi très important que le visiteur de mon exposition soit contient de la situation
géographique de Cape Dorset et de son caractère insulaire. Cape Dorset n’est desservie par
aucune route, le village n’est accessible par bateau que quelques mois par année. Durant les mois
d’hivers l’avion est le seul moyen de transport. Afin d’illustrer ce caractère reculé et isolé du
village, je souhaiterais que le visiteur arrive sur une image satellite du monde, zoomant lentement
vers le Canada, le Nunavut et enfin Cape Dorset. Un peu comme Google Map nous le propose,
lorsque l’ont cherche « Cape Dorset, Baffin Region, Nunavut »19 et que l’on zoom et dézoome.
L’idée m’a été inspirée par Google Earth, Google Maps et le site The Scale of the universe19.
Une fois arrivée à l’échelle du village, l’utilisateur je souhaiterais que l’utilisateur soit devant un
paysage du village et que en cliquant sur certaines des maisons, il obtienne de l’information sur
l’architecture préfabriquée ou sur les images des œuvres de Annie et Itee. Je souhaite que ce
paysage ne soit pas enneigée pour correspondre au images de Google Maps et pour ne pas donner
une image trop commune ou clichée du grand Nord.
Je souhaiterais que le site soit traduit en inuktitut par respect pour les habitants du village de
Cape Dorset et afin que tout les inuits puissent accéder à l’information que l’ont dit d’eux. Je
souhaiterais que les textes soit accessible par écrit mais aussi disponible principalement en
version audio. Je pense que si le visiteur de l’exposition se fait dire l’information, toute son
attention visuelle pourra alors être concentrée sur les images, plutôt que dispersée entre les
œuvres et le texte.
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Ultimement le site pourrait devenir une plateforme ou chaque visiteur pourrait laisser ses
commentaires sur les œuvres et sur la situation des habitations du Nunavut. Ceci permettrait
d’avoir une multitude de réactions personnelles sur le sujet et une vision plurielle du sujet plutôt
qu’uniquement la mienne.
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