livre blanc sur l`emploi des seniors 9 10 14

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livre blanc sur l`emploi des seniors 9 10 14
LIVRE BLANC
DES MESURES D’URGENCE CONTRE LE CHÔMAGE DES SÉNIORS
ET FUTURS SÉNIORS AUJOURD’HUI ET DEMAIN
Paris le 10 octobre 2014
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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SYNTHESE DES PROPOSITIONS
La situation des séniors au chômage empire, bien que de nombreux rapports, plans, discours et
engagements, mesures et dispositifs de retour à l’emploi s’empilent sans résultats probants depuis
l’année 2000. En presque 15 ans, les différents gouvernements n’ont pas trouvé les solutions,
malgré une augmentation des moyens mis en œuvre. L’année 2013 a vu ainsi le taux de chômage
augmenter de 11 % chez les plus de 50 ans en un an. En réalité, le nombre de chômeurs de plus de
50 ans inscrits en catégorie A (sans aucune activité) à Pôle emploi n'a pas connu un seul mois de
baisse depuis le deuxième trimestre 2008 ! Et l’on voit mal comment les mesures présentées par
le Ministère du travail le 23 juin dernier pourraient réellement inverser cette tendance. D’ailleurs,
il est plus fait mention dans la presse de mesures d’adaptation que de nième plan sénior.
Les grands constats
Tout d’abord, les causes du chômage des séniors sont multiples : sectorielles, conjoncturelles,
locales, alors que les solutions mises en œuvre se veulent générales. Et surtout, l’analyse de la
situation montre deux points essentiels que ce Livre Blanc veut mettre en relief :
• Il y a une génération sacrifiée, celle des demandeurs d’emplois de 50 ans, pour lesquels il
n’y a pas de possibilité d’un réel retour à l’emploi, ne serait-ce qu’au regard de la
croissance potentielle inférieure aujourd’hui à 1 %. Il faut donc appliquer à ces
demandeurs un « traitement social » particulier que nous détaillerons dans ce document.
Il y a dans ce constat également le risque que les séniors de 50 à 62 ans, qui sont en
emploi, suivent le même chemin si la conjoncture ne s’améliore pas : car, quoique puissent
en dire les entreprises, les personnels de plus de 50 ans sont devenus une des premières
variables d’ajustement de leurs coûts d’exploitation.
• Il y a surtout une très grande menace sur les générations quinquas et quadras, face à des
technologies du numérique1 qui vont bouleverser en profondeur l’approche des marchés,
les processus, les pratiques et donc le monde du travail. Chacun est en droit de
s’interroger, comme l’ont fait d’ailleurs des experts outre-Atlantique, sur l’impact social de
« l’économie numérique ».
La France, qui ne sait déjà pas remédier à son chômage structurel depuis plus de 30 ans,
n’a pas pour le moment pris conscience de l’ampleur des ruptures à venir et de la
destruction potentielle d’emplois qui risque d’en découler. Le choc sera d’autant plus
violent que cette évolution s’accomplira dans un pays vulnérable par sa faible capacité
d’adaptation et la persistance des rigidités qui bloquent tout changement. Il est donc
impératif de prendre très rapidement les mesures nécessaires pour éviter un chômage
massif des séniors dans les décennies à venir.
1
à la base de l’émergence de l’économie digitale
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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GENERATIONS E.R.I.C. a voulu dresser un diagnostic sans complaisance de l’employabilité des
séniors. Mais ce LIVRE BLANC a surtout pour but de lancer un cri d’alarme : il faut mettre en
place des mesures d’urgence pour sauver l’emploi des futurs séniors, tout en assurant
parallèlement un traitement social courageux pour les plus de 50 ans qui sont déjà au
chômage.
Les enjeux
Si aucune mesure n’est prise dès maintenant, les conséquences vont être dramatiques pour
notre pays à plusieurs niveaux :
•
Le maintien dans l’emploi des séniors, jusqu’à leur retraite, est la seule façon de leur
assurer un niveau de pension suffisant pour assumer leurs charges courantes une fois
retraités, dès lors qu’au bout de trois ans d’indemnisation, un chômeur ne cotise plus
aux caisses de retraite.
•
Il y a donc un risque de paupérisation des séniors privés d’emploi, d’autant plus élevé
que le ratio de dépendance démographique et économique conduira à réduire les taux
de remplacement.
•
Dans un contexte de croissance déjà faible, cette paupérisation progressive pourra
même entraîner un risque de récession, mettant en péril non seulement le tissu
économique mais également tout le système de protection sociale.
•
Cette situation aura forcément aussi des conséquences politiques. Il n’est jamais bon
de pousser une partie de la population dans la détresse, s’agissant en outre d’un
électorat qui n’a pas l’habitude de s’abstenir lors des échéances politiques.
•
Ce risque de paupérisation pourra mettre les groupes de protection sociale en tension,
en particulier dans le cadre des budgets d’action sociale mis en œuvre depuis
longtemps par ces institutions paritaires, mais qui ne résisteront pas à l’effet volume
des besoins qui s’exprimeront au titre de la solidarité.
•
Enfin, il faudra s’attendre à une réduction des transferts intergénérationnels au
détriment des plus jeunes, confrontés déjà au chômage et au poids croissant des
dépenses contraintes.
C’est pourquoi il nous semble impératif pour les quadras d’engager ou renforcer une action de
formation au numérique ; celle-ci doit être obligatoirement organisée pour les 5 prochaines
années au sein des entreprises, des organisations, des administrations ; pour les autres séniors, il
faut mettre en œuvre des actions diverses, locales, spécifiques et innovantes, afin d’employer
ceux qui sont au chômage dans des activités d’utilité sociale ou économique.
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Les mesures préconisées
Sous un angle opérationnel, trois orientations majeures qui semblent incontournables ont été
retenues, comportant chacune plusieurs mesures concrètes.
Mais avant d’engager toute action, il y a un préalable nécessaire qui est de reconnaitre les faits et
en particulier de souligner ou de mettre en lumière le constat suivant : le chômage des séniors est
un immense gâchis de compétences et de ressources.
Soyons clairs : il ne s’agit pas de se satisfaire de cette vérité qui confine à la banalité, mais de se
convaincre, à tous les niveaux de notre société, qu’il faut une vraie volonté collective, à l’échelle
de la nation, si l’on veut sincèrement trouver des solutions. Aujourd’hui, elle fait singulièrement
défaut.
Comme indiqué ci-dessus, ces solutions se déploient autour de trois axes directeurs.
• Il faut en premier lieu œuvrer au niveau du bassin d’emploi2, c’est-à-dire y promouvoir et
y encourager les bonnes pratiques, telles que le tutorat-mentoring en entreprises, dans les
établissements d’enseignement, les associations, le soutien à la création d’entreprises, le
conseil ou la participation dans des groupes projets, le développement d’actions nouvelles
dans des domaines à valeur ajoutée. Cela implique de créer au sein de chaque bassin une
« cellule de coordination » rassemblant les élus, les forces économiques, les structures
d’enseignement, les représentants de l’Etat, les séniors eux-mêmes.
• Ensuite, il convient d’instaurer des contreparties à la perception d’indemnisation
chômage, l’Allocation de Retour à l’Emploi (ARE), sous forme, par exemple, de contribution
à des actions d’utilité sociale ou de bénévolat, en fonction des aptitudes et/ou des
motivations des bénéficiaires ; toute contribution donnera lieu à reconnaissance dans le CV
et/ou dans des démarches de Validation des Acquis de l’Expérience3 (VAE). Cette démarche
de trouver des contreparties permettra de repositionner la personne sur le plan social. Il
s’agit également d’éviter que le chômeur indemnisé s’enferme dans une spirale dépressive.
• Enfin, il est impératif d’assurer dans les faits, et pas seulement dans le discours, une
formation tout au long de la vie en ligne avec les évolutions technologiques, l’adaptation
aux nouvelles modalités de travail, en privilégiant dans l’immédiat la formation des séniors
et des futurs séniors que sont les quadras.
2
Cette orientation a été également formulée comme 5ème priorité dans le Rapport de Gérard Mestrallet « mobiliser
les acteurs économiques en faveur de l’emploi et de l’emploi des jeunes » sous le titre « agir au plus près des
territoires ».
3
Toute personne -quels que soient son âge, sa nationalité, son statut et son niveau de formation - qui justifie d’au
moins trois ans d’expérience en rapport direct avec la certification visée, peut prétendre à la VAE. Cette certification
qui peut être un diplôme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle, doit être inscrite au Répertoire
national des certifications professionnelles (RNCP).
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Mais là encore, précisons un point essentiel : aucune de ces trois orientations et les mesures qui
en découlent ne produiront les effets recherchés si, parallèlement, d’autres actions de
redressement ne sont pas engagées au niveau de l’Etat.
Notre pays montre beaucoup de blocages culturels, souvent d’origine dogmatique. Ce que nous
souhaitons, c’est que la puissance publique crée rapidement un environnement pour la
valorisation du travail et le retour à l’emploi dans ses dimensions économiques, fiscales,
juridiques, culturelles, sociales, en revenant à plus de flexibilité et en responsabilisant tous les
acteurs.
Concrètement, ce nouvel écosystème social et économique implique de prendre des décisions
dans les plus brefs délais, afin de recréer un climat de confiance parmi nos concitoyens et les chefs
d’entreprise sans lesquels l’emploi ne se développera pas.
Notre pays n’a que trop tardé à se réformer. Un consensus national doit être recherché par tous
les responsables politiques, à gauche comme à droite, qui soit soucieux des générations actuelles
et à venir ainsi que du devenir de notre pays. Il leur faudra beaucoup de courage pour :
•
Réduire les dépenses publiques, en diminuant le nombre de fonctionnaires à l’échelon
national et local avec le discernement nécessaire pour les fonctions prioritaires.
•
Préparer la mise en place d’un système de retraite universelle, permettre la flexibilité
de l’âge de départ à la retraite dans le public et dans le privé, généraliser le système
de décote-surcote pour inciter davantage à la prolongation des années de travail.
•
Moduler la durée de l’indemnisation chômage, tout en renforçant les dispositifs d’aide
au retour à l’emploi, notamment par une plus forte implication des entreprises et des
branches dans les actions à conduire pour le retour à l’emploi.
•
Privilégier le retour à l’emploi et arrêter une approche statistique du chômage pour
encourager une démarche plus qualitative en matière de formation, à partir des
qualifications existantes du demandeur d’emploi et des besoins des secteurs, en
particulier ceux en pénurie de main d’œuvre.
•
Eliminer les effets de seuils, simplifier le code du travail, privilégier les accords de
branche et d’entreprise à chaque fois que cela est pertinent, afin que les décisions
soient prises au plus près du lieu de leur mise en œuvre.
En résumé, notre démarche peut prendre la forme séquentielle suivante : prendre un engagement
volontaire à partir d’une prise de conscience des enjeux, mettre en place un nouvel écosystème
favorable à l’emploi, déployer des actions en faveur des séniors en chômage de longue durée
autour de trois axes directeurs, tout en préparant un environnement favorable à l’emploi en
général aujourd’hui et demain.
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Les recommandations
Un dispositif d’ensemble :
• Une démarche construite : une vision, des objectifs, des moyens, un suivi
• Une mobilisation politique et économique dans les bassins d’emploi
• Pragmatisme et proximité versus centralisation
Les séniors au chômage : un traitement spécifique, des offres alternatives
• Tutorat : l’utilisation du savoir-faire, aide scolaire, encadrement associatif, expertise auprès
des PME/PMI, tutorat d’expérience
• Lancement – enrichissement - coordination de projets locaux
• Création/reprise d’entreprises
Les générations futures à préserver :
• Anticipation : des outils de pilotage de l’emploi
. Des comportements responsables des entreprises sur l’employabilité des séniors
. L’identification des secteurs, des bassins, à risque de destruction d’emploi
• Optimisation : la préservation des ressources
. L’équilibre démographique dans l’entreprise
. L’évaluation des potentiels
. Un plan de formation adapté
. La coordination avec les acteurs locaux publics et privés
• Flexibilité : pragmatisme versus monolithisme
. L’âge et les modalités de départ à la retraite
. L’autonomie des branches professionnelles versus une législation nationale
. L’allégement du Code du Travail
. Une révision des effets de seuils
L’enjeu des reprises d’entreprises : des opportunités
• Organiser, aider au financement des reprises par des salariés
• Utiliser les bilans de compétences dans les entreprises pour des reconversions
• Anticiper, identifier les entreprises à reprendre dans les bassins d’emploi
• Créer une « cellule de coordination » pour réunir les acteurs concernés dans les bassins
d’emploi
• Recenser les bonnes pratiques
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La préparation du futur : pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets
• Renforcer les liens entre univers scolaire, universitaire et milieux économiques pour
faciliter l’insertion professionnelle
• Identifier les qualifications requises dans l’emploi de demain, dont la maîtrise du
numérique
• Préciser les besoins locaux et dans les branches professionnelles
• Mettre en œuvre une réelle « formation tout au long de la vie »
• Effectuer régulièrement un bilan des aptitudes et compétences requises des salariés
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PLAN DU RAPPORT
Synthèse des propositions (page 2)
Plan du rapport (page 9)
Introduction (page 11)
1. Sortir de l’hypocrisie ou de l’indifférence : faux et vrais constats (pages 13 à 36)
1.1. Les séniors : un potentiel démographique et économique (page 13)
1.2. Situation résumée de l’emploi des séniors en France, historique (page 15)
1.3. Quelques éléments de différenciation entre la France et les pays de l’Union Européenne (page 17)
1.4. De nombreuses tentatives pour encourager l’emploi des séniors, quels résultats ? (page 18)
1.5 La Responsabilité Sociale des entreprises et l’emploi des séniors : double langage ? (page 22)
1.6. Les séniors dans l’entreprise : boulets ou valeur ajoutée ? (page 23)
1.7. L’Etat et l’Administration créent des contraintes au retour à l’emploi (page 27)
1.8. Une bombe à retardement : la baisse inéluctable du niveau de vie des retraités (page 29)
1.9. L’inégalité devant l’accès aux soins de santé : le « mur » des dépenses de fin de vie (page 34)
1.10. Des situations d’inégalité devant les retraites qui soulèveront des tensions sociales (page 35)
Conclusions partielles et recommandations (page 36)
2. Une classe d’âge de séniors « sacrifiée » : ceux au chômage (pages 37 à 44)
2.1. Séniors et chômage de longue durée : l’impossible retour à l’emploi (page 37)
2.2. Les remèdes possibles : la proximité et les territoires (page 40)
•
•
Quelques propositions :
o Des formateurs pour jeunes
o L’encadrement associatif
o Les appuis aux TPE/PMI/PME
o Les appuis scolaires : le tutorat d’expérience
Le financement
Conclusions partielles et recommandations (page 44)
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3. Il existe des actifs qu’il faut préserver des risques à venir de perte d’emploi (pages 45 à 70)
3.1. La décroissance économique (page 45)
3.2. Des propositions pour assurer le maintien dans l’emploi (page 48)
•
•
•
•
Des mesures d’anticipation
Des mesures d’optimisation
Des mesures de flexibilité
L’expérience de CRS Europe : la conception du Lifelong Employability Assessment (LEA)
3.3. La voie vers la création ou la reprise d’entreprises (page 63)
•
•
•
•
•
Les séniors : un potentiel entrepreneurial
L’entreprenariat sénior retraité : un entrepreneuriat voulu ou subi ?
L’entreprenariat sénior : un entrepreneuriat délaissé
Bassins d’emplois et rôle des acteurs : élus, associations, chambres professionnelles, média
Renforcer l’accompagnement à la création ou à la reprise
3.4. Trois exemples de bonnes pratiques parmi d’autres (page 67) :
Conclusions partielles et recommandations (page 70)
4. La préparation du futur : une « séniorité » active et productive dans l’entreprise (page 71
à 76)
4.1. Les nouveaux métiers et les futurs séniors (page 71)
4.2. « L’intrapreneuriat » : une démarche à développer (page 75)
Conclusions partielles et recommandations (page 76)
5. Conclusions et principes directeurs (page 77)
Annexes (page 80 et suivantes)
Tableaux de Bord RH SENIORS
Liste des participants au groupe de travail
Références bibliographiques
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Introduction
De nombreux rapports ont été publiés concernant la situation des séniors en France et plus
particulièrement leur situation face à l’emploi et la problématique des retraites.
De nombreuses mesures ont été prises par les gouvernements successifs, au mieux sans beaucoup
d’effets, au pire contreproductifs.
Pour autant, une réalité s’impose : si l’emploi des séniors a quelque peu progressé, le nombre de
chômeurs de cette catégorie augmente, et plus encore en longue durée.
Dans ce contexte, nous tenons à rappeler les enjeux principaux qui sont liés au chômage des
séniors :
• Contrairement aux idées reçues véhiculées pendant de nombreuses années, il existe une
corrélation démontrée par les statistiques européennes entre chômage des séniors et
chômage des jeunes qui, de surcroît, entraîne l’augmentation du chômage tous âges
confondus.
• Alors que s’est propagée et perdure une image négative des séniors dans l’entreprise, sans
aucune analyse approfondie, les séniors représentent un potentiel de compétences et
d’aptitudes dont ils font preuve dans leurs engagements extra-professionnels mais qui est
négligé, voire réfuté dans le milieu du travail.
• Le besoin de financement des retraites, induit par les évolutions démographiques ainsi
que par l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé et accru par la résistance à
l’augmentation de la durée de la vie professionnelle, va amplifier les risques de
paupérisation des personnes âgées.
• De fait, cela jette un doute sur les espoirs fondés sur ce qu’il est convenu d’appeler la
« Silver Economie ». Pourtant, l’Etat cherche à diminuer les dépenses d’assurance maladie
et les études réalisées sur la santé des séniors démontrent que le maintien d’une activité
professionnelle concourt au vieillissement en bonne santé plus qu’une retraite active dans
des activités bénévoles.
• La montée de l’économie digitale, si elle n’est pas prise en compte par anticipation avec
des pédagogies adaptées à l’âge des salariés va automatiquement entraîner une
marginalisation et donc un chômage important chez les séniors de demain.
Face à cette situation, tous les acteurs impliqués et concernés sont appelés à reconnaître les faits,
à les regarder en face en dehors de tout dogmatisme et à prendre leurs responsabilités.
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Trois grandes familles de mesures sont proposées dans ce Livre Blanc, adaptées aux trois grands
groupes de séniors concernés :
-
Un retour reconnu et valorisé à un vrai rôle social, essentiellement local, en contrepartie
du versement des allocations chômage (A.R.E), grâce à la collaboration de tous les acteurs
locaux, secteurs public, institutionnel, éducatif, entreprises, partenaires sociaux.
-
Une préparation et une formation adaptées à la généralisation de l’économie numérique
pour les séniors encore en activité, ainsi qu’une plus grande souplesse du code du travail
national. Celle-ci pourra permettre, au niveau des branches professionnelles et de
l’entreprise, l’adéquation des modalités et des conditions de travail aux contraintes
spécifiques des séniors et faciliter, pour ceux qui le souhaitent, une fin de carrière
progressive. Cet investissement permettra également la réalisation des gains de
productivité nécessaires, dans une économie de moins en moins compétitive.
-
Un encouragement et un soutien aux séniors qui, quelle que soit leur situation (encore en
emploi ou déjà chômeur), souhaitent créer leur propre activité et plus spécifiquement
créer ou reprendre une entreprise avec la volonté d’en assurer la pérennité.
Soucieux de ne pas se limiter à un « énième » rapport sur le sujet de l’emploi ou du chômage des
séniors, ce document présente des chiffres et des résultats d’études précis pour étayer ses
analyses ; il propose aussi des solutions concrètes qui incitent à sortir des cadres de référence
habituels pour laisser place à la créativité des différents acteurs et des séniors eux-mêmes, tout en
gardant toujours en toile de fond le souci du réalisme et de l’efficience.
Par ailleurs, l’urgence de la situation française est soulignée.
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I - Sortir de l’hypocrisie, de l’ambigüité ou de l’indifférence : les faux et
vrais constats
1-1. Les séniors : un potentiel démographique et économique
Un phénomène important caractérise notre siècle : « le vieillissement démographique ». Pour les
années à venir, les séniors vont représenter le segment de population le plus important.
Au 1er Janvier 2000, plus de 100 millions d’européens avaient plus de 50 ans dont 19 millions de
Français. L'âge moyen de la population européenne est de 39,3 ans et il augmente de 2,5 mois
chaque année, ce qui devrait le porter à 46 ans en 2030 ! En 2060, c’est plus de 155 millions
d’européens qui auront 65 ans et plus. En France, en 2060, 23,6 millions de personnes seront
âgées de 60 ans ou plus. Mais d’ores et déjà, les 60 ans et plus sont plus nombreux aujourd’hui
dans notre pays que les moins de 20 ans.
La situation des séniors n’est pas sans soulever des paradoxes.
Un premier paradoxe : la Silver Economie
Le vieillissement de notre population, ou plutôt la « séniorisation » de notre société, donne lieu à
de grands espoirs autour de la « Silver Economie », liés notamment à l’importance du pouvoir
d’achat des séniors, évalué à quelque 150 milliards d’euros !
Plusieurs raisons expliquent l’accroissement de ce potentiel économique des séniors. En effet,
pour la plupart, ils ont atteint l’âge où les contraintes financières sont à leur minimum ; les crédits
sont payés, les enfants ont grandi et, pour la plupart, s’assument financièrement. Mais ce n’est
plus vrai plus tard au moment où les personnes âgées ne sont plus autonomes et ont besoin
d’aide, voire d’un placement en institution spécialisée.
En réalité, si l’on approfondit l’analyse, la population des séniors est plus hétérogène qu’il n’y
parait et ceux qui disposent d’un pouvoir d’achat adossé à un patrimoine important, ceux que l’on
qualifie de « séniors les plus aisés », ne représentent que 20 % de la population âgée de 50 à 95
ans et plus ! Pour les autres, la situation est plus contrastée.
Par conséquent, personne ne s’interroge sur les conditions réelles d’émergence de cette « Silver
Economie » au regard d’une situation des séniors qui, pour une large majorité d’entre eux, se
dégrade aujourd’hui et peut-être plus encore demain.
De fait, on ne peut raisonnablement, pour ne pas dire rationnellement, proclamer que la
croissance future repose sur les séniors, levier de la « Silver Economie », dire que l’équilibre de
notre protection sociale est conditionné par l’allongement de la durée du travail, négocier des
accords sociaux dans ce but, tout en agissant de façon contraire sur le terrain, notamment en :
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•
réduisant l’emploi dès la cinquantaine, en particulier par des départs dits « négociés »
dans un contexte potentiel de pressions discutables au plan éthique, soit de la part de
l’employeur, soit de la part du salarié ;
•
multipliant les possibilités de départs à la retraite anticipés ;
•
limitant les responsabilités par une « mise au placard » des séniors ouvrant plus tard
sur le chômage, ce que l’on pourrait qualifier de « soft ranking » ;
•
privant globalement les séniors de formation professionnelle, tout en privilégiant une
minorité de personnes au sein des entreprises, comme l’avait révélée une étude4 de
l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes en 2011 ;
•
ponctionnant, par une pression fiscale accrue, le pouvoir d’achat des plus âgés ;
•
imposant de nouvelles conditions restrictives d’indemnisation du chômage qui ne
peuvent qu’aboutir à la paupérisation des travailleurs les plus âgés si le retour à
l’emploi ne peut être assuré par le marché du travail ;
•
et surtout, en ne prenant pas les mesures pour pallier la lente mais inexorable
dégradation financière des régimes de retraite et une désindexation des pensions qui
semble inéluctable du fait des ratios démographiques et de dépendance économique,
ainsi que d’une progression insuffisante de la productivité horaire !
Un second paradoxe : l’engagement de la Commission européenne
Au plan européen, l’année 2012 a été promulguée année du vieillissement actif et de la solidarité
intergénérationnelle.
D’après la Commission européenne, « cette initiative visait à améliorer les possibilités d’emploi et
les conditions de travail des personnes âgées, de plus en plus nombreuses en Europe, afin de les
aider à jouer un rôle actif dans la société et à encourager le vieillissement en bonne santé ». Dont
acte.
Ce type d’initiative européenne et bien d’autres nous rappellent que les séniors constituent un
potentiel démographique et économique, et qu’ils représentent une catégorie d’acteurs
incontournable des débats actuels.
4 « Alors que 63% des salariés de 25 à 40 ans ont reçu une formation dans les 3 dernières années, ils ne sont plus que
56% passés 40 ans, en raison d'une "possible discrimination par l'âge combinée aux difficultés toujours plus grandes à
évoluer sur le marché du travail ». Plus de 40 % des salariés de plus de 40 ans jugent ainsi que leur entreprise ne porte
pas assez d'attention à la formation ».
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Les études menées dans les domaines du marketing, de la psychologie ou de la gérontologie, ont
démontré que les plus de 60 ans sont différents des autres segments de la population, en raison
de leurs particularités physiques, psychiques et sociales.
Enfin, la cessation de l’activité professionnelle, ou en d’autres termes la retraite, est le critère
sociodémographique le plus utilisé pour désigner le vieillissement social. Il représente un des
événements les plus marquants dans la vie d’une personne. Cela implique un certain nombre de
changements qui peuvent être traduits en termes de pertes de rôles sociaux.
Il faut néanmoins regarder l’autre face du miroir : la crise impacte profondément cette catégorie,
aussi bien ceux qui sont au chômage ou exposés à devenir demandeurs d’emplois que ceux qui
sont en retraite, mais avec des revenus insuffisants : les retraités pauvres. Ainsi, les enquêtes
montrent dans tous les pays européens un taux croissant d’exposition des travailleurs au risque de
pauvreté, qu’il convient de rapprocher de l’augmentation continue depuis 2008 du taux de
chômage des séniors de 55 à 64 ans, passant de 5 % environ à 7,7 % à fin 2013 ! Le taux de
pauvreté en Europe des personnes âgées de 50 à 64 ans s’élève à 13,5 % et pour les plus de 65
ans, à 15,9 % (source Observatoire de l’Inégalité). La baisse programmée du taux de
remplacement des pensions en Europe va amplifier cette paupérisation.
1-2. La situation résumée de l’emploi des séniors en France
Rappelons tout d’abord que les personnes entre 50 et 64 ans représentent 7,5 millions de
personnes au sein de la population dite « active », c’est-à-dire soit en situation d’emploi, soit au
chômage.
En 2012, en France métropolitaine, 47,9 % des personnes âgées de 55 à 64 ans, dont 72,5 % entre
55 et 59 ans et 23,1 % entre 60 et 64 ans, étaient « actives ». Dans le détail, 44,5 % des 55-64 ans
étaient en emploi et 3,4 % au chômage.
En 2013, selon la DARES, le nombre des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus a augmenté de
11,6 % alors que le nombre de ceux âgés de 25 à 49 ans n’augmentait que de 3,5 % sur la période.
Cette tendance se poursuit en 2014 : de mai 2013 à mai 2014, le nombre de chômeurs de
catégorie A de plus de 50 ans a bondi de 11,5 %, soit un écart de 7,4 points comparé à l'ensemble
des demandeurs d'emploi de cette catégorie (+ 4,1 % sur 12 mois). Ce mal est si profond que
l’augmentation se poursuit et laisse présager une fin d’année catastrophique : ainsi, à fin mai
2014, les plus de 50 ans ont vu leur taux de chômage augmenter encore de 0,9 %, ce qui porte à
12,2 % la progression sur un an.
En fait, le chômage des séniors n'a pas baissé une seule fois depuis la mi-2008. Les demandeurs
d'emploi de plus de 50 ans étaient près de 482.000 en février 2008 ; ils sont désormais plus de 1,1
million et représentent plus d'un inscrit sur cinq. Et, une fois au chômage, la très grande majorité y
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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reste : en mai, la durée moyenne d’inscription à Pôle emploi était de 484 jours pour les plus de 50
ans, contre 279 jours pour les 25-49 ans et 153 jours pour les jeunes…
Il faut donc se rendre à l’évidence : le chômage des séniors est devenu une donnée structurelle,
plus encore que pour les autres catégories.
Le chômage des 50 ans et plus
Sources DARES
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1-3. Quelques éléments de différenciation entre la France et les pays européens
Avec un taux d’emploi de 63,9 % pour la population des 15-64 ans la France est loin de l’objectif de
Lisbonne d’un taux d’emploi global de 75 % en 2020, proche de la moyenne européenne (28 pays)
qui est de 64,1 % certes, mais loin des meilleurs de la classe que sont les Pays-Bas avec 75,1 %, la
Suède avec 73,8 %, l’Allemagne, le Danemark et l’Autriche avec respectivement 72,8 %, 72,6 % et
72,5 %, le Royaume-Uni avec 70,1 % et la Finlande avec 69,4 %.
Comparé à ces pays vertueux, la faiblesse du taux d’emploi français s’explique par la faible
participation à l’emploi à la fois des jeunes (28,8 %) et des séniors (44,5 %), alors que dans les pays
précités ces mêmes taux varient entre 40 et 63 % pour les 15-24 ans et 43,1 % et 73,0 % pour les
55-64 ans (source Eurostat année 2012). Ces quelques chiffres suffisent à démontrer que le faible
taux d’emploi des séniors ne facilite pas l’emploi des jeunes contrairement aux idées reçues si
largement répandues en France depuis de nombreuses années.
Face à ce constat, au prolongement de l’espérance de vie et en conséquence à la difficulté
d’assurer des retraites décentes, les pays européens ont pour la plupart ajusté l’âge de la retraite
au contexte démographique : à titre d’exemple, l’Allemagne à 67 ans en 2027, le Royaume Uni à
66 ans en 2020, l’Espagne à 67 ans en 2027, d’autres entre 63 et 65 ans. Ces dispositions
impliquent de prolonger la période d’emploi des travailleurs. En 2012 l’indicateur de durée de vie
au travail exprimé en nombre d’années était de 34,6 pour la France contre 40,6 pour la Suède,
39,3 pour le Danemark, 38,1 pour le Royaume-Uni, 37,5 pour l’Allemagne (et hors Europe de 41,8
pour la Suisse) - source Eurostat.
L’étude de l’OCDE sur le taux d’emploi des 55-64 ans (évolution de 2005 à 2012) relève des
disparités importantes entre Etats de l’Union Européenne, de la Grèce à 36.4 % à la Suède
73.1 % en 2012 ou l’Allemagne à 61.5 %. La France avec un taux de 44.5 % doit améliorer sa
performance non seulement pour se rapprocher de l’objectif de la stratégie de Lisbonne
qu’elle a acceptée mais aussi pour préserver les revenus futurs de ceux qui ont à travailler
plus longtemps et acquérir le taux plein de leurs droits pour une suite de vie décente.
Les pays cités ci-dessus et notamment les pays d’Europe du nord tels la Finlande, le Danemark, la
Suède, affichent donc de meilleures performances dans l’ensemble. Les moyens mis en œuvre
présentent des caractéristiques communes :
• une politique globale mobilisant tous les acteurs économiques et politiques, y compris des
partenaires sociaux,
• une analyse des besoins des entreprises et leur évolution, des programmes de formation
et reconversion de qualifications,
• l’ajustement du droit du travail pour plus de flexibilité,
• la prise en compte globale du support au chômeur, y compris l’aide à la mobilité
géographique et à la création d’entreprise,
• une incitation forte au retour à l’emploi et ce quel que soit l’âge du salarié.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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L’anticipation, la mesure des enjeux, les dispositifs mis en place préparent ces pays aux évolutions
des modes travail, hommes et entreprises, à mieux faire face aux aléas de croissance. C’est donc
d’un solide plan de rattrapage dont a besoin la France pour améliorer la performance non
seulement d’emploi des travailleurs âgés mais de l’emploi durable pour tous.
1-4. De nombreuses tentatives pour encourager l’emploi des séniors mais un
bilan médiocre
La question de l’emploi des séniors est devenue au fil des décennies une « priorité nationale »,
avec des mesures s’articulant principalement autour de deux axes :
• favoriser la longévité de l’emploi des séniors, en s’efforçant de motiver ces derniers à
rester en activité ou à y revenir ;
• mettre une pression sur les entreprises, par certaines obligations plus ou moins
contraignantes, pour qu’elles augmentent le volume d’emplois des séniors.
Ces orientations sont présentes dans la loi Fillon de 2003 portant réforme des retraites, avec
notamment l’élargissement de la négociation triennale vers l’emploi et l’accès à la formation
professionnelle des salariés âgés, ainsi que la suppression progressive des préretraites et la
refonte des règles de cumul emploi-retraite5. Les accords interprofessionnels des 1er mars et 5
décembre 2003, notamment l’entretien individuel et l’accès à la formation tout au long de la vie
professionnelle, ainsi que l’accord interprofessionnel sur l’emploi des séniors du 13 octobre 2005
(entretien de seconde partie de carrière pour anticiper les conditions de maintien et d’évolution
des salariés de plus de 45 ans) complétèrent ce cadre légal et réglementaire.
Mais force est de constater que ces deux objectifs présentent, au final, un bilan relativement
mitigé, ce qui aboutit d’ailleurs pour les pouvoirs publics, face à la poursuite de la hausse du
chômage des séniors, à proposer de nouvelles réformes. Celles-ci, après tant de vaines tentatives,
suscitent chez les parties prenantes un certain doute quant à leur efficacité (à l’exception peutêtre du dispositif de cumul emploi retraite), pour ne pas dire, ce qui est bien plus grave, un
sentiment de fatalisme et de résignation chez les séniors. Les dispositions suivantes illustrent ces
tentatives.
Les mesures phares du passé
Les nombreuses tentatives de solution, menées au cours des dernières années, ont produit
quelques améliorations passagères du taux d’emploi des séniors, améliorations vite étouffées par
la crise ou par des mesures sociales ayant un impact négatif sur ce taux d’emploi.
5
Voir « La solution française à l’emploi des séniors » de Nathalie Dauxerre, Semaine Juridique N° 37 -10 septembre
2009.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Pour rappel, parmi les plus importantes, l’on peut citer :
• La contribution Delalande, qui renchérissait le licenciement des séniors mais qui, par
contrecoup, décourageait leur embauche voire encourageait des licenciements par
anticipation.
• Les contrats de travail séniors, d’une durée de 18 mois renouvelables une fois et dédiés
aux travailleurs de plus de 57 ans sous certaines conditions, contrats qui ont eu peu de
succès et se sont heurtés à l’opposition à la fois du patronat et des syndicats de salariés. Un
an après leur création en 2006, une vingtaine seulement de tels CDD avaient été recensés.
Il n’y a pas eu depuis de suivi statistique à notre connaissance.
Les accords emplois des séniors qui devaient être signés avant le 1er janvier 2010 pour une
période de 3 ans entre l’entreprise de plus de 50 salariés et les partenaires sociaux. A
défaut d’accord le chef d’entreprise devait présenter un plan d’action à l’administration.
Ces accords qui concernaient le maintien des séniors dans l’emploi et/ou le recrutement de
séniors, s’appuyaient sur une analyse de la situation dans l’entreprise et devaient proposer
des actions en fonction d’un guide de thèmes à sélectionner. La quasi-totalité des
entreprises6 ont respecté cette injonction, après un travail plus ou moins approfondi
certes, mais les enquêtes réalisées ont fait ressortir une prise de conscience des enjeux.
Aucun bilan exhaustif des effets n’a pu être réalisé au bout des 3 ans, le changement de
majorité et de gouvernement ayant entraîné un abandon de cette démarche au profit du
« contrat de génération ».
• L’avancement et le report de l’âge de la retraite. Au fil des gouvernements, l’âge de
départ à la retraite a été avancé à 60 ans sous certaines conditions puis reculé avec un
report progressif en fonction de la date de naissance et du nombre de trimestres de
cotisations. Actuellement le recul est maintenu mais certains travailleurs bénéficient
toujours ou à nouveau de possibilités de départ anticipé.
Les départs à la retraite dans le régime général peuvent donc se faire à partir de 60 ans ou
quelques années plus tard selon les critères concernés. Par contre l’âge de mise obligatoire
à la retraite a été repoussé à 70 ans et n’a pas été modifié depuis. Par ailleurs la
multiplication des régimes spéciaux de retraites contribue à complexifier la situation et à
accroître les déficits à résorber.
6
Selon les services du Ministère du Travail, 32.300 textes ont été signés, dont 1/3 concernent des accords de branche.
Mais dans les faits, ces plans n’ont guère entraîné d’effets positifs et probants sur l’emploi des séniors. Une étude de
la Dares en février 2011 montre que sur les 116 plans passés au crible, seuls 13 affichent un objectif chiffré de
recrutement des séniors, les autres se contentant de tabler sur un maintien des emplois.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Les projets et les orientations en cours en faveur du travail des séniors.
Un certain nombre d’orientations et d’engagements ont été pris par l’actuel gouvernement pour
créer directement ou indirectement de l’emploi, mais sans grand impact pour les séniors :
• les emplois d’avenir, qui n’auront pas d’effet d’entraînement sur l’emploi en général et de
celui des séniors en particulier, compte-tenu de leurs destinations essentiellement en
faveur de jeunes peu qualifiés et, en outre, réservés essentiellement au secteur non
marchand.
• le CICE et le Pacte de responsabilité et de solidarité dont les contours ne sont pas encore
complètement définis, l’objectif premier étant de réduire les charges qui pèsent sur les
entreprises avec, comme effet potentiel ultérieur, un impact positif sur l’emploi. Le
patronat ayant du mal à prendre des engagements dans un contexte non encore stabilisé,
on voit mal comment ces éventuelles réductions de charges entraîneront une reprise de
l’emploi des séniors à court terme. D’ailleurs, le rapport publié le 2 octobre 2014 par le
Comité de suivi du CICE indique qu’« au total, près des deux tiers des entreprises prévoient
d'utiliser le CICE pour augmenter l’emploi et l’investissement. » Mais nous sommes ici dans
du déclaratif7 ! En réalité, le bilan pour la seconde année du CICE reste très décevant au
niveau de l’emploi et plus globalement dans son utilisation. Seul point positif : les
entreprises de moins de 50 salariés, celles qui constituent donc le vrai gisement de
l’emploi, ont recueilli 39 % du total déclaré pour 2013. Mais portant 55 % de l’emploi dans
notre pays, cette part aurait dû logiquement être beaucoup plus importante. En d’autres
termes, l’efficacité du dispositif risque d’être limitée au sein des PME, du fait de sa trop
grande complexité.
Malgré ce bilan décevant pour les emplois d’avenir et le CICE, trois mesures cependant peuvent
constituer un atout, mais un atout modeste, pour les séniors :
• Le contrat de génération, toujours en vigueur, qui a pour objet de répondre au double
enjeu de relever le taux d’emploi des séniors et celui des juniors par le lien à créer entre le
maintien dans l’emploi ou le recrutement d’un sénior concomitamment au recrutement
d’un junior, avec l’objectif d’assurer la transmission des savoir-faire. Au vu du faible
recours à cette mesure par les entreprises, le processus a été aménagé mais sans que des
résultats probants ne soient acquis à ce jour.
7
Sans parler du début de polémique lancée par le Ministre de l’Economie Macron concernant la préférence des
entreprises pour la hausse des salaires ou le versement de dividendes, au détriment de l’emploi et de l’investissement
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
20
• L’accord sur la formation signé le 14 décembre 2013 et la loi de sécurisation de l’emploi8
du 14 juin 2013, laquelle prévoit la création d’un compte personnel de formation pour tous
les salariés (à compter du 1er janvier 2015), ce droit pouvant donc s’exercer tout au long de
leur vie professionnelle, quel que soit leur parcours. Ce droit est complété par l’obligation
pour l’entreprise de prévoir un entretien professionnel distinct de l’entretien d‘évaluation
tous les 2 ans et, au terme de 6 ans, par un état des lieux récapitulatif du parcours
professionnel du salarié dans l’entreprise donnant lieu à une formalisation écrite. Si cet
accord est respecté et si les salariés s’impliquent dans ces entretiens et dans les formations
qui leur seront proposées ou qu’ils pourront solliciter, cette mesure devrait être une
réponse efficace pour éviter que tant de salariés ne bénéficient plus de formation lorsqu’ils
arrivent à la moitié de leur vie professionnelle. Il reste cependant beaucoup à faire pour
passer du concept à la pratique.
• Le contrat d’apprentissage sénior, annoncé par le gouvernement le 23 juin 2014, qui
s’assimile au contrat de professionnalisation lancé en 2004 pour les jeunes. Il permet de
proposer à un demandeur d’emploi senior un contrat de travail associant activité
productive, formation pratique et théorique, les actions de formation étant suivies
pendant le temps de travail. Des exonérations de cotisation seraient accordées à
l’employeur pendant la durée du CDD ou pendant la période de formation s’il s’agit d’un
CDI.
En fait, cette nouvelle mesure permet de s’interroger, d’une part sur les moyens mis en
œuvre pour atteindre de tels objectifs (le budget consacré en 2015 à la "mission emploi"
stagne à 11 milliards d'euros et devrait même baisser sur les trois prochaines années9) et,
d’autre part, sur la complexité de ces dispositifs. Le renforcement également annoncé du
suivi personnalisé pour 80.000 chômeurs supplémentaires de longue durée (qui sont à 30 %
des plus de 50 ans), par rapport au million de seniors au chômage, suscite un peu de
perplexité auprès de ceux qui connaissent ce dispositif.
Rappelons qu’en 2014, 250.000 personnes profitent de ce meilleur suivi. C’est donc
environ 30 % de plus de personnes suivies que vise le Ministère du Travail, en particulier
ceux qui sont en chômage de longue durée, donc les cas les plus difficiles. Or, ce
renforcement se ferait à budget constant. Mais, plus grave, il faut voir la réalité du suivi.
Actuellement, un conseiller à Pôle Emploi, dans une agence cadres, doit suivre 400
demandeurs inscrits, à raison d’un rendez-vous tous les quatre mois, soit trois réunions de
suivi par an et par personne. Pour une disponibilité annuelle de 220 jours ouvrés, cela
conduit le conseiller à traiter au mieux 6 personnes par jour, sur la base d’un entretien
8
En juin 2013, la loi de sécurisation de l’emploi a inséré le principe du compte personnel de formation dans le code du
travail (art. L.6111-1, modifié par la loi 2013-504 du 14 juin 2013, art.5). L’accord interprofessionnel sur la formation
professionnelle du 14 décembre 2013 précise le cadre juridique.
9
er
La Tribune du 1 octobre 2014 : « Budget 2015, les dépenses consacrées à l’emploi n’augmentent pas ».
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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d’une heure, ce qui est le minimum pour remobiliser un chômeur de longue durée et
trouver des solutions adaptées !
Mais l’on se doute que les procédures et diverses réunions de service réduisent
sensiblement cette disponibilité horaire. On le voit, à défaut de renforcer les moyens de
Pôle Emploi, l’augmentation du suivi risque d’entraîner quelques déceptions.
Sous l’angle des procédures administratives, les vrais pourvoyeurs d’emplois que sont les
PME reculent devant la complexité des procédures à suivre et les risques de requalification
encourus par la suite.
En résumé, des politiques nationales mises en œuvre sans grand succès et sans grand espoir
d’une efficacité à la hauteur des problèmes, malgré les projets récemment évoqués
d’aménagement de ces mesures.
1-5. La responsabilité sociale des entreprises et l’emploi des séniors : double
langage ?
La plupart des groupes et des entreprises d’une certaine taille revendiquent dans leur
communication un comportement de Responsabilité Sociale d’Entreprise (R.S.E.)10, souvent à
grand renfort de campagne de communication.
Or, la responsabilité sociale des entreprises devrait inclure entre autres éléments l’emploi des
séniors au titre de la diversité. Cela serait d’ailleurs logique, une grande majorité d’investisseurs
étant des groupes de protection sociale et des mutuelles qui revendiquent une politique
d’investissement socialement responsable. Manifestement, le lien n’est pas établi… ni d’ailleurs au
niveau de la notation extra-financière.
Les meilleures entreprises, ou du moins celles qui se réclament d’une vraie responsabilité sociale
(RSE), en particulier les grandes entreprises, privilégient majoritairement les dispositifs de
maintien dans l’emploi : c’est déjà un point positif. Parfois, comme nous l’avons observé, ce
maintien est largement mis en avant dans la communication institutionnelle, mais après avoir
réduit les effectifs des séniors les années précédentes. En d’autres termes, le « mal est fait » et
l’on gère les emplois des séniors « à la marge ».
Dans le prolongement de ce qui précède, l’étude de la Dares11 d’août 2014, relève que « les préretraites perdurent, malgré leur coût accru pour l’employeur. »
10
C’est la traduction du concept de « corporate social responsibility » formulée dès les années 1950 aux USA par
divers courants de pensée, soit contestant la mondialisation, soit mettant en avant des considérations éthiques et
religieuses dans les comportements des entreprises.
11 Dares Analyes N° 64 août 2014
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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La Dares ajoute d’ailleurs : « bien que les préretraites d’entreprise soient en contradiction avec
l’objectif de politique publique de maintien en emploi des seniors, les entreprises ont le sentiment
d’être «vertueuses » en optant pour une solution qui évite de reporter sur les régimes de protection
sociale le financement des revenus des séniors. »
Autre constat : la diversité est plutôt comprise comme l’égalité femmes-hommes, l’emploi des
jeunes issus des quartiers dits « sensibles », des jeunes issus de l’immigration, des jeunes sans
qualification, la lutte contre la discrimination liée à l’orientation sexuelle. Mais le critère âge n’est
pas vraiment pris en compte. Ceci s’explique par la culture qui a prévalu pendant des années,
selon laquelle les séniors pouvaient constituer une variable d’ajustement pour les entreprises :
• en faisant se succéder indemnités de chômage puis retraites, les séniors pouvaient sortir
de l’entreprise sans difficultés financières insurmontables, et donc sans créer de
sentiment de mauvaise conscience (bien qu’aux frais de la collectivité) ;
• les séniors, encore en bonne santé pour la plupart et riches de compétences pouvaient
s’adonner à d’autres occupations, garder leurs petits-enfants, prendre des responsabilités
électives et/ou associatives, voyager, stimulés pour ce faire par les médias et la promotion
d’agences de tourisme dédiées aux séniors ;
• le gouvernement pouvait alléger les chiffres du chômage, les départs anticipés en retraite
ou les dispenses de recherche d’un emploi à partir d’un certain âge permettant de sortir un
certain nombre de séniors des statistiques officielles ;
• les syndicats soutenaient cette politique qui permettait aux séniors de partir relativement
tôt et dans de bonnes conditions pour profiter d’une retraite prolongée en bonne santé.
Pour toutes ces raisons, cet état de fait qui dure depuis trois décennies, était satisfaisant pour les
parties prenantes, à deux détails majeurs près : son coût pour la collectivité et la mise en danger
des organismes de retraite.
Ce handicap culturel est renforcé par une perception erronée, mais qui perdure, de l’inadaptabilité
des séniors à l’entreprise et au monde du travail d’aujourd’hui.
1-6. Les séniors dans l’entreprise : « boulets » ou valeur ajoutée ?
De façon générale, les propos ambiants sur les séniors sont souvent chargés de connotations
négatives, et les non-dits sur cette catégorie de notre population participent d’un même
réquisitoire. En voici le déroulement.
« Les séniors sont un boulet pour les entreprises et pour les managers c’est bien connu et on n’y
peut rien » :
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
23
• Ils coûtent cher, leurs salaires sont trop élevés par rapport à un seuil de productivité peu
défini par ailleurs ; les former après 45-50 ans ne procure aucun retour sur investissement
ou peu ; les indemnités de licenciement sont élevées s’ils sont restés longtemps dans
l’entreprise.
• Ils sont difficiles à gérer, ils n’apprennent pas facilement, ils ne supportent pas les
changements fréquents d’organisation, s’accrochant à leur routine, ils sont moins souples,
moins adaptables et moins dociles, plus contestataires, ils surévaluent leurs compétences,
ils ne maîtrisent pas les nouvelles technologies, leur taux d’absentéisme est plus élevé, les
jeunes sont réticents à travailler avec des séniors, surtout si ces derniers n’ont pas travaillé
depuis longtemps ; les mentalités des séniors sont inadéquates avec celles des générations
Y et Z
• Ils donnent une image peu dynamique de l’entreprise.
De surcroît, les dirigeants préfèrent embaucher des jeunes récemment diplômés, qu’ils peuvent
former à la culture et aux méthodes de l’entreprise. Ayant parfois du mal à gérer les séniors déjà
présents dans l’entreprise, ils ne souhaitent pas en embaucher de nouveaux.
A l’appui des entretiens réalisés pour ce Livre Blanc, y compris au sein de la communauté des DRH,
le sentiment prévaut que les séniors sont davantage considérés aujourd’hui comme un poids pour
l’entreprise que comme une chance.
Ce qui est d’ailleurs choquant, c’est la forme assez brutale avec laquelle cette opinion est formulée
au sein des entreprises, en contradiction avec l’environnement extérieur. Les « jeunes retraités »,
en effet, animent souvent avec professionnalisme et motivation nombre d’associations ou
participent efficacement en tant qu’élus à la vie locale. Mais comme dit l’adage, « qui veut noyer
son chien l’accuse de la rage ». Ce comportement illustre avant tout une très forte contrainte
culturelle qu’il est bien difficile de réduire, car elle est très ancrée et ce depuis très longtemps
(197412), dans les esprits des dirigeants et des partenaires sociaux. Il feint d’ignorer deux faits
patents.
Tout d’abord, les dirigeants ont largement exploité l’engagement des séniors dans les
transformations organisationnelles permanentes, lesquelles ont souvent été plus dictées par des
modes managériales que par des impératifs d’adaptation au changement de l’environnement
concurrentiel et à l’évolution des technologies. Le baromètre Bain&Company page suivante donne
un suivi particulièrement intéressant de la multiplication incessante depuis 1993 des outils de
management.
12 Cf. l’article 12 de l’avenant de 1974 à l’accord national interprofessionnel (ANI) de 1969, qui définit le plan social
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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En second lieu, la GPEC, (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) n’a pas
réellement servi la planification de l’employabilité des séniors. Alors que la loi de cohésion
sociale du 18 janvier 2005 porte clairement le modèle de l’hybridation entre logique de
compétitivité économique et logique de sécurisation de l’emploi, plusieurs rapports, dont
notamment celui du Gregor d’octobre 2012, relève, quelques exemples que nous trouvons
instructifs
• « De manière évidemment nuancée selon les cas étudiés, la GPEC sert peu à «prévoir»
dans un objectif d’optimiser des moyens d’adaptation de la main d’œuvre (ou de
réduction des écarts).
• Malgré les intentions et les textes des accords, La GPEC n’est que très peu articulée aux
leviers de la Gestion des Ressources Humaines (GRH) que sont la formation, le
recrutement, la mobilité, et plus encore, l’organisation du travail.
• La GPEC ne prend pas en compte l’ensemble des situations professionnelles réellement
induites par l’activité, mais seulement les emplois en CDI relevant du périmètre
«employeur».
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
25
La perte de compétitivité, la financiarisation « court-termiste » avec ses résultats trimestriels pour
les sociétés cotées, le manque de visibilité sur le marché, ainsi que la recherche d’une plus grande
flexibilité et d’économies à court terme accentuent cette attitude.
« En outre, la gestion de la performance est devenue la priorité numéro 1 des DRH, bien avant le
traitement de la pénurie de « talents » qui commence à se faire sentir et qui annoncera peutêtre, dans un futur proche, une plus forte sélection. »
Pourtant, si l’on en croit des études et témoignages d’entreprises qui ont un regard positif et
optimiste sur les séniors, qui les écoutent et leur font confiance, sans pour autant tomber dans
l’angélisme, ces derniers seraient au contraire un « plus » pour l’entreprise.
• Le coût est un faux problème, car le salaire et la carrière ne sont plus la priorité pour
beaucoup de séniors. Aussi sont-ils prêts à accepter un salaire adapté à un poste allégé,
correspondant à leurs motivations à cette période de leur vie, mais dans lequel ils
pourraient cependant apporter leur expérience et leur savoir-faire. Un salarié âgé va rester
dans l’entreprise ; donc sa formation apportera un retour sur investissement qui sera
supérieur à celui d’un jeune qui partira au bout de quelques années vers de nouveaux
horizons. Les séniors sont capables d’apprendre, même les NTIC ; ils le prouvent dans leurs
engagements associatifs, mais à condition que la pédagogie leur soit adaptée.
• Ils contribuent au bon climat et à la productivité de l’entreprise. En effet, de par leur
éducation au « vivre en société », leur savoir-faire professionnel, de par leur expérience de
la vie, par le fait qu’ils n’ont plus les mêmes ambitions de carrière, les séniors sont souvent
des « facilitateurs » dans l’entreprise. Ils jouissent souvent d’une autorité naturelle et sont
des éléments de pondération ; ce sont des éléments stables et loyaux qui privilégient
l’intérêt de l’entreprise. Ils ont une plus grande capacité à mettre les évènements et
projets en perspective, à évaluer les situations, à trouver des solutions efficientes à court
et moyen termes. Ils n’hésitent pas à s’investir dans leur travail, avec conscience
professionnelle et souci de la qualité et du client. Ils contribuent à l’efficience du travail en
équipe, les équipes pluri-générationnelles étant reconnues comme plus productives que
des équipes ne comportant que des jeunes.
• Ils contribuent positivement à l’image de l’entreprise. En effet qui mieux qu’un sénior
saura comprendre les contraintes et les attentes d’un client sénior ? Le salarié sénior est la
voix du client sénior dans l’entreprise et, à ce titre, peut être source d’innovation pour la
création ou l’adaptation de nouveaux produits et services. Ce devrait être un critère
marketing que les entreprises qui s’orientent vers la Silver Economie devraient intégrer.
Mais le font-elles ? Très rarement.
• Ils peuvent être de bons conseils pour le manager, si celui-ci accepte de les écouter, de
prendre en compte leurs suggestions ou réactions sans se sentir menacé dans son rôle de
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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« chef » ou de dirigeant, s’il voit dans la présence du sénior dans son entreprise le reflet de
la segmentation de son marché et de son environnement.
Rien de révolutionnaire, ni d’utopique dans ce constat ; juste un changement de regard, un
changement de paradigme. Mais pour que ce changement se produise, il faut que tous les acteurs
cités préalablement jouent leur rôle. De nombreuses tentatives ont été faites, certaines initiatives
ponctuelles et locales sont un succès. Les leçons à en tirer seront reprises dans nos
recommandations.
1-7 L’Etat et l’Administration créent des contraintes au retour à l’emploi
La prolifération des règles administratives dans notre pays, parfois rigidifiées par la loi ou le
décret, peut constituer un frein sérieux au retour à l’emploi, même partiel des séniors. Nous
illustrons ici ce constat par un exemple. Mais cela mériterait un examen approfondi afin de
recenser l’ensemble des contraintes administratives qui forment ainsi obstacle au travail.
En matière de formation professionnelle dans le cadre universitaire, le décret n° 87-889 du 29 oct.
1987 stipule que les chargés d’enseignement vacataires qui perdent leur activité professionnelle
principale ne peuvent continuer leurs fonctions d’enseignement que pour une durée maximale
d’un an. En d’autres termes, une femme ou un homme d’expériences, parce qu’il ou elle est
privé(e) d’emploi depuis plus d’un an, n’est plus considéré(e) par l’Administration comme apte à
transmettre des connaissances techniques et des savoirs ! Cette mesure est non seulement
pénalisante pour les séniors, mais également vexatoire.
De même, à partir de 65 ans, il n’est plus possible d’enseigner, alors que les salariés du privé ont la
capacité de travailler jusqu’à 70 ans et que l’allongement de la vie peut inciter certaines personnes
à poursuivre un minimum d’activités, ne serait-ce que pour compenser l’absence de cotisations
retraite lorsque ces chômeurs arrivent en fin de droits avant l’âge légal, sans avoir le nombre de
trimestres requis.
Enfin, il n’est pas possible de dispenser plus de 144 heures de cours sur une année, alors que les
besoins en formateurs ne sont pas toujours couverts au sein des universités ; lesquelles ont un
réel besoin de renforcer leur enseignement sous un angle professionnel, c’est-à-dire avec des
praticiens d’entreprise ou d’organisation qui vont délivrer un enseignement pragmatique en
complément des connaissances théoriques.
Cette situation est connue de l’administration depuis longtemps. Mais aucun gouvernement n’a
souhaité revoir les attendus du décret pour les adapter aux contingences de la situation actuelle
de l’emploi. Notre pays et son Administration restent dans une position figée, malgré le drame du
chômage des séniors.
Or, pour les chômeurs qui le souhaitent, les mérites de participer à des actions de formation dans
l’enseignement supérieur sont nombreux.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
27
• En premier lieu, le sénior sans emploi peut retrouver une certaine fierté de soi et reprendre
confiance, en renouant un lien social qui lui donne une possibilité de se revaloriser au sein
de la société et en étant utile pour les jeunes générations en recherche de qualification.
• Ensuite, même si c’est une activité partielle peu rémunérée (en moyenne 60 euros bruts de
l’heure pour un nombre d’heures limité), elle permet de soulager financièrement le
dispositif de l’ARE (Allocation de retour à l’emploi). De plus, elle est contributive en droits à
la retraite.
• En troisième point, le sénior en recherche d’emploi va y trouver l’opportunité d’actualiser
ses connaissances, voire de faire de la veille opérationnelle pour délivrer un enseignement
à jour et comportant des évolutions prospectives sur les métiers et les pratiques. Cela peut
lui donner l’occasion également d’écrire des articles, voire des ouvrages. C’est donc un
facteur de motivation dans une perspective de retour à l’emploi.
• Enfin, dans certaines universités, il est difficile de trouver des professionnels
aujourd’hui pour les diplômes relevant de la formation professionnelle : d’une part, les
entreprises encouragent de moins en moins leurs collaborateurs à donner des cours sur
leur temps de travail, pour des raisons évidentes de productivité et rentabilité ; d’autre
part, il faut être motivé pour aller dans des universités localisées dans des zones parfois
difficiles, alors que c’est là où les besoins de formation professionnelle sont les plus
importants. Certains séniors ayant perdu leur emploi depuis plus d’un an, notamment
entre 50 et 65 ans, seraient probablement disponibles pour aller dans ces zones
défavorisées. Au contact d’autres professionnels de la formation, ils pourraient y trouver
aussi des opportunités d’un retour à l’emploi, même partiel. C’est également une
excellente voie vers le tutorat qu’il faut développer.
Il y a donc, pour les séniors au chômage de longue durée une possibilité, un début de réinsertion
par la formation professionnelle dans l’enseignement supérieur, à la condition d’adapter les textes
réglementaires. Cette modification peut-être rapide, car elle entre dans le cadre d’un décret, ce
qui relève de la seule décision du gouvernement. Saisis de cette question, les pouvoirs publics
(Ministère du Travail et Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche) restent
silencieux… Nous l’avons vérifié.
Pour être efficace, cette mesure d’adaptation de la réglementation devrait faire l’objet d’un statut
particulier dans le cadre de Pôle Emploi qui gère très mal la situation des vacataires, alors que
l’objectif de cet organisme devrait être de favoriser le retour à l’emploi, même partiel.
Pour être plus précis, un vacataire dans l’enseignement supérieur n’est pas rémunéré tous les
mois, mais une à deux fois par an, à la fin de la formation qu’il dispense. Or, Pôle Emploi dans son
processus d’actualisation mensuelle réclame un bulletin de salaire. La complexité de la situation
au plan administratif et les retards de versement de l’ARE qui en découlent dissuadent les séniors
de poursuivre cette démarche de vacation : travailler quelques heures devient pénalisant !
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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En créant un statut de « vacataire en retour d’emploi », les procédures administratives de Pôle
Emploi pourraient motiver les candidats à prendre des postes de vacataire, au lieu, aujourd’hui, de
les en dissuader. Cette contrainte rejaillit d’ailleurs sur les services administratifs et comptables
des universités qui, du coup, ne sont pas favorables au recours aux chômeurs comme vacataires
pendant la période où cela reste possible.
Voici donc un exemple très concret qui montre que l’Etat et son administration pourraient se
mettre en cohérence avec le discours du combat contre le chômage. Nous sommes persuadés qu’il
y a bien d’autres domaines où ces blocages existent.
1-8 Une bombe à retardement : la baisse inéluctable du niveau de vie des retraités
Le chômage est un drame et a un coût important pour la société. Il l’est plus encore pour celui des
séniors. Mais les conséquences à terme de cette situation vont être encore plus pénalisantes si
l’on cumule les effets de séniors au chômage et qui ne peuvent bénéficier de droits à la retraite au
même niveau que lorsqu’ils étaient en emploi.
Beaucoup de Français vivent encore aujourd’hui sur une idée reçue : le niveau de vie des retraités,
et en particulier ceux qui partent actuellement à la retraite, serait très proche de celui des actifs et
devrait le rester dans les années à venir pour la génération des baby-boomers (nés entre 1945 et
1965).
Cette situation, qui s’applique globalement aux salariés ayant eu une carrière complète et ayant
bénéficié des années fastes de carrière durant les « Trente Glorieuses », se vérifie de moins en
moins pour les personnes qui partent actuellement à la retraite et ne sera plus du tout la norme
pour les premières générations touchées par la réforme des retraites de 2013.
Pauvreté et endettement : rappelons qu’en 2012, selon une enquête de la CFDT sur un
échantillon de 1.505 retraités, 48 % vivent sous le seuil de pauvreté, soit sur 14,5 millions de
retraités, presque 7 millions13 sont considérés comme pauvres, vivant, se logeant et se
nourrissant avec moins d'un Smic ! Par ailleurs, les dernières enquêtes montrent que, dans
23,6 % des cas, les surendettés sont âgés de 55 ans et plus. Voilà qui fixe un peu les idées et
qui devrait nourrir également les réflexions sur la Silver Economie.
13
Les chiffres sur la pauvreté des retraités restent imprécis selon les critères retenus. Néanmoins, les plus fortes
contributions à la hausse de la pauvreté en France sont bien celles des inactifs dont les retraités qui représentent 11 %
de l’accroissement du nombre de personnes pauvres. Certaines catégories, comme les retraités agricoles sont déjà
sous le seuil de pauvreté (soi 1,9 millions). Dans certaines régions, d’ici 2030, le nombre de retraités pauvres
pourraient augmenter d’un tiers.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Le taux de remplacement traduit la dégradation continue de la baisse des pensions
Comment en est-on arrivé là ? En réalité, le niveau de vie des retraités qui correspond à une
moyenne calculée sur l’ensemble des retraités, cache une très grande diversité de situations selon
les catégories sociales et socio professionnelles.
La variable clé est en effet le taux de remplacement qui est égal au rapport entre le montant de la
retraite, au moment du départ à la retraite, et le revenu d’activité de fin de carrière. Ce que l’on
sait c’est que le taux de remplacement net (après déduction des prélèvements fiscaux et sociaux)
avoisinerait 72 % et se situerait dans la moyenne des pays de l’OCDE14.
Mais ce taux moyen de remplacement diffère profondément selon les catégories de personnes : il
est d’autant plus bas que la position professionnelle est haute (graphique COR ci-dessous). C’est
ainsi que le COR a calculé que les cadres du secteur privé comme les fonctionnaires de catégorie A
ont un taux de remplacement voisin de 55 %, ce qui entraine une forte baisse des revenus pour
ces populations au moment de leur départ en retraite (et très peu compensée par les dispositifs
d’épargne retraite type PERCO ou article 83 dont les encours nets sont très faibles, voire
stagnants).
Taux de remplacement net à l’âge d’ouverture des droits pour huit carrières types
90%
90%
85%
Cadre du privé à carrière continue
83%
Taux de remplacement
80%
76%
75%
70%
70%
69%
68%
60%
50%
74%
75%
65%
55%
82%
77%
68%
69%
77%
70%
69%
57%
56%
54%
55%
54%
Non-cadre à carrière interrompue par du chômage
Cadre (catégorie A+ à taux de prime élevé)
Enseignant (catégorie A à faible taux de prime)
54%
53%
51%
45%
Cohorte 1950 - Cohorte 1960 - Cohorte 1970 - Cohorte 1980 - Cohorte 1990 ouverture des droits en 2022 droits en 2032 droits 2042
droits 2052
droits en 2010
14
Non-cadre à carrière continue ou femme avec
interruption de carrière pour enfant
Agent de catégorie B
Agent de police (départ possible à 50 ou 52 ans)
Source OCDE : panorama des retraites 2013
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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En prévision et compte tenu de la réforme des retraites de 2013 (âge légal reporté à 62 ans et à 67
ans pour le taux plein), la baisse du niveau des pensions de ceux qui vont partir à la retraite d’ici
2020, et plus particulièrement de ceux nés après 1965 (ouverture des droits vers 2030), est une
certitude. D’autant plus que deux phénomènes vont peser à la baisse sur le niveau des pensions :
d’une part le caractère discontinu d’un nombre croissant de parcours professionnels, d’autre part
l’indexation des retraites sur l’inflation et non plus sur l’évolution des salaires.
S’agissant du premier phénomène, la situation des personnes prenant leur retraite ne cesse de se
dégrader : les enquêtes montrent en effet qu’un tiers des parcours de fin de carrière sont marqués
par le chômage ou par une situation de non emploi au moment de la liquidation de la retraite. Non
seulement les carrières sont de moins en moins continues, mais une proportion croissante de
salariés est au chômage au moment du départ à la retraite. C’est une situation qui frappe
essentiellement les salariés du secteur privé puisque les fonctionnaires et les personnels à statut
public peuvent choisir librement la date de départ à la retraite.
Il est possible de considérer que près d’un employé sur deux du secteur privé n’est pas en
activité au moment où il liquide ses droits à pension ! L’APEC chiffre cette proportion à 1 sur 2
pour les cadres !
S’agissant du deuxième phénomène, la baisse de la revalorisation des retraites par rapport aux
salaires des actifs sera d’autant plus grande que ces salaires progresseront en fonction des gains
de productivité qui, on l’espère, retrouveront un niveau élevé avec la reprise économique.
Le décrochage du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs est donc inscrit dans les
termes mêmes de la réforme des retraites : on en a d’ailleurs l’illustration dans la proposition du
gouvernement de maintenir les retraites 2013 à leur niveau jusqu’à octobre 2015.
Il est regrettable que l’impact de ces deux phénomènes soit très peu analysé actuellement (le COR
pourrait investiguer ces situations par des études de cohorte). La baisse prévisible du niveau de vie
des retraités n’a pas encore été vraiment prise en compte par les séniors et par leurs décisions de
fin de carrière : beaucoup de ruptures conventionnelles auraient-elles été prises si tous ces
éléments d’information avaient été en possession des séniors concernés ?
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Le péché originel : une vision dangereusement court-termiste du système de retraite
Le système de retraite par répartition appartient en fait à l’histoire nationale. N’est-il pas issu des
réflexions du Conseil National de la Résistance et ne repose-t-il pas sur les ordonnances de
sécurité sociale de 1945 ? N’est-il pas enfin un des piliers de notre modèle social, aujourd’hui
gravement remis en question ? Ses fondations sont d’inspiration bismarckienne : les prestations
de retraite sont liées à la rémunération et au travail, l’ouverture des droits étant subordonnée au
versement de cotisations avec un financement assuré par les cotisations versées par les
employeurs et les salariés. En outre, sa gouvernance fait très largement appel à l’implication des
partenaires sociaux.
Avant même de regarder comment il a évolué, il est intéressant de rappeler le contexte dans
lequel notre régime de retraite a pris naissance. Au sortir de la guerre, au moment où le système a
été mis au point, le salarié moyen pouvait espérer travailler pendant 45 ans voire plus, en règle
générale sans interruption de carrière, suivis de cinq à dix ans de retraite environ. Le financement
des retraites était donc à l’époque structurellement excédentaire et, dans l’esprit de beaucoup,
pour très longtemps. C’est sans doute cette situation qui explique au départ la générosité des
systèmes mis en place, et ensuite le refus des décideurs et des gestionnaires d’anticiper
l’évolution à moyen et long terme du risque vieillesse. Pourquoi réformer ce qui est pour
longtemps structurellement excédentaire ?
Pourtant, dès les années 60, il apparaissait que le ratio de dépendance qui est le rapport du
nombre de cotisants à celui de retraités, se dégraderait à long terme : il était de quinze retraités
pour un cotisant en 1945 et déjà de quatre cotisants pour un retraité dans les années 80.
La non prise en compte de ce constat a conduit les gestionnaires des régimes de retraite (de base
et complémentaires) à prendre des mesures allant à contre-courant des réformes souhaitables.
Le système est même devenu paradoxalement plus généreux dans un contexte marqué par trois
grandes évolutions structurelles : l’allongement de la vie (l’espérance de vie augmentant de plus
de 10 ans depuis les années 50), l’apparition d’un chômage de masse et de longue durée aux deux
extrémités des carrières (entrée dans la vie active – sortie de l’activité des séniors), la modération
salariale dans les pays développés (désindexation salariale du fait de la mondialisation).
A titre illustratif, deux mesures ont particulièrement déséquilibré les comptes des régimes de
retraite :
• les différents dispositifs de pré-retraite conduisant à une sortie anticipée de l’activité avant
l’âge légal de la retraite,
• l’abaissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans (ordonnance du 26 mars 1982) pour tous
quelles que soient la durée et la pénibilité du travail durant la vie professionnelle ( sous
réserve d’avoir atteint le nombre requis de 160 trimestres de cotisation).
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Ceci explique que, face aux déséquilibres croissants, les réformes qui ont été conduites à partir de
1993 ont joué sur l’ensemble des paramètres permettant de limiter les déficits. A savoir, l’âge
légal de départ à la retraite (désormais 62 ans pour les générations nées après 1954), la durée des
cotisations (portée à 43 ans en 2035 pour les assurés nés en 1973), le montant des prestations
(notamment indexation sur l’inflation au lieu des salaires), l’augmentation des cotisations
employeurs et salariés.
Il n’y a pas d’autre alternative dans un régime de retraite par répartition où le système n’est à
l’équilibre que lorsque la masse des cotisations collectées est égale à la masse des pensions
versées. En faisant évoluer les paramètres, les gestionnaires ne font que revenir sur des droits
accordés antérieurement à contre-courant et sans en mesurer tout l’impact sur l’équilibre
financier des régimes de retraite.
Globalement, le régime des retraites en France se différencie très nettement de celui de ses
partenaires européens. Ces derniers ont engagé des réformes bien avant et dans un contexte
moins marqué par la crise économique (cas de la Suède dans les années 90).
La réforme se fait donc en France dans la douleur et pénalise particulièrement les deux catégories
de personnes les plus fragilisées : les jeunes dont l’entrée dans la vie active est plus tardive et les
séniors, notamment les salariés du privé qui sont fréquemment chômeurs de longue durée au
moment où ils liquident leur retraite.
Source BIPE
Ce défaut de vision à long terme apparait clairement dans le graphique ci-dessus retraçant
l’évolution de la durée des carrières de différentes générations : la durée des carrières a
longtemps diminué tandis que les années de retraite augmentaient !
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Il y a donc obligation d’inverser cette logique. Mais, au final, les réformes qui sont conduites
depuis deux décennies ne font que corriger les erreurs du passé et le défaut inexcusable
d’anticipation des gestionnaires des régimes de retraite (de base et complémentaires).
1-9 L’inégalité devant l’accès aux soins de santé : le « mur des dépenses de fin de
vie »
Dans le prolongement de l’analyse précédente, il faut mentionner une autre considération que
l’on peut qualifier de « situation d’inégalité et de grande précarité des retraités devant l’accès aux
soins de santé ».
Toutes les études internationales le montrent : les dépenses des retraités (ou du moins les
besoins) augmentent à la fin de leur vie. Il ne s'agit pas que des frais et prestations liés à une
éventuelle perte d’autonomie, mais de dépenses qui concernent tous les retraités. En effet, audelà d'un certain âge, souvent 75 ans ou plus, les frais de santé, les aménagements pour pouvoir
rester chez soi, les services pour pouvoir vivre à domicile, augmentent par rapport à la tranche
d'âge inférieure (60-75 ans).
Comme le montrent les études effectuées au Japon, les frais de santé augmentent essentiellement
à cause de l'âge (90 % sont le fait des ALD, les « affections de longue durée » qui frappent les
personnes âgées principalement). Or, la prise en charge des frais de santé sera de moins en moins
assumée par le régime obligatoire d’assurance maladie de la Sécurité sociale (augmentation du
reste à charge des assurés sociaux), au moins pour les frais hors ALD.
Cette augmentation des frais de santé n'est pas seulement liée à la détérioration de la santé liée à
l'âge, qui peut être bien meilleure à âge égal dans les années à venir mais, en réalité, au coût
croissant des dispositifs médicaux, à l'exigence plus importante de la qualité de vie, à l'état de
santé, à l'amélioration des techniques médicales.
Les retraités âgés seront les principaux consommateurs potentiels de services pour rester à
domicile. C’est ce qu’ils souhaitent et c’est aussi l’objectif des pouvoirs politiques pour contenir les
dépenses du vieillissement. Les dépenses de la dépendance doubleront dans les décennies à venir
et les trois quarts des dépenses sont aujourd'hui à la charge des ménages, frais indirects (le coût
des aidants) inclus.
Toutes ces dépenses non seulement représenteront un coût élevé, en valeur absolue, que ne
pourront supporter la plupart des retraités. D'année en année, elles augmenteront plus que les
revenus de pensions, sans doute moins revalorisés que l'inflation.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Or, du fait de l’allongement de la durée de vie, les « dépenses de fin de vie » interviendront 15 à
20 ans après le départ en retraite, au moment même où les pensions de retraite, dont le niveau
est déjà souvent peu élevé au début de la période, auront subi une perte de pouvoir d’achat (que
l’on peut estimer entre 10 et 25 % selon les cas, voire davantage pour le futur), par une
dépréciation annuelle continue.
Les retraités vont donc être certainement confrontés à un « mur des dépenses de fin de vie » qui
sera de plus en plus élevé avec le vieillissement de la population. Cette prospective n'a pourtant
fait l'objet d'aucun diagnostic. Bien entendu, on comprend que la situation des séniors en
recherche d’emploi, en fin de droits et qui puisent dans leur épargne, seront encore plus exposés
à ces risques futurs.
Derrière le chômage des séniors, qui est déjà un sérieux problème financier et social pour la
collectivité, se pose donc déjà celui de la précarité des retraités à venir dans les prochaines
décennies et donc des tensions que cela introduira dans notre société.
Lorsque les employeurs, souvent pour des raisons de rentabilité à court terme, prennent des
mesures de licenciement ou de départs négociés, ils ne sont pas conscients des répercussions à
terme qu’ils engendrent et qui pourront compromettre d’ailleurs leur propre développement,
mais dans 10 ou 20 ans.
1-10 Des situations d’inégalité devant les retraites qui soulèveront des tensions
sociales
Lorsque l’on aborde traditionnellement la question « retraite et inégalités », on traite dans une
large mesure, et à juste titre, la situation d’injustice qui existe entre les femmes et les hommes.
Une autre dimension concerne l’âge de départ, certaines catégories pouvant partir relativement
tôt, sans que des critères de pénibilité expliquent en réalité cet avantage. Enfin, l’opinion publique
s’est fortement mobilisée lors des deux précédentes réformes sur le statut de la Fonction
publique, voire du secteur public également qui bénéficient de dispositions particulièrement
avantageuses et que l’on peut mesurer en comparant les pensions moyennes entre les
fonctionnaires et les salariés relevant du régime général.
En réalité, la situation d’inégalité doit aussi s’analyser entre les générations et cet aspect risque
fort de devenir un sujet de tension croissance dans notre société.
En effet, de multiples circonstances dans les parcours de vie vont conduire à des écarts de
pensions relativement forts au sein d’une même génération et entre des générations différentes :
l'entrée dans la vie active plus ou moins tardive selon les domaines d'activité ; une sécurité de
l'emploi très différente d'un secteur économique à l'autre, d'une forme d'entreprise à l'autre ; une
fragilité de l'emploi pour les séniors plus ou moins sensible selon le travail effectué.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Travailler dans le secteur associatif, dans des entreprises de l'économie sociale, dans les très
grandes entreprises plutôt que dans les PME/TPE pourtant grandes pourvoyeuses d'emplois
constitue et constituera de plus en plus une cause d'inégalité dans la constitution de ses droits à la
retraite et dans les situations vécues en tant que séniors dans les entreprises ou employeurs dans
sa période de fin de carrière. Une identification de ces situations, et une évaluation chiffrée de ces
inégalités (durée de chômage dans sa vie de travail, traitement social de ce chômage, indemnités
de départ plus en moins généreuses, possibilités de reclassement des personnes, perspectives de
carrières après 45/50 ans, différence de niveau dans la formation pour s'adapter au vieillissement,
conditions de sortie pour rebondir et créer son entreprise,...) devraient être menées pour
envisager des modalités de redressement de ces « inégalités » qui sont une vraie cause de
déséquilibre social à terme.
Une analyse de l'emploi en France et le rappel des effectifs concernés par domaine et secteur ainsi
que l'identification des conséquences du vieillissement selon les secteurs et les activités,
définissent un domaine de recherche dont les contours doivent être explorés, ce qui n'a pas été
encore fait, semble-t-il à ce jour.
Bien entendu, chacun fait ses choix dans ses orientations professionnelles et l’on ne peut
demander en permanence au dispositif des régimes obligatoires ou à l’Etat de corriger des
accidents de trajectoires, par le biais du non-contributif dont le niveau est déjà très élevé dans
notre pays.
Mais il faut être conscient que les écarts de situation vont s’accroître au regard de la réalité
économique et sociale actuelle et que les séniors en particulier, aux prises avec les contraintes
d’employabilité, seront particulièrement exposés à une inégalité générationnelle en raison de
trajectoires professionnelles « accidentées ».
Conclusions partielles et recommandations
Si certains pays européens ont déjà pris des mesures d’anticipation sur les changements
démographiques (notamment vieillissement en bonne santé, emploi des séniors, formation
continue, âge de la retraite), la France, malgré diverses initiatives tant législatives qu’au niveau
des entreprises, accuse un retard aujourd’hui préjudiciable. Cela occasionnera de graves
conséquences à l’avenir, dommageables à l’économie et au niveau de vie de plus d’un quart de
la population. Cet enjeu mérite une démarche construite, des objectifs, des moyens adaptés, un
suivi.
En substance une mobilisation à tous les niveaux politique et économique dans les bassins
d’emploi en tenant compte de leurs spécificités, leurs besoins, leur potentiel. Une démarche
décentralisée permettra une revitalisation des territoires, une meilleure utilisation des
ressources, la préservation des conditions de vie à la retraite.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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2. Il existe une « classe d’âge » de séniors sacrifiés : ceux au chômage
Après avoir décrit les contours généraux de la situation actuelle, en mettant en évidence un
certain nombre de facteurs explicatifs ou de risques à venir, trois dimensions du problème de
l’employabilité des séniors sont maintenant abordées, en apportant des orientations et des
propositions concrètes. La première concerne les chômeurs séniors de longue durée.
2-1 Séniors et chômage de longue durée : vers l’impossible retour à l’emploi
Le taux de chômage des plus de 50 ans a encore augmenté en mai 2014, ce qui porte le nombre
de chômeurs séniors de catégorie A à 780.800 demandeurs d’emplois (contre 743.800 en
décembre 2013), soit une progression moyenne de 7.400 séniors au chômage par mois et à 1,1
million toutes catégories confondues (A, B, C). Cette situation persiste à la rentrée 2014.
La tendance n’est pas à l’optimisme : ainsi, l'Unedic prévoit 300.00015 chômeurs supplémentaires
en France en 2014 et 2015, dont 163.200 en catégorie A, ce qui laisse augurer deux
conséquences : la poursuite de l’augmentation du chômage des séniors et un allongement de la
durée d’indemnisation, jusqu’à la situation de perte de droits qui met ces séniors en situation
dramatique.
En effet, l’entrée d’un sénior au chômage à partir de 50 ans aboutit malheureusement le plus
souvent à l’impossibilité d’un retour à l’emploi. Les statistiques montrent que le taux d'activité
des séniors de plus de 60 ans a certes augmenté de 20 points en dix ans, mais cela s'est
également accompagné d'une forte hausse du chômage de longue durée (plus d'un an) qui
concerne ... 62 % des chômeurs de plus de 55 ans. Plus un sénior reste au chômage et plus il a de
difficulté à en sortir.
Depuis 2006, le taux de chômage de longue durée (c'est-à-dire au moins un an au chômage) des
55-64 ans est supérieur à celui des 30-49 ans, avec un écart maximum, par rapport aux années
précédentes, de 1,1 point atteint fin 2012 (respectivement 4,7 % et 3,6 %). Ainsi, la part des
chômeurs de longue durée atteint 62 % parmi les chômeurs âgés de 55 à 64 ans et 43 % parmi
ceux de 30 à 49 ans.
Les enquêtes INSEE en région montrent également qu’il y a davantage de séniors inscrits à Pôle
emploi dans la tranche d'âge 55-59 ans que dans la tranche 50-54 ans. Mais c'est la tranche des 60
ans et plus inscrits à Pôle emploi qui augmente le plus, effet notamment de la réforme des
retraites et de la difficulté de retrouver un emploi dans cette tranche d'âge. En Lorraine par
15
On peut considérer que trois effets vont continuer de conjuguer ou de se conjuguer ? dans les mois qui viennent : la
poursuite de la crise dans le Bâtiment qui a perdu déjà 65.000 emplois depuis 2012, l’existence encore de sureffectifs
dans certaines entreprises ou certains secteurs et les nouveaux entrants sur le marché du travail, c’est-à-dire les
jeunes qui sortent du système scolaire.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
37
exemple, parmi les demandeurs d'emploi de 60 ans et plus, 67,5 % sont chômeurs de longue
durée contre 60,7 % pour l'ensemble des séniors.
La durée moyenne d'inscription des sortants de Pôle Emploi âgés de plus de 50 ans était en mai
2013 de 457 jours, en hausse de 47 jours en l'espace d'un an par rapport à 2012. En mai 2014, elle
est passée à 484 jours, en hausse de 29 % sur un an.
Si l’on retient l’hypothèse d’un faible taux de croissance dans les prochaines années, les
opportunités d’emplois ne bénéficieront pas à cette classe d’âge. L’attention est davantage portée
sur les jeunes, ainsi que l’OCDE en a fait la remarque.
Le taux de retour à l’emploi des chômeurs de 55 ans est de seulement 8 %. En outre, plus de la
moitié des 55-59 ans qui ont retrouvé un emploi en tant que salarié travaillent à temps partiel, et
cette proportion augmente régulièrement avec l'âge.
Cette dernière observation permet de prendre en considération la distinction entre CDI et
CDD. Ainsi, la part des actifs français en CDI n'a baissé que légèrement en dix ans, passant
de 77,6 % à 76,6 %, alors que la part de ceux en CDD est passée dans le même temps de 8,1
% à 8,5 %. Selon l’économiste Eric Heyer, il en résulte le constat suivant : le marché du
travail français est flexible, mais pas de manière homogène : la flexibilité repose sur très
peu de personnes très flexibles, tandis que les autres en sont préservées. En d’autres
termes, le statut en CDD conduit plus fréquemment au chômage que le CDI. Placer des
séniors dans ce statut de CDD n’est pas une solution durable pour un retour à l’emploi,
sauf à considérer que des plages alternées d’emploi et de chômage sont un moindre mal.
Le retour à l’emploi est bien entendu différent selon le cursus du sénior et de la situation
économique de la région dans laquelle il vit. Les capacités de reconversion sont limitées et les
formations requises pour changer de métier ne sont pas forcément adaptées à l’expérience et à la
qualification de base de toutes les personnes âgées de plus de 50 ans. En conclusion, il est quasiimpossible pour une majorité de chômeurs de 50 ans de retrouver du travail
Parmi les solutions ouvertes de retour à l’emploi, même partiel, le tutorat est une possibilité qui
intéresse de plus en plus d’entreprises. Cela se constate via de nombreux appels d’offres pour
sélectionner des tuteurs, les former ou plus largement définir une politique « tutoriale ». En
France tout particulièrement, les accords séniors incitent à recourir à des tuteurs pour capitaliser
sur les savoirs et les transmettre aux nouveaux embauchés. Mais cette piste doit rester une piste
parmi d’autres et ne pas être considérée comme la voie unique.
Si la création ou la reprise d’entreprise et l’auto-entrepreneuriat, abordés plus largement au
paragraphe 3.3 dans ce document, ont souvent été présentés comme une possibilité de retour à
l’emploi16, il faut être conscient que tous les séniors n’ont pas un profil entrepreneurial. Devenir
16
Selon l’APCE, les séniors représentaient 20 % des créateurs d’entreprise en 2011 contre 15 % il y a 10 ans.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
38
son propre patron implique une forte autonomie, un projet réellement motivant et surtout une
capacité de gestion dans un univers de complexité administrative, fiscale et sociale. De plus, le
système bancaire, qui resserre de plus en plus ses risques, ne facilite pas l’ouverture de compte à
des personnes pour lesquelles la création d’entreprise est souvent un choix contraint.
Il faut souligner également que certains jeunes séniors17, célibataires ou qui le sont redevenus
suite à une rupture de couple et au chômage, reviennent dans le giron familial, celui de leurs
parents, pour des raisons financières, après épuisement de leurs droits à indemnisation. Le
sociologue Serge Guérin18 et la Fondation de l’Abbé Pierre en évaluent le nombre à plusieurs
centaines de milliers (280.000). Cette forme de dépendance ne prédispose pas beaucoup à la
création d’une nouvelle activité (soit en société, soit en Travailleur Non Salarié).
Psychologiquement, le fait d’avoir été coupé pendant plusieurs mois, voire plusieurs années,
d’un milieu professionnel, avec ses rythmes, ses pratiques, ses objectifs, la pratique des liens qui
maintient une socialisation active, conduit à d’énormes difficultés de réinsertion. Les entreprises
sont d’ailleurs réticentes à l’embauche de séniors au-delà d’une certaine durée de chômage. Cette
situation peut être aggravée par un état dépressif, par une perte de confiance en soi et de
valorisation personnelle, sans parler de l’image pas toujours positive renvoyée par
l’environnement familial ou relationnel.
De ces différents constats, il apparaît donc que les séniors privés d’emplois à partir de 50 ans,
voire parfois moins, constituent une catégorie que l’on peut considérer comme « sacrifiée » et
pour laquelle il faut définir des mesures spécifiques.
En premier lieu, il faut admettre que ce traitement spécifique ne peut être général : la situation
des séniors chômeurs de longue durée doit être examinée dans un cadre de proximité, celui de la
zone de vie du chômeur où il peut conserver encore quelques repères.
Bien sûr, la mobilité peut être sollicitée, voire imposée, mais pour des personnes déjà en doute et
qui ont besoin d’un minimum d’ancrage social, il semble très pénalisant de placer un retour à
l’emploi dans un nouvel univers sans attaches. Par conséquent, les actions de retour à l’emploi, si
elles sont favorisées, ne peuvent être mises en œuvre avec succès que dans le cadre habituel de
vie du chômeur ; sauf si celui-ci souhaite de sa propre initiative une mobilité géographique et
professionnelle, ce qui constitue à la fois une chance supplémentaire mais aussi un défi
d’adaptation pas toujours facile à relever.
17 Ils sont surnommés par les médias les « Tanguy avec des rides » ou « les boomerang kids ».
18 Nouvel Observateur 22 11 2013: « Chômage: des jeunes séniors contraints de revenir dans le nid familial ». Le
Monde du 30 01 2014 : « Enquête sur les « boomerang kids », ces adultes contraints de retourner chez leurs parents »
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
39
2-2 Les remèdes possibles : jouer la proximité et les territoires
Au regard des constats qui précèdent, notre conviction est qu’il faut jouer la proximité pour sortir
les séniors du chômage de longue durée, en créant des emplois utiles à la société tout en assurant
une resocialisation des chômeurs séniors (récents ou de longue durée). Il semble que cette
conviction fasse consensus aujourd’hui. Encore faut-il lui donner une véritable impulsion
nationale. Nous ne la voyons pas dans les faits.
Pour la plupart des personnes privées d’emplois, dans la tranche d’âge de 50 à 62 ans (date de
départ en retraite possible, ou à 65 ans ou 67 ans maintenant si les droits ne sont pas encore
acquis), il faut envisager des mesures différentes pour ceux qui ne pourront retrouver un emploi à
temps complet ou à temps partiel (incluant la création d’entreprise ou l’auto-entrepreneuriat).
Nous proposons que la réinsertion des séniors au chômage notamment ceux en chômage de
longue durée repose sur un concept « d’utilité sociale », pouvant démontrer aussi une utilité
économique, sans pour autant être un vecteur de distorsion de concurrence.
Certes, la frontière n’est pas facile à définir, mais dans un champ de proximité, nous pensons que
les responsables des collectivités locales et des administrations, ainsi que les représentations
économiques, comme les CCI ou les Chambres des Métiers ou encore les Chambres d’agriculture
peuvent aider à définir ce champ « d’utilité sociale ».
Créer de tels emplois locaux implique tout autant que dans l’entreprise une exigence
d’optimisation et de flexibilité. Optimiser, cela signifie accepter de considérer les aptitudes
propres aux séniors pour définir de nouveaux emplois, les sources d’innovation, de stimulation de
développements économiques locaux (comme dans le tourisme) afin de susciter ensuite de
nouvelles créations d’emplois et engager ainsi une spirale vertueuse.
Quelques propositions
Il faut rappeler au préalable la variété de situations des séniors au chômage, de l’ingénieur au
travailleur manuel, chacun pouvant apporter l’expertise et la motivation dont il est porteur.
NB : Seules figurent ici des mesures de traitement social : la création ou la reprise
d’entreprise seront abordées au paragraphe 3.3.
Création de postes de formateur pour jeunes non qualifiés au sein des collectivités
Environ 150.000 jeunes quittent aujourd’hui chaque année le système scolaire sans qualification.
Ces jeunes présentent un certain déficit de connaissances de base et sont exposés à la prise de
mauvaises habitudes.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
40
Il serait par conséquent opportun que la poursuite d’une indemnisation de base pour les séniors
jusqu’à l’âge de 62 ans soit conditionnée à un tutorat de plusieurs jeunes sans qualification, avec
des objectifs pédagogiques précis :
•
Connaissance de l’orthographe et de l’arithmétique de base (en gestion) ;
•
Connaissance des modalités d’organisation d’une journée de travail.
Le Service militaire, à son époque, jouait plusieurs rôles sociaux : il offrait l’opportunité d’une
remise à niveau pour les jeunes les plus défavorisés, ceux montrant de fortes carences scolaires ;
il apportait un cadre pour leur apprendre une discipline de vie et le respect des règles, favorisant
ainsi une meilleure intégration dans le monde du travail et dans la communauté nationale ; il
concourrait au brassage social ; et souvent, il formait à un métier. Depuis sa suppression en
novembre 2001, ces besoins non seulement subsistent mais se sont accrus, sans pour autant que
l’Etat ait mis une structure pouvant y répondre, le Service Universel ne jouant pas le même rôle.
La création de poste de formateurs au sein des Conseils généraux pourrait s’inspirer, dans un
cadre à définir et distinct bien entendu du Service militaire, de ces fonctions sociales et de cette
socialisation.
Création de postes d’encadrement associatif pour améliorer la gestion du tissu associatif local
Beaucoup d’associations rencontrent des difficultés de gouvernance, alors qu’elles jouent un rôle
essentiel dans la cohésion du tissu social de proximité. Après une formation adaptée, il serait
possible que des séniors interviennent aux côtés des responsables et des bénévoles pour
professionnaliser la gestion et l’administration des associations, confortant ainsi leurs actions.
C’est notamment le cas pour les associations qui seraient créées dans la perspective de
l’accompagnement du vieillissement et du bien vieillir. Les collectivités locales seraient en charge
d’organiser une telle démarche.
Création de postes d’experts techniques pour appui au TPE et PME dans le cadre de structures
associatives
Il est désormais acquis, depuis plusieurs années, que le gisement d’emplois est dans les PME et
TPE. Il est tout autant admis que l’un des éléments qui freine la croissance des PME et TPE est le
manque d’encadrement dès lors que l’augmentation de la taille de l’entreprise implique un mode
de management décentralisé, et donc de délégations de responsabilité du chef d’entreprise à son
encadrement. A l’exception de certaines start-up, les diplômés de l’enseignement supérieur
désertent les petites entreprises, ne serait-ce que parce que les perspectives de carrière y sont
moins attractives et que les « packages de rémunération » sont plus faibles, de l’ordre de 25 %,
par rapport à celui des grandes entreprises.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Les TPE et surtout les PME ont cherché à pallier cette situation avec la création de Groupements
d’employeurs, qui apportent une solution partagée d’expertises, notamment en fonctions
supports. C’est également le cas pour le management en temps partagé.
Il serait possible, avec le concours des Chambres de Commerce et d’industrie (CCI) ou les
Chambres des métiers, de déléguer des cadres séniors expérimentés mais au chômage, pour
apporter les compétences nécessaires aux PME et TPE qui en auraient besoin, sans avoir les
ressources financières correspondantes.
Cette délégation passerait par la création d’associations d’experts auxquelles pourraient cotiser les
entreprises affiliées à la CCI, sur la base d’un taux raisonnable, ne serait-ce que pour couvrir les
frais administratifs.
L’exemple suivant de SeniorInnov illustre ce type de démarche.
Le projet SéniorInnov, expérimenté en 2014 par la MEFAC (Maison de l’Emploi et de la
Formation de l’Agglomération Caennaise) et l’ANCRE (Accompagnement Normand de
Cadres en Recherche d'Emploi) est une illustration intéressante de ce type de démarche : il a
pour enjeux de favoriser le retour à l’emploi de cadres expérimentés de plus de 45 ans, en
priorité de 55 ans et plus, disposant de compétences pouvant être valorisées dans le cadre
de projets « dormants » au sein d’entreprises (TPE / PME) qui n’ont pas les moyens
financiers et humains pour les structurer.
SéniorInnov poursuit ainsi deux objectifs :
• former un cadre sénior au développement de projet au travers d’une formation
professionnelle diplômante en alternance sur 6 mois dispensée par l’IAE de Caen (4
jours/semaine en entreprise)
• proposer à l’entreprise les compétences expérimentées d’un cadre sénior au travers
d’un stage terrain pendant 6 mois dont l’ambition est :
de « réveiller » les idées et/ou les projets « dormants »
d’analyser leur pertinence et leur faisabilité
d’initier, le cas échéant, les premières actions allant dans le sens de leur mise
en œuvre,
sur les champs de l’innovation, du développement d’un nouveau produit ou service,
d’une diversification commerciale, du développement à l’export, …
Le cadre est stagiaire de la formation professionnelle pendant 6 mois. Il continue à
percevoir son allocation de Pôle emploi ou, s’il est en fin de droits, une allocation est versée
par la Région Basse-Normandie. Le coût de participation de l’entreprise à ce dispositif est de
350 euros/mois pendant 6 mois
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Création de postes de surveillance scolaire ou de tutorat d’expériences
Beaucoup d’enjeux d’intégration démarrent à l’école. Le rôle de l’école est aujourd’hui
multiforme : acquisition de connaissances, préparation du citoyen … Mais est-il adapté à la
préparation au monde économique et à l’acquisition d’un métier correspondant à une
demande du marché des entreprises ?
Des programmes sont certainement à revoir et il conviendrait que les formateurs soient mieux
préparés à enseigner l’économie réelle ; un passage en entreprise devrait être partie prenante
d’un cursus pour enseigner cette matière. Des témoignages de professionnels, entrepreneurs et
salariés, des visites d’entreprises, pourraient contribuer à une meilleure connaissance des métiers.
Certaines initiatives ont été engagées par le monde patronal, mais elles restent très insuffisantes
au regard du périmètre à couvrir et des fortes réticences culturelles, voire idéologique d’une
partie du corps professoral.
Sans aborder les questions de violence, il serait donc judicieux que des séniors apportent un
testimonial et plus encore un tutorat facilitant la future intégration de jeunes voulant suivre une
formation technique dans les lycées professionnels notamment.
Dans ce prolongement, un certain nombre de séniors au chômage de longue durée disposant
d’une bonne expérience des métiers techniques, pourraient intervenir en milieu scolaire, en
particulier dans les IUFM, les lycées professionnels, où d’ailleurs des dispositifs de reconversion
ont été expérimentés. Cela supposerait, ainsi que nous l’avons indiqué, de simplifier les règles
administratives et de lever certaines contraintes, comme celles contenues dans le décret n° 87889 du 29 oct. 1987 ou similaires à ce texte.
Quel financement ?
Les séniors en situation de chômage, souvent de longue durée, ont certes une allocation mais
perdent leur expertise, leurs repères, leur confiance. Parfois même, ils tombent en dépression et
c’est la Sécurité sociale qui en supporte les conséquences. Il y a donc un coût indirect au chômage
des séniors qu’il serait possible de réduire.
Les exemples précédents d’emploi local peuvent être la contrepartie « sociale » des indemnités
versées. Ils peuvent aussi être une source d’économie en frais de santé.
Des sources complémentaires peuvent provenir des collectivités aidées, des entreprises
accompagnées, de fonds européens dédiés aux reconversions de territoires ou au support à
l’emploi.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
43
Conclusions partielles et recommandations
Dans un contexte de croissance faible et de chômage global élevé, les perspectives de retour à
l’emploi des séniors dans l’entreprise se révèlent encore plus aléatoires.
Des pistes alternatives innovantes sont à privilégier, en particulier toutes les actions pouvant
être déployées dans les territoires, dans un cadre d’utilité sociale
En outre, il faut favoriser l’entreprenariat accompagné et la reprise d’entreprises dans la
multiplicité des métiers exercés dans les TPE/PME/PMI qui ouvrent des opportunités aux savoirfaire des séniors.
C’est donc essentiellement au niveau local qu’un pilotage et une coordination d’acteurs doivent
être mis en œuvre.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
44
3. Il existe des actifs qu’il faut préserver des risques de perte d’emploi à
venir
Si l’urgence commande de prendre des mesures pour les générations sacrifiées des séniors, c’està-dire ceux au chômage et qui vont y rester longtemps, il ne faut pas oublier que les personnes
entre 50 et 65 ans sont très exposées au risque de perte d’emploi. D’ailleurs, l’augmentation du
chômage des séniors depuis le début de l’année 2014 illustre cette situation.
Par conséquent, il convient de prendre des mesures également sur cette catégorie pour assurer le
plus possible leur maintien dans l’emploi. Au regard de l’évolution du chômage des séniors depuis
le début de l’année, soit potentiellement un nombre supplémentaire de l’ordre de 90.000
demandeurs d’emplois pour l’année 2014, nous pensons qu’il faut une prise de conscience suivie
d’une mobilisation rapide pour assurer ce maintien. Or, les contingences économiques n’étant pas
favorables, cela justifie à notre avis une forte mobilisation des acteurs économiques autour de la
notion d’anticipation et de prévention.
3-1 La décroissance économique
Rappelons au préalable que nombre d’économistes s’accordent à considérer que la croissance
potentielle19 de l’économie française est relativement faible : de l’ordre de 1 % par an sur les 10
prochaines années, notamment en raison de la faiblesse actuelle du taux de productivité et de
l’investissement.
Pire, la sensibilité des salaires au chômage étant faible en France, dans un contexte de perte de
compétitivité internationale, l’économiste Patrick Artus estime dans une récente note d’analyse20
que le chômage va encore augmenter avant que le freinage des salaires n’améliore la profitabilité
des entreprises, ce qui conditionne le retour des embauches.
En second lieu, dans la période actuelle, et en particulier depuis la crise des dettes souveraines de
2011, l’évolution de l’emploi privé est de plus en plus liée au positionnement des secteurs par
rapport à la concurrence internationale.
Les séniors en activité : des postes et des secteurs inégalement exposés à la tourmente
économique
Le Centre d’Analyse Stratégie (CAS) a identifié en 2010 cinq types de secteurs à partir de critères
de compétitivité et d’attractivité des activités industrielles ou de services :
19
La croissance potentielle est définie comme la somme de la tendance des gains de productivité et de la croissance
de la population active, en prenant en compte la tendance d’évolution du taux d’emploi
20 Flash Economie Natixis 23 juin 2014 – N° 509
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
45
• les secteurs fortement technologiques (5 % des emplois marchands, notamment
aéronautique, ingénierie…),
• les secteurs haut de gamme (2,5 % des emplois marchands, notamment luxe,
audiovisuel…),
• les secteurs de proximité à la demande finale (68 % des emplois marchands, notamment,
commerces, agences bancaires, services à la personne, loisirs, logistique…),
• les secteurs instables (13,3 % des emplois marchands, notamment automobile, chimie,
équipement mécanique),
• les secteurs vulnérables (11,2 % des emplois marchands, notamment centres d’appel,
textile habillement).
Aujourd’hui, plus aucun secteur n’est vraiment épargné par la crise : la distinction secteurs
instables-secteurs vulnérables tend à disparaitre et les secteurs de proximité, notamment dans les
services, sont directement affectés par la baisse du pouvoir d’achat. La crise se caractérise
principalement par un recul de l’activité industrielle, illustré en particulier dans l’automobile, et
dans les cas de reprise par l’absence ou la faiblesse de la création d’emploi.
Actuellement la « reprise » est souvent une reprise sans emploi. Les services marchands ne sont
pas épargnés, puisqu’en 2012 et 2013 ils ont dû faire face à des destructions d’emplois, y compris
dans les secteurs où l’emploi avait le plus cru dans les années 2000.
Seul l’emploi non marchand résiste actuellement à la crise : cette résilience de l’emploi public
bénéficie à plus de 5 millions de salariés, mais elle est financée en totalité par les prélèvements
obligatoires, ce qui suffit à montrer sa fragilité en cas de mise en œuvre d’une réduction des
dépenses publiques, sans parler de l’effet indirect de cette pression fiscale sur la compétitivité des
PME et l’emploi dont elles sont les grandes pourvoyeuses.
Face à ce constat morose, les mutations économiques actuelles auront-elles un effet sur l’emploi
en général et sur l’emploi des séniors en particulier ? La prospective des métiers21 - même réalisée
avec un scénario économique plus favorable en 2010 qu’en 2014 – apporte des réponses. A
l’horizon 2020, de nombreux secteurs restent créateurs d’emploi :
• les secteurs porteurs en amont des entreprises (ingénierie, conseil, R&D),
• les secteurs en montée de gamme (luxe, hôtellerie-restauration),
• les services à la personne (à condition que l’environnement « fiscalo-social » leur reste
favorable),
• les filières vertes (maitrise énergétique dans les bâtiments).
21
Dares mars 2012 N° 022 « Les métiers en 2020 »
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
46
L’autre aspect à prendre en compte est celui du nombre de postes libérés par les départs à la
retraite : le flux annuel atteint 600.000 sur la période 2010-2020 contre un peu plus de 400.000
sur la période 1993-2001. Les départs en fin de carrière et les créations d’emploi se conjuguent,
bien évidemment, différemment selon les métiers et les secteurs.
À côté des métiers hautement qualifiés (notamment cadres à dominante administrative et
managers, ingénieurs de l’informatique, personnel d’étude et de recherche, cadres techniques de
l’industrie), ce sont les professions de soins et d’aide aux personnes fragiles qui bénéficieront
d’une forte dynamique de création d’emplois (graphique 3).
Au final, en tenant compte des départs en fin de carrière, la cartographie des métiers susceptibles
d’offrir le plus de postes à pourvoir entre 2010 et 2020 est celle du graphique 4.
Source Dares
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
47
Cette cartographie diffère sensiblement de celle des métiers portés par la dynamique d’emploi.
C’est ainsi que les employés de maison, les agents d’entretien, ainsi que le personnel des banques
et assurances et les conducteurs de véhicules, libéreront un grand nombre de postes à pourvoir,
en raison de leur moyenne d’âge élevée.
Bien évidemment, cela ne signifie pas que les postes à pourvoir, notamment ceux correspondant à
des critères de pénibilité, seront des débouchés naturels et automatiques pour des séniors en
situation de reconversion ou au chômage. Mais on retiendra que de nombreux métiers offrent des
perspectives d’emploi aux séniors à l’horizon 2020.
La question qui se pose est de savoir comment et à quelles conditions ces métiers peuvent
constituer des débouchés pour les séniors et comment organiser la rencontre entre les besoins
et les compétences ainsi que les nécessaires reconversions pour certains.
3-2 Des propositions pour assurer le maintien dans l’emploi
Maintenir l’emploi, voire créer de nouveaux emplois au sein de l’entreprise implique de travailler
autour de 3 axes : Anticipation, Optimisation, Flexibilité. Ces trois niveaux d’analyse étaient,
d’une certaine manière, à la base du dispositif du Plan Sénior d’Entreprise ou « plan S » conçu par
les pouvoirs publics.
Mais comme nous l’avons souligné, malgré la signature de nombreux accords, ces plans n’ont pas
démontré, loin s’en faut, leur efficacité : dans les faits, faute de contrôle, les entreprises se sont
contentées de négocier ces accords, sans pour autant, dans leur majorité, les appliquer. (L’étude
réalisée entre avril et mai 2010 auprès des adhérents de l’ANDRH avait cependant révélé que les
trois quarts des entreprises avaient bien défini un objectif de maintien dans l’emploi des plus de
55 ans, privilégiant nettement cette démarche par rapport au recrutement de séniors).
Pour autant, faut-il abandonner toute démarche volontaire ? Faut-il nier l’intérêt de certaines
actions de nature structurantes ?
Le combat contre le chômage devient un impératif national et constitue un problème de
crédibilité du monde patronal et syndical, en particulier en ce qui concerne les jeunes et les
séniors. Cela impliquerait, ainsi qu’il a été déjà souligné, une certaine rupture à la fois dans la
culture et dans les pratiques. Or, elles sont bien ancrées dans l’esprit des directions générales et
des DRH, comme en témoignent les propos que tenait Jean-Christophe Sciberras, président de
l’Association Nationale des DRH (ANDRH) au journal Libération22 :
«Côté embauche, c'est vrai qu'on peut hésiter à investir dans le recrutement et la
formation de quelqu'un qui ne restera peut-être que quelques années avant de partir en
retraite. D'autre part, quand une entreprise est en difficulté, elle licencie de préférence
22
Chômage, le paradoxe des séniors : 23 août 2013
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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les gens qui seront les moins impactés. Or, le système français permet aux plus de 50 ans
d’être indemnisés pendant un maximum de trente-six mois ».
Cette conception, formulée au plus haut niveau de la représentation des DRH, va devenir encore
plus dommageable avec les nouvelles dispositions d’indemnisation, puisque si aujourd’hui une
personne se retrouve au chômage à 58 ans, voire quelques mois avant compte tenu des différés
d’indemnisation, elle est assurée d’être portée par Pôle emploi jusqu’à l’âge auquel elle pourra
percevoir sa retraite à taux plein. A partir du mois de juillet 2014, elle devra attendre d’avoir au
moins 59 ans (génération 1955) pour être assurée de ce maintien.
Par conséquent, il faut que cesse le comportement des responsables d’entreprises reportant les
conséquences de leurs décisions sur l’UNEDIC ; et ce n’est pas la contrainte réglementaire qui y
aidera si elle s’accompagne de mesures coercitives aboutissant à des pénalités sur la masse
salariale : en réalité, cela augmente les licenciements et la pression sur le personnel en termes de
productivité.
Les entreprises préfèrent payer des pénalités mais réduire leurs coûts fixes, dans un contexte où
les charges sociales sont en augmentation constante (exemple des cotisations retraites). Il faut
davantage jouer, selon nous, sur la réputation des entreprises ou des branches qui devient un
levier non négligeable de pression « vertueuse ». Cette pression reste à organiser et, encore une
fois, les investisseurs institutionnels relevant de l’économie sociale ont un rôle à jouer sur ce plan.
La publication dans les bilans sociaux d’indicateurs sur l’évolution de l’emploi des séniors plus
précis que ceux utilisés habituellement, comme les variations d’effectifs, le nombre de séniors
formés, les départs négociés, seraient sur ce plan un autre levier précieux23.
A titre d’illustration, la variation des effectifs séniors dans un bilan social n’est pas toujours
bien expliquée, notamment dans les évolutions par classe d’âge.
De même, la répartition des recrutements par tranche d’âge et par genre ne détaille pas les
données à partir de 31 ans et +.
Les ruptures conventionnelles et licenciements ne sont pas présentés par classes d’âge.
Souvent, les bilans sociaux présentent des séries de tableaux statistiques sans explications
réelles. Seules apparaissent aujourd’hui des précisions concernant l’emploi et le
recrutement des moins de 25 ans.
Il faut donc inciter les directions générales à faire un acte volontaire pour l’emploi des séniors, à
prendre un engagement social qu’elles doivent impulser au sein de leur politique de gestion des
ressources humaines.
23
Le bilan social doit être établi dans les entreprises relevant du champ d'application de la législation des comités
d'entreprise et employant au moins 300 salaries (c. trav, art. L. 2323-68, al.l et art. L. 2321-1)
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
49
A cet égard, le rôle des DRH est double :
• sensibiliser ces directions générales, souvent focalisées sur la problématique de la
rentabilité ;
• impulser ce type de démarche au niveau des responsables opérationnels.
Aujourd’hui, la mission des DRH24 est plus centrée sur l’expertise des restructurations et la gestion
des relations sociales avec les syndicats que sur l’emploi et l’optimisation des compétences et des
savoir-faire. Elle mériterait d’être davantage recentrée sur les problèmes de l’employabilité.
Inciter à la mise en place de Schéma Directeur d’Employabilité Séniors
Les trois démarches « Anticipation-Optimisation-Flexibilité » pourraient être les composantes d’un
véritable « Schéma Directeur de l’Employabilité Sénior » dans les grandes et moyennes
entreprises sur un horizon de 3 à 5 ans. Ce document d’orientation pourrait comporter plusieurs
rubriques avec des tableaux de bord de pilotage. Indiquons que certaines régions s’efforcent
d’avoir une réflexion similaire, comme par exemple le « Schéma Directeur de l’Economie et de
l’Emploi Durable d’Angers-Loire Métropole ».
Ainsi, à partir des entretiens individuels annuels et des entretiens de mi- carrière, les entreprises,
notamment les plus grandes, pourraient avoir avantage à établir un tableau de bord « Indicateurs
RH d’anticipation/Prévention d’employabilité des séniors » intégrant les trois niveaux d’action
(Anticipation, Optimisation, Flexibilité).
Ce tableau pourrait faire l’objet d’une discussion annuelle avec les instances représentatives du
personnel. A titre d’illustration, nous présentons en annexe un exemple de contenu possible d’un
tel tableau, en précisant que cette grille n’a rien d’un concept intellectuel mais s’inspire
d’expériences vécues.
Mettre en place des mesures d’anticipation
La gestion des ressources humaines est fondamentalement une gestion de moyen et long terme,
ce qui justifie la mise en place d’un Schéma Directeur de l’Employabilité Séniors ; du moins, il
devrait en être ainsi. Anticiper c’est être lucide et être en mesure d’élaborer une vision et de
définir des plans d’actions à cette fin. Certes, tout ne peut pas être anticipé mais beaucoup de
problèmes peuvent être identifiés, en particulier ceux liés à l’âge, et ce autour de questions de :
24
Selon une étude publiée en juin 2012 par la Cegos, 48 % des salariés pensent que leur DRH est trop soumise à la
direction générale. Souvent coincée entre le marteau (les membres de la direction) et l’enclume (les organisations
syndicales), la fonction est uniquement, aux yeux des salariés, mandatée par le grand patron pour communiquer les
mauvaises nouvelles : licenciements, réduction d’effectifs, gel des salaires…
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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• santé (apparition de troubles musculo-squelettiques avec vieillissement progressif des
structures ostéo-articulaires, sensoriels avec la baisse des acuités visuelles et auditives
génératrice d'accidents du travail...)
• de bien être psychologique (démotivation due à la routine, ou aux changements
perpétuels d’organisation, au stress, à la perte de considération)
• des enjeux de productivité (« déphasage » dû aux nouvelles technologies et aux nouveaux
outils)
Ces questions sont bien documentées, par exemple via le site Officiel Prévention25. La Direction
des Ressources Humaines a donc la possibilité de définir un cadre d’intervention en matière de
prévention, appuyée en outre par les nouvelles compétences du CHSCT. La loi sur la prévention de
la pénibilité l’y incite fortement26.
En effet, l’amélioration des conditions de travail et la prévention des situations de pénibilité ou de
stress constituent les mesures qui ont le plus d’impact sur le maintien des séniors dans l’emploi,
notamment pour les travailleurs manuels. Pour les employés et les cadres c’est plutôt les
changements incessants d’organisation et la contrainte d’objectifs de plus en plus élevés et donc
le stress induit qui incitent les salariés à partir ou qui les démotivent. Cela conduit à des situations
dites « d’épuisement professionnel » ou syndrome de Burn Out et qui concerneraient, selon le
Cabinet Technologia, un cadre sur cinq !
De façon plus générale, le vieillissement dans l’entreprise devrait donner lieu au sein du Schéma
Directeur de l’Employabilité Séniors à un diagnostic d’impact reprenant l’ensemble des données
concernant les séniors dans l’entreprise (âges, responsabilités occupées, exposition à la pénibilité,
préparation aux évolutions organisationnelles et technologiques, formation suivie). Ce diagnostic
pourrait être recoupé avec les enquêtes effectuées au plan local par l’INSEE sur l’emploi et les
séniors à l’horizon 202027.
L’évolution des métiers, des technologies, de l’environnement est un exercice plus difficile dès lors
que l’on veut en tirer des conséquences opérationnelles. Se pose donc un problème de méthode
pour aider les décideurs de l’entreprise à définir les meilleurs plans d’action, c’est-à-dire ceux qui
conduisent à favoriser le maintien dans l’emploi ou le replacement local dans d’autres entreprises
ou d’autres secteurs d’activité.
25
http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/ergonomie-au-poste-detravail/detail_dossier_CHSCT
26
En janvier 2012, toutes les entreprises de 50 à moins de 300 salariés dont 50 % de l’effectif est exposé à des facteurs
de pénibilité, doivent être couvertes par un accord d’entreprise ou de branche étendu ou par un plan d’action de
prévention de la pénibilité. A partir de 300 salariés, toutes les entreprises atteignant la proportion de 50 % doivent
avoir un plan d’action ou un accord, même s’il existe un accord de branche.
27 Voir par exemple « Les séniors et l’emploi à l’horizon 2020 – INSEE Normandie Juin 2013
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
51
Cette question devrait intégrer aussi un descriptif de la situation concernant la transmission des
savoirs qui est un enjeu stratégique pour nombre d’acteurs économiques.
Contrairement à une idée reçue, la première brique d’analyse à poser ne porte pas sur l’entreprise
elle-même, mais sur la prise en compte de son environnement local, ce qui implique l’accès des
décideurs privés et publics à un certain nombre d’informations et d’indications sur le marché de
l’emploi local.
A cet égard, il serait judicieux de disposer, ou d’améliorer lorsqu’ils existent, des outils statistiques
permettant de détecter les secteurs, les bassins d’emplois, les branches présentant des risques
potentiel de destruction d’emplois, au regard de plusieurs critères : par exemple, exposition à la
concurrence internationale, modifications des comportements de consommation de produits ou
services, ruptures technologiques.
Dans ce cadre, les Préfectures et les DIRECCTE28, par exemple, pourraient suivre des indicateurs
concernant la projection d’emplois locaux et les rendre publics dans :
•
les trois fonctions administratives (Etat, Hospitalière, Territoriale) au regard des
éventuelles réductions budgétaires ou de réorganisations,
•
les secteurs pouvant être considérés comme « protégés »,
•
les secteurs à problèmes de recrutement,
•
les secteurs jugés vulnérables, comme indiqué ci-dessus.
Ces outils de pilotage permettraient à la puissance publique et aux acteurs locaux d’engager des
mesures préventives au lieu d’être correctrices, notamment en programmant des adaptations
progressives des populations exposées aux risques de perte d’emplois, voire de chômage partiel
mais répétitif. Pour la DRH ou la direction générale de l’entreprise, ces outils apporteraient
également un double éclairage :
• l’impact prévisionnel sur le tissu économique local des mesures en cours d’étude en
termes de restrictions ou d’augmentation d’emplois (les effets dominos, le potentiel réel
de retour à l’emploi au plan local, les conséquences au plan de l’image…),
• la durée estimée de retour à l’emploi du personnel licencié de l’entreprise et les actions
qu’il faudrait engager pour réduire ce délai.
L’idée directrice est d’intégrer les contraintes et les opportunités du marché de l’emploi local
pour déterminer les opérations à la fois les plus efficaces et les plus responsables socialement.
28 Créées en 2010, les Direccte regroupent des services administratifs issus de divers horizons : commerce extérieur,
tourisme, commerce et artisanat, intelligence économique, industrie, travail et emploi, concurrence et consommation.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
52
Cette base permettrait en outre un dialogue constructif avec les parties prenantes locales. Certes,
il existe bien des analyses qui répondent en partie à ce type de besoin, mais elles restent souvent
limitées au plan national, avec une vision macro-économique, alors que l’anticipation devrait être
positionnée davantage au plan des territoires et sous un angle micro-économique.
A titre d’exemple, la Note d'analyse 258 - Janvier 2012 du Conseil d’Analyse Economique
(CAE) sur les secteurs créateurs d'emplois à moyen terme faisait mention de 37.000 emplois
détruits dans l'industrie qui affecteraient principalement les équipements mécaniques
(-37.000), la métallurgie (- 19.000), le textile (- 15.000) et de 19.000 dans les «industries de
réseau» (eau, gaz et électricité, postes et télécommunications), secteur où les entreprises
sont contraintes à des efforts de rationalisation liés aux surcoûts environnementaux et à
l'entretien du réseau.
Cette information est intéressante, mais elle devrait être prolongée au plan des bassins
d’emplois par une analyse d’impact.
Nous illustrons ci-dessous et page suivante le type de démarche qu’il conviendrait d’adopter pour
assurer l’efficacité du Schéma Directeur d’Emplois Séniors, dans l’articulation Bassin d’Emplois et
Entreprises.
Bassin d’emplois et Schéma Directeur d’Emplois Séniors
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
53
Processus d’élaboration du Schéma Directeur d’Emplois Séniors
Nous préconisons donc l’utilisation systématique d’outils de pilotage plus opérationnels, et ce
au niveau des bassins d’emplois, dans un cadre de dialogue élargi et responsable avec toutes les
parties prenantes de ces bassins.
A cela devraient s’ajouter des analyses plus qualitatives et qui portent davantage sur les statuts
des personnels, en particulier la nature juridique de leur contrat. Ainsi, l’Institut de l’entreprise
avait publié un rapport en décembre 2011 : « Flexibilité responsable, dépasser le dualisme du
marché du travail », lequel montre qu’un « compromis de flexibilité » s’est établi en France depuis
longtemps. Il tend à faire peser sur une catégorie limitée de salariés (en CDD, intérim, stages, mais
aussi en CDI à temps partiel « subi » ou dans de longues chaînes de sous-traitance) une grande
partie des risques (perte d’emplois, moindre accès à la formation,).
L’expression de « dualisme du marché du travail » rend compte de cette segmentation en deux
parties relativement étanches : les emplois durables et les emplois non durables qui aboutissent
trop souvent à une sortie du marché du travail.
Par conséquent, il existe des solutions potentielles à mettre en œuvre, dès maintenant, en
matière d’anticipation, et ce sous peine de voir se reproduire le même scénario de sortie
prématurée de l’emploi des quadragénaires et des quinquagénaires que celle que nous
connaissons aujourd’hui.
Aux outils de pilotage au sein des bassins d’emplois, qui doivent être une source de réflexions
pour les acteurs concernés, il faudrait ajouter d’autres indicateurs (cf. en annexe le tableau de
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
54
bord « Indicateurs RH d’anticipation/Prévention d’employabilité des séniors » cité précédemment)
permettant d’anticiper les évolutions internes à l’entreprise au regard de celles pouvant intervenir
au plan local. Il s’agit toujours de la même idée directrice qui exprime la conviction que la
situation des séniors et les contraintes qui pèsent sur leur emploi peuvent conduire à une
politique de gestion des ressources humaines plus efficace et plus responsable.
Anticiper permet d’être plus efficient ; c’est alors qu’intervient la 2ème phase, l’OPTIMISATION.
Mettre aussi en place des mesures d’optimisation
Il s’agit ici d’adopter une posture moins défensive et plus dynamique, à partir de la mise en œuvre
de multiples mesures qui tendent à exploiter les ressources des séniors. Encore une fois, la
responsabilité de cette démarche appartient conjointement à la direction générale, aux
responsables opérationnels et à la DRH. Elle réclame donc de la volonté et un engagement des
équipes RH en appui auprès des responsables opérationnels. En premier lieu, il s’agit de procéder
à l’analyse du potentiel que représentent les séniors / leurs limites par :
•
un autre regard sur les séniors,
•
la prise en compte de toutes leurs compétences et aptitudes,
•
l’analyse de leurs atouts,
•
l’identification et la dénonciation des clichés.
Ce doit être d’abord un travail collectif, car il porte sur la culture de l’entreprise et s’inscrit dans
une réflexion globale sur l’entreprise et le vieillissement des effectifs. Il serait souhaitable que le
Comité d’entreprise et les représentants du personnel soient associés à cette réflexion qui
requiert une véritable prise de conscience, dont les organisations syndicales devraient s’emparer.
Ensuite, cette analyse doit évaluer, de la façon la plus objective possible, la valeur ajoutée des
ressources que les séniors représentent au sein de l’entreprise ou de l’organisation, et ce au
niveau de :
•
leur intégration dans des équipes mixtes (juniors, séniors et âges intermédiaires),
•
leur implication et l’écoute de leurs propositions pour l’aménagement de postes ou de
processus, pour la création de nouveaux développements de produits/ services,
•
le développement de processus de formation réciproque : juniors – séniors et la
valorisation de leur expérience (VAE),
•
un rééquilibrage de la représentation des âges parmi les salariés comparable à la
segmentation par âge de la clientèle de l’entreprise,
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
55
•
la prise en compte de leurs capacités et non de leurs limites pour définir leur
orientation.
Il peut arriver que le projet professionnel des salariés ne s’intègre plus dans le projet de
l’entreprise. Dans ce cas, il conviendrait de recourir à des organismes pouvant les aider dans leur
évolution ou leur reconversion par le développement :
•
de méthodes pédagogiques adaptées aux séniors et notamment des méthodes
interactives pour créer du lien et de la complémentarité entre les générations et
faciliter le « travailler ensemble ».
•
du professionnalisme des organismes d’aide à la recherche d’un emploi à travers une
collaboration renforcée et un véritable partenariat entre acteurs publics, privés et
associatifs, en lien avec les entreprises et les collectivités locales.
« Les jeunes courent plus vite mais les séniors connaissent les raccourcis ».
Des mesures de flexibilité
L’optimisation ne peut se développer sans flexibilité, laquelle implique tous les acteurs, plus
précisément les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et les salariés. Cette flexibilité recouvre
de nombreux champs d’intervention, par exemple :
• l’âge de départ à la retraite,
• les modalités de départ, en recherchant des solutions adaptées aux problématiques
«individuelles» des séniors : charge de parents âgés et/ou malades ou dépendants, conjoint
à la retraite, jeunes enfants pour certains séniors qui ont construit une nouvelle famille,
petits-enfants à garder, préparation à la retraite par des actions de mécénat de
compétences, création d’entreprise, pour ne citer que quelques exemples ;
• le temps de travail sur l’année, dans la semaine, dans la journée avec des possibilités de
congés spécifiques par exemple pour la prise en charge de parents âgés ou de petitsenfants, la création et la montée en puissance d’une activité personnelle.
• le contenu du poste de travail (2 salariés pour un poste à temps partiel, missions, renfort) ;
• une politique salariale déconnectée de l’ancienneté et de la progression systématique,
mais fondée sur le poids des postes et les objectifs assignés au salarié et en toute
transparence.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
56
RADAR DES 3 AXES DU SCHEMA DIRECTEUR D’EMPLOIS DES SENIORS
Le Radar des 3 axes du Schéma Directeur d’Emplois Séniors, présenté à la page précédente
permet, non seulement de piloter la démarche mais aussi de communiquer autour de la
démarche et de responsabiliser tous les acteurs impliqués, en soulignant le fait que tout ce qui
est fait en faveur des seniors en terme d’anticipation, d’optimisation et de flexibilité est
également bénéfique pour toutes les autres catégories de salariés.
Une telle flexibilité n’est pas compatible avec la volonté de légiférer au niveau national. Aussi, une
plus grande autonomie doit être accordée aux branches professionnelles et aux entreprises et les
négociations doivent être menées dans un esprit « gagnant-gagnant » pour le salarié sénior et
pour l’entreprise et non pas dans un souci de maintien des avantages acquis. Cette démarche
implique également de :
• desserrer l’étau que constitue le code du travail qui, par sa lourdeur et sa complexité,
handicape lourdement les entreprises et va même parfois à l’encontre des intérêts des
salariés,
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
57
• d’alléger et de revoir les effets de seuils et l’organisation de la représentation des salariés
dans l’entreprise. En effet, le tissu des TPE/PME/PMI est un important employeur.
o Les seuils de 10, 20, 50 salariés emportant des obligations additionnelles
conséquentes en charges et temps administratif sont des obstacles connus à
l’embauche de salariés additionnels. Une entreprise de 50 salariés a le même statut
qu’une multinationale mais n’a pas les mêmes moyens à disposition. Il s’agit d’un
frein au développement auquel il est souhaitable de mettre un terme, cette
« conquête syndicale » se révélant contreproductive à l’emploi.
Une interrogation essentielle doit être abordée que l’on peut résumer par le thème :
« monolithisme et pragmatisme».
Les zones d’abattement de salaires ont été remplacées par une harmonisation SMIG d’abord et
SMIC ensuite. S’il est difficile de vivre confortablement avec le SMIC en forte concentration
urbaine, en particulier compte tenu des coûts de logement et de transport, par contre, les
conditions de vie en milieu rural et semi rural ou agglomération de taille moyenne sont plus
favorables.
Une différenciation du coût salarial serait de nature à relancer le tissu économique de ces espaces,
d’autant plus que les nouvelles technologies effacent le critère d’éloignement des centres de
décision.
Des adaptations du SMIC sont également envisageables pour faciliter l’emploi ou la réintégration
dans l’emploi des personnes les plus éloignées du marché de travail, jeunes sans qualifications ou
chômeurs de très longue durée plus spécifiquement. Bien entendu, ces questions soulèveront des
débats, mais nous considérons qu’ils deviendront inévitables si le chômage progresse davantage.
L’expérience de CRS Europe : la conception du Lifelong Employability Assessment (LEA)
Sans doute, de nombreux DRH qui liront ce Livre Blanc considéreront l’intérêt d’une telle
démarche méthodologique. D’autres, par contre, se montreront septiques. Nous voulons ici
montrer que l’approche que nous préconisons rejoint les réflexions d’autres organismes au niveau
européen. Nous reprenons ici la communication du CSR Europe concernant la présentation de son
LEA, un outil d’évaluation pour les responsables de ressources humaines, afin de mesurer la
capacité des entreprises à maximiser l’employabilité des travailleurs tout au long de leur carrière.
Rappelons tout d’abord que CSR Europe est le plus grand réseau européen de la Responsabilité
Sociale des Entreprises. Il compte 65 sociétés multinationales membres et 39 partenaires
nationaux affiliés représentants 31 pays Européens. L’organisation a été fondée en 1995 en
réponse à un appel lancé par le Président de la Commission européenne, Jacques Delors. La
mission de CSR Europe est d’aider les sociétés membres à intégrer la responsabilité sociale dans
leurs pratiques de management quotidiennes (www.csreurope.org.).
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
58
L’outil Lifelong Employability Assessment a été conçu dans le cadre du projet collaboratif
« Rethinking Careers : How to deal with longer working lifes in HR processes » (Repenser les
Ressources Humaines : la gestion de carrière allongée dans les processus RH) mené en
collaboration avec plusieurs membres : GDF SUEZ, Enel, Impronta Etica, Sodalitas, Business and
Society Belgium et en partenariat avec AGE Platform Europe.
Ce projet s’inscrit dans la Campagne de CSR Europe « Skills for Jobs » (Compétences et Emploi). Il
est mené par Sarah Dekkiche, Responsable des Opérations chez CSR Europe qui nous a fait l’amitié
de nous présenter l’outil.
LEA a été développé par CSR Europe avec le support de consultants, d’experts et de managers RH.
L’outil a pour but d’évaluer la maturité des processus RH en termes d’employabilité des
différentes entreprises. L’analyse proposée s’accompagne d’un benchmark ainsi que d’une mise
en perspective des principaux enjeux et opportunités d’améliorations illustrées par des bonnes
pratiques. LEA est mis à disposition des entreprises et de plateformes d’entreprises.
Pour le CSR, l’enjeu du changement démographique et le recul de l’âge de la retraite dans la
plupart des pays Européens, et notamment en France, nécessite de la part des entreprises une
gestion des carrières adaptée, prenant davantage en compte les besoins de chaque travailleur. Il
s’agit de repenser la gestion stratégique des ressources humaines (RH) afin d’optimiser la
performance des salariés.
Si la gestion de l’employabilité tout au long de la carrière est un enjeu central pour les entreprises
de toute taille, peu d’entre elles sont aujourd’hui équipées des outils et approches managériales
capables de garantir l’excellence opérationnelle de l’entreprise tout en satisfaisant les attentes du
personnel tout au long de leur carrière.
C’est pourquoi, sur la base d’une première étude portant sur la gestion des âges réalisée entre
2011 et 2013,29 CSR Europe a développé et mis en place son outil d’évaluation proposant un
diagnostic complet des processus RH, le Lifelong Employability Assessment (LEA).
Destiné aux directions des ressources humaines, cet outil a pour but de déterminer le degré
d’intégration des critères d’employabilité (tout au long de la carrière) dans l’ensemble des
processus RH (planification et analyses prévisionnelles, recrutement, développement de
compétences et formations, conditions de travail, mobilité interne et externe, etc.).
29
voir publication http://www.csreurope.org/sites/default/files/Rethinking%20Careers.pdf,
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
59
Graphique 1 : Intégrer les critères d’employabilité tout au long de la carrière dans l’ensemble des processus RH
Graphique 2 : Performance globale en pourcentage en termes d’intégration des facteurs d’employabilité dans les processus RH
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
60
Une première analyse réalisée par CSR Europe auprès de quinze entreprises multinationales
(Françaises et internationales), entre août 2013 et juillet 2014, montre que l’employabilité
tout au long de la carrière est intégrée à hauteur de 46 % dans l’ensemble des processus RH.
Cela signifie que parmi les entreprises évaluées, plus de la moitié des processus RH ne
permettent donc pas une employabilité optimale.
Observations générales :
•
Toutes les entreprises évaluées ont défini une série de mesures pour une meilleure gestion
des carrières. Néanmoins, celles-ci restent généralement fragmentées, mises en place de
manière ad-hoc et insuffisamment intégrées dans les stratégies RH de l’entreprise. Par
ailleurs, elles ne s’accompagnent pas d’indicateurs de performance précis permettant de
mesurer l’effectivité des processus établis.
•
Les Managers et responsables RH ne sont pas ou peu sensibilisés voire formés à la gestion
des carrières tout au long de la vie.
Sur la planification des ressources et le recrutement :
•
Dans la plupart des cas, la planification des ressources et les analyses prévisionnelles sont
effectuées à une fréquence variant entre un et trois ans, avec une projection à court et
moyen terme uniquement.
•
Les approches d’identification de talents et la sensibilisation aux métiers de l’entreprise dès
l’école ne fait généralement pas partie des stratégies RH. Peu d’entreprises investissent
dans des partenariats concrets avec des écoles et des universités. Cependant, la plupart
des entreprises évaluées offrent des opportunités de stage et d’apprentissage à des
étudiants et jeunes diplômés. Par contre, ceux-ci ne sont pas évalués en termes de qualité
et de quantité.
•
Si toutes les entreprises disent avoir une politique de non-discrimination à l’embauche, un
petit nombre d’entre elles met en place des mesures encourageant l’embauche des
séniors. Des quotas existent dans certains cas en termes de recrutement et de promotion
des femmes.
Sur la gestion des compétences et le développement de carrière :
•
Toutes les entreprises évaluées proposent des formations à leurs employés. Celles-ci sont
généralement obligatoires pour les nouveaux arrivants et lorsqu’elles visent certaines
fonctions. Une gamme de formations non-obligatoires portant sur différents enjeux est
rendues accessible à tous les employés.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
61
•
Si certaines entreprises encouragent la formation de groupes de travail mixtes, le transfert
de connaissance et l’échange intergénérationnel n’est pas partie intégrante des stratégies
RH. Confrontées avec le départ à la retraite de certains employés, les responsables RH
manquent d’outils et de méthodes pour assurer une transition des compétences en amont.
•
La gestion des carrières ne prend pas suffisamment en compte les besoins de l’employé en
fonction de ses « cycles de vie ». Les systèmes de gestion des compétences restent
uniquement axés autour des traditionnelles hard skills, alors que les soft skills ne sont
qu’indirectement voire pas pris en compte.
•
Très peu d’entreprises ont mis en place des mesures d’accompagnement en vue de la
retraite.
•
Les salaires restent principalement indexés sur le niveau de séniorité de l’employé, et
proportionnellement insuffisamment sur son niveau de compétence. Un plafond au salaire
lié à la séniorité est appliqué dans certains cas.
Sur les conditions de travail :
•
Si la plupart des stratégies RH prévoient des politiques de santé et de bien-être au travail,
leur utilisation reste généralement volontaire. Par ailleurs, elles ne reposent généralement
pas sur un facteur âge (par exemple, dans certains cas seulement les visites médicales
deviennent obligatoires et suivies pour les employés d’un certain âge).
•
Des adaptations en terme de condition de travail, tel que l’ergonomie, le travail à temps
partiel, etc.), sont généralement apportées sur demande de l’employé. Certaines
entreprises offrent des formations spécifiques, comme par exemple sur les techniques de
relaxation, voire des cours de sport.
Sur la mobilité et la flexibilité :
•
Allier performance opérationnelle et bien-être des employés reste une priorité pour toutes
les entreprises. Cependant, la mobilité fonctionnelle interne et externe reste restreinte
dans la mesure où elle ne capitalise pas suffisamment sur les atouts des employés.
•
De plus en plus, des entreprises permettent à leurs employés d’effectuer des missions de
placement à durée déterminée (variant de quelques mois à deux ans) dans des entités du
groupe, voire même à l’extérieur du groupe (experience pooling). Cependant, celles-ci se
heurtent le plus souvent aux contraintes légales en vigueur des pays dans lesquelles elles
s’appliquent.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
62
•
Certaines entreprises encouragent le bénévolat, le plus souvent en-dehors des heures de
travail. Très peu d’entreprises ont mis en place des programmes de mécénat de
compétences.
•
Peu d’entreprises ont mis en place des mesures d’accompagnement vers la retraite.
•
Certaines entreprises utilisent les réseaux sociaux pour entretenir le contact avec leurs
anciens employés. Elles sont peu nombreuses à offrir des programmes de valorisation et
d’échange de compétences.
Dans l’ensemble, les résultats obtenus dans le cadre de LEA et l’analyse fournie aux entreprises se
sont montrés concluantes dans la mesure où la plupart des responsables RH évalués se servent en
effet de cela pour, d’une part étendre l’analyse auprès de leurs filiales, d’autre part activer les axes
d’amélioration avec leurs direction.
3-3 La voie vers la création ou la reprise d’entreprise
Pour bon nombre de séniors, la fin de droits ou des craintes de licenciement plus ou moins bien
fondées, lorsque l’on est encore en fonction dans l’entreprise, peuvent inciter à s’orienter vers
une création ou une reprise d’entreprise, notamment faute de pouvoir retrouver un travail, même
à temps partiel.
Mais, ainsi que nous l’avons souligné, devenir entrepreneur doit être un choix volontaire et non
une décision imposée par les circonstances, ce qui ne peut que conduire à la déception ou à
l’échec. Au-delà de ce principe de réalité, il faut toutefois considérer qu’un certain nombre de
séniors ont des capacités entrepreneuriales.
Les séniors : un potentiel entrepreneurial
De façon générale, l’on a tendance à considérer que l’activité économique, le comportement
entrepreneurial ou la création d’une nouvelle entreprise semblent être un phénomène plus
naturel chez les jeunes que chez les plus âgés. Or, l’évolution des niveaux de vie et des
particularités socio-économiques des pays industrialisés tendent à favoriser l’«entrepreneuriat
sénior». Cela est illustré par des créations/reprises d’entreprises par des séniors proches de la
retraite ou déjà retraités.
Ainsi, les investigations du Global Entrepreneurship Monitor soulignent l’intérêt accordé à l’étude
des entrepreneurs séniors qui seront probablement dans un avenir proche une catégorie
« incontournable » du paysage économique. Ce profil d’entrepreneurs présente des modes de
fonctionnement et des logiques d’action différentes des jeunes créateurs. En effet, les études et
enquêtes30 qui se sont focalisées sur l'étude de la perception de l’entrepreneuriat par cette
30
GEM, 2009 ; Rossi, 2010
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
63
population particulière, évoquent un certain nombre d'éléments caractéristiques des
entrepreneurs séniors et, notamment, la possession de ressources et de compétences liées à leur
expérience, leur appartenance à différents réseaux sociaux, leur disponibilité, leur recul, sans
oublier les connaissances acquises tout au long de leur carrière professionnelle…
L’entreprenariat sénior retraité : un entrepreneuriat voulu ou subi ?
Le départ à la retraite est souvent synonyme de vide professionnel, ce qui peut être
psychologiquement stressant31. Les personnes, qui s’étaient déjà investies dans des activités,
centres d’intérêts ou loisirs, souhaiteront les continuer, voire augmenter leur implication après la
retraite. Les individus qui considèrent leur carrière comme fortement valorisante, ont plus de
chance de vouloir continuer à s’impliquer, d’une manière ou d’une autre, dans la vie active.
Les retraités, qui souhaitent maintenir une certaine continuité des activités valorisantes dans le
monde du travail, devraient donc se tourner vers la recherche de nouvelles opportunités
professionnelles afin d’entretenir des interactions avec des collègues ou employés potentiels32.
Ainsi, la motivation de l’entrepreneuriat sénior retraité peut être expliquée par les facteurs
suivants :
• le revenu : pour les individus qui perçoivent leurs revenus à la retraite comme insuffisants,
la probabilité est forte qu’ils se lancent dans la recherche d’opportunités professionnelles.
Les séniors ayant des enfants dépendant financièrement sont également plus incités à
poursuivre leur vie active33. En effet, la charge financière liée aux enfants va pousser les
intéressés à rechercher d’autres ressources financières (un nouveau travail, une nouvelle
affaire…) afin de maintenir un niveau de vie acceptable.
• Le statut : plus la carrière est perçue comme valorisante et longue, plus les individus ont
envie de continuer dans des activités valorisantes, et plus ils ont du mal à réduire ou à
arrêter le niveau de leurs interactions sociales
L’entreprenariat sénior : un entrepreneuriat délaissé
En France, il est difficile pour un sénior de trouver des financements pour la création ou la reprise
d’entreprise ; de fait, près d’un sénior sur deux est amené à l’assurer lui-même.
Les séniors s’appuient sur leurs compétences, leurs réseaux personnels et professionnels pour
créer une entreprise. Rares sont les structures qui les accompagnent dans leur aventure
entrepreneuriale.
31
Richardson et Kilty, 1991
Kim et Feldman, 2000
33
Daniels et Daniels, 1991
32
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
64
On peut citer l’association EGEE (Entente des Générations pour l'Emploi et l'Entreprise),
principalement constituée de bénévoles et d’anciens chefs d’entreprises (prestataires séniors) ;
l’ACCRE (Aide aux Chômeurs Créateurs ou Repreneurs d’Entreprise) peut permettre sous certaines
conditions d’accéder à une exonération des charges sociales pendant un an ; le NACRE (Nouvel
accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise) propose un accompagnement et un
prêt à taux zéro.
Les séniors au chômage indemnisés par Pôle emploi, qui veulent créer ou reprendre une
entreprise, peuvent opter pour le maintien de leur Allocation de Retour à l’Emploi pendant une
durée de 15 mois maximum. Cela leur permet de continuer à percevoir leur ARE le temps de
lancer leur entreprise. En optant pour le maintien de l’ARE, le créateur ou repreneur d’entreprise
reste demandeur d’emploi.
Ce dispositif est donc un appui réel pour les séniors au chômage et qui sont encore éloignés de
leur départ à la retraite. Il donne notamment la possibilité d’étudier des projets de reprise
d’entreprise, pour autant que le sénior dispose des moyens financiers nécessaires, ce qui n’est pas
le cas pour la majorité.
En Europe, il existe des initiatives intéressantes : à titre d’exemple, en Suède, la Fondation « Jobs
and Societies » intervient avec succès dans ce domaine depuis plus de vingt-cinq ans
Les séniors et la reprise d’entreprise
Compte tenu de leur capital d’expérience, certains séniors peuvent être tentés de reprendre une
entreprise. Les opportunités ne manquent pas : diverses sources évaluent à 60.000 par an sur la
décennie le nombre d’entreprises qui doivent changer de mains du fait de l’âge de leur dirigeant.
En réalité, il s’agit surtout de fonds de commerce. La Chambre de Commerce de Paris retient le
chiffre de 223.000 sur les dix prochaines années. Le poids des commerces semble dominant.
L’APCE en 2007 recensait 700.000 entreprises dont le dirigeant avait plus de 50 ans, mais
seules 350.000 environ auraient une réelle valeur marchande.
En fait, au-delà de la transmission elle-même, c’est la destruction d’emplois qu’il faut considérer
en l’absence d’opérations de reprise : sur la base de 2007, les entreprises dont les dirigeants
avaient plus de 50 ans représentaient plus d’un million d’emplois34. En juin 2014, le CROCIS
mentionne dans sa lettre mensuelle que plus d’une entreprise francilienne sur trois est dirigée par
un chef d’entreprise de 55 ans ou plus, ce qui concerne donc 281.400 entreprises de moins de 50
salariés. Partant du constat que 31 % de ces entreprises emploient un ou plusieurs salariés, le
CROCIS estime à 59.300 le nombre de salariés menacés chaque année par la disparition de leur
entreprise, faute de repreneur.
34
Minefe : risques et opportunités de la transmission des entreprises industrielles – Janvier 2008
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
65
Or, ce qui domine, c’est l’impréparation, que ce soit du côté des cédants ou des repreneurs. En
2007, le Ministère des PME indiquait que sur 100 entrepreneurs individuels partant à la retraite,
55 n’avaient pas cherché à céder leur entreprise, 37 avaient voulu la céder et y étaient parvenus,
et 8 avaient essayé mais sans y parvenir.
Le marché de la reprise est donc déséquilibré : chaque année de nombreux chefs d’entreprises
envisagent la retraite mais ont des difficultés à trouver un repreneur. Comme nous l’avons
souligné, ces entreprises représentent un important gisement d’emplois et l’absence de reprise
conduit à des cessations d’activités et à des licenciements. Ces difficultés sont surmontables de
plusieurs façons, car il est possible de :
• Aider à la reprise par des salariés par : des apports de compétences (dans le domaine de la
gestion par exemple) provenant des chambres professionnelles, voire d’associations de
bénévoles ; aussi par l’accès au financement pour l’entreprise et par emprunt pour les
salariés concernés, voire par le déblocage anticipé de leurs encours en épargne salariale.
• Utiliser le bilan de compétences effectué dans les entreprises. C’est une opportunité pour
orienter un salarié vers un dispositif de formation pour son devenir dans l’entreprise mais
également un diagnostic pour son évolution et ses perspectives de ré-orientation hors de
l’entreprise. La connaissance des offres de reprise dans sa proximité, dans son domaine de
savoir-faire, peuvent constituer une option à saisir.
• Mieux identifier les possibilités de reprise par les responsables de ressources humaines,
qui pourraient être la plaque tournante pour regrouper les informations recueillies par les
différents acteurs de l’entreprise auprès des fournisseurs, partenaires, clients. Le lien avec
les chambres professionnelles, permettrait une contribution à l’enjeu des reprises
d’entreprises.
Certaines institutions, comme SGAM AG2R La Mondiale, ont mis en œuvre des actions très
concrètes de soutien à la création d’entreprise dans le cadre des actions sociales des Caisses de
retraite Agirc Arrco, avec notamment, pour l’entreprise ici citée, la création du Fonds d’Innovation
AG2R La Mondiale. En liaison avec des associations, ce fonds intervient sur des projets innovants
et d’essaimage, par exemple pour des seniors en recherche d’emplois. Ainsi, France Active a
monté le projet « 45+ » pour accompagner les personnes de 45 ans et plus à créer une entreprise.
Les groupes de protection sociale en relation avec leurs entreprises adhérentes, ainsi que les
mutuelles, moteur de l’économie sociale, peuvent donc jouer un rôle important dans l’appui du
retour à l’emploi des séniors.
Bassins d’emplois et rôle des acteurs
Des initiatives pour protéger ou promouvoir le tissu économique dans un bassin d’emploi existent
dans les grandes agglomérations et dans certaines collectivités territoriales ; elles proviennent de
plusieurs sources, par exemple des élus locaux ou des chambres professionnelles. Cependant, une
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
66
plus grande mobilisation et une meilleure coordination des efforts, à l’image de ce qui a été
proposé plus haut, devraient permettre :
•
d’identifier les besoins, les problèmes potentiels existants, avec objectifs, plan de mise en
œuvre et moyens à mobiliser ;
•
de réunir dans une cellule les acteurs concernés pour la mise en œuvre : élus, tissu associatif,
chambres professionnelles, pôle emploi, enseignement, entreprises, organismes financiers,
média.
Cette mobilisation des acteurs, démarche de création de richesse et d’emploi, est un enjeu local
de la responsabilité des élus.
Renforcer l’accompagnement à la création ou à la reprise
Certes, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, tous les séniors n’ont pas les capacités à créer ou
reprendre une entreprise ; certains sont capables de le faire, d’autres peuvent apporter une
contribution utile. Inciter les séniors à participer à plusieurs - et non individuellement comme le
plus souvent- à une action de création d’entreprise pluri-générationnelle, c’est avoir une vision a
minima à moyen terme, avec un projet de développement d’une entreprise conçue dès le départ
pour être pérenne, avec toutes les compétences requises et pas seulement pour assurer la
transition entre perte de l’emploi salarié et retraite d’une seule personne.
De par les potentiels démographique, économique et entrepreneurial des séniors, ainsi que de
leurs spécificités (expérience, connaissances, réseaux…), il serait judicieux de proposer un
accompagnement destiné aux séniors. Ceci peut se faire via des structures déjà existantes ou à
travers des réseaux ou établissements spécifiques dédiés, pour informer, orienter et accompagner
les séniors entrepreneurs dans le financement et la création de leur entreprise.
Des mesures fiscales et financières incitatives, tant de la part du gouvernement que des banques
et organismes locaux de soutien à l’économie et à l’entreprise, des structures de conseil pour le
développement de telles initiatives, sont à organiser.
3-4 Trois exemples de bonnes pratiques parmi d’autres
A- Le réseau d’entrepreneurs « Parrainer la croissance »
L’expérience du réseau d’entrepreneurs « Parrainer la croissance », une association de la
Région Parisienne, illustre une approche collective intéressante. Dans le cadre des actions
qu’elle met en œuvre, de grands groupes acceptent de mettre gratuitement à la disposition
des PME certains de leurs cadres en fin de carrière. D’ores et déjà, selon Le Figaro du 30 mai
2014, Total, Alcatel, Sanofi, GDF Suez, la SNCF ont accepté de s’engager dans cette
opération.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
67
Cette démarche permet aux 3 parties concernées - le cadre sénior, le groupe d’origine et la
PME d’accueil - de jouer « gagnant-gagnant ».
• aux cadres qui se retrouvent à 55 ans dans un plan de départ ou ne souhaitent pas
prendre leur retraite, elle donne l’opportunité de rebondir,
• aux PME, elle apporte la capacité d’acquérir les compétences qu’elles peinent
souvent à attirer et dont elles ont besoin pour croître et monter en gamme,
• aux grands groupes, elle offre la possibilité d’accompagner leurs cadres en les aidant
à se repositionner plutôt qu’en les faisant partir avec des indemnités financières
lourdes pour l’entreprise.
A cette date, 25 séniors avaient été envoyés dans 15 PME.
La clé de réussite de cette approche réside dans une sélection rigoureuse du binôme cadre –
PME. Plus spécifiquement, il est essentiel que le cadre soit motivé et qu’il s’adapte à
l’univers d’une PME, fort différent de ce qu’il a connu dans un grand groupe. Concrètement,
le cadre sénior commence à travailler deux à trois jours par semaine pour la PME tout en
étant payé par son groupe d’origine. Si tout se passe bien, la PME lui fait une offre d’emploi
entre le 9ème et le 18ème mois, avec une rémunération inférieure à celle que le sénior
touchait dans son emploi précédent. Le différentiel peut être traité différemment selon les
situations individuelles et la législation en vigueur : couverture par la retraite, participation
au capital, stock-options.
B - L’entreprise Convers
L’exemple ci-après de la société Convers illustre parfaitement nos propos : « Chez Convers,
l’emploi des séniors n’est pas un effet de mode, c’est une stratégie. »
Philippe de Gibon, PDG de l’entreprise niçoise, affiche depuis douze ans son parti pris : miser
sur un personnel mature et expérimenté dans son centre d’appels. Ponctualité, rigueur,
maîtrise de la langue, expérience de l’entreprise sont quelques-unes des raisons qui ont
poussé Philippe de Gibon à privilégier les séniors dans ses recrutements. C’est aussi parce
qu’ils sont devenus un véritable argument commercial vis-à-vis de certains de ses clients.
Ces salariés sont plus “rassurants”, “plus stables”, ce qui limite par là même le turnover,
talon d’Achille des centres d’appels. Pour les convaincre de rejoindre Convers, Philippe de
Gibon propose des horaires flexibles et des contrats de travail modulables deux fois par an.
Aujourd’hui, 20 % de l’effectif a plus de 60 ans et le chef d’entreprise n’est pas peu fier
d’avoir accompagné récemment son premier salarié à la retraite. Avec dix ans d’ancienneté
dans l’entreprise et… 78 printemps.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
68
C - « Défense Mobilité »
« Défense Mobilité » est un service de la Direction des Ressources Humaines du Ministère
de la Défense avec 51 antennes réparties sur l’ensemble du territoire et dans chaque base
de défense.
L’objectif de « Défense Mobilité » est de mettre en adéquation les compétences, les
aspirations du militaire et les possibilités offertes par le marché de l’emploi de la région
d’exercice de ses futures fonctions. Le service accompagne les militaires impliqués, de la
définition de leur nouveau projet de vie professionnelle à leur intégration dans l’entreprise.
Actions auprès des militaires
Les conseillers du service « Défense Mobilité » accompagnent les militaires et gendarmes
qui réorientent leur carrière (près de 30 000 militaires chaque année retournent à la vie
civile), de tous âges et de toutes qualifications, de l’opérateur au cadre supérieur, chacun
d’eux conjuguant à la fois savoir-faire et savoir-être, pour les aider à définir un nouveau
projet professionnel. Les militaires peuvent accéder à ce service jusqu’à 3 ans après leur
départ de l’institution. Il leur est conseillé d’engager la démarche 12 à 18 mois avant leur
départ de l’institution. Le service est également ouvert à leur conjoint.
Le programme s’inscrit dans une démarche qualité et comporte 4 étapes :
•
•
•
•
Information
Orientation
Aides à l’accompagnement
Placement
Les aides sont apportées sous forme d’actions individuelles et/ou de sessions collectives :
bilan d’orientation, de compétences, bilan personnel et professionnel, bilan projet, ateliers
métiers secteurs et techniques, formation aux techniques de recherche d’emploi pour le
secteur privé et/ou pour le secteur public, prestations individuelles et/ou collectives
d’accompagnement vers l’emploi. Le Centre militaire de formation professionnelle
coordonne l’ensemble des formations professionnelles en milieu militaire pour tout militaire
contractuel quittant l’institution sans acquis transposables.
Actions vis-à-vis des entreprises
Le service offre aux entreprises :
• la sélection de candidats en fonction de leurs besoins et de leurs attentes, candidats
qui ont été préparés à leur prise de fonction,
• un interlocuteur unique au plus proche de la zone géographique de l’entreprise,
• un mode de fonctionnement en réseau entre les structures « Défense Mobilité »
locales,
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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• un site Internet dédié et actualisé avec mise en ligne de leurs offres et accès à la
CVthèque,
• des solutions et des aides personnalisées en fonction de leurs besoins pour
permettre l’intégration du nouveau recruté dans les meilleures conditions.
Actions pour la création/reprise d’entreprises
Un partenariat Défense-Entrepreneur a été signé tout récemment entre le Ministère de la
Défense et le MEDEF, porté par « Défense Mobilité » pour le compte du Ministère, qui
repose sur la création de 22 binômes composés de chefs d’entreprise et de militaires
engagés dans un parcours de création ou de reprise d’entreprise. Ce parcours inclut une
période d’immersion du militaire d’environ une semaine dans la société de son binôme, puis
une session d’information organisée par le MEDEF, notamment sur les aspects financiers et
juridiques. Les chefs d’entreprise sont eux immergés 48h au sein d’unités militaires et se
verront proposer de rejoindre la réserve citoyenne.
Conclusions partielles et recommandations
Les trois vocables employés (anticipation, optimisation, flexibilité) mettent en évidence les rôles
respectifs des salariés eux-mêmes, des entreprises, du secteur éducatif, des acteurs locaux, de
l’Etat.
Tous les secteurs économiques ne présentent pas la même vulnérabilité au changement et tous
les bassins d’emploi ont des spécificités et des atouts qu’il faut stimuler. Une amélioration de
l’emploi au sens large et de l’emploi séniors en particulier passe par une revue de détail
impliquant les acteurs économiques et les élus et un texte d’orientation précisant les enjeux, les
rôles respectifs, le suivi des résultats. La création ou la reprise d’entreprises est une option qui
mérite d’être mieux accompagnée, notamment au sein de l’entreprise dans une phase
préparatoire, ainsi qu’au niveau du bassin d’emploi.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
70
4. La préparation du futur : une « séniorité » active et productive dans
l’entreprise
Traiter de l’employabilité des séniors dans le contexte actuel, à la fois fait d’augmentation du
chômage, de faible croissance, n’est pas chose aisée et nous avons présenté plusieurs mesures
pour, si ce n’est renverser la tendance du chômage des séniors, au moins en réduire le rythme ou
y apporter un traitement social digne d’un pays qui figure encore dans les cinq premières
puissances économiques mondiales.
Mais les marges de manœuvres sont plus importantes et donc plus faciles à utiliser pour ceux qui
deviendront dans 10 ou 20 ans des séniors.
4-1 Les nouveaux métiers et les futurs séniors
Sur un marché du travail tendu et fluctuant, les entreprises privilégient et développent les
compétences polyvalentes, adaptables. C’est pourquoi il est de plus en plus important d’évaluer le
potentiel des candidats, leur capacité à s’adapter aux besoins futurs de l’entreprise. Mais quels
seront les métiers et les emplois de demain ? Si une première réponse est apportée pour les
secteurs et les métiers créateurs d’emploi à l’horizon 2020 (voir paragraphe 3.1), elle ne suffit pas
pour caractériser les compétences qui seront recherchées par les entreprises pour faire face aux
défis de demain.
Les comparaisons internationales font ressortir les difficultés particulières de la France dans la
compétition mondiale. Les handicaps dont nous souffrons apparaissent aux deux niveaux du
système de formation, initiale et professionnelle :
•
des formations scolaires et universitaires trop coupées d’une réflexion d’ensemble sur
l’insertion professionnelle et ne permettant pas d’acquérir dans le scolaire le niveau exigé
dans les disciplines et savoirs de base (enquête PISA) ;
•
une formation continue moins développée que dans les pays voisins et ayant peu
d’influence sur la promotion des salariés en raison du poids déterminant dans les carrières
du niveau acquis dans la formation initiale (enquête PIAAC)
Une étude de McKinsey montre en 2014 le risque pour la France d’une inadéquation croissante
entre l’offre et la demande de compétences (« dynamiser le marché du travail en France pour
créer massivement des emplois »). Même si elle repose sur des hypothèses de chômage et de taux
d’activité peu réalistes dans le contexte actuel de croissance ralentie (chômage de 5,5 % et taux
d’activité de 72,7 % à l’horizon 2020), l’étude indique qu’il pourrait manquer 2,2 millions de
diplômés de niveau Bac ou supérieur tandis que 2,3 millions de personnes peu qualifiées ne
trouveraient pas d’emploi. L’écart de compétences concerne également les spécialisations et les
filières de formation à chaque niveau d’études.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
71
Ce constat est confirmé par les enquêtes sur les métiers en tension pour lesquelles les employeurs
déclarent ne pas trouver sur le marché du travail les compétences dont ils ont besoin. Le déficit de
compétences est de deux ordres :
•
un déficit important de compétences relationnelles et de connaissances pratiques des
réalités de l’entreprise, marqué à la sortie de l’appareil de formation ;
•
un déficit croissant de compétences scientifiques et techniques compte tenu de
l’importance des ruptures technologiques à venir. Ce dernier point concerne
prioritairement les actifs entrés dans la vie active dans la décennie 90 et les futurs séniors ;
•
à tous ces éléments s’ajoute le nombre croissant des départs des jeunes diplômés vers
l’étranger, avec l’objectif non pas seulement d’acquérir une expérience et une formation
supplémentaire mais de s’y installer durablement.
Les mutations technologiques en cours vont favoriser l’essor d’expertises nouvelles au sein des
entreprises quel que soit le secteur d’activité (industries et services), transformer la palette de
compétences exigée de tous les collaborateurs et faire évoluer les organisations et le management
des entreprises.
Alors que l’évolution des qualifications requises dans l’emploi implique que « d’ici 2015, pas moins
de 90 % des emplois exigeront des compétences numériques », Antonio Tajani, commissaire chargé
de l’industrie et de l’entrepreneuriat a confié son inquiétude : «l’insuffisance de main-d’œuvre
qualifiée freine la croissance dans le secteur des hautes technologies et entraîne des déperditions
qui menacent d’entraver la capacité d’innovation de l’Europe et sa compétitivité dans le monde ».
Serge Zimmermann*, directeur Solutions Recrutement & RPO de ManpowerGroup Solutions
France.
Ces mutations comportent un risque important pour les salariés âgés et les futurs séniors. En effet,
beaucoup d’aptitudes demandées par les entreprises sont liées à la « digitalisation » ou
« numérisation » croissante des activités et à l’exploitation des « Big data ». On risque ainsi de se
retrouver, comme dans les années 1990-2000, avec une fracture numérique dont seront victimes
les salariés peu ou pas qualifiés.
L’étendue et la rapidité de diffusion des nouvelles compétences ont été mesurées par plusieurs
études de prospective récentes. Pour les activités tertiaires qui représentent 76 % des emplois en
France dont 47 % pour le tertiaire marchand et 29 % pour le tertiaire non marchand, une étude
d’Olivier Wyman (« mondialisation des services » 2013) prévoit une explosion des échanges de
services dans les 10 prochaines années, la part exportable devant doubler passant de 9 % à 18 %
du chiffre d’affaires des entreprises.
La « digitalisation » des « business models » de services et des emplois de service va amplifier ce
phénomène, qui affecte déjà en France le comportement d’achat des consommateurs (ecommerce), le secteur des activités financières (banque et assurances), l’industrie du voyage et
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
72
l’industrie des logiciels et des services informatiques. Compte tenu de la migration en cours des
pays émergents (Chine et Inde en priorité) vers des économies tertiaires, l’étude chiffre à 10 ans la
fenêtre d’opportunité pour la France pour se positionner sur ces nouveaux marchés.
Dans cette perspective, l’élévation des compétences des actifs, salariés ou non-salariés devient
un enjeu majeur pour la France, en priorité celles des séniors dès l’âge de 45 ans. En effet ces
derniers souffrent d’un double handicap :
• un niveau de formation sur les NTIC inférieur à celui des nouvelles générations ;
• un moindre accès à la formation continue, particulièrement net pour les travailleurs
faiblement ou pas qualifiés.
Les enquêtes internationales montrent que le retard en termes de qualification et d’acquisition de
compétences « critiques » est d’autant plus grand que l’on avance en âge.
Pour les séniors dans l’emploi et les futurs séniors, dès 45 ans, cet effort sans précédent de
formation continue doit passer par les actions suivantes :
• Des plans volontaristes pour assurer, dans chaque branche, la montée en compétences et
pour adapter les compétences des séniors aux besoins des emplois de demain.
Ces plans doivent s’appuyer sur les observatoires de branches, notamment dans les
branches les plus exposées à la numérisation de leurs activités et susceptibles d’être
confrontées à court terme à la pénurie d’actifs hautement qualifiés.
Il appartiendra aux partenaires sociaux de veiller à la mise en œuvre de ces plans, avec une
obligation de moyens (via un quota d’actions de formation pour les séniors) et de résultat,
avec un suivi particulier pour les salariés de 45 ans et plus, peu ou faiblement qualifiés.
• L’accélération de la mise en œuvre des droits ouverts en matière de formation tout au
long de la vie.
La loi de février 2014 prévoit un entretien professionnel tous les 2 ans et au terme de 6 ans
un état des lieux du parcours professionnel du salarié dans l’entreprise. A défaut de
réalisations concrètes, le compte personnel de formation sera abondé par l’employeur.
A cet égard, GENERATIONS E.R.I.C. rappelle qu’il a fait des propositions pour redonner aux
formules de participation et d’intéressement et plus globalement à l’épargne salariale une
dimension politique à ces dispositifs qui, selon nous, fait défaut aujourd’hui. Ainsi, nous
avons proposé de repositionner ces formules sous la dénomination Epargne Projet, afin de
mieux répondre aux attentes du corps social. Il en est ainsi de la formation.
En effet, GENERATIONS E.R.I.C considère que le droit à la formation est plus que par le
passé un élément clef du pacte social de l’entreprise et donc de la participation dans son
principe fondamental, celui de redonner aux femmes et aux hommes la maîtrise de leur
destin.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
73
Par conséquent, nous proposons que l’entreprise puisse constituer, selon le choix des
salariés optant pour une formation qualifiante pour le versement de sa participation, une
Réserve de Participation à la Formation dont le montant sera équivalent au montant des
sommes versées chaque année ; et cela en franchise d’impôts, y compris en incluant
l’abondement pour la formation qui sera constituée dans le cadre nouveau dispositif.
Les formations qui seront financées à partir de cette réserve devront être qualifiantes, au
moyen de la délivrance d’un certificat ou diplômes par une université ou une Grande
Ecole, ou encore un organisme de formation professionnelle agréé ayant signé une
convention avec l’Etat. Les formations à la maîtrise des nouvelles technologies seront
privilégiées, afin de viser une hausse du taux de productivité et l’employabilité des
bénéficiaires.
Pour mémoire, une formation informatique d’une semaine coûte un peu plus de 4.000 € HT
pour 35 heures de formation. Ce budget est compatible avec le montant des primes de
participations, plus abondement, plus DIF/compte personnel de formation.
La référence à cette participation à la formation sera intégrée au sein même du contrat
de travail, afin de lui donner une plus grande publicité parmi les salariés.
En outre, cette disposition devra être reliée à la création du CPF (Compte Personnel de
Formation), qui vient en substitution au DIF. Celui-ci était présenté à l’origine comme un
dispositif destiné à permettre aux salariés d’être acteurs de leur formation professionnelle,
cette prise de responsabilité étant conforme à l’esprit de la participation. Or, selon les
études, seuls 6,5 % des salariés exerceraient ce droit.
En conjuguant la prime de participation à la formation au Compte Personnel de
Formation, avec un éventuel abondement supplémentaire de l’entreprise à ce CPF, il
serait possible d’aboutir à un dispositif conduisant à une élévation régulière du niveau de
qualification. En effet, les avancées techniques et technologiques sont aujourd’hui très
rapides, et rehausser la qualification par des paliers trop espacés en matière de formation
professionnelle oblige à un effort considérable pour le salarié et un volume d’heures
conséquent pour l’employeur.
Ainsi conçue, la « participation à la formation » constituera un levier pour assurer une
meilleure employabilité, une meilleure qualification et donc une meilleure rémunération.
Elle redonnera aux salariés le choix d’orienter leur épargne pour élever leur qualification,
assurant ainsi une meilleure capacité d’employabilité. Elle favorisera également le maintien
des compétences des seniors, qui ne bénéficient plus de formations dans la pratique.
• Le recours au conseil en évolution professionnelle, avec une structuration des réseaux
concernés.
Chaque sénior peut bénéficier d’un conseil pour l’aider à mieux identifier ses aptitudes ou
compétences professionnelles et l’accompagner dans son orientation professionnelle :
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
74
l’exercice de ce droit est particulièrement utile pour les salariés ayant besoin d’une remise
à niveau liée à la numérisation des emplois ou envisageant un projet d’évolution ou de
reconversion professionnelle.
4-2 L’intrapreneuriat : une démarche à développer
C’est aux Etats-Unis, à la fin de la décennie 70, qu’est né ce concept. Autant dire que depuis plus
de quarante ans, la France n’a pas modifié les cultures et les pratiques RH pour encourager cette
démarche auprès des salariés, notamment les cadres, pour qu’ils se donnent les moyens euxmêmes de maîtriser leur évolution professionnelle.
Certes, on relie souvent intrapreneuriat et innovation, ce qui explique pourquoi cette démarche
est davantage développée dans le secteur des technologies, comme par exemple le programme
Bootcamps chez Alcatel-Lucent, une formation interne qui vise à favoriser les montages de projets
innovants et donc la création de nouvelles opportunités.
Mais l’impact attendu de l’économie digitale justifierait que les professionnels des ressources
humaines s’y investissent beaucoup plus et pas seulement dans les grandes entreprises. Cet enjeu
a semble-t-il été compris par certaines organisations, comme DecidRH qui a organisé en juin
dernier son Université de l'Intrapreneuriat RH. Un des thèmes était celui de la « gestion des
séniors au travers d’initiatives en prolongation d’un plans d’action du contrat de génération »35.
Il y a donc un début de prise de conscience que le modèle actuel de l’entreprise sera de moins en
moins adapté aux contingences d’un autre type d’économie, qui coexistera peut-être avec des
formes plus traditionnelles et anciennes.
Face aux défis de la compétitivité, dans un environnement de plus en plus connecté, de plus en
plus complexe, avec des technologies introduisant de vraies ruptures (numérique, génomique,
etc.) et de nouveaux modes d’organisation du travail, par exemple le «coworking », il faut
certainement revoir notre modèle d’entreprise.
Nous partageons l’analyse de Christian Saint-Etienne qui considère que « la révolution de
l’intelligence en cours va déconstruire les systèmes massifiés et hiérarchisés …… », ce qui constitue
une accélération de l’histoire pour les institutions et organisations : « alors que les deux premières
révolutions industrielles ont suivi des dynamiques très proches, en terme d’accélération du progrès
technique, sous forme de grappes d’innovation, la révolution de «l’Iconomie dépasse la vision
fausse d’un modèle post industriel alors qu’il est hyper industriel ».
Pour accompagner cette révolution, il faut donc créer un écosystème entrepreneurial qui favorise
l’appétence au risque. Il faut sans doute aussi dessiner un cadre au plan juridique, afin d’établir
35
Voir le compte-rendu sur le site : http://universitedesrh.fr/data/documents/Club-DeciDRH-Compte-RenduUniversite-Intrapreneuriat-RH-19-et-20-juin-2014.pdf
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
75
une relation différente entre l’animateur de l’entreprise et les créateurs d’innovation, en prenant
en considération que les attentes des générations Y et surtout Z sont très différentes de celles de
leurs aînées, ainsi, et surtout, que leur rapport à l’entreprise et au travail.
L’ouverture à l’Intrapreneuriat est probablement une voie à explorer pour favoriser leur
épanouissement au sein de l’entreprise.
Ainsi que le soulignait Frank Morel, avocat associé au Cabinet Barthelemy, lors de l’Université de
l’Intrapreneuriat RH, « ce n’est pas la qualification sur le papier qui définit le statut
d’Intrepreneuriat, mais l’analyse réelle des conditions d’exercice. Il peut exister des situations
intermédiaires : le portage salarial, les relations triangulaires de travail (prestations de travail,
mise à disposition…). »
A l’avenir, il serait possible de mettre en place des « contrats de compétences », distincts des
contrats de travail, qui transformeraient notamment, pour une partie du personnel, les conditions
d’emplois et d’employabilité. Hugues de Jouvenel en 2002 livrait ainsi sa vision concernant la
nature des rapports de travail : « Le travailleur du futur se positionnera comme un travailleur
indépendant, offreur de services à de grandes organisations ».
Conclusions partielles et recommandations
Des métiers vont disparaître, de nouveaux métiers vont se faire jour ; cette évolution doit être
maîtrisée. L’insertion professionnelle doit être préparée dès l’école et poursuivie par la
formation continue pour obtenir et maintenir une main d’œuvre qualifiée et motivée dans les
entreprises. Une réflexion sur la nature des besoins en compétences doit s’établir dans les
branches professionnelles. Un style de management, une organisation, des modes contractuels
adaptés aux attentes et aux modèles culturels des générations au sein de l’entreprise seront des
clés de succès.
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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5. Conclusions et principes directeurs
En conclusion de ce livre blanc quelques points méritent d’être rappelés :
-
Le chômage des séniors est un problème structurel qui ne concerne pas qu’une population
spécifique mais qui affecte l’ensemble de la société française. L’impact du chômage des
séniors ne se limite pas au présent et au futur proche. S’il n’est pas traité de façon
énergique et lucide aujourd’hui il se répercutera sur le moyen et le long terme de façon
encore plus grave, tant sur le développement économique du pays que sur l’emploi, toutes
catégories confondues, et par conséquent sur le climat social.
-
Le chômage des séniors ne peut être traité de façon isolée, il doit être considéré dans son
environnement politique, économique, financier, fiscal, réglementaire et social. Il s’agit
d’une approche globale.
-
Le chômage des séniors ne peut être résolu uniquement par des mesures nationales ; il
ne peut se résorber qu’avec des mesures locales, impliquant la concertation entre tous les
acteurs politiques, économiques, sociaux et de formation concernés sans oublier les
séniors eux-mêmes, qui doivent tous être impliqués dans la recherche de solutions
innovantes, capables de stimuler la capacité d’entreprendre de chacun.
Les mesures que nous préconisons sont concrètes et se veulent efficientes. Mais elles demandent
le courage de reconnaître les faits, de définir une vision, des objectifs et des indicateurs de progrès
et de mobiliser tous les acteurs potentiels au-delà des combats idéologiques stériles.
Les bénéfices attendus de la mise en œuvre de ces mesures sont multiples :
-
économies directes et indirectes, à court et à long terme, retour sur investissement des
dépenses engagées, sécurisation des retraites pour tous les ayants-droits,
-
valorisation de toutes les compétences, savoir-faire, savoir être, savoir-faire-faire, et de la
capacité de créer et d’entreprendre, pour sauver le présent mais surtout pour préparer
l’avenir dans un monde en pleine évolution, peut-être même en pleine révolution
technologique, managériale et sociétale.
-
renforcement des liens multigénérationnels et des liens de proximité, un moyen parmi
d’autres de lutter contre l’isolement de certaines catégories de population, la perte de
savoir-faire et de respect des valeurs qui sont les fondements de toute vie en société.
Vaste programme certes mais il y a urgence !!!
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Les recommandations
Un dispositif d’ensemble :
• Une démarche construite : une vision, des objectifs, des moyens, un suivi
• Une mobilisation politique et économique dans les bassins d’emploi
• Pragmatisme et proximité versus centralisation
Les séniors au chômage : un traitement spécifique, des offres alternatives
• Tutorat : l’utilisation du savoir-faire, aide scolaire, encadrement associatif, expertise auprès
des PME/PMI, tutorat d’expérience
• Lancement – enrichissement - coordination de projets locaux
• Création/reprise d’entreprises
Les générations futures à préserver :
• Anticipation : des outils de pilotage de l’emploi
. Des comportements responsables des entreprises sur l’employabilité des séniors
. L’identification des secteurs, des bassins, à risque de destruction d’emploi
• Optimisation : la préservation des ressources
. L’équilibre démographique dans l’entreprise
. L’évaluation des potentiels
. Un plan de formation adapté
. La coordination avec les acteurs locaux publics et privés
• Flexibilité : pragmatisme versus monolithisme
. L’âge et les modalités de départ à la retraite
. L’autonomie des branches professionnelles versus une législation nationale
. L’allégement du Code du Travail
. Une révision des effets de seuils
L’enjeu des reprises d’entreprises : des opportunités
• Organiser, aider au financement des reprises par des salariés
• Utiliser les bilans de compétences dans les entreprises pour des reconversions
• Anticiper, identifier les entreprises à reprendre dans les bassins d’emploi
• Créer une « cellule de coordination » pour réunir les acteurs concernés dans les bassins
d’emploi
• Recenser les bonnes pratiques
La préparation du futur : pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets
• Renforcer les liens entre univers scolaire, universitaire et milieux économiques pour
faciliter l’insertion professionnelle
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• Identifier les qualifications requises dans l’emploi de demain, dont la maîtrise du
numérique
• Préciser les besoins locaux et dans les branches professionnelles
• Mettre en œuvre une réelle « formation tout au long de la vie »
• Effectuer régulièrement un bilan des aptitudes et compétences requises des salariés
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ANNEXES
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Tableau de bord RH SENIORS
TABLEAU DE BORD DRH / SENIORS
SEQUENCES
ACTION
INDICATEURS DE PROGRES
ANTICIPATION
Evolution de
l'environnement
marché, clients, produits,
Identifier impact sur les seniors
concurrence, technologies,
Définir les objectifs / seniors
méthodes
Définir les mesures à mettre en œuvre selon
le concept du QQOQCP
Pilotage de la mise en œuvre
Définir les critères d'évaluation / objectifs
Evaluation régulière
Exploiter les dossiers du personnel (âge)
Suivi statistique :
Départs potentiels à la
retraite
Exploiter les entretiens annuels
Sensibiliser les hiérarchiques directs
Prévoir les fins de parcours professionnels
•
Nombre de personnes
impliquées
Nature de l'impact
•
réel / prévisions
• par métiers/fonctions
Evaluation régulière de
l'efficience des modalités
prévues statistiques et
qualitatives
à partir des entretiens annuels
•
en consultant les représentants du
personnel
• en impliquant les hiérarchiques
directs et les instances dirigeantes
Introduire ces parcours dans la GPEC
Apparition de problèmes
physiques dus à l'âge
Introduire dans la GPEC
•
la mobilité à intervalles réguliers
•
la polyvalence
Vérification réel / prévisions
•
la formation pour tous pour faciliter
cette mobilité et/ou cette
polyvalence
Analyse des obstacles rencontrés et actions
correctives et préventives
Introduire dans les entretiens d'évaluation
•
•
Contrôles par sondages
évolution du poste sur l'année
passée
évolution à prévoir pour l'année
future
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Responsabiliser les hiérarchiques
Risques de démotivation
Formation des hiérarchiques à l'écoute
active et à l'observation
Encouragement des salariés à être forces de
proposition
Communiquer sur la vision et les objectifs de
l'entreprise et être clair sur le rôle et la
contribution attendue de chacun
Recensement régulier des
initiatives fructueuses
Exploiter les entretiens annuels
Adapter la pédagogie des formations en
fonction de l'âge des publics concernés
Evaluation à chaud et à froid des
formations
Coût salarial et baisse de
productivité
Adapter la politique salariale en fonction de
l'évolution des fonctions tenues, des
objectifs fixé, des niveaux de responsabilités
définis avec et pour les salariés seniors
Consulter les partenaires sociaux + négocier
et communiquer sur cette politique salariale
Vérifier réel / prévisions et
annonces
Recensement des
compétences des seniors
non utilisées
Introduire dans les entretiens de mi carrière
l'identification des compétences non
utilisées dans le poste actuel
+ la proposition de bilan de compétences
Nombre de mobilités réalisées
après cet entretien - par type
d'évolution
Nombre de bilans réalisés /
objectifs
Développement d'équipes
et de groupes de travail groupes projets
multigénérationnels
Stimuler de telles initiatives
Nombre de groupes / objectifs
Identifier les obstacles éventuels rencontrés
Nombre de seniors impliqués /
Maître en œuvre les mesures correctives et
préventives
nombre de seniors total
Stimuler les VAE
Informer, encourager, accompagner,
reconnaître les démarches de VAE et les
succès obtenus
Impliquer les hiérarchiques
Nombre de démarches et de
réussites / objectifs
Adéquation segmentation
de la clientèle finale par
âge et segmentation des
salariés par âge
Collaborer avec les services ventes –
marketing
Pyramide des salariés par
tranche d'âge et estimation du
poids de la clientèle finale de
l'entreprise au-dessus de 45 50ans et +
OPTIMISATION
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FLEXIBILITE
Flexibilité de l'âge de
départ à la retraite
Flexibilité des conditions
d'exercice des fins de
carrière
Recenser les projets les demandes lors des
entretiens annuels
Statistiques départs réels/âge et
prévisions
Prévoir des offres standard en concertation
avec les seniors, leurs hiérarchiques et les
représentants du personnel
Analyse des réalisations /
prévisions quantitatives et
qualitatives
Prévoir des variantes et des possibilités de
souplesse pour tenir compte des situations
individuelles
Evaluation et mise en œuvre d'actions
correctives et préventives
Flexibilité de la politique
de rémunération
Concevoir une politique de rémunération qui
anticipe la problématique des parcours et
des profils atypiques
Identifier ces situations dans les
tableaux de bord de suivi des
rémunérations
Communiquer sur cette politique de
rémunération en toute transparence
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2. Liste des participants au groupe de travail
Rapporteur : Lionel Tourtier, Délégué général de GENERATIONS E.R.I.C.
Hélène Chappé : Commission HEC séniors, coach
Nicole Legrain : AGE Plateform Europe, ancienne DRH et conseil RH
Imen Safraou : Co-responsable département Marketing ESG
Olivier Isabelle : Vice-président d’HEC Bénévolat, ancien DRH, ancien chasseur de tête
Michel Revest : Directeur Recherche & Innovation COVEA
Michel Riquier : Confédération Française des Retraités
3. Liste des personnes consultées
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Philippe Baduel, Directeur Affaires Sociales groupe SPIE Batignolles
Bernard Castells, Consultant en organisation
Pascal Collardey, DRH Corporate KPMG France
Sarah Dekkiche, Responsable des Opérations chez CSR Europe.
Sylvain Gachet, Directeur grands comptes Agefiph
Pierre Grapin : Conseiller auprès de la présidence, BIPE
Marc Gosselin, DRH Crédit Mutuel ARKEA
Christian Leroy, Chargé de Mission Pôle Emploi
Christian du Tertre, Professeur d’économie (Paris 5 Diderot)
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Livres et rapports
Parmi de nombreux ouvrages, de 2005 à 2013
Manager les quinquas
Serge Guérin, Gérard Fournier
Edition Organisation - 2005
De l’emploi des séniors à la gestion des âges
Anne Marie Guillemard, Anne Jolivet
Documentation Française – 2006
L’emploi des séniors
Brigitte Lestrade
Actualité sociale – 2006
La pérennité au travail
Florian Sala, Sylvie Guéret-Talon – 2007
Séniors – Talents et compétences
Alain Labuffe – 2007
Augmenter le taux d’emploi des séniors
Colloque du COR
Documentation Française – 2008
Un guide contre la discrimination des séniors
Marc Bernardin
Super RH – 2009
L’atout sénior
Sandrine Colette, Christine Batal, Olivier Charbonnier
Dunod – 2009
Le Management des séniors
Guérin, Fournier, Serge, Gérard
Collection RH – 2009
Les mal-aimés en entreprise
Gérard Regnault
Logiques sociales, Harmattan – 2009
GENERATIONS E.R.I.C. : “Des mesures d’urgence contre le chômage des séniors et futurs séniors »
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Séniors … Au secours
Olivier Hesse
Elzevir – 2009
Le choc générationnel
Elizabeth Lahouze-Humbert
Maxima Laurent Du Mesnil – 2010
Droit de l’emploi des séniors
Marie Cécile Armanger-lattes, Isabelle Desbarats, Lamy – 2011
L’employabilité des juniors et des séniors
Alain Finot – 2012
Si séniors ! Travailler plus longtemps en entreprise, c’est possible
Rodolphe Delacroix
Lignes de repères – 2012
Parmi de nombreux rapports
Le contrat de génération, Ministère du Travail
Le retour à l’emploi des séniors, La Documentation Française
Promouvoir un emploi de qualité aux séniors, OCDE
15 propositions pour l’emploi des jeunes et des séniors, Institut Montaigne
Les séniors et l’emploi en France, Conseil d’Analyse Economique
Séniors au chômage, Rapport IGASS – 2013
L’emploi des séniors, Institut Silverlife, M. G. Diepois, CCI Paris - 2005
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