Sur le trumeau, la Vierge mrite galement attention
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Sur le trumeau, la Vierge mrite galement attention
Sur le trumeau, la Vierge mérite également attention. Elle tient l’Enfant Jésus. Dans son poing, une croix très particulière est glissée, qui s’étend dans les quatre directions, et une rose éclot en son centre. Considérée comme la reine des fleurs, la rose est aussi l’image de la perfection spirituelle. Il n’est que de se souvenir du Roman de la Rose, rédigé au XIIIe siècle par Guillaume de Lorris et Jean de Meung – texte réputé à double sens – pour se convaincre de l’importance de cette image dans l’imaginaire médiéval. L’association de la rose et de la croix va nous fournir l’occasion de découvrir un autre aspect capital de l’ésotérisme : l’art du grimoire. Résumé à sa plus simple expression, l’art du grimoire est un code destiné, comme tous les codes, à dissimuler aux yeux des profanes des connaissances réservées aux seuls initiés. Son principe peut sembler de prime abord, presque grossier, puisqu’il repose essentiellement sur des jeux de mots et des approximations de sens. Là où l’art du grimoire devient complexe et réel jeu d’érudit, c’est qu’il peut mêler plusieurs langues au sein d’une même énigme. Les langues privilégiées sont le grec, le latin et l’hébreu, combinés à la langue dans laquelle le code est émis. Selon les ésotéristes, le grimoire a été utilisé dès l’Antiquité pour demeurer en pratique jusqu’à la Renaissance, époque à laquelle il est lentement tombé en désuétude pour être tout à fait oublié au début du XIXe siècle. Ce code n’est pas une spécificité française dont Rabelais, par exemple, aurait usé abondamment. Il aurait été pratiqué en Italie par Dante, en Espagne par Cervantès dans son Don Quichotte, ou, sous le nom d’Ars Punica, en Angleterre par Jonathan Swift dans ses Voyages de Gulliver (pun, en anglais contemporain, © ISBN 978-2-8433-7588-0 désigne un calembour, une astuce de langue). Outre les jeux de mots les à-peu-près, le grimoire fonctionne sur l’omission des voyelles ainsi que sur l’attachement aux sonorités des mots plutôt qu’à leur graphie. Il est donc utilisable aussi bien dans les textes que dans les arts visuels, tels la sculpture ou la peinture. Cette petite digression était nécessaire pour tenter de décrypter le mystère de la rose au centre de la croix. Si nous appliquons les règles que nous venons d’édicter au syntagme « Rose-croix », nous obtenons les quatre consonnes prononcées RSCR. Par suite de corruption dont le détail nous obligerait à une étude rébarbative, ces quatre lettres renvoient finalement à ReSCoR, du bas latin source de notre ancien français recorder (« transmettre, réciter, garder à l’esprit »), de l’italien contemporain ricordare (« se souvenir ») et de l’anglais to record (« enregistre, conserver »). L’idée est donc que, l’image sculptée de la rose et de la croix, émerge une séquence de consonnes évoquant des notions de legs et de transmission. Capable de déceler ce message là où d’autres ne voient que la gratuité d’un bel effet décoratif, l’adepte est invité à rassembler sa plus lointaine mémoire pour cheminer sur la voie de l’initiation. Quelle est la nature exacte de cette mémoire ? À chacun de donner la réponse qui lui convient. © ISBN 978-2-8433-7588-0