excursion géologique à bénerville-sur-mer (14)
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excursion géologique à bénerville-sur-mer (14)
E EX XC CU UR RS SIIO ON NG GÉ ÉO OLLO OG GIIQ QU UE EÀ ÀB BÉ ÉN NE ER RV VIILLLLE E--S SU UR R--M ME ER R ((1144)) Dimanche 12 juillet 2015 Excursion géologique et paléontologique organisée par l’association Sciences et Géologie Normandes, sous la conduite d’Yves Lepage. Programme : étude morphologique et stratigraphique des falaises de Bénerville-sur-Mer (Oxfordien inférieur et moyen, formations coralligènes) et recherche de fossiles. Durée : la journée. Repas tiré du sac. Basse mer à 15h23, coefficient de 63. Équipement de terrain adapté (bottes ou bonnes chaussures imperméables). Rendez-vous à 10h00 sur le parking situé au début du boulevard de la Mer à Bénerville-surMer. Fig. 1 : Vue indiquant le point de regroupement (flèche rouge) et le parcours de l’excursion (pointillés). (Source Google Maps). Pour rejoindre le lieu de rendez-vous, il faut emprunter l’avenue du Littoral (ou D513) qui est parallèle à la côte puis la rue du Général Vary en direction du nord. Le parking se situe à l’extrémité de cette dernière et au début du boulevard de la mer. -1- 1 – BÉNERVILLE ET LE MONT CANISY (CALVADOS) Bénerville-sur-mer se situe sur la Côte Fleurie (Calvados), à peu près à mi-chemin entre Villers-sur-Mer à l’ouest (4 km) et Trouville-sur-Mer à l’est (5 km). Le Mont Canisy, appelé aussi « butte de Bénerville », domine la mer, l’estuaire de la Seine et le Pays d’Auge du haut de ses 112 mètres à l’est de la commune, mais il occupe aussi une partie des communes voisines de Tourgéville, Deauville et Saint-Arnoult. Fig. 2 : Carte topographique IGN montrant la situation de Bénerville-sur-Mer et le Mont Canisy. (Source Géoportail). 2 – L’OXFORDIEN DE BÉNERVILLE ET DU MONT CANISY Les affleurements de Bénerville et du Mont Canisy appartiennent à l’Oxfordien inférieur et moyen. Au regard de l’évolution paléogéographique de la bordure est-armoricaine durant le Jurassique, leurs formations correspondent à la poursuite de l’envasement et du comblement de la bordure à l’Oxfordien inférieur, à la mise en place du régime carbonaté à la limite Oxfordien inférieur à moyen et au développement d’une plate-forme carbonatée durant le reste de l’Oxfordien moyen (Dugué et al., 1998). Le sommet des Marnes de Dives (Zone à Quenstedticeras lamberti) (Cf. fig. 4 : 1) du Callovien supérieur était visible autrefois à la base de la falaise de Bénerville, mais il est aujourd’hui totalement masqué par la remontée du cordon littoral, d’une part, et les coulées de boue, d’autre part. 2.1 – Marnes de Villers (Oxfordien inférieur) (Cf. fig. 4 : 2) Les Marnes de Villers (Zone à Quenstedticeras mariae) affleurent dans la partie orientale de la falaise de Bénerville et représentent donc actuellement le substratum du Mont Canisy. Au pied de la falaise, elles forment un front très instable. D’aspect chaotique, elles sont gorgées d’eau et glissent sous forme de boue en entraînant des plaques d’argiles qui se sont détachées, des blocs de roches éboulés et des troncs d’arbres déracinés. La macrofaune y est peu abondante et peu diversifiée. Les huîtres Gryphaea dilatata dominent et sont associées à des faunes plus dispersées (Modiolus, Isognomon). Les ammonites sont assez rares (Cardiocératidés, Oppélidés) et leur mode de fossilisation varie. -2- La microfaune par contre est très riche. Elle est dominée par les foraminifères benthiques (Nodosariidés, Epistomina) et quelques tests d’agglutinants. Le microplancton est abondant ainsi que les spores et les pollens. Fig. 3 : Marnes de Villers au pied de la falaise. (Photo Lithothèque de Normandie). Fig. 4 : Profil des falaises entre Honfleur et Houlgate (d’après A. Bigot, in Haug, 1911, p. 1009), et agrandissement de la portion située entre Trouville-sur-Mer et Villers-sur-Mer ci-dessous. 2.2 – Calcaire marneux (Oxfordien inférieur et moyen) (Cf. fig. 4 : 3) Cette section correspondrait à la Zone à Cardioceras cordatum (Oolithe ferrugineuse de Villers et Argiles à Lopha gregarea – Oxfordien inférieur) et au Calcaire d’Auberville (Oxfordien moyen) dont les couches seraient ici nettement plus condensées qu’aux VachesNoires. -3- L’Oolithe ferrugineuse de Villers (Zone à Cardioceras cordatum) se distingue par sa couleur marron clair et les interbancs marneux et les bancs calcaires argileux avec oolithes ferrugineuses y alternent. La macrofaune est dominée par des bivalves et des huîtres (Gryphaea dilatata, Nanogyra nana, Lopha gregarea), des byssifères (Modiolus, Isognomon) et quelques fouisseurs à la base (Pholodomya, Pleuromya). La microfaune est riche et diversifiée. Fig. 5 : Oolithe ferrugineuse de Villers. (Photo Lithothèque de Normandie). Les Argiles à Lopha gregarea (Zone à Cardioceras cordatum) sont constituées d’alternances marno-calcaires. La macrofaune est dominée par les huîtres (Lopha et Nanogyra) et le nombre d’espèces de bivalves diminue. La pauvreté des ammonites, plutôt des Cardioceratinae, contraste avec leur relative fréquence dans les couches sous-jacentes. De même, les foraminifères se raréfient. Le Calcaire d’Auberville (Sous-zone à Vertebriceras [Cardioceras] vertebrale est une formation marno-calcaire à la fois gréseuse et ferrugineuse. Il témoigne du passage progressif du régime terrigène à un régime carbonaté de plate-forme. On retrouve dans le membre inférieur du Calcaire d’Auberville la faible diversité de la microfaune et des céphalopodes soulignée dans les Argiles à L. gregarea. Les huîtres (Lopha, Nanogyra) ne sont plus omniprésentes et des variétés aplaties d’huîtres (Gryphées) et les fouisseurs (Trigonies) redeviennent prépondérants. Les bivalves sont remplacés progressivement par des gastéropodes et des échinodermes dans le membre supérieur. Les ammonites Cardioceratinae se raréfient tandis que les Perisphinctidae et les Aspidoceratinae deviennent plus fréquentes. Les traces fossiles se diversifient avec des réseaux de pistesgaleries (Thalassinoides). La bioturbation est également intense dans les interbancs. Fig. 6 : Calcaire d’Auberville. (Photo Lithothèque de Normandie). -4- 2.3 – Calcaire oolithique de Trouville (Oxfordien moyen) (Cf. fig. 4 : 4) Le Calcaire oolithique de Trouville (Zone à Cardioceras densiplicatum) est constitué de bancs calcaires oolithiques boueux massifs entrecoupés d’épisodes de bioturbation (Thalassinoides, Rhyzocorallium). Les affleurements sont difficilement accessibles mais les blocs éboulés permettent de reconstituer une coupe synthétique. Fig. 7 : Bancs de calcaire oolithiques boueux massifs. (Photo Lithothèque de Normandie). Les bivalves (Gryphaea et Lopha) sont remplacés par de nombreux oursins fouisseurs (Nucleolites scutatus), associés à des gastéropodes (Procerithium, Nérinées) et quelques bivalves (nanogyres, Chlamys). Des ammonites se rencontrent localement (Perisphinctidés et Aspidoceratinés). Les traces fossiles sont représentées par l’association dominante à Thalassinoides et Rhyzocorallium (R. irregulare). Fig. 8 : Thalassinoides à la base d’un banc de calcaire oolithique. (Photo Lithothèque de Normandie). 2.4 – Coral-rag (Oxfordien moyen) (Cf. fig. 4 : 5) À l’ouest, au Chaos d’Auberville, le Coral-rag est un calcaire lumachellique de bivalves, d’échinodermes et de gastéropodes de 20 à 40 cm d’épaisseur avec localement des petits bouquets de polypiers posés sur leur surface. À Villers, l’épaisseur de ces faciès est beaucoup plus importante et atteint 2 à 2,50 m. Il y a donc diminution de l’épaisseur du Coral-rag vers l’ouest en s’éloignant du complexe récifal. Fig. 9 : Gerbe de polypiers massifs sur la plage de Bénerville. (Photo Lithothèque de Normandie). -5- Par contre à Trouville à l’est, le Coral-rag est constitué d’un seul banc calcaire boueux à oolithes et bioclastes et bioturbé de 30 à 60 cm parfois dédoublé. Il représente un faciès latéral et distal du récif du Mont Canisy qui correspond à une multitude de petits édifices de polypiers massifs ou branchus. Leur destruction périodique par les tempêtes a fourni des bioclastes et une boue carbonatée en abondance et l’accumulation de ces matériaux au voisinage des constructions récifales a donné naissance à des faciès périrécifaux : faciès biodétritiques à lumachelles et calcaires bioclastiques dans les zones agitées, ou faciès de décantation qui ont donné des calcaires boueux dans les zones abritées. Fig. 10 : Principales séquences sédimentaires en milieu récifal. (Source Lithothèque de Normandie). Fig. 11 : Gerbe de polypiers en position de vie. (Photo Lithothèque de Normandie). Fig. 12 : Colonnes squelettiques. (Photos Lithothèque de Normandie). Fig. 13 : Polypier compact (Isastrea). (Photo Lithothèque de Normandie). Fig. 14 : Idem (zoom) : Isastrea helianthoides. (Photos Lithothèque de Normandie). -6- 3 – EN CONCLUSION, UNE COUPE GÉOLOGIQUE SIMPLIFIÉE Aujourd’hui, la stratigraphie intégrale du Mont Canisy est pratiquement impossible à suivre en raison de la remontée du cordon littoral comme nous l’avons vu, à cause des coulées de solifluxion présentes sur la pente, et enfin à la suite de l’urbanisation car le Mont Canisy est couvert de propriétés. Cependant, au vu des travaux anciens (Douvillé, 1881 ; Raspail, 1901 ; Bigot, 1957 ; et d’autres…), il est assez facile de la reconstituer en observant et analysant les blocs gisant sur la plage qui ont été arrachés au massif en grande partie au Quaternaire. Fig. 15 : Coupe géologique simplifiée de la falaise de Bénerville et du Mont Canisy. (Dessin Yves Lepage). ____________________ BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE BIGOT A. (1957) – Villers-sur-Mer géologique. Notice géologique sur Villers-sur-Mer et ses environs. Édité par le Syndicat d’initiative de Villers-sur-Mer (Calvados), Combier imp., Macon, n° 69, 16 p. DOUVILLÉ H. (1881) – Note sur la partie moyenne du terrain jurassique dans le bassin de Paris et sur le terrain corallien en particulier. Bulletin de la Société géologique de France, 1880-1881, 3e série, tome 9, séance du 20 juin 1881, p. 439-474. DUGUÉ O., FILY G. et RIOULT M. (1998) – Le Jurassique des côtes du Calvados. Biostratigraphie, Sédimentologie, Paléoécologie, Paléogéographie et Stratigraphie séquentielle. Bulletin trimestriel de la Société géologique de Normandie et des amis du Muséum du Havre, tome 85, fasc. 2, p. 3-132. GUYADER J., PAREYN C., VIALLEFOND L. et JUIGNET P. (1970) – Notice explicative de la carte géologique au 1/50 000 Le Havre (XVII-11). Éditions du BRGM, Orléans, 18 p. HAUG É. (1911) – Traité de géologie. II. Les périodes géologiques. 1908-1911, Librairie Armand Colin, Paris, p. 539-2024, fig. 196-485, pl. 72-135. RASPAIL J. (1901) – Contribution à l’étude de la falaise jurassique de Villers-sur-Mer. La Feuille des Jeunes naturalistes, IVe série, 31e année, n° 365, p. 125-126, pl. IX. RASPAIL J. (1901) – Contribution à l’étude de la falaise jurassique de Villers-sur-Mer (Suite). La Feuille des Jeunes naturalistes, IVe série, 31e année, n° 366, p. 145-149. RASPAIL J. (1901) – Contribution à l’étude de la falaise jurassique de Villers-sur-Mer (Suite). La Feuille des Jeunes naturalistes, IVe série, 31e année, n° 367, p. 169-172. -7- RASPAIL J. (1901) – Contribution à l’étude de la falaise jurassique de Villers-sur-Mer (Fin). La Feuille des Jeunes naturalistes, IVe série, 31e année, n° 368, p. 193-198, pl. X-XII. ____________________ Fig. 16 : Carte postale des années 30 montrant le Mont Canisy depuis Blonville-sur-Mer (axe ouestest). (Coll. Roginski). ____________________ Guide composé par Yves Lepage (Mai 2015). -8-