l`industrialisation et la structure de la famille dans germinal de zola

Transcription

l`industrialisation et la structure de la famille dans germinal de zola
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UNIVERSITE CHAHID CHAMRAN
FACULTE DES LETTRES
DEPARTEMENT DE FRANÇAIS
Mémoire de maîtrise
L'INDUSTRIALISATION ET LA STRUCTURE
DE LA FAMILLE DANS GERMINAL DE
ZOLA
Par :
MARYAM EYNOLVAND
Directeur de recherche : Monsieur le Docteur Nazri-Doust
Professeur consultant : Monsieur le Docteur Foroughi
Ahvaz, Septembre 2009
2
AU NOM DE DIEU
3
A ma chère famille
4
1885 est l’année,
l’année, à la fois,
fois, de la
mort de Victor Hugo et de
l’apparition
l’apparition de Germinal. Le vieux
bonhomme des Misérables pouvait
aller dormir. Sa relève était
assurée.
Henri Guillemin
Présentation des Rougon-Macquart ; p.260
5
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer sincèrement mon immense gratitude à
Monsieur le Docteur Nazri-Doust, mon directeur de recherche, qui
m'a encouragée toujours au cours du travail et m'a donné des
conseils perspicaces.
Je voudrais remercier également mon professeur consultant,
Monsieur le Docteur Foroughi, qui m'a montré de nouvelles
perspectives dans la manière de faire des recherches littéraires.
Je profite aussi de cette occasion pour remercier mes autres
professeurs du département de Français, surtout Monsieur le
Docteur Moussavi et Monsieur le Docteur Gouchégir.
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Résumé
Nom de l’étudiant : Eynolvand
Prénom : Maryam
Titre du mémoire : L'industrialisation et la structure de la famille dans
Germinal de Zola
Directeur de recherche : Dr. Masud Nazri-Doust
Professeur consultant :
Dr. Hassan Foroughi
Niveau d’études : Maîtrise
Discipline : Langue et littérature Françaises
Spécialité : Littérature
Université : Shahid Chamran
Faculté : Lettres et sciences humaines
Nombre de pages : 104
Date de soutenance : Septembre 2009
Mots clés : Germinal, industrialisation, prolétariat, bourgeoisie, injustice
sociale, révolte.
Résumé : Germinal est fondé sur la connaissance approfondie d’Emile Zola
du monde du travail et des problèmes posés par la société industrielle dans la
France du XIXe siècle. La plus grande influence de l’industrialisation est sur
la famille des ouvriers. Le mineur est un être écrasé. Il a beaucoup de
problème dans sa vie. Le problème des mineurs est celui de trouver de quoi
manger et l'obsession de la nourriture et du logement. Un mineur est
quelqu’un qui est au fond d’un véritable enfer et dans ce roman, il est
souvent appelé par le narrateur un « meurt-de-faim ». Les conséquences de
l’industrialisation ne sont pas seulement matérielles, mais leurs résultats
moraux et culturels sont plus remarquables. La misère prépare pour les
mineurs de Germinal la corruption et le déclin des principes moraux. La
misère matérielle et morale fait des mineurs des résistants contre le pouvoir
des directeurs des mines. La grève est un échec. En effet, des familles
déstructurées sont des vérités oppressantes d’une société industrielle au
XIXe siècle.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION………..…………….…….……………..…........8
CHAPITRE I : LA CONDITION DE VIE ET DE TRAVAIL
1.1 Condition de vie des mineurs…………………………… ………13
1.1.1 Logement des mineurs………………………………... 14
1.1.2 Nourriture des mineurs………………………………. 18
1.2 Condition de travail……………………………………………...24
1.2.1 Salaire des mineurs…………………………………… 29
1.2.2 Le travail des femmes et des enfants………………… 34
CHAPITRE II : LE PROBLEM DE LA MORALE
2.1 La croyance religieuse …………………………………. ….41
2.2 La corruption des mœurs ……………................................. 45
2.3 Les enfants délinquants……………………………………..55
CHAPITRE III : LA LUTTE DU CAPITAL ET DES MINEURS
3.1 L’antagonisme entre les deux classes……………………..68
3.2 La révolte des mineurs…………………… ……………….79
image deux3.3 Les images de la violence…………………………………..85
3.4 Echec de la grève…………………………………………...90
CONCLUSION………....…………………………………………94
BIBLIOGRAPHIE........................................................…..............100
INTRODUCTION
8
Intellectuel engagé, grand polémiste, écrivain, sociologue et théoricien du
naturalisme, Émile Zola (1840-1902) est un observateur attentif des travers
de la société de l'époque. Épris de la justice sociale, il dénonce âprement
l'hypocrisie des milieux bien-pensants, les intrigues de la bourgeoisie, la
corruption politique et devient l'un des plus ardents défenseurs des classes
ouvrières.
En 1869, Zola commence le projet d’un grand ensemble romanesque ;
Les Rougon-Macquart, « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le
second Empire1 ». Germinal, treizième roman du cycle des RougonMacquart, reste à ce jour le roman le plus lu de Zola, jouissant d'un prestige
égal à celui des Misérables. Ce roman d'Émile Zola a été publié à Paris en
feuilleton dans le Gil Blas du 26 novembre 1884 au 25 février 1885, et en
volume chez Charpentier en 18852.
Au cours du XIXe siècle, les sciences et les techniques se développent
considérablement. Les machines se perfectionnent sans arrêt. Avec ce
nouveau système de la production se créé le machinisme qui permet
d'augmenter la fabrication. Mais les machines n'améliorent en rien les
conditions de travail des ouvriers. La plus grande influence de
l’industrialisation est sur la famille des ouvriers. Le mineur est quelqu’un
qui a beaucoup de problèmes dans sa vie et il vit dans des conditions
déplorables.
1
. Cité par M. Echelard, Histoire de la littérature en France au XIXe siècle, Paris, Hatier, 1984, p. 125.
2
. Ph. Hamon et D. Roger-Vasselin, Le Robert des grands écrivains de langue française, Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 1460.
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Germinal est le roman de l’ère industrielle. Une énorme machinerie
industrielle exploite la famille. C’est avec Germinal que Zola entre
directement en contact avec le prolétariat industriel et il va au cœur de la
condition ouvrière. En plus, « la mine devenue depuis plusieurs années,
depuis essentiellement 1878, un sujet à la mode parce qu’elle était à l’ordre
du jour sur le plan social1 ».
Le roman de Germinal est une peinture puissante de la vie misérable
des mineurs de la deuxième moitié du XIXe siècle. Emile Zola a décrit de
façon très expressive dans son roman, Germinal, les conditions de vie et de
travail des mineurs dans le nord de la France. Les mineurs souffrent de faim
et leur vie n’est pas facile, parce que leur condition de vie n’est pas très
bonne. La description exacte de la vie de trois familles de mineurs, surtout
celle des Maheu, est un témoin de cette misère.
L’un des facteurs qui dessine la misère des familles des mineurs, c’est
le manque de la nourriture suffisante. La compagnie leur donne juste assez
d’argent pour qu’ils ne meurent pas et qu’ils puissent travailler. La santé des
mineurs et de leur famille n’est pas très bonne ; en plus, chez eux se
développent des maladies héréditaires et beaucoup de membre des familles
du coron ont une santé restreinte puisque le travail dur, la fatigue, la
malnutrition et le savon noir favorisent des maladies.
Dans Germinal, Zola nous décrit aussi les conditions de travail qui
sont détestables, difficiles. Il nous raconte la journée d’un mineur de fond.
Le travail dans la mine est très éprouvant physiquement. Pour gagner la vie
et pour assurer assez d’argent à la famille, tout le monde doit travailler,
1
. C. Becker, Germinal, Paris, PUF, 1984, p.17.
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même les petites. Les femmes et les filles dès qu’elles peuvent trouver un
boulot ; se mettent aux travaux de la mine. La femme et les enfants d’un
mineur doivent travailler dans la mine, et effectuer des travaux difficiles. En
effet ils sont les plus misérables des victimes du machinisme.
Dans cette recherche, au premier chapitre, nous voulons étudier, des
conditions de vie et de travail des mineurs. Nous voulons en effet examiner
leur condition de vie (logement, nourriture, salaire, santé et travail).
Les conséquences de l’industrialisation ne sont pas seulement
matérielles, mais elles sont aussi morales et culturelles. Autrement dit, toutes
les dimensions de la vie humaine se bouleversent sous la présence du
machinisme.
Quand on lit attentivement Germinal, on voit qu’il n’y a aucune place
pour la croyance religieuse dans le cœur des pauvres et si la religion n’a
aucune place parmi les mineurs de Germinal, cela n’est pas seulement à
cause de la misère; les comportements des curés et leur complicité parfois
avec les Compagnies jouent aussi un rôle important. Les clergés de cette
époque sont dans les mains des puissants de la société.
En fait, Zola illustre « la déchéance des individus1 » et celle d’une
société dans l’ère de « la monté du machinisme2». Les moeurs très
dissolues et l'extrême laxisme sexuel des mineurs sont dus à la promiscuité
et à leurs conditions de vie. Ce qui est évident dans ce roman, c’est
l’évocation de la sexualité débridée des mineurs. La sexualité est le seul
dérivatif au travail pour les mineurs de Germinal.
1
. B. Agard et M. Boireau, Le XIXe siècle en littérature, Paris, Hachette, 1997, p.440
. Ibid.
2
11
Ainsi, après l’étude des conséquences matérielles de l’industrialisation
dans Germinal, nous analyserons ses résultats moraux et culturels et aussi
leurs effets sur des enfants, surtout sur Jeanlin, la quatrième enfant des
Maheu. Nous voulons aussi vérifier quel lien pourrait-il y avoir, en effet,
entre ceux qui, dans une ville lointaine, touchent des dividendes, et ces
mineurs que la faim, la souffrance et l’injustice rendent fous ?
Quand une personne, à cause de la misère, a tant de problèmes avec la
nourriture, quand elle est en face de telle injustice, c’est très difficile pour
elle de croire en Dieu et l’immoralité et la corruption commencent de ce
point-là
Les principes qui règnent dans les familles mineures, sont très loin des
premiers principes moraux. Les conditions misérables de vie et de travail des
mineurs raturent simplement sur toutes les mœurs et répandent la corruption.
La misère prépare pour eux la corruption et le déclin des principes moraux.
Les personnages de Germinal se trouvent en effet ramenés à la bestialité
primitive.
L’émergence des classes bourgeoise et ouvrière est la conséquence de
l’industrialisation touchant l’Europe au XIXe siècle. Des ouvriers sont
déracinés de leurs provinces par l’exode rural et « la construction d’un
prolétariat urbain a bouleversé le paysage social de la ville1». Dans la société
décrite dans Germinal, nous pouvons discerner deux mondes tout à fait
différents : celui des pauvres et celui des riches.
1
. P. Carles et B. Desgranges, Le Naturalisme, op. cit, p. 54.
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Un grand décalage sépare les deux classes dans tous les aspects de la
vie. La misère et la famine dominent la société. Les ouvriers voulaient un
monde nouveau, du pain pour se nourrir et des conditions de vie
meilleures.
Dans le troisième chapitre, nous allons voir comment la souffrance
engendrée par le machinisme, entraîne la révolte sociale. Etienne Lantier,
le principal acteur de la grève, fait de la propagande révolutionnaire chez
les ouvriers. Il s'intègre vite parmi le peuple des mineurs.
Lorsque la grève a éclaté, l'explosion était d’autant plus violente que la
misère et la souffrance ont été plus grandes ; et la grève est poussée au
dernier degré possible de la violence.
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CHAPITRE l
LA CONDITION DE VIE ET DE TRAVAIL
1.1 Conditions de vie des mineurs
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, des changements historiques
profonds comme le retour à la démocratie, le développement du socialisme,
l’affirmation de la conscience ouvrière, l’avènement du règne de la machine
poussent les auteurs à exprimer les nouvelles forces en présence. Les thèmes
naturalistes parlent d’inspiration socialisante. Les cadres sont le milieu des
patrons affairistes, des bourgeois corrompus et des ouvriers qui sont dans la
misère de leur vie quotidienne ou dans le travail aliéné de l’usine1.
Germinal est le roman de l’ère industrielle et « un témoignage sur la
condition prolétarienne et sur la diffusion de l’idéologie socialiste2 ». En
d’autres termes, c’est avec Germinal que Zola entre directement en contact
avec le prolétariat industriel et il va au cœur de la condition ouvrière. « Ce
prolétariat, que les progrès du machinisme accroissaient chaque jour,
demeurait encore sans visage et sans voix ; des villes industrielles jaillis du
sol, l’artisanat s’anéantissait dans l’armée anonyme des fabriques et des
usines3 ».
1
. X. Darcos, Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1992, p.320
. A. Olier, Le monde des littératures, Paris, Universalis, 2003, p. 59
3
. M. Bernard, Zola par lui-même, Paris, Seuil, 1952, p. 50.
2
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Ainsi, « Germinal peut d’abord se lire comme un roman documentaire
sur la vie de la mine et le mouvement ouvrier dans la deuxième moitié du
XIXe siècle1 ».
Emile Zola a décrit de façon très expressive dans son roman,
Germinal, les conditions de vie et de travail des mineurs « dans le nord de la
France2 ». Les mineurs souffrent de faim et leur vie n’est pas facile, parce
que leur condition de vie n’est pas très bonne.
Si nous voulons parler de Germinal, le premier aspect qui nous frappe
dans ce livre, c'est le cri de misère. Germinal est le livre de la pauvreté des
gens qui dans toute leur vie n'ont vu que l'injustice. Il y a beaucoup de points
qui attirent notre attention à ce type de pauvreté. La description exacte de la
vie de trois familles de mineurs, surtout celle des Maheu, est un témoins très
délicat pour cette misère.
L’industrialisation a beaucoup d’effet sur la vie des hommes et au lieu
d’améliorer leur condition économique et matérielle, fait régner la misère,
l’injustice
et
l’inégalité
sociale.
La
plus
grande
influence
de
l’industrialisation est sur la famille des ouvriers. Le mineur est un être
écrasé, mangeant mal, couchant en tas ; quelqu’un qui est au fond d’un
véritable enfer.
1.1.1 Logement des mineurs
Maintenant la chandelle éclairait la chambre, carrée, à deux fenêtres, que trois lits
emplissaient. Il y avait une armoire, une table, deux chaises de vieux noyer, dont
le ton fumeux tachait durement les murs, peints en jaune claire. Et rien d’autre3.
1
. C. Becker, Germinal, op. cit, p.25.
. M. Bouty, Dictionnaire des œuvres et des thèmes de la littérature français, Paris, Hachette, 1990, p. 154.
3
. E. Zola, les Rougon- Macquart, Germinal, Paris, Seuil, 1970, p. 422.
2
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La Compagnie fournit des maisons aux mineurs pour un loyer assez
bas comparé avec les salaires. Dans les premières pages du roman, Zola
décrit bien la misère de lieu de la vie. C’est quelque chose qui existe, non
seulement chez Maheu, mais chez toutes les familles des mineurs.
Ceux-ci vivent dans des corons qui sont identiques quel que soit le
nombre d'enfants qu'elles contiennent. Les quatre grands corps de bâtiments
partagés en petites maisons toutes semblables, collées dos à dos, leurs
jardins maigres, leurs puits communs, les tonneaux où l’on recueille les eaux
de pluie, les ustensiles qui traînent.
Le décor des quartiers ouvriers est pauvre et triste, sous la pluie qui lui
colle la boue noire. L’uniformisation et les lignes géométriques du coron
évoquent immédiatement une caserne ou un hôpital.
Chaque coron est composé de trois pièces. La pièce unique du bas, où
tout le monde vit, avec son sol dallé, nettoyé le dimanche avec du sable
blanc, le buffet en sapin verni, la table, quelques chaises, un coucou au mur,
la cheminée avec sa grille à charbon où brûle le charbon de mauvaise qualité
donné par la compagnie ; en haut, le couloir où les enfants couchent, la
chambre conjugale, dans laquelle il faut bien aussi accueillir des enfants.
Une famille de dix personnes, comme les Maheu, est à l’étroit. Ils
dorment á deux personnes dans chaque lit. Bonnemort rentre du travail pour
occuper le lit encore chaud des fils. On couche en tas ; on se succède même
dans le même lit ce qui entraîne l'entassement et la promiscuité.
Dans le lit de gauche, Zacharie, l’aîné, un garçon de vingt et un ans, était couché
avec son frère Jeanlin, qui achevait son onzième année ; dans celui de droite, deux
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mioches, Lénore et Henri, la première de six ans, le second de quatre, dormaient
aux bras l’un de l’autre ; tandis que Catherine partageait le troisième lit avec sa
sœur Alzire1.
Dans la deuxième partie de Germinal aussi, Zola décrit par le détail,
les conditions de vie exécrable de Mouque, le gardien de la mine de Voreux,
dans un logement étroit, horrible et misérable.
[…], le vieux Mouque auquel la compagnie abandonnait, presque sous le
beffroi détruit, deux pièces, que la chute attendue des dernières charpentes menaçait
d’un continuel écrasement. Comme les fenêtres n’avaient plus une seule vitre, il
était décidé à les boucher en clouant des planches : on ne voyait pas clair2 .
La misère du logement s'amplifie à mesure que la grève continue
puisque les Maheu sont obligés de vendre peu d'objet qu'ils possèdent afin
d'acheter de la nourriture :
A peine de maigres aumônes suffisaient-elles à soutenir les familles les plus
pauvres. Les autres vivaient en engageant les nippes, en vendant pièce à pièce le
ménage. Tout filait chez les brocanteurs, la laine des matelas, les ustensiles de
cuisine, des meubles même3.
Dans des corons des mineurs, aucune intimité n’est possible. Il n’y a
pas de salle de bain, on se lave ensemble. La Compagnie a essayé de bâtir
les maisons sans trop payer, et la qualité de la construction n’est pas très
bonne. Il est possible d’entendre à travers les minces cloisons, quand les
voisins se lèvent le matin tout ce qui se dit et se fait à côté.
1
. Ibid.
. Ibid., p.472.
3
. Ibid., p. 529.
2
17
[…], Des bruits s’entendaient derrière le mur, dans la maison voisine. Ces
constructions de briques, installées économiquement par la Compagnie, étaient si
minces, que les moindres souffles les traversaient. On vivait coude à coude, d’un
bout à l’autre, et rien de la vie intime n’y restait caché, même aux gamins1 .
Certains des mineurs prennent des locataires pour quelques sous, c’est
l'exemple d'Etienne. Etienne partageait le lit de Jeanlin, devant le lit de
Catherine. Au coucher, au lever, il devait se déshabiller, se rhabiller près
d’elle, ôter et remettre ses vêtements.
Vers le milieu d’août, Etienne s’installa chez les Maheu, lorsque Zacharie marié
put obtenir de la compagnie, […], une maison libre du coron ; et, dans les
premiers temps, le jeune homme éprouva un gène en face de Catherine2 .
On doit ajouter que la misère du logement des mineurs ne se limite pas
seulement à la forme du coron mais elle contient aussi les autres outils
comme la chandelle et le charbon. « La compagne distribuait par mois, à
chaque famille, huit hectolitres d’escaillage, charbon dur ramassé dans les
voies. Il s’allumait difficilement3 » et était très différant de celui qui était
chez les patrons ; la qualité diminuée, il est nocif pour la santé.
Les familles des mineurs ont du mal à se chauffer leurs corons. La
petite fille de Maheu, Estelle qui a de trois mois, crie constamment parce
qu’elle a froid: « […] lorsque des cris et des larmes éclatèrent. C’était dans
son berceau, Estelle que le froid contrariait4 ».
1
. Ibid., p.423.
. Ibid., p.489.
3
. Ibid., p.423.
4
. Ibid.
2
18
Évidemment l’absence d’un bon charbon, qui ne brûle pas bien et ne
chauffe pas suffisamment, augmente tout au long de la grève car il leur est
donné par la Compagnie.
1.1.2 Nourriture des mineurs
L’un des facteurs qui dessine la misère des familles des mineurs, c’est le
manque de la nourriture suffisante. La compagnie leur donne juste assez
d’argent pour qu’ils ne meurent pas et qu’ils puissent travailler. Donc la
nourriture qu’ils peuvent acheter est restreinte. « Le motif de faim est
fondamental dans Germinal. On le trouve à tous les niveaux du roman1 ».
Dans une scène au début du roman, nous voyons Catherine qui prépare
leur petit déjeuner :
Devant le buffet ouvert, Catherine réfléchissait. Il ne restait qu’un bout de pain,
du fromage blanc en suffisance, mais à peine une lichette de beurre ; et il
s’agissait de faire les tartines pour eux quatre. […]. Il ne restait plus de café, elle
dut se contenter de passer l’eau sur le marc de la veille2 .
Dans une autre scène, nous voyons que la Maheude parle avec une
lenteur, pendant que son homme s’habille pour aller à la mine ; elle lui dit :
« Hein ? tu sais, je suis sans un sou, … qu’est-ce que je vais fiche, dis3 ? »
Maheu ne répond pas, exaspéré des cris d’Estelle. Et la Maheude continue
d’une voix morne :
1
. C. Becker, Germinal, op. cit, p. 113.
. E. Zola, les Rougon- Macquart, Germinal, op. cit, p. 425.
3
. Ibid.
2
19
[…] le buffet est vide, les petits demandant des tartines, le café même manquant,
et l’eau qui donnait des coliques, et les longues journées passées à tromper la faim
avec des feuilles de choux bouillies1.
Leur petit déjeuner ne comprend que du café ou du vermicelle. C'est
aussi le moment de la préparation du « briquet ». Le « briquet », la double
tartine emportée chaque matin à la fosse, était un déjeuner qui se déroule au
fond de la mine à dix heures. Le père aura un briquet plus copieux que ses
enfants, car son travail est plus dur.
Pour faire supporter la faim à ses enfants, la mère doit leur partager
équitablement même cette petite quantité de repas et veiller à ce que chacun
mange sa part et elle-même restait toujours affamée. Le petit déjeuner des
Maheu est trop misérable :
[…], elle partagea le vermicelle dans trois petites assiettes. Elle, disait-elle,
n’avait pas faim. Bien que Catherine eut déjà passé de l’eau sur le marc de la
veille, elle en remit une seconde fois et avala deux grandes chopes d’un café
tellement clair, qu’il ressemblait à de l’eau de rouille2 .
Les familles des mineurs n’ont pas de grands choix pour leurs
nourritures. Leur repas est constitué de maigres composants : du pain, de
l'eau, du sel, du sucre, du beurre et quelques légumes pour la soupe comme
des pommes de terre et de temps en temps du vermicelle.
Pour avoir un peu plus de légumes, ils les cultivent eux-mêmes. Les
Maheu cultivent des pommes de terre, des haricots, des pois, des artichauts,
du chou et de la laitue dans leur jardin. Ils peuvent aussi trouver du pissenlit
près du Voreux. On a assez de légumes, mais pas assez de pommes de terre,
1
. Ibid., p.424.
. Ibid., p.456.
2
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ce qu’on doit acheter. Si les mineurs cultivent autant de légumes, c'est aussi
un peu à cause de Maigrat, car parfois, il refuse de leur donner à manger
parce qu'ils n'ont pas d'argent, si bien qu'il y a des jours où ils ne mangent
rien.
Nous pouvons constater que la viande est rare et réservée au père car
c'est lui qui ramène le plus gros salaire et que le poisson ne peut être présent
que lorsque quelqu'un le pêche.
Les mineurs ont aussi des jours que l'on peut appeler jours de fête,
C'est la « Ducasse » et c'est une fête populaire qui ne se produit qu'une fois
dans l'année. Ce jour-là, tout le coron est en fête. On peut trouver des tas de
bibelots, des jeux mais on peut aussi manger des biscuits, des dragées, de la
brioche et des gâteaux bénis par le curé. Ces menus exceptionnels existent
grâce à l'argent qui est souvent emprunté au commerçant où ils achètent leur
nourriture, c'est-à-dire chez Maigrat. Lorsque les mineurs rentrent chez eux
en famille, ils mangent un repas inoubliable, qui est constitué d'un succulent
lapin gras et tendre qui a été élevé pour ce jour unique dans l'année.
Outre le lapin aux pommes de terre, qu’ils engraissaient dans le carin depuis un
mois, les Maheu avaient une soupe grasse et le bœuf. La paie de quinzaine était
justement tombée la veille […] les dix paires de mâchoires, depuis la petite
Estelle dont les dents commençaient à pousser, jusqu’au vieux Bonnemort en train
de perdre les siennes, travaillaient d’un tel cœur, que les os eux-mêmes
disparaissaient. C’était bon, la viande : mais ils la digéraient mal, ils en voyaient
trop rarement1 .
Puisqu’elles ont du mal à acheter suffisamment du pain pour nourrir
toute la famille, les femmes sont obligées de demander à Maigrat de leur
faire crédit, de mendier aux riches.
1
. Ibid., p.484.