Programme Agriculture et Développement Durable EDITION 2006
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Programme Agriculture et Développement Durable EDITION 2006
Programme Agriculture et Développement Durable EDITION 2006 APPEAU Quels agrosystèmes et quelles politiques publiques pour une gestion durable de la ressource en eau ? Outils et méthodes pour une gouvernance territoriale D. Leenhardt, INRA Courriel : [email protected] Mots clefs : ressource en eau, gestion intégrée, évaluation intégrée, modélisation, participation, scénarios, agronomie, économie Equipes participantes UMR 1248 AGIR, Agrosystèmes et Développement Territorial, Toulouse UMR 1081 LERNA, Laboratoire d’Economie des Ressources Naturelles, Toulouse UMR 1135 LAMETA, Laboratoire Montpelliérain d'Economie Théorique et Appliquée, Montpellier UMR 183 G-EAU, Gestion de l’eau, acteurs et usages, Montpellier UMR 6074 IRISA, Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires, Rennes UMR 6554 LETG, Littoral Environnement Télédétection Géomatique, Rennes UMR 1069 SAS, Sol Agro et hydrosystème Spatialisation, Rennes Contexte La raréfaction et la dégradation de la qualité des ressources en eau posent la question de la durabilité des usages actuels de cette ressource. Parmi ceux-ci, l’agriculture occupe une place prépondérante du fait des montants qu’elle prélève et de la pollution diffuse qu’elle génère. Il est donc nécessaire de traiter du rapport entre les agrosystèmes et la ressource en eau en prenant en compte conjointement la viabilité économique des exploitations agricoles et du territoire dans son ensemble, la durabilité écologique de la ressource et l’équité sociale. Que ce soit au niveau européen (WFD, 2000) ou au niveau français (LEMA : loi n° 2006-1772 du 30/12/2006), la mise en place d’une gestion intégrée de l’eau est à l’ordre du jour. La pression des différents usages de l’eau, en particulier dans les zones irriguées du grand sud-ouest de la France, et la pression polluante des activités agricoles, en particulier dans les zones d’élevage intensif de l’ouest de la France, ne permettent pas à la France d’atteindre l’objectif de bon état des masses d’eau imposé par la directive européenne sur l’eau. La gestion des ressources est rendue encore plus critique et difficile par un contexte de changement global qui impacte l’occupation des sols et le fonctionnement des couverts végétaux. Question(s) posée(s) dans le projet Ces enjeux socio-économiques nécessitent, d’un point de vue scientifique de progresser sur la prise en compte de l’échelle «territoire» et la production d’outils intégrés à cette échelle, ce qui implique de progresser dans la représentation des systèmes biophysiques, de savoir considérer conjointement offre et demande en eau, de bien prendre en compte les acteurs dans la modélisation, et enfin d’être en mesure de produire des outils pour les gestionnaires et les collectifs de concertation. Comment prendre en compte la diversité des activités et des points de 1 vue des acteurs du territoire considéré ? Comment considérer les problèmes complexes de gestion de l’eau avec et pour les acteurs concernés et dans la durée ? Quelle modélisation développer pour intégrer les processus biophysiques et décisionnels intervenant sur le territoire de gestion ? Quelle démarche participative mettre en place ? Comment rendre compatibles modélisation et participation des acteurs ? Approche scientifique et technique Le projet APPEAU vise à développer des outils et méthodes permettant l’évaluation de scénarios en vue d’une meilleure planification conjointe des activités agricoles et des ressources en eau. Pour progresser sur l’articulation de modèles mathématiques, de construction et évaluation de scénarios et d’approches participatives, le projet a pris comme option de travailler sur plusieurs sites d’étude puis de confronter ces travaux pour rechercher la généricité des approches menées. Chaque site d’étude a ses spécificités en termes de problématique de gestion de l’eau et de partenariat. Ainsi, dans le projet, les problèmes de pénurie et de partage de la ressource ont été abordés dans le Sud-Ouest de la France (Système Neste et Lomagne) et dans le Sud-Est (Val de Drôme) tandis que les problèmes de pollution des eaux par l’agriculture (aspects qualitatifs) ont été abordés principalement en Bretagne, mais aussi dans le Sud-Ouest (Lomagne). Le projet comprend 3 types de travaux: Le développement et l’implémentation de modèles mathématiques représentant des processus biophysiques liés à la gestion quantitative ou qualitative de l’eau ou des comportements économiques. Plusieurs modèles biophysiques et/ou décisionnels préexistants ont servi de base aux travaux de modélisation développés dans ce projet: notamment STICS, MODERATO, MOuSTICS, PILOTE, TNT2, SACADEAU, OLYMPE…. La construction de scénarios portant sur des changements du contexte agronomique ou sur des changements du contexte économique ou réglementaire. L'évaluation de ces scénarios Principaux résultats Modélisations MoGIRE, un modèle d’allocation de l’eau sur un grand territoire MoGIRE est un modèle générique de gestion intégrée de la ressource eau à l’échelle du grand bassin de rivière. Développé dans le cadre de ce projet, il permet d’optimiser (ou simuler) l’allocation de l’eau entre différents usages concurrentiels (eau potable, industrie, agriculture, environnement). Un modèle arcnœud permet de quantifier l’offre en eau en tous points du système considéré et au pas de temps choisi. Celui-ci est couplé à des modèles de demande, discrétisés sur le même pas de temps, pour chaque usage. Les usages eau potable et industrie sont modélisés via des approches économétriques. Pour représenter l’usage agricole de l’eau, un modèle économique maximise la fonction objectif de l’agriculteur. Les relations entre calendriers d'irrigation et production, intégrées à ce modèle, proviennent de simulations faites avec le modèle biophysique STICS. L’usage environnemental de l’eau est représenté par une contrainte sur le système en termes de débits : les débits objectifs d’étiages (DOE) doivent être satisfaits à tout moment. MoGIRE calcule la quantité d’eau demandée par les différents usages ainsi que le profit généré par chacun de ces usages. Il a été développé pour le système Neste (8000 km²). TNT2, un modèle de transfert de nitrate en bassin versant TNT2 (Topography-based nitrogen transfert and transformations) permet de simuler l’effet de systèmes de culture spatialisés sur les fuites d’azote. Développé préalablement au projet, ce modèle présentait des limites et avait été utilisé uniquement sur des milieux bretons (substrat imperméable, sols filtrants, climat tempéré). Dans le projet APPEAU, l’adaptabilité de TNT2 à d’autres milieux a été testée au travers de son application au bassin versant d’AURADE en Gascogne. Parallèlement, ont été développés : un nouveau module de dénitrification, une interface homme-machine, et une nouvelle procédure d’initialisation permettant notamment une meilleure prise en compte des variabilités spatiales, et le doublement du nombre de types d’effluents organiques pris en compte. 2 Méthodes d’interaction avec les acteurs Démarche méthodologique pour construire des scénarios évalués par modélisation Un des résultats clé du projet est un cadre méthodologique pour la construction et d’évaluation des scénarios dans le cas où sont utilisés des modèles numériques. Ce cadre définit clairement les étapes où sont impliqués les acteurs et la nature de leur contribution. Il constitue une aide pour fixer les objectifs élémentaires d’interactions entre scientifiques et acteurs. Il permet également une description a posteriori de la démarche de construction et évaluation de scénarios. Problem / Issue decision Pre-simulation. Problem specification System System information information Question Expected outcomes System specification Experiment specification Output specification System inputs Experiment inputs Expected outputs Real world Appropriation Computational world Impact Questionindicators oriented outputs Legend Quantitative information Model run Qualitative information (narrations) gross outputs Customisation Post simulation Output adaptation Information transformations Ce cadre méthodologique identifie plusieurs étapes clés et les flux de données entre elles. L’étape de spécification du problème inclut la description du système et la spécification des scénarios à réaliser pour résoudre le problème posé. Elle permet de décrire système et scénarios en termes de données d’entrée des modèles. La deuxième étape est l’utilisation de ces modèles, pour produire un jeu de données de sorties pour le scénario testé. La dernière étape consiste alors à traiter ces sorties pour constituer des indicateurs pertinent pour les personnes devant prendre des décisions relatives au problème posé; elle comprend une phase d’adaptation des sorties du modèle puis une phase d’appropriation des indicateurs produits par les acteurs. Cette démarche, très générale, peut s’appliquer bien au-delà des problèmes de gestion de l’eau traités dans le projet APPEAU. Elle contribue à l’élaboration d’un cadre conceptuel pour l’évaluation intégrée par modélisation et participation (PMA, participatory modelling assessment) 1. 1 SACADEAU, système d’acquisition de connaissances pour l’aide à la décision pour la qualité de l’eau Le système SACADEAU comporte un modèle de transfert de pesticides basé sur une représentation des arbres d’exutoire couplé à un modèle de décision de l’agriculteur. Des outils permettant de faciliter l’interaction avec les acteurs ont été développés dans le cadre du projet APPEAU pour faciliter la construction et l’évaluation de scénarios. En particulier, une base d’apprentissage de relations entre scénarios et qualité des eaux, constituée des premières simulations réalisées, permet d’identifier des règles explicatives, par des techniques d’apprentissage automatique, reliant les résultats de simulation aux paramètres des modèles. Par exemple, ont été identifiées les caractéristiques des parcelles de bordures de cours d’eau qui transmettent les contaminations (fort apport, connexion,…), les types d’arborescences de parcelles sensibles, certaines variables relatives aux itinéraires techniques sur lesquelles les gestionnaires pourraient jouer. Tol & Vellinga, 1998. Environmental Modeling & Assessment, 3, 181-191. Pahl-Wostl et al., 2000. Integrated Assessment, 1, 267-280. SPACSS, un outil de construction et évaluation de scenarios spatialisés de systèmes de culture Cet outil a été développé pour faciliter la construction de scénarios de distributions spatiales de systèmes de culture correspondant à l’expression de points de vue d’acteurs et pour permettre son évaluation par calcul d’indicateurs. Ce travail a été motivé par l’observation des débats entre acteurs dans le cadre du Débat Public sur la construction du barrage de Charlas dans le Sud-ouest. Face à l’opposition de deux théories, pour ou contre le barrage, il s’est avéré nécessaire de fournir aux décideurs les moyens d’évaluer la diversité des points de vue mis en avant lors de ce débat. SPACSS est basé sur le cadre méthodologique précédent. Le premier prototype utilise le modèle MOuSTICS et comporte deux interfaces: la première aide la spécification des scénarios, la seconde permet à l’utilisateur de construire des indicateurs pertinents à partir des sorties de MOuSTICS. Démarche participative basée sur le jeu de simulation Cette méthode consiste à mobiliser les acteurs pour spécifier le système étudié (construction des typologies d’exploitation et de systèmes techniques), choisir les modèles de simulation des interactions entre action et milieu d’une part et entre usagers d’autre part, et, de manière itérative, utiliser ces modèles lors de séances de 3 simulation de scénarios et analyser les séances pour définir des stratégies de gestion intégrée et durable de l’eau. Cette méthode, développée préalablement, a été testée au cours du projet sur deux terrains d’étude aux problématiques différentes (gestion collective de la ressource en eau en Drôme, pollution et érosion en Lomagne), en partenariat étroit avec les acteurs de terrain. Cela a permis de mettre en évidence la capacité de la méthode à réduire l’asymétrie initiale de l’information entre acteurs et à s’adapter aux situations locales, avec toutefois un risque de réorientation des questions traitées. 19 + CIPAN entre c. ptps et céréales pratiques actuelles extrapolées 18 CIPAN sur toutes intercultures + CIPAN entre céréales 17 Quelques publications issues des travaux soutenus dans le cadre du projet CLAVEL Lucie, SOUDAIS Julie, BAUDET Denis, LEENHARDT Delphine, 2011. Integrating expert knowledge and quantitative information for mapping cropping systems. Land Use Policy 28: 57–65. GASCUEL-ODOUX C., AUROUSSEAU P., CORDIER M.O., DURAND P., GARCIA F., MASSON V., SALMON-MONVIOLA J., TORTRAT F., TREPOS, R. 2009. A decision-oriented model to evaluate the effect of land use and management on herbicide contamination in stream water. Environmental modelling and software, 24, 1433-1446. LE GRUSSE PH., BRUNEL L. RUELLE P., POUSSIN JC., GRANIER J. 2008. « Construction participative d’un modèle régional pour l’évaluation de la demande en eau agricole : un exemple dans le bassin de la Drôme ». 13th IWRA World Water Congress. 1-4 septembre, Montpellier, France. REYNAUD A., LEENHARDT D. (2008) MoGIRE: A Model for Integrated Water Management. In: Sànchez-Marrè M., Béjar J., Comas J., Rizzoli A., Guariso G. (Eds). Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assessment and Decision th Making. IEMSS 2008: International Congress on Environmental Modelling and Software,4 Biennial Meeting, pp. 576-583. TIDBALL M., J.P. TERREAUX, 2008, Information revelation through irrigation water pricing using volume reservations, Lameta Working Paper DR 2008-14, 17 p. 4 s4-max-i s4-max-e s4-moy-i s4-moy-e s4-min-i s4-min-e s3-max-i s3-max-e s3-moy-i s3-moy-e s3-min-i s3-min-e s2-max-i s2-max-e s2-moy-i s2-moy-e s2-min-i s2-min-e s1-max-i s1-max-e s1-moy-i s1-moy-e s1-min-e 15 s0 16 s1-min-i flux N à l'exutoire (kgN/ha) Développement et évaluation de scénarios Scénarios économiques Différents scénarios économiques ont été développés (modification du prix de l’eau, mise en place d’une tarification de pointe, etc.). A titre d’exemple, deux systèmes de tarification de l'eau à usage agricole avec réservation et consommation, directement inspirés de ceux mis en place en France par la Compagnie d'Aménagement des Coteaux de Gascogne d'une part et par la Compagnie d'Aménagement des Deux-Sèvres d'autre part ont été étudiés et comparés vis-à-vis de la consommation d'eau en été sec et en été humide, du profit de l'agriculteur, de la valeur de production agricole, et des recettes du gestionnaire du périmètre irrigué. Ces modes de tarifications présentent chacun des avantages, mais tous deux non seulement peuvent participer à une meilleure application de la Directive Cadre Européenne sur l'Eau, mais aussi ouvrent une voie intéressante à des systèmes de tarification originaux et permettant de faciliter l'atteinte des objectifs des gestionnaires de périmètre irrigués. Scénarios agronomiques Différents scénarios ont été construits pour limiter la pollution de l’eau, l’érosion ou la demande en eau d’irrigation. A titre d’exemple, un jeu de scénarios a été construit, en concertation étroite avec les gestionnaires du bassin versant de la Lieue de Grève (Bretagne), de manière à évaluer de façon systématique les différentes options de mise en place de CIPAN (cultures intermédiaires pièges à nitrates). Les résultats montrent l’importance d’intégrer la présence du CIPAN dans le raisonnement des pratiques culturales de l’ensemble de la rotation, faute de quoi les effets sont faibles, voire inversés. Ils montrent aussi un effet globalement limité de cette mesure à l’échelle du bassin versant, eu égard à un assolement ne permettant pas d’augmenter fortement les surfaces implantées dans de bonnes conditions.