La valorisation économique des firmes

Transcription

La valorisation économique des firmes
"La valorisation économique des firmes pharmaceutiques :
théorie et applications pratiques"
Cahier de recherche ESCP, n° 96-112
Marwan SINACEUR
Directeur Associé
ACN
Christophe THIBIERGE
Professeur Assistant
Département Finance
ESCP
Ecole Supérieure de Commerce de Paris (Paris School of Management)
79 avenue de la République
75 543 Paris Cedex 11
FRANCE
Tél: +33 1 49 23 22 30
Fax: +33 1 49 23 20 80
-1-
- REMERCIEMENTS -
Nous tenons ici à remercier très vivement tous les responsables qui ont accepté de nous rencontrer,
nous ont consacré leur temps, fait partager leur expertise, leurs expériences, nous ont confié leurs
analyses, et ont mis à notre disposition leurs documents, et peut-être surtout qui ont fait preuve à
notre égard de patience et d'enthousiasme.
Sans eux, cette étude n'aurait pu être réalisée.
(Cabinets de conseil et bureaux d'étude)
• Monsieur Régis Chomel, Manager, Arthur D. Little International, Inc.
• Monsieur Philippe Conquet, Président Directeur Général, Droit & Pharmacie
• Madame Claire Dadou, Manager, Bain & Compagnie
• Monsieur Khalid Fellahi, Consultant, Price Waterhouse Management Consultants
(Industrie pharmaceutique)
• Monsieur Benoît Raillard, Business Development, Lilly France SA
• Monsieur Alain Cartraud, Directeur Service Médico-juridique et Concurrence, Laboratoires
Glaxo
• Monsieur Francis Courcelle, Directeur des Etudes économiques, Sanofi Pharma
• Monsieur Eric Mallet, Chargé d'Etudes concurrentielles, Sanofi Pharma
• Madame Barbara Elheim, Director of Strategic Planning, Sterling (USA)
(Banques et Institutions financières)
• Monsieur Laurent Flamme, Analyste Financier (Pharmacie), CCF Elysées Bourse
• Madame Marie-Hélène Leopold, Analyste Financier (Pharmacie), County NatWest, National
Westminster Bank
• Monsieur Laurent Huck, Vice-President, Corporate Finance, J.P. Morgan
• Madame Sylvie de Vesinne-Larue, Corporate Finance, CCF Elysées Bourse
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PLAN -
1. INTRODUCTION ET PRESENTATION DU PROBLEME
1. 1. Un Problème conceptuel
1. 2. L'existence d'une série de décalages dans la pratique
1. 3. La démarche adoptée
1. 4. Champ de la recherche
1. 4 1. Quel type d’évaluation?
1. 4. 2. Quel type d’industrie pharmaceutique?.
1. 5. Les difficultés et spécificités de l'évaluation des firmes pharmaceutiques
1. 5. 1. Une industrie de haute technologie
1. 5. 2. La structure de coûts
2. LES PRATIQUES FINANCIERES DANS L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE
2. 1. Les méthodes d'évaluation classiques
2. 1. 1. La Méthode des Multiples
2. 1. 2. La Valeur patrimoniale (adjusted book value)
2. 1. 3. La Capitalisation boursière (stock value)
2. 1. 4. L'Actualisation des cash-flows / ETE / Résultats d'exploitation générés par l'entreprise
2. 2. Les pratiques financières dans l'industrie pharmaceutique
2. 2. 1. Les pratiques d'évaluation financière des banques
2. 2. 2. Les analyses qualitatives conduites par les banques
2. 3. Les résultats: la confrontation avec la réalité des transactions
2. 3. 1. Démarche
2. 3. 2. Analyse statistique d'un échantillon de transactions, 1992-94
2. 3. 3. . Comparaison avec d'autres études
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3. LA MESURE DE LA VALEUR ECONOMIQUE DES FIRMES PHARMACEUTIQUES
3. 1. Le Ratio R&D / CA n'est pas un critère pertinent
3. 1. 1. Le budget R&D n'est pas un critère pertinent, car le ROI n'est pas une fonction croissante
de la R&D . Une mesure empirique de 31 sociétés sur 19 ans par deux chercheurs du Boston
College, USA)
3. 1. 2. Le ratio R&D / CA reste trop global pour pouvoir mesurer pertinemment la qualité de la
recherche
3. 1. 3. Mais de nouvelles approches de la R&D, si elles étaient appliquées à l'industrie
pharmaceutique, pourraient s'avérer extrêmement fructueuse . Source: Arthur D. Little
3. 1. 4. En conclusion, la question du seuil critique de R&D reste posée
3. 2. Le portefeuille d'accords/alliances/licences
3. 2. 1. Les avantages d'une alliance dans une industrie de haute technologie
3. 2. 2. Les critères à retenir pour évaluer le portefeuille d'accords
3. 2. 3. Conclusion
3. 3. Le portefeuille de produits
3. 3. 1. La Description quantitative du portefeuille de produits
3. 3. 2. Présence sur les marchés majeurs et portefeuille international
3. 3. 3. Evaluation qualitative du portefeuille de produits
3. 4. L'évaluation du pipeline
3. 4. 1. L'évaluation quantitative: un critère insuffisant
3. 4. 2. Structuration du pipeline par phase
Exemple: un Modèle probabiliste de renouvellement du nombre de molécules
3. 4. 3. Approfondir l'analyse par molécule: la valorisation scientifique et la mesure des risques,
bases de méthodes plus formalisées
3. 4. 4. Approfondir l'analyse par molécule: les méthodes formalisées par Arthur D. Little et
Sterling Drug pour l'évaluation de projets de R&D
3. 5. La présence sur les segments thérapeutiques
3. 5. 1. Les facteurs à prendre en considération
3. 5. 2. La Décomposition en facteurs-clés du marché (sources Entretiens Eli Lilly
Sterling): une analyse dynamique
3. 6. Datation des AMM / Date d'expiration des CCP et brevets
3. 7. Le délai moyen de mise sur le marché des molécules n'est pas un critère pertinent
3. 8. A l'avenir, le critère de l'intégration verticale pourrait s'avérer décisif
3. 9. Conclusion
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& Co /
4. CONCLUSIONS ET DISCUSSION
4. 1. La rigueur de l'analyse
4. 2. La question du coût de l'information dans la pratique
4. 3. Le problème de l'accessibilité des informations dans la pratique
4. 4. La barrière de l'expertise dans la pratique
4. 5. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles d'options (Merck &
Co)
4. 6. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles de l'industrie pétrolière
BIBLIOGRAPHIE
•Ouvrages
•Etudes
•Rapports des analystes
•Articles de recherche
REPERTOIRE DES FIRMES MENTIONNEES
INDEX DES PRINCIPALES NOTIONS
ANNEXE METHODOLOGIQUE: LE CHOIX DES ENTRETIENS
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1. INTRODUCTION ET PRESENTATION DU PROBLEME
1. 1. Un Problème conceptuel
Ce cahier de recherche traite de la valorisation économique des firmes pharmaceutiques; il repose sur
quatre idées-forces:
• L'idée fondamentale qu'il peut exister un décalage entre la valeur économique d'une firme et la
façon dont cette firme est classiquement évaluée par les méthodes financières ou comptables.
Comme le souligne Gérard Thulliez, Directeur Associé du bureau de Paris de McKinsey1 : "il ne faut
pas se laisser abuser par les états comptables, et en particulier par la notion de "bénéfices"... c'est au
contraire le concept de valeur économique, qui incarne la mesure universelle et permanente des
décisions stratégiques de l'entreprise, et donne un sens clair et durable à la conduite des firmes."
• L'idée consécutive que la mesure de la valeur d'une firme peut passer par une évaluation de sa
position concurrentielle, i.e. de ses avantages compétitifs (Michael Porter2). Il est notamment
possible de comprendre et d'évaluer la stratégie spécifique d'une firme, de telle sorte que l'on puisse
lui associer une probabilité de succès (Yair Aharoni3). Une telle évaluation est réalisable par un
observateur extérieur, comme par exemple une société de capital-développement. Il est en particulier
possible d'évaluer si l'allocation des ressources d'une firme est optimale ou non; la capacité culturelle
et organisationnelle de la firme à attirer des partenaires de qualité (clients, fournisseurs, distributeurs,
employés, ...); sa capacité d'innovation.
• L'idée qu'une des voies d'évaluation stratégique des firmes passe par une analyse des risques
technologiques, réglementaires, commerciaux4. Les risques technologiques étant liés à la diversité, à
la complexité - définie par le degré de sophistication et de combinaison des technologies -, à la
variabilité des technologies mises en œ uvre. Les risques commerciaux sont liés à la variabilité
temporelle, géographique, par application du marché. Le but de telles analyses est, d'une part, de
réussir à dégager la diversité des positions stratégiques et concurrentielles possibles, et d'autre part,
de formuler dynamiquement l'articulation de la stratégie avec la technologie.
• L'idée enfin que l'ensemble des analyses présentées ici peuvent fournir concrètement des éléments
conceptuels utiles, et s'avérer fondamentalement génératrices de gains pour le négociateur dans un
processus d'acquisition. La mesure de l'écart entre valorisation financière et valorisation économique
1Préface
à "La stratégie de la valeur". Une bibliographie complète est consultable en fin d'étude.
concurrentiel", et surtout "Choix Stratégiques et Concurrence; Techniques d'analyse des secteurs et de la
concurrence dans l'industrie", cf Bibliographie
3Article du Journal of Management Studies, cf Bibliographie
4Régis Larue de Tournemine, "La modélisation stratégique des industries fondées sur la science". Plus généralement,
Arthur D. Little International, Inc., pour une méthode exhaustive de décomposition des Risques, et la gestion dans
l'entreprise de l'articulation Stratégie - Technologie
2L'Avantage
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permettra au négociateur d'analyser objectivement la situation5
négociations6..
et de mieux conduire ses
1. 2. L'existence d'une série de décalages dans la pratique
La pratique vient confirmer l'existence de décalages entre mesure de la valeur économique et mesure
de la valeur financière ou comptable (cf supra).
Décalage 1: inexactitude ou manque de connaissances sur le secteur
"Dans le rapport d'analyse financière de la société française XYZ, tout ce qui est annoncé sur la
structure des coûts des laboratoires est faux."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
"Le problème, c'est que nous sommes dans un métier hyper technique. L'évaluation du potentiel
d'une molécule nécessite une finesse technique qui n'est pas à la portée du premier venu. On a besoin
de connaître l'industrie pour pouvoir apprécier la valeur financière d'un groupe pharmaceutique. De
plus, des facteurs de dernière minute viennent perturber la valorisation économique des
médicaments: des nouvelles indications; des effets secondaires; la viabilité économique des niveaux
de prix locaux.... Tout cela, on ne le sait que très tard. Et c'est un secteur hyper réglementé."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Décalage 2:Sous-estimation dans la valorisation des molécules
"Les financiers qui ne sont pas passés par la pharmacie n'ont pas une bonne connaissance des
molécules. Ils ont du mal à apprécier les nouvelles applications possibles d'une prescription.
L'Azantac, par exemple réalise aujourd'hui 40% du CA de Glaxo. En particulier parce que la
molécule a été commercialisée sur le marché très important des antiulcéreux. Mais à l'origine, la
molécule était destinée à un autre marché. Par rapport à ce dernier marché - un marché de
prescriptions, à l'inverse des antiulcéreux -, la molécule s'est avérée trop chère. L'Azantac a donc fini
par être lancé sur le marché des antiulcéreux, comme le permettait l'un des effets secondaires du
médicament... Comment un financier aurait-il réussi à apprécier le potentiel de marché de l'Azantac?"
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
"Des évaluations financières ont supposé que la part de marché de la Ventoline, un produit antiasthmatique, allait peu à peu péricliter, avec l'arrivée des génériques, rendue possible par l'expiration
prochaine du brevet à ce moment. Il s'avère aujourd'hui que la Ventoline contine à avoir 80% de part
de marché. Les génériques n'ont pas percé. Les évaluations financières avaient sous-estimé
l'excellente image du médicament, et la fidélité exceptionnelle des prescripteurs et des patients sur ce
produit."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
5Ingemar
Dierickx, Mitchell Koza, "Information Asymmetries: How not to Buy a Lemon in Negotiating Mergers and
Acquisitions", cf Bibliographie
6Fisher & Ury, Harvard Law School, Getting to yes, Houghton Mifflin, 1981; Howard Raiffa, Harvard Business
School, The art and science of negotiation, Belknap/Harvard, 1982; Max H. Bazerman & Margaret A. Neale,
Northwestern University, Negotiating Rationally, The Free Press, 1992
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Décalage 3: Surestimation dans la valorisation des molécules
"Les analyses financières sont faites le plus souvent sans tenir compte des systèmes de santé et des
contraintes de pénétration de marché des différents pays.... On ne peut valoriser le portefeuille de
produits d'un laboratoire qu'en demandant l'avis des spécialistes des différents secteurs
thérapeutiques. Par exemple, la valorisation de l'Imigrane, molécule contre la migraine, pourrait a
priori se faire par la méthode DCF à partir des données suivantes:
- données épidémiologiques: on estime en France que 12% de la population est migraineuse; cela
représente une bonne indication du nombre maximum de patients à traiter;
- données économiques: le prix de la molécule est élevé; un comprimé coûte 80 francs; - données
posologiques: un patient consommerait environ un comprimé par mois, soit l'équivalent annuel de 80
francs x 1 comprimé x 12 mois.
Un analyste ne manquerait pas de conclure à un fabuleux marché pour ce type de produit en France.
Et pourtant... le produit n'est toujours pas introduit en France, Les pouvoirs publics français ont
estimé que la migraine est une pathologie sans grande gravité, et que par conséquent, la molécule
était trop chère pour ce qu'elle soignait...
Citons un autre exemple. Il existe en France, comme sur la plupart des autres marchés dans le
monde, des accords prix-volumes négociés sous l'autorité de tutelle de l'Etat. Ces accords fixent le
taux de remboursement du médicament par la Sécurité Sociale. Le problème est qu'aujourd'hui, ces
taux sont de plus en plus faibles. La réduction des taux de remboursement provoque une baisse des
ventes sur les prescriptions. Elle peut induire des différences considérables entre le chiffre d'affaires
effectif, lors de l'introduction sur un nouveau marché où viennent de s'appliquer les
déremboursements, d'une part, et les estimations de chiffre d'affaires calculées à partir d'autres
marchés où la molécule a déjà été introduite sans que s'appliquent les déremboursements, d'autre
part... ces différences peuvent s'élever à 50-75%.
Les évaluations financières surestiment donc souvent la valeur d'une molécule."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
"Lorsque Rhône-Poulenc-Rorer a annoncé que leurs chercheurs avaient réussi à inhiber le répliquage
du virus HIV dans un de leurs laboratoires, le cours de l'action a immédiatement monté, dans le
courant de la journée. Malheureusement, ce n'est pas cela qui suffira à réussir à commercialiser un
jour une prescription contre le SIDA. Rhône-Poulenc-Rorer en est à une phase très amont du
processus de R&D d'une molécule. Qui dit que la substance n'a pas des effets secondaires? qu'elle
n'est pas toxique pour l'homme? Ils n'en ont pas fini avec les phases de R&D, les tests cliniques sur
des centaines de patients,... tout cela sera très coûteux. Evidemment, il faut savoir qu'il y a une
différence considérable entre la découverte d'une substance dans un tube à essais et la
commercialisation effective du médicament, des années plus tard."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Décalage 4: Interprétation inexacte des décisions des laboratoires
"Un laboratoire vient récemment de décider de l'implantation d'une nouvelle usine en France. Les
analystes ont réagi sans vraiment comprendre les enjeux économiques; leurs jugements ont été trop
hâtifs. On ne peut en effet ni en déduire que le laboratoire en question se porte particulièrement bien,
ou au contraire que celui-ci disposait auparavant d'usines trop obsolètes en moyenne. Dans
l'industrie pharmaceutique, le manufacturing n'est pas un facteur-clé de succès... En fait, la réalité
économique est bien plus simple que cela. La construction de l'usine fait juste partie d'une
négociation plus globale avec le gouvernement local dans le cadre d'une AMM d'une molécule
jusqu'alors bloquée en France. D'un côté, la firme anglo-saxonne obtient de pénétrer le marché
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français et contourne le protectionnisme des pouvoirs publics. De l'autre, les pouvoirs publics
obtiennent un investissement et la garantie de la création d'emplois locaux. Il faut connaître
l'industrie pour comprendre une telle décision économique. On peut se demander finalement dans
quelle mesure cette décision reflète un réel besoin manufacturing."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Décalage 5: Un problème de communication?
"... Je suis d'accord avec le fait que les banques, en général, ne prennent pas forcément en compte la
dimension économique. Et qu'il y a là du travail à faire pour trouver des critères de qualité et les
communiquer auprès d'eux."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
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1. 3. La démarche adoptée
• Suite au double problème conceptuel et pratique, posé par le décalage entre la valeur économique
et la valeur financière ou comptable des firmes pharmaceutiques, nous avons tenté, dans cette étude:
- De comprendre plus précisément quelles étaient les pratiques d'évaluation financière dans l'industrie
pharmaceutique.
- D'analyser simultanément en quoi cette évaluation externe pratiquée par des experts financiers peut
dévier de la valeur économique réelle de l'entreprise. Autrement dit, de répondre à la question: de
quoi ne tient pas compte l'approche purement financière?
- Nous avons alors examiné la possibilité de construire un modèle d'évaluation financier qui tienne
compte de facteurs d'ordre économique et stratégique. Cette voie s'avérant très tôt infructueuse,
nous avons alors tenté de repérer des critères de qualité (non quantifiables) et des indicateurs de
performance (quantifiables) susceptibles de donner une bonne image de la valeur économique de
l'entreprise.
- Nous avons alors tenté d'analyser très précisément la pertinence (ou à l'inverse, la non-pertinence),
la fiabilité et la simplicité d'utilisation des critères de qualité ou des indicateurs de performance
retenus.
• Le résultat est que nous avons pu ainsi formaliser une démarche d'évaluation économique et
stratégique des firmes pharmaceutiques. S'il s'agit bien d'une démarche qualitative, et non d'un
modèle quantitatif, une telle approche n'en permet pas moins de:
- porter un jugement sur la valeur économique de la firme
- et, consécutivement, d'apporter une utilité marginale, en permettant de nuancer le jugement
externe purement financier.
• Dans un dernier temps, nous nous sommes interrogés sur les limites d'une telle démarche, et sur les
autres types d'approches possibles. Deux approches nous ont paru particulièrement intéressantes:
l'application par Merck&Co de modèles d'évaluation d'options, d'une part; l'application à l'industrie
pharmaceutique des méthodes d'évaluation et sélection des risques développées dans l'industrie
pétrolière, d'autre part.
Tout au long de l'étude, nous nous sommes attachés à privilégier une approche prescriptive, par
rapport à une simple approche descriptive, afin que les résultats soient immédiatement utilisables par
les professionnels du secteur.
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1. 4. Champ de la recherche
1. 4. 1. Quel type d’évaluation?
Dans l'ensemble, l'étude se concentre sur l'évaluation de la firme plutôt que sur la simple analyse
financière:
• i. e., principalement sur les éléments qui permettent de valoriser la prise de contrôle, ou prise de
participation majoritaire, notamment lors des négociations d'acquisition, de cession, ou d'alliances;
• et accessoirement, sur la prise de participation minoritaire. L'analyse des prises de participation
minoritaires ne sera évoquée que dans la mesure où elle fournira une aide à la compréhension de
l'évaluation globale des sociétés.
Néanmoins, les personnes morales concernées par ce type d'analyse peuvent être aussi bien:
- un acquéreur ou partenaire (joint-venture; fusion)
- des organismes financiers (banques; sociétés de capital-risque; etc.)
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1. 4. 2. Quel type d’industrie pharmaceutique?.
La question n'est pas innocente; il ne s'agit pas seulement d'un problème de rhétorique. On peut en
effet distinguer trois types de sociétés pharmaceutiques7, et c'est pourquoi il est nécessaire de
préciser sur quel type de firmes nous focaliserons la recherche. D'autant que les marchés sur lesquels
ces différentes firmes agissent ne présentent pas les mêmes structures concurrentielles et
économiques, ce qui ne manquera pas d'influencer le type de valorisation économique que l'on
pourra mener.
Les trois types de firmes pharmaceutiques sont (source: Arthur D. Little):
• Les concepteurs de molécules nouvelles ou sociétés innovantes, sont généralement engagés à tous
les niveaux de la chaîne d'activités pharmaceutiques: R&D pharmaceutique; Production primaire
(production du principe actif d'un médicament, i.e. de la substance chimique en vrac); R&D
galénique; Production secondaire ("enrobage" du médicament, i. e. formulation du médicament);
Contrôle de qualité; Marketing; Ventes; Distribution.
• Les producteurs de produits grand public et de "marques multisources" (pas de brevet). Leurs
activités R&D se concentrent essentiellement sur le développement de nouvelles formules, plutôt
que sur la découverte de nouvelles entités chimiques.
- Les producteurs de génériques, spécialisés dans les préparations dérivées de principes actifs qui ne
sont plus protégés par des brevets et qui sont vendus sans promotion active
- Trois types de firmes pharmaceutiques coexistent- La chaîne de valeur dans l'industrie pharmaceutique
Fournisseur
R&D
R&D
Production
pharmagaléprimaire
ceutique
nique
Prod°
secondaire
Contrôle
de qualité Marketing Ventes
Type
•Concepteurs
de nouvelles
molécules
Présence sur toute la chaîne de valeur
•Producteurs
d'OTC et/ou de
Très limitée Variable
produits de marque
(pas de brevet)
•Producteurs
de génériques
Quasi-absentes
Très limitées
Source: Arthur D. Little
7Source:
Arthur D. Little (Article Informations Chimie, cf Bibliographie)
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Distribution
Client
Une rapide discussion avec le Directeur du Strategic Planning chez Sterling, a confirmé la différence
typologique entre les firmes axées sur les produits éthiques et les autres:
"Le segment OTC * 8constitue véritablement une autre industrie, plus proche des biens de
consommation que d'une industrie fondée sur la science. Elle implique des facteurs-clés de succès
(savoir-faire en R&D et marketing) et des structures concurrentielles (pouvoir de négociation avec
les clients, structures de distribution) différents."
De même:
"A proprement parler, il n'existe pas une industrie pharmaceutique, mais des industries
pharmaceutiques. Les OTC n'ont rien à voir avec les génériques, et quand aux produits éthiques, il
sont encore plus à part."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Dorénavant, nous entendrons par firmes pharmaceutiques, en priorité les concepteurs de nouvelles
molécules, i. e. les firmes qui sont présentes au moins sur le marché des produits éthiques * ou
prescriptions *.
1. 5. Les difficultés et spécificités de l'évaluation des firmes pharmaceutiques
Comme la plupart des autres industries de haute technologie, l'industrie pharmaceutique est difficile
à appréhender. Cela ne manque pas de poser des problèmes dans l'évaluation des firmes du secteur,
et en tout premier lieu dans l'évaluation de leurs projets de R&D qui, du fait des mécanismes
économiques de l'industrie, constituent une source fondamentale de création de valeur.
C'est pourquoi il nous a paru utile de poser d'emblée quelques repères afin de caractériser
rapidement l'industrie, avant de passer aux questions liées de l'évaluation.
1. 5. 1. Une industrie de haute technologie
L'industrie pharmaceutique est une industrie de haute technologie:
• Elle nécessite des capitaux importants et apparaît simultanément comme un secteur à haut niveau
de risque et de revenu potentiel
- Des laboratoires comme Glaxo ou Lilly ont l'équivalent d'un an de chiffre d'affaires en trésorerie.
Cela est du au fait que les marges ne sont pas faites pour amortir les produits déjà développés
(amortissement), mais au contraire, pour permettre d'en développer de nouveaux (investissement).
En d'autres termes, la R&D dépensée au temps (n) est payée par le Cash-flow dégagé au temps (n1), et non pas au contraire: la R&D dépensée au temps (n-1) est remboursée sur les ventes et le
cash-flow dégagé au temps (n). Le problème est que les résultats de la R&D sont dans ce secteur
particulièrement aléatoires: on risque de ne pouvoir pas payer la R&D de demain si la R&D n'a pas
déjà dégagé un cash-flow aujourd'hui. En fait, les dépenses peuvent aléatoirement être sans
commune mesure avec les revenus qu'elles génèrent.
Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique
8Les
termes suivis d'une astérisque renvoient à l'Index des principales notions.
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• L'industrie pharmaceutique opère sur un marché mondial. Il peut exister des centaines millions de
consommateurs potentiels pour chaque nouveau médicament
- Le secteur est, par rapport à d'autres secteurs, relativement peu compétitif, très segmenté, peu
concentré (la première firme du secteur, Merck, a une part de marché mondiale de 3,7% en 1993;
source: Datamonitor).
1. 5. 2. La structure de coûts
Il nous a paru utile d'autre part d'indiquer la structure de coûts typique d'une firme pharmaceutique,
afin de voir rapidement:
• quelle peut être la proportion de coûts fixes versus coûts variables;
• quels sont les postes sur lesquels se concentrent les coûts
Structure des coûts typique pour un concepteur de nouvelles molécules
(marché des produits éthiques)
% des coûts
100%
Autres
90%
80%
Coûts administratifs
70%
Publicité
60%
Ventes
50%
40%
30%
Marketing
R&D primaire et
secondaire
20%
10%
Productions primaire
et secondaire
0%
Source: Arthur D. Little
Apparemment:
• les coûts variables dominent légèrement
• les coûts de R&D et de marketing sont les principaux postes de coûts. On peut déjà faire
l'hypothèse raisonnable que ce seront sur ces deux éléments de la chaîne de valeur que se
concentreront les sources de compétitivité et la création de la valeur des firmes du secteur.
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2. LES PRATIQUES FINANCIERES DANS L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE
2. 1. Aperçu général des principales méthodes d'évaluation
Le lecteur qui souhaiterait bénéficier d'une vision plus précise pourrait consulter par exemple le
Brealey - Myers (cf Bibliographie en fin de Cahier).
2. 1. 1. La Méthode des Multiples
Cette méthode se fonde sur des observations empiriques: rapports entre le prix de la firme et des
variables données (CA, Profit, Actifs, ...) au cours de transactions passées.
- Exemple: Valeur de la firme = Ration moyen du secteur (Valeur / CA) x CA
2. 1. 2. La Valeur patrimoniale (adjusted book value)
La valeur patrimoniale peut être donnée par la Situation Nette comptable (SN), qui se calcule selon
la formule:
- SN = Capitaux propres - Actifs sans valeur (fonds de commerce, brevets R&D, ...)
+ Passifs sans valeur
Une variante de la méthode tient compte des bénéfices prévisibles dans le futur:
- Valeur de la firme = SN + (n bénéfices prévisionnels)
Le problème posé par l'application de cette méthode tient à l'évaluation des actifs incorporels,
problème particulièrement délicat dans le cas d'une industrie de haute technologie comme la
pharmacie.
Ainsi, les frais de R&D devraient en principe avoir une valeur au moins égale à celle des brevets
qu'ils permettront de déposer. Il ne s'agit donc pas a priori d'actifs fictifs. Mais la présence de
montants dans le poste frais de R&D peut signifier que la recherche n'a pas abouti, et la prudence
peut conduire à leur donner une valeur nulle. Les frais de R&D sont donc généralement considérés
comme des actifs sans valeur.
2. 1. 3. La Capitalisation boursière (stock value)
La valeur d'une firme peut se calculer à partir de la capitalisation boursière suivant les deux formules
suivantes:
- Valeur boursière = cours x nombre d'actions
- Valeur de la firme = PER * branche d'activité x Bénéfice entreprise étudiée x nombre d'actions
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2. 1. 4. L'Actualisation des cash-flows / ETE / Résultats d'exploitation générés par l'entreprise
On peut déterminer la valeur d'une firme par la méthode des cash-flows actualisés ou discounted
cash-flows (DCF *). Les variantes sont l'actualisation dans le temps d'autres variables telles que le
Résultat d'exploitation ou l'ETE. Cette méthode est largement utilisée. Les motifs en sont détaillés
ci-dessous.
Motif 1: La DCF dépasse la vision purement comptable
La vision comptable représente l'entreprise comme un portefeuille d'actifs nets, i. e. une entité
dépositaire d'une richesse accumulée dans le passé. A l'inverse, une méthode comme la DCF se
tourne résolument vers l'avenir. La DCF considère l'entreprise, comme créatrice et porteuse de
valeur économique. Autrement dit, l'hypothèse est que ce qui compte pour une firme, c'est sa
capacité à créer durablement de la valeur pour l'ensemble de ses partenaires: clients, personnel,
fournisseurs et sous-traitants, bailleurs de fond.
Source: McKinsey&Co, "La stratégie de la valeur"
Motif 2: La DCF dépasse la vision purement boursière
Si l'on veut pouvoir faire la différence entre des sociétés aux résultats identiques mais aux cash-flows
ou aux risques différents, il faut intégrer au PER la qualité des bénéfices
Il est par suite nécessaire de mesurer l'augmentation du bénéfice en fonction de la rentabilité
marginale des investissements et non dans l'absolu. La méthode DCF tient donc compte, à l'inverse
de la méthode boursière, de l'investissement et du risque.
Motif 3: La DCF reflète la réalité du marché
• La corrélation entre les bénéfices comptables et le cours des actions est faible: il n'y a pas de
corrélation entre le PER et la croissance moyenne du Bénéfice par Actions. "La capitalisation
boursière et la valeur du DCF sont fortement corrélées pour un échantillon de 30 sociétés. Quoique
ces résultats n'aient pas de valeur scientifique, ils confirment notre expérience selon laquelle le DCF
explique très bien le cours des actions cotées en bourse".
Source: Etude McKinsey, "La stratégie de la valeur".
Seule la méthode DCF tient en effet à la fois compte de la rentabilité du capital investi (création de
valeur assurée, selon quel rythme) et de la croissance (croissance de la valeur).
• D'autre part, la manipulation comptable des bénéfices ne fait pas progresser les cours.
"A partir d'informations Compustat, McKinsey a étudié les dépenses de R&D de six grands
laboratoires pharmaceutiques, qui en général les comptabilisent immédiatement comme des frais
généraux de l'exercice, même si leurs bénéfices doivent intervenir dans l'avenir. L'étude révèle le
contraire de ce que laisserait supposer le modèle comptable, à savoir que les sociétés au budget
R&D le plus élevé, tendraient à avoir le PER le plus élevé. Bien que ces résultats n'aient pas de
valeur scientifique, ils mettent sérieusement en doute l'opinion selon laquelle la bourse pénalise les
sociétés qui investissent beaucoup en recherche et développement."
Source: Etude McKinsey, "La stratégie de la valeur".
- 16 -
Mais il faudrait avoir en fait la comparaison des cours entre sociétés à forte R&D et les autres,
pour pouvoir en tirer des conclusions probantes pour notre recherche.
• Le marché boursier évalue les décisions de gestion en fonction de leur effet prévisible sur les cashflows à long terme, et non sur les bénéfices à court terme.
On remarquera que ces remarques ne remettent pas en cause le constat empirique de départ (cf
Introduction). Ce constat visait précisément à souligner que le marché pouvait se tromper dans son
évaluation de l'effet à long-terme des décisions de la firme sur les cash-flows; non, qu'il ne raisonnait
pas à long-terme.
Comment appliquer la DCF
L'intérêt pratique de la méthode DCF est tel que nous avons jugé nécessaire de préciser quelles
orientations il faut prendre pour pouvoir l'appliquer dans la réalité.
En fait, si l'on veut recourir à une étude du DCF pour appuyer des décisions comme des acquisitions,
des désinvestissements ou la mise au point de stratégies de groupe, il faut un modèle qui réponde à
des question pratiques, telles que:
• quel est le taux d'actualisation correct?
• sur quelle durée calculer la prévision de cash-flows?
• comment décomposer la valeur de l'exploitation?
La réponse à la deuxième question est fonction du contexte. En revanche, nous pouvons donner ici
quelques indications pour répondre à la première et la troisième.
1° Le taux d'actualisation
Le taux d'actualisation appliqué au cash-flow disponible doit refléter le coût d'opportunité de tous les
bailleurs de fonds, pondéré selon leur contribution respective au financement total de la société...
autrement dit, le coût moyen pondéré du capital.
-> Le coût d'opportunité d'un investisseur est égal au taux de rentabilité qu'il pourrait escompter d'un
autre investissement de risque équivalent.
-> Pour la firme, le coût du capital est égal au coût d'opportunité des investisseurs diminué de tout
avantage fiscal obtenu par la société.
2° On peut décomposer la valeur de l'exploitation en:
• Valeur de l'endettement: VAN * des sommes versées aux créances ou reçues de ceux-ci
• Valeur des fonds propres et quasi fonds propres: VAN des cash-flows disponibles pour les
actionnaires (dividendes, rachats d'actions, émission d'actions nouvelles)
- 17 -
Le cash-flow (CF) avant frais financiers se calculant suivant la formule suivante:
CF avant frais financiers = Bénéfice d'exploitation après impôts + Charges sans
décaissement (Amortissements et Provisions) - Besoin en fonds de roulement,
immobilisations corporelles, et autres actifs
Ce CF représente l'ensemble des flux monétaires que l'entreprise dégage et met à disposition de ses
pourvoyeurs capitaux, qu'ils soient actionnaires ou créanciers. Il ne tient pas compte des frais
financiers; ceux-ci sont pris en compte dans le calcul du taux d'actualisation, fonction du coût moyen
pondéré du capital.
2. 2. Les pratiques financières dans l'industrie pharmaceutique
2. 2. 1. Les pratiques d'évaluation financière des banques
La conduite d'entretiens et la consultation des études financières réalisées dans le secteur ont montré
que, dans la pratique, il n'y a à proprement parler aucune méthode d'évaluation financière propre au
secteur, qui tienne compte des spécificités de l'industrie. Ce sont donc les modèles financiers
classiques qui sont utilisés.
• Parmi eux, l'analyse des multiples de marché (Price Earning Ratio, Earning per Share...) et des
multiples liés à l'entreprise elle-même (par rapport au chiffre d'affaires, au Bénéfice, ...) constitue la
méthode d'évaluation la plus souvent utilisée. Elle permet de situer très rapidement la valeur de la
firme dans une échelle de référence.
Source: Entretien Banque d'affaires
Les extraits d'entretien suivants confirment cette double tendance, forte utilisation, et grande
applicabilité de l'analyse des multiples:
- "Nous raisonnons le plus souvent par comparaison, sur des entreprises comparables dans le même
secteur d'activité. C'est ce qu'on appelle l'analyse des "comparables". Pour ce faire, nous
déconsolidons le Chiffre d'affaire, le Résultat net comptable, les marges d'exploitation, le coût des
matières premières."
Source: Entretien Banque
- "Les analyses de multiples constituent une façon simple de voir les choses. Mais elles ont le mérite
d'être très faciles et très pratiques à utiliser lors des négociations et des transactions. Ces analyses
prennent peu de temps et sont facilement réalisables. Les informations et les chiffres sont
disponibles, et contrôlables. L'analyse des multiples est particulièrement utilisée aux Etats-Unis."
Source: Entretien Banque
- "Le marché boursier a baissé de 30-40% sur la pharmacie. Mais les ratios d'évaluation des sociétés
n'ont pas bougé malgré la crise: ils restent autour de 2 fois le CA et 20-30 fois le résultat net."
Source: Entretien Banque
- 18 -
• En même temps que l'analyse des multiples, la méthode DCF est également largement utilisée dans
la pratique par les banques d'affaires.
- "Nous utilisons aussi le plus souvent la méthode DCF. En regard d'un intervenant quelconque, une
telle méthode nous permet d'asseoir véritablement notre crédibilité et notre expertise de société
financière. Comme elle requiert des informations plus fines, internes à l'entreprise, cette méthode
présente également l'avantage de renforcer le dialogue avec le client, de nous permettre d'être plus
impliqués dans l'entreprise, de mieux appréhender la réalité économique. Les problèmes qui se
posent en général concernent l'évaluation du coût moyen pondéré du capital, en fonction du coût des
fonds propres et du coût de la dette... Nous sommes obligés de prendre toute une série d'hypothèses,
afin de calculer un taux d'actualisation (discount rate), qui indique le risque, et consécutivement, une
terminal value. Généralement, nous considérons enfin une période infinie."
Source: Entretien Banque
• En fait, toutes les méthodes d'évaluation financière classiques sont appliquées dans l'industrie
pharmaceutique.
- "On utilise dans l'industrie pharmaceutique l'ensemble des méthodes financières: la valeur du Price
Earning Ratio; la valeur des actifs; les règles de l'industrie, ou "rules of the thumb", telles que les
multiples de CA et de profit9; le DCF. Le problème pour cette dernière méthode, est que tout
dépend du facteur risque, ou taux d'actualisation, que l'on prend. Malgré cela, j'estime que la
valorisation dans le futur est une des meilleures méthodes, surtout si elle appliquée projet de R&D
par projet de R&D. Ce qui est valable pour les gens qui connaissent l'industrie."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
• Force est de constater que l'ensemble de ces pratiques financières ne tient pas compte des
incorporels. La valorisation des brevets est problématique. C'est le cas également de la valorisation
du portefeuille d'alliances par produits, et par classes thérapeutiques *. Ce sont précisément ce type
de phénomènes que tâchera de prendre en compte une valorisation économique.
9'Une
étude de Droit & Pharmacie et A Prime, publiée en 1991 (cf Bibliographie), a permis de déterminer que les
multiples moyens suivants sont à peu près équivalents pour déterminer la valeur de l'entreprise:
- 15 ans de résultat net
- 9 ans d'autofinancement
- 6 ans de profit brut d'exploitation
- 2 fois la situation nette
- et 10 mois de chiffre d'affaires
Cela s'entend pour une prise de participation minoritaire. En cas de prise de contrôle, il convient de majorer ces
données de 50% à 80%, ce qui donne une fourchette d'évaluation. Des correctifs supplémentaires peuvent être
apportés, par exemple, selon la croissance ou l'excellence des produits, ou encore la fragilité du portefeuille de
produits.
- 19 -
2. 2. 2. Les analyses qualitatives conduites par les banques
L'Estimation du risque (CCF)
L'analyste de banque ne limite pas ses estimations à des méthodes d'évaluation quantitative telles que
celles présentées précédemment. En dehors des méthodes d'évaluation purement financière, des
approches qualitatives prennent en compte des éléments d'analyse stratégique. Au CCF, par
exemple, l'analyste doit procéder à des analyses qualitatives, afin d'estimer:
• la "qualité" de la firme
• le risque encouru
Estimation de la qualité
L'analyste estime:
• la maturité du secteur; à laquelle il attribue une note
• la position concurrentielle de la firme, à laquelle il attribue une note
• l'indépendance financière de la firme, à laquelle il attribue une note
• la viabilité de la stratégie de la firme, à laquelle il attribue une note
• la position financière de la firme, à laquelle il attribue une note
=
=
=
=
=
0, 1, 3 ou 6
0, 1, 3 ou 6
0, 1, 3 ou 6
0, 1, 3 ou 6
0, 1, 3 ou 6
On obtient une note totale, comprise entre 0 et 30. L'indice de qualité de l'entreprise est calculé alors
à l'aide du tableau de correspondance:
- Indice de qualité Note totale
Indice
de qualité
0-1-2
1
3-4-5
2
6->11
3
12->17
4
18->60
5
Source: CCF
Calcul du risque
L'analyste estime alors la régularité des performances de l'entreprise. Il attribue une note à la
régularité entre 1 (forte) et 5 (faible).
Le risque se détermine alors suivant le tableau de calcul suivant (source: CCF):
- Calcul du Risque -
Régularité
5
4
3
2
1
7
4
2
1
1
8
5
3
2
2
9
6
5
4
3
9
8
7
7
6
9
9
9
9
8
1
2
3
4
5
Zone de risque faible
Zone de risque indécise
- 20 -
Zone de risque forte
La distinction de trois zones de risque ne figure pas originellement dans la méthode du CCF, mais
permet de visualiser d'une façon simplifiée les résultats.
Ce type d'analyse, aussi formalisée soit-elle, ne serait qu'une "coquille vide" si elle ne s'appuyait pas
sur des informations capables de la nourrir. Pour alimenter leurs analyses qualitatives, les banques
s'appuient le plus souvent sur une description globale des activités de l'entreprise. Pour ne pas
multiplier les exemples, nous nous sommes limités à l'analyse d'un seul rapport d'activités, émis par
JP Morgan (bureau de Londres). Nous aurions pu tout aussi bien prendre l'exemple d'un rapport de
NatWest Securities, comme du Crédit Commercial de France: les résultats ne sont pas tellement
différents. Cette rapide analyse, permettra ainsi de se faire une idée plus précise du type de rapports
qui peuvent être faits par les institutions financières. Aussi intéressant que le rapport puisse être,
nous tâcherons de ne pas nous limiter à une description pure, sans grande valeur ajoutée.
La description globale des activités de l'entreprise (JP Morgan)
Le rapport se structure ainsi.
• Stratégie de la firme. Cette partie comprend des commentaires sur:
- le repositionnement de la firme sur ses activités dans la santé.
- l'annonce d'un programme de restructuration mondial incluant une réduction du personnel, étalé sur
deux ans jusqu'en 1996
- des hypothèses sur la vision stratégique du management, ses projets possibles/probables d'alliance
ou de pénétration de certains segments thérapeutiques.
• Portefeuille d'activités. Cette partie comprend des commentaires sur:
- la structure du CA: les principaux produits et les principales classes thérapeutiques * sur lesquels se
trouve la firme
- les évolutions marquantes dans le jeu concurrentiel, notamment pour expliquer les baisses de ventes
sur certaines prescriptions (concurrence accrue des génériques versus ventes des prescriptions)
- les produits récemment autorisés (AMM *, FDA *, etc.)
- les produits en licence
• Ventes et Distribution. Cette partie comprend des commentaires sur:
- l'effectif de la force de vente par pays
- la structure du CA par pays, afin de dégager les marchés majeurs pour la firme
• Pipeline *. Cette partie comprend des commentaires sur:
- les priorités stratégiques de la R&D par classes thérapeutique. "Le pipeline montre peu de produits
en fin de développement, prêts à être lancés."
- un jugement global sur la qualité du pipeline; les projets d'introduction sur le marché de nouveaux
produits sur l'année à venir
• La performance du cours de l'action.
- sur 5 ans, relative à l'index des sociétés pharmaceutiques et à l'indice S&P
- sur 2 ans, relative à l'index des sociétés pharmaceutiques et à l'indice S&P
• Evolution du bénéfice
- sur 5 ans, croissance espérée du bénéfice
- 21 -
• Management
- nom du Président, date d'arrivée dans la société
- nom du Directeur Général, date d'arrivée dans la société
- nom du Directeur financier, date d'arrivée dans la société
• Autres
- Projets en cours d'alliance/d'accords avec d'autres laboratoires
- Projets en cours de construction d'usines dans le monde
- Arrêt d'une activité de R&D sur telle classe thérapeutique après examen du ratio risque / bénéfice
Analyse critique
Un tel rapport a l'avantage de présenter:
• une vision globale de l'entreprise; il prend en compte des critères autres que purement financiers
pour étayer et appuyer les analyses et les calculs;
• une vision objective de l'entreprise; aucun jugement subjectif n'est porté et les commentaires se
limitent à des informations ou des faits.
En revanche, il n'y a pas:
• de jugement critique sur la position concurrentielle de l'entreprise (sa compétitivité);
• de jugement critique sur la valeur économique réelle de l'entreprise, et en particulier sur son
pipeline: du fait de la responsabilité morale et de l'éthique bancaires, il est difficile pour un analyste
financier de porter un jugement autre que sur le passé et le présent, un jugement tenant à la fois
compte des spécificités économiques et technologiques de l'industrie pharmaceutique.
Aussi complet et utile que soit un tel rapport, il fait bien ressortir la nécessité de mener des analyses
économiques et scientifiques plus fines, lesquelles permettront de porter un jugement
complémentaire sur la valeur de l'entreprise.
- 22 -
2. 3. La confrontation avec la réalité des transactions
2. 3. 1. Démarche
Afin de mener à bien cette étude, il nous a paru en effet nécessaire de nous confronter un moment
avec la réalité des transactions, et de voir en particulier à quel prix les firmes pharmaceutiques
étaient effectivement achetées et vendues.
Pour cela, nous avons procédé en deux temps:
1°. L'analyse statistique d'un échantillon de transactions entre 1992 et 1994. La responsabilité des
résultats de cette analyse n'incombe qu'à l'auteur;
2°. La comparaison de ces résultats avec ceux d'autres études réalisées; en particulier l'étude réalisée
en 1991, par Droit & Pharmacie, à partir d'un autre échantillon de transactions.
2. 3. 2. Analyse statistique d'un échantillon de transactions, 1992-94
Méthodologie
L'échantillon étudié par l'auteur est composé de 21 transactions réalisées dans la période comprise
entre janvier 1992 et avril 1994. Les données sont disponibles sur base de données Computasoft /
Acquisitions Monthly 1987-1994. Les 21 cibles de transaction considérées comprennent à la fois des
sociétés européennes (françaises, allemandes, anglaises), japonaises, et nord-américaines.
L'échantillon semble donc relativement représentatif des différents marchés majeurs de l'industrie.
Les chiffres sont tous calculés en dollars courants.
Sur les 21 cibles considérées:
• 16 sociétés appartenaient à l'origine à des firmes dont l'activité principale se trouve dans l'industrie
pharmaceutique. Nous entendons ici pharmacie au sens strict, c'est-à-dire qu'elle ne comprend pas
par exemple ni les biotechnologies ni l'hygiène-beauté (soins du corps, soins du cheveux,
cosmétique, ....);
• 5 sociétés appartenaient à l'origine, soit à des firmes dont l'activité principale n'est pas la
pharmacie, soit à des institutions gouvernementales (2 cas de sociétés allemandes), autrement dit, à
des acteurs relativement absents du jeu concurrentiel de l'industrie.
Nous avons tenté au départ de calculer le prix de transaction en fonction de variables explicatives
telles que le résultat net, le chiffre d'affaires, les actifs ou l'effectif. Le but était d'obtenir une équation
linéaire ou exponentielle du type:
Prix = (a x RNC) + (b x CA) + (c x Actifs) + (d x Effectif) + .... {équation linéaire}
ou encore du type, avec exp. = puissance:
Prix = (RNC exp. A) + (CA exp. B) + (Actifs exp. C) + (Effectif exp. D) + ....
- 23 -
Une autre idée était de procéder à une analyse des corrélations linéaires deux par deux entre les
différentes variables, en particulier entre le prix de la transaction et le PER de la cible d'une part, et
les autres variables d'autre part.
Malheureusement, cette recherche s'est avérée peu concluante:
• du fait de la taille de l'échantillon, peu significative par rapport à un tel niveau de formalisation
mathématique;
• parce que, même à l'intérieur de l'échantillon, toutes les données nécessaires, n'étaient pas
nécessairement disponibles;
• enfin, parce qu'une telle formalisation, si elle apparaissait séduisante a priori, gommait par trop les
différences propres à chaque transaction, et devenait par suite relativement peu applicable à de
nouvelles transactions.
C'est pourquoi, l'étude s'est finalement concentrée sur les points suivants:
• voir si on observait une différence entre les sociétés vendues par des firmes dont l'activité principale
était la pharmacie et les autres (cf supra)
• voir s'il était possible de distinguer des multiples ou des ratios moyens significatifs
Pour cela, les variables retenues parmi l'ensemble des données disponibles, sont:
• le Multiple du CA, ratio (Prix transaction / CA)
• le Multiple des Actifs, ratio (Prix transaction / Actifs Nets)
• le Multiple du Résultat, ratio (Prix transaction / Résultat net)
• le Multiple du Résultat d'exploitation, ratio (Prix transaction / Résultat d'exploitation)
• le Multiple Effectif, ratio (Prix transaction / effectif en nombre de personnes)
• la Proportion d'actions acquises sur la transaction considérée
• le PER, Price Earning Ratio
Résultats
Proportion d'actions
Sur les 21 transactions considérées, 19 correspondaient à des prises de contrôle (prises de
participation majoritaires), et deux seulement à des prises de participation minoritaires.
Sur ces 19 transactions:
• 14 concernent des prises de contrôle pour plus de la moitié du capital (le reste correspondant à des
transactions pour moins de la moitié de la capital mais dans le cas où l'acquéreur avait déjà une part
non nulle des actions de la cible et ne faisait donc qu'augmenter sa participation);
• 9 concernent des prises de participation à hauteur de 100% du capital, soit environ 50% de
l'échantillon.
- 24 -
Aucune différence probante n'a été relevée entre la valorisation de prises de participation majoritaires
et celle de prises de participation minoritaires, sinon que ces dernières n'étaient pas nécessairement
mieux valorisées que les premières en regard du chiffre d'affaires. Sur ce plan, il ne semblerait
donc pas exister de prime au contrôle de la cible.
Différence dans l'activité d'origine du vendeur
Les résultats figurent dans le tableau suivant.
- Différence dans l'activité d'origine du vendeur `
PER
Mult.
CA
Mult.
Résultat
Mult.
Rés. Expl°
Mult.
Actifs
Mult.
Effectif
Moyenne
Pharma.
8,41
(17)
26,42
(2)
15,94
(3)
14,29
(6)
341,5
(4)
47,97
(3)
Moyenne
Autre
0,72
(4)
49,45
(2)
22,32
(1)
3,7
(1)
93,5
(1)
53,6
(1)
Ecart-type
Pharma.
11,78
(17)
70,63
(2)
2,92
(3)
13,81
(6)
402,7
(4)
34,2
(3)
Ecart-type
Autre
0,48
(4)
32,67
(2)
108,19
(1)
non
significatif
(1)
non
non
significatif significatif
(1)
(1)
• Les chiffres entre parenthèses figurent le nombre d'entreprises sur lesquelles les données sont
disponibles ou significatives. En particulier, pour le calcul du multiple du résultat, n'ont pas été pris
en compte les cibles dont les résultats étaient négatifs ou trop proches de zéro pour que le ratio
correspondant soit significatif.
• Dans l'ensemble, on note une forte variance (ou dispersion) entre les moyennes de ratios; à
l'exception de la moyenne du multiple du résultat d'exploitation, pour lequel l'écart-type est
nettement plus petit que la moyenne. C'est donc visiblement le multiple Résultat d'exploitation
qu'il faut considérer pour valoriser une affaire dans la pratique.
• Etant donné la dispersion des valeurs, on ne peut tirer d'autres conclusions probantes (sur les
multiples CA, Résultat, Actifs nets, Effectif et PER). On peut simplement faire l'hypothèse
raisonnable qu'une affaire est mieux valorisée par un vendeur, professionnel du secteur, et par
conséquent capable de mieux tenir compte des éléments incorporels.
- 25 -
- 26 -
Ratios de l'échantillon
Les résultats figurent dans le tableau de synthèse suivant.
- Ratios de l'échantillon`
PER
Mult.
CA
(21)
Mult.
Résultat
(4)
Mult.
Rés.
Expl°
(4)
Mult.
Actifs
(7)
Mult.
Effectif
(5)
Moyenne
6,9
54,7
18,1
12,8
258,9
49,4
Ecart-type
11,2
28,9
4,2
13,2
341
28,1
Minimum
0,33
26,4
13,9
3,7
17
23,8
Maximum
37,6
87,9
22,3
40,9
893
87,1
(4)
Les chiffres entre parenthèses figurent le nombre d'entreprises sur lesquelles les données sont
disponibles ou significatives. En particulier, pour le calcul du multiple du résultat, n'ont pas été pris
en compte les cibles dont les résultats étaient négatifs ou trop proches de zéro pour que le ratio
correspondant soit significatif.
• Dans l'ensemble, on note une forte variance entre les moyennes de ratios, à l'exception de la
moyenne du multiple du résultat d'exploitation (pour lequel l'écart-type est nettement plus petit que
la moyenne).
Le multiple du résultat d'exploitation apparaît donc comme le critère le plus fiable et le plus
opérationnel; il se place dans une échelle de 14 à 22.
• On ne peut tirer d'autre résultat de l'analyse statistique.
On peut néanmoins observer que le recours à une échelle minimum - maximum offre un critère de
référence pour valoriser des firmes pharmaceutiques dans la pratique. Aussi petits soient l'échantillon
considéré et la teneur des résultats obtenus, une telle échelle peut pleinement servir:
- comme référence objective dans la valorisation économique ou financière des firmes
pharmaceutiques: après avoir valorisé une affaire du secteur, on peut se référer à cette échelle pour
vérifier que le résultat obtenu rentre dans le même ordre de grandeur;
- comme argument (en étant utilisé comme précédent) dans les négociations d'acquisition, cession,
fusion dans l'industrie pharmaceutique.
- 27 -
Une telle échelle serait d'autant plus précieuse qu'elle serait mise à jour au fur et à mesure de la
connaissance de nouvelles transactions dans l'industrie.
- 28 -
2. 3. 3. . Comparaison avec d'autres études
Cette comparaison s'appuie en particulier sur (cf Bibliographie):
• une recherche de R. Hamael, dans Magazine Fusions & Acquisitions
• une étude réalisée par Droit & Pharmacie et A Prime, datant de 1991
Comparaison de la pharmacie avec d'autres secteurs
En regard d'autres secteurs économiques, la pharmacie apparaît d'abord comme un secteur cher:
faible volatilité des résultats; forte croissance et barrières à l'entrée élevées. Généralement, les
acquisitions dans ce secteur répondent à un souci de positionnement stratégique.
Comme pour toute entreprise, les négociateurs prennent en considération le chiffre d'affaires ou le
résultat net. Si aucune de ces données n'est disponible, les ventes futures des produits en
développement constituent la base des calculs. Le problème fondamental apparaît être ainsi pour les
négociateurs la valorisation de la recherche: le goodwill doit s'apprécier sur des évolutions futures.
Les produits éthiques étant issus de la recherche, la cible va chercher à dégager des plus-values
importantes pour compenser les investissements élevés auxquels elle a dû consentir: d'où des droits
d'entrée élevés. Il faut toutefois rapporter le prix d'acquisition à celui de la création d'une filiale.
Georges Fillias (Roussel-Uclaf) par exemple compare le rachat d'un laboratoire à celui d'une marque
de luxe.
Echelle de prix Droit & Pharmacie et A Prime
Droit & Pharmacie et A Prime fournissent une échelle de prix pour une prise de contrôle, selon les
moyennes suivantes:
- 23 à 27 le résultat net;
- 13 à 16 fois l'autofinancement;
- 8 à 11 fois le profit brut d'exploitation;
- 3 à 3,5 fois la situation nette;
- 15 à 18 mois de chiffre d'affaires.
"Un groupe qui a une croissance double de celle du marché verra son prix majoré de 20% et celui
qui connaît des ventes stationnaires verra son prix minoré de 10%". Source: Droit & Pharmacie, A
Prime.
Rappelons qu'il ne s'agit pas là d'une estimation moyenne à partir d'un échantillon de transactions
effectivement réalisées, mais simplement du résultat de la valorisation financière telle qu'elle a pu être
pratiquée par Droit & Pharmacie et A Prime. Il ne s'agit pas d'une grille des prix, ou d'une indication
sur la manière dont un acquéreur valorise une affaire dans la pratique, mais d'une indication sur la
façon dont des analystes extérieurs peuvent donner une valorisation financière, "objective", d'une
firme.
"Ces fourchettes d'évaluation sont élevées. Elles correspondent à peu près aux niveaux des
transactions qui se sont opérées récemment".
Ce niveau élevé d'évaluation financière tient aux spécificités sectorielles suivantes:
- forte croissance dans les années passées (environ 10% par an);
- ticket d'entrée élevé, pas tant en terme d'équipement que de produits (R&D) et de position acquise
sur un marché complexe (législation, réglementation, diversité des prescripteurs, etc.);
- bonne pérennité des résultats à un an."
Source: Magazine Fusions & Acquisitions
- 29 -
3. LA MESURE DE LA VALEUR ECONOMIQUE DES FIRMES PHARMACEUTIQUES
3. 1. Le Ratio R&D / CA n'est pas un critère pertinent
L'étude a montré que, malgré les a priori de départ, le critère R&D / CA n'a aucune signification
économique:
"Le critère R&D / CA ne veut rien dire. Il est absurde."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Nous allons tâcher de comprendre très exactement pourquoi un tel critère n'est pas pertinent pour
une valorisation économique.
3. 1. 1. Le budget R&D n'est pas un critère pertinent, car le ROI * n'est pas une fonction
croissante de la R&D
Une mesure empirique de 31 sociétés sur 19 ans 10
Une étude réalisée par deux chercheurs du Boston College sur 31 firmes pharmaceutiques (produits
éthiques) montre que:
Résultat 1
• Dans la recherche pharmaceutique, la productivité (définie par le nombre de nouvelles substances
chimiques actives découvertes par unité de R&D-dollars) est une fonction croissante de la taille de la
société.
Résultat 2
• Mais la dérivée seconde de cette fonction est négative: le niveau marginal de produits créés décroît
avec l'augmentation de la taille des sociétés. Le revenu marginal espéré est en effet inférieur au coût
marginal certain. Ainsi, la valeur de la société baisse au fur et à mesure que la R&D augmente, à
partir d'un certain seuil. Autrement dit, qu'à partir d'un certain seuil, le ROI baisse quand les sommes
consacrées à la R&D augmentent.
Sur la base de cette très complète étude, les auteurs déduisent les propositions suivantes:
- Proposition 1:
La fonction de productivité de l'innovation d'une firme décroît au fur et à mesure que les sommes
consacrées à la R&D augmentent.
- Proposition 2:
La fonction de productivité de l'innovation d'une firme décroît au fur et à mesure que la taille de la
firme augmente.
Pour expliquer ce double phénomène, à savoir:
• une relation positive entre le nombre de nouveaux médicaments commercialisés et les dépenses de
R&D.
• mais une décroissance du revenu marginal quand les dépenses de R&D augmentent.
10Etude
Langowitz-Brave, Boston College, USA. Cf Bibliographie
- 30 -
Les auteurs de l'étude avancent que:
• les plus grosses firmes entreprennent des recherches plus risquées, et par suite, supportent le
"fardeau du pionnier", i. e. des résultats plus incertains;
• les plus grosses firmes supportent une inefficience organisationnelle.
Néanmoins, l'étude révèle que la taille implique aussi plus d'innovations, plus de nouveaux produits,
un portefeuille de projets R&D plus large, même si ces projets sont caractérisés par une espérance
de profits et un niveau de risque plus élevés.
En conclusion, les auteurs de l'étude recommandent aux firmes pharmaceutiques:
• de décentraliser les centres de recherche en centres de coûts autonomes, avec des budgets et des
effectifs propres. Cette approche a d'ores et déjà été adoptée chez Merck.
• de gérer soigneusement les carrières des chercheurs. Les firmes qui promouvraient leurs meilleurs
chercheurs à des postes de management perdraient du même coup leur avantage de créativité.
• de développer des alliances stratégiques avec les autres laboratoires.
Le budget R&D n'est pas une mesure de la qualité de la R&D
• Le revenu tiré des dépenses R&D n'est pas une fonction croissante de leur montant. Il peut par
exemple exister des prescriptions pour lesquelles le coût de découverte de la molécule active a été
nul ou négligeable; ceci, même si les coûts des phases * de R&D suivantes existent toujours.
Certains laboratoires ont directement tiré parti de ressources naturelles existantes (fleurs, principes
actifs existant dans les forêts/marécages, ...) sans avoir à réaliser de travail de recherche important.
- C'est le cas par exemple dans les classes thérapeutiques des anticancéreux et des antibiotiques.
Pour cette dernière classe, un des produits existants a été découvert par l'observation de la matière
en décomposition: on a constaté en effet que sous certaines conditions de fermentation (due à la
décomposition de la matière), aucun germe ne se développe dans les marécages. On en a déduit
qu'il existe une substance naturelle qui inhibe le développement de germes. Cette substance a été
identifiée: il s'agit d'un champignon. Sur cette base, a été construite ensuite une nouvelle molécule,
principe actif d'un nouvel antibiotique.
Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique
• L'investissement dans un meilleur équipement informatique n'est pas non plus garant d'une
meilleure R&D, et fournit un autre exemple de la difficulté d'évaluer la qualité de la R&D par un
simple ratio rapporté au CA.
- Ainsi: "Récemment, de grands laboratoires se sont équipés de nouveaux systèmes informatiques
qui permettraient d'appliquer certains résultats de mécanique quantique dans le screening et la
découverte de nouvelles molécules. Les analystes ont interprété positivement cette décision. Rien ne
prouve pour l'instant qu'un tel procédé permette effectivement la découverte de molécules rentables,
et qu'une telle décision soit réellement créatrice de valeur."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
- 31 -
3. 1. 2. Le ratio R&D / CA reste trop global pour pouvoir mesurer pertinemment la qualité de la
recherche
On aurait pu penser alors que le ratio R&D / CA aurait pu avoir un sens, surtout si l'on prenait
également en compte le nombre de secteurs thérapeutiques et pathologiques sur lesquels se
concentrent les dépenses de recherche, ou l'effectif de chercheurs affectés à telle classe thérapeutique
par rapport à l'effectif total des chercheurs.
A la réflexion, ce critère s'est avéré inutilisable.
Les définitions économique et comptable de la R&D posent des problèmes
Définition économique
Le ratio R&D n'est pas pertinent parce que, pratiquement, il n'est pas défini de la même manière par
les différents laboratoires. Doit-on par exemple incorporer les dépenses de R&D post-lancement? Un
laboratoire doit en effet, une fois le produit lancé, procéder à des études épidémiologiques: il suit les
prescriptions sur un échantillon représentatif de patients pendant toute la durée du traitement, afin de
surveiller en particulier les effets secondaires en fonction des profils de patient. Il s'agit de ce qu'on
appelle parfois la phase 4 * de R&D, ou pharmacovigilance *.
La firme pharmaceutique a le choix d'intégrer ou non les coûts associés à cette phase dans ses
dépenses de R&D.
• Il arrive fréquemment que ces coûts associés puissent se transformer en investissements
promotionnels: à l'origine, le laboratoire paie le médecin pour qu'il surveille le profil du patient; de
fait, il donne souvent de l'argent au médecin pour que celui-ci incite à la prescription.
• Ou encore que ces coûts soient simplement le fait de dépenses associées à la publication
scientifique.
Les coûts associés à la phase 4 pourraient donc, dans la majorité des cas, aussi bien être
comptabilisés comme dépense marketing que comme dépense de R&D. Un tel phénomène remet
d'autant plus en cause la détermination du ratio R&D / CA que de tels coûts rentrent pour une
proportion non négligeable dans le total des coûts de R&D. (40% environ. Source: Entretien
Industrie pharmaceutique).
Par conséquent, un analyste financier qui par le simple jeu des ratios trouverait un ratio R&D / CA
de 16% pour une firme (A) et un ratio de 15% pour une firme (B), et en déduirait que la R&D de la
firme (A) est meilleure, porterait par la suite un jugement erroné.
"Une telle déduction serait fausse."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Un consultant résume laconiquement:
"On ne sait pas ce qui est mis dans la R&D"
Source: Entretien Conseil en Management
Définition comptable
Une communication faite à l'Association française de Comptabilité en 1993 par C. Thibierge,
professeur à l'ESCP vient confirmer ce dernier point. Les entretiens suivants réalisés avec des
- 32 -
responsables comptables ou financiers lors de cette étude montrent que la définition comptable pose
aussi problème.
"Nous considérons comme Recherche tout ce qui est avant l'AMM, c'est-à-dire tout ce qui peut
aider à constituer le dossier d'AMM. Notamment, nous incluons les frais des attachés de recherche
clinique qui se déplacent dans les hôpitaux, le traitement statistique de ces données (cellule
biométrie), les amortissements des ordinateurs, les salaires des gens qui y participent, les honoraires
des praticiens externes.
Après l'AMM, nous considérons que c'est du Marketing. Notamment les études qui permettent aux
médecins de mieux connaître le médicament."
Source: Entretien Hoechst (étude C. Thibierge).
"La R&D française est orientée vers la toxicologie des médicaments dans leurs différentes phases de
développement (avant AMM) ou après (méthodes de fabrication). Nous incluons aussi les taxes
annuelles pour le maintien de la protection juridique des produits." Source: Entretien Merck & Co
(étude C. Thibierge).
"Nous incluons aussi dans les frais de R&D les frais de maintien du produit médical. J'entends par là
l'entretien de la recherche, qui consiste en la pharmacovigilance, et en investigations diverses pour
s'adapter aux normes, qui évoluent toujours... Normalement, nous n'affectons pas de dépenses de
recherche à d'autres rubriques comptables. Toutefois, deux cas méritent d'être soulevés: l'exportation
de la recherche .... et les déplacements des collaborateurs ... où l'affectation n'est pas facile."
Source: Entretien Ethypharm (étude C. Thibierge).
3 1. 3. Mais de nouvelles approches de la R&D, si elles étaient appliquées à l'industrie
pharmaceutique, pourraient s'avérer extrêmement fructueuses
Source: Arthur D. Little 11
• A la réflexion, la question fondamentale à laquelle il s'agit de répondre pour choisir une méthode
d'évaluation de la R&D, et porter un jugement sur la qualité de sa contribution à la création de
valeur au sein de la firme, est la suivante:
"La R&D peut-elle être encore être considérée comme un actif comme elle l'a été dans les années
1970?"
A cette époque, les entreprises allouaient en effet un budget R&D à hauteur d'un certain pourcentage
de leurs ventes, et ce budget était lui-même alloué projet par projet, sans grand rapport avec les
orientations stratégiques de l'entreprise. La société de conseil Arthur D. Little rejette justement cette
approche, qu'ils appellent "la R&D deuxième génération" et proposent une approche nouvelle reliant
la politique de R&D et la stratégie générale de l'entreprise, i.e.:
- la gestion d'un portefeuille de projets R&D sélectionnés par leur importance stratégique et leur
intégrabilité dans le savoir-faire et les compétences distinctives de l'entreprise.
En effet:
1 • L'approche traditionnelle de la R&D (ou R&D dite de Première Génération) est dépassée. Les
dépenses de R&D ne peuvent plus être traitées comme des frais indirects. Les budgets ne peuvent
plus être établis en fonction des résultats commerciaux (le CA), ou à un niveau que la pratique
11"'Third
Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy". Cf Bibliographie
- 33 -
industrielle juge raisonnable. A l'extrême, cette logique conduit à ce que les budgets soient projetés
uniformément des années à l'avance.
2 • L'approche contemporaine (ou R&D dite de Deuxième Génération) se montre insuffisante. Elle
repose sur la soumission des programmes à un processus rigoureux de justification financière, fondé
sur la VAN. La Direction de l'entreprise présentant les projets de R&D comme un investissement (ce
qu'ils sont dans une certaine mesure), cherche par suite à fonder leur justification sur le taux de
rendement de l'investissement. Mais, par définition, il est difficile de prévoir la rentabilité d'un projet
de R&D, surtout si celui-ci vise à la réalisation d'une innovation significative. En conséquence, la
R&D Deuxième Génération est orientée vers des programmes plus conservateurs de type
incrémental, i. e. la R&D avec un petit "r" et un grand "D". Ainsi, la R&D Deuxième Génération
aboutit à une succession de petits progrès technologiques, sans découverte ni développement de
connaissances nouvelles. Concrètement, la R&D des firmes pharmaceutiques s'oriente moins vers les
produits éthiques que vers les génériques.
3 • Mais la R&D ne saurait être réduite à:
- une fonction qui produit occasionnellement des résultats;
- une fonction orientée sur des projets ponctuels (i. e. une gestion de projet qui assimile la R&D à
une activité sous contrat).
C'est pourquoi il est nécessaire d'adopter une troisième voie dite R&D de Troisième Génération, afin
de dépasser le stade de la simple planification financière de la recherche. Le succès de certaines
entreprises de pointe a révélé en effet la capacité de la technologie à accroître la valeur de
l'entreprise. Les entreprises de high tech performantes seront donc clairement celles qui sauront
décloisonner les fonctions de stratégie et de R&D.
Dans cette optique, la grandeur des investissements R&D n'est plus le problème: on ne dépensera
jamais assez. Il faut en revanche essayer d'évaluer simultanément:
- l'efficacité (1) de la R&D
- et sa compatibilité avec la stratégie du groupe (2).
Pour les firmes pharmaceutiques, la question revient donc à: comment intégrer la R&D à la
stratégie commerciale et à la stratégie de groupe?
Une telle intégration devrait se faire en tout cas en fonction:
- de l'Orientation des programmes de R&D
- de leur Degré de risque
- de leur Taux d'innovation
• On voit combien l'évaluation de la R&D peut dépendre des préoccupations stratégiques d'une
firme, suivant sa volonté d'intégrer ou non la fonction R&D dans sa gestion de groupe. En clair:
- en théorie: la réflexion sur l'évaluation de la R&D peut considérablement s'enrichir des approches
développées sur l'intégration entre Stratégie et Technologie, comme nous le reverrons plus
précisément plus tard (cf infra);
- en pratique: le choix d'une méthode d'évaluation des projets R&D peut aller jusqu'à relever d'une
décision de politique générale d'entreprise ou d'organisation.
Comme le démontre en effet Bruce Old12, il existe une relation forte et positive entre la profitabilité à
long terme et la proportion de cash-flows investis dans la R&D et dans le capital productif qui
12"Corporate
Directors should rethink technology", Harvard Business Review, janvier-février 1982, cité dans "'Third
Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy". Cf Bibliographie
- 34 -
s'ensuit. Si l'on compare globalement cette dernière conclusion avec celles de l'étude de Langowitz et
Graves, il en ressort que la question-clé à laquelle on peut tenter de répondre maintenant, c'est:
- de savoir s'il y a véritablement un seuil critique de R&D, et si oui, quelle valeur il a.
3. 1. 4. En conclusion, la question du seuil critique de R&D reste posée
• Selon Droit & Pharmacie, il apparaît "indéniable" que pour demeurer un laboratoire innovant au
niveau international, au moins une condition est nécessaire:
- avoir une taille suffisante pour pouvoir financer une recherche systématique et généraliste de bon
niveau, ce qui veut dire pouvoir consacrer 1 milliard de francs par an à la R&D, et pour cela un
chiffre d'affaires de 7 à 8 milliards de francs au minimum.
• Comme il a été vu auparavant et comme on pourra le voir également par la suite, la découverte de
nouvelles molécules peut se faire presque par hasard; une molécule initialement recherchée pour un
secteur thérapeutique donné peut s'avérer bien plus intéressante pour un autre secteur thérapeutique,
couvert par un marché potentiel plus grand. C'est pourquoi il apparaît effectivement
économiquement justifié de pouvoir réaliser une R&D généraliste, et pour cela, d'être en mesure d'y
consacrer les moyens nécessaires.
• Rappelons par ailleurs que ce raisonnement est valable parce que nous entendons essentiellement
par firmes pharmaceutiques, les firmes qui conçoivent des molécules innovantes et produisent des
prescriptions. La pertinence de la notion de taille critique de R&D semble proportionnelle au degré
d'innovation du laboratoire. Ainsi: "Seule une taille critique de R&D permet de produire les
molécules innovantes". Source: Entretien Industrie pharmaceutique. Mais, le seuil critique de R&D
doit être calculé en fonction de la stratégie et de la taille de la firme. Par exemple, "les blockbusters *
ne viendront pas aujourd'hui d'un laboratoire local, du fait du coût trop important des tests cliniques"
Source: Entretien Industrie pharmaceutique.
Résultat
A partir du classement R&D mondial des différentes firmes pharmaceutiques, on peut estimer le seuil
critique en fonction de la taille et de la stratégie de la firme.
- Détermination du seuil critique de R&D -
Valeur du seuil critique
Stratégie / Taille de la firme
1 Milliard USD
World-class player
700 Millions USD
Firme de niveau européen ou équivalent
1 Milliard FF
Firme nationale (marché domestique)
Source: Eli Lilly & Company
- 35 -
Par exemple, pour construire "un volume suffisant de R&D, le seuil minimal est estimé par
Synthélabo à 1 milliard de francs"
Source: R. Hamel, Fusions & Acquisitions.
• On peut enfin formuler une dernière réserve à l'égard de la notion de seuil critique de R&D: celle-ci
doit être estimée non seulement à l'aune de la stratégie et de la taille de la firme, mais également de
son degré de spécialisation thérapeutique. L'activité pharmaceutique ne se réduit pas au type de
recherche fondamentale conduite par les plus grands groupes. Des groupes correctement spécialisés,
qui concentrent leurs efforts au développement de produits sur des classes thérapeutiques ou des
pathologies déterminées, "ont encore un avenir en France." (source: Droit & Pharmacie).
C'est en fait la pérennité de laboratoires qui n'auraient pas la taille critique pour être à même de
financer une recherche onéreuse, et qui prétendraient d'autre part à un développement de type
généraliste, qui apparaît à terme compromise. La notion de seuil critique de R&D doit être analysée
relativement à la stratégie de développement du laboratoire sur son portefeuille de classes
thérapeutiques.
Enfin, l'on peut finir de nuancer le jugement porté sur la qualité de la R&D d'une firme
pharmaceutique, en comparant plusieurs indicateurs externes, même si leur fiabilité est variable.
Indicateurs externes pour nuancer le seuil critique de R&D
• Le développement du portefeuille de relations avec des institutions comme l'INSERM et le CNRS
peut être un indicateur supplémentaire.
• Le nombre de prix Medec (sur l'ensemble des chercheurs de la firme) décernés ne paraît pas être un
indicateur fiable de la qualité de la R&D, puisqu'il est auto-décerné par la profession.
• En revanche, le nombre de prix Galien et de prix Nobel apparaissent comme de bons indicateurs
supplémentaires pour nuancer le jugement sur la qualité de la R&D. Le prix Galien est décerné par
un jury de chercheurs et de prix Nobel. Le nombre de prix Nobel lui-même est, selon l'avis des
scientifiques, la base de la valeur d'un laboratoire pharmaceutique. Il semble relativement corrélé au
caractère innovant des molécules découvertes; la capacité d'innovation d'un laboratoire étant l'une
des deux compétences distinctives fondamentales dans l'industrie, avec le savoir-faire en marketing.
Un tel critère, original, ne paraît donc pas inutile.
Sources: Synthèse Entretiens
- 36 -
3. 2. Le portefeuille d'accords/alliances/licences
3. 2. 1. Les avantages d'une alliance dans une industrie de haute technologie
A priori, les accords/alliances/licences peuvent:
- renforcer les avantages compétitifs des firmes;
- contribuer à augmenter leur profitabilité;
- générer une valeur économique marginale.
Pour cette raison, le nombre d'accords de joint-venture et d'alliances signés par une firme avec des
sociétés du secteur peut apparaître comme un indicateur de performance fiable. Ne serait-ce que
parce qu'un grand nombre d'alliances peut être le signe d'une position dominante, ou forte, de la
firme au sein du secteur. En fait, les alliances/accords peuvent présenter un certain nombre
d'avantages pour les firmes de haute technologie, à un coût de fonctionnement et de restructuration
marginal réduit:
• des possibilités d'économies d'échelle aux niveaux de la production;
• le partage du risque de R&D;
• le gain d'expérience et d'expertise dans les domaines d'excellence R&D du partenaire;
• le développement des technologies nouvelles et coûteuses;
• le co-développement de projets importants;
• une présence globale sur les marchés;
• l'échange de produits;
• la commercialisation conjointe
(économies de marketing, distribution et force de vente)
Cette série d'avantages explique sans doute la multiplication des accords de partenariat dans
l'industrie pharmaceutique, au sens large: joint ventures, co-marketing *, co-promotion, licensing,
co-développement de produits.
Il est possible de dresser une typologie de tels accords de partenariat:
Accords de licence -> Joint-ventures -> Alliances stratégiques
Chacun de ces maillons pouvant être considéré comme une ponctuation dans la vie des sociétés
pharmaceutiques, en fonction de leur maturité. D'une façon très marquante, c'est le leader mondial,
Merck, qui a pris l'initiative sur le terrain des alliances stratégiques majeures: en 1988, avec Johnson
& Johnson, en 1989, avec DuPont.
3. 2. 2. Les critères à retenir pour évaluer le portefeuille d'accords
Critères stratégiques
Les entretiens ont effectivement confirmé l'importance du portefeuille d'accords dans la valorisation
économique des firmes pharmaceutiques. Par exemple:
"Le portefeuille d'alliances/accords/licences avec d'autres laboratoires me semble être un critère
original et pertinent. C'est un indicateur du niveau de sophistication du management, car il est
- 37 -
nécessaire pour un laboratoire d'être particulièrement créatif pour développer des accords
intéressants."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Plus précisément, le portefeuille d'accords d'une firme pharmaceutique doit être jugé en fonction:
• de son pipeline
• de sa santé financière
• des classes thérapeutiques sur lesquelles elle se trouve.
La série de cas suivants d'évaluation d'accords, tirés de la réalité, permettra de voir très précisément
pourquoi13.
•Cas 1
Glaxo a aujourd'hui une très bonne surface financière. Son portefeuille d'accords est réduit, du fait
que la société commercialise elle-même la majorité des produits qu'elle conçoit. Cela ne fait
qu'augmenter sa rentabilité (cercle vertueux).
•Cas 2
Au contraire, un laboratoire qui aurait un mauvais pipeline et se reposerait sur ses produits serait peu
prometteur, et verrait son ROI baisser à terme. L'actionnaire aurait dans ce cas intérêt à désinvestir.
•Cas 3
Un laboratoire est spécialisé sur une ou deux niches pathologiques. L'analyse de l'évolution et de la
structure du CA permet d'envisager un investissement, car il en ressort un certain nombre de succès.
L'analyse de son portefeuille d'accords montre en revanche que la quasi-totalité des produits
commercialisés sont le résultat de prises de licence. Dans ce cas, il serait intéressant pour
l'investisseur de voir quelle est la teneur précise de chaque licence, et au moins de savoir son champ
d'application, sa durée de validité. Ce qui apparaît, c'est que l'on a affaire, non pas à un laboratoire,
mais presque à un agent commercial. Ainsi, il serait nécessaire d'examiner la compétitivité de la force
de vente de l'entreprise par rapport à d'autres sociétés similaires, spécialisées uniquement dans la
commercialisation des médicaments; en particulier: l'image de la firme et l'expertise de la force de
vente par pathologie.
•Cas 4
Glaxo et Fournier ont développé en France un double accord de co-promotion et de co-marketing.
Glaxo a, comme on l'a vu dans le cas 1, une stratégie de "do it yourself". Comment apprécier alors la
qualité de l'accord Glaxo-Fournier? S'agit-il réellement d'un accord utile et profitable pour Glaxo?
N'est-il pas en contradiction avec la stratégie affichée? Apporte t-il une valeur économique marginale
ou nuit-il à la valeur de la firme? Et qu'en est-il pour Fournier, dans le cas où c'est cette dernière
firme que l'on évaluerait? Pour répondre à ces questions, l'expérience montre qu'il faut replacer
l'accord dans son environnement économique. En effet, l'accord Glaxo-Fournier n'est pas le seul de
ce type. De fait, cet accord appartient à la classe plus générale des accords passés entre laboratoires
anglo-saxons et laboratoires français sur le marché français, comme par exemple l'accord SmithKline
Beecham - Pierre Fabre qui commercialisent la même molécule sous deux marques différentes, dans
13Sources: Entretiens Industrie pharmaceutique / Etude Precepta, Impacts stratégiques du comarketing dans
l'industrie pharmaceutique en France, Octobre 1993.
- 38 -
le secteur thérapeutique des antibiotiques.14. Les laboratoires français considérés ici (Pierre Fabre,
Fournier, ...) sont en effet des laboratoires en difficulté financière, et d'autre part, informellement
protégés par les pouvoirs publics locaux qui ne désirent pas voir disparaître des entreprises
fournisseurs d'emploi au niveau local. Réciproquement, les laboratoires anglo-saxons considérés ici
(SmithKline, Glaxo, ...) sont des firmes qui se heurtent au protectionnisme des pouvoirs publics pour
la commercialisation d'une nouvelle molécule en France, même si cette molécule enregistré des
succès sur d'autres marchés.
Un accord associant les deux types de laboratoires considérés peut alors générer de véritables tradeoffs:
- En commercialisant conjointement la molécule avec un laboratoire français, le laboratoire anglosaxon cède un peu de revenu, mais gagne en échange de pouvoir pénétrer le marché français.
- Le laboratoire français obtient à très faible coût un revenu marginal, qui lui permet d'améliorer sa
profitabilité et sa situation financière.
- Les pouvoirs publics garantissent des emplois en sauvant des laboratoires français.
On voit, à travers ce cas, que la perception du laboratoire par les autorités de tutelle et les
groupes de lobbying est un facteur déterminant dans son développement. Par exemple, Glaxo a un
monopole sur la migraine au Danemark, sans que ne lui soit fait de procès pour abus de position
dominante. A un degré moindre, Wellcome a bénéficié de prix très avantageux sur l'AZT aux EtatsUnis, avant d'être obligé aujourd'hui de réduire ses prix devant les pressions de la très puissante
association Act-Up. A l'inverse, Roussel-Uclaf a cédé tous ses droits sur la RU 486 aux Etats-Unis,
pour éviter un boycott devant la pression des associations de consommateurs. La politique de
communication maîtrisée du médicament est un facteur-clé dans cette industrie très fortement
réglementée.
Dans le cas précis de l'accord Glaxo - Fournier, les forces de vente et les efforts commerciaux se
répartissaient ainsi: ventes hôpitaux pour Fournier (autrement dit, les ventes à l'administration
publique); ventes officines pour Glaxo (autrement dit, les ventes aux entreprises privées). Au niveau
local de la région ou du secteur commerciaux, la concurrence est limitée entre Glaxo et Fournier.
Sur le terrain, des arrangements sont décidés pour convenir d'une position dominante de l'une ou
l'autre firme, et optimiser ainsi l'effort de chacune des deux firmes pharmaceutiques. Un tel accord
englobe même formellement des arrangements sur les volumes de vente de chacun des deux
protagonistes. Il est clair qu'une telle alliance est bénéfique pour chacune des deux firmes, même si à
première vue:
- on pourrait se demander en quoi cet accord est cohérent avec la stratégie affichée du groupe
Glaxo;
- on pourrait se demander en quoi cet accord ne reflète pas une déficience la R&D du groupe
Fournier.
Là encore, on constate que même les analyses plus qualitatives que quantitatives des banques et
institutions financières peuvent s'avérer radicalement insuffisantes pour porter un jugement. Sans
aller peut-être à porter un avis aussi tranché que celui de cet industriel, "les rapports des analystes
financiers se limitent souvent à une description superficielle des activités du laboratoire... le sens
critique fait bien souvent défaut." (source: Entretien Industrie pharmaceutique).
De même, si les pouvoirs publics font peser une menace de baisse des prix sur un produit éthique
commercialisé par un laboratoire étranger, alors celui-ci a un intérêt. économique à passer un accord
14La
molécule dont il s'agit est la Ramitidine. Les deux marques sont l'Augmentin ®, pour Smithkline Beecham, et le
Sibler ®, pour les laboratoires Pierre Fabre.
- 39 -
de co-marketing avec un laboratoire français, pour que les pouvoirs publics ne mettent pas à
exécution leur menace.
Un dernier cas, plus général, peut être tout simplement que l'un des laboratoires a trop de molécules
en développement mais sans la capacité financière correspondante, tandis que l'autre laboratoire est
en panne de R&D, mais avec une meilleure capacité financière.
Il est donc en conclusion extrêmement important pour l'analyste d'être capable d'apprécier la valeur
stratégique d'un accord de co-marketing ou de licence. Et pour cela, une connaissance au moins
superficielle de l'industrie est nécessaire, au-delà de la connaissance pure et simple des chiffres.
Critères organisationnels (cas d'une alliance/joint-venture transnationale)
Nous avons pu dégager plusieurs critères "stratégiques" pour évaluer le portefeuille d'accords d'une
firme pharmaceutique. Ces critères sont propres à l'industrie; ils peuvent également s'appliquer à tout
type d'accord Si de tels critères prennent en considération la qualité de la stratégie des partenaires, ils
ne tiennent cependant pas compte de la qualité de l'organisation, dans le cas spécifique où l'accord
aboutit de fait à la création d'une nouvelle organisation.
Une analyse plus fine sur des critères organisationnels s'avère donc nécessaire dans le cas spécifique
des alliances/joint-ventures transnationales. C'est ce que montre une étude de McKinsey &
Compagnie, réalisée par Joel Bleeke et David Ernst sur 150 sociétés15.
Les conclusions de l'étude sont les suivantes:
Conclusion 1
• Les alliances sont plus efficaces lorsqu'il s'agit de diversification ou de pénétration de nouveaux
marché géographiques. 62% des 37 alliances étudiées présentant une complémentarité géographique
ont réussi pour les deux partenaires, contre un taux de 25% dans le cas des alliances présentant un
chevauchement géographique moyen ou important. Le chevauchement géographique est donc un
critère organisationnel pertinent.
Utilisation du critère dans l'industrie pharmaceutique
- il est possible et aisé d'avoir accès aux informations (structure du CA) permettant de conclure sur
le chevauchement géographique;
- l'expérience montre qu'un tel critère s'est plutôt avéré pertinent dans la pratique. L'industrie étant
caractérisée par des réglementations locales complexes (forte barrière à l'entrée, élevée par les
pouvoirs publics) et un coût de conception des produits important, le critère de l'étude Bleeke-Ernst
apparaît pertinent.
Les entretiens que nous avons menés confirment cette tendance.
15"The
way to win in cross-border alliances,", Harvard Business Review, novembre-décembre 1991
- 40 -
"Les accords qui reposent sur la complémentarité géographique ont une en général une valeur
stratégique extrêmement grande. Notamment lorsque la complémentarité géographique permet à l'un
des partenaires de pénétrer le marché américain, et l'autre, le marché européen. Cette valeur est enfin
d'autant plus grande que les partenaires associent des gammes complémentaires. En particulier parce
qu'il en résulte des partages d'expérience et de frais de R&D très importants."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
Conclusion 2
• Les alliances de type 50-50 ont plus de chances d'aboutir que celles où l'un des partenaires est
majoritaire. Mais, plus que la propriété financière, c'est la rigueur du contrôle de gestion qui importe.
D'autre part, les alliances entre deux partenaires forts offrent moins de risques que celles avec un
partenaire faible16 (les alliances entre deux partenaires forts ont réussi pour 67% des cas étudiés,
contre 39% pour les allliances concernant un partenaires faible). L'égalité des parties est donc un
critère organisationnel pertinent.
Exemple
Une entreprise américaine de produits pharmaceutiques avait sous-estimé la nécessité d'avoir un
partenaire fort en s'alliant à une firme japonaise relativement faible. L'entreprise américaine avait
chez elle une part de marché importante, une bonne gamme de médicaments et de réelles capacités
en matière de R&D. Comme elle voulait se développer au Japon, elle s'est associée à une entreprise
de second ordre qui disposait d'une bonne force de vente, au lieu d'en choisir une parmi les
principales sociétés pharmaceutiques japonaises, dont les produits risquaient de lui faire trop
directement concurrence. Ce partenariat a échoué pour plusieurs raisons:
- i) La force de vente de l'entreprise japonaise était mal gérée et n'a pas atteint les objectifs
commerciaux fixés par son partenaire occidental;
- ii) Le partenaire japonais n'a pas réussi, pour des médicaments qui avaient bien marché ailleurs, à
surmonter l'obstacle du système administratif japonais, très complexe quant au développement et à
l'AMM des produits. Il n'avait pas les contacts nécessaires pour les demandes d'AMM, ni les
ressources techniques et financières suffisantes pour investir dans la commercialisation. L'excellente
qualité des produits et la prééminence du partenaire occidental n'ont pas suffi à compenser les
faiblesses de son associé. La conclusion est, qu'à l'envers du bon sens, une alliance avec un
concurrent local puissant peut générer plus d'utilités qu'une alliance avec un suiveur local, même s'il
existe un risque de transfert de technologie.
Utilisation du critère dans l'industrie pharmaceutique
- il est possible d'avoir accès aux informations (taille des partenaires; structure de l'accord)
permettant de conclure sur l'égalité des forces;
- le critère de l'étude Bleeke-Ernst s'appuie sur un exemple tiré de l'industrie. Les entretiens que nous
avons menés n'ont ni confirmé ni infirmé cette tendance.
Conclusion 3
16
La faiblesse relative d'un partenaire est fonction:
- d'un critère interne: son poids (en %) dans l'alliance
- de critères externes: sa taille (CA) et sa compétence intrinsèque
- 41 -
• Un partenariat a plus de chances de résoudre les inévitables conflits quand il se matérialise à travers
une équipe autonome, capable de prendre toutes les décisions opérationnelles. A un moment ou à un
autre de la vie de l'alliance, les marchés changent, de nouvelles technologies apparaissent, les besoins
des clients se transforment. De même, les stratégies, les compétences, et les ressources des sociétésmère peuvent évoluer. La flexibilité est donc nécessaire. Le lien entre flexibilité et réussite est très
étroit: environ 67% des alliances de l'échantillon se sont trouvées en difficultés au cours des deux
premières années, et les alliances qui ont réussi sont celles qui ont évolué (parmi les alliances qui ont
évolué, 79% ont été considérées comme un succès). D'autre part, la façon la plus efficace de rendre
flexible une alliance consiste à lui donner l'autonomie de gestion: une organisation qui lui soit propre;
le pouvoir de décision pour tous les problèmes opérationnels. Il en résulte que l'autonomie de
gestion de la joint-venture (dans le cas d'une telle alliance) est également un critère organisationnel
pertinent.
Utilisation du critère dans l'industrie pharmaceutique
- il semble possible mais plus difficile d'avoir accès aux informations (société et poste d'origine,
carrière des décisionnaires; fonctionnement organisationnel interne) permettant de conclure sur
l'autonomie de gestion;
- ce critère de l'étude Bleeke-Ernst semble plus délicat à manier. En particulier, les joint-ventures qui
ont réussi dans le secteur n'avaient pas forcément une organisation propre et une autonomie de
gestion qui couvraient l'ensemble des fonctions a priori nécessaires pour réussir (R&D par
exemple); les joint-ventures peuvent se limiter à du simple co-marketing, et s'avérer utiles sans que
leur chaîne de valeur soit plus intégrée. Néanmoins, une telle démarche, prenant en compte la réalité
organisationnelle de l'alliance, pourrait s'avérer pleine de promesses.
3. 2. 3. Conclusion
La conclusion est simple:
"Le nombre d'alliances faites avec les universités et les petites entreprises me semble effectivement
être un critère très pertinent pour mesurer la qualité de la R&D, beaucoup plus que le nombre de
produits développés dans le pipeline. En fait, l'ouverture sur l'extérieur, les partenariats, et les
contacts me semblent fondamentaux pour sortir de nouveaux produits."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
- 42 -
3. 3. Le portefeuille de produits
3. 3. 1. La Description quantitative du portefeuille de produits
Le portefeuille des produits de la firme est l'un des trois critères fondamentaux qu'utilise Droit &
Pharmacie pour procéder à "leur évaluation pharmaceutique". Le portefeuille de produits peut être
analysé sur cinq ans, voire sur les trois dernières années, selon les données disponibles. Il s'agit en
effet d'analyser la structure du CA par produits.
Dans cette optique, le portefeuille de produits peut être évalué en respectant les règles suivantes:
• Seules les ventes des spécialités pharmaceutiques réalisées dans les officines en France sont prises
en compte car ce sont celles qui, compte tenu de l'abondance des informations, permettent par
recoupement, avec l'aide des laboratoires, d'obtenir les meilleures estimations (l'étude considérée de
Droit & Pharmacie ne portant que sur des laboratoires français).
Source: Droit & Pharmacie, A Prime
• Les ventes hospitalières, les ventes de produits conseils ou les ventes Grand Public n'entrent pas
dans l'évaluation. Le chiffre consolidé des ventes permet cependant d'en apprécier l'importance, de
même pour les ventes à l'étranger, distinguées le plus souvent des ventes spécifiquement locales.
Cela semble particulièrement pertinent d'apprécier en effet la part de l'activité hors circuit
commercial, et de distinguer: d'une part, les grands acheteurs institutionnels tels que centres
spécialisés, hôpitaux; et d'autre part, le circuit commercial direct, où la concurrence n'est pas la
même.
Sources: Synthèse Entretiens Conseil
• Pour les ventes en officines des spécialités pharmaceutiques, l'évaluation globale sur cinq ans est
précisée, ainsi que l'évaluation produit par produit, à hauteur de 80% du portefeuille du laboratoire.
Cette analyse dynamique permet d'évaluer les tendances de chacun de ces produits à l'intérieur du
portefeuille.
Source: Droit & Pharmacie, A Prime
• La part de marché relative (par rapport aux concurrents), et l'existence ou non de génériques
fournissent des éléments complémentaires sur la solidité du portefeuille.
Source: Droit & Pharmacie, A Prime
3. 3. 2. Présence sur les marchés majeurs et portefeuille international
On peut rajouter à cette première description l'analyse du chiffre d'affaires par pays, dans le cas de
firmes qui réalisent une part significative de leurs activités à l'étranger. On pourra en particulier
observer si la firme se trouve ou non sur l'ensemble des pays majeurs, à savoir les Etats-Unis, le
Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, et si oui, si toutes les molécules
commercialisées sur l'un des marchés, le sont aussi sur les autres.
- 43 -
"La présence sur l'ensemble des grands marchés est cruciale pour valoriser rapidement et dans les
meilleures conditions les résultats de la recherche. Il faut être présent sur les principaux marchés, au
moins européens'"
Source: Entretien Droit & Pharmacie.
• Une firme, déjà présente sur l'ensemble des marchés majeurs, i. e. commercialisant au moins une
molécule sur chacun de ces marchés, cacherait une source de valeur, si la totalité de ses molécules
commercialisables n'était pas commercialisée sur au moins l'un des marchés majeurs. Elle pourrait a
priori commercialiser le "solde" de ses molécules sur chacun des marchés majeurs non totalement
investis, pour un coût relativement faible. Il faut cependant bien sûr tenir compte des contraintes
réglementaires pour s'assurer d'un réel potentiel de marché local.
Exemple
Firme (A) - 3 molécules commercialisables - Présence sur 4 des 6 marchés majeurs. Le portefeuille
est le suivant:
- Marché 1: molécule a + molécule b + molécule c
- Marché 2: molécule a + molécule b + molécule c
- Marché 3: molécule a + molécule b
- Marché 4: molécule b + molécule c
Les Sources de gain a priori, pour un coût marginal faible proviennent:
1° du couple (Marché 3, molécule c), et 2° du couple (Marché 4, molécule a)
• A l'inverse, une firme qui ne serait présente que sur quelques-uns des marchés majeurs, mais aurait
commercialisé sur chacun de ces marchés la totalité de ses molécules commercialisables, offrirait a
priori peu de source de valeur, car il lui faudrait investir beaucoup pour développer au moins un seul
nouveau couple (molécule, marché), i. e. développer son chiffre d'affaires mondial. L'importance de
l'investissement marginal en temps et/ou en argent peut s'expliquer, par exemple, par la nécessité
d'un nouvel accord ou d'une nouvelle implantation sur un marché dont la firme était totalement
absente. Il faut là aussi tenir compte des contraintes réglementaires locales.
En conclusion, il s'agit de croiser les marchés majeurs avec les molécules commercialisables, pour
déceler des sources de gain.
La pertinence de ce critère a été validée empiriquement par les entretiens.
Le Portefeuille international
"Les grands groupes pharmaceutiques raisonnent à la fois par produits et par pays. Il existe, bien sûr,
entre les marchés nationaux, des différences dans la demande de produits. Mais le coût de
déclinaison nationale de l'offre de produit reste marginal en regard des coûts de R&D. Une structure
internationale permet donc d'exploiter plus vite et dans le plus de pays possibles, les produits issus de
la recherche, et donc d'amortir celle-ci: la dépendance est moins grande à l'égard du délai de
commercialisation national nécessaire (lié aux formalités administratives); l'espérance de profit est
supérieure. Ce facteur joue encore plus pour les quelques grands marchés décisifs dans le monde"
Source: Entretien Banque
- 44 -
Il s'agit donc bien de mesurer la dispersion du chiffre d'affaires à l'international. D'autant plus que les
marchés nationaux, initialement difficiles à pénétrer pour les acteurs étrangers, sont aujourd'hui
beaucoup plus ouverts.
Ainsi, être présent aux Etats-Unis, premier marché mondial, s'avère être un avantage compétitif pour
les firmes:
• Le désavantage de Beecham, avant sa fusion avec SmithKline en 1989, s'explique par le fait que sa
force de vente aux Etats-Unis était réduite.
• L'absence de présence directe de Rhône-Poulenc aux Etats-Unis, avant le rachat de Rorer en 1990,
l'a empêché pendant longtemps d'exploiter pleinement, et rapidement, le potentiel commercial de
certains de ses produits.
La gestion internationale du portefeuille de produits peut cependant passer par d'autres actions que
les fusions et rachats.
"Pour un grand laboratoire, il faut absolument, soit être présent, soit exporter sur les marchés à forte
consommation (pouvoir d'achat national, pouvoir d'achat des caisses maladie) ou à forte proportion
de maladies "chères".
Source: Entretien Banque
"Merck a des filiales directes dans les 20 plus gros marchés qui sont aussi les marchés les plus
rentables. Ailleurs, il sous-traite complètement, dans les petits pays où la rentabilité est faible."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
La présence sur les marchés majeurs est un atout. Mais l'analyse du portefeuille ne saurait se limiter à
un simple descriptif de chiffres, marchés ou produits. En effet:
"Le problème, c'est que la partie la plus "pharmaceutique" dans une évaluation financière se limite
bien souvent à une simple description des produits ou des marchés. Les analystes financiers ne
portent pas de jugement sur la qualité ou la toxicologie des produits, sur leur intérêt thérapeutique.
Bien sûr, cela nécessite d'avoir accès à une information que l'on n'a pas toujours, surtout chez les
concurrents. Mais si l'on ne sait pas nécessairement où en est la concurrence, on peut au moins
savoir où, nous, nous en sommes. Surtout lors d'une évaluation d'acquisition."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
"Le problème, c'est qu'il manque des jugements qualitatifs dans les rapports financiers. Quand bien
même un analyste financier s'intéresse au cœ ur du métier, il reste descriptif. Il n'est pas en mesure de
comparer, et de dire si la concurrence développe ou non des molécules plus intéressantes."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Une évaluation plus qualitative du portefeuille de produits s'avère donc nécessaire.
- 45 -
3. 3. 3. Evaluation qualitative du portefeuille de produits
Est-elle possible?
Dans la pratique, il semblerait que l'analyse qualitative du portefeuille de produits soit ouverte au
profane, puisqu'il existe une base de données sur le portefeuille de produits des laboratoires:
Pharmaprojects. Pharmaprojects analyse le portefeuille de molécules du laboratoire sous leur
Dénomination Commune Internationale (DCI *) en distinguant:
• les produits lancés, classés par pays et par date de lancement
• les produits déposés
• les produits sous licence avec d'autres laboratoires
• les produits développés mais non lancés
• les produits en développement, suivant les différentes phases 1 *, 2 *, 3 *
"Un analyste financier ne peut cependant tirer là aucune conclusion probante sur le développement à
venir du CA. Les blockbusters sont noyés dans une masse d'autres molécules. L'information reste
secrète. Les laboratoires peuvent par exemple décider de ne pas mettre à jour les classes
thérapeutiques, afin de ne pas communiquer de récentes découvertes, mises volontairement en
attente de commercialisation."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Quelles précautions prendre?
Il est très possible qu'une investigation dans une classe thérapeutique donnée aboutisse en fait à une
découverte dans une autre classe. C'est le cas par exemple d'un anticancéreux dont les chercheurs se
sont aperçus qu'il avait un effet secondaire intéressant, à savoir l'augmentation de la masse osseuse.
Il a du coup été commercialisé pour le traitement de l'ostéoropose (affaiblissement de la masse
osseuse survenant lors de la ménopause). Or le marché potentiel d'un médicament varie
considérablement, en fonction de sa classe thérapeutique. L'estimation du marché potentiel varie
donc considérablement lorsque l'on passe ainsi d'une classe à un autre. Il est donc nécessaire de
comprendre quelles peuvent être les principales indications thérapeutiques pour un médicament, afin
d'être en mesure de porter un jugement critique sur le portefeuille de produits.
Il y a cependant une limite.
Il est possible en effet que, dans certains cas, la spécialisation thérapeutique d'un laboratoire
s'explique non pas, pour des raisons d'ordre stratégique (la vision stratégique de la firme s'étant
avérée porteuse), mais simplement, parce que les recherches de la firme n'ont pas abouti sur d'autres
classes thérapeutiques.
"Evidemment, les laboratoires communiquent peu sur ce genre de phénomène."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
En conclusion, il est clair que:
"La valeur de la société réside dans ses produits. Malgré les contresens que l'on voit dans les
rapports financiers, c'est bien la connaissance médicale, non les pratiques financières, qui permet
d'appréhender cette valeur."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
- 46 -
Un dernier facteur, à prendre en compte dans l'évaluation qualitative du portefeuille de produits est
la pharmacovigilance. Ceci afin d'évaluer le risque que certains médicaments soient retirés du
marché.
Il suffit pour cela de se tenir informé des études publiées dans les revues professionnelles, ou de faire
appel à un expert de la classe thérapeutique considérée. Par exemple, Synthelabo a récemment retiré
un médicament de la vente en France... sans que cela n'influe sur le résultat net comptable (l'une des
bases de l'évaluation financière), alors que le cash-flow généré par l'exploitation (base de l'évaluation
économique) en a été affecté.
- 47 -
3. 4. L'évaluation du pipeline
3 4. 1. L'évaluation quantitative: un critère insuffisant
L'estimation du pipeline ou portefeuille de produits/molécules en développement est l'un des trois
critères fondamentaux pris en compte par Droit & Pharmacie dans ses études d'évaluation
pharmaceutique:
"A partir des publications scientifiques et des recensements disponibles, nous avons procédé à un
examen des molécules en cours d'évaluation clinique, ainsi que les domaines thérapeutiques choisis.
Ces informations permettent d'apprécier, avec toutes les réserves liées aux aléas des essais cliniques,
le portefeuille potentiel de chaque firme."
Source: Droit & Pharmacie
Cependant, à la lumière des entretiens réalisés avec les industriels et les consultants, il nous semble
imprudent de se limiter à une pure évaluation quantitative du portefeuille de molécules en
développement:
• D'abord parce qu'une telle évaluation, faite par un financier profane de l'industrie pharmaceutique,
peut conduire à des erreurs considérables.
• Ensuite parce que cela conduit à prendre trop d'hypothèses: à partir d'un certain moment, le jeu
excessif des hypothèses invérifiables et subjectives fausse les analyses, qui paradoxalement sous
prétexte d'être quantitatives, se veulent objectives.
Nous allons en donner quelques exemples.
Exemple 1: la méthode DCF appliquée au pipeline
"Une banque d'affaires américaine qui figure parmi les prestigieuses et les plus grosses dans le monde
nous a montré une fois une évaluation de notre portefeuille de produits en développement,
extrêmement précise. On voyait des prévisions de DCF, produit existant par produit existant,
molécule en développement par molécule en développement.... C'était très quantitatif.... et
complètement faux. Inutile de vous dire que leurs prévisions n'avaient aucun sens économique. En
fonction de quelles hypothèses avaient-ils choisi leur taux d'actualisation? le cash-flow estimé des
molécules? Comment voulez-vous faire des prévisions justes de DCF sur des molécules dont ne sait
même pas les applications? Et quel va être le marché thérapeutique sur lequel elles vont être
lancées?"
Source: Entretien Industrie pharmaceutique.
Commentaire:
Un jugement, pour qualitatif et subjectif qu'il soit, n'en est pas nécessairement moins fiable dans la
pratique. Ainsi, porter un jugement qualitatif peut s'avérer à la fois amplement suffisant et non moins
proche de la valeur économique réelle de la firme.
Exemple 2: le nombre de molécules en développement
- 48 -
Sur 10000 molécules en développement, 1 seule aboutit à la commercialisation effective. Ce taux de
réussite est si faible, que parler du nombre de molécules en développement ne veut rien dire, si l'on
veut juger de la position technologique concurrentielle d'un laboratoire.
La question-clé est en revanche de savoir: de quel stade du développement de la molécule parle
t-on? Si une molécule est en phase préclinique, cela ne signifiera pas qu'elle sera effectivement
commercialisée, car elle peut encore s'avérer avoir des effets toxiques sur l'animal et/ou l'homme.
L'idée serait donc plutôt de:
• segmenter le pipeline par phases * de R&D, comme nous le verrons plus tard.
• tenir compte de l'extension des indications et de la posologie possibles du futur médicament, ainsi
que des réglementations.
Une telle démarche permettrait, par exemple, d'expliquer que le Tanakan, un vénotonique
commercialisé par le laboratoire Upsa, réalise en France un chiffre d'affaires de 600 millions de
francs, et un chiffre d'affaires pratiquement nul à l'étranger: il n'y a qu'en France que l'efficacité
scientifique d'un tel médicament a été démontrée. Le fait qu'Upsa soit un laboratoire français,
bénéficiant par conséquent de la bienveillance des pouvoirs publics locaux, ne doit pas y être pas
totalement étranger.
Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique.
Exemple 3: le nombre de molécules innovantes découvertes par année
De même, le nombre de molécules innovantes découvertes par année, n'est pas non plus un critère
fiable de la valeur du pipeline. A partir d'une seule molécule originale de départ, on peut démultiplier
le nombre de molécules plus ou moins "originales", proches de la molécule de départ. Les ratios
peuvent être de l'ordre de 1 molécule originale pour 2000 molécules similaires (par exemple,
molécules avec un atome de chlore supplémentaire, molécules hydrosolubles, molécules liposolubles,
...). Ce développement est facilité aujourd'hui par les équipements informatiques d'aide à la
conception de nouvelles molécules: l'ordinateur peut créer lui-même une infinité de molécules
"nouvelles". La définition de ce qu'est une molécule "innovante" est en conclusion fortement sujette
à critique. Elle peut varier très fortement d'une firme à l'autre.
Il serait nécessaire en fait de faire examiner le pipeline par un panel d'experts des différentes classes
thérapeutiques pour pouvoir porter un jugement correct. Ce panel peut par exemple être composé de
chercheurs à l'INSERM et au CNRS. Un tel comité devrait réfléchir sur chacune des molécules
innovantes du pipeline de la firme, mettre au point un commentaire thérapeutique et analyser l'intérêt
médical de chacune d'entre elles.
4. 4. 2. Structuration du pipeline par phase
On peut schématiquement diviser en quatre phases le processus qui conduit de l'idée de départ à la
mise sur le marché d'une nouvelle molécule17 :
1
- la recherche proprement dite
2a
- le développement pré-clinique
2b
- le développement clinique
3
- l'élaboration du dossier réglementaire
Or il apparaît très vite que le temps, le coût certain, la probabilité de succès et le revenu espéré d'un
médicament peuvent varier considérablement suivant le stade de développement auquel celui-ci se
17Source:
"Coût de recherche et développement d'une nouvelle molécule", F. Guillot, P. Simon, Analyse financière
- 49 -
trouve. C'est ce que révèle en tout cas une rapide analyse du processus de R&D, phase par phase,
comme nous allons le voir maintenant18.
• Phase 1 * Si le laboratoire utilise la méthode du crible (ou de screening), on estime qu'à ce stade une molécule
a une probabilité de (5/1000è) d'être commercialisée.
Si le laboratoire recourt de plus à des méthodes de conception assistée par ordinateur, on peut faire
l'hypothèse raisonnable que la performance de la R&D augmente. La probabilité de
commercialisation est alors légèrement supérieure à (1/1000è). Néanmoins, le coût certain qui y est
associé augmente conséquemment, du fait de l'immobilisation de capital que représente l'équipement
informatique.
• Phase 2 * On estime qu'à ce stade la probabilité de commercialisation est de l'ordre de (1/100è).
Le coût de la phase 2 est:
- de 10 à 20 millions de francs en moyenne répartis sur 7 ans, pour la phase 2a de Synthèse chimique
- de 10 à 20 millions de francs également, pour la phase 2b de Pharmacologie expérimentale (études
de toxicologie)19 .
Au total, les phases 1 et 2 absorbent en moyenne 35% des sommes consacrées à la R&D.
• Phase 3 * On estime à 5 à 10 ans selon les produits la durée de cette phase d'essais cliniques. On considère
que, sur 10 molécules qui entrent en développement clinique, 1 sur 10 seulement atteindra la mise
sur le marché. A titre d'exemple:
- 50% des molécules qui entrent en phase de développement clinique sont arrêtées dans les 12 mois;
- 10% des molécules échouent au bout de 7-8 ans, lorsque le coût de R&D est déjà considérable.
Selon la société British Bio-Technology, le coût moyen du développement clinique pour
l'enregistrement d'un produit en Europe seulement serait évalué à 200 millions de francs, y compris
les frais de mise sur le marché.
On estime à 5% les coûts de R&D consacrés à la phase d'autorisation sur le marché proprement dite
(pour établir les dossiers d'enregistrement et de négociation des prix).
Au total, en 1985, Arthur D. Little estimait à 45 millions de dollars le coût moyen d'un produit
nouveau, sans capitalisation ni prise en compte des échecs.
Vu les différences de délai de passage, de risque, de coût et de revenu associés à chaque phase, l'idée
est par conséquent de positionner sur chaque phase chaque molécule ou médicament en
développement dans le pipeline.
Cela nécessite donc de savoir où en est très précisément chaque médicament en développement.
Nous aboutissons ainsi à un schéma du type:
18Sources
(cf Bibliographie):
• Professeur Etienne Barral, "Comparaison des résultats de la recherche pharmaceutique (1975-89)", Analyse
financière, 3è trimestre 1991
• "Coût de recherche et développement d'une nouvelle molécule", F. Guillot, P. Simon, Analyse financière.
• C. Paddison, K. Merchant, Alcon Laboratories, Inc., Case, Harvard Business School
• Estimations de la Direction des Etudes Economiques, Sanofi Pharma
19Etude de l'Association of the British Pharmaceutical Industry (1990)
- 50 -
Phase 1
Phase 2a *
Molécules X, W, T
Molécule U
Phase 2b *
Phase 3
Molécule Y
Molécule Z
en indiquant de plus pour chaque molécule, si possible:
• la somme des coûts certains déjà générés
• les indications thérapeutiques connues
• le délai prévu de passage à la phase suivante
• la probabilité estimée de commercialisation
On obtient ainsi une structure du pipeline par phase. A partir de là, les comparaisons des structures
du pipeline par phase permettent de déduire des conclusions intéressantes, quant à la position
concurrentielle de chaque firme pharmaceutique sur la fonction R&D.
On pourrait objecter que la structure par phase n'a pas d'intérêt parce qu'un laboratoire pourrait
"tricher" en voulant développer en phases 1, 2 ou 3 des molécules peu prometteuses, et gonfler ainsi
son pipeline. Ce serait là ignorer une caractéristique fondamentale de l'industrie: les coûts très élevés
de R&D. De par ces coûts de R&D très élevés:
• Un laboratoire pourrait à la rigueur gonfler son nombre de molécules en phase 1, parce que le coût
y est relativement faible, surtout en comparaison du revenu financier qu'il pourrait retirer d'une telle
astuce.
• Mais cette astuce s'arrêterait là: vu les coûts très élevés de R&D, il serait pour lui absurde de faire
passer en phases 2 et 3 des "fausses" molécules. Un laboratoire ne pourrait se payer le luxe de payer
de la vraie R&D (études de toxicité réelles en particulier) pour une molécule relativement
inintéressante! Un tel raisonnement serait antiéconomique.
En fait, ce qu'il y a de plus remarquable dans la structure du pipeline par phase, c'est que c'est un
critère fiable parce qu'il est inhérent, découle, et s'intègre aux logiques économiques de l'industrie
pharmaceutique (risques et coûts élevés de la R&D).
Exemple: un Modèle probabiliste de renouvellement du nombre de molécules
Nous allons voir maintenant un exemple de l'utilisation pratique d'un tel critère.
Soit p1 la probabilité de passage de la phase 1 à la phase 2a.
Soit p2 la probabilité de passage de la phase 2a à la phase 2b.
Soit p3 la probabilité de passage de la phase 2b à la phase 3.
Soit p4 la probabilité de passage de la phase 3 à l'AMM.
La probabilité p5 de passage de l'AMM à la commercialisation est supposée égale à 1, réserve faite
du protectionnisme des pouvoirs publics (cf le cas vu précédemment du laboratoire étranger bloqué
dans la commercialisation de molécules en France)20.
Soit n1 le nombre de molécules en phase 1.
Soit n2 le nombre de molécules en phase 2a.
Soit n3 le nombre de molécules en phase 2b.
Soit n4 le nombre de molécules en phase 3.
20
Un tel facteur est considéré ici momentanément comme exogène, par souci de simplification (la prise en compte de
ce facteur introduirait une complication dans les calculs, mais pas dans la démarche).
- 51 -
Nous considérons ici le seul facteur "nombre de molécules", supposant abusivement que chaque
molécule se vaut économiquement, ce qui n'est pas le cas dans la pharmacie, mais nous permet de
simplifier les choses. On pourrait compliquer l'approche, en considérant, outre le nombre de
molécule, d'autres facteurs comme les coûts certains, le revenu espéré, ......; mais la démarche serait
globalement la même. Rappelons ici qu'il s'agit juste d'un exemple d'application.
Pour que le pipeline, soit, toutes choses étant égales par ailleurs, totalement renouvelé en nombre de
molécules, il faudrait que les relations suivantes soient vérifiées:
n2 = p1 * n1 ; n3 = p 2 * n 2 ; n4 = p3 * n3
Et plus généralement: n(k+1) = p(k) * n(k)
On peut en particulier en déduire que: n(k) = n1 * ( p1 * p2 * ... * p(k-1) ), pour k > 0
Pour mémoire (source: C. Paddison, K. Merchant, Alcon Laboratories, Inc., Case, Harvard
Business School)21:
Phase
Phase 1 (Recherche)
Phase 2a (Synthèse chimique)
Phase 2b (Pré-clinique)
Phase 3 (Clinique)
Probabilité de succès
10%
50%
75%
30%
Ainsi, l'on peut apprécier, phase par phase, dans quelle mesure le nombre de molécules constituant le
pipeline a des chances d'être renouvelé. Il est donc possible de prévoir statistiquement dans quelle
mesure la firme considérée sera plus ou moins solide, en terme de renouvellement de molécules, par
rapport aux autres firmes. On peut obtenir un classement des différentes firmes sur ce facteur.
Toutes choses égales par ailleurs, l'équilibre d'un laboratoire sera d'autant plus assuré que son
pipeline présentera la forme d'un entonnoir inversé, car plus l'on se place en amont, au début de
l'entonnoir, plus il y a de risques de déchets, et plus le coût restant à payer (marginal) est élevé (cf
page suivante):
Processus de R&D
Ainsi:
"Un laboratoire qui a 3 produits en phase 3 et 15 produits en phase 1 devrait être sous-évalué
économiquement, par rapport à un laboratoire qui aurait 15 produits en phase 3 et 3 produits en
phase 1, toute chose étant égale par ailleurs. Un tel raisonnement me paraît être une considération
importante pour évaluer une firme pharmaceutique"
21Nous
avons vérifié que ces probabilités de passage d'une phase à une autre sont homogènes avec les données
précédentes.
- 52 -
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
"La gestion de l'obsolescence me paraît effectivement importante. Pas le nombre de produits... Mais
plutôt voir historiquement quels produits ont été lancés, quels sont les produits nouveaux.
Autrement dit, voir la gestion du recouvrement entre anciens et nouveaux produits."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
En conclusion, il ressort que la démarche qu'on a appliquée au renouvellement des molécules
pourrait s'appliquer et prendre en compte d'autres facteurs tels que le coût certain (dépenses de R&D
essentiellement) et le revenu espéré (qui pourrait être calculé à partir d'une pondération des marchés
potentiels associés aux classes thérapeutiques sur lesquelles le médicament serait susceptible d'être
positionné, étant donné ses indications thérapeutiques et ses effets secondaires connus à l'instant t).
Deux éléments deviennent ici particulièrement cruciaux:
• La valorisation scientifique de chaque molécule en tant que telle: elle est inévitable dans une
réelle valorisation économique
• La mesure des risques associés à chaque molécule dans le détail.
Ceci nous permettra alors d'adopter par la suite une approche d'évaluation plus formalisée et plus
fouillée. Désormais donc, nous ne considérons plus l'évaluation globale du pipeline, et nous rentrons
dans une évaluation molécule par molécule, projet de R&D par projet de R&D.
3. 2. 3. Approfondir l'analyse par molécule: la valorisation scientifique et la mesure des risques,
bases de méthodes plus formalisées
Pour passer à une évaluation molécule par molécule, deux questions sont à considérer:
• la mesure du revenu espéré pour chaque molécule;
• la mesure du risque pour chaque molécule.
Conceptuellement, la mesure du coût molécule par molécule serait aussi nécessaire. Mais cette
mesure, l'expérience le montre, implique relativement peu de difficultés. Du fait de l'importance des
dépenses de R&D, les firmes sont en général capables d'associer un coût certain pour chaque
molécule. Si elles n'en sont pas capables, cela relève plus de questions de comptabilité analytique, et
non pas de problèmes spécifiques liés au choix d'une méthode d'évaluation économique.
La mesure du revenu espéré: la valorisation scientifique demeure incontournable
Le professeur Barral22 montre qu'il est possible de valoriser scientifiquement une recherche
pharmacologique. Pour cela, l'on peut procéder ainsi:
• Croisement des deux critères structure chimique / intérêt pharmacologique
• Croisement des deux critères nouvelle structure / structure connue
• Croisement des deux critères apport thérapeutique / pas d'apport thérapeutique
22Article
paru dans Analyse financière. Cf Bibliographie
- 53 -
Cela nécessite bien entendu de réunir un comité d'experts par grande classe thérapeutique. Seuls des
chercheurs en pharmacologie, médecine, pharmacie, ou biologie, seront a priori capables d'évaluer
une molécule en fonction de tels critères.
Le professeur Barral a par exemple tiré de son étude de valorisation scientifique les conclusions
suivantes .
• Entre 1975 et 1989, 775 nouveaux médicaments ont été découverts et mis pour la première fois sur
le marché dans le monde:
- 62,5% restent non internationalisés
- 25% sont internationalisés (mis sur le marché dans la majorité des pays industriels), dont 18% en
moins de 5 ans
- 12,5% sont mondialisés (mis sur le marché dans la totalité des pays industriels), dont 5,5% en
moins de 5 ans
• Plus des trois-quarts des produits en question sont d'authentiques apports à la thérapeutique: les
produits dits "me too" * n'ont pas de destin international.
A partir de ces données, il est donc possible d'évaluer la probabilité qu'a un nouveau médicament
d'être vendu dans le monde.
• Les produits innovants ont un CA mondial moyen élevé. Les produits sans apport thérapeutique
ont un CA mondial inférieur à la moyenne. La différence est de l'ordre de 1 à 2,9. C'est dire combien
la R&D est créatrice de valeur.
A partir de ces données, il est possible d'évaluer l'espérance de revenu d'un nouveau médicament.
Mais cela n'a pas nécessairement une signification économique: il faudrait au moins pouvoir
disposer de données par pays et , surtout, par classe thérapeutique.
La mesure du risque
Quatre types de risques peuvent survenir pour une molécule destinée à l'industrie pharmaceutique:
• Le risque technologique. La R&D peut échouer pour deux raisons: la molécule n'est effectivement
pas découverte, ou elle est découverte mais n'est pas commercialisable.
• Le risque commercial. Si le lancement du médicament est un échec, alors la R&D ne sera
vraisemblablement pas amortie.
• Le risque concurrentiel. Le concurrent peut soit copier le médicament, soit lancer un produit
similaire, soit lancer un produit d'efficacité supérieure à coût et inconvénients égaux, soit lancer un
produit de coût inférieur à efficacité et inconvénients égaux, soit lancer un produit présentant moins
d'inconvénients (effets secondaires, posologie, galénique, etc.) à coût et efficacité égaux.
• Le risque légal. Bien qu'aucun théoricien n'envisage sérieusement l'unification des prix de
remboursement, la réglementation semble s'orienter vers les exigences suivantes:
- rémunérer la vraie recherche;
- imposer une période de quasi-liberté des prix au début de la commercialisation;
- accélérer la disparition des produits dont l'existence n'est plus justifiée thérapeutiquement,
- revaloriser les produits très anciens adaptés à la demande.
Un risque existe donc pour les produits sans grand apport thérapeutique (source E. Barral, Analyse
financière).
- 54 -
Mais cette mesure de risques, rappelons-le, doit être purement exploratoire et qualitative. Elle ne
doit pas conduire à considérer pour autant le pipeline comme un simple portefeuille d'actifs, auquel
on pourrait appliquer par exemple un schéma simplifié du type Espérance / Variance.
Certes, on peut faire l'hypothèse qu'un portefeuille de produits plus larges réduit la sensibilité au
risque (Jean-Michel Levy, Direction Planification et Stratégie d'Elf-Sanofi, cité dans R. Hamael,
Fusions & Acquisitions). Mais si les efforts de R&D son trop dilués sur un nombre trop grand de
secteurs thérapeutiques et classes pathologiques, cela est-il vraiment significatif?
L'exemple de Squibb avant son rachat par Bristol-Myers est là pour le rappeler. Squibb avait alors
une R&D très productive mais trop gourmande en ressources financières. Résultat: une faible
proportion des projets était menée à bien. Il a fallu l'apport de ressources financières supplémentaires
lors de la fusion pour que la R&D soit de nouveau optimisée, la productivité n'impliquant ainsi pas
nécessairement une optimalité économique.
3 2. 3. Approfondir l'analyse par molécule: les méthodes formalisées par Arthur D. Little et
Sterling Drug pour l'évaluation de projets de R&D
L'approche précédente a permis de dégager une première série de méthodes servant de base à
l'évaluation du pipeline. Il s'agit donc maintenant d'exploiter les résultats de ces analyses, et de les
réunir dans un cadre méthodologique global et unifié. Pour ce faire, nous allons nous appuyer très
largement sur deux méthodes d'évaluation de projets de R&D formalisées par Arthur D. Little et
Sterling Drug.
Une approche issue du conseil: la méthode "R&D Third Generation", Arthur D. Little
L'évaluation des utilités d'investissement
Dans "Third Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy", Philip Roussel, Kamal
Saad, Tamara Erickson, consultants chez Arthur D. Little, proposent d'abord de procéder à une
évaluation globale des risques et des bénéfices du pipeline, projet par projet. Ceci afin de déterminer
l'utilité relative des investissements R&D:
• Cas 1: Bénéfices élevés
Quel que soit le risque, l'investissement en R&D est justifié: excellent quand le risque est faible, bon
quand le risque est modéré, souhaitable suivant les coûts d'opportunité (i.e., en fonction des autres
projets) quand le risque est élevé;
• Cas 2: Bénéfices modérés
L'investissement en R&D n'est pas nécessairement justifié: bon quand le risque est faible, acceptable
quand le risque est modéré, inacceptable quand le risque est élevé;
• Cas 3: Bénéfices faibles
L'investissement en R&D n'est acceptable que quand le risque est faible.
La figure permet de visualiser ces propositions de façon synthétique.
- 55 -
Bénéfice / Risque
Elevé
Zone de
risque /
bénéfice
inacceptable
Bénéfice
potentiel
Moyen
Zone de risque /
bénéfice acceptable
Faible
Elevé
Moyen
Faible
Risque
Source: Arthur D. Little
Cette première approche est interne, indépendante de l'environnement concurrentiel de l'entreprise.
Elle doit donc être complétée par une seconde approche, externe, qui permettra de voir comment la
firme se place relativement par rapport à ses concurrents.
- 56 -
La détermination de la position technologique concurrentielle
Celle-ci permet de reconnaître si le management a su gérer la R&D de façon stratégique, i.e. s'il a su:
- reconnaître quelle technologies sont critiques pour l'activité thérapeutique et pour la firme, par leur
maturité et leur impact concurrentiel;
- maîtriser ces technologies critiques en vue d'acquérir un avantage concurrentiel durable, classe
thérapeutique par classe thérapeutique;
- utiliser ces technologies de façon efficace en les intégrant aux autres facteurs de réussite de
l'activité.
Bien qu'il n'existe aucun moyen rigoureux de mesurer la force technologique concurrentielle, des
jugements techniques perspicaces suffisent pour établir des estimations défendables.
- 57 -
- Modèle généralisé permettant de déterminer la force technologique concurrentielle (à appliquer classe thérapeutique par classe thérapeutique )
Terminologie
Dominante
Forte
Moyenne
Défendable
Faible
Définitions
• Puissant chef de file technologique
• Engagements
financiers
élevés,
ressources
humaines
et
créativité
considérables
• Bien reconnu dans l'industrie
• Etablit le rythme et la direction du
développement technologique
• Les concurrents cherchent constamment
à rattraper la firme
• Capable de mener des actions techniques
indépendantes, de fixer de nouvelles
orientations
• Engagement et efficacité technologiques
constamment élevés
• Ses
réalisations
technologiques
distinguent ses unités stratégiques de
celles des concurrents de moindre
envergure
• Capable de maintenir la compétitivité
technologique de l'unité stratégique qu'elle
soutient
• Dispose de forces qui peuvent être
exploitées en vue d'améliorer la position
technologique concurrentielle
• N'est pas un chef de file technologique
sauf dans des créneaux en développement
• Opère selon un mode de rattrapage
• Incapable de suivre une voie
indépendante
• Peut maintenir la compétitivité de l'unité,
mais incapable de la différencier de celles
des concurrents
• Qualité en déclin du rendement de la
technologie par rapport aux concurrents
• Opérations à court terme pour tenter de
"sauver les meubles"
• Dégradation des produits, des procédés,
et des coûts par rapport à la concurrence
• Difficile mais pas impossible de renverser
la situation
Source: Arthur D. Little
("Third Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy")
- 58 -
Pour l'investisseur, la leçon à tirer de cette estimation de la position technologique concurrentielle de
la firme, classe thérapeutique par classe thérapeutique, est la suivante:
- investir dans les entreprises pharmaceutiques qui n'entreprendront une R&D dans des classes
thérapeutiques ou des pathologies parvenues à maturité en terme de marché, que si elles sont au
moins dans une position forte par rapport à leurs concurrents. Un financier peut avoir confiance dans
une entreprise qui prend en compte le danger d'arriver en troisième position,(ou pire), et se
concentre sur des priorités stratégiques;
- désinvestir dans le cas contraire
Evaluation du pipeline (portefeuille de R&D)
Après avoir procédé à une évaluation bénéfice / risque des projets du pipeline, et avoir positionné
l'entreprise sur chacune des technologies afférentes à ces projets, classe thérapeutique par classe
thérapeutique, il est alors possible de mener une évaluation globale de l'attractivité du portefeuille de
R&D ou pipeline, par classe thérapeutique, et à l'intérieur de chaque classe, projet par projet. La
figure de la page suivante résume les éléments spécifiques de l'attrait d'un projet, base de l'évaluation
du pipeline par classe thérapeutique, puis du pipeline de façon globale.
Le premier critère - adaptation du projet de R&D à la stratégie - est fondamental. C'est seulement si
un projet de R&D passe ce premier critère fondamental d'utilité stratégique que les autres critères
d'attrait doivent entrer en jeu. Les autres critères peuvent être utilisés collectivement ou
individuellement en tant qu'éléments de la considération du pipeline. L'évaluation globale de l'attrait
d'un projet apparaît donc simple à réaliser, parce que ce sont des jugements justifiés par la
connaissance des faits, plutôt que la précision (fondée par exemple sur les calculs de la valeur
actuelle nette), qui apportent les réponses.
L'évaluation de l'attrait global d'un projet se fait ensuite en:
- accordant un poids relatif pour chacun des critères du projet R&D
- donnant un taux de concordance avec chacun des critères R&D
Par exemple, l'attrait d'un projet peut être calculé ainsi:
Critères
Valeur créative
Durabilité de l'avantage
concurrentiel
Bénéfices
Probabilité de réussite
technique
Probabilité de succès
commercial
Coûts de la R&D à la
réalisation du projet ou
jusqu'au point clé de
décision
Délai de réalisation ou
point clé de décision
Investissement en
capital et/ou en
marketing
Poids (1-5)
Taux de
concordance avec
les critères (1-5)
Score
(poids x taux)
3
5
5
3
15
15
5
2
4
2
20
4
5
4
20
3
4
12
2
4
8
1
3
3
Score: 97 / 130 = 75%
- 59 -
Mesure du Poids:
5: très important
Mesure du Taux de concordance: 5: très concordant
1: très faible
1: peu concordant
- 60 -
- Eléments spécifiques de l'attrait d'un projet Eléments de l'attrait
Unités dans lesquelles
d'un projet de R&D
l'attrait est exprimé
Adaptation à la stratégie commerciale ou à • Jugement allant d'excellent à médiocre
la stratégie du groupe
Valeur créative et importance stratégique • Capacité potentielle du résultat
pour l'activité
recherché pour:
a) améliorer la position concurrentielle de
l'activité
b) être applicable à plus d'une activité
c) jeter les bases de nouvelles activités
• Jugement allant d'élevé à faible
Durabilité de l'avantage concurrentiel • Années. Si le résultat de R&D peut être
recherché
rapidement et facilement exploité par les
concurrents, le projet est moins attrayant
qu'un projet qui procure un avantage
protégé à long terme
Bénéfices
• Le plus souvent financiers, mais parfois
"travaux indispensables" (par ex.: pour se
conformer aux réglementations) ou
constitution d'une base de connaissances
qui devient le fondement pour les travaux
appliqués
Impact concurrentiel des technologies
• De
base,
clés,
émergentes,
embryonnaires. Si un projet n'envisage
que l'application de technologies de base,
il est classifié comme tel, "de base"; s'il
envisage au moins une technologie clé ou
émergente, le projet tout entier est
classifié comme "clé" ou "émergent"
Incertitude
Probabilité de réussite technique
• Unités de probabilité, 0,1-0,9.
Probabilité que l'objectif sera atteint tel
qu'il a été défini
Probabilité de succès commercial
• Unités de probabilité, 0,1-0,9.
Probabilité de succès commercial si le
projet est une réussite technique
Probabilité de succès global
• Unités de probabilité, 0,1-0,9.
Produit23 des probabilités techniques et
commerciales
Enjeu
Coûts de R&D pour la réalisation du • Francs (dollars, etc.)
projet ou jusqu'au point clé de décision
Délai de réalisation jusqu'au point clé de • Temps
décision
23Relation
définissant la probabilité conditionnelle: P(A inter B) = P(B) x P(A/B), avec P(A/B) la probabilité
conditionnelle de l'événement A sachant que l'événement B est réalisé
- 61 -
Investissement en capital et/ou en • Francs (dollars, etc.)
marketing nécessaire pour exploiter la
réussite technique
- 62 -
Synthèse
On peut synthétiser les résultats en classant chacun des projets du pipeline suivant d'une part,
l'importance du budget qui y est consacré, et d'autre part, les deux couples de critères :
- (maturité de la classe thérapeutique, position technologique concurrentielle)
- (bénéfice potentiel, probabilité de succès globale)
A) L'importance du budget pour un projet donné en fonction du couple de critères:
• Maturité de la classe thérapeutique (démarrage, croissance, maturité, vieillissement). Plus la
technologie est récente, plus l'incertitude technologique augmente, et réciproquement24. Plus la
technologie est récente, plus le caractère exclusif de la technologie augmente, et réciproquement23.
• Position technologique concurrentielle. (faible, défendable, moyenne, forte, dominante). Plus la
position technologique concurrentielle sur une classe thérapeutique est forte, plus la probabilité de
réussite technique dans cette classe augmente, et réciproquement/inversement23.
B) L'importance du budget pour un projet donné en fonction du couple de critères:
• Bénéfice potentiel (faible, modéré, élevé)
• Probabilité de succès globale (échelle de 0% à 100%). Cette probabilité est le produit de la
probabilité de réussite technique et de la probabilité de succès commercial
C) L'importance du budget pour un projet donné en fonction du couple de critères:
• Bénéfice potentiel (faible, modéré, élevé)
• Délai estimatif de réalisation (en années)
Ces résultats peuvent être visualisés sous forme de bubble chart, où le couple de critères figure le
couple (abscisses, ordonnées) et l'importance du budget est figurée sous la forme d'un disque de
diamètre proportionnel.
Analyse de la démarche
L'analyste pourra ainsi avoir une vision extrêmement fine de la qualité du portefeuille de projets
R&D et de la façon dont sont alloués les budgets R&D pour chaque projet. Cette approche nécessite
cependant d'avoir un nombre considérable d'informations sur le fonctionnement interne de
l'entreprise et s'avère extrêmement coûteuse en terme de recherche d'information. Néanmoins, il
semblerait qu'une telle approche soit:
• possible dans le cadre d'une évaluation d'acquisition faite avec l'aide d'experts du secteur, comme le
montrent les entretiens que nous avons menés avec des industriels et des consultants;
• rentable, vu l'aide considérable qu'elle apporte à la décision.
Outre cela, une telle approche a au moins le mérite:
• d'exister... et de marquer nettement la différence entre l'évaluation du pipeline et la simple
évaluation financière du bilan d'une société; le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une telle démarche
produit de la valeur ajoutée par rapport à la simple évaluation des actifs comptables , boursière ou
financière (DCF);
24
Réciproquement et inversement.
- 63 -
• de fournir un cadre méthodologique formalisé et des outils conceptuels pour mesurer ainsi si la
R&D - qui constitue le point-clé de la chaîne de création de la valeur dans la pharmacie - est gérée
de façon stratégique ou pas.
S'il n'est pas nécessaire de procéder, dans la plupart des cas, à une analyse du portefeuille de R&D
aussi fine, l'analyste peut au moins reprendre les grandes lignes de la démarche, afin d'être en mesure
de porter un jugement sur le positionnement concurrentiel du portefeuille de projets R&D de la
firme. Cela permettra de répondre à la question: relativement au secteur, les projets de telle firme
pharmaceutique sont-ils viables ou non?
Pour dissiper les doutes quant à la possibilité d'utilisation d'une telle démarche dans la pratique - au
moins, en interne, par les cadres des firmes -, il nous semble nécessaire d'exposer l'essentiel de la
pratique d'évaluation du portefeuille de projets R&D telle qu'elle peut être pratiquée dans l'industrie
pharmaceutique.
Une approche issue de l'industrie pharmaceutique: la méthode Sterling Drug
L'essentiel de la méthode peut être résumé dans le tableau suivant:
- Evaluation d'un projet R&D dans l'industrie pharmaceutique -
Paramètre
Unité de Mesure
Pondération
Potentiel de marché
Succès si VAN>0 (en KF)
40%
Risque technique
Probabilité de succès
technique
15%
Evaluation du risque
commercial
15%
Période de
commercialisation (calculée à
10%
`
Risque commercial
Timing
partir de la date de lancement et
la durée de vie du brevet)
`
Allocation des ressources
Cohérence avec la stratégie
Coûts de R&D
avant lancement
10%
Catégorie de priorité
10%
- 64 -
Exemple de Méthode de Calcul:
A partir des paramètres et des coefficients de pondération définis ci-dessus, l'évaluation d'un projet
donné pourrait par exemple se faire à l'aide de la formule:
Formule de Calcul =
[ Potentiel de marché (en KF) x coeff. de pondération (40%) ]
x [ Probabilité de succès technique x coeff. de pondération (15%) ]
x [ Probabilité de succès commercial x coeff. de pondération (15%) ]
x [ (Date de lancement - Durée de vie du brevet) x coeff. de pondération (10%) ]
÷ [ Coûts de R&D avant lancement x coeff. de pondération (10%) ]
x [ Catégorie de priorité x coeff. de pondération (10%) ]
Avec les mêmes paramètres et les mêmes coefficients de pondération, d'autres formules de calcul
seraient possibles, suivant l'importance que l'on attache à tel ou tel paramètre. Quelle que soit la
formule choisie, il est possible de réaliser une comparaison relative des projets les uns par rapport
aux autres, soit entre firmes, soit à l'intérieur d'une firme.
Formellement, il s'agit de:
• calculer une espérance de revenu (à partir des trois premiers paramètres);
• l'actualiser sur la période de temps considérée (à partir du quatrième paramètre);
• en déduire une espérance de profit (à partir du cinquième paramètre);
• et l'affecter d'une catégorie de priorité pour tenir compte de la dimension stratégique et non
financière du projet (à partir du dernier paramètre).
Analyse
Les critères définis par Sterling tiennent compte des mêmes contraintes et des mêmes priorités que
ceux utilisés par Arthur D. Little. On peut considérer que l'analyse et le bon sens suffisent à les
distinguer. De tels critères sont donc objectifs. Mais la subjectivité du jugement porté par l'analyste
demeure dans la pondération relative des critères retenus. Si les critères sont identiques, la
pondération peut varier suivant les cas et les objectifs spécifiques de l'analyste.
Conclusions
• "Une firme pharmaceutique ne vaut pas moins, du simple fait que les financiers réévaluent à la
baisse son pipeline. 75% de la valeur boursière d'une firme pharmaceutique est contenue dans la
valeur des produits du pipeline, i.e. les produits en développement (phases 1-2-3)."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
• "Je pense que le critère du pipeline est effectivement pertinent. Mais on ne saurait se contenter de
comptabiliser le nombre de médicaments dans le pipeline pour procéder à une réelle valorisation
économique."
- 65 -
Source: Entretien Conseil en Stratégie
- 66 -
3. 5. La présence sur les segments thérapeutiques
"Mais le critère du pipeline est insuffisant. Il faut aussi savoir dans quel secteur thérapeutique
l'entreprise opère. Le choix du secteur peut être plus ou moins éclairé en fonction de la demande, du
public, du nombre de concurrents présents."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
3. 5. 1. Les facteurs à prendre en considération
La prise en compte de la spécificité des segments ou classes thérapeutiques sur lesquels se trouve le
laboratoire paraît en effet être un critère déterminant dans le jugement sur la valeur économique de la
firme.
• D'abord parce que la taille de chaque classe thérapeutique peut être extrêmement variable. La
figure suivante le montre. Elle considère le marché européen des produits pharmaceutiques à
l'exclusion des produits génériques et des OTC. Elle est représentative du marché sur lequel opèrent
les firmes considérées dans cette étude (intégrées dans la production primaire du médicament).
- Marché européen des produits éthiques par grande classe thérapeuthique (1992)
Taille du marché: 45,6 millions USD
Cardiovasculaires
(19%)
Autres
Immunologie (2%)
Dermatologie (3%)
Analgésique (3%)
Cancer (4%)
Anti-infectieux (14%)
Syst. osteo-musculaire
(5%)
Syst. nerveux central
Hematologie (5%)
Syst. endocrinien (6%)
(9%)
Syst. respiratoire (7%) Gastro-intestinal (8%)
Source: Datamonitor
• Ensuite parce que l'intensité concurrentielle sur chacun de ces segments thérapeutiques varie. Une
firme présente sur les antibiotiques ne subira pas la même concurrence qu'une firme spécialisée dans
le traitement des maladies du système nerveux. Il est possible d'obtenir une indication relativement
précise de l'intensité concurrentielle pour chaque classe thérapeutique. La banque de données
Dorema (source: IMS *) fournit en France l'indice de l'effort commercial de chaque firme
pharmaceutique pour telle ou telle classe thérapeutique, sous la forme du nombre de visites
médicales de chaque firme sur telle classe thérapeutique, pour une période de temps donnée.
Il est donc possible:
- 67 -
- d'identifier les classes thérapeutiques les plus concurrentielles en terme d'effort commercial;
- d'identifier les firmes les plus agressives commercialement sur telle classe thérapeutique, ce qui ne
saurait manquer d'intérêt pour évaluer leur position concurrentielle, par rapport notamment au
revenu qu'elles tirent par ailleurs sur la classe thérapeutique considérée. Exemple: une firme peu
agressive commercialement sur une classe où elle possède des parts de marché importantes doit a
priori posséder d'autres types de compétences distinctives et d'avantages compétitifs. Suivant la
nature de ces avantages, on conclura ou non à la pérennité de sa part de marché.
Le nombre et la taille des concurrents présents sont également des critères pertinents et faciles à
utiliser pour évaluer l'intensité concurrentielle d'une classe thérapeutique. Par exemple, si deux
laboratoires de grande taille comme Glaxo et Merck & Co se trouvent simultanément sur la même
classe thérapeutique, on peut facilement en déduire une forte intensité concurrentielle pour cette
classe.
La croissance ou la stagnation d'une classe thérapeutique ne sont pas en revanche des indicateurs
à retenir:
"On peut avoir à la fois une très forte intensité concurrentielle et une très forte croissance sur un
segment thérapeutique." Source: Entretien Industrie pharmaceutique.
Exemple: la molécule Prozac d'un des laboratoires interrogés arrive sur un marché où il existe déjà
toute une série de produits concurrents et qui fonctionnent à peu près convenablement. Ces produits
sont beaucoup moins chers que le Prozac; leur seul inconvénient est qu'ils induisent beaucoup
d'effets secondaires, désagréables pour le patient. Le nombre de personnes à traiter reste identique
dans le temps. Mais le Prozac offre comparativement un traitement simultanément beaucoup plus
court et plus efficace. De plus en plus de personnes veulent se faire soigner avec le Prozac, quoique
par ailleurs le marché reste identique en volume."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique
Pour évaluer un segment thérapeutique, on peut enfin prendre en compte l'adéquation de la firme
à ce segment. Autrement dit, il s'agit de voir quels critères de qualité pourront refléter de façon
assez juste l'efficacité et la performance de l'organisation commerciale, sur le marché local comme
sur les marchés étrangers. A la différence des critères précédents, il s'agit donc ici d'approcher plus
qualitativement la thérapie, afin d'analyser, non pas le marché en soi, mais la relation qui lie la firme à
ce marché.
Le degré de spécialisation de la force de vente par axe thérapeutique, semble être ici
particulièrement pertinent.
"Une force de vente dédiée dans une thérapie n'est pas nécessairement compétente pour agir dans un
autre thérapie."
Source: Entretien Banque
- 68 -
3. 5. 2. La Décomposition en facteurs-clés du marché (sources Entretiens Eli Lilly & Co /
Sterling): une analyse dynamique
Pour procéder à l'évaluation d'un marché thérapeutique, on peut en fait procéder à une analyse par
arborescence des différents facteurs-clés, en faisant apparaître par décomposition successive les
facteurs influençant le marché. Cette méthode a été largement conceptualisée par les cabinets de
conseil en stratégie, comme Arthur D. Little, Booz. Allen & Hamilton, le BCG ou McKinsey.
Nous présentons deux décompositions telles qu'elles peuvent être utilisées dans des firmes
américaines comme Eli Lilly & Co et Sterling.
- Décomposition type Eli Lilly & Co -
Marché
Prix
Nombre de Prescripteurs
Posologie
Consommation / semaine
Durée traitement
Nbre Patients
(Nbre prescriptions/ unité temps)
On obtient ainsi une équation M(X) du marché du type:
M(X) = Facteur 1 x Facteur 2 x ..... x Facteur n
au plus bas niveau de l'arborescence
Au premier niveau d'arborescence, les facteurs sont le prix, et le nombre de prescripteurs; au
deuxième niveau, le prix, la posologie, la consommation / semaine, la durée du traitement et le
nombre de patients; et ainsi de suite, jusqu'au nième niveau.
D'où l'on déduit par propriété du logarithme:25
log M(X) = log (Facteur 1) + log (Facteur 2) + ...... + log (Facteur n)
D'où, par dérivation:
Dérivée log M(X) = Dérivée log (Facteur 1) +
25Propriété
du logarithme: Pour tout couple (a, b) de R*+2, log (ab) = log a + log b
- 69 -
+ log Dérivée (Facteur n)
Comme la dérivée est une expression du taux de croissance à un instant t donné, on peut donc
appréhender une fonction du taux de croissance du marché thérapeutique en fonction d'un certain
nombre de taux de croissance de tous les facteurs concernés. Cela revient à décomposer le taux de
croissance du marché en fonction d'autres taux de croissances de facteurs explicatifs. Dans la
pratique, il est possible d'expliquer le taux de croissance d'un marché thérapeutique à 95%.
- Décomposition type Sterling -
Profit par marché thérapeutique
Revenus
Prix moyen
x
-
Coûts
Unités vendues
Taille du marché x
Coûts fixes
+
Coûts variables
Part de marché
Le principe est le même que précédemment. On peut affiner l'arborescence à des niveaux
supplémentaires. Il s'agit simplement de mesurer le profit par classe thérapeutique, au lieu du marché
lui-même.
La démarche utilisée peut permettre ainsi d'expliquer les opportunités manquées de création de
valeur, et donc de déceler les potentiels de valeur économique cachés sur un marché thérapeutique,
afin de générer finalement plus de valeur pour la firme. On aboutit ainsi à un outil d'évaluation
dynamique pour la mesure de la valeur de la firme.
Par exemple, si le nombre de prescripteurs est faible, cela peut à la fois signifier:
- que la cible de prescripteurs existe, a un besoin, mais que la firme y répond mal;
- une absence totale de cible.
Un autre exemple est l'arrêt de la croissance d'un marché, qui peut s'expliquer par une combinaison
de facteurs dont l'importance pondérée peut varier dans le temps:
- le produit de la firme considérée se substitue progressivement à la concurrence;
- les produits de la concurrence se substituent progressivement à celui de la firme considérée.
En conclusion, une telle analyse permet de regarder quelles sont les sources de croissance
économique pour la firme.
- 70 -
3. 6. Datation des AMM * / Date d'expiration des CCP * et brevets
De tels critères apparaissent pertinents pour porter un jugement sur la valeur économique des firmes
pharmaceutiques. Par exemple:
- "La datation des AMM est un élément complémentaire de la solidité du portefeuille de produits".
Source: Entretien Droit & Pharmacie.
- "Pour moduler les évaluations purement financières réalisées pour chaque groupe, nous avons
demandé à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) de faire une recherche systématique
des brevets déposés et enregistrés par les firmes concernées. Grâce à ce travail, et dans la limite où
les noms des sociétés déposantes ont pu être clairement rattachées aux groupes concernés,
l'ensemble des brevets pris entre 1986 et 1990 ont été identifiés par secteur thérapeutique concerné
et en fonction de la nature du brevet."26
Source: Entretien Droit & Pharmacie
- "La datation des AMM et des brevets me semble être un critère original et pertinent" Source:
Entretien Industrie pharmaceutique
La datation des AMM / Date d'expiration des brevets et CPP peut en effet être un indicateur du
temps nécessaire pour que les produits génériques d'autres laboratoires viennent concurrencer la
molécule originelle, à expiration du brevet. Selon les industriels, un tel critère est pertinent.
Mais l'analyse de ce critère peut être complétée par une investigation et une recherche d'informations
supplémentaires, afin de savoir dans quelle mesure le produit original est facile à fabriquer ou non. Si
c'est le cas, et si le marché reste attractif, le produit sera concurrencé dès l'expiration du brevet. Dans
le cas contraire, le produit ne sera peut-être pas concurrencé sur un petit nombre d'années
supplémentaires, ou sera concurrencé relativement peu sur un grand nombre d'années
supplémentaires. Cette approche est minimaliste: elle indique sur quelle période minimale le produit
ne sera pas concurrencé avec certitude.
26
Cette recherche est effectivement facile d'accès, d'un coût monétaire et temporel relativement faible, et d'une valeur
certaine. A titre anecdotique, l'auteur du mémoire y a lui-même eu recours lorsque, stagiaire au sein du bureau
parisien de Arthur D. Little entre janvier et avril 1994, il a participé à des missions d'évaluation stratégiques
d'acquisition dans des industries d'équipement. L'intérêt de la source INPI est qu'elle fournit une description précise de
l'innovation technique considérée, et qu'elle indique les domaines d'application. L'inconvénient est qu'elle ne porte que
sur des brevets déposés initialement en France et en Europe. Une firme américaine ayant par exemple déposé un
brevet mondial à partir des Etats-Unis n'y figurerait pas nécessairement.
- 71 -
Il s'agit donc d'avoir une idée plus précise sur les barrières qui peuvent se poser à l'entrée de
nouveaux concurrents, pour un produit original donné. Par exemple, pour les insulines
biosynthétiques, commercialisées par les firmes Novonordynsk et Eli Lilly & Co, la seule barrière qui
existe est l'investissement manufacturing: le montant des investissements nécessaires pour installer
une capacité de production est élevé, alors même que les deux firmes ont accumulé plusieurs années
d'expérience dans la mise au point et l'amélioration des procédés de fabrication. Dans ce cas, même
si la datation des brevets/AMM/CCP est un bon indicateur, ce n'est pas le meilleur, puisque la
barrière posée relève du procédé de production, non du produit lui-même.
Par ailleurs, même dans le cas où l'analyse des datations brevet/AMM/CCP justifierait un jugement
négatif sur la firme, il faut tenir compte du fait qu'il reste à celle-ci des alternatives pour contrer la
concurrence. En particulier, l'alternative de concevoir et produire des "génériques plus":
• soit que la molécule originale donne lieu à une amélioration galénique qui puisse être protégée par
un nouveau brevet sur le produit, même s'il n'y a pas d'innovation réelle sur la molécule. Exemple: le
patch, qui offre une possibilité d'effet retard dans la libération de la substance éthique, et permet ainsi
de réduire les doses prescrites, par un lissage dans le temps de la concentration du médicament dans
l'organisme.
• soit que la molécule originale soit produite par un nouveau procédé sur lequel il est possible de
déposer un nouveau brevet (brevet de procédé).
• soit une combinaison des deux alternatives précédentes. Exemple: deux ans avant l'expiration de
son brevet sur l'Adalate, Bayer a conçu et lancé une nouvelle forme galénique, avec des
investissements publicitaires considérables. La nouvelle forme galénique a été brevetée: elle
permettait de réduire le nombre de prises de trois à une par jour, ce qui présentait un avantage
marginal très important pour le patient. Le lancement étant soutenu simultanément par de forts
investissements publicitaires, les patients et les prescripteurs se sont tournés massivement vers la
nouvelle forme galénique. Celle-ci avait simultanément donné lieu à un nouveau procédé de
fabrication: à la barrière légale sur le produit, se sont ajoutées une barrière d'investissement en
production, et une barrière légale sur le procédé de fabrication (brevet sur technologie de procédé).
Ainsi, au moment où la nouvelle forme avait déjà supplanté l'ancienne, les nouveaux entrants ne
pouvaient venir concurrencer Bayer que sur l'ancienne forme galénique.
- 72 -
3. 7. Le délai moyen de mise sur le marché des molécules n'est pas un critère pertinent
Le délai moyen de mise sur le marché des molécules constitue une des bases du calcul pour
l'actualisation des cash-flows, l'une des méthodes d'évaluation appliquées couramment.
Parallèlement, il a été retenu au début de l'étude comme critère de qualité possible pour comparer
plusieurs firmes entre elles.
L'hypothèse était que le délai moyen de mise sur le marché des molécules pouvait mieux permettre
de juger l'efficacité organisationnelle et la capacité d'innovation d'une firme relativement à une autre,
et ainsi de sa position concurrentielle dans le secteur.
Dans l'absolu il est vrai que ce critère est extrêmement séduisant:
"La valeur économique est souvent fonction de la capacité des laboratoires à mettre de plus en plus
vite des médicaments sur le marché. Théoriquement, sur l'ensemble de l'industrie, le délai moyen est
de 10-11 ans pour réussir à commercialiser un médicament après le dépôt de brevet sur la molécule.
Mais dans certains laboratoires anglo-saxons, le délai peut être de 7 ans. Ceux-là visent à le réduire
encore; ils en ont fait une priorité stratégique... On voit bien que la réduction des délais de R&D est
un enjeu stratégique pour les laboratoires, car la R&D coûte de plus en plus cher. "
Source: Entretien Industrie pharmaceutique.
Toutefois, il est apparu au cours des entretiens qu'un laboratoire peut avoir une série de molécules
innovantes commercialisables et/ou rentables, sans que celles-ci soient effectivement
commercialisées, parce qu'elles "ne rentrent pas dans le bon timing."
Source: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique.
Une molécule commercialisable n'est pas nécessairement une molécule commercialisée. Il peut y
avoir deux raisons à cela:
• le laboratoire peut attendre de commercialiser une molécule dans le but de lisser son activité (CA)
et sa profitabilité. L'idée est qu'il peut avoir intérêt à laisser 4-5 molécules en attente, afin d'optimiser
l'allocation de ses ressources.
• le laboratoire peut préférer ne pas commercialiser les molécules découvertes qui correspondent à
de petits marchés potentiels, trop peu rentables à l'instant t. Même si la molécule est arrêtée en fin de
phase 3, le délai moyen de mise sur le marché n'aurait de sens comme indicateur de performance que
si tous les marchés potentiels des molécules considérées étaient de taille équivalente.
Dans tous les cas, il apparaît que le délai moyen toutes molécules confondues n'est pas un bon
indicateur de performance. Il serait nécessaire de considérer au moins un délai moyen par classe
thérapeutique, sous réserve que les classes concernées représentent des marchés potentiels
conséquents.
- 73 -
3. 8. A l'avenir, le critère de l'intégration verticale pourrait s'avérer décisif
Le choix de l'intégration verticale dans la distribution pourrait être un critère de différenciation
concurrentielle entre laboratoires. Aujourd'hui, il semble qu'aucun laboratoire n'ait particulièrement
intérêt à pratiquer une politique d'intégration vers la distribution, parce que jusqu'à présent, les
pharmaciens n'ont aucun pouvoir dans la décision d'achat du médicament.
On pourrait imaginer cependant dans un avenir proche un changement structurel dans le processus
de décision (ou Decision Making Unit). Le pharmacien pourrait se substituer partiellement, et de
façon autorisée, au médecin, et être en mesure de délivrer le médicament le moins cher:
• entre l'ensemble des médicaments dont la substance active est identique;
• entre des molécules/substances actives différentes mais correspondant à une thérapie (même action
du médicament) et une pathologie (même indication du médicament) identiques.
L'intérêt pour les pouvoirs publics serait d'encourager la réduction des dépenses de santé, à action et
indication du médicament égales. Dans ce cas, le pharmacien pourrait avoir un pouvoir de
prescription supérieur au médecin, lequel ne pourrait plus prescrire qu'une substance active, et non
un médicament. Une firme qui aurait alors la maîtrise de la distribution pourrait bénéficier d'un
avantage compétitif décisif.
Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique / Consultants en stratégie.
Par exemple, "Merck vient tout récemment de racheter le distributeur Medco. Cela pourrait s'avérer
être un atout important dans les prochaines années."
Source: Entretien industrie pharmaceutique.
Mais il faut rester prudent. L'identification du critère stratégique d'intégration verticale comme
critère pertinent, ne permet pas de déduire qu'il existe nécessairement d'autres critères de type
stratégique tout aussi pertinents. Les critères différenciant le management, le positionnement ou la
stratégie de la firme, par exemple, restent à manier avec beaucoup de précaution.
La preuve la plus manifeste en est que:
- Glaxo est l'un des laboratoires les plus orientés "marketing";
- Merck & Co est l'un des laboratoires les plus orientés "recherche médicale" (il est le laboratoire le
plus réputé dans la profession médicale).
Pourtant, chacune de ces deux firmes a réussi. Merck & Co et Glaxo se sont imposés respectivement
comme le premier et le second mondial dans l'industrie pharmaceutique.
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3. 9. Conclusion
Comme le résume un consultant:
"La pharmacie n'est pas un secteur où il existe des critères quantitatifs, tels que ceux que l'on trouve
dans d'autres industries. Le coût de fabrication ou le délai de réactivité à la demande, par exemple,
ne sont pas des critères-clés dans l'industrie pharmaceutique, comme ils peuvent l'être dans l'industrie
textile.
Si donc vous voulez mon avis, les critères à retenir ne peuvent être que qualitatifs, et non
quantitatifs. En ce sens, on ne peut pas parler "d'indicateurs économiques de performance". Il n'y a
pas de lois, comme par exemple dans l'industrie aéronautique, avec la courbe d'expérience. C'est sans
doute dû au fait, que le facteur risque prend ici une place déterminante. Comme c'est le cas d'ailleurs
dans l'industrie pétrolière."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
Néanmoins, une analyse combinée des différents critères de qualité retenus peut permettre:
• de porter un jugement qualitatif sur la valeur économique de la firme;
• de porter un jugement sur la position concurrentielle de la firme dans l'industrie;
• et de moduler ainsi les évaluations ou les analyses purement financières ou comptables.
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4. CONCLUSIONS ET DISCUSSION
4. 1. La rigueur de l'analyse
En toute rigueur, deux types de problèmes peuvent se poser:
• le degré d'exactitude et de pertinence des informations servant de base aux analyses, ce qui revient
à poser la question de la qualité des informations;
• la cohérence de l'ensemble des critères étudiés, ce qui revient à poser la question de la qualité des
analyses.
Nous avons en fait répondu au premier point tout au long de l'étude, dont le but revenait
précisément à identifier quelles informations avaient une valeur, et quelles étaient celles qui n'en
avaient pas.
Il serait intéressant maintenant de répondre au second point. Quand on prend par exemple certains
critères d'évaluation relatifs au CA, comme le portefeuille d'accords et le portefeuille de produits, ne
court-on pas le risque de prendre en compte deux fois la même chose? Le portefeuille de produits et
le portefeuille d'accords peuvent être deux critères parfois redondants. Parmi les critères de l'étude, il
existe probablement d'autres critères redondants. Ainsi, la question se pose: est-ce cohérent? ne
perd-on pas la vision globale ("business picture"), dans le détail de ces critères?
En fait, l'étude n'a eu qu'un objet empirique: il s'agissait de procéder par tâtonnements successifs, et
porter une série de jugements sur la valeur économique de la firme et la qualité de son pipeline. Il est
vrai qu'au début, nous avions l'ambition de trouver un modèle global, parfaitement explicatif de la
valeur économique de la firme. Mais cette voie s'est avérée très vite peu praticable C'est pourquoi
nous avons privilégié une méthode de principe, fondée sur des entretiens avec des gens ayant une
connaissance profonde du secteur. L'idée était de dégager une démarche d'analyse, une approche,
plutôt qu'un modèle. Nous avons pour cela tenté de dégager les critères les plus fiables et les plus
pertinents, susceptibles d'aider à apprécier la position concurrentielle de la firme.
Bien sûr, il est incontestable que:
• comme le souligne l'un des Consultants en Stratégie avec qui nous nous sommes entretenus, les
différents critères étudiés sont liés;
• et qu'il faut donc éviter de tomber dans le travers de l'analyste qui étudierait tous ces points
séparément, sans comprendre les liens de cause à effet entre les critères étudiés. Cela pourrait
déboucher sur le même type d'erreur épistémologique que celle du mathématicien qui s'étonne que,
dans un système décimal, les chiffres dont la somme égale trois sont aussi des multiples de trois.
La méthode de valorisation économique étudiée ne saurait donc à elle seule suffire. L'utilisateur doit
également compter avec son propre bon sens et son esprit d'analyse. Surtout si des changements
structurels dans l'industrie forçaient à revoir une partie des critères étudiés.
- 76 -
4. 2. La question du coût de l'information dans la pratique
Une des limites pratiques opposables à l'approche économique décrite tient simplement à son coût.
Ce coût s'explique essentiellement par le coût de la recherche d'information. Par définition, une
valorisation économique n'a en effet de sens que si elle s'appuie sur une recherche longue,
minutieuse, précise, d'informations. Seule une telle investigation permet de dépasser les méthodes
d'évaluation purement financières, lesquelles ne prennent précisément pas en compte les critères
d'ordre économique ou concurrentiel.
Si en général l'expérience montre que de telles informations sont accessibles (études, publications,
bases de données) - et plus dans la pharmacie, peut-être, que dans n'importe quel autre secteur27 -,
ces informations n'en ont pas moins un coût.
Les informations se distinguent en effet par deux caractéristiques principales: leur degré de fiabilité
et de précision d'une part, leur coût d'obtention d'autre part. Comme le souligne Daniel Soulié28, la
rationalité économique implique que, pour les données effectivement utilisées, ces deux paramètres
varient en sens inverse. Il en résulte que les acteurs potentiels se constituent un portefeuille
d'informations en égalisant, pour chacune d'elles, le coût marginal d'obtention et l'avantage marginal
espéré. Le coût marginal est à la fois temporel et monétaire: il inclut le temps passé à acquérir et
traiter l'information (lecture et compréhension des articles, notices techniques; recherche des
spécialistes...), et éventuellement, les dépenses monétaires qui y sont associées.
Néanmoins, même si le coût de l'information est en général un critère valable, il n'est pas certain qu'il
soit pertinent pour le sujet qui nous préoccupe. L'argument est simple: dans un processus
d'acquisition d'entreprise, les informations supplémentaires sur la valeur économique réelle de la
cible procurent un gain marginal pour l'acheteur éventuel , considérablement supérieur au coût de
ces informations. Par conséquent, dans ce cas, le coût de l'information peut être considéré comme
négligeable.
4. 3. Le problème de l'accessibilité des informations dans la pratique
Dans l'évaluation économique d'acquisition, la difficulté tiendrait plutôt à l'accessibilité des
informations. Dans les négociations d'acquisition, le problème pour l'acheteur tient plutôt à
l'asymétrie d'informations qui existe entre lui et le vendeur, celui-ci ayant toujours la possibilité de
dissimuler des informations internes d'une valeur certaine pour l'acheteur (vices cachés, etc.). La
question-clé pour l'acheteur devient vite: comment déjouer les tactiques fondées sur la manipulation
des informations, auxquelles est susceptible de recourir le vendeur dans les négociations29.. A
l'extrême, l'on pourrait même se demander si les analyses de G. Ackerlof30 ne pourraient pas
s'appliquer au cas particulier du marché des acquisitions/cessions de firmes pharmaceutiques.
Précisément, non. Dans ce secteur, la valeur d'une firme tient essentiellement à des éléments
d'informations relativement accessibles, objectivables, soit qu'ils soient publics (alliances/accords;
description simplifiée du pipeline dans pharmarprojects, ...), soit que l'accès en soit possible au
27Source:
Entretiens Conseil en Stratégie
économique et stratégie d'entreprise. Cf Bibliographie
29Voir par exemple Ingemar Dierickx, INSEAD, et Mitchell Koza, "Information Asymmetries: How not to Buy a
Lemon in Negotiating Mergers and Acquisitions", cf Bibliographie
30"The market for lemons: Quality and the market mechanism", cf Bibliographie
28Analyse
- 77 -
moment d'une transaction d'acquisition. [Même s'ils requièrent par ailleurs une expertise et une
formation de spécialistes (juristes pour les alliances/accords; pharmaciens et médecins pour
l'évaluation du pipeline), autrement dit, s'ils ont un coût d'accès.]
Les entretiens confirment ce constat.
"A priori, l'industrie pharmaceutique est un secteur sur lequel il existe énormément d'informations:
rapports SCRIP World Products, base IMS, et Pharmaprojects qui fait le point sur tous les projets
de R&D en cours d'une firme. C'est un secteur où l'on trouve aussi beaucoup de publications."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
".... Les analystes financiers ne peuvent pas voir tous ces critères de qualité. Ce n'est pas leur métier.
Mais on peut quand même en parler, dans les grandes lignes. Dans la pratique, on peut avoir accès à
toutes les informations sur lesquelles se fondent les critères de qualité. Par exemple:
- la gestion internationale des filiales: c'est une information que le vendeur est obligé de donner dans
une transaction d'acquisition;
- idem pour le programme de R&D, parce qu'il est lié au risque financier;
- idem pour les accords et alliances;
- etc.
Tout cela, ce sont des questions que l'on peut poser, et pour lesquelles on peut avoir des éléments de
réponse... On peut au moins se faire une idée... Et pas seulement dans le cas d'une transaction
d'acquisition, mais même dans le cadre d'un club de benchmarking."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
4. 4. La barrière de l'expertise dans la pratique
L'appréciation des critères économiques de qualité dégagés par l'étude nécessite, pour la plupart, une
expertise médicale et/ou pharmaceutique. Cette expertise ne peut s'acquérir qu'au travers:
• d'une expérience de deux ans au minimum dans l'industrie, au sens large (à la production,, aux
ventes, aux finances, ...);
• et/ou d'une formation pharmaceutique, médicale ou biologique, couplée le plus souvent d'une
expertise et d'une expérience de recherche (fondamentale; appliquée, ...) dans les classes
thérapeutiques sur lesquelles se trouve la firme.
Concrètement, les analystes et les négociateurs soucieux d'approximer la valeur économique de la
firme doivent donc:
• i) justifier d'une formation médicale, pharmaceutique ou biologique
• ii) ou justifier d'une expérience significative dans l'industrie pharmaceutique, ou dans le conseil aux
industries pharmaceutiques;
• iii) éventuellement, s'attacher les services d'un comité de spécialistes capables d'aider à approcher la
juste valeur de l'entreprise, notamment pour l'évaluation du pipeline, classe thérapeutique par classe
thérapeutique.
"Je crois que l'essentiel dans tout cela, c'est d'être en mesure de s'entourer d'experts pour procéder à
une évaluation économique des firmes. En particulier, pour leur soumettre le pipeline."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique.
"D'accord pour la DCF, à condition d'être pharmacien."
Source: Entretien Conseil en Stratégie
- 78 -
Le degré de fiabilité des conclusions des experts ou des pharmaciens sera probablement d'autant plus
important que l'expertise en jeu couvre les principales classes thérapeutiques (celles dont le cumul
représente par exemple 95% des projets de R&D) sur lesquelles opère la firme évaluée.
Ainsi, dans l'industrie pharmaceutique, plus peut-être que dans n'importe quelle autre industrie, la
très forte technicité des produits:
• nécessite une très forte expertise technique dans le secteur ;
• rend inutile et floue les tentatives d'analyse ou d'évaluation par un simple financier.
A cet égard, il est significatif qu'une des banques d'affaires les plus réputées dans le secteur emploie
exclusivement des anciens de l'industrie pharmaceutique. A l'inverse, d'autres banques d'affaires,
extrêmement prestigieuses par ailleurs, ont une réputation limitée dans le secteur.
"Il n'y a pas besoin d'être cimentier pour évaluer une entreprise cimentière; la rigueur, le bon sens et
l'expertise financière suffisent. Ceci n'est pas le cas dans l'industrie pharmaceutique."
Source: Entretien Conseil en Management
- 79 -
4. 5. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles d'options (Merck &
Co)
Nous mentionnerons ici très rapidement l'une des voies les plus prometteuses pour l'évaluation
économique des industries pharmaceutiques31.
Les accords de licences et les projets de R&D peuvent être évalués en appliquant le modèle de
détermination du prix d'une option:
- la durée représente la durée de R&D pour aboutir à un résultat (succès ou échec). Cette durée
peut être comprise entre deux dates : une date minimum (avant laquelle il n'y aura pas de résultat) et
une date maximum (après laquelle un résultat sera moins intéressant, en raison de l'évolution de la
concurrence). Nous sommes donc dans le cas d'une option à l'américaine ;
- le prix d'exercice représente l'investissement en capital qu'on pourra décider de faire à l'échéance
de l'option (si le projet a été un succès) ;
- la valeur de l'actif sous-jacent correspond à la valeur actuelle des cash-flows en cas de succès ;
- la volatilité du projet est obtenue par approximation, en retenant la volatilité des rentabilités d'un
panel d'actions dans le secteur des biotechnologies (on arrive à une volatilité de 40 à 60%) ;
- le taux sans risque retenu correspond aux Bons du Trésor U.S. sur la période.
En procédant ainsi, le groupe Merck peut évaluer si la valeur future de l'option est supérieure à la
prime qu'il faut payer tout de suite (les salaires des chercheurs, notamment), et déterminer si le projet
est rentable.
"Je pense qu'une des voies les plus prometteuses a été ouverte par Merck, avec son modèle
d'évaluation d'options appliqué à l'évaluation des projets de R&D."
Source: Entretien Industrie pharmaceutique.
4. 6. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles de l'industrie
pétrolière
Une analyse comparative avec les modèles développés par les chercheurs en gestion sur les
industries d'extraction minière, et en particulier l'industrie de prospection pétrolière ou gazière, peut
s'avérer fructueuse32.
Analyse du bien-fondé d'une comparaison pétrole-pharmacie
Un rapide tableau micro-économique de cette industrie permettra de voir dans quelle mesure elle
présente structurellement des facteurs communs ou différents d'avec les industries pharmaceutiques,
et par conséquent, suivant quelles réserves, il y aurait une possibilité d'appliquer les modèles
d'évaluation économique et de sélection des risques de l'industrie pétrolière vers les industries
pharmaceutiques.
31Nous renvoyons le lecteur qui souhaiterait des informations complémentaires sur ce sujet, à l'article de la Harvard
Business Review de janvier 1994 sur la firme Merck & Co.
32Marwan Sinaceur a travaillé cinq mois comme stagiaire au sein de la compagnie pétrolière TOTAL, dont deux mois
à Houston (USA), au sein de TOTAL Minatome Corporation, comme analyste financier sur les puits de pétrole
(prévision des cash-flows par champ pétrolifère).
- 80 -
Comme l'industrie pharmaceutique, l'industrie pétrolière est hautement capitalistique. Beaucoup
d'investissements financiers sont nécessaires pour acquérir les zones de prospection pétrolière,
effectuer les recherches, développer et produire le pétrole et le gaz.
L'industrie pétrolière comporte d'autre part un très haut niveau de risque. Peu importe le montant
investi dans l'entreprise de prospection, ou la profondeur à laquelle le puits a été creusé: il n'y a pas
la moindre garantie qu'un puits d'exploration produise du pétrole ou du gaz. Seul un nouveau forage
sur six débouche finalement sur la production de pétrole ou de gaz. Et même dans ce cas, seulement
deux pour cent des forages considérés, permettent de découvrir un champ d'une capacité cumulée de
production (ou de réserve) supérieure ou égale à un milliards de barils de pétrole brut, ou
l'équivalent de 170 millions de mètres cube de gaz. Ces montants correspondent aux quantités
minimales pour que le gisement découvert soit considéré comme significatif.
Source: Documents de l'Association professionnelle des industries d'extraction pétrolière, Houston,
Etats-Unis.
Ce haut niveau de risque est associé avec des coûts initiaux importants pour la prospection pétrolière
et les systèmes de transport. C'est d'autant plus vrai quand de larges investissements offshore doivent
être réalisés dans les plates-formes, installations de production, pipelines et terminaux marins. Ces
investissements sont nécessaires avant même que la taille et la capacité de production ne puissent
être appréciées à travers l'exploitation effective du gisement.
Sources: Documents de l'Association professionnelle des industries d'extraction pétrolière, Houston,
Etats-Unis / Documents internes de Total Minatome Corporation.
Pourtant, pour qu'une firme reste compétitive, l'ensemble des projets menés doit (malgré la faible
probabilité de succès):
- fournir un retour sur investissement honorable aux actionnaires;
- couvrir les coûts associés aux projets ayant échoué.
Les investissements nécessaires doivent de plus s'étendre sur la durée de vie de production du
champ, qui est au moins supérieure à vingt ans.
Il arrive même que, dans certains cas, l'investissement marginal dépasse les revenus effectifs du puits
sur la durée de vie du champ, du fait des dépenses supplémentaires en fin de cycle du champ
(ascenseur artificiel, traitement de l'eau de mer, compression et conditionnement du gaz).
Sources: Documents de l'Association professionnelle des industries d'extraction pétrolière, Houston,
Etats-Unis / Documents internes de Total Minatome Corporation.
En conclusion, l'industrie pétrolière présente donc plusieurs caractéristiques micro-économiques
communes avec l'industrie pharmaceutique:
• industrie fortement régulée par les pouvoirs publics
• industrie à haute teneur technologique
• industrie à haut niveau de risque
• industrie à forte espérance de revenu
• industrie nécessitant des capitaux importants (forte intensité capitalistique)
• industrie fonctionnant par projets
Elle s'en distingue cependant au moins par les caractères suivants:
• la structure de financement (passif du bilan). Dans l'ensemble, l'examen des bilans et les entretiens
ont révélé que les firmes pharmaceutiques sont relativement peu endettées par rapport à la moyenne
des autres industries, et en particulier par rapport aux industries d'extraction, plus largement obligées
de faire appel au marché pour financer leurs projets;
- 81 -
• la structure de coûts. Dans l'industrie pétrolière, on observe une prépondérance des coûts fixes sur
les coûts variables, alors que dans l'industrie pharmaceutique, ce sont plutôt les coûts variables qui
tendraient à dominer;
• la structure de la technologie. Dans l'industrie pétrolière, il semble que c'est la technologie de
procédé qui soit le facteur-clé de succès, alors que dans l'industrie pharmaceutique, c'est plutôt la
technologie du produit qui procure des avantages compétitifs.
Ces réserves faites, la question reste d'analyser quels modèles pourraient être éventuellement
appliqués de l'industrie pétrolière vers les industries pharmaceutiques.
- 82 -
Description du modèle
Dans un article du Long Range Planning33, J. G. Higgins recommande de décomposer un projet
d'extraction en ses différentes phases de développement, afin de distinguer les différentes probabilités
associées à chaque phase, dans la mesure où ces dernières ont des niveaux de risque extrêmement
différents. Mais, dans l'industrie pétrolière comme dans les industries pharmaceutiques, la firme est
obligée de prendre une décision d'investissement sans connaître avec certitude:
- ni le risque technique effectif (qui ne peut apparaître parfois qu'en fin de cycle d'exploitation des
gisements, cf supra);
- ni le revenu espéré.
La solution préconisée consiste donc simplement à décrire quantitativement les réserves de pétrole
(base de calcul du revenu espéré pour un gisement donné) qui:
- (a) refléteraient les variations de risque associées à chacune des phases de développement du
projet;
- (b) permettraient ensuite une agrégation des calculs au niveau de l'ensemble du projet après cette
première décomposition par phase.
Ce que J. G. Higgins démontre, c'est qu'une telle démarche est à la fois possible et pertinente pour
évaluer les actifs d'une firme pétrolière.
La description des réserves au sens économique s'appuie sur un calcul probabiliste (en fait, une
distribution de probabilités) et retient les paramètres suivants:
• Moyenne:
moyenne arithmétique de tous les occurrences de niveaux de réserves
pétrolières possibles
• Médiane:
médiane de tous les occurrences de niveaux de réserves
pétrolières possibles
• Mode: la valeur la plus probable du niveau de réserve pétrolière
• P90:
niveau de réserves pétrolières ayant une probabilité d'être dépassé égale à 0,9
• P10:
niveau de réserves pétrolières ayant une probabilité d'être dépassé égale à 0,1
Question
Réponse
• Quel est le montant de réserve le plus probable? Mode
• Quelles sont les réserves risquées?
Moyenne
• Quel niveau de réserves a autant de
Moyenne (P50)
probabilité d'être dépassé que de ne pas
l'être?
• Quel niveau de réserves peut être ajouté
P90
avec une quasi-certitude?.
• Quel est le potentiel supplémentaire?
P10
33"Planning
for Risk and Uncertainty in Oil Exploration", cf Bibliographie
- 83 -
Par la technique de simulation de Monte-Carlo, J. C. Higgins arrive ainsi à combiner toutes les
variables pertinentes, et en déduit une description probabiliste du niveau de réserves, qui est
rappelons-le dans cette industrie, la base du calcul du revenu espéré.
- 84 -
Le processus de calcul des niveaux de réserves est présenté de façon schématique dans la figure
suivante.
1°
Sélection des variables pertinentes et Détermination d'une fonction objective
pour un Gisement donné, G(X)
Exemple:
Réserves = Volume x Ratio (Net/Brut) x (1-Ratio Présence d'Eau) x Facteur de Recouvrement
Facteur de Formation du Volume de Réserves
2°
Estimation de la distribution de probabilité pour chaque variable:
Exemples:
Volume
Ratio (Net/Brut)
Porosité
3°
Sélection au hasard de valeurs pour chaque variable
Calcul du niveau de réserves en résultant
4°
Répétition de la phase précédente 2000 fois environ
5°
Traçage point par point de la Distribution de fréquence des réserves
i.e., niveau de réserve visualisé en fonction de son nombre occurrences
(correspond au nombre "d'événements" réserves, au sens probabiliste)
6°
Traçage point par point de la Courbe d'espérance du niveau de réserves
i.e., niveau de réserve visualisé en fonction de sa probabilité cumulée
7°
Calcul des paramètres
Mode, Moyenne, Médiane, P10, P90, Montant de réserves risquées
- 85 -
Quoique le présent modèle ne s'intéresse qu'à l'évaluation du facteur "réserves pétrolières," il peut
également s'avérer utile dans un processus plus global d'évaluation des actifs. D'autant plus que, dans
l'industrie pétrolière - comme le pipeline dans les industries pharmaceutiques, la comparaison n'est
pas inintéressante -, ce sont les réserves qui forment l'essentiel des actifs d'une firme. Les réserves
sont donc activées sous trois formats: possibles, probables, prouvées. Il est d'usage courant de
répertorier ces trois formats comme étant directement liés aux trois catégories précédemment
définies, à savoir P90, P 50, P10.
Finalement, le processus d'évaluation peut être complété de la manière suivante:
• Agrégation des réserves au niveau de l'ensemble des gisements G(Xi) d'une firme.
• Division de la courbe d'espérance du niveau agrégé de réserves, en trois surfaces égales. Chaque
surface est représentée par une valeur moyenne qui peut être prise comme correspondant environ
aux valeurs P90, P50, P10. La valeur économique de chaque réserve (gisement) est ensuite calculée.
Quand les valeurs trouvées sont négatives, cela signifie que le développement du gisement
correspondant ne serait pas rentable.
• Un arbre de décision peut être tracé (cf figure).
- Arborescence 1 Forage Pas de forage (0)
- Arborescence 2 {forage} Découverte d'un gisement (Proba. P) Pas de découverte de gisement (Proba 1-P)
- Arborescence 3 {gisement} P 90 (Proba.=P/3)
P 50 (Proba.=P/3)
P 10 (Proba.=P/3)
Conclusion
En conclusion, la comparaison des industries pharmaceutiques avec les industries pétrolières s'avère
pleine de promesses:
• en terme de notions ou de concepts. Par exemple, on pourrait envisager de classifier le pipeline
d'un laboratoire de la même façon que sont classifiées les réserves dans l'industrie pétrolière, à savoir
selon les trois catégories possible (P10), probable (P50), prouvé (P90).
• en terme d'approches ou de méthodes. Par exemple, on pourrait envisager d'évaluer le pipeline d'un
laboratoire de la même façon que sont évaluées les réserves dans l'industrie pétrolière, par une
simulation de Monte Carlo (distribution de probabilités).
Même si une telle comparaison doit bien sûr être faite sous un certain nombre de réserves, à la fois
conceptuelles et pratiques - ne serait-ce que parce que le pipeline d'un laboratoire n'est pas aussi
facilement quantifiable que des réserves pétrolières -, il est clair qu'il y a manifestement là des voies à
explorer. Notamment pour ce qui concerne les modèles d'évaluation et de sélection des risques.
- 86 -
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
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• Richard A. Brealey, Stewart C. Myers, Principles of Corporate Finance, Mc-Graw Hill, Fourth
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• Daniel Soulié, Analyse économique et stratégie d'entreprise, Edicef/Aupelf, 1992
Etudes
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Stratégie / Micro-Economie
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• Ingemar Dierickx, Mitchell Koza, "Information Asymmetries: How not to Buy a Lemon in
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• J. G. Higgins, "Planning for Risk and Uncertainty in Oil Exploration", Long Range Planning,
Vol. 26, No. 1, pp. 111 to 122, 1993
• Antoine Hyafil, "Décisions stratégiques et valeur de la firme", Revue Française de Gestion,
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• Régis Larue de Tournemine, "La modélisation stratégique des industries fondées sur la science",
Revue Française de Gestion, Mars-Avril-Mai 1991
• McKinsey & Compagnie, Joel Bleeke, David Ernst, "The way to win in cross-border alliances",
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• Nat C. Robertson, "Technology Acquisition for Corporate Growth", Research • Technology
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• Professeur Etienne Barral, "Comparaison des résultats de la recherche pharmaceutique (1975-89)",
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• Henry G. Grabowski, John M. Vernon, "Brand loyalty, entry, and price competition after the 1984
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• Harvard Business Review, Interview sur Merck & Company, Janvier-Février 94
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• Georges Piron, "L'industrie pharmaceutique européenne: vers une croissance quelque peu
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• F. M. Scherer, "Pricing, Profits and Technological Progress in the Pharmaceutical Industry",
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• Christophe Thibierge, "La comptabilisation des frais de R&D: le cas de l'industrie
pharmaceutique", allocution réalisée au Congrès de l'Association Française de Comptabilité,
Toulouse, 1993
- 90 -
- REPERTOIRE DES FIRMES MENTIONNEES -
A Prime
Arthur D. Little
Bain & Company
Bayer
Bristol-Myers-Squibb
British Bio-Technology
Crédit Commercial de France (CCF)
Droit & Pharmacie
Dupont de Nemours
Eli Lilly & Company / Lilly France SA
Ethypharm
JP Morgan
Johnson & Johnson
Hoechst
Laboratoire Fournier
Laboratoire Pierre Fabre
McKinsey & Company
Merck & Company
Morgan Stanley International
National Westminster Bank
Novonordynsk
Precepta
Price Waterhouse
Rhône-Poulenc-Rorer
Roussel-Uclaf
Sanofi
Shearson Lehman Brothers
SmithKline Beecham
Sterling
Total / Total Minatome Corporation
- 91 -
Upsa
Wellcome
- 92 -
- INDEX DES PRINCIPALES NOTIONS -
AMM
Autorisation de Mise sur le Marché. Phase de constitution du dossier
administratif auprès des autorités de tutelle (Commission AMM), préalable à la
commercialisation du médicament
Blockbuster
Produit dont le potentiel commercial est supérieur ou égal à 500 millions USD
Classe/segment
Les principales classes/segments thérapeutiques du marché des thérapeutique
produits éthiques sont: les cardiovasculaires; les anti-anfectieux; les produits
relatifs au système nerveux central; les gastro-intestinaux; les produits relatifs
au
respiratoire; les produits relatifs au système endocrinien.
système
Co-marketing Accord de commercialisation conjointe de la même molécule entre deux
laboratoires, celle-ci étant vendue sous deux marques différentes
CCP
Certificat Complémentaire de Protection. Ce certificat est valable 5 ans en
Europe, avec un maximum de 15 ans à partir de la date d'AMM (i.e., le temps
de commercialisation sous protection); et (jusqu'il y a peu) 7 ans en France,
avec
un maximum de 17 ans par rapport à l'AMM. Calculé par rapport à la date
d'AMM, il permet
donc au laboratoire qui dispose d'un temps trop court de
commercialisation effectif du
médicament - entre l'AMM et la date du dépôt de
brevet sur la molécule originale -, de bénéficier
d'un temps de protection
supplémentaire, afin d'amortir sa R&D.
DCF / CFA
DCI
Discounted Cash-Flows / Cash-Flow actualisés
Dénomination Commune Internationale d'une molécule. Ne fait pas mention de
la marque des produits commercialisés correspondants
FDA
Federal Drug Administration; équivalent américain de la Commission AMM
IMS
Base de données. Equivalent mondial du panel Nielsen dans l'industrie
pharmaceutique
Produit "me-too"
Produit lancé par une firme qui innove peu (elle n'a pas inventé le produit en
question) mais copie un produit déjà commercialisé / pour lequel il existe déjà
demande, et auquel elle apporte des améliorations significatives et notables
- 93 -
une
OTC
Over-the-Counter. Produits dits de "conseil" vendus en pharmacie mais non
remboursés par la sécurité sociale.
PER
Price Earning Ratio
Pharmacovigilance
Suivi des effets secondaires du médicament dans la population de patients une
fois que celui-ci ait été commercialisé
Phase 1
Phase 2-a
Phase 2-b
Phase 3
Phase de recherche proprement dite (Screening, CAO)
Phase de développement pré-clinique (Synthèse chimique)
Phase de développement clinique (Pharmacologie espérimentale, Toxicologie)
Phase d'élaboration du dossier réglementaire (pour AMM)
Prescriptions / Médicaments ne pouvant être obtenus que sur ordonnance. Généralement Produits éthiques
remboursés par la sécurité sociale . Contiennent un ou plusieurs principes actifs
incrits sur une liste de substances vénéneuses.
ROI
Retour sur Investissements. Permet de mesurer la valeur économique
réellement dégagée par la firme, en regard des investissements réalisés.
Exemple: un investissement marginal peut permettre l'accroissement
du CA et/ou
du résultat net, sans pour autant générer de valeur économique
marginale, ce qui se
verra si au total le ROI global diminue
Pipeline
Portefeuille de produits en développement dans l'industrie pharmaceutique
VAN
Valeur Actuelle Nette
- 94 -
ANNEXE METHODOLOGIQUE: LE CHOIX DES ENTRETIENS
La rigueur exigeait d’interroger à la fois des responsables de cabinets de conseil et bureaux d’étude;
des responsables de l’industrie pharmaceutique; des responsables de banques et institutions
financières. En particulier parce que la confrontation de leurs points de vue, parfois antinomiques,
toujours complémentaires, permettait de bénéficier:
• d’une expertise et d’une expérience plus large;
• d’une vision peut-être moins partiale et plus objective du problème et des solutions.
C'est pourquoi nous avons rencontré:
• des analystes sectoriels de banques d'affaires
• • experts en finance: ils sont le plus au fait des pratiques d'évaluation financière et
des
ratios financiers ou "comparables" du secteur par rapport à d'autres
secteurs, mais aussi, des
problématiques afférentes, de leurs limites, intérêts, ...
• • experts externes: leur jugement bénéficie également d'une vision plus globale du secteur
• des consultants en stratégie ou en pharmacie
• • experts en stratégie: ils sont le plus au fait des pratiques d'évaluation stratégique
des
firmes pharmaceutiques, et par conséquent des questions d'ordre économique et stratégique
susceptibles de fortement nuancer la valorisation financière des firmes
• • experts externes: leur jugement bénéficie également d'une vision plus globale du secteur
• des opérationnels des laboratoires
• • hommes d'expérience médicale/pharmaceutique: ils vivent quotidiennement
les contraintes et la réalité du"terrain", et connaissent, pour ainsi dire, de l'intérieur
les
enjeux économiques et médicaux du secteur
• • experts en interne: leur vision, quoique peut-être plus partielle, risque d'être
simultanément plus précise et plus approfondie, notamment parce qu'elle peut
permettre
d'identifier les insuffisances ou les biais des pratiques financières externes
Nous avons veillé à sélectionner des laboratoires de taille et de nationalité différentes.
Une courte biographie des interlocuteurs rencontrés, ainsi qu'une courte note sur leur entreprise
d'appartenance figure dans les pages suivantes.
- 95 -
- INDICATION BIOGRAPHIQUE SUR LES RESPONSABLES RENCONTRES-
Consultants
• Régis Chomel, Veto, Sciences Po, titulaire d'un MBA de l'INSEAD, est en charge de l’activité pharmacie au sein du
bureau parisien de Arthur D. Little International, Inc. Il a quinze ans de carrière dans ce secteur, d’abord à l’Institut
Merieux comme Responsable commercial à l’international, puis au sein des Laboratoires Delagrange, comme
Directeur Commercial & Marketing.
• Philippe Conquet, docteur en Médecine, a vingt-cinq ans de carrière dans le secteur. Il a notamment été Directeur du
Développement au sein d’un des premiers laboratoires pharmaceutiques français. Il est intervenu à l’ESSEC sur
l'évaluation des industries pharmaceutiques et la gestion budgétaire de la R&D.
• Claire Dadou, diplômée de l'Ecole Centrale Paris, titulaire d'un MBA de l'INSEAD, est en charge de l’activité
pharmacie au sein du bureau parisien de Bain & Company. Les missions qu’elle mène dans ce secteur représentent
environ 50% de son temps. Elle est l’auteur de plusieurs articles sur l’économie de la santé.
• Khalid Fellahi, diplômé de l'INPG, est titulaire d'un MBA de l'INSEAD. Durant son cursus à l'INSEAD, il a
travaillé sur des cas d'évaluation de laboratoires pharmaceutiques dans le cadre d'acquisitions/cessions.
Industrie pharmaceutique
• Benoît Raillard, diplômé de l'Ecole Centrale Paris et de Sciences-Po, titulaire d'un MBA de la Harvard Business
School, est notamment responsable du développement et de la négociation des alliance/accord/licences avec les
laboratoires au sein de la filiale française de Eli Lilly & Company.
• Alain Cartraud, docteur en Médecine, est diplômé du Mastère Management Médical de l’ESCP. Après avoir été
Médecin économiste, il est Directeur du Service Médico-juridique et Concurrence au sein de la filiale française des
Laboratoires Glaxo.
• Francis Courcelle, diplômé de l'ESCP et du CPA, a passé la quasi-totalité de sa carrière au sein de Sanofi. Il a
notamment contribué à la mise au point d’un modèle de mesure des risques. Il est actuellement Directeur des études
économiques et stratégiques d’évaluation de médicaments ou de sociétés, à destination du Département Fusions &
Acquisitions de Sanofi Pharma.
• Eric Mallet, diplômé de Sciences-Po, est chargé de la Veille Concurrentielle à Sanofi Pharma.
Banques et Institutions financières
•Laurent Flamme, après avoir travaillé au Japon au sein du CCF, est Analyste financier sur les Secteurs Pharmacie et
Industries du Luxe depuis plus de quatre ans. Il est l’auteur de plusieurs articles sur le secteur pharmaceutique.
• Marie-Hélène Leopold est diplômée de 3è cycle en Biologie celullaire. Avant d'être chargée du Secteur
pharmaceutique au sein de NatWest, elle a travaillé cinq ans comme chercheur (R&D fondamentale) au sein d'un
laboratoire universitaire sous contrat INSERM/CNRS, puis à la BNP, où elle s'est notamment occupée de
l'introduction en bourse des laboratoires Boiron. Elle a reçu en mai 1994 le Prix du Meilleur Analyste financier.
• Laurent Huck, diplômé de l'ESCP, est Vice-Président au sein de la banque d'affaires JP Morgan.
• Sylvie de Vesinne-Larue est consultante en Fusions & Acquisitions au sein du CCF.
- 96 -
- NOTE SUR LES ENTREPRISES (Cabinets de conseil et bureaux d'étude)
• Arthur D. Little a une forte expertise dans les industries à fort contenu technologique, dans
lesquelles la R&D tient un rôle essentiel dans la création de valeur. Ils réalisent avec les industries
pharmaceutiques 15% de leur CA mondial. En s'appuyant sur des centres de recherche
fondamentale, Arthur D. Little a développé une expertise unique dans la technologie et le
développement de nouveaux produits, depuis la génération de concepts de produits jusqu'à la gestion
finale du lancement commercial. Leur expertise couvre les biotechnologies, les produits médicaux, le
développement de process et produits pharmaceutiques. Dans le secteur du Conseil en stratégie,
Arthur D. Little se positionne sur la Stratégie et la Technologie.
• Bain & Company a une très forte expertise en stratégie financière, d'une part; d'autre part, en
alliances, fusions & acquisitions, cessions (identification de cibles et de partenaires; assistance à la
négociation; support à l'intégration). Dans le secteur du Conseil en stratégie, Bain & Company se
positionne sur l'assistance à la mise en place des recommandations (implementation).
• Droit & Pharmacie a construit en France une expertise et une expérience uniques dans le secteur
pharmaceutique. Fréquemment cités comme l'une des références du secteur, ils ont réalisé, en
collaboration avec la société financière A Prime, deux études exhaustives d'évaluation
pharmaceutique et financière de sociétés.
• Price Waterhouse Management Consultants a une forte expertise dans
financière: les tableaux de bord et la comptabilité analytique; la gestion de la
financière; le contrôle des coûts et des frais généraux; la maîtrise des
opérationnels. D'autre part, leur cellule de conseil en fusions & acquisitions
européen.
le Conseil en gestion
trésorerie; la stratégie
risques financiers et
est réputée au niveau
(Industrie pharmaceutique)
• Eli Lilly & Company (USA), douzième groupe pharmaceutique mondial, réalise un chiffre
d'affaires d'environ 25 milliards de francs (données 1992). Elle occupe le sixième rang mondial pour
la R&D, soit un budget de 955 millions de dollars (source: Financial Times, Août 1993). La filiale
française emploie 1500 personnes et réalise un CA de 2,3 milliards de francs (données 1992).
• Les laboratoires Glaxo (UK), deuxième groupe pharmaceutique mondial, réalisent un chiffre
d'affaires de 40 milliards de francs sur 70 pays; la filiale française emploie 1800 personnes et réalise
un CA de 3,7 milliards de francs (données 1992). Glaxo emploie 6000 chercheurs dans le monde et
consacre 6 milliards de francs à la R&D. La société s'est imposée comme l'un des laboratoires les
plus innovants dans les produits éthiques, avec la découverte de molécules innovantes en gastroentérologie, pneumologie, infectiologie, cardiologie, dermatologie.
- 97 -
• Sanofi Pharma (France), deuxième groupe pharmaceutique français, occupe la vingt-septième
place pour la R&D, soit un budget de 414 millions de dollars, contre 561 millions pour RhônePoulenc, le premier français (source: Financial Times, Août 1993). Sanofi a notamment passé une
alliance avec le groupe Sterling (création de Winthrop), afin de mieux pénétrer le marché américain.
• Sterling (Etats-Unis) est l'une des premières firmes pharmaceutiques américaines. Elle a été mise
en vente par son actionnaire de référence, le groupe Eastman Kodak en avril 1994.
(Banques et Institutions financières)
• Le CCF (Crédit Commercial de France) est à la fois une banque commerciale et
d'investissement. Elle réalise en 1992 un chiffre d'affaires de 917 millions de francs. Elle publie de
nombreux rapports financiers sur le secteur pharmaceutique.
• County NatWest, filiale de la National Westminster Bank, est une banque d'affaires spécialisée dans
l'industrie pharmaceutique. Elle possède un Département Conseil entièrement dédié au secteur,
employant des anciens de l'industrie, et supporté par des experts en fusion & acquisitions et en
financement de sociétés: l'International Pharmaceutical Service. Les missions de conseil dans le
secteur pharmaceutique comprennent: des études stratégiques; des études de marché; des
évaluations de licences de produits et de joint-ventures; des études d'acquisition de sociétés; des
évaluations de lancement et de développement de produits.
• JP Morgan figure parmi les premières banques d'affaires anglo-saxonnes. Cinquième banque
américaine pour sa capitalisation boursière et son bilan, c'est aussi la première banque étrangère à
s'être historiquement installée en France. Elle intervient sur de nombreuses transactions
d'acquisitions/cessions dans l'industrie pharmaceutiques.
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