l`apport de la profession d`avocat à la jurisprudence
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l`apport de la profession d`avocat à la jurisprudence
L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE DE L’UNION EUROPÉENNE Lucette DEFALQUE Professeur honoraire de l’Université libre de Bruxelles et Émilie SCHWALLER Doctorante contractuelle et chargée d’enseignement à l’Université Robert Schuman de Strasbourg Introduction 1. Depuis 1974, la profession d’avocat a contribué largement à la jurisprudence de la Cour de justice en matière de libre circulation et de droit d’établissement et, dans une mesure moindre, mais significative, à la jurisprudence relative au droit de la concurrence. Cette jurisprudence a permis au législateur européen de rédiger la directive « établissement avocats », dont les dispositions facilitent l’établissement de l’avocat européen dans un État membre autre que celui où il a acquis son diplôme et sa qualification(1). La mise en œuvre de cette directive et la circulation des avocats d’un État membre à l’autre, que ce soit à titre temporaire ou permanent, a donné naissance à une nouvelle jurisprudence que l’on pourrait qualifier de jurisprudence de « seconde génération ». L’objet de la présente contribution est de faire le point sur l’ensemble de cette jurisprudence qui trouve sa source essentielle dans la profession d’avocat. (1) Directive 98/5 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998, J.O. L 77 du 14 mars 1998, p. 36. LARCIER 328 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE I. La jurisprudence antérieure à la directive 98/5, dite directive « établissement avocats » 2. La directive du 22 mars 1977 tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats a donné lieu à peu de difficultés d’application et dès lors, à peu de jurisprudence, probablement parce qu’elle correspondait à un usage pratiqué de longue date par les barreaux(2). Par contre, l’établissement dans un barreau d’un avocat étranger soulevait des questions non résolues par la pratique et certaines réticences des barreaux. Les arrêts préjudiciels interprétatifs de la Cour de justice ont défini les principes généraux applicables à la profession d’avocat dans le cadre des articles 43 CE (devenu l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ci-après TFUE) (droit d’établissement) et 49 CE (devenu l’article 56 TFUE) (libre prestation des services). 3. Le premier arrêt fondamental pour la profession d’avocat est, sans nul doute, l’arrêt Reyners(3), par lequel la Cour de justice a considéré que les activités de l’avocat ne participaient pas à l’exercice de l’autorité publique(4), même si l’avocat est appelé, à titre occasionnel, à exercer des fonctions de juge suppléant. Si la Cour en avait décidé autrement, la profession d’avocat aurait échappé au droit d’établissement et à la libre prestation de services. L’avocat n’aurait pas été autorisé à exercer ses activités en dehors de l’État d’origine et aucune directive n’existerait. La condition de nationalité régissant la profession aurait été validée peutêtre aussi longtemps que dans le cas des notaires. Ce n’est, en effet, que le 24 mai 2011 que la Cour, statuant en manquement sur recours de la Commission européenne et non pas dans le contexte d’une procédure préjudicielle, a jugé que les activités des notaires ne participaient pas à l’exercice de l’autorité publique, et tombaient donc dans le champ d’ap(2) Signalons toutefois deux arrêts en manquement qui auront des répercussions sur la directive « établissement » et qui concernent l’obligation de l’avocat étranger d’agir de concert avec un avocat local pour les activités de représentation et défense en justice. Cette obligation ne peut être imposée lorsque l’assistance d’un avocat n’est pas nécessaire ou obligatoire. Au surplus, les modalités de la concertation doivent être limitées au respect des règles procédurales et déontologiques applicables. Voy. C.J.C.E., 25 février 1988, aff. C-427/85, Commission c. Allemagne, Rec., p. 1123 ; C.J.C.E., 10 juillet 1989, Commission c. France, aff. C-294/89, Rec., p. 3591. (3) C.J.C.E., 21 juin 1974, Reyners, aff. C-2/74, Rec., 1974, p. 631. (4) Exception au droit d’établissement et à la libre prestation des services figurant à l’article 45, alinéa 1er, CE et actuellement à l’article 51, alinéa 1er, TFUE. LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 329 plication de la libre circulation, la condition de nationalité étant dès lors interdite. Dans cet arrêt de principe, la Cour déclare que l’activité principale des notaires, dans l’ordre juridique de chacun des États membres, consiste en l’établissement d’actes authentiques jouissant à la fois d’une force probante et d’une force exécutoire. Cette activité ne comporte pas une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique puisque l’intervention du notaire suppose l’existence préalable d’un consentement des parties(5). 4. Le même arrêt Reyners a consacré l’effet direct du droit d’établissement à compter du 1er janvier 1970, à l’expiration de la période de transition prévue par le Traité de Rome(6). Plus rien ne s’opposait dès lors à l’exercice transfrontalier de la profession, pour autant que les conditions posées par le Traité soient réunies, cet exercice devant être facilité ensuite par l’adoption de plusieurs directives(7). 5. Nonobstant l’absence de telles directives, la règle du traitement national a été consacrée en 1977, dans l’arrêt Thieffry(8). Le droit à l’établissement est garanti dès que l’équivalence du diplôme est obtenue dans l’État d’accueil et que le candidat a satisfait aux conditions spécifiques de formation en vigueur dans l’État d’accueil. L’exigence purement formelle d’un diplôme délivré par une université de l’État d’accueil n’a aucune justification objective lorsque le diplôme de l’État d’origine a été reconnu équivalent par les autorités de l’État d’accueil. Cette exigence qui était posée par le barreau de Paris à l’égard de M. Thieffry, titulaire (5) C.J.U.E., 24 mai 2011, Commission c. Belgique, aff. C-47/08 ; Commission c. France, aff. C-50/08 ; Commission c. Grand-duché du Luxembourg, aff. C-51/08 ; Commission c. Portugal, aff. C-52/08 ; Commission c. Autriche, aff. C-53/08 ; Commission c. Allemagne, aff. C-54/08 ; Commission c. Grèce, aff. C-61/08 ; voy. à ce sujet, L. DEFALQUE, « Les arrêts du 24 mai 2011 et le droit d’établissement des notaires », J.T., 2012, p. 15. (6) Le même effet direct avait été reconnu à la libre prestation des services par l’arrêt du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, aff. C-33/74, Rec., 1974, p. 1299. L’espèce concernait un mandataire non-avocat. (7) La directive 77/249 du 22 mars 1977 tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation des services par les avocats, J.O. L 78 du 26 mars 1977, p. 17 ; la directive 98/5 du 16 février 1998 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, J.O. L 77 du 14 mars 1998, p. 36 ; la directive 89/48 du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, J.O. L 19 du 24 janvier 1989, p. 16, remplacée après diverses modifications par la directive 2005/36 du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, J.O. L 255 du 30 septembre 2005, p. 22. (8) C.J.C.E., 28 avril 1977, Thieffry, aff. C-71/76, Rec., 1979, p. 165. LARCIER 330 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE d’un diplôme belge reconnu équivalent et ayant réussi le certificat d’aptitude à la profession d’avocat, a été considérée comme une restriction interdite au regard de l’article 43 CE (devenu l’article 49 TFUE). 6. Dans le même arrêt Thieffry, et pour la première fois, la Cour considère que la liberté d’établissement doit être conciliée avec les règles professionnelles justifiées par l’intérêt général que représente la bonne administration de la justice, notamment les règles d’organisation, de qualification, de déontologie, de responsabilité et de contrôle(9). Il s’agissait du premier énoncé de ce qui allait devenir un système général d’exception aux libertés lorsqu’il existe un intérêt général communautaire, et ce quatre ans avant l’arrêt Cassis de Dijon. Il faudra ensuite attendre 1993(10) pour que la Cour se prononce clairement sur la transposition de la jurisprudence Cassis de Dijon(11) au droit d’établissement. Suivant cette jurisprudence, une mesure nationale indistinctement applicable aux nationaux et aux ressortissants d’autres États membres doit être interdite dans la mesure où elle gêne ou rend moins attrayant l’exercice des droits conférés par le droit communautaire sauf s’il existe un objectif d’intérêt général communautaire. Cette avancée dans la jurisprudence de la Cour a été déterminante, puisque sans elle, seules les restrictions discriminatoires auraient été interdites, celles-ci ne pouvant être justifiées que par les exceptions d’ordre public, sécurité publique et santé publique figurant dans le Traité, et non par un objectif reconnu d’intérêt général par la Cour. Dans le cadre de la présente contribution, il est intéressant de souligner que cette jurisprudence a été annoncée dans un arrêt relatif à un avocat. 7. Le droit à l’établissement secondaire a été consacré, en 1984, par l’arrêt Klopp(12), dans lequel la Cour a refusé d’admettre que la règle française de l’unicité du cabinet était conforme à l’intérêt général communautaire et objectivement nécessaire. La même règle existait en Belgique et faisait évidemment obstacle à l’installation d’un établissement dans un autre État membre. (9) C.J.C.E., 28 avril 1977, Thieffry, cité, pt 12. La même dérogation avait été énoncée dans le domaine de la libre prestation des services, pour la première fois dans l’arrêt du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, cité. (10) C.J.C.E., 31 mars 1993, Krauss, aff. C-19/92, Rec., 1993, I, p. 1689. (11) C.J.C.E., 20 février 1979, Rewe-Zentral AG c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, aff. 120/78, Rec., 1979, p. 649. (12) C.J.C.E., 12 juillet 1984, Klopp, aff. C-107/83, Rec., 1984, p. 2271. LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 331 8. En 1988, l’arrêt Gullung(13) a admis que l’inscription obligatoire des avocats auprès d’un barreau était licite et garantissait la moralité, le respect des principes déontologiques et le contrôle disciplinaire de l’activité des avocats, objectifs dignes de protection. 9. L’obligation des autorités de l’État membre d’accueil de prendre en considération les connaissances et qualifications acquises dans l’État d’origine pour apprécier l’équivalence à la fois du diplôme et de la formation déjà suivie a été précisée en 1991, dans l’arrêt Vlassopoulou(14). L’État d’accueil doit procéder à une comparaison entre les compétences attestées par les diplômes et par l’expérience professionnelle dans l’État d’origine et les connaissances et qualifications exigées par les règles nationales. Cet arrêt important a permis la rédaction des dispositions de la directive « établissement » relatives à l’assimilation de l’avocat étranger « établi » dans le barreau d’accueil. 10. La distinction entre les notions d’établissement et de prestation de services a été définie dans l’arrêt Gebhard(15) rendu en 1995. Il s’agit du dernier arrêt rendu avant l’adoption, en 1998, de la directive « établissement ». L’avocat allemand (Rechtsanwalt) Gebhard s’était installé à Milan et invoquait les dispositions de la directive sur la libre prestation des services pour justifier son absence d’inscription au barreau italien et le non-respect de diverses obligations déontologiques. Pour la Cour, le concept d’établissement est une notion très large impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer de façon stable et continue à la vie économique d’un État membre autre que son État d’origine. En revanche, la notion de prestation de services a un caractère temporaire qui s’apprécie non seulement en fonction de la durée, mais également en fonction de la fréquence, de la périodicité et de la continuité. Le caractère temporaire de la prestation n’exclut pas la possibilité de se doter d’une certaine infrastructure, notamment un bureau, dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire pour accomplir la prestation. Cette considération de la Cour était prémonitoire, puisqu’elle sera invoquée pour justifier la création de bureaux « virtuels » bénéficiant de la libre prestation des services lorsque les communications électroniques seront devenues la règle. (13) C.J.C.E., 19 janvier 1988, Gullung, aff. C-292/86, Rec., 1988, p. 111 ; confirmé par C.J.C.E., 3 février 2011, Ebert, aff. C-359/09. (14) C.J.C.E., 7 mai 1991, Vlassopoulou, aff. C-340/89, Rec., 1991, p. 2357. (15) C.J.C.E., 30 novembre 1995, Gebhard, aff. C-55/94, Rec., 1995, I, p. 4165. LARCIER 332 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 11. Cette jurisprudence de la Cour de justice, répondant à des questions préjudicielles relatives à des avocats, a joué un rôle essentiel dans la rédaction et l’adoption de la directive « établissement avocats » du 16 février 1998(16). La directive vise l’établissement dans un autre État membre(17), c’està-dire l’exercice permanent de la profession d’avocat(18). L’avocat, établi sous son titre professionnel d’origine, peut exercer les mêmes activités professionnelles(19) que l’avocat originaire de l’État d’accueil, à condition d’être inscrit dans le barreau d’accueil(20) et de respecter les règles déontologiques(21), tant de l’État d’origine que de l’État d’accueil. Son assimilation dans le barreau d’accueil est facilitée(22). II. La jurisprudence de seconde génération : les valeurs fondamentales dignes de protection et la coexistence des directives sectorielles avec d’autres directives. 12. Dans le célèbre arrêt Wouters rendu le 2 février 2002(23), la Cour de justice a, pour la première fois, transposé sa jurisprudence en matière de libre prestation de services et de droit d’établissement au droit de la concurrence. Elle a ainsi admis que les exigences essentielles au bon exercice de la profession d’avocat, telles que l’indépendance, le secret professionnel et l’interdiction des conflits d’intérêts, puissent justifier certaines restrictions, notamment celles découlant de la réglementation d’un Ordre (16) Directive 98/5 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998, J.O. L 77 du 14 mars 1998, p. 36 ; voy. à ce sujet notamment G.-A. DAL et L. DEFALQUE, « La liberté de l’établissement de l’avocat en Europe », Mélanges Pierre Van Ommeslaghe, Bruylant, 2000, p. 733 ; G.-A. DAL et L. DEFALQUE, « La directive “Établissement avocats” 98/5/CE du 16 février 1998 », J.T., 1999, p. 663 ; voy. en ce sens le site du CCBE : http://www. ccbe.eu, « L’histoire du CCBE » du 26 avril 2005, pp. 28-34. (17) Voy. arrêt Klopp, cité. (18) Voy. arrêt Gebhard, cité. (19) Voy. arrêts Reyners et Thieffry, cités. (20) Voy. arrêt Gullung, cité. (21) Voy. arrêt Thieffry, cité. (22) Voy. arrêt Vlassopoulou, cité. (23) C.J.C.E., 19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99, Rec., I, p. 1653 ; voy. au sujet de l’arrêt : S. POILLOT-PERUZZETTO, R.T.D.C., 2002, pp. 389-392 ; L. IDOT, chron., R.T.D.E., 2003, p. 287 ; L. DEFALQUE, « L’application des règles de concurrence aux réglementations des Ordres professionnels », J.T., 2002, p. 457. LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 333 d’avocats interdisant les associations intégrées entre avocats et réviseurs d’entreprises. La réglementation restrictive doit procurer une garantie d’intégrité et d’expérience aux consommateurs finaux de services juridiques et servir à la bonne administration de la justice(24). Dans le même arrêt, la Cour s’est prononcée sur l’application des règles de concurrence aux réglementations ordinales. Lorsque les ordres professionnels agissent en qualité d’associations d’entreprises(25), et donc relèvent du droit de la concurrence, ils peuvent imposer à leurs membres des règles professionnelles et déontologiques qui constituent des restrictions, mais qui sont justifiées par l’intérêt général. Dans le cas des Ordres d’avocats, cet intérêt est celui des justiciables et de l’administration de la justice, tandis que les règles essentielles sont l’indépendance, le devoir d’éviter les conflits d’intérêts et le strict respect du secret professionnel. Toutefois, lorsque les ordres exercent une activité étrangère à la sphère des échanges économiques ou exercent des prérogatives typiques de puissance publique, ils n’agissent pas en qualité d’association d’entreprises, et leurs règlements échappent au droit de la concurrence(26). Dans un arrêt récent du 28 février 2013, la Cour a rappelé que « lorsqu’un État membre octroie des pouvoirs normatifs à une association professionnelle, tout en définissant les critères d’intérêt général et les principes essentiels auxquels la réglementation ordinale doit se conformer tout en conservant son pouvoir de décision en dernier ressort, les normes qui sont arrêtées par cette association professionnelle conservent un caractère étatique et échappent aux règles du Traité applicables aux entreprises »(27). Le même jour que l’arrêt Wouters, le 2 février 2002, statuant à propos de la compatibilité des barèmes d’honoraires italiens avec le droit de la concurrence, la Cour a jugé qu’ils échappaient à l’article 81 CE (devenu l’article 101 TFUE) dans la mesure où il s’agissait d’une réglementation étatique. En effet, le Conseil national de l’Ordre des (24) C.J.C.E., 19 février 2002, Wouters, cité, pt 97, citant C.J.C.E., 12 décembre 1996, Reisebüro Broede, aff. C-3/95, Rec., I, 6511, pt 38. (25) Voy. sur l’application du droit de la concurrence aux professions libérales et aux Ordres, avant l’arrêt Wouters : C.D. EHLERMANN, « Concurrence et professions libérales : antagonisme ou compatibilité ? », Rev. du marché commun et de l’Union européenne, 1993, p. 56 ; L. IDOT, « Quelques réflexions sur l’application du droit communautaire de la concurrence aux ordres professionnels », J.T.D.E., 1997, p. 73. (26) C.J.C.E., 19 février 2002, Wouters, cité, pt 68. (27) C.J.U.E., 28 février 2013, Ordem dos Technicos Oficiais de Contas, aff. C-1/12, affaire concernant l’Ordre des experts-comptables portugais. LARCIER 334 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE avocats italiens établissait le projet à approuver par le ministre de la Justice(28). Cette décision a été confirmée en 2006 par un arrêt préjudiciel portant sur la compatibilité de la même réglementation non plus avec le droit de la concurrence, mais avec la libre prestation de services(29). La Cour a considéré que la loi italienne sur les barèmes représentait bien une restriction à la libre prestation de services, mais qu’elle pouvait être justifiée par la bonne administration de la justice et la protection des consommateurs si le juge de renvoi estimait que des barèmes minima sont indispensables pour éviter la qualité médiocre des services d’avocat et que les règles professionnelles ne suffisent pas à empêcher une telle qualité médiocre. Le statut particulier de la profession d’avocat, qui permet de valider certaines restrictions tant à la libre concurrence qu’à la libre circulation et s’est traduit par une réglementation sectorielle, semble pour la Cour, être lié essentiellement à la qualité d’auxiliaire de la justice de l’avocat(30), la Cour soulignant également l’intérêt des justiciables (« les consommateurs finaux de services juridiques »). Le devoir de l’avocat d’agir en considération de l’intérêt exclusif de son client impose que l’avocat se trouve dans une situation d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, des autres opérateurs et des tiers(31). Pour la Cour, les privilèges reconnus à l’avocat découlent d’une « conception du rôle de l’avocat selon laquelle celui-ci est considéré comme collaborateur de la justice et est appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale dont le client a besoin », conception qui « répond aux traditions juridiques communes aux États membres »(32). C’est au nom de cette conception traditionnelle du rôle de l’avocat que la Cour a refusé de faire bénéficier de la confidentialité les communica(28) C.J.C.E., 19 février 2002, Arduino, aff. C-35/99, Rec., I, p. 1561 ; sur les barèmes : L. DEFALQUE, « La tarification des honoraires et le droit de la concurrence », Chère Justice : le risque du procès — La prise en charge des honoraires des conseils, actes du colloque du 22 avril 2005, Bruylant, 2005, p. 149. (29) C.J.C.E., 5 décembre 2006, Cippola, aff. C-94/04 et C-202/04. (30) Th. WICKERS, chron. « Avocat », octobre 2010-novembre 2012, Rec. Dalloz, 2013, p. 136. (31) C.J.C.E., 19 février 1992, Wouters, cité, pt 102 ; sur la notion d’indépendance des avocats : « La position du CCBE sur les fonctions de réglementation et de représentation des barreaux », juin 2005, site du CCBE, cité. (32) C.J.C.E., 6 septembre 2012, Puke, aff. C-422/11 et C-423/11, pt 23. LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 335 tions des avocats travaillant au sein d’une entreprise(33), et la représentation en justice d’une entreprise par un avocat salarié(34). La notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par référence à une discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi(35). Lorsqu’il existe un rapport d’emploi, l’avocat est en effet susceptible d’être influencé par son environnement professionnel et de perdre ainsi son indépendance(36). La Cour a rappelé que sa position dépendait de l’extension à tous les États membres du statut d’avocat salarié en entreprise, auquel cas ce statut deviendrait une tradition juridique commune aux États membres(37). Mais si tel était le cas, la profession d’avocat bénéficierait-elle encore des privilèges et des exceptions que lui reconnaît la Cour dans l’intérêt supérieur de la justice, puisque son indépendance absolue ne serait plus garantie ? 13. La profession d’avocat bénéficie de deux directives sectorielles, mais n’échappe pas pour autant à toute autre réglementation. Ainsi, la directive « établissement » coexiste avec la directive « qualifications professionnelles ». Chaque État membre a, sous réserve de l’égalité de traitement, la liberté de régler l’exercice des activités professionnelles sur son territoire. Les directives relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes ou à l’exercice de certaines professions réglementées permettant de faciliter la mise en œuvre du traitement national conservent ainsi toute leur utilité. La notion de profession réglementée a été introduite par le législateur européen : il s’agit d’une activité professionnelle directement ou indirectement régie par des dispositions légales impliquant la possession de qualifications professionnelles déterminées(38). L’accès à une profession réglementée dans un État membre par des ressortissants d’autres États membres ne doit pas légalement se faire à (33) C.J.C.E., 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals Ltd, aff. C-550/07 ; obs. P. THERY, R.T.D. civ., 2010, p. 814 ; L. COUTRON, chron. R.T.D.E., 2011, p. 173 ; obs. L. IDOT, R.T.D.E., 2011, p. 412. (34) C.J.C.E., 6 septembre 2012, Puke, cité. (35) C.J.C.E., 6 septembre 2012, Puke, cité, pt 24 ; ordonnance du 29 septembre 2010, EREF, aff. C-74/10 P et C-75/10 P, pt 53. (36) C.J.C.E., 6 septembre 2012, Puke, cité, pt 25. (37) C.J.C.E., 18 mai 1982, AMS Europe, aff. 155/79, Rec., 1575, pt 24. (38) Directive du Conseil 89/48/CEE du 21 décembre 1988, dite « bac +3 » relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, J.O. L 19 du 24 janvier 1989, p. 16, article 1er. LARCIER 336 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE des exigences inférieures à celles requises des ressortissants de l’État d’accueil(39). La seule circonstance que les études effectuées dans un État membre puissent être considérées comme comparables du point de vue de la formation ainsi que du temps et des efforts déployés, aux études exigées dans un autre État membre, ne saurait, par elle-même, entraîner l’obligation de privilégier non pas les connaissances exigées dans l’État d’accueil, mais celles attestées par les qualifications obtenues dans l’État d’origine(40). Lorsque les autorités d’un État membre examinent la demande d’un ressortissant d’un autre État membre d’accéder à une formation en vue de l’exercice ultérieur d’une profession réglementée, elles sont tenues de procéder à une comparaison entre la qualification attestée par les diplômes et autres titres ainsi que l’expérience professionnelle pertinente, d’une part, la qualification professionnelle exigée par la législation de l’État d’accueil, d’autre part. C’est bien par rapport à la qualification professionnelle imposée dans l’État d’accueil que doivent être appréciés, les titres, connaissances et qualifications obtenus par l’intéressé dans d’autres États membres et dans l’État d’accueil(41). Parmi les directives facilitant l’établissement dans un autre État membre figurent la directive 98/5/CE du 16 février 1998 sur l’établissement d’avocats ressortissants d’un État membre dans un autre État membre précitée(42) et la directive 89/48/CE du 21 décembre 1988 du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes(43). La Cour a confirmé que ces deux directives se complétaient pour permettre aux avocats établis dans un État membre d’accéder à la profession d’avocat dans un autre État membre, l’inscription à un Ordre professionnel pouvant être obligatoire(44). Dans certains cas, aucune des deux directives ne s’applique. Tel est le cas lorsque le candidat à l’établissement comme avocat n’est pas pleinement qualifié pour accéder à la profession réglementée dans son (39) C.J.U.E., 10 décembre 2009, Pesla, aff. C-345/08. (40) Même arrêt. (41) Même arrêt. (42) J.O., 14 mars 1998. (43) Directive dite « bac +3 » relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, J.O., 24 janvier 1989, actuellement remplacée par la directive 2005/36 du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, J.O., 30 septembre 2005. (44) C.J.U.E., 3 février 2011, Ebert, aff. C-359/09. LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 337 État d’origine(45). Ainsi, un diplômé en droit d’une université polonaise, qui avait ensuite suivi un « Master of German and Polish laws » en Allemagne, ne peut fonder sa demande d’admission au stage préparatoire aux professions juridiques allemandes, ni sur la directive 98/5/CE, car il n’est pas un avocat « pleinement qualifié » au sens de cette directive, ni sur la directive 89/48/CE, l’activité de stagiaire ne pouvant être qualifiée de profession réglementée(46). Par ailleurs, l’article 8 de la directive 98/5/CE permet à l’État d’accueil d’interdire l’exercice de la profession d’avocat comme salarié. Dès lors, la législation italienne peut légitimement interdire à l’ensemble des avocats inscrits au barreau en Italie d’exercer la profession d’avocat en même temps qu’un emploi salarié que ce soit comme salarié d’un autre avocat, d’une association d’avocats, d’une entreprise publique ou privée(47). Il convient de noter que la transposition de la directive 98/5/CE sur l’établissement des avocats a fait l’objet de deux arrêts rendus le 19 septembre 2006. Par le premier, la Cour a condamné le Luxembourg qui avait transposé la directive en y ajoutant trois conditions restrictives à l’inscription d’avocats étrangers, à savoir, la réussite d’un test linguistique portant sur les langues française, allemande et luxembourgeoise, l’interdiction d’exercer l’activité de domiciliation de sociétés réservée aux avocats luxembourgeois et l’obligation de produire chaque année une attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État d’origine(48). Le second arrêt concernait un recours introduit par un solicitor anglais contre l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg. Le demandeur s’était vu imposer un test linguistique qu’il était incapable de réussir. Il refusait d’introduire le recours prévu par la loi, estimant que les organes prévus n’étaient pas indépendants, étant composés en (45) Pour bénéficier de la directive « diplômes » ou « qualifications professionnelles », il faut être pleinement qualifié pour accéder à la profession réglementée visée (article 1er, a), tandis que pour bénéficier de la directive « établissement » avocat, il faut être pleinement qualifié dans son État d’origine (considérant 3). Voy. également, C.J.C.E., 13 novembre 2003, Morgenbesser, aff. C-313/01 (pour plus d’informations sur cet arrêt : CCBE-Info, no 7, janvier 2004, p. 5 ; « Chronologie (I), analyse (II) et ligne directrice (III) destinées aux barreaux et aux law societies pour l’affaire C-313/01, Christine Morgenbesser c. Consiglio dell’Ordine degli avvocati di Genova, 5e ch., 13 novembre 2003 », janvier 2004, site du CCBE, cité) ; C.J.U.E., 10 décembre 2009, Pesla, cité. (46) C.J.U.E., 10 décembre 2009, Pesla, cité. (47) C.J.U.E., 2 décembre 2010, Jakubowska, aff. C-225/09. (48) C.J.C.E., 19 septembre 2006, Commission c. Grand-duché du Luxembourg, aff. C-193/05. LARCIER 338 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE première instance exclusivement d’avocats luxembourgeois et en appel majoritairement d’avocats luxembourgeois. La Cour énonce un certain nombre de critères permettant d’apprécier l’indépendance d’une juridiction. Sur la base de ces critères, elle estime que la composition des deux organes compétents n’apparaît pas de nature à fournir un gage suffisant d’impartialité lorsqu’un recours est introduit par un avocat communautaire candidat à l’établissement au Luxembourg(49). À deux reprises, la directive 89/48/CE a été invoquée pour accéder à une profession réglementée. Dans la première espèce, un ingénieur mécanicien italien (et non un candidat avocat !) souhaitait obtenir la reconnaissance des qualifications obtenues en Espagne afin de s’inscrire au tableau des ingénieurs italiens sans présenter l’examen prévu par la législation italienne. La Cour rejette l’application de la directive « diplômes » lorsqu’elle est invoquée afin d’accéder à une profession réglementée dans l’État membre d’accueil, par le titulaire d’un titre délivré par l’autorité d’un autre État membre et que ce titre ne sanctionne aucune formation et ne repose ni sur un examen, ni sur une expérience professionnelle acquise dans ledit État membre(50). La Cour souligne, dans cet arrêt, que les États membres restent compétents pour déterminer le niveau minimal de qualification nécessaire pour accéder à une profession réglementée, et ce afin de garantir la qualité des prestations fournies sur leur territoire. Dans la seconde espèce, un ressortissant autrichien qui portait le titre espagnol d’abogado demandait à avoir accès à l’épreuve d’aptitude conditionnant l’accès à la profession d’avocat en Autriche sans avoir accompli le stage de cinq ans imposé par la loi autrichienne. La Cour prend soin de distinguer cette affaire de la première espèce relative à l’ingénieur italien en ce que l’intéressé avait acquis en Espagne, au terme d’une véritable formation, les qualifications professionnelles donnant accès à la profession d’avocat en Espagne. Il était donc fondé à présenter l’examen d’aptitude prévue par la directive 89/48/CE et dont la réussite lui permettait l’accès à la profession d’avocat en Autriche(51). 14. La directive 2006/123 dite « directive services »(52) s’applique également à la profession d’avocat, même si les directives sectorielles (49) C.J.C.E., 19 septembre 2006, Wilson c. Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, aff. C-506/04. (50) C.J.C.E., 29 janvier 2009, Consiglio Nazionale degli Ingegneri c. Cavallera, aff. C-311/06 ; voy. également C.J.U.E., 10 décembre 2009, Pesla, cité. (51) C.J.C.E., 22 décembre 2010, Koller, aff. C-118/09. (52) Directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, J.O. L 376 du 27 décembre 2006, p. 36. LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 339 jouissent de la primauté. Par conséquent, les Ordres d’avocats ont été particulièrement attentifs à la question préjudicielle posée par le Conseil d’État français à propos de l’article 24 de la directive intitulé « Communications commerciales des professions réglementées ». Le premier alinéa de cet article prévoit que les États membres suppriment les interdictions totales de communications commerciales des professions réglementées. Le deuxième alinéa indique toutefois que les mêmes communications doivent respecter les règles professionnelles, conformes au droit communautaire, visant notamment l’indépendance, la dignité, et l’intégrité de la profession ainsi que le respect du secret professionnel. La Société fiduciaire nationale d’expertise comptable avait demandé l’annulation d’un décret français interdisant de manière générale et absolue toute activité de démarchage par des experts-comptables, et ce sur la base de l’article 24, premier alinéa, de la directive services. Le démarchage n’étant pas défini par la directive, la Cour de justice a examiné si le démarchage constituait une communication commerciale au sens de la définition donnée par l’article 4, point 12, de la directive. Elle a considéré que c’était bien le cas, le démarchage étant une forme de communication d’informations destinée à rechercher de nouveaux clients. Comme l’interdiction prévue par le décret français était totale, elle ne pouvait être justifiée même si elle était non discriminatoire, fondée sur une raison d’intérêt général et proportionnée. Il résulte de cet arrêt de principe, rendu le 5 avril 2011(53) que l’interdiction totale du démarchage imposée aux membres d’une profession réglementée ne peut jamais être justifiée. Seules des restrictions partielles peuvent, le cas échéant, être justifiées par l’indépendance, la dignité, l’intégrité de la profession et le secret professionnel. III. Conclusions et perspectives d’avenir 15. Il est indéniable que la profession d’avocat a joué un rôle considérable à la fois dans le développement de la jurisprudence de la Cour de justice en matière de libre circulation et de concurrence et dans l’éla(53) C.J.U.E., 5 avril 2011, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable, aff. C-119/09 ; Th. WICKERS, cité ; X. DELPECH, obs., Dalloz, 2011, p. 1072 ; A.L. SIBONY et A. DEFOSSEZ, obs., R.T.D.E., 2011, p. 592 ; voy. sur la réglementation de la publicité par les Ordres : F. GLANSDORFF, « Les ordres professionnels, la publicité et le droit de la concurrence », Mélanges offerts à J. Kirkpatrick, Bruylant, 2004, p. 325. LARCIER 340 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE boration et la mise en œuvre de directives sectorielles. Il paraît évident que, pour la Cour, le traitement favorable réservé à la profession se justifie par l’intérêt supérieur de la justice, l’avocat devant être en mesure d’apporter, en toute indépendance, l’assistance légale dont le client (« consommateur de justice ») a besoin. Cette conception traditionnelle du rôle de l’avocat est directement liée à l’indépendance totale de l’avocat à l’égard des pouvoirs publics, des autres opérateurs économiques et de tout tiers. Dans cette conception, la sujétion de l’avocat aux instructions d’un employeur ou aux directives d’un actionnariat composé de personnes étrangères à la profession est susceptible de mettre en péril son indépendance. 16. La Commission européenne, gardienne des traités, est chargée de veiller à la réalisation du marché intérieur et a pour mission de s’opposer à toutes les restrictions à la libre circulation et à la libre concurrence. Dès lors, elle a toujours été moins favorable à la profession d’avocat et aux réglementations des ordres professionnels que la Cour de justice. Or la Commission a lancé deux études dont les résultats risquent d’avoir une influence négative sur la profession. La première porte sur l’évaluation des deux directives sectorielles relatives aux avocats et leur « interactivité » avec d’autres directives, telles la directive « services », la directive « qualification professionnelle » et plusieurs textes relatifs à la coopération en matière de justice civile et commerciale(54). La deuxième a pour objet une évaluation économique des exigences relatives à la forme juridique et à l’actionnariat dans le secteur des services de l’Union européenne(55). Le résultat de ces études (54) 2011/S 125-206538, J.O. S 125 du 2 juillet 2011. La Commission européenne a publié, le 2 juillet 2011, un avis de marché dénommé « Étude d’évaluation du cadre juridique relatif à la libre circulation des avocats dans le cadre de l’évolution du marché et de la réglementation dans le marché unique », dont l’objectif est de rassembler des informations relatives à l’application de la directive sur la libre prestation de services (77/249/CE) et au libre établissement des avocats au sein de l’Union européenne (98/5/ CE). En outre, cette étude « doit également comporter un examen de l’interactivité desdites directives, dans le contexte du marché intérieur, avec d’autres normes telles que la directive “Services” (2006/123/CE), la directive “Reconnaissance des qualifications professionnelles” (2005/36/CE) et plusieurs textes relatifs à la coopération en matière de justice civile et commerciale », Délégation des barreaux de France, « Flash bâtonniers — L’essentiel de Bruxelles », no 14, juillet 2011, p. 1. ; Ch. VARIN, « Les avocats au sein du marché intérieur : des prestataires de services comme les autres », L’observateur de Bruxelles, no 86, octobre 2011. (55) 2012/S 145-241419, J.O.U.E. S 145 du 31 juillet 2012. La Commission européenne a publié, le 31 juillet 2012, « un avis de marché ayant pour objet la réalisation d’un LARCIER L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE 341 pourrait conduire la Commission à aligner le régime applicable aux avocats sur le régime général dont relèvent les prestataires de services dans l’Union européenne. Le Conseil des barreaux européens (CCBE)(56), association internationale sans but lucratif qui assure la représentation des barreaux membres(57), en jouant notamment le rôle d’intermédiaire entre ces derniers et les institutions de l’Union et de l’Espace économique européen(58), prône bien entendu le maintien des directives sectorielles et un régime juridique d’exception pour les avocats(59). Mais inventaire et d’une évaluation économiques des exigences relatives à la forme juridique et à l’actionnariat dans le secteur des services de l’Union européenne. Le marché porte sur la réalisation d’un inventaire des exigences existantes concernant la forme juridique et l’actionnariat dans les secteurs sélectionnés de l’Espace économique européen. Il vise également à fournir une méthode d’évaluation de l’impact économique de ces exigences, notamment dans l’hypothèse de leur simplification ou de leur suppression, et à estimer cet impact économique dans ce dernier cas », Délégation des barreaux de France, L’Europe en bref, no 643, 26 juillet-3 septembre 2012. (56) Organisation représentative de la profession d’avocat au sein de l’Union européenne (U.E.) et de l’Espace économique européen (E.E.E.), le CCBE regroupe 32 pays membres. Au-delà, il compte également des membres « observateurs » qui sont, à ce titre, tenus d’adhérer aux statuts et au Code de déontologie de l’organisation. Voy. en ce sens : « L’histoire du CCBE » du 26 avril 2005, p. 13, site du CCBE, cité. (57) À ce sujet, M. Manuel Cavaleiro Brandão (qui en était président en 2006) souligne que, selon lui, la force du CCBE « (…) vient de son rôle représentatif de porte-parole respecté de la profession d’avocat en Europe. Ceci nécessite que les barreaux membres du CCBE continuent à être fortement impliqués dans les questions européennes importantes et continuent à façonner la construction d’un système judiciaire européen », CCBE-Info, no 12, juillet 2005, p. 5, site du CCBE, précité. (58) Voy. en ce sens les « Statuts du Conseil des barreaux européens », tels qu’adoptés lors de la session plénière à Athènes le 17 mai 2013, site du CCBE, précité. (59) Extrait du communiqué de presse du CCBE du 7 juillet 2005 intitulé « Le CCBE estime que les avocats et les services juridiques ne devraient pas être inclus dans la proposition de directive services : (l)es directives sectorielles sont rédigées de manière à permettre aux différents systèmes juridiques des États membres de continuer à fonctionner de manière efficace dans l’intérêt public. Elles prennent en considération les spécificités propres à la profession d’avocat, reconnues dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (affaire Wouters C-309/99). L’expérience montre que les directives sectorielles fonctionnent bien dans la pratique. C’est pourquoi le CCBE estime qu’il ne faut pas ajouter à ce système libéral, cohérent et efficace, une directive horizontale visant des services différents et pouvant entrer en conflit et interférer avec le cadre sectoriel spécialement établi pour la profession d’avocat ». En ce sens, voy. également les communiqués de presse sur le site du CCBE précité, 1) du 29 mai 2006 intitulé « Le CCBE invite les gouvernements nationaux à respecter le vote du Parlement sur la directive sur les services afin d’exclure les avocats de son champ d’application », 2) du 24 juin 2005, intitulé « La position du CCBE sur la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur », et 3) du 3 mars 2011, intitulé « La réponse du LARCIER 342 L’APPORT DE LA PROFESSION D’AVOCAT À LA JURISPRUDENCE sera-t-il entendu par la Commission, et surtout par la Cour de justice, qui jouera incontestablement un rôle d’arbitre dans ce débat ? Voilà le défi auquel la profession sera confrontée dans les années à venir et dont la solution risque de dépendre grandement du maintien par l’avocat de cette tradition d’indépendance auquel la Cour de justice attache le plus grand prix et qui a toujours caractérisé la profession. CCBE à la consultation de la commission relative à la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles ». LARCIER