le sexe aratoire - Association Suisse des Libres Penseurs

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le libre penseur
Périodique romand laïc et indépendant
Editeur: Association vaudoise
de la Libre Pensée
Case postale 5264
CH-1002 Lausanne
35e année
Décembre 2009
Trimestriel
N° 143
Abonnement annuel: CH Fr. 10.–, CCP 10-7494-3
Etranger Euro 10.–
ISSN 0256-8985
Rédacteur responsable
Ivo Caprara
Tirage 1700 exemplaires
LE SEXE ARATOIRE
(AVEC INTRODUCTION D’UN NÉOLOGISME)
Nos politiciens et nos partis politiques, il leur arrive de ne pas être très futés. Voyez cette initiative visant à interdire la
construction de minarets en Suisse. Ils sont allés au plus visible, à ce qui est symbolique, pensent-ils, de l'islam et qui leur
apportera l'approbation massive de leurs «ouailles». Les problèmes que pose l'islam en Occident (dans l'Orient, c'est pire)
ne sauraient se résoudre par des visions et des propositions simplistes et populistes. Car il y a les musulmistes. J'aimerais
proposer ce néologisme pour la raison suivante: un musulman est né dans cette religion, il est possible qu'il la pratique,
plus ou moins intensément (ou pas du tout), mais il ne fait pas de prosélytisme; l'islamiste est un forcené, un violent qui
prétend imposer l'islam au moyen d'explosifs, quitte à y laisser lui-même sa peau, moins, à ce qu'on m'a assuré, celle de
ses roustons qu'il protège d'un blindage local, rapport aux activités libidineuses qui l'attendent au paradis d'Allah; entre
les deux, les musulmistes seraient ceux qui, si vous acceptez le mot, avancent à petits pas, sans se découvrir vraiment
(prodeunt larvati), et essaient d'introduire des mesures qui nous paraissent anodines («après tout, si c'est leur idée!»)
mais qui grignotent notre tissu culturel selon la technique du saucisson qu'on découpe en tranches fines. Nadia Karmous,
dont il sera question ci-après, les Ramadan Brothers, sont des musulmistes.
Quelques exemples: les carrés confessionnels dans les cimetières. La Suisse, cela
date je crois du XIXe siècle, a imposé à ses
morts, ou plutôt à leurs proches encore
vivants, d'accepter que protestants et
catholiques soient enterrés dans un même
lieu. Cela n'a d'ailleurs pas été sans mal, les
tenants de chaque religion insistant pour
qu'un apartheid des macchabées soit
maintenue. Les macchabées ne se sont pas
prononcés. Il restait les cimetières juifs, et
si vous me permettez cette remarque
antisémite, rien ne les justifiait. Viennent
maintenant les musulmistes qui demandent que leur noble carcasse ne se mélange pas aux répugnants ossements des infidèles et que leurs orbites bientôt creuses
regardent en direction de La Mecque.
Demande arrogante et philosophique-
Explose et sois belle. Une fatwa promet beauté aux femmes kamikazes. Espérons qu’au paradis
d’Allah, elles auront au moins un «Chippendale» pour s’amuser! (Saturne, 3 février 2006).
SOMMAIRE
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
Le sexe aratoire
André Thomann
Extase, épectase et pompe funèbre André Panchaud
Quelques questions sur Léon X Claude Cantini
Valeurs douteuses
Pierre Lexert
Pourquoi suivre les commandements
de Dieu est incohérent
Bertrand Cassegrain
Bleu, à point ou saignant?
Narcisse Praz
Le passé du présent
Gérard Delaloye
Le comble
Edouard Kutten
Internet en liberté
p.1-2
p. 3-4
p. 4
p. 5-6
p. 6-7
p. 7
p. 8
p. 8
p. 8
10. Maladie du foie, maladie de la foi
11. Songe de Noël
12. Une laïcité révisée!
13. Courrier des lecteurs
14. «Un génocide sans importance»
15. Libre service
16. Le rôle néfaste des suiveurs
17. La fouine des archives
18. En lisant
19. Les brèves
20. Bon de commande
Robert Lescuyer
Robert Nicole
Edouard Kutten
Michel Jörimann
Philippe De Dehm
p. 9-10
p. 11
p. 11
p. 12
p. 13-14
p. 14-15
Georges Krassovsky p. 16-17
p. 17
Claude Cantini
p. 18-19
Thor Danneman
p. 19
p. 20
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ment risible à laquelle des municipalités
frileuses se sont empressées d'accéder.
Ensuite, nos musulmistes ne sauraient
manger une viande provenant d'une bête
qui n'aurait pas été abattue selon des
rites à eux. Sauf à espérer une situation
édénique où l’on ne mangerait que des
fruits et des légumes, nos civilisations en
sont encore à l'omnivoracité. Nos pays
occidentaux, mécréants ou presque,
demandent que les animaux de boucherie passent de vie à trépas avec le moins
de souffrance possible. Soit avec une
anesthésie préalable. Pas de ça Lisette,
couinent en chœur les juifs et les musulmans pratiquants, l'animal destiné à l'abattage doit être, on ne rit pas, vivant au
moment de mourir. Vivant, c'est-à-dire
lucide. C'est la tradition, imposée par
leurs Livres. Le problème c'est que ces
extrémistes, de quelque obédience qu'ils
soient, n'ont pas compris qu'une tradition, si elle se révèle mauvaise, doit être
abolie. L'excision des petites Africaines,
qui comporte des souffrances inouïes
pour les victimes, que voulez-vous, c'est
une tradition. Et si beaucoup d'entre elles
meurent d'une septicémie, on ne va pas
en faire une montagne.
Encore une tranche fine du salami? Un
petit con musulmiste (16 ans), vient d'obtenir, à Berlin, qu'une salle de son lycée
soit réservée à sa prière. Ainsi en ont
décidé les juges, arguant que la liberté
religieuse comprenait aussi celle de la
manifester. Devant cet excès de laxisme,
le proviseur a décidé de faire appel.
L'argument des autorités scolaires est
que l'établissement comporte de nombreuses nationalités et religions est que
le seul moyen de les faire vivre ensemble,
c'est de les faire fondre dans un système
unique qui est précisément l'école. Si les
juges ne comprennent pas cette donnée
fondamentale, on se demande s'ils ont
cette intelligence supérieure à la moyenne qui est requise dans l'exercice de leur
fonction. Et cela est vrai non seulement
des juges berlinois mais d'autres qui
sévissent sur la partie occidentale de
cette planète. Cela dit, j'ajouterai qu'il
n'est pas exclu que notre pieux petit
jeune homme ait été un peu téléguidé par
plus pieux que lui.Vous savez ce que c'est,
à seize ans, on est aisément influençable.
Ces empiètements insidieux ne sont possibles que par la nonchalance de l'opinion
publique, par l'aveuglement des politiques
et par la pleutrerie des tribunaux. Les uns
et les autres ont une notion erronée de
la liberté de croyance. Dans un pays islamique, la manifestation de sa foi est non
seulement libre, elle est même requise.
Cela était vrai dans tout l'Occident
catholique avant la Réforme et même audelà. En Pologne ou en Espagne, un
congrès eucharistique, une procession, ne
gênent encore personne. Les mécréants
savent qu'ils doivent adopter un profil
bas. Mais dans nos sociétés multiculturelles et aux religions nombreuses et
contradictoires, la discrétion est désormais de mise, pour éviter les affrontements. Encore quelque chose que les
musulmistes n'ont pas assimilé. Ils se plaignent de n'être pas compris, pas acceptés. C'est qu'à l'inverse des musulmans, ils
sont exhibitionnistes, et dans leur apparence et dans leurs discours. S'ils se
rasaient tous les matins et si leurs femmes ne portaient pas le voile de la soumission, ils se fondraient dans la masse et
ne seraient la cible d'aucune animosité et
d'aucune incompréhension. Mais c'est
plus fort qu'eux, il faut qu'ils la ramènent.
Ainsi Nadia Karmous, notre pasionaria
helvétique, arborant fièrement la tenue
musulmane et pratiquant sur un ton doucereux une «agit-prop» qu'on croyait
défunte après la chute du régime soviétique, a réussi à convaincre la commune
de Colombier (NE) de réserver quelques
heures à la gent féminine pour lui permettre de faire trempette à l'abri des
regards lubriques des hommes. Car dans
le corpus des clichés de l'islam, il y a cette
notion que le mâle est avant tout un violeur, un énergumène qui n'a qu'une idée
en tête, c'est de se taper toutes les gonzesses qui sont à sa portée. Cette idée
extrémiste n'est possible que parce que
l'islam n'a de la sexualité qu'une idée
rudimentaire. Le Coran donne la marche
à suivre: «La femme est un champ que
l'homme doit labourer.» Ce qui situe l'activité sexuelle très bas dans l'échelle de
Richter de l'érotisme: pas de séisme en
vue. Notre Occident décadent (?) et heureux de l'être, s'est affranchi d'un certain
nombre de contraintes dans le domaine
sexuel (ça n'est évidemment pas vrai de
tout le monde), ce qui lui permet d'aborder la chose de façon équilibrée. La
conception aratoire du coït n'est plus son
fait. L'Eglise catholique a aussi longtemps
fait sienne cette vue utilitaire de l'union
des sexes qui devait avoir pour seul but la
procréation. Les paroissiens ont fini par
en avoir marre et se sont rebiffés, ce qui
explique que la confession auriculaire ne
fait plus recette; l'idée qu'on pouvait aller
en enfer si on s'écartait de la position
agréée, si on faisait l'amour pour le seul
plaisir, a paru infantilisante à ces partenaires (quelquefois non mariés!) qui désiraient s'émanciper. On a parlé de façon
abusive de révolution sexuelle. Et quoi
encore? On en est simplement venu à
une situation normale qui aurait dû être
la règle depuis le Neandertal.
Nos naïades de Colombier ont donc
tout faux. D'abord parce que l'homme,
avant d'être concupiscent, est d'abord
admiratif.Voir une femme bien faite comble son besoin de beauté. Et la femme ne
ressent-elle pas le besoin, elle, de se faire
admirer? En règle générale, c'est la
femme qui met du khôl et du henné, qui
porte des bijoux. Et cela va dans les deux
sens: rien n'empêche une baigneuse de
mater un beau mec à la musculature
flamboyante. Elle vous répondra que, justement, cela fait venir des mauvaises pensées, comme disent les théologiens et les
confesseurs. Allons! Sont-elles si mauvaises que ça?
Nos effarouchées, faisant écho à leurs
imams, se plaignent d'une liberté des
mœurs qui peut conduire aux pires
excès. Contresens! Les viols n'ont rien à
voir avec la licence. Ils sont le fait de déséquilibrés sexuels (le contraire des
émancipés dont il est question plus haut)
qui opèrent dans des chemins mal éclairés et des garages de voitures souterrains. Par comparaison, les piscines et les
abords des lacs sont des endroits sûrs
où ces dames ne risquent rien. A fortiori, les camps de naturistes. Plus on est nu,
paradoxalement, plus on est chaste. Les
musulmistes, dans leurs raisonnements
simplistes, pensent exactement le
contraire. Les naturistes, eux, ont réussi
le pari de séparer la nudité de l'érotisme.
On les voit faire une partie de ping-pong,
jouer aux échecs, se promener en forêt
(avec leurs enfants non traumatisés),
manger des pizzas, bref, donner l'image
non truquée de la joie de vivre. Dame
Karmous, qu'on voit sur les photos vêtue
comme une Lapone frileuse, ne peut évidemment pas comprendre cette liberté
sans péché. Le dogme coranique (correction: il n'est même pas coranique) lui
donne des œillères. Elle va continuer, au
nom d'une morale qui a prouvé sa nuisance à demander plus de piscines «chastes». Il faut la contrer et demander haut
et fort que les piscines seront mixtes ou
ne seront pas. (Moi aussi, je peux faire du
Malraux!) L'islam n'a rien compris à la
sexualité. C'est son problème, mais il est
prié de ne pas l'importer dans notre culture qui en est arrivée, je crois, à l'âge
adulte, dans ce domaine tout au moins.
Ainsi, je vous demande de reprendre
ensemble le slogan d'une autre pasionaria, plus sympathique, elle: no pasaran!
ANDRÉ THOMANN
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EXTASE, ÉPECTASE ET POMPE FUNÈBRE
Le 20 mai 1974 les médias annonçaient
la nouvelle de la mort du cardinal (et
académicien) Jean Daniélou.
Dès que furent connues les circonstances dans lesquelles était décédé l'éminent prélat, ce fut un (sacré) branle-bas
dans les hautes sphères du clergé. Les
hauts dignitaires s'efforceront de donner de l'événement une explication
pieusement correcte. Il fut déclaré que
le cardinal avait été frappé d'une crise
cardiaque dans la rue. Paul Guth, tout
confit en dévotion, y alla aussi de sa version1: «Le cardinal Daniélou vient d'avoir la fin la plus sublime pour un prêtre. Il portait la communion à un ami
malade.Avec sa pétulance habituelle, il a
gravi trop vite l'escalier jusqu’au quatrième étage. Il s'est effondré sur le
palier, foudroyé par une attaque.»
Tu parles!... Là, une petite rectification
s'impose: l'homme de Dieu ne portait
pas la communion à un ami mais venait
«confesser» une pécheresse. Il ne s'est
pas effondré au quatrième étage mais
s'apprêtait à se transporter au septième
ciel.
Gardons-nous cependant d'accabler
celui qui succombe aux convoitises de
la chair. Du reste, son divin maître ne
l'a-t-il pas absous d'avance: «Que celui
de vous qui est sans péché lui jette la
pierre le premier» (Jean 8:7).
Et puis, franchement, expirer dans la
chaude moiteur duveteuse d’une toison
pubienne, en respirer le parfum, en goûter la saveur, n'est-ce pas, comme l'affirme l'auteur des Mémoires d'un naïf, «la
fin la plus sublime»?
LUXURE, CALME ET VOLUPTÉ
C'est Le Canard enchaîné du 29 mai
1974 qui révéla la vérité. Le cardinal
était, depuis trois mois, le visiteur assidu de l'appartement loué par une artiste de cabaret surnommée Mimi, qui faisait des «heures supplémentaires» à
domicile pour occuper ses loisirs et
arrondir ses fins de mois.
Selon certaines sources, «les Renseignements généraux surveillaient depuis
six ans les activités extra-sacerdotales
de Son Eminence» révèle Le Canard
enchaîné, en juin 1974.
Dans une oraison funèbre publiée par
Le Figaro (24.5.1974), le R.P. Xavier
Tilliette s.j. écrivait du cardinal: «Son
existence harassante avait, sans qu'on le
vît, sans qu'on le sût, miné l'organe qui
propulsait son activité apparemment
infatigable. C'est dans l’épectase de l'apôtre qu'il est allé à la rencontre du
Dieu vivant.»
Épectase!… le mot était lancé. Il allait
faire fortune.
En 1974, le mot épectase ne figurait
dans aucun dictionnaire français, ni
même dans des lexiques d'expressions
religieuses.
Utilisé en philosophie, ce terme signifie
en grec classique «extension, allongement». Il est cité dans la Bible2 dans l’épître de saint Paul aux Philippiens
(3:13-15): «Oubliant les choses qui sont
derrière et tenant avec effort (epekteinómenos) vers celles qui sont devant, je
cours droit au but pour le prix de l’appel céleste de Dieu dans le Christ
Jésus.»
Dans les Homélies sur le Cantique des
cantiques de saint Grégoire de Nysse
(340-400) épectase désigne la tension
de l’âme hors d’elle-même à la rencontre de Dieu. Dans le culte orthodoxe, le
mot est employé de manière courante;
il caractérise la béatitude des élus au
paradis, s’accroissant sans cesse et n’atteignant jamais la satiété. Le cardinal
Daniélou avait abondamment commenté la notion d’épectase dans son ouvrage sur Grégoire de Nysse Platonisme et
Théologie (1944). Prémonition peutêtre?
VADE RETRO, SATANA!
Il va sans dire qu’après les révélations
du Canard enchaîné le mot fit florès dans
la presse satirique, dans l’acception profane de «mort durant l’orgasme». Il fallut bien du temps pour que ce terme
qui, désormais, sent plus le soufre que
l’encens, soit accueilli dans les dictionnaires usuels3.
Ce n'était pas la première fois que le
«Canard» soufflait le mauvais esprit
dans les sacristies. En 1924, son collaborateur Georges de La Fouchardière
avait révélé que Mgr Grente (académicien lui aussi) était propriétaire de maisons de tolérance sises derrière la
cathédrale du Mans.
L’histoire retient encore maintes polissonneries de certains serviteurs de
Dieu avec des «créatures».
Quelques mois seulement après l’épectase de Jean Daniélou ce fut Mgr Tort,
archevêque, qui fut trouvé mort dans le
couloir d’un hôtel… particulier.
Il était passé de l’autel à l’hôtel, de la
chaire à la chair, en quelque sorte.
Remontons le temps.
Ces augustes prélats avaient eu un illustre prédécesseur en la personne de Pie
IV (Giovanni Angelo Medici, 14991565). Ce Saint Père la pudeur prêchait
le célibat des prêtres et fit recouvrir
«les nudités les plus choquantes» peintes par Michel-Ange à la chapelle
Sixtine. Ce qui ne l’empêcha pas de
connaître l’épectase lors d’un coït fatal
avec sa courtisane favorite.
En 1695, Mgr Harlay de Champvallon,
archevêque de Paris et académicien,
expira dans les bras de la duchesse de
Lesdiguières.
On trouve décidément, chez les académiciens, un goût prononcé pour certaines… académies.
Loin de nous, on s’en doute, l’idée de
blâmer ce que les bigots appellent le
«péché de la chair». Il ne s’agit ici que
de démasquer l’hypocrisie des bons
apôtres qui violent la morale qu’ils
imposent aux autres.
Venons-en maintenant à des turpitudes
plus profanes. Saint-Simon relate dans
ses Mémoires la fin du régent Philippe
d’Orléans (1674-1723) dans la couche
de Mme Falari, l’une de ses nombreuses
maîtresses. Une histoire semblable arriva, en 1921, au sénateur Antonin
Dubost, au domicile d’une dame de
petite vertu, à l’occasion d’un «massage
spécial».
Citons encore les cas d’orgasme fatal de
Richard Wagner et de Nelson Rockefeller.
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Mais l’affaire qui eut le plus grand retentissement est celle du décès de Félix
Faure, président de la République, le 16
février 1899. Le président fut subitement
victime d’une syncope résultant d’une fellation pratiquée un peu trop consciencieusement par Mme Steinheil, sa maîtresse attitrée. Ce qui valut à celle-ci le
surnom de «la pompe funèbre». Armand
Lanoux raconte4: «Un jeune vicaire appelé en hâte pour administrer les derniers
sacrements au président arriva à l’Elysée
et demanda à un garde: «Le président a-t-
il encore sa connaissance?» Mon père, elle
vient juste de sortir par l’escalier de service.»
Cet événement fut une véritable aubaine
pour les chansonniers, qui composèrent
cette épithète devenue célèbre: «Il se
croyait César, il ne fut que… Pompée.» Le
président eut droit à des obsèques nationales. Célébrées en grand pompe, comme
il se devait.
ANDRÉ PANCHAUD
1
Publications commerciales, mai 1974.
2
Ne figure que dans la traduction du
3
4
théologien anglais John Nelson Darby
en 1859.
Inconnu du Petit Larousse. Nouveau
Petit Robert: 1974; du grec epectasis
«extension» Aristote, remotivé d’après
ectasis «extase». Fam. Décès pendant
l’orgasme.
Armand Lanoux: Madame Steinheil ou la
connaissance du président, Grasset, Paris
1983. Il existe une multitude de versions
plus ou moins fiables de cet événement.
QUELQUES QUESTIONS SUR LÉON X
En avril 2009 est sortie de presse
(comme Le Libre Penseur de septembre
dernier l'a annoncé) la réédition du
«Gesù Cristo non é mai esistito», publié
pour la première fois à Bellinzone en
1904.
La couverture (fac-similé de la deuxième
édition de 1905) comporte une citation
explosive, attribuée au pape Léon X: «La
fable du Christ nous apporte tellement
qu'il serait folie d'avertir les ignorants de
la tromperie» (trad.).
Un ami m'a fait justement observer qu'il
serait fort utile d'approfondir, par une
documentation, la valeur de cette citation. D'où ma tentative.
Au sujet de Léon X (1475-1521) – dans
le siècle: Giovanni de Medici – voici donc
quelques jugements.
«Si les caisses du Saint-Siège, remplies
par Jules II, se trouvèrent vides à sa mort,
le crédit moral du pontife était également ruiné» (François Fossier dans le
«Dictionnaire historique de la papauté»,
Paris 2003).
«Léon X non seulement aimait les arts...
mais il accordait ses faveurs à tous les
travaux de l'esprit...; même et peut-être
surtout à la comédie licencieuse et à l'épigramme libertine» (E.-H. Vollet dans
«La Grande Encyclopédie», tome 22).
«On a reproché à ce pape son faste, sa
Léon X (Jean de Médicis) 1475-1521.
passion pour la table, et même des habitudes de débauche... Léon X, dit Avenel
(historien français), avait l'humeur
enjouée, l'esprit enclin à la bouffonnerie;
il passait, avec une extrême facilité et un
plaisir assez visible, des entretiens les
plus sérieux aux plaisanteries les plus frivoles... Roscoe discute longuement les
accusation d'impiété (Littré: «mépris
pour les choses de la religion») et d'immoralité dirigée contre Léon X par ses
contemporains, et il conclut au rejet de
ces accusations, mal fondées selon lui»
(Grand Dictionnaire universel du XIXe
siècle, tome X/1er).
N'ayant pu consulter les quatre volumes
de l'importante biographie de l'historien
anglais William Roscoe (Vie et pontificat
de Léon X, Paris 1808), car en cours de
numérisation, ma petite recherche s'arrête là.
Qu'il me soit néanmoins permis d'avancer une hypothèse «In vino veritas»?
CLAUDE CANTINI
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VALEURS DOUTEUSES
Sa Sainteté Benoît XVI est allé passer
ses vacances en Vallée d’Aoste, – région
naguère francophone jouxtant la France
et la Suisse romande, qui fut, vers le
mitan du XIXe siècle, arbitrairement
séparée de la Savoie pour être rattachée
au naissant royaume d’Italie. Prétextes:
l’écoulement des eaux dans le Pô –
manque de pot! – et la préservation des
terrains de chasse et de fornication du
roi de la Botte de l’époque. L’avis de la
population? Négligeable. Pis encore: le
Vatican fit tout pour la défranciser, la
coupant ainsi de ses racines gallicanes et
attentant à son verbe, autrement dit à
son âme. Ce qui n’a pas empêché notre
blanc Benoît de se prélasser dans cette
contrée sans manifester la moindre velléité de réparation, cependant que, venu
pour ne pas se fouler, il s’y est foulé le
poignet – la montagne ça ne pardonne
pas – incident qui mit en grand émoi
médicastres et thuriféraires.
Toujours est-il que la foi en son Dieu de
cette itinérante brebis laisse beaucoup à
désirer. En effet, si persuadée qu’elle se
prétende de l’infinie sagesse et de l’incommensurable bonté dudit Dieu, elle
ne s’en déplace pas moins en voiture
délicatement blindée et protégée par
des gardes du corps musclés dont les
façons n’ont rien d’évangélique. Est-ce à
dire qu’il redoute d’être rappelé trop
tôt auprès du Sauveur et de devoir se
casser éternellement les pieds parmi les
bienheureux de son acabit? Etrange
défiance de la part de l’infaillible garant
des félicités que l’au-delà réserve aux
justes! Un identique scepticisme, regardant les pouvoirs des saints, s’est manifesté chez des ecclésiastiques italiens
déconseillant à leurs ouailles de toucher
ou d’embrasser les reliques de san
Gennaro, qui pourrait – le salaud! – leur
instiller la grippe A... On voit donc que,
lorsque la réalité menace, toutes ces
calembredaines ne valent plus tripette,
même aux yeux de leurs camelots.
Ce qui m’amène à m’interroger sur le
déprimant spectacle des enterrements
chrétiens, où règne la consternation
alors que chacun devrait pourtant se
réjouir de savoir le défunt se la coulant
douce à la droite du Seigneur. Quant aux
sinistres cimetières qui accueillent les
dépouilles charnelles de cette chrétienté, préfigureraient-ils l’urbanisme paradisiaque qui nous attend au tournant?
Passons vite.
La récente diffusion, sur l’antenne de
France 2, d’un fort mauvais film (il fallait
s’y attendre) concernant «La Dame de
Monsoreau», a de nouveau mis en évidence la criminelle collusion de l’Eglise
apostolique et romaine – sainte salade!
– et d’une «noblesse» autoproclamée
telle, bien que parasitaire, futile, fourbe
et dépravée. J’ai déjà fait observer que
les peuples tendent à se prévaloir des
vertus qui leur manquent ou qu’on leur
dénie. Ainsi les fieffés faux jetons que
sont les Anglais se gargarisent-ils de leur
«fair-play»; ainsi les Français – on ne
peut plus remarquables pour leur
inconséquence – se donnent-ils pour
cartésiens après en avoir engendré un
par inadvertance; ainsi les Etats-Unis qui
ambitionnent d’éclairer le monde du
haut de leur liberté statufiée, n’ont-ils de
cesse – via les vilenies assassines de leur
CIA – d’asseoir partout des régimes
tyranniques et un libéralisme ravageur.
De même, la noblesse institutionnelle,
qui se réclame de l’honneur – vertu discutable qui se nourrit de suffisance plus
que de droiture – se comporte-t-elle
globalement comme un ramassis de prédateurs et d’arrivistes sans scrupules,
prêts, pour jouir de privilèges et de rentes immérités, à toutes les compromissions, qu’il s’agisse de félonie, de meurtre, d’abus de confiance, de corruption
ou de mésalliances juteuses, – sous l’hypocrite et arrogant couvert d’un vernis
de traditions faisandées. (Ce, d’ailleurs,
dont l’entreprenante grande bourgeoisie
post-révolutionnaire s’est montrée tout
aussi capable).
La chevalerie, on le sait, ne fut qu’une
invention littéraire, destinée à flatter les
seigneurs – chers saigneurs! – et dresser
un voile trompeur devant leurs exactions. Tout comme en matière de religion, quelques figures d’exception, portées aux nues par la légende, ont servi
de caution à d’innombrables sacripants
et contribué à donner le change au peuple sur leurs ignominies. On rêve d’une
thèse objectivement documentée qui
révèlerait les fondements de cette
pseudo–aristocratie, l’épinglant sous son
vrai jour depuis ses origines, peu recommandables, marquées par le brigandage,
l’appropriation indue, la coercition et le
racket. Mais quel maître accepterait de
la patronner, cette thèse, et quel jury
d’en recevoir l’impétrant? Jusqu’à quand
les valeurs douteuses affichées par les
grandes sectes religieuses, la noblesse
historique, le chœur des notables, les
héritiers abusifs, tromperont-elles la
confiance et l’attente d’un public dont
leurs représentants exploitent la crédulité et organisent l’aveuglement?
Venons–en maintenant au spectacle de
ces athlètes de haut niveau (surtout physique) qui, lors des championnats du
monde – comme dernièrement à Berlin
– multiplient invocations et signes de
croix avant l’épreuve. Compte tenu du
peu de fair-play et de la sotte vanité
qu’implique le fait de s’estimer digne
d’être assisté par Dieu, on peut imaginer
le parti qu’en pourrait tirer un malicieux
cabinet d’avocats, bien rétribué par un
collectif de mécréants. D’abord, en postulant l’efficace de l’intervention divine,
l’assimilant à une forme de dopage favorisant le fidèle aux dépens de l’incroyant;
ou bien et à contrario, jouant les fervents du culte, en exigeant l’interdiction
de ces manifestations de piété, du fait
que les nombreux échecs qui en résultent sont de nature à discréditer l’omnipotence divine. Force nous est de constater, d’ailleurs, que la virilité corporelle
n’a rien à voir avec celle du caractère.
D’où la déroute des compétiteurs français.
Enfin n’y a-t-il pas lieu de déplorer qu’après la fameuse et capitale Nuit du 4
août 1789, où fut proclamée l’abolition
des privilèges, l’on ait fait marche arrière sous la houlette du gredin corse qui
non seulement les rétablit mais bricola
une aristocratie d’empire, aidant ainsi au
rafistolage de l’ancienne? Des débordements desquelles se gavent toujours le
roturier universel et le petit–bourgeois
épaté devant les ducs, marquis, comtes
et barons qui excipent d’un sang bleu –
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car altéré par la consanguinité, le vermeil des bâtardises ne suffisant pas à le
régénérer.
On comprend aussi pourquoi le Quai
d’Orsay – qui sert essentiellement de
fromage aux rejetons des ci-devant d’après coup (entendez cou coupé) – apparaît comme le plus inopérant des ministères français, truffé qu’il est de potiches
condescendantes, surtout expertes en
parlages, ronds de jambe et petits fours.
Il est vrai qu’ils sont censés s’occuper
d’affaires qui leur sont totalement étrangères.
Belle égalité des droits que celle qui,
autorisant qu’on fustige le racisme, ne
met aucun frein à la création des ces
catégories sociales, tenues pour plus ou
moins estimables en fonction de leur
fonction ou de leur origine.Au point que
tel manchot jouant au fou-de-balle dont
on pourrait se passer sans dommage,
engrange des millions tandis que l’indispensable éboueur et la précieuse
infirmière tireront le diable par la queue.
Ainsi acceptons–nous de – ou nous résignons-nous à – vivre dans une société
du faux–semblant prétendue démocratique, en fermant les yeux sur tout ce
qui nous inciterait à réagir et à nous
impliquer pour y restaurer l’équité. Ne
serait–ce qu’en en éliminant, à la faveur
des consultations électorales, ces inusables politiciens, docteurs en langue de
bois, dont la devise générale, au lieu du
«Rien de commun» de feu José Corti,
pourrait simplement être: «Comme
nul».
PIERRE LEXERT
Association vaudoise
de la Libre Pensée
Case postale 5264
CH-1002 Lausanne
Internet: www.librepensee.ch
Libre Pensée de Genève
Ch. des Quoattes 27
CH-1285 Avusy
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Liberi Pensatori (ASLP)
Sezione Ticino, Casella
postale 721, 6902 Paradiso
Presidente: R. Spielhofer
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Libre Pensée FVS-ASLP
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Internet: www.freidenker.ch
International Humanist
and Ethical Union
Internet: www.iheu.org
POURQUOI SUIVRE
LES COMMANDEMENTS
DE DIEU EST INCOHÉRENT
Tout croyant issu d’une des trois grandes
religions monothéistes estime qu’il faut
suivre les commandements divins. La
théorie du commandement divin veut
que ce que commande Dieu de faire est
bon et que ce qu’il interdit de faire est
mal. Par exemple, si Dieu interdit de tuer,
cela signifie que tuer est mal. S’il commande d’aider son prochain, aider son
prochain est bien. S’il ne spécifie rien à
propos d’un acte, celui-ci n’est ni bon, ni
mauvais. Par exemple, Dieu ne dit rien à
propos du fait de se gratter le nez.
Ainsi, si le croyant pense que Dieu a
ordonné de ne pas tuer, alors il ne doit
pas tuer.
S’il a ordonné d’aider son prochain, alors
il doit aider son prochain. Si l’on estime
qu’il a ordonné de ne pas avorter, alors
on ne doit pas avorter, voire on se doit
d’empêcher tout avortement. En effet,
suivre le commandement divin n’implique
pas seulement de respecter le commandement de manière individuelle, mais également de le promouvoir (par exemple, à
l’aide d’une campagne de sensibilisation
anti-avortement, ou en tentant de faire
voter par le parlement une loi qui interdit l’avortement) ou, dans une version
minimale, de le défendre lorsque celui-ci
va être violé par un individu (par exemple
en empêchant sa fille mineure d’avorter
alors qu’elle en exprime le désir).
Toutefois, il apparaît que se conformer
au commandement divin remet en cause
la conception fondamentale qu’ont les
croyants de Dieu. Il n’est pas nécessaire
ici de spécifier quels sont (ou seraient,
selon les interprétations des écritures
saintes) les commandements de Dieu.
De plus, la démonstration qui suit est
intéressante dans la mesure où il n’est
pas nécessaire de nier l’existence de
Dieu. Partons du postulat qu’il existe, il
n’empêche qu’il est incohérent de suivre
le commandement divin. Ce pour les raisons suivantes1:
Le croyant monothéiste adhère à trois
prémisses concernant Dieu:
1) Dieu est le créateur de toutes choses.
2) Dieu est totalement rationnel.Tout ce
qu’il fait, il le fait pour une raison et
avec une complète sagesse.
3) Dieu est une perfection morale. Il est
parfaitement juste, bon, aimant, miséricordieux, etc.
Une fois que nous avons cela en tête,
passons à la théorie du commandement
divin à proprement parler. Il y a deux
façons de comprendre l’idée que «ce que
commande Dieu de faire est bien, et ce
qu’il interdit de faire est mal», interprétation qui nous mène au dilemme suivant:
a) Soit ce qui est bien ou mal (juste ou
faux) dépend du commandement de
Dieu, dans le sens où le commandement
fait que telle action est bonne ou mauvaise. Par exemple, Dieu dit que tuer est
mal (il interdit de tuer), alors tuer est
mal. Mais Dieu pourrait tout aussi bien
dire que tuer est bien (il ordonne de
tuer), alors tuer serait bien.
b) Soit Dieu nous commande ou nous
interdit de faire certaines choses parce
qu’elles sont intrinsèquement bonnes
ou mauvaises, indépendamment de son
jugement (mais il sait qu’elles sont bonnes ou mauvaises). Ainsi, dans cette
optique, Dieu nous commande de ne pas
tuer parce qu’il sait que tuer est mal.
L’option (a) représente la théorie du
commandement divin. L’option (b) est
son rejet, car cela suppose que certaines
actions sont bonnes ou mauvaises indépendamment du commandement de
Dieu. Si l’option (b) était la bonne, cela
signifierait que Dieu ne répond pas à la
prémisse (1), qui consiste à dire que
Dieu est créateur de toutes choses. En
effet, dans l’option (b), il n’est pas le
créateur des normes de juste et d’injuste, de bien ou de mal. Il n’en a que
connaissance. Seule l’option (a) paraît
donc acceptable pour tout croyant.
Le problème est qu’adhérer à l’option
(a) implique de rejeter les prémisses (2)
et (3).
Pourquoi? Si Dieu décide de ce qui est
bien ou mal indépendamment de raisons, alors il ne répond pas à la prémisse (2), qui prétend que Dieu est parfaitement rationnel et qu’il agit toujours en
fonction de (bonnes) raisons. Si (a) est
juste, les commandements de Dieu
paraissent en effet bien arbitraires! Il
décide que, par exemple, tuer est mal,
mais il pourrait tout aussi bien décider
et commander le contraire (sans raisons).
Comme nous l’avons vu, selon la théorie
du commandement divin, dire que
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quelque chose est bien n’implique pas
seulement de respecter ce quelque
chose, mais également de le défendre,
voire de le promouvoir. Par exemple, si
Dieu dit que la paix est quelque chose
de bien, alors je dois promouvoir ce
bien ou, au minimum, selon les théories,
le défendre lorsque celui-ci est en danger. Or, il est dit dans la prémisse (3) que
Dieu est bon. D’une part, il est absurde
de vouloir «promouvoir» ou «défendre»
une entité omnipotente, qui se suffit à
elle-même. Dieu est si puissant qu’il n’a
pas besoin de «protecteurs».
D’autre part, nous estimons généralement que si Dieu est bon, juste, etc.,
c’est en fonction de certaines caractéristiques, et non en fonction d’un commandement qu’il donne. En effet, le
croyant ne considère pas que Dieu est
bon parce que ce dernier a décrété qu’il
7
l’était (ce qu’implique la théorie du commandement divin), mais parce qu’il possède certaines caractéristiques qui font
de lui un être bon. De ce fait, adhérer au
commandement divin met à mal la prémisse (3).
Ainsi, suivre le commandement divin –
l’option (a) – remet en question la
conception qu’ont les croyants monothéistes de Dieu. Or, il apparaît que les
croyants ne peuvent rejeter cette
conception fondamentale. Donc, s’ils
veulent êtres cohérents, les croyants
doivent rejeter la théorie du commandement divin.
Reste, pour le croyant, l’option (b).
Comme nous l’avons vu, cette option
implique, dans un premier temps, de
rejeter l’idée que Dieu est créateur de
toutes choses. Certains théoriciens ont
trouvé la parade2, mais ce n’est pas ce
qui nous intéresse ici. Le but de cet article était de montrer que les croyants
issus des trois grandes religions monothéistes, étant donné la conception qu’ils
avaient de Dieu, ne pouvaient adhérer à
la théorie du commandement divin, et
c’est ce qui a été accompli.
BERTRAND CASSEGRAIN
ASSISTANT AU
DÉPARTEMENT
DE SCIENCE POLITIQUE DE
L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE
1
2
Je reprends ici l’argumentation que
l’on trouve dans le livre de Mark
Timmons (2002), Moral Theory. An
Introduction, Rowman and Littlefield
publishers Inc.
Voir l’ouvrage de Timmons déjà cité,
pp. 30-32.
BLEU, À POINT OU SAIGNANT?
L'Eglise catholique reste fidèle à son
culte morbide de la souffrance. En
témoignent ses chemins de croix parsemés d'images sanguinolentes d'un Jésus
pissant le sang par sa tête couronnée
d'épines si profondément enfoncées
dans son crâne qu'on se demande si les
Romains n'avaient pas déjà inventé le fil
de fer barbelé à longues pointes. Et puis
les chutes répétées du condamné sous
le poids de sa croix: Jésus tombe pour la
première fois. Simon de Sirène aide
Jésus à porter sa croix. Jésus tombe
pour la deuxième fois. Puis pour la troisième fois.
Mais le paroxysme de la jouissance
masochiste du catholique en communion avec son sauveur (de quoi? de qui?)
est encore à venir, lorsqu'au terme de la
montée au Golgotha il peut enfin se
régaler de la vision de la crucifixion: et
que je t'enfonce un clou dans chaque
main! Et que je t'en enfonce un autre,
plus gros, plus long celui-là, car il doit
relier entre eux et fixer sur le bois de la
croix les deux pieds du malheureux. Et
c'est pas tout! Il y aura encore le coup
de lance du soldat romain dans le flanc
du crucifié. Et puis l'agonie, longue,
assaisonnée d'un peu de vinaigre pour
étancher la soif du mourant! Alors,
enfin, la jouissance du pénitent récitant
ses patenôtres culmine au délire! Ouah!
Et c'est cette image-là que l'Eglise
catholique tient absolument à infliger à
tout écolier italien, espagnol, latino-
Crucifix (Ecole de Donatello, env. 1410)
américain et... valaisan! Dans chaque
salle de classe un crucifix! Fixe! Et voilà
que, patatras, la Cour européenne des
droits de l'homme vient d'ordonner à la
très pieuse Italie de retirer de ses écoles cette abomination visuelle, cette
offense faite à la sensibilité enfantine
que sont les crucifix bien saignants
appelant au culte suprême de la souffrance comme élément indissociable de
la conquête des mérites menant au
paradis.
Il est des crucifix bien réalistes, bien
pourvus en hémoglobine dégoulinant
des plaies du personnage qui me rappellent l'époque où, l'épidémie dite de la
vache folle aidant, les télévisions ne
rataient pas une occasion de nous infliger le spectacle lamentable et horrifiant
de dizaines de carcasses bovines
suspendues le long des parois des abattoirs. A vous dégoûter à jamais de man-
ger du cadavre bovin ou autre! A vous
rendre végétarien, herbivore et frugivore.Tout mais plus jamais ça! Alors, votre
crucifix, chers petits Italiens et Valaisans,
comment le préférez-vous? Bleu? A
point? Saignant? Il aura donc fallu la
pugnacité d'une citoyenne italo-finlandaise d’Abano-Terme (province de
Padoue) Mme Soilé Lautsi, pour que le
scandale éclate enfin: ses filles ne supportaient plus ce spectacle de boucherie humaine dans leur école! Dame
Soilé Lautsi s'est donc battue d'abord
sur le plan national. Elle a perdu son
procès. Naturellement: justice aux ordres du Vatican oblige. Elle a porté l'affaire devant le Tribunal des droits de
l'homme et elle a gagné! Enfin! Et cette
fois la tempête soulevée dans les bénitiers est de taille. Il y aura recours. Il y
aura bataille. Mais enfin, voilà la très
catholique Italie sommée par la C.E. des
droits de l'homme d'avoir à retirer ses
crucifix de toutes les écoles publiques
du pays dans les trois mois! Madame
Soilé Lautsi, vous êtes une sainte! Toute
l'Europe laïque et enfin lucide vous
vénère! Et moi, je vous embrasse.
NARCISSE PRAZ
P.-S. Mais où est-elle, la Soilé Lautsi du
Valais, de Fribourg et des autres cantons
suisses?
Ne répondez pas toutes en même
temps! Je n'en espère qu'une. Une seule.
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LE PASSÉ DU PRÉSENT
EN SUISSE, LES CRUCIFIX SONT INTERDITS
DEPUIS 1990 !
André Malraux avait plus que raison:
on n'en finit pas en ce nouveau siècle
avec les religions. Après les intégristes
de tout poil, les minarets, voici que les
crucifix refont la une de l'actualité.
Suite à la condamnation de l'Italie par
la Cour européenne des droits de
l'homme, la révolte gronde dans les
sacristies. Même en Suisse, où un
conseiller d'État radical valaisan estime ne pas devoir se prononcer sur la
question. Au mépris de la loi, car en
1990, en conclusion d'une bataille juridique homérique, le Tribunal fédéral
interdisait les crucifix dans les écoles.
C'est à Guido Bernasconi, un instituteur tessinois, que la Suisse doit d'avoir une définition claire de la neutralité religieuse de l'espace scolaire.
Ayant construit en 1984 un nouveau
bâtiment, la municipalité de Cadro,
petit village perché au-dessus de
Lugano, crut bon d'accrocher un crucifix dans chaque salle. A la rentrée
des classes, Bernasconi décroche l'ob-
LE COMBLE
Apparemment l'endoctrinement religieux précoce ne semble pas suffire à
certains milieux politiques cléricaux.
Les adultes y ont droit aussi au
Luxembourg comme le montre
Erwuesse Bildung (Education pour
adultes). Un théologien protestant
(I.H.) a été engagé à ces fins. Tout en
travaillant pour une institution catholique il est au service de «l’Education
des adultes».
Dans le temps protestants et catholiques s'entretuaient, aujourd’hui ils
font bande commune. Le dogme
catholique de la «Vierge Marie» ne
fait plus obstacle, il faut endoctriner
ensemble.
Bref, l'endoctrinement religieux
catholique au Luxembourg ne connaît
pas de limite d'âge, on n'est jamais
trop jeune ni trop vieux.
EDOUARD KUTTEN
jet au nom de la laïcité du lieu. Emoi de
la municipalité qui confirme sa décision.
Avec l'appui de quelques citoyens, l'enseignant fait recours au Conseil d'Etat,
arguant, selon la Constitution, de la violation du principe de l'égalité de traitement, de la liberté de croyance et de la
neutralité confessionnelle de l'école. En
décembre 1985, le Conseil d'Etat rejette
le recours. Bernasconi s'adresse aussitôt
au Tribunal administratif cantonal qui lui
donne raison en mai 1986. C'est alors la
municipalité de Cadro qui, le 30 mai
1986, au nom de l'autonomie communale, demande au Tribunal fédéral d'annuler
la sentence tessinoise. Hésitations, discussions, conciliabules: le TF repasse la
patate chaude au Conseil fédéral qui
accepte le recours le 29 juin 1988.
Bernasconi ne se laisse pas impressionner et, deux semaines plus tard, s'adresse alors à l'Assemblée fédérale, soit les
deux chambres réunies du Parlement,
l'autorité suprême de notre petit pays.
Nouveaux conciliabules entre juges et
hommes politiques. Pour finir,
l'Assemblée fédérale estime que l'affaire ne relève pas de la compétence
du Conseil fédéral et renvoie le dossier au Tribunal fédéral. Son avis
tombe le 26 septembre 1990.
L'instituteur avait raison: la présence
d'un crucifix sur le mur d'une salle de
classe viole le principe de neutralité
confessionnelle de nos écoles, d'autant plus que la scolarité est obligatoire.
GÉRARD DELALOYE,
JOURNALISTE ET HISTORIEN
Article paru dans Le Matin du
8 novembre 2009 et publié avec l’autorisation de son auteur que nous remercions
vivement.
N.d.l.r.: Malheureusement cette
décision du Tribunal fédéral n’est
pratiquement pas respectée.
Est-ce que la religion est au-dessus
de la loi?
INTERNET EN LIBERTÉ
INDEX LIBRORUM PROHIBITORUM
(INDEX DES LIVRES INTERDITS)
Si vous désirez télécharger cette liste
de quatre mille ouvrages que les catholiques romains n’étaient pas autorisés à
lire, nous vous conseillons d’abord de
rechercher sur Internet: Index librorum
prohibitorum.Vous arrivez sur Wikipedia
et vous pouvez lire une petite histoire
de cette censure du Vatican. A la troisième page vous trouverez Liens externes et ensuite vous cliquez sur Index
librorum prohibitorum 1948. Les 203
pages de cette liste apparaîtront alors
sur l’écran, classées par auteur ou par
la date de parution si l’auteur n’était
pas connu.
La consultation de l’Index ne manquera
pas de vous surprendre et en plus il
vous permettra de trouver une foule de
renseignements sur ces livres et ses
auteurs.
Pour ceux qui n’ont pas accès à
Internet, cette liste peut être obtenue à
notre rédaction pour le prix de 25 fr.
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MALADIE DU FOIE, MALADIE DE LA FOI
A l’occasion des fêtes de Noël, fêtes profanes et religieuses, nous avions tous
souvenir de ces repas copieux et arrosés, marqués particulièrement par une
abondante consommation de foies de
nos amis ansériformes et anatidés, palmipèdes gavés dont la maladie est un vrai
délice.
Mais observons également ces autres
ansériformes et anatidés qui s’en vont
palmi-pèdant, dans la froidure et la pluie,
au réconfortant gavage liturgique baptisé
«messe de minuit», (l’heure du crime,
prétendent certains).
A ce sujet et pour ceux qui souhaitent
approfondir le caractère «sacré» de l’événement ou qui ignorent ce qui se
cache (et s’exprime) derrière cette
musique aux accents de mâles triomphants, il est utile d’en rappeler les termes qui, souvent en matière religieuse, se
veulent d’une poésie illuminante:
«Minuit chrétien c’est l’heure solennelle
où l’homme Dieu descendit jusqu’à nous
pour effacer la tache originelle
et de son père arrêter le courroux.
Le monde entier tressaille d’espérance
à cette nuit qui lui donne un sauveur.
Peuple à genoux, attends ta délivrance.
Noël, Noël voici le rédempteur!
Courbez vos fronts devant le rédempteur
(bis)
Ainsi nous pouvons noter que l’heure
est solennelle puisque l’homme Dieu
descend jusqu’à nous! «L’homme Dieu»,
expression bien maladroite. Elle vient en
concurrence avec Tarzan, l’homme des
bois, l’homme-araignée, l’homme-cheval,
le loup-garou et tant d’autres!
Enfin on nous assure que l’atterrissage
est réussi, grâce à cette opération un
enfant Dieu dit «petit Jésus» est né.
Ce qui est performant dans la foi c’est
que vous n’avez aucune explication à
demander: on vous annonce l’événement, un point c’est tout! Pourtant, et
c’est très important, cet homme Dieu
vient pour effacer la tache originelle.
Vous ne le saviez pas? Vous avez bien fait
de venir parce que nos ancêtres ont
fauté grave et maintenant c’est que vous
pouvez «tressaillir d’espérance» (le
monde entier a le droit de «tressaillir»,
excusez du peu). C’est une des formes
de la transe catho. La transe, sous une
forme ou une autre, est un des
incontournables effets recherchés par
toute religion.
Toutefois vous avez un moyen de calmer
le courroux de «l’homme Dieu» que l’on
croyait à l’origine de tout: de la fabrication du vivant, du non-vivant, enfin de
tout y compris de ce qui peut s’ensuivre:
harmonie universelle, tous les plaisirs
possibles, bref le bonheur pour tous (de
nuit comme de jour!)
Malgré tout, en cette nuit du solstice
d’hiver qui nous donne un sauveur, il est
demandé, à vous, peuple de Dieu, de vous
mettre à genoux, dans l’attente de votre
délivrance. (On se croirait dans une salle
d’attente pour femmes enceintes!)
Voici donc l’homme-Dieu-rédempteuraccoucheur de votre libération. Pourquoi
pas de votre liberté, ce serait plus immédiat et plus facile à mettre en pratique.
Pour en terminer avec ce rappel à l’ordre divin, il vous est enjoint de courber
vos fronts devant le rédempteur. C’est
un comble: on ne l’a pas appelé, il vient
quand même, on ne comprend pas ce
qu’il dit et en plus il faut se mettre à
genoux et courber le front!
Tout cela sur des musiques aux envolées
d’un lyrisme tonitruant et propres à vous
donner les frissons recherchés et auxquelles se sont appliqués de nombreux
compositeurs de talent tels Adolphe
Adam ou Charles Gounod. Faites tout
de même attention à la fin où il y a cette
explosion du «Noël, Noël voici le
rédempteur» qu’on vous prie de bisser,
ce qui, après le «tressaillement d’espérance», peut vous conduire tout droit à
une sorte d’orgasme cérébral, ce qui
n’est pas recommandé à votre tête déjà
fragile puisque vous êtes venu et encore
fragilisée par ce traitement de choc. Bref,
comme dit la sagesse populaire, «on peut
se faire sauter la cafetière».
Si vous n’avez pas été convaincu par le
grand classique du «minuit chrétien» ou
si vous êtes en manque d’opium du peuple (pas forcément le moins cher) vous
pouvez vous abandonner aux chansonnettes qui participent également à la
bonne formation de cette jeunesse, ravie
de la crèche.
Il est né le divin enfant
Depuis plus de quatre mille ans
nous le promettaient les prophètes
tout petit enfant que vous êtes
Ô jésus ô roi tout puissant
régnez sur nous entièrement.
Dans ce superbe texte d’anthologie, on
apprend également beaucoup de choses.
Les prophètes (excellente et solide référence) promettaient cette divine naissance depuis plus de quatre mille ans. Et l’évolution dans tout cela? Il est vrai que
quatre mille ans est une référence de
science chrétienne (ainsi: la terre est
plate... comme un encéphalogramme de
théologien!)
Autre affirmation: «Jésus roi tout puissant». Si petit et déjà en puissance royale. Cela vous a une autre allure que Jean
fils de Nicolas. Pour en finir avec ces
affirmations enfumantes et, comme le
dernier soupir d’abandon du mental
fidéiste: «Régnez sur nous entièrement».
Il est important de noter ici le côté
«monarchie absolue» des textes. Nul
étonnement, l’Eglise n’a pas vraiment
quitté l’Ancien Régime: le roi, le règne, le
peuple à genoux, les courbettes sans
oublier que Dieu est infatigablement
appelé «Seigneur» dans ces prières qui
ont traversé les siècles: Seigneur ayez
pitié de nous (c’est le Kyrie Eleison),
Seigneur exaucez-nous, Seigneur, faite
que ma fille soit dans les quatre-vingt
pour cent de réussite au bac (avec
mention ce serait un petit plus dont je
vous serais obolement reconnaissant,
Seigneur!), faites que ma date de naissance soit le super-gagnant du gros lot, etc.
etc.Ah, j’allais oublier: et que nos affaires
prospèrent, vraiment bon dieu vous me
troublez.
En cette nuit exceptionnelle que la religion a tenté de voler au profane, vous
pouvez également ajouter une note
féminine avec l’Ave Maria encore un des
standard des albums cathos, tout aussi
propre à vous procurer les bons frissons.
Jean Paul II s’est beaucoup investi dans le
culte marial.Aussi il serait de la dernière
inconvenance de rappeler que le Talmud
de Jérusalem a gardé la trace d’une
ancienne tradition (ayons toujours le
respect des traditions nous répètent à
satiété les bons penseurs), affirmant que
Marie avait eu pour amant un soldat
romain appelé Pandera et que Jésus était
le fils de celui-ci. Cette histoire est
confirmée par Celse (philosophe grec
surtout connu par Origène qui l’a combattu sans laisser trace des documents
authentiques de Celse.) Ajoutons qu’en
l’an zéro (tiens...) l’adultère était outrageusement puni et Marie qui n’était point
la sotte que la religion nous fait souvent
«apparaître», se souvenant que «depuis
plus de quatre mille ans» il y avait un créneau libre, elle s’y est courageusement
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engouffrée. Non seulement en sauvant
son fils elle en fit un sauveur, mais, toujours selon la tradition, il eut un parcours
époustouflant en marchant sur les eaux,
multipliant les pains, les poissons, changeant l’eau en vin au grand dam des
vignerons et biophiles de la région. Tout
cecla pour finir, toujours selon la tradition, cloué sur une croix comme un vulgaire esclave tels ceux qui voulaient leur
liberté et qui furent plus de six mille à
être crucifiés sur la voie romaine
Appienne de cent quatre-vingt-quinze
kilomètres (de Capoue à Rome), soixante et onze ans avant l’an zéro. Il est
curieux que l’on parle fort peu de ces
nombreux esclaves ainsi martyrisés pour
avoir suivi Spartacus sur le chemin de la
liberté.
Nous sommes donc nés coupables et
aucune vie ne semble assez longue pour
expier cette faute originelle aussi
convaincante qu’une apparition de Jules
César à la tribune de l’ONU.
«Durch leiden freude»: Par la souffrance
vers la joie. Cette règle morale, dans les
milieux biens formés, est la définition
même du sadomasochisme.
Evoquant la guerre d’Espagne (1936-39),
le journal LaCroix, d’une infaillibilité papale (voir, en simple exemple, sa position
antidreyfusarde) par la voix du chanoine
Loutil imprimait cette intervention qui
révèle très exactement ce qui inspire les
pasteurs en charge des troupeaux
humains.
«Les Espagnols avaient tout pour être heureux. Baignés d’azur, sans grands besoins, ils
pouvaient même rêver sous le soleil et jouer
de la mandoline. Un jour soixante juifs arri-
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AVLP
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vent de Moscou, ils sont chargés de remontrer à ce peuple qu’il est très malheureux.»
Une telle appréciation du drame espagnol en dit long sur l'élévation de pensée
de son auteur et l'ambition qu'il manifeste ainsi pour le peuple espagnol.
Quant aux soixante juifs, comment ce
chrétien pouvait-il exprimer plus fortement son rejet d'une aide républicaine
qu'en utilisant un terme qui a, depuis des
siècles, donné la preuve de son abominable efficacité.
Les religions savent s’adapter aux circonstances. Compelle intrare Forcez-les
d’entrer, disait Augustin, le saint.
Ainsi, autrefois le fer et le feu étaient les
meilleurs arguments pour donner tout
pouvoir aux «inventeurs de Dieu» voie
royale pour la domination du peuple.
Actuellement, et bien que le «décousu
main» ait quelque peu évolué depuis
l’Antiquité, le résultat est le même: en
manœuvrant un levier pour un canon ou
en pressant sur un bouton pour une
soute à bombe ou un missile, à quelques
milliers de mètres de distance ou d’altitude, vous pouvez avec la plus grande
efficacité, projeter à une vitesse nettement améliorée des morceaux d’acier
dans toute partie du corps, sans distinction de sexe ou d’âge, vers ceux que
l’autorité militaro-religieuse vous aura
désignés comme appartenant au peuple
de Satan (encore une belle invention
celui-là!)
En outre, le progrès réside en le fait que
la boucherie mécanisée permet d’exercer ce patriotisme (on a envie de dire
pas-trouille-autisme.) sans voir le résultat immédiat de son action: les larmes,
les cris de douleur physique ou morale,
les corps ensanglantés, les foyers
détruits, les villages en flammes, des
villes entières en ruine, sans parler de
l’exode des populations avec un misérable baluchon.
Pour compléter cette sinistre évocation
(mais est-ce possible?), il est important
de savoir qu’au seuil de la «grande» guerre 14-18 (la fameuse «der des der»), l’évêque en chef des armées allemandes et
l’évêque aumônier en chef des armées
françaises ont rédigé pratiquement le
même texte pour exhorter leurs ouailles
en uniforme à s’affronter et à s’étriper
avec cet enthousiasme qui peut vous
remuer quand ceux qui font autorité
vous ont bien «claironné» que c’est vous
qui défendez la juste cause.
En ce début de vingt et unième siècle, il
existe encore, ici et là sur notre planète,
quelques foyers de haines recuites et
irréductibles et qui, animées d’un «souffle divin» (se dit kamikaze en japonais),
s’expriment par des massacres que l’on
serait en droit de juger d’une époque
révolue et, point rouge sur ce gâchis, les
populations civiles comptent le plus
grand nombre de victimes de cette
horde de fous furieux (certains se flattent d’ailleurs d’être des «fous de
Dieu»).
Dans tous ces conflits; directement ou
indirectement, les religions sont partie
prenante et on ne voit guère une «communauté» religieuse en règlement de
compte interne sauf, en phase finale,
pour décrocher ce pouvoir, prétendument civil, qui est le but de toute opération militaire.
Mais, pour autant, la paix apparente qui
semble actuellement prévaloir dans nos
régions dites occidentales, est-elle le
signe d’un apaisement des rapports
entre les religions et l’Etat à prétentions
laïques?
Pour répondre à cette question déjà largement débattue, il suffit, pour l’essentiel, de savoir que: les religions ont toutes. une ambition planétaire et l’Etat
souhaite la paix dans les limites de sa
«gouvernance». (N’oublions pas que
l’Etat est souvent sous influence religieuse, discrète ou ouverte, selon les circonstances.) Or, il y a là une incompatibilité majeure sachant que les religions
n’ont pas encore réalisé ou accepté que
l’humanité peut vivre sans le secours de
la foi et qu’elle atteindra plus sûrement
bien-être social et joie de vivre dans son
autonomie terrestre de progrès, soucieuse avant tout du bonheur de l’être,
ce qu’on appelle l’humanisme à l’état pur.
Et justement, comment prétendre à cet
idéal lorsque l’on met avant tout un personnage abstrait, irréel, mythique que
l’on fait parler selon sa politique ou ses
besoins et pulsions personnels, en miroir
déformant de la réalité.
Mais il est dans la nature profonde de
toutes croyances, en formant leur ronde
communautaire, de tourner le dos à tous
ceux qui n’entrent pas dans leur cercle
illuminé. Il n’y a pas d’empathie malgré
les annonces de surface de leur «evangelium».
Ils parlent beaucoup d’amour mais leur
eschatologie prétentieuse et funeste les
rend plus proches du «viva la muerte» du
général Mola (bras droit de Franco et
exécuteur en chef) que de cet amour qui
forme et unit les couples et donne à l’humanité tout entière des raisons et la
force d’espérer.
ROBERT LESCUYER
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SONGE DE NOËL
Le plus beau conte de Noël, c'est certainement le plus ancien, celui que tout
le monde connaît: le conte de l'évangéliste Luc : le petit enfant dans la crèche,
Marie attendrie, Joseph très ému, l'âne
et le bœuf soufflant leur chaleur, les
bergers accourus, le chant des anges
dans le ciel et les mages d'Orient guidés par une étoile. Conte repris, développé, enjolivé au cours des âges par la
ferveur populaire.
Or la première version de ce conte
merveilleux a été écrite, plus de septante ans après l'événement, par Luc, un
médecin grec, disciple de l'apôtre Paul.
Dans la théologie de ce dernier, Jésus
est le Messie attendu depuis des siècles
par Israël, le Messie annoncé par les
prophètes, et ce descendant du roi
David ne pouvait naître qu'à Bethléem,
la ville de David.
Mais ce récit, propre à toucher les
cœurs et susciter l'émotion, cette merveilleuse histoire répétée de génération
en génération depuis deux mille ans,
n'est qu'un conte, produit de l'imagination fertile d'un évangéliste poète.
Aujourd'hui, alors que les anges chanteurs et musiciens ont déserté le ciel
pour faire place aux avions, fusées,
satellites et sondes spatiales, il n'est pas
interdit de rêver et d'imaginer un conte
de Noël qui n'aurait nullement la prétention d'être prophétique car, comme
pour les anges, le temps des prophètes
barbus, à l'imagination débordante, est
révolu.
* * *
Ce soir de Noël, le ciel de Jérusalem
est constellé d'étoiles. Sur la place principale, brillamment éclairée, les représentants de toutes les Eglises, de toutes
les sectes, de toutes les religions sont
rassemblés. On distingue, dans leurs
costumes chatoyants, le pape des
catholiques romains, les patriarches
orthodoxes russes et grecs, les musulmans, grands muftis, ayatollahs et
imams, chiites et sunnites, ainsi que,
sobrement vêtus, les représentants des
protestants libéraux, évangélistes et
fondamentalistes et même des
Mormons. On repère à leurs grands
chapeaux, les hassidims juifs, comme
aussi à leurs robes orange le dalaï-lama
et les moines bouddhistes. Il y a les
adeptes de Confucius et du zen, les
taoïstes, des hindouistes de toutes
nuances et des chamans sibériens.
Personne n'a voulu manquer cette
réunion mondiale, et même Michel
Onfray, le théoricien de l'athéisme, est
présent.
Il faut dire qu'en réaction aux innombrables massacres ethniques et religieux de ce troisième millénaire, la
population du monde entier a fini par
hurler jusqu'au ciel pour que cessent
les oppositions ridicules entre dispensateurs de foi, entre ces apôtres têtus
clamant leurs vérités et provoquant
ainsi des tensions meurtrières.
A la question de Pilate: «Qu'est-ce que
la vérité?» la grande voix de Gandhi a
fini par répondre: «Dieu est la Vérité: or
la Vérité étant Une... elle ne peut qu'unir tous les hommes!»
On ouvre un grand débat. D'abord, chacun est invité à reconnaître ses torts. Et
c'est alors que le miracle se produit:
l'un après l'autre, chaque représentant
monte à la tribune pour reconnaître
que, poussés par leur prétention absurde à être seule détentrice de la Vérité,
par la force, l'intimidation, la torture, le
massacre, leur propre religion a souvent imposé violemment sa foi, établi sa
domination sur les peuples, exploité
leur crédulité et profité de leurs ressources et de leurs biens. Croisades,
conquêtes, annexions, spoliations,
esclavagisme, bûchers, massacres, génocides... la liste était longue. Personne
n'en réchappe. Même les Juifs ont fini
par déclarer que leur prétention d'être
le «peuple élu» était absurde, parce
qu'un Dieu juste ne peut qu'aimer également tous ses enfants. Il faut dire que
les chrétiens venaient d'admettre que
proclamer Jésus «Fils unique» de Dieu
ne tenait pas, que ce titre de «Fils de
Dieu» pouvait être attribué à d'autres
grandes âmes, comme Confucius, le
Bouddha, et plus récemment à Gandhi,
à Martin Luther King et, pourquoi pas,
à Mahomet même, forcé à contrecœur
à des actions guerrières.
Après ce «mea culpa» général, s'engagea le débat sur la Vérité. Chacun finit
par admettre que nul ne la possède et
que les pères fondateurs de toutes les
religions ne la possédaient pas davantage. Ils n'avaient même aucune idée de
tout ce que nous savons aujourd'hui, de
ce que, pas à pas, la science humaine
nous a révélé. Or certes, si la science
ne peut pas tout expliquer, chacun dut
reconnaître qu'aucune religion ne le
peut non plus.
«Unissons-nous donc, se disent-ils,
pour confronter sereinement nos
acquis et rechercher fraternellement
cette Vérité qui pour l'instant nous
échappe. Peut-être que, tous ensemble,
nous rencontrerons finalement Dieu,
puisqu'il est la Vérité.»
S'étant tous reconnus frères en humanité, ils allument alors un immense brasier dans lequel ils précipitent les croix,
les croissants, les étoiles, les mitres, les
tiares, les chapeaux, les kippas, les turbans, les foulards, tous ces signes qui
marquaient leurs différences.
Et lorsque le soleil se lève, brillant symbole de la puissance universelle, ils l'accueillent par un vibrant «Hymne à la
Joie» jaillissant de toutes leurs poitrines.
ROBERT NICOLE
UNE LAÏCITÉ
RÉVISÉE!
L'on constate une activité politique de
plus en plus grande des Eglises et surtout
de l'Eglise catholique dans le monde capitaliste et parallèlement à cette évolution
des tentatives de plus en plus nombreuses
de remettre la laïcité en question voire de
la réviser.
La laïcité selon les bons vœux de certains
milieux cléricalement inspirés devrait être
philosophiquement neutre et laisser aller
les religions à leur guise.
Nul n'a mieux su résumer cette révision
de la laïcité que Sarkozy, président d'une
république se déclarant laïque. Selon
Sarkozy «dans la transmission des valeurs
et dans l'apprentissage de la différence
entre le bien et le mal, l'instituteur ne
pourra jamais remplacer le curé et le pasteur.»
Des paroles graves qui mettent en question l'enseignement public et la société
démocratique. Sarkozy n'est pas le seul
politicien à avoir cette vision.Tous les partis de droite à philosophie chrétienne partagent ses idées. L'Etat clérical «new
look» frappe à la porte.
Aux vrais laïcs de lui barrer le chemin, ce
n'est plus le moment de se cacher derrière une soi-disant neutralité.
Faut-il rappeler que la neutralité a toujours servi les intérêts de la droite.
EDOUARD KUTTEN
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COURRIER DES LECTEURS
LA PLUS GRANDE IMPOSTURE DE L'HISTOIRE
Quel plaisir de découvrir, dans le N°
142 de septembre dernier, que vous
vous attaquiez à la plus grande imposture de l'Histoire: l'affaire Jeanne d'Arc.
Qui n'a jamais, d'ailleurs, porté ce nom.
Déjà dans mon enfance, j'avais de la
peine à croire la merveilleuse histoire.
Cette bergère lorraine... qui parlait le
français! Cette gardienne de moutons...
qui montait à cheval comme un cavalier
aguerri! Cette pucelle inculte... qui
maniait la lance et l'épée comme un
soldat professionnel.
J'avais quinze ans lorsque, par le plus
grand des hasards, je découvris dans
une boîte de bouquinistes à Genève le
livre rare et «maudit» de Jean Grimod:
«Jeanne d'Arc a-t-elle été brûlée?» qui,
sur ordre supérieur, avait été retiré des
librairies françaises. Ce fut un choc et
une révélation.
Non seulement cet auteur, poursuivi
par la haine cléricale, répondait à toutes les questions que l'on pouvait se
poser sur le mystère johannique. Mais
ses explications éclairaient d'un jour
totalement nouveau l'histoire de l'héroïne nationale française. Bien plus. La
clé de lecture qu'il nous fournissait
donnait la seule interprétation valable
de cette «merveilleuse» histoire: l'une
des plus grandes opérations de manipulation politique de tous les temps.
Devenue l'une des plus grandes impostures de l'Histoire.
Jean Grimod n'était pas le premier (ni
le dernier) de ces courageux auteurs.
Que l'on nomme les «orléanistes»
parce qu'ils pensent que Jeanne la
Pucelle était Jeanne d'Orléans, fille illégitime de la reine de France Isabeau de
Bavière et du duc d'Orléans. Donc la
demi-sœur (et peut-être la sœur) du
roi de France Charles VII.
Et que l'on appelle aussi les «survivistes». Car ils ne croient pas au bûcher
de Rouen (brûler vive une princesse
royale!) et retrouvent la trace de
Jeanne plusieurs années après sa prétendue disparition.
C'est au début du XIXe siècle qu'apparut, pour la première fois, la thèse de la
bâtardise royale de Jeanne. Son auteur,
Pierre Caze, dont on ignore les sources, se rendit compte de l'impact qu'allait provoquer sa découverte.
En lieu et place d'un livre d'histoire qui
aurait relaté la vérité, il écrivit une
pièce de théâtre, fort mauvaise au
demeurant, mais qui contenait sa
découverte. Elle passa quasi inaperçue.
Il faut attendre les première années du
XXe siècle pour voir paraître les premières thèses orléanistes et survivistes.
Puis, au milieu du siècle, Jean Grimod
déjà cité. Puis Gérard Pesme, le plus
agressif de tous mais qui contribua à
faire connaître cette thèse dans le
grand public.
Puis Jean Bancal, peut-être le plus percutant. Avocat de formation, il présente
la thèse de Jeanne, princesse royale,
comme s'il s'agissait d'un dossier à plaider devant un tribunal avec une rare
objectivité.
Inutile de dire que tous ces auteurs
furent traînés dans la boue par les historiens traditionalistes et, bien sûr, par
le clergé.
Mais le plus incroyable dans cette affaire, c'est de comprendre pourquoi
depuis le XVe siècle (car la légende
naquit quasiment du vivant de l'héroïne) on veut nous faire croire à l'histoire bêtifiante de la bergère lorraine
inspirée, au lieu de nous raconter la
vérité. Celle de la princesse royale
Jeanne qui joua, au-delà de toute espérance, le rôle qu'on lui fit tenir de libératrice du territoire et qui mena sacrer
le «gentil» dauphin à Reims.
Cette formidable opération d'intox
politique a certainement été montée
par la reine Yolande d'Aragon, bellemère de Charles VII et l'une des plus
grandes têtes politiques de ce temps. Il
faut avouer que c'était génial. Des prophéties annonçaient que le royaume de
France perdu par une femme (Isabeau
de Bavière) serait sauvé par une
femme. Et cette femme, on l'avait sous
la main. C'était une petite bâtarde, de
sang royal, élevée à Domrémy par la
famille d'Arc qui était loin d'être
d'humbles paysans comme on le sait
aujourd'hui.
Dès lors, élever cette fille en fonction de
sa mission, lui apprendre le métier des
armes, l'équitation, les manières de cour
fut l'œuvre de personnages que l'on
trouve quasi depuis l'enfance dans son
entourage. Et qui sont très ennuyeux
pour les tenants de l'orthodoxie qui ne
peuvent nier leur existence...
Les fameuses «voix» qu'entendait
Jeanne, sont des voix humaines et non
divines. Qui lui apprenaient son rôle.
Bien sûr qu'il ne fallait pas révéler qui
elle était sans faire capoter tout le projet. Et si le secret fut généralement bien
gardé, ce qui n'est pas le moins étonnant de toute cette épopée, il se produisit cependant quelques «dérapages»,
qui, à eux seuls, devraient suffire pour
que la vérité éclate.
Quand Jeanne, elle-même, en présence
du dauphin et à l'arrivée du duc,
d'Alençon s'écrie: «Ah! Gentil duc
soyez le bienvenu. Plus on sera ensemble du sang de France, mieux cela
sera.»
Une humble bergère du sang de
France? C'est-à-dire du sang royal!
Ou quand Dunois (bâtard d'Orléans,
donc demi-frère de Jeanne) arrive sous
les murs d'Orléans et y rencontre, pour
la première fois, la jeune fille qu'il ne
connaît pas, que lui dit-il? «Salut Noble
Dame, comment vous va?» La paysanne
lorraine, une noble dame?
A mes yeux, ces deux «bourdes» suffiraient, à elles seules, à révéler la vérité.
Il est temps qu'elle éclate au grand jour.
Car l'Opération Bergère, comme la
nomma si joliment un historien anglais,
n'enlève rien au mérite du personnage
historique de Jeanne. Bien au contraire.
La princesse royale jouant un rôle écrasant avec éclat, s'inscrit beaucoup
mieux dans la géopolitique de l'époque
que la niaise bergère entendant des
voix et dont l'histoire est tissée d'invraisemblances.
MICHEL JÖRIMANN
Le comité de rédaction, respectueux
d’une totale liberté d’expression,
précise que les articles signés sont
sous la responsabilité de leurs
auteurs et ne peuvent engager
l’Association vaudoise de la Libre
Pensée dans son ensemble.
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NOTE DE LECTURE
«UN GÉNOCIDE SANS IMPORTANCE»
LA FRANCE ET LE VATICAN AU RWANDA
Par Jean-Paul Gouteux aux éditions Tahin Party
Le 6 avril 1994, l'avion du chef de l'Etat
rwandais, Habyarimana, est abattu par un
missile. Il n'y a aucun survivant. Un quart
d'heure après commencent les premières exécutions ciblées conduites par le
colonel Bagosora, chef de la garde présidentielle. Il faudra trois jours, du 7 au 9
avril, à ses 1500 hommes pour nettoyer,
par familles entières, tous les leaders de
l'opposition y compris les personnalités
libérales hutu. Le Premier ministre sera
dénoncé comme traître et complice
avant d'être ignominieusement massacré
ainsi que tous les membres de l'opposition.
Tel est le prélude à un génocide qui va se
dérouler avec ampleur, rapidité et efficacité, qui durera trois mois et fera plus
d'un million de victimes, soit la quasitotalité de la population tutsi. Celle-ci
sera massacrée à l'arme blanche, les
autorités ayant acheté plus de machettes
pendant le seul mois de février 1994
(trois mois avant l'attentat) que pendant
toute l'année 1993: 581 tonnes de
machettes ont ainsi été importées au
Rwanda.
Rien ne différencie le Hutu du Tutsi: ni la
langue, ni la culture, encore moins la religion. Seule une mention indiquant l'origine ethnique sur les cartes d'identité distinguait le Tutsi du Hutu. Ce fichage avait
été rendu obligatoire avec la mise en
place en 1961 par les pères blancs et les
autorités belges, d'un état ethnique au
Rwanda, sous la houlette d'un parti
unique, le Parti du mouvement d'émancipation des Hutu.
L'Eglise prend en effet une part déterminante dans l'élaboration d'une doctrine
basée sur des critères raciaux. Mgr
Perraudin, père blanc et ancien vicaire
apostolique de Kagbayi, qui représente la
hiérarchie catholique au Rwanda, théorise dès la fin des années cinquante un
intégrisme ethnique et supervise les textes fondateurs des deux premières républiques. Ces textes discriminatoires stigmatisent la minorité tutsi et la désigne à
la vindicte de ceux qui organiseront les
pogromes de 1959, 1961, 1963, 1965 qui
annoncent le génocide de 1994.
L'état d'esprit du clergé, décrit par le
journal catholique Golias, donne l'exemple d'un père blanc, le père Carlisquia,
qui non seulement «pendant ses homélies,
prêchait avec virulence la haine et la chasse
aux Tutsi, mais au long des mois d'avril à mai
1994, stationnait aux barrages avec son
fusil accompagné de tueurs qu'il aurait luimême formé au maniement des armes».
Pour l'Eglise et ses séides, le caractère
biblique de l'annihilation des Tutsi était
manifeste: il s'agissait de présenter leur
élimination comme une lutte purificatrice du bien contre le mal.
Le bras armé de la purification ethnique
était l'armée rwandaise flanquée par les
miliciens du Hutu Power, et encadrée par
le corps expéditionnaire français. Les slogans anti-Tutsi tenaient lieu de seul programme politique, et en appelait à un
front de race contre le «seul véritable
ennemi», le FRP*.
C'est pour des raisons politiques et économiques évidentes que les stratèges
français décideront d'envoyer des troupes au Rwanda après le retrait du contingent belge en 1990, jouant à fond la
carte anti-Tutsi. C'était le moyen de s'assurer le soutien des responsables et d'affirmer la présence française en
Centrafrique. Ce dispositif intégrait la
formation et l'équipement de l'armée
rwandaise, conçue non comme l'armée
d'un pays indépendant, mais comme une
force supplétive au contingent français.
Celle-ci passera ainsi en quatre ans, de
5300 à 50000 hommes. Son intégration
se fera aussi par des mercenaires «officiels» ou des officiers supérieurs sous
uniformes rwandais, avec la connivence
totale de Christian Josselin, ministre de
la Coopération.
Du côté de l'état-major particulier de F.
Mitterrand, alors président d'un gouvernement de cohabitation avec Edouard
Balladur premier ministre et Alain Juppé
ministre des Affaires étrangères, il
répandit le mythe des «khmers noirs
Tutsi» et évoqua «des siècles de luttes
tribales», marquant son soutien au gouvernement rwandais. La mission des
troupes françaises était de participer
aux opérations anti-insurrectionnelles
destinée à stopper l'avance des FPR,
d'interroger les prisonniers, de fournir
du renseignement militaire, de conseiller
les officiers et d’assurer l’entraînement
dont la plupart de ceux qui en bénéficieront joueront un rôle actif dans le génocide.
Le camp d'entraînement de Bigogwe a
ainsi formé les commandos qui vont activement participer à l'extermination. Les
troupes de choc du 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine (1er
RPMIa) évolueront au milieu des rivières
de sang d'hommes, de femmes et d'enfants, qui seront non seulement massacrés mais suppliciés, ces atrocités ayant
pour but de nier l'humanité des victimes.
Suite au verso
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Jean d'Ormesson écrira avec un lyrisme
macabre dans Le Figaro des 19 et 20
juillet 1994, que le génocide tutsi était un
«massacre grandiose dans des paysages
sublimes».
Témoignage d'une rescapée des massacres: «Mes amis canadiens ont chuchoté:
«Les Français... Nous avons vu des militaires
qui contrôlaient les miliciens qui tenaient les
barrières en agitant des machettes dans
tous les sens... je me suis rendu compte que
parmi les militaires il y avait aussi des
Français qui demandaient les cartes d'identité où figurait la mention «Hutu,Tutsi,Twa».
Les Tutsi se faisaient sortir des voitures et les
militaires français les remettaient aux mains
des miliciens agacés qui les coupaient à
coup de machette et les jetaient au bord de
la grand-route.»
Lorsqu'il fut évident que la progression du
FPR ne pourrait être arrêtée et que le
dispositif militaire s'effondrerait, le gouvernement français lança l'opération
Turquoise, présentée comme une mission
humanitaire destinée à stopper les massacres: 2500 para-commandos, plus de 100
véhicules blindés, des batteries de 120 de
marine, 10 hélicos de combat, 12 chasseurs-bombardiers Mirage et Jaguar, plus
de 20 avions gros porteurs, servirent pour
l'essentiel, quand ils ne s'opposèrent pas
aux insurgés, à couvrir la fuite des dignitaires du régime et du clergé génocidaire
pour assurer leur évacuation vers le Zaïre.
L'écran de fumée du «conflit interethnique» a été le leitmotiv des politiques et
des autorités françaises ainsi que de
I'Eglise catholique: leur complicité est totale y compris dans la thèse défendue du
«double génocide», où le génocide planifié
des Tutsi était considéré comme de légitime défense pour les Hutu.
Pour l'Église, «un Hutu est simple, droit,
mais un Tutsi est rusé et hypocrite. Il se montre bien poli et charmant, mais quand le
moment est venu, il fonce sur toi. Un Tutsi est
foncièrement mauvais pas par l'éducation,
mais par sa nature».
PHILIPPE DE DEHM
Libre Pensée 38, août 2009
* Mouvement insurrectionnel contre le
régime génocidaire. L'auteur note son
refus de toute idéologie ethniciste, se
traduisant par la présence de Hutu et
de Tutsi parmi les dirigeants comme les
simples soldats, à l'inverse du FAR qui
était une armée strictement hutu et
dont l'expression politique le MRND,
alors qu'il planifiait le génocide des
Tutsi, était invité en tant que membre
de l'Internationale démocrate chrétienne (IDC), à son Xe congrès.
LIBRE SERVICE
• H1N1, LA PANDÉMIE DE LA PEUR
BERNARD DUGUÉ
La machine sanitaire est-elle devenue
folle?
Depuis avril 2009, les autorités sanitaires, sous l’impulsion des gouvernements,
ont mis en place un dispositif exceptionnel et jamais vu de lutte contre la pandémie de grippe A, comprenant des campagnes de vaccination urgentes et massives
– mais aussi des bévues médicales
incompréhensibles.
La gravité de la menace justifie-t-elle tant
d’alarmes et de frais? Les effets réellement constatés de la grippe A tendraient
plutôt à démentir cette escalade. Mais
comment en est-on arrivé là?
Dans cet essai, Bernard Dugué présente
une vision dépassionnée qui contredit
l’hystérie ambiante. Partant de la froide
chronologie des faits et de leurs répercussions, il montre que cette agitation
est le résultat d’un dysfonctionnement
de la machine sanitaire, relayé par l’em-
Association vaudoise
de la Libre Pensée
Service des obsèques civiles,
tél. 022 361 94 00
026 660 46 78
Service gratuit pour les membres.
Pour s’exprimer lors des
cérémonies, s’adresser au comité
ballement médiatique et aggravé par les
intérêts colossaux des firmes pharmaceutiques.
Plutôt que de verser dans la théorie du
complot, Bernard Dugué fournit une
interprétation sociologique et philosophique de la peur diffuse qui fait désormais partie de notre quotidien. Et dont
les puissances – de la politique ou de
l’argent – savent désormais jouer
comme d’un instrument.
Enquête sur une dérive globale, ce livre
est également une réflexion sur l’ingéniérie sociale dont nous sommes tous
les victimes ou les agents. Il illustre enfin
l’impact des nouveaux médias – tel le
site Agoravox – comme vecteur d’une
information alternative.
Esprit pluridisciplinaire, Bernard Dugué a
été chercheur en biologie à Bordeaux 2,
ingénieur civil de l’Ecole nationale supérieure des mines, docteur en pharmacologie, docteur en philosophie. Il a publié
des articles sur la théorie des systèmes,
ainsi qu’un essai de philosophie. Avec
quelque 700 articles, il est l’un des
auteurs les plus actifs d’Agoravox.
«Mon enquête s’oriente vers l’analyse
d’un système spécial au sein des sociétés
et même présent à l’échelle planétaire.
C’est évidemment le système sanitaire
qui est en cause, avec la méga-organisation qu’est l’OMS, puis les «machines
étatiques» composées de professionnels
de santé, de scientifiques, d’experts, de
directeurs, de communicants. Le tout en
liaison avec les gouvernements d’un
côté, les médias, les populations et les
personnes de terrain habilités à agir en
cas d’épidémie. Il sera question aussi de
perception. A la fois celle des experts et
celle des cibles visées...».
Essais-actualité, 13x20 cm, 160 p, Fr. 28.–.
(14.– euros).
Xenia Editions, CP 395, CH-1800 Vevey,Tél.
+41 21 921 85 05, Fax +41 21 921 05
57, [email protected], www.editionsxenia.com. Diffusion Suisse: Office du Livre.
France: CED/Distribution Les Belles Lettres.
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LIBRE SERVICE (SUITE)
• DANSER DANS L’AIR ET LA LUMIÈRE
MICHEL MORET
Danser dans l’air et la lumière est un
journal tenu au cours de l’année 2008. Il
constitue, en quelque sorte, la suite de
Beau comme un vol de canards qui laissait
entrouvertes certaines questions liées à
mon avenir personnel et au destin d’une
maison d’édition. Ainsi, le lecteur apprend que l’Aire survivra aux chamboulements historiques et que le soussigné
continuera à assouvir sa passion. Mais
l’objet du livre ne se limite pas à la description de ce moment de transition car
il donne quelques coups de projecteur
sur notre époque. En effet, si le métier
d’éditeur a la réputation d’être économiquement très difficile, il offre aussi à
ceux qui le pratiquent d’énormes satisfactions. Il est donc difficile de taire certains états d’âme, d’où la nécessité de
émotions professionnelles. Danser dans
l’air et la lumière célèbre la vie sous toutes ses formes et invite le lecteur à une
fête du partage dont l’intérêt dépasse
les problèmes strictement professionnels.
M.M.
Michel Moret dirige les Editions de
l’Aire depuis 1978. Depuis 2001, il y a
pris la plume à plusieurs reprises pour
livrer les temps forts de sa vie d’éditeur: Feuilles et racines, Le Livre bleu des
citations, Beau comme un vol de canards.
tenir ce journal où s’entremêlent joyeusement quelques aspects de la vie intime, des plaisirs de lectures et autres
2009, 168 pages, Fr. 27.– (18 euros)
Editions de l’Aire, Case postale 57, Rue de
l’Union 15, 1800 Vevey, www.editionsaire.ch, [email protected],
• LA BERCEUSE D’UNE EXPATRIÉE
MARIA KAMENS
Chères mamans et merveilleuses filles
expatriées, à qui ce naïf bouquin est
dédié. Il était une fois... une maman et
une «sweetie-pie» qui habitaient
Cambridge pendant que papa travaillait
au Texas. Et elles ont beaucoup partagé,
pendant ces années d’apprentissage et
d’espoir! Et l’ouverture au monde permet ainsi de modeler une personne
pensante et compatissante, de faire de
son enfant un être humain et non un
robot agressif. A toi, ma merveilleuse
fille d’expatriée, installée maintenant
«chez toi» dans une de tes trois patries,
tout de bon!
QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR
Une révolution et une guerre civile ont
précédé la venue au monde de Maria
Kamens. Elle a donc toujours en elle un
sentiment de non-appartenance, de
déracinement. Née en Italie pour cause
de déchirements en Espagne, elle aura
toujours au fond du cœur la nostalgie
de ce que sa vie aurait pu être.
Etrangère donc déjà à sa naissance, elle
a ensuite plié ou fait plier ses bagages
vingt-cinq fois d’un pays à l’autre au
cours de sa vie. Et a laissé un bout de
son cœur dans chacun d’eux. Elle trouve triste de vieillir sans avoir connu le
pays de sa mère, mais est heureuse d’en
avoir fait découvrir des dizaines à sa
fille.
Les voyages, comme la vie, sont une
accumulation de petits et de grands
moments, d’un atterissage sous la foudre et les éclairs à Houston au Texas le
jour de son 47e anniversaire, au bon-
heur de voir sa fille devenue grande se
glisser, épanouie, au creux de ses bras.
Et c’est cela qu’a voulu relater avec
force et émotion Maria Kamens dans ce
livre. Un hommage à ses valeurs, à ses
voyages, à sa famille... à ses valeurs qui
ont été nécessaires et indispensables au
cours de tous ses voyages avec sa
famille. L’amour véritable, le respect de
l’autre, la solidarité, l’amitié... autant de
mots qui prennent tout leur sens dans
un pays où l’on se sent étranger.
Elle a réussi aujourd’hui à réaliser son
plus grand rêve, s’établir dans «un petit
coin, à la montagne», dans son pays
adopté plus qu’adoptif, la Suisse.
2009, 100 pages, 13.50 euros.
Editions Baudelaire, 11, cours Vitton,
F-69452 Lyon Cedex 06.Vous pouvez aussi
passer commande à la rédaction de l’AVLP.
Les articles du Libre Penseur peuvent
être reproduits librement, en indiquant la source, à l’exception (rare)
de ceux qui sont protégés par le
copyright ©
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LE RÔLE NÉFASTE DES SUIVEURS
Entrons d'emblée dans le vif du sujet.
Tout d'abord, je persiste et je signe: la
majorité des êtres humains sont bons,
gentils, compatissants, bref humains. La
majorité mais pas tous, car depuis des
temps immémoriaux et sous toutes les
latitudes, il apparaît à chaque génération un pourcentage, sans doute très
faible, de mégalomanes. En psychiatrie,
on leur donne le nom de paranoïaques.
Nous allons donc les appeler ainsi. Il
s'agit de cas pathologiques caractérisés
par un besoin insatiable de se mettre
en valeur et surtout de faire reconnaître cette valeur par les autres. En langage courant, cela s'appelle aussi:
orgueil démesuré, ambition dévorante,
soif de gloire, manie de grandeur,
volonté de puissance. En réalité, le nom
que l'on donne à cette propension de
s'imposer aux autres importe peu.
L'essentiel est de comprendre que tout
paranoïaque est forcément attiré par
les hautes sphères. On les retrouve,
par conséquent, dans tous les domaines de l'activité humaine mais c'est
surtout dans les allées (allées et
venues?) du monde politique que l'on
en compte le plus grand nombre et des
plus atteints. Le pouvoir politique
exerce en effet sur les grands paranoïaques un attrait absolument irrésistible. Ils y voient une sorte de
consécration. Et comme ils sont généralement dotés d'une intelligence supérieure et très obstinés, quelques-uns
d'entre eux arrivent effectivement à se
hisser aux postes les plus élevés. Bons
À VOUS
DE VOUS EXPRIMER
Cher lecteur du LIBRE PENSEUR, votre
opinion peut intéresser d’autres lecteurs.
Alors n’hésitez pas à nous envoyer votre
article à l’adresse suivante:
LE LIBRE PENSEUR
Case postale 5264
CH-1002 LAUSANNE
CLÔTURE DE LA RÉDACTION
1er février 2010
Les écrits anonymes ne seront pas pris
en considération.
orateurs, ils savent jouer à la perfection sur les cordes sensibles de ceux
qui leur prêtent oreille et passent maîtres dans l'art de la manipulation des
masses. Certains ont même indéniablement un côté charmeur qui les rend
encore plus dangereux. Ils se gardent
bien, toutefois, d'avouer leurs véritables motivations et on peut même se
demander s'ils en sont toujours conscients. Quoi qu'il en soit, ils se mettent
invariablement au service de nobles
causes: la Patrie, le Bien Public, la
Justice Sociale, la Liberté, la Paix, etc.,
et on a parfois l'impression qu'à force
d'en parler, certains arrivent à se monter la tête au point de croire vraiment
à leur mission.
Pris isolément, un paranoïaque n'est
pas forcément méchant et il y en a
même eu à travers l'Histoire qui ne
manquaient pas de panache. On pourrait sans doute s'en accommoder s'ils
n'avaient pas la malencontreuse tendance à entrer en conflit les uns avec
les autres, car c'est bien à partir de ce
moment-là que les choses commencent à se gâter. Le nombre des postes
de commande est forcément limité et
les candidats nombreux; les conflits
entre paranoïaques sont donc quasi
inévitables. Il en résulte que tout mégalomane qui veut accéder au pouvoir se
trouve fatalement en butte à d'autres
paranoïaques qui ont les mêmes aspirations. On voit tout de suite les stratégies que cela implique.
Dans une première phase de la lutte
pour le pouvoir, chaque leader cherche
à augmenter le nombre de ses partisans. L'union fait la force. Celui qui y
parvient et devient le chef suprême
prend aussitôt des précautions pour
déjouer les complots toujours possibles. Il sait bien que ceux qui, dans son
pays, convoitent le pouvoir, ainsi que
ceux qui le détiennent à l'extérieur,
sont des dominants eux aussi, et qu'avec eux il faut s'attendre à tout. Toute
cette tragicomédie a généralement
comme ingrédients des intrigues, des
calomnies, des alliances, des revirements, des trahisons. En langage courant, on appelle tout cela la vie politique. Charmant euphémisme! Il s'agit
plutôt d'une agitation comparable à
celle d'un panier de crabes.
Il existe toutefois des différences notables dans la lutte pour le pouvoir suivant le régime du pays. Dans les pays
de régime totalitaire, les paranoïaques
accèdent généralement au pouvoir à la
suite d'une révolution qu'ils ont
fomentée ou d'un putsch militaire, et
se maintiennent ensuite par la
contrainte et la terreur. Il arrive aussi
que ce soit après une longue période
de soumission à un dictateur en place
que son dauphin finisse par lui succéder.
Dans les démocraties dites parlementaires, les règles du jeu sont plus
sophistiquées. Ceux qui veulent accéder au pouvoir sont tenus d'obtenir la
majorité des voix au cours d'élections
légitimes. D'où la création des partis et
la mise en place par chacun d'eux d'un
appareil de propagande destiné à
convaincre les citoyens de voter pour
un tel plutôt que pour un autre. Mais
quels que soient les régimes et les
contingences locales, un fait demeure: à
de très rares exceptions près, ce sont
toujours et partout les paranoïaques
qui accèdent au pouvoir. Et les peuples
marchent: les uns pour acclamer leur
Chef Bien-Aimé, les autres pour aller
périodiquement aux urnes afin de choisir entre plusieurs leaders, tous avides
de pouvoir, celui qui aura su le mieux
discréditer ses adversaires.
Le scénario de la prise du pouvoir
peut, certes, présenter quelques
variantes, mais comme c'est toujours le
même type d'acteurs qui l'interprètent,
il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il se produise de temps en temps des heurts
entre les Etats. On sait notamment
qu'il y a eu plus de deux cents conflits
armés depuis la dernière guerre mondiale et on ose à peine penser à ce qu'il
adviendrait si la lutte pour l'hégémonie
aboutissait à une guerre nucléaire. Une
chose en tout cas est évidente: les
guerres sont toujours les guerres des
chefs, mais depuis belle lurette ces derniers s'arrangent pour se combattre
par personnes interposées – leurs partisans, leurs armées – et c'est ainsi que
l'on arrive à ce que des braves gens qui
ne feraient pas de mal à une mouche
s'affrontent et s'entretuent.
Si l'analyse sociopsychiatrique à laquelle nous nous sommes livrés ici est
exacte, elle devrait comporter également une ébauche de solution. On ne
peut certes pas envisager l'élimination
de tous les mégalomanes qui sévissent
dans le monde. Seul un paranoïaque
surpuissant pourrait se charger d'une
telle besogne! On ne saurait non plus
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dépister les tendances paranoïaques
chez les enfants en bas âge sans courir
le risque de commettre de graves
erreurs. N'y a-t-il donc rien à faire? Si,
mais à condition de s'y prendre tout
autrement qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. Il faut comprendre que le vrai
problème et son éventuelle solution ne
se situent pas au niveau des paranoïaques mais uniquement au niveau
de ceux qui les suivent. C'est qu'à l'instar de certains gènes pathogènes, le
paranoïaque n'acquiert toute sa virulence que dans certaines conditions.
Tant qu'il reste seul et isolé, ce n'est
qu'un pauvre diable miné par ses rêves
de grandeur et ses ambitions inassouvies. Il ne devient dangereux que dans
la mesure où il trouve des personnes à
entraîner qui l'admirent et le suivent.
Avec ses supporters, son potentiel se
trouve multiplié par 1000, 10 000,
100 000... suivant le nombre de zéros
qui s'accumulent derrière lui en tant
que chef de file, en tant que N°1. Et
c'est précisément là qu'apparaît le rôle
néfaste des suiveurs. J'irai même jusqu'à dire que ce sont eux les grands
responsables de la plupart des maux
qui accablent les hommes et dont ils
sont d'ailleurs eux aussi les principales
victimes. Les mégalomanes-paranoïaques n'ont eux, à mon avis, qu'une
responsabilité très relative, puisque les
meneurs n'existent que dans la mesure
où il y a des menés. Sans les menés, il
n'y aurait ni leaders, ni chefs, ni affrontements entre les hommes. Il n'y aurait
que solidarité et entraide, et tout le
monde y gagnerait. Une question se
pose évidemment: pourquoi y a-t-il
toujours eu des suiveurs?
– Naïveté et crédulité de personnes
incultes et immatures.
– Esprit tribal personnalisé dans l'image du chef.
– Peur d'être seul: se retrouver au
milieu d'un troupeau est rassurant.
– Espoir de faire carrière dans le sillage d'un chef et de prendre un jour
sa place.
– Pour certains, suivre et obéir est
plus facile que décider par soimême.
Ce qui est certain, c'est qu'il n'y aura
jamais de changement radical dans la
condition humaine tant qu'il y aura des
suiveurs qui porteront au pinacle des
paranoïaques qui les subjuguent, les
manipulent et les utilisent au moyen de
jeux très habiles d'appartenances, d'étiquettes, de responsabilités, de récompenses et de culpabilisation. Par conséquent, la seule possibilité de nous en
sortir consiste dans la mise en évidence de ce processus de conditionnement et de manipulation, car seuls
ceux qui en sont conscients ont
quelques chances de ne pas tomber
dans les pièges qu'on leur tend un peu
partout. En effet, une fois prévenus,
nous reconnaissons au premier coup
d'œil les paranoïaques qui tendent
leurs pièges et se nourrissent de ceux
qu'ils attrapent. Ces ogres ont un appétit féroce et insatiable et cherchent
toujours à augmenter leur cheptel.
Aussi faut-il se méfier de tous ceux qui
nous demandent notre adhésion, notre
soutien, notre vote. Les appels à l'effort, à la lutte, au combat, toujours
contre d'autres groupes humains, sont
également très suspects, car il y a de
fortes chances pour qu'il y ait derrière
ces appels un ou plusieurs paranoïaques. Il faut aussi se garder de
commettre l'erreur capitale qui consiste à les combattre car cela ne peut
avoir pour effet que celui de les
réconforter. Pour les rendre inoffensifs, il suffirait de ne plus les
suivre.
Descartes corrigé: Je pense
donc je ne suis pas!
GEORGES KRASSOVSKY
FONDATEUR DES JOURNAUX ESPRIT
LIBRE (1958) ET LE COMBAT POUR
L'HOMME (197 ) QUI DEVIENDRA DIX ANS
PLUS TARD LE NOUVEL HUMANISME
LA FOUINE DES ARCHIVES
NOUVEAUTÉS «INTROUVABLES» DU PASSÉ
Copie des brochures disponibles de nos archives que vous pouvez
demander à notre rédaction (AVLP, Case postale 5264, CH-1002
Lausanne)
* ■ Benito Mussolini – L’Uomo e la Divinità
1904, 48 pages, Fr. 15.– + port (en italien)
(Déjà proposé aux lecteurs du Libre Penseur)
* ■ Aristide Tormenti – La Bibbia è immorale
1904, 40 pages, Fr. 12.– + port (en italien)
* ■ J.-H. Malot – I Ciarlatani neri!
1904, 38 pages, Fr. 10.– + port (en italien)
(Traduction et notes de B. Mussolini)
* ■ Benedetto Baglioni – Repubblicani e Cattolici
1905, 30 pages, Fr. 8.– + port (en italien)
*
Biblioteca Internazionale di Progaganda Razionalista
(Publications sur initiative de Benito Mussolini, quand ce dernier
n’était pas encore devenu «l’homnme de la Providence).
■ Aristide Bochot – Appel à la Raison
1965, 12 pages, Fr. 5.– + port
■ Aristide Bochot – Catéchisme laïque
1965, 20 pages, Fr. 6.– + port
■ Robert G. Ingersoll – Qu’est-ce que la Religion? 1924, 26 pages,
Fr. 8.– + port
Nom:
Prénom:
Adresse:
NP:
Ville:
A retourner à: AVLP, Case postale 5264, CH-1002 Lausanne
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EN LISANT
«Entre les atteintes au vœu de chasteté, les cas de pédophilie, les viols du
secret de la confession et même le barbotage d’hosties, le tribunal pontifical
(soit la «Penitenziaria Apostolica», une
instance disciplinaire fondée en 1200
par le pape Innocent III) est débordé –
écrit Ariel F. Dumont (Marianne, Paris,
17 janvier 2009). Il faut ajouter maintenant l’affaire des nonnes d’origine africaine, plus ou moins obligées, à Rome
et pour survivre, de s’adonner à la prostitution, prioritairement avec leurs frères en religion. Une situation dénoncée
dans le tout récent livre de Serge Bilé
et Ignace Audifac intitulé Et si Dieu n’aimait pas les Noirs?
«S’il y a un front mondial qui se durcit,
c’est celui des religions. Dans le monde
musulman – chez les sunnites comme
chez les chiites – ce sont les mouvances les plus intolérantes, les plus rétrogrades, qui progressent. Chez les juifs,
en Israël et ailleurs, l’heure est au durcissement du discours plus qu’à l’ouverture. Chez les protestants, ce sont
les sectes évangéliques qui essaiment
partout, dans une vraie croisade planétaire. Avec, à la clé, une foi intégriste et
une morale étroite. Et chez les catholiques? Là, c’est la plus haute autorité
de l’Eglise qui donne le ton; celui du
retour au passé, celui de l’autisme face
aux autres confessions écrit Jacques
Pilet (L’Hebdo, 5 février 2009).
«Mais qui donc est José Cardoso
Sobrinho, archevêque de Recife et
Olinda au Brésil? La grâce aurait-elle
quitté l’esprit de cet homme pour laisser place à la folie; l’amour a-t-il déserté son cœur, la charité son âme, la raison son esprit? Après qu’une petite fille
de 9 ans a été violée par son beau-père,
et mise enceinte, la mère de l’enfant
vient d’être excommuniée pour avoir
autorisé son avortement (l’excommunication a été étendue à l’équipe médicale qui a procédé à l’intervention). Le
geste de l’archevêque vient d’être salué
par le cardinal Giovanni Battista préfet
de la congrégation pour les évêques au
Vatican (Jean-Christophe Aeschlimann,
Coopération, 17 mars 2009).
Enfin, ce passage de la présentation par
Christian de Brie de l’ouvrage de Jean
Soler La violence monothéiste, Paris
2009, parue dans Le Monde diplomatique
(mars 2009): «On le sait depuis des lustres: la religion, c’est la guerre. Aucun
doute en ce qui concerne les religions
monothéistes issues de la Bible – juive,
chrétienne, musulmane – auxquelles se
réfère aujourd’hui encore la moitié de
l’humanité. Affirmer qu’il n’y a qu’un
Dieu et une vérité révélée, qu’il n’y a
pas de compromis possible entre les
contraires (le Bien doit triompher du
mal et le jour de la nuit), qu’il importe
de croire plutôt que de savoir, ne peut
conduire qu’à l’intolérance et à l’extrémisme.»
«Selon une étude de l’ONU, la pratique
de l’esclavage demeure impunie, souvent même tolérée en Indonésie, au
Pakistan, au Bangladesh, au Niger et en
Mauritanie. Ces pays d’Asie et
d’Afrique ont en commun d’être en
majorité de religion musulmane...
Certes, la persistance de l’esclavage
n’est pas une révélation, mais les
milieux réputés bien informés ne jugent
pas toujours utile de diffuser l’information. Au moins la connaissance est-elle
parvenue aux lecteurs de l’excellent
ouvrage de Malek Chebel, L’Esclavage
en terre d’Islam (Marianne, Paris, 21
février 2009).
Le catalogue 2009 de la Librairie Droz
de Genève signale la parution (en traduction du latin) du recueil d’épigrammes (petits poèmes satiriques)
d’Etienne Dolet, paru en 1538 sous le
titre de Carmina. Nous lisons dans la
notice consacrée à cette nouveauté
éditoriale: «Etienne Dolet (1508-1546),
philologue et libre-penseur humaniste,
est célèbre pour sa fin tragique sur le
bûcher. Ses œuvres poétiques, en néolatin et en français, sont tombées dans
l’oubli. Pourtant, il composa maints
poèmes entre 1534 et 1542.Dolet est
un auteur aux multiples facettes, poète
un peu atypique qui n’hésite pas à polémiquer âprement sur la question du
style... tout en montrant imprudemment son scepticisme en matière de
foi.» Pour en savoir plus, relire l’article
que le camarade André Panchaud a
écrit sur Etienne Dolet pour Le Libre
penseur de juin 2007.
Une bonne nouvelle (annoncée par
notre Freidenken d’avril 2009): le 13
mars a été présentée à la presse zurichoise la nouveau-née association des
«Ex-Muslime» (ex-musulmans). Une
initiative courageuse qui doit être...
encouragée.
Dans une lettre ouverte au Nigerian
Martin Ihoeghian Uhomoibhi, président
du Conseil des droits de l’homme,
Charles Poncet écrit ceci (L’Hebdo, 9
avril 2009) au sujet de la résolution
prise par cet organisme onusien qui
«conditionne la liberté religieuse à une
sorte de devoir collectif de respecter
les religions établies»: «Ce texte est
une infamie. Il prétend vouloir combattre la «diffamation des religions» en qui
il voit une valeur collective à ménager
et non plus l’exercice du droit individuel par excellence […].
La liberté religieuse est un droit individuel, intangible, qui protège non pas le
pouvoir d’une communauté de régir
ses semblables à sa guise, mais bien le
droit inaliénable de chacun d’adorer la
divinité qu’il aura choisie librement,
d’en changer si cela lui plaît et de n’en
reconnaître aucune s’il le préfère.
Parmi les Etats votants, aucune démocratie n’a d’ailleurs approuvé cette
mouscaille et la Suisse, pour son honneur, a voté contre. Soutenue par des
parangons des droits de l’homme tels
l’Arabie saoudite, la Chine, la Russie,
Cuba, ou l’Egypte, la résolution 10/22
ne doit qu’à la honteuse abstention
de quelques pays démocratiques
(Argentine, Brésil, Mexique, Uruguay,
Inde, Japon, Corée du Sud) d’avoir été
adoptée par 23 voix contre 11
(Canada, Chili, France, Allemagne, Italie,
Hollande, Slovaquie, Slovénie, Suisse,
Ukraine, Grande-Bretagne).
Le mois de juin 2009 a été rempli par
les nouvelles en provenance d’Iran, où
les fraudes électorales ont été suivies
d’une répression prévisible. Le Monde
diplomatique de juillet 2009 a publié sur
le sujet un article de Ahmad Salamatian
«Dans le chaudron du pouvoir iranien»
et surtout un autre Olivier Pironet
«Les structures du régime». C’est ce
dernier qui démontre à merveille qui
commande en Iran. «La charge de grand
ayatollah – officiellement Guide de la
révolution islamique – a été assumée,
de 1979 à 1989 – par l’imam Khomeiny,
remplacé à sa mort par Khamenei. Le
Guide (qui a un représentant dans
chaque province et dans chaque ministère) supervise les pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire […]. L’armée, les
forces de l’ordre et la justice sont placés directement sous son contrôle.» En
théorie, il peut être révoqué par
1’«Assemblée des experts», élue mais
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dont les 86 membres sont tous des
religieux. Le «Conseil des gardiens de la
Constitution» qui veille à la conformité
des lois avec l’Islam est composé de six
religieux nommés par le Guide et six
juristes élus par le Parlement, il est de
plus présidé par un ayatollah. Le
«Conseil de discernement des intérêts
supérieurs du régime» (34 membres)
est «désigné par le Guide et a une compétence législative extraordinaire». En
outre: «Le pouvoir judiciaire, quant à
lui, appartient à un théologien juriste
nommé par le Guide pour un mandat
de cinq ans, qui choisit les juges, dont le
chef de la Cour suprême». Enfin, le
régime islamiste comprend «des organisations et institutions issues de la
révolution qui fonctionnent comme des
structures de dédoublement de l’appareil de l’Etat dépendant entièrement du
Guide»: les Pasdaran (Gardiens de la
révolution) qui comptent dans leurs
rangs plusieurs millions de miliciens, les
comités révolutionnaires et les tribunaux révolutionnaires. Inch Allah!
«La crainte de l’Islam et son rejet en
bloc partent du principe de la supériorité de la civilisation européenne à base
chrétienne. Comme s’il n’avait pas fallu
au christianisme, devenu religion d’Etat,
quinze siècles de violence avant que les
Lumières commencent à tempérer sa
meurtrière intolérance envers tous les
autres, les différents» (Jacques Poget,
24 heures, 29 juin 2009).
L’historien Alain-Jacques
CzouzTornare, auteur de La Révolution française pour les nuls, a été interviewé par
l’hebdomadaire Coopération du 28
juillet 2009.
A la question portant sur ce que la
Révolution a apporté d’essentiel, il a
rappelé: la Déclaration des droits de
l’homme, la liberté d’expression et la
publicité des lois («qui n’existait pas
avant la Révolution. On a fixé les principes d’une justice égale pour tous»).Il
conclut sa réponse ainsi: «La fraternité,
c’est la laïcité. Avant 1789, on ne pouvait tout simplement pas changer ou
vivre en dehors de la religion. Sinon, on
n’existait pas, puisqu’on n’était pas
inscrit dans les registres des baptêmes». Même s’il y a toujours et encore
une belle différence entre les grands
principes et la réalité sociale, il s’agit là
– n’en déplaise à nos nostalgiques de
l’Ancien Régime – d’une énorme avancée.
Les Editions libertaires ont fait paraître
l’ouvrage de Maurice T. Maschino La
république des bigots. De la présentation
19
qu’en donne, dans Le Monde diplomatique d’août 2009, Christophe Ventura:
«L’Eglise catholique, conduite aujourd’hui par «l’un des chefs d’orchestre de la
réaction la plus noire» […]. En France,
où elle dispose, avec le président
Nicolas Sarkozy, «de son homme de
main» contre les acquis de la laïcité; et
au sein des institutions européennes,
où elle peut compter sur le soutien
indéfectible du président de la
Commission européenne José Manuel
Barroso. L’auteur prévient: «L’Eglise
catholique ne peut être que totalitaire
[…] et […] n’a q’une ambition: reconquérir le terrain perdu, en usant de
méthodes plus souples qu’autrefois,
mais en conservant le noyau dur de son
dogme.»
CLAUDE CANTINI
NOSTRA CULPA
Chers Amis du Libre Penseur, dans les
«Brèves de Thor Danneman», page
21 du No 142, 5e ligne, il y a une petite faute d’impression que je tiens à
vous signaler: «Matthieu 15:27», c’est
plutôt «25:27». La citation est effectivement de Jésus, mais c’en est une
autre que l’on pourrait qualifier
d’«indirecte» ou «au second degré»,
car celui qui l’aurait prononcée
serait un autre monsieur – selon
Jésus qui le relate – un maître d’esclaves.
Cordiales salutations.
ANTONIO TACCONE,
MONTECATINI-TERME (ITALIE)
N.d.l.r: Merci à M. Taccone pour
cette rectification. Une fois de plus,
nous constatons que l’ignorance religieuse n’est pas du côté des libres
penseurs.
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savoir ou envoyez-les-nous directement
à notre rédaction, afin d’enrichir notre
documentation et nos collections.
LES BRÈVES
DE
THOR DANNEMAN
Si le Petit Chaperon rouge avait rencontré dans la forêt non pas le loup
mais cet autre canidé le renard, l'histoire se serait déroulée autrement.
Le renard aurait noté l'adresse de la
mère-grand, fait ensuite ses repérages, constaté que le poulailler de
l'aïeule était aisément accessible
moyennant un facile travail de sape
et aurait, plus tard, de nuit, fait main
basse sur deux dodues leghorns qui
allaient nourrir sa petite famille. Il
aurait laissé la mémé tranquille ainsi
que la gamine. Cela nous aurait épargné la séquence sanglante avec éventrage (éventrement/éventration?) du
loup et résurrection (ressuscitation?) des deux héroïnes restées
miraculeusement guillerettes. On n'y
croit pas plus qu'à celle du rabbin
Jésus.
***
Lorsqu'on entend Jessie Norman
(une négresse!) chanter de façon
bouleversante les Vier ernste Gesänge
de Brahms, on se rend bien compte
que ces histoires de supériorité et
de spécificité de la race blanche sont
des billevesées. Et bien le bonjour à
Gobineau, Goebbels, Chamberlain
(attention! Houston, pas Neville),
Maurras et tous ces sinistres farceurs.
***
Il n'est pas nécessaire d'entrer dans
une église, une synagogue ou une
mosquée pour trouver la paix de
l'âme. Les quatuors de Beethoven
suffisent largement. S'il existait une
divinité, c'est elle qui les aurait inspirés. Sauf que le fougueux Ludwig
n'aurait jamais accepté de partager
les droits d'auteur.
***
On peut se demander si en Judée, et
si ça se trouve dans toutes les
régions habitées du globe, on ne s'aimait pas les uns les autres avant que
Jésus en fit un précepte.
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le libre penseur/no 143
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SOUSCRIPTION
DE SOLIDARITÉ
CCP 10-7494-3
BON DE COMMANDE (marquer d’une croix)
■ Narcisse Praz – Dictionnaire satirique des noms propres et malpropres
242 pages, 3500 définitions satiriques, Fr. 43.– + port.
■ Claude Frochaux – L’Homme religieux
230 pages, Fr. 35.– + port
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L.A.B.
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V.C.M.-I.
B.J.-P.F.
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M.R.A.
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K.E.B. (L)
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C.J.-M.V.
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B.L.V.
C.R.C.
Z.A.B.
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R.M.P.
F.Cl.R.
R.M.LaCh.
T.M.F.
B.O.M.
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■ Robert Nicole – Voir clair
100 pages, Fr. 22.– + port
■ Narcisse Praz – La mésange charbonnière
280 pages, Fr. 35.– + port
■ Giancarlo Tranfo – La Croce di spine (in italiano)
452 pages, Fr. 32.– + port
■ Luigi Cascioli – La morte di Cristo (in italiano)
224 pagine, Fr. 28.– + port
■ Robert Nicole – Jésus, ce maître de sagesse méconnu
102 pages, Fr. 25.– + port
■ Narcisse Praz – Sous le pont Mirabeau
328 pages, Fr. 35.– port compris pour la Suisse
■ Louis Ducommun – L’existence improbable de Dieu
39 pages, Fr. 10.– + port (étranger 10 € avec port)
■ Albert-Marie Guye – Les entrailles de Gisors
20 pages, Fr. 5.– + port (étranger 5 €)
■ Roger Peytrignet – Jésus-Christ, mythe ou personnage historique?
206 pages, Fr. 32.– + port
■ Luigi Cascioli – La Fable de Christ ■ La Favola di Cristo (in italiano)
175 pages, Fr. 20.– + port
■ Narcisse Praz – Le dictionnaire insolent
554 pages, Fr. 48.–
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A retourner à: AVLP, Case postale 5264, CH-1002 Lausanne
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