Magazin KarateBushido
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Iaïdo Soke d’une école de sabre créée il y a 8 siècles KOMEI SEKIGUCHI « Apprenons à nous dominer » Les Samouraï n’ont pas disparu ! Leur esprit, leurs valeurs, leurs arts du combat et leurs préceptes sont encore bien vivants. Désormais, ce sont de vieux maîtres japonais qui assurent la transmission de l’héritage à travers les Kuryo, les écoles traditionnelles. Komei Sekiguchi, lui-même descendant d’une lignée de Samouraï, est l’un de ceuxlà. Paroles de toute une vie dédiée à l’art martial. Par Ludovic Mauchien - Photos : D.R. I l a pratiqué le Karaté Goju Ryu, le Kendo, le Kobudo et le Yawara, mais c’est dans l’art du sabre que Komei Sekiguchi a réellement trouvé sa voie. A tel point qu’il a dédié sa vie au Iaïdo. Aujourd’hui, à 67 ans, il est devenu le 21e Soke d’une très ancienne école traditionnelle, la « Muso Jikiden Eishin Ryu Iaï Jutsu ». Descendant lui-même d’une lignée de Samouraï, Sekiguchi Senseï vit pour et par le Iaïdo. Il a même fondé son courant, le « Komei Juku Iaï Jutsu », dans lequel il enseigne sans discontinuer les valeurs séculaires du Japon et l’art ultime du sabre : vaincre sans combattre. Quelle sont les origines de la « Muso Jikiden Eishin Ryu Iaï Jutsu » ? Cette école a été fondée par Hayashizaki Jinsuke Minamoto Shigenobu pendant la période Ashigaka (1333-1568). Pour venger son père, il se mit à s’entraîner très dur et finit par découvrir la miraculeuse nature du Iaï Jitsu. Son style, connu sous le nom de « Shigenobu », fut transmis tel quel jusqu’à la 7e génération, quand de nouvelles techniques furent ajoutées. L’école devint la « Muso Jikiden Eishin Ryu ». En 1674, le Soke de la 9e génération, Samouraï pour le domaine Tosa, établit définitivement le style. Exclusivement enseignées aux membres de la famille, les techniques demeuraient secrètes. Ce n’est qu’à la 17e génération, avec Ooe Masamichikei, que les portes de l’école s’ouvrirent. Kono Kanemitsu, Soke de la 19e génération, fonda le « Meibukan ». Son successeur, Onoe Masamitsu, en a hérité et me l’a transmis. J’ai moi-même créé la « Komei Juku Iaï Jutsu ». « Chacun doit apprendre que gagner contre quelqu’un d’autre n’est pas une victoire », professe Sekiguchi Senseï. « DES PONTS POUR LA PROSPÉRITÉ ET L’UNITÉ » Rejeter le conflit et la discrimination pour un monde sans préjudice est l’un des leitmotivs de Sekiguchi Senseï. 32 - SEKIGUCHI-KB404/BAT.indd 32 Votre enseignement diffère-t-il de celui des racines originelles ? Mon maître m’a transmis l’art et sa sagesse. Je l’ai entretenu, étudié, amélioré et je le dispense à de futurs Samouraï. Notre tradition est un héritage culturel intangible qui a traversé 8 siècles. Notre pratique / 404 - Janvier 2014 14/12/13 11:57:35 LE 15 FÉVRIER 2014 « Ne frappez pas quelqu’un mais ne laissez pas quiconque vous frapper » Komei Sekiguchi Né le 20 mars 1946 à Saitama (Japon) Art martial : Iaïdo Fonction : Soke Ecole : Muso Jikiden Eishin Ryu Iaï Jutsu sss Janvier 2014 - 404 / SEKIGUCHI-KB404/BAT.indd 33 - 33 14/12/13 11:57:35 « EVITER DE COUPER ET D’ÊTRE COUPÉ » Où vous situez-vous dans ce chemin ? Mon sentiment ? Je ne peux pas dire que j’ai atteint quoique ce soit, pas encore. Bien que j’arrive à un bon âge pour cela (Ndlr : il a 67 ans), je ne suis pas encore proche du très grand homme que j’imagine. Mon objectif est de continuer à m’entraîner au sabre et de parfaire mon corps. J’ai besoin d’avoir une vision claire, sans brume. Je dois encore entretenir mon cœur, afin qu’il n’y ait aucune obstruction pour voir la vérité et écouter correctement. Quelle est votre recherche ultime ? Je veux être quelqu’un tourné vers l’intégrité. On dit d’une telle personne qu’elle possède la connaissance de la pitié et de la compassion et, aussi, qu’elle pense aux autres avant elle-même, qu’elle est ouverte à l’édification. En d’autres termes, l’objectif est d’éviter de couper et d’être coupé. Ne frappez pas quelqu’un mais ne laissez pas quiconque vous frapper. C’est une philosophie spirituelle qui permet de parvenir à une paix globale. Tout le monde peut arriver au sommet si on met toute son attention dans sa recherche. « JE M’ENTRAÎNE 365 JOURS SUR 365 » Quelle est votre approche de l’entraînement ? sss « Je ne peux pas dire que j’ai atteint quoique ce soit, pas encore. Je ne suis pas encore proche du très grand homme que j’imagine », assure Komei Sekiguchi. 34 - SEKIGUCHI-KB404/BAT.indd 34 requiert de la compassion, de l’altruisme et une forte volonté de s’améliorer. L’école « Komei Juku » s’efforce de partager ces valeurs dans le monde entier. Elle est présente dans 90 pays. L’apprentissage est long. Il n’a pas pour objectif de faire mémoriser aux élèves les techniques mais de leur apprendre la profondeur de l’esprit. Est-ce que tout le monde peut pratiquer le Iaï Jutsu ? Le Iaï Jutsu est accessible à tous ceux, indépendamment de la nationalité, de la race, de la religion, de l’âge ou de l’état de santé, qui font l’effort de s’entraîner sérieusement, de se plonger dans un art, une technologie et une culture qui ont traversé 800 ans. Le Iaï Jutsu mène au développement de l’âme et du corps, ce qui est la véritable formation de l’homme. Sous la bannière de la compréhension, de la paix et des échanges courtois, l’école « Komei Jutsu » construit les ponts pour la prospérité et l’unité. Le rejet du conflit et de la discrimination doit délivrer un monde sans préjudice. Créer une famille unique est un effort continu. Nous nous entraînons 7 jours par semaine. Personnellement, je m’entraîne quotidiennement, 365 jours sur 365, dès que je me réveille le matin. C’est ainsi parce que je vis « Iaï Jutsu ». Dans notre école, la seule que je maîtrise, nous devons couper en imaginant que notre ennemi se tient devant nous. Les élèves doivent voir son image avec la même clarté que s’il était réel. Nous tenons de manière identique une longue et une courte épée, une lourde comme une légère. Nous optimisons notre condition physique. Le côté aiguisé de la lame est toujours tourné vers le haut, de la même façon qu’elle est tenue à la ceinture. Nous travaillons aussi bien debout qu’assis (Seiza et Tatehiza). Quelle relation doit entretenir un maître avec ses élèves ? Le professeur doit rechercher la patience nécessaire pour repousser la douleur et les difficultés, trouver ce dont ses élèves ont besoin et nourrir leurs manques. La relation est comme celle de l’aiguille avec le fil. L’un guide l’autre vers un chemin que seul le professeur peut connaître et où seul l’élève peut voyager. Il faut toute une vie pour parcourir cette route, souvent comme un vagabond, mais toujours dans la poursuite de l’art. « LA PERSÉVÉRANCE EST LE CŒUR DU VOYAGE » Vous-même, avez-vous été « vagabond » ? Depuis que j’ai croisé le chemin du Iaï Jutsu, mon parcours n’a pas toujours été facile. Avancer n’est pas toujours possible seul et demande / 404 - Janvier 2014 14/12/13 11:57:37 Iaïdo « Tel un mur construit pierre après pierre, le corps se renforce leçon après leçon » souvent l’assistance des autres. C’est ce chemin que j’ai emprunté et je n’en ai jamais dévié. Je l’ai plutôt parcouru de manière assidue et appliquée. La persévérance est le cœur du voyage. On peut tomber sept fois. On doit se relever une 8e fois. Personnellement, je m’interroge sur le nombre de montagnes que j’ai pu franchir. J’ai beaucoup appris auprès d’excellents professeurs. Chacun d’entre eux a contribué à ma compréhension du Budo. Quelle est la plus grande victoire ? Chacun doit apprendre que gagner contre quelqu’un d’autre n’est pas une victoire. Cela est très important et doit être bien compris. Celle-ci est à trouver en nous-mêmes. Dégainer une épée et la rengainer dans son fourreau est un geste à la fois simple et puissant. Un Samouraï doit comprendre pourquoi c’est les deux à la fois. C’est ça, le Iaï Jutsu. Nous devons respecter l’entraînement en éliminant toutes les distractions qui enlèvent de l’attention à l’épée et aux instructions du professeur. Si l’on met entièrement son esprit dans la pratique, sans aucune réserve, la pureté de l’art sera reflétée. « CECI EST MA ROUTE ET MON VOYAGE… » Vous parlez des Samouraï comme s’ils vivaient encore… Est-ce le cas dans votre esprit ? Quand nous pratiquons, nous entendons la voix du Samouraï : c’est le bruit de l’épée, la voix du professeur qui transmet et maintient en vie cet héritage. L’esprit Samouraï forme les racines de la vision du Japon, une vision claire. Le Samouraï préserve l’âme des anciens guerriers japonais à travers le Iaï Jutsu. L’épée est l’âme du Samouraï. C’est grâce à elle qu’il maintient la justice et va au bout de sa mission. A travers l’épée, nous répandons le sang, la sueur et les larmes de la famille Samouraï. Chacun d’entre eux est un simple fantassin d’une lignée ininterrompue de soldats s’étendant sur plusieurs siècles, une culture unique de la discipline, de la dévotion. C’est la famille dans laquelle je suis né. C’est donc votre héritage… Ceci est ma route et mon voyage. C’est le chemin que j’ai emprunté, le développant au fur et à mesure, en n’oubliant pas l’intention originale. Je continue à voyager vers ma compréhension du Iaï Jutsu, comme tout un chacun. Même un enfant chétif peut prendre confiance en son corps et son esprit. Tel un mur construit pierre après pierre, le corps se renforce leçon après leçon. Chaque pièce du mur a un rôle. Alors que les grosses pierres tiennent l’ensemble, les petites pierres soutiennent les grosses. En prenant ce chemin, nous pouvons devenir aussi solides que l’enceinte d’un château. Avec Jigoro Kano, le Budo est passé des Jutsu (techniques) au Do (la voie). Quel regard portez-vous sur l’approche du fondateur du Judo ? « Nous devons respecter l’entraînement en éliminant toutes les distractions... Si l’on met entièrement son esprit dans la pratique, la pureté de l’art sera reflétée », conseille Sekiguchi Senseï. J’ai le plus profond respect pour la sagesse de Jigoro Kano. Sa philosophie était d’orienter son esprit et sa volonté vers les autres, de chercher à coexister avec tout le monde. Il a réfléchi à la manière de faire progresser les gens dans une bonne voie. En Judo, il ne s’agit pas de dominer. Il ne s’agit pas d’être dominé non plus. L’essence du Judo, c’est tomber et savoir se relever. Vous devez vous relever! Cette persévérance aide à se sortir des pires difficultés. Le Judo nous apprend qu’une crise est une opportunité. Nous sommes notre pire ennemi. Apprenons à nous dominer. C’est ce que j’ai appris de Kano Senseï. Voir contact p.98 « NOUS SOMMES NOTRE PIRE ENNEMI » Janvier 2014 - 404 / SEKIGUCHI-KB404/BAT.indd 35 - 35 14/12/13 11:57:38