Partie 3 Le droit du parfum - Chroniques de la propriété intellectuelle

Transcription

Partie 3 Le droit du parfum - Chroniques de la propriété intellectuelle
Partie 3
Le droit du parfum
Chapitre 5.
Préambule
Le parfum fait rêver, le parfum est une industrie, le parfum
représente aussi de formidables enjeux économiques. Le parfum
ouvre également un nouvel espace de créativité pour le
marketing, sous la forme des logos olfactifs.
Le parfum est avant tout le fruit d’une création, œuvre de
femmes et d’hommes souvent passionnés, parfois désabusés,
parfois inquiets devant l'évolution de la parfumerie17. Parmi le
millier de compositeurs œuvrant à travers le monde, près de la
moitié appartient à la tradition de l’école Grassoise.
Il en découle tout naturellement que le poids de la tradition et
des usages constitue un paramètre essentiel de toute évolution de
cette activité.
L’irruption du juriste dans le domaine de la parfumerie apparaît
comme une incongruité. Pourtant, une évolution du statut
juridique de la création olfactive pourrait contribuer à une
nécessaire revalorisation de la créativité en matière de
parfumerie, dans l’intérêt des compositeurs comme dans celui
des sociétés de parfumeries.
17
Pierre Bourdon et Raymond CHAILLAN, "le parfumeur du 21ème siècle"
Congrès WPC98
La copie de parfums n'est en effet pas un artefact anecdotique.
Selon une enquête de l'Union des Fabricants, la contrefaçon
représente environ 10% du chiffre d'affaire de la parfumerie.
Section 1.
Constat de la situation
Les créations olfactives relèvent-elles d'un vide juridique ? Sontelles ignorées du Code et des législations de la Propriété
Intellectuelle ? S'agit-il de réalités tellement inclassables qu'elles
échappent à toute règle juridique ? Il semble que toute recherche
sur le statut juridique des créations olfactives, et pire, toute prise
de position en faveur de l'application des droits de propriété
intellectuelle aux créations olfactives, provoque une palette de
réactions aussi diverses que passionnées, tantôt favorables,
tantôt défavorables : "vous manipulez une bombe atomique" (un
ancien dirigeant d'une société de parfumerie), "les marques de
parfum ne veulent pas entendre parler du droit d'auteur" (des
avocats, et dirigeants de sociétés de parfum), "vous contribuez
au retour de la créativité et de l'excellence en matière de
parfumerie" (des compositeurs de parfums et un ancien dirigeant
d'une société de matières premières), " nous allons parler de
propriété intellectuelle, mais surtout pas de contrefaçon!" (le
président d’une association de parfumeurs introduisant une
conférence sur ce sujet) "un parfumeur ne prendra jamais le
risque de dire ce qu'il pense de tel ou tel parfum, il ne peut se
fâcher avec aucun client, et maintenant que les parfumeurs sont
salariés, il doivent aussi faire attention à la philosophie de la
maison" (un parfumeur) ...
Le préfacier d'un essai sur l'art et la création en parfumerie
commence ainsi son texte :
"Il faut saluer le courage de cette phalange de parfumeurs qui,
par le lieu même de la réunion qu'ils choisissaient et dont ils
allaient baptiser leur groupe (groupe du Colisée, du nom de la
rue où est situé le siège d'une importante maison de
parfumerie), affirmaient ainsi avec détermination leur volonté
d'entrer dans l'arène18".
Bigre, ne croit-on pas entendre un commentaire de l'attitude du
général De Gaulle vitupérant contre un "quarteron" d'officiers
putschistes ?
Un parfumeur a exprimé de façon fort directe son point de vue :
Quand on ne veut pas assumer les risques de la nouveauté, il
faut bien accepter que tout se ressemble. Un clone dans un
nouveau mix, c'est un nouveau lancement, pas un nouveau
parfum… La nouveauté est un risque, c'est-à-dire exactement ce
dont le marketing ne veut pas.
Ces réactions renforcent à la fois l'intérêt d'une réflexion sur la
nature de la création olfactive, et imposent une grande modestie
et rigueur dans les hypothèses émises.
18
Edmond ROUDNISTKA, Préface de "Questions de parfumerie"
I.
Une attitude rencontrée dans
d’autres secteurs
Cette attitude n’est pas propre au seul domaine de la parfumerie.
On le rencontre dans d’autres secteurs de la création sensorielle.
Lors d’un récent colloque19, le juriste d’une organisation des
métiers de la pâtisserie a déclaré avoir trouvé, lors de sa prise de
fonction, un dossier prioritaire : celui de la protection des
créations gastronomiques. Quelle ne fut, selon ses propres dires,
sa réaction horrifiée. Il s’empressa de faire disparaître ce dossier
à un niveau de priorité où il avait peu de chance de refaire
surface avant longtemps. Le dialogue qui s’est instauré ensuite
avec un restaurateur créateur d’un dessert célèbre à base de
tabac20 a été des plus vigoureux. Le chef expliquait avec passion
et gourmandise la démarche qui l’a amenée à créer se dessert
fort original, et il était évident qu’il s’agissait d’un processus
créatif, dans lequel s’exprimait la personnalité de l’auteur. Le
représentant de l’organisation professionnelle répondait avec
angoisse qu’une revendication d’un marmiton ou d’un grand
chef sur sa création pouvait déstabiliser la profession, qu’il n’est
pas envisageable qu’un créateur d’une recette conserve
l’exclusivité de sa création, et qu’il existait un usage constant de
partager toute découverte avec ses pairs. Ce dernier argument
est parfaitement pertinent. Mais les chefs, et notamment les plus
grands et les plus créatifs, ne seraient-ils pas suffisamment
19
Colloque « Protection des créations éphémères » organisée par le Doyen
SIRINELLI, faculté de Sceaux juin 1998
20
« le DAVIDOFF », La Table d’Anvers
responsables pour s’autoréguler, et pour user de leurs droits
légitimes sans pour autant en abuser ?
Le débat entre intérêts collectifs et intérêts individuels est
important, et doit être arbitré par les créateurs en premier lieu,
leur environnement économique devant éclairer leur réflexion.
II.
Les usages de la profession
Pour en revenir à la parfumerie, un magazine professionnel21 a
titré un de ses articles : Faut-il protéger les créations
sensorielles ? Cette reflète une interrogation majeure des acteurs
de la parfumerie.
Comment ne pas répondre positivement à cette question,
lorsqu’on évalue le chiffre d’affaires de la parfumerie française
à 62,15 milliards de francs, dont plus de la moitié provenant des
exportations 22 et que l’on estime à plusieurs dizaines de
millions de francs les investissements nécessaires à la création et
au lancement d’un parfum ?
Il serait parfaitement hypocrite de nier l’existence de la
contrefaçon en matière de parfums. Edmond Roudnitska23, l’un
des plus grands créateurs de parfums rappelle dans son ouvrage
" Le parfum " que " jusqu’ici, tous les beaux parfums créés ont
été outrageusement et impunément copiés de multiples fois dès
leur apparition sur le marché.(…).
21
22
23
Parfums et cosmétiques, mai 98
La Tribune du 3 février 1997
Edmond Roudnitska, Le Parfum. Que sais-je ? P.U.F. 5ème édition corrigée
juillet 1996.
Pourtant, les litiges portant sur la contrefaçon de parfums sont
rarissimes. Certes, on connaît des actions en contrefaçon portant
sur l’imitation de marques de parfums, sur les flaconnages, sur
la pratique des "tables de concordances". Il s’agit d’attributs
périphériques, et non pas du parfum même.
De même, il existe quelques décisions portant sur la contrefaçon
de formules brevetées, qui ne concernent pas non plus la réalité
de la création olfactive.
A. L’anonymat du compositeur
Un usage indéniable, quoique relativement récent, concerne
l’anonymat du compositeur. Il s’agit bien de l’anonymat, et pas
du secret. En effet, le compositeur d’un parfum est généralement
connu dans le milieu professionnel. Il ne s’agit pas d’un réel
secret.
La reconnaissance " officielle" de la paternité d’un compositeur
dépasse toutefois les limites de l’acceptable pour les maisons de
parfum.
Cette tendance semble se renforcer avec l'évolution de la
parfumerie et le poids de plus en plus important du marketing
ainsi que le regroupement des maisons de parfumerie au sein de
groupes financiers.
B. L’usage des contretypes de
parfums
La fabrication de contretypes représente une activité
significative, notamment pour les sociétés de matières
premières. Par ailleurs, tout compositeur de parfum a commencé
à faire ses gammes par la préparation de contretypes, et il n'est
pas rare qu'au cours de sa carrière, il reçoive des instructions
pour préparer un contretype de tel ou tel parfum connu pour la
commercialisation dans des pays étrangers.
Bien qu'il soit difficile d'évaluer l'importance de cette pratique,
on peut affirmer qu'elle représente une activité très significative.
Certains parfumeurs évoquent officieusement une activité
représentant un tiers de la production de certaines maisons de
parfums.
Il est évident que ces maisons sont hostiles à toute protection de
la création olfactive.
Le risque de prolifération de contretype augmente d'ailleurs avec
les progrès techniques. Selon deux experts, deux parfumeurs
n'arriveront jamais à la même création, même s'ils répondent au
même brief. Par contre, un bon technicien procédant à une
analyse par chromatographie pourra aboutir au même parfum.
C. Une tradition de secret
Le secret fait certainement partie des grandes traditions de la
parfumerie. Au cours des visites de sociétés de parfumerie, il est
impossible de voir une formule de parfum en cours de
composition.
La composition est généralement maintenue secrète, même pour
le client qui procède au lancement et à la commercialisation du
parfum.
L'importance du secret a souvent servi à justifier l'absence de
recours au brevet. Cette explication est toutefois fallacieuse. La
composition n'est généralement pas brevetée, non pas pour
éviter la divulgation qui intervient nécessairement par la
publication du brevet, mais parce que la formule ne répond pas
aux critères de brevetabilité.
Une invention est brevetable lorsqu'elle ne découle pas de façon
évidente de l'état de la technique. L'invention doit correspondre
à une contribution technique dépassant la simple adaptation de
moyens techniques connus, pour produire un effet technique
nouveau, un résultat de nature technique et non pas esthétique.
La création en matière de parfumerie ne répond pas à une
finalité technique, mais esthétique. Le compositeur doit certes
maîtriser parfaitement son métier pour créer des parfums non
seulement plaisants, mais encore durables dans le temps,
résistant à de larges conditions d'utilisation, et conformes aux
exigences écologiques et de santé publique. Ces aspects
techniques constituent toutefois des contraintes, et non pas une
finalité.
Considérer que le compositeur serait de ce fait un technicien est
absurde, comme il serait absurde de considérer que Salvador
Dali était un technicien du fait qu'il maîtrisait à la perfection la
technique de préparation de ses toiles pour assurer une tenue
parfaite de ses créations, ou que le sculpteur César est un
chaudronnier car ses créations nécessitent des connaissances en
matière de soudage.
Le compositeur de parfum est un être complet, ayant une
connaissance approfondie des ingrédients naturels et
synthétiques composant sa palette, des connaissances chimiques
mais surtout ayant une sensibilité d'artiste. La pleine maîtrise de
son métier n'intervient généralement qu'après une dizaine
d'années d'apprentissage.
D. Un consensus de nonappropriation
La situation actuelle en ce qui concerne le statut juridique des
créations olfactives relève d'une coutume plus que du droit.
Cette coutume se traduit par un consensus de non-appropriation
des créations olfactives, et ce tant par les compositeurs de
parfums que par les parfumeurs ou les marques. Curieusement,
on retrouve les défenseurs du "non-droit" non seulement parmi
les sociétés de parfumeries qui pourraient parfois avoir un
intérêt à un libéralisme hypertrophié refusant toute entrave à la
concurrence, voire à la contrefaçon, mais aussi dans les
associations représentant les créateurs de parfums. Dans ce
dernier cas, même si les positions personnelles des membres
sont favorables à une meilleure reconnaissance de la créativité,
le discours officiel est souvent extrêmement prudent.
1) Le refus d'application du droit,
source d'équilibre ?
Ce consensus aboutit à un équilibre économique et structurel qui
n'est pas absurde. Il existe d'autres secteurs d'activité où un
consensus de non-application de dispositions légales ou
réglementaires aboutit à un équilibre stable, ou en tout cas plus
satisfaisant que l'application des droits.
Pour prendre un exemple issu de la réalité quotidienne, il est
habituel, dans certaines banlieues à risque, de ne pas porter
plainte et de ne pas faire appel à la force publique pour des délits
mineurs, pourtant sanctionnés par la loi. L'appel aux forces
publiques pour faire sanctionner une dégradation mineure
provoquerait des réactions d'une violence telle qu'un consensus
s'instaure sur le non recours à la loi dans de telles situations.
Pour prendre un exemple plus champêtre, s'il existe une
coutume selon laquelle chacun cultive son carré de salades en
acceptant que les voisins se servent en cas de besoin, il serait
malvenu, pour un membre de cette communauté d'entourer son
carré de salades par un grillage ou des barbelés. Il serait encore
pire de porter plainte pour vol de salade lorsqu'un voisin,
conformément à la coutume, se sert dans son propre carré.
Ces stratégies ne sont pas absurdes. Elles doivent toutefois être
acceptées en qualité de coutume, et il serait trompeur de les
justifier par un négation des droits existants. Une personne, une
communauté, peut décider de ne pas respecter une loi, elle n'a
pas le pouvoir de la nier.
2) Le mythe de la liberté du
renard dans le poulailler
Ces stratégies sont généralement d'apparence et d'inspiration
libérale et généreuse. Elles se traduisent malheureusement
souvent par des dérives moins nobles, que l'on peut qualifier de
mythe de la "liberté du renard dans le poulailler". Les
défendeurs d'un libéralisme extrême sont souvent les premiers
bénéficiaires de cet ultra libéralisme, ou à tout le moins sont
manipulés par leurs bénéficiaires. C'est une tendance que l'on
constate de façon très nette dans le domaine de l'Internet. Des
groupes de pressions extrêmement actifs, tels que l'IEF (Internet
Electronic Fundation) ou la Free Software Fundation prônent
une libéralisation totale des droits d'auteur sur Internet. Leur
discours est séduisant, car il prêche l'accès pour tous à la culture
ou aux logiciels. La réalité est différente, car les premiers
bénéficiaires sont les opérateurs du réseau Internet et de
l'informatique, qui contrôlent les outils de "transport" des
créations intellectuels.
Pour reprendre notre exemple de la communauté des planteurs
de salades, l'équilibre sera perturbé si un membre possède par
ailleurs un supermarché où il vend par milliers des salades. Ce
membre aura tout intérêt à maintenir la coutume de nonappropriation des salades, et l'accès libre aux carrés des voisins.
C'est la liberté de la communauté des planteurs de salades
d'accepter cette coutume, et de renoncer à entourer leur carré de
barrière ou de faire appel à la police pour "vol de salade". Rien
ne permet de critiquer cette volonté de maintenir une telle
coutume. Par contre, il serait critiquable de justifier cette
coutume par l'affirmation selon laquelle le vol de salade n'est
pas prévu par la loi.
L'usage de déni de l'application du droit de la propriété
intellectuelle à la création olfactive ne relève t-il pas de telles
stratégies ? Comment expliquer autrement les contradictions
relevées :
• Affirmation unanime que la composition de parfum est un
art, mais refus d'invoquer le droit d'auteur
• Mépris pour les copies de parfums, mais absence d'action en
justice
• Refus de parler de "contrefaçon" lorsque la question de la
propriété intellectuelle des parfums est abordée.
E. Les imperfections du sens
olfactif
En matière de création, la perception se fait généralement par
l'intermédiaire de nos sens "mécaniques", à savoir l'ouïe et la
vue. Ces deux sens mécaniques sont en permanence en éveil,
procurent des messages que chacun sait interpréter et autorisent
une communication fondée sur des postulats relativement
universels. La description de la perception par l'ouïe ou la vue
est possible et se fonde généralement sur des référentiels
communs à une large partie de la population. De plus, les
messages que nous percevons par ces deux sens peuvent être
vérifiés et confirmés par d'autres sens. Les informations fournies
par la vue sont parfois ambiguës : il peut être difficile de
distinguer la réalité de l'illusion. Toutefois, les autres sens
peuvent participer à la levée du doute. Si j'hésite entre la réalité
ou l'illusion d'un objet, je peux avancer ma main, et le toucher
me permettra de vérifier la réalité de l'objet. Éventuellement, le
son provoqué par ma main heurtant l'objet confirmera sa réalité.
C'est la raison pour laquelle il est communément admis que ces
deux sens correspondent à une certaine objectivité de la
perception. Il est alors admis que plusieurs personnes peuvent
échanger leur perception d'une musique, d'un tableau et en faire
des critiques. Il existe des référentiels connus de tous permettant
d'associer à une perception des termes objectifs généralement
admis : la couleur, la forme, etc. Dès son plus jeune âge, l'enfant
est éduqué à maîtriser ce référentiel.
Les autres sens que l'on peut qualifier de sens chimiques – le
goût, l'odorat et le toucher, sont plus difficiles à cerner. Cette
difficulté vient probablement du fait qu'ils participent de façon
secondaire seulement à notre vie sociale. La chasse, qui justifiait
pour nos ancêtres une bonne éducation de leur odorat, et un
exercice permanent et vital, n'est aujourd'hui plus qu'un sport
d'agrément, et en tout état de cause ne nécessite plus le recours à
l'odorat.
En raison du caractère non vital de ces sens, nous disposons
d'une connaissance moins approfondie de ces perceptions et
nous manquons de référentiels suffisamment universels.
Une question qui oppose les neurophysiologues est celle de
l'universalité de l'odorat. Une même odeur sera t-elle perçue de
façon identique par toute personne ? Les différences de
perception sont-elles d'ordre quantitatif, ou peuvent-elles se
traduire par des altérations qualitatives ?
D'après le professeur André HOLLEY, il existe certes des
différences de perception. Elles peuvent être d'ordre
pathologique, comme pour la vue certaines personnes souffrent
de daltonisme.
Elles correspondent également à des différences de niveau de
sensibilité.
Par contre, il semble exagéré de prétendre qu'une même odeur
puisse être perçue de façon radicalement différente par deux
personnes.
Cette question est importante, car on ne peut parler de création
et de contrefaçon que s'il est possible de caractériser un parfum,
et de comparer un parfum correspondant à une création
originale, et un parfum considéré comme une contrefaçon. Il
semble toutefois que la principale difficulté provienne de
l’absence de référentiel commun24 et du vocabulaire permettant
aux sujets " naïfs " (par opposition aux experts, selon la
terminologie employée en analyse sensorielle), de décrire leur
perception d’une fragrance.
F. La liberté des tendances
Les parfumeurs sont unanimes à accepter le lancement de
différents parfums appartenant à une même tendance. Dans les
années 90, la tendance des notes gourmandes se développe. Il
n'est pas question d'accorder à un parfumeur un droit exclusif
sur une telle tendance, ni d'interdire l'émergence de nombreux
nouveaux parfums appartenant à cette tendance de "notes
gourmandes".
La notion de tendance se rencontre dans la plupart des secteurs
d'activité.
En matière d'automobile, il existe des tendances auxquelles
obéissent tous les constructeurs. Chaque constructeur veille
toutefois à distinguer ses modèles, en interprétant avec son style
personnel la tendance en vigueur.
Dans le domaine de la mode, la notion de tendance est
incontestable. Elle n'empêche pas chaque couturier de lancer sa
collection avec sa sensibilité, son empreinte, la différenciant des
collections des maisons concurrentes.
24
Nicolas GODINOT, Des représentations de l’espace olfactif, Intellectica n°
24, pp 85-107
III.
Quelques rares conflits
Dans "Questions de parfumerie", les auteurs s'étonnent à juste
titre que "les seuls contrefacteurs poursuivis le sont à propos du
contenant, mais jamais du contenu."
En effet, la question de la contrefaçon de la forme olfactive en
elle-même n'a été évoquée que tout à fait exceptionnellement, et
malheureusement de façon annexe, et généralement maladroite.
A. Les parfums de LAIRE
Une des seules décisions judiciaires évoquant la question de
l'application du droit d'auteur au domaine du parfum est la
décision25 "Parfum de LAIRE c/ Société Marcel ROCHAS".
Cette décision, qui a été défavorable à la société DE LAIRE,
comporte toutefois le passage suivant : " si l’article 3 de la loi du
11 mars 1957 ne cite comme exemple d’œuvres de l’esprit que
des œuvres perceptibles par la vue ou par l’ouïe, la présence de
l’adverbe notamment ne permet pas d’exclure a priori celles qui
pourraient, éventuellement, l’être par les trois autres sens."
La Cour n’oppose pas un refus de principe à l'application du
droit d'auteur. La solution trouve son origine dans les
maladresses de la société de Laire qui a commis l’imprudence
de qualifier la formule d’ "invention" dans ses correspondances
avec la Société Rochas, et d’omettre de désigner l’auteur de la
création litigieuse. La Cour ajoute en effet qu’ "à défaut de
soutenir qu’il s’agit d’une œuvre collective, la Société de Laire
25
Cour d’Appel de Paris, 3 juillet 1975, Gaz. Pal 1976, 1. 43.
aurait dû désigner la personne physique qui aurait réalisé cette
création de l’esprit et qui l’aurait marquée de sa personnalité".
La cour tire également une conclusion logique de la formulation
du contrat conclu par les parties, concernant non pas la cession
d'un droit mais " la divulgation d’un procédé permettant, en
mélangeant dans des proportions données des essences
naturelles, des produits synthétiques et des composants
spécifiques, tous éléments obtenus, eux-mêmes par divers
procédés industriels, d’obtenir un produit également industriel. "
B. EAU DYNAMISANTE
Dans une décision du TGI de Paris26, la société CLARINS a fait
condamner la société exploitation un parfum TONISSIMA EAU
STIMULANTE pour atteinte à sa marque. Elle avait également
invoqué le fait que l'imitation du jus du produit qu'elle
commercialise s'analyse en une contrefaçon de droit d'auteur.
Le tribunal a répondu défavorablement sur ce dernier point, en invoquant que
:
"toutefois, un parfum ne constitue pas une œuvre de l'esprit
susceptible d'être protégée au sens de l'article L-112-1 du code
de la propriété intellectuelle ; qu'en tout état de cause, la société
Clarins n'établit pas que les jus soient similaires".
S'agissant d'un attendu portant sur un point annexe, dans une
décision ayant donné droit au demandeur, on ne peut en tirer un
enseignement définitif sur l'application du droit d'auteur,
d'autant que cette décision n'a pas fait l'objet d'un appel.
26
TGI Paris, 3ème Ch. 5 novembre 1997, Clarins c. HLL Batignolles et
Pierre CATTIER
C. VIA Paris
Dans une autre affaire récente, la société Kenzo a fait
condamner la société Via Paris pour concurrence déloyale. Une
décision récente de la Cour d'Appel de Paris27 a condamné,
certes au titre de la concurrence déloyale et pas de la
contrefaçon du droit d'auteur, la société VIA Paris qui
commercialisait des parfums "dont la fragrance présentait des
similitudes olfactives indéniables" avec le parfum Kenzo
Parfum d'été". Cette décision montre que les magistrats sont en
mesure d'apprécier les similitudes olfactives, et la voie est donc
ouverte à une protection par le droit d'auteur. Cet arrêt montre
que le magistrat ne se déclare pas incompétent en matière
d'olfaction, et qu'il se reconnaît autorisé à émettre un jugement
sur la ressemblance entre deux parfums.
D. ANGEL / NIRVANA
Parmi les créations récentes, Angel est incontestablement un
exemple d'audace et d'innovation, dont le succès commercial est
venu récompenser la créativité. Rançon du succès, les imitations
ne tardent pas, et l'une d'entre elles, le parfum Nirvana, est
considéré par la société Thierry Mugler comme une copie
tellement flagrante qu'elle justifie une action en justice. Pour
étayer cette opinion, diverses analyses sont effectuées, et pour la
première fois, des méthodes aussi diverses que l'analyse
sensorielle, la chromatographie en phase gazeuse, les "nez
électroniques", le système FID (ionisation de flammes) sont mis
27
Cour d'appel de Paris, 6 juin 1997
en œuvre avec l'assistance de laboratoires indépendants et
d'experts en olfaction. Nul doute que l'issue de l'action judiciaire
qui a été engagée par la société Parfums Thierry Mugler sera
riche d'enseignements.
Section 2. Mythe ou réalité de
l’absence de protection ?
I.
Un conservatisme favorable au
statu-quo
Il existe dans ce domaine un statu quo dont les fondements sont
en partie inconscients, mais qui se traduit par une grande
réticence à la modification des équilibres existants. La réflexion
engagée dans le domaine du statut juridique des créations
olfactives a suscité des réactions parfois violentes. Des juristes
ont contesté la protection des créations olfactives par le droit
d'auteur, en déclarant que "les parfumeurs ne veulent pas du
droit d'auteur", comme si l'application d'une loi dépendait de la
volonté d'un groupe de personnes, et ne constituait pas une
situation de fait, régie par le droit positif.
Ces réactions ne doivent pas être ignorées, ni même
minimisées : elles reflètent une crainte réelle, qu'il convient
d'analyser, et à laquelle il convient d'apporter des réponses
réalistes et juridiquement fondées.
A. Les fondements du statu quo
concernant les créations olfactives
Pour en revenir au domaine des parfums, on ne peut que
constater l'existence d'un statu quo de non-appropriation. Ce
constat entraîne deux questions majeures :
• Ce statu quo de non-appropriation des créations olfactives
relève-t-il d'une coutume - consciente ou non - ou d'une
situation de droit ?
• L'évolution de ce statu quo entraînerait-elle une perturbation
dommageable des équilibres actuels, ou pourrait-elle créer
de nouveaux équilibres favorables à l'ensemble des acteurs
de la parfumerie ?
La première interrogation impose une analyse objective de la
nature de la création olfactive, et une interprétation à la fois
novatrice et rigoureuse du Code de la Propriété Intellectuelle et
des droits étrangers de la propriété intellectuelle.
La question clé qui se pose est la suivante : la création olfactive
constitue t-elle une "chose sans maître", une "res nullius",
comme les champignons, les baies sauvages ou le gibier ? ou
constitue t-elle un actif immatériel, une œuvre de l'esprit,
appropriable par le droit de la propriété intellectuelle ?
Malgré leur attachement à la cueillette des champignons, des
framboises et des mûres, au ramassage des châtaignes et à la
chasse, les auteurs penchent pour la deuxième option :
• la non-appropriation des créations olfactives ne résulte pas
d'un vide juridique
• une prise en compte de la propriété intellectuelle des
créations olfactives peut se traduire par une stratégie
gagnante gagnante, par une reconnaissance accrue de la
créativité et une revalorisation des créations.
Il serait toutefois naïf de méconnaître les réticences et difficultés
à faire admettre une telle évolution, et prétentieux de ne pas
respecter les points de vue contraires.
II.
Les résultats d’un sondage
Pour mieux cerner la perception de la question de la protection
des créations olfactives, une étudiante28 a réalisé une enquête
auprès d'une centaine de professionnels de la parfumerie.
A. Unanimité sur le métier du
compositeur
A l'unanimité, le caractère artistique de la composition de
parfum a été reconnu. Les nécessaires connaissances techniques
du compositeur ne sont pas opposées à ses qualités artistiques.
L'empreinte de la personnalité du compositeur est unanimement
admise : toutes les personnes qui ont répondu à l'enquête ont
considéré que deux compositeurs répondant à un même briefmarketing aboutiront à des parfums différents.
Sur le rôle respectif du compositeur, du brief marketing et de
l'évaluateur, toutes les personnes interrogées ont considéré qu'un
parfum ne peut naître sans compositeur. Les réponses étaient
plus partagées quant à l'importance de la contribution des deux
autres acteurs.
28
Solène GEFFRAY, Mémoire de DESS "Propriété Industrielle du CEIPI
1998
B. Consensus sur la distinction
entre copie et knock-off
Un accord très large est apparu sur la capacité à distinguer une
copie servile d'un parfum (knock-off), et la l'imitation non
servile, qui n'est qu'inspirée d'un parfum original.
De même, il a été admis qu'une telle distinction pouvait être
considérée comme objective.
C. Divergence sur la paternité
Par contre, les personnes interrogées étaient partagées quant à
l'opportunité de la "signature" d'une création par son
compositeur29. Le représentant d'un des principaux groupes de
parfumerie et de cosmétique français a résumé son opinion par
l'exclamation "Parfumeur, ton nom est Personne !". Cette
remarque exprime assez bien la situation voulue ou subie par les
professionnels de la parfumerie.
D. Confusion entre protection et
dépôt
Ce sondage a également fait apparaître la confusion entre
"dépôt" et protection. A la question "qu'est ce qui explique
29
Surpris par cette question "incongru", le représentant d'une maison de
parfums a même jugé utile de renforcer sa réponse négative par le
commentaire suivant : "Et vous, connaissez vous le nom de l'ingénieur qui a
conçu la Mini-Austin ?" pur souligner la stupidité ou au moins l'incongruité
de notre question.
Mais oui, il s'agit d'un certain Alec Issigonis, qui a même été anobli par la
Reine d'Angleterre en reconnaissance de sa créativité…
l'absence de protection du parfum ?", de nombreuses réponses
indiquent en substance "on ne peut pas déposer un parfum".
Or, si le dépôt est bien attributif de droits en matière de brevets
ou de marques, il n'en est pas de même en matière de droit
d'auteur, où un éventuel dépôt n'est que déclaratif de droit et
n'est pas une condition d'exercice du droit.
E. Accord sur la nécessité de
renforcer la protection
Contrairement à ce que laissaient prévoir les opinions
"officielles" exprimées notamment par les représentants des
organisations représentatives de la parfumerie, les personnes
interrogées dans le cadre du sondage se sont déclarées à une
grande majorité favorable à un renforcement de la protection de
la création en matière de parfumerie. Dans certains cas, cette
opinion était exprimée avec une grande chaleur, même si le
scepticisme l'emportait quant aux solutions à mettre en œuvre.
Cette enquête montre une certaine distance entre les positions
"officielles" et les points de vue personnels.
Si les instances professionnelles adoptent généralement une
position prudente voire réfractaire à l'idée d'une protection des
créations olfactives, il apparaît que les membres de ces instances
sont individuellement favorables à la protection de la création,
même s'ils sont perplexes quant aux outils juridiques adaptés à
une telle protection.
Section 3.
Résultat de l'enquête
Questions
En raison du contexte industriel dans lequel évolue un
compositeur de parfums, le considérez vous comme un artiste
ou un technicien-chimiste
Deux compositeurs répondant à un même brief marketing
aboutiront-ils à un même parfum
Généralement, le public ignore le nom du compositeur du
parfum. Pensez-vous qu'il serait légitime que le compositeur
signe sa création ?
Pensez-vous qu'il est possible de faire une distinction entre :
- la copie servile (knock-off) d'un parfum
- la copie non servile, qui ne fait que s'en inspirer
Pensez-vous qu'une telle distinction est objective ?
Pensez-vous que la création d'un nouveau parfum est :

Un travail entre le responsable du marketing, le "nez" et
l'évaluateur, collaborant tous en tant que créateur ?

L'œuvre d'un "nez" agissant dans le cadre défini par le
brief marketing ?

Un travail de plusieurs compositeurs, œuvrant
séparément, sous les instruction de la direction de l'équipe
marketing ?

Le résultat d'une inspiration individuelle ?
Un parfum peut-il naître :

Sans compositeur ?

Sans brief marketing ?

Sans évaluateur ?
Est-il souhaitable de renforcer la protection du parfum en tant
que tel
Réponses
Artiste : 85%
Technicien : 15%
NON : 100 %
OUI : 61 %
NON : 39 %
OUI : 79 %
NON : 21 %
OUI : 68 %
NON : 21 %
S.O. . : 11 %
57 %
26 %
21 %
12 %
0%
61 %
61 %
OUI : 85 %
Cette enquête n'a pas la prétention d'un sondage statistiquement
représentatif des milieux intéressés. Il est néanmoins instructif
par la qualité des personnes qui ont pris le temps d'y répondre,
par leur intérêt pour la question de la protection des parfums et
par la richesse des commentaires qui accompagnaient les
réponses. Elle confirme surtout la différence entre les opinions
privées et les opinions exprimées officiellement sur cette
question.
Chapitre 6.
Le parfum vu par
le juriste
Quelles que soient les réticences liées aux usages, il faut
rappeler que nous évoluons dans des systèmes de droit positif,
où le droit écrit prévaut sur les usages. Il convient donc
d'apprécier la portée des règles de droit, de façon objective,
avant d'analyser les conséquences de l'application de ces règles
de droits au domaine du parfum.
I.
Des préoccupations connexes au
Parfum
Le juriste n'est pas absent du domaine de la parfumerie.
Toutefois, lorsqu'il intervient, il s'agit toujours de traiter de
conflits touchant non pas au parfum lui-même, mais à des
éléments connexes : la marque, le conditionnement, le droit de
la concurrence, l'organisation de la distribution, et parfois
certains constituants brevetés.
Or, l'élément principal est bien le parfum - dans son acception
de "source olfactive" - lui-même : c'est donc le parfum qui est
digne de toute l'attention du juriste, au même titre que les
éléments connexes du "jus".
Le parfum en lui-même est un objet de droit, relevant selon sa
fonction principale du droit d'auteur, éventuellement cumulé au
droit des marques.
II.
Un raisonnement dévoyé
Le discours dominant est en substance le suivant : les parfums
ne sont pas protégeables, car on ne dispose pas d'instruments de
caractérisation ou de comparaison fiables.
Il s'agit d'un raisonnement dévoyé : le caractère protégeable
d'une œuvre ou un produit est lié à sa nature et à la portée des
dispositions législatives en vigueur.
La question de l'application de ces législations et de l'adéquation
ou non des instruments disponibles n'intervient qu'après qu'une
réponse ait été apportée à la première question.
III.
La démarche logique
La démarche rigoureuse consiste à analyser tout d'abord le
qualification juridique du parfum et des créations olfactives,
pour vérifier si d'une part elle relève du droit d'auteur, et si
d'autre part elle correspond à la définition de la marque.
Pour cela, il faut pouvoir répondre objectivement à ces deux
questions :
• Une création olfactive constitue-t-elle une œuvre de l'esprit,
portant l'empreinte du créateur ? Si la réponse est positive,
une création olfactive est régie par le droit d'auteur, et est
protégée par le droit d'auteur, sous réserve de vérifier les
critères habituels de validité.
Un parfum est-t-il susceptible constituer un signe permettant
de distinguer des produits et des services ? En cas de réponse
positive, le parfum peut constituer une marque, protégeable
au titre du droit des marques, sous réserve de respecter les
critères de validité habituels.
Une fois la réponse apportée à ces deux questions, il conviendra
d'examiner les conséquences du statut juridique ainsi admis, de
prendre en compte les éventuelles difficultés d'application, et de
proposer des solutions à ces difficultés d'applications.
•
IV.
Le parfum, sujet et objet
Le terme de "parfum" connaît plusieurs acceptions. Il désigne
aussi bien une composition odorante que l'odeur aromatique qui
s'exhale comme une fumée, comme une vapeur, d'un corps
odoriférant30. Pour éviter toute confusion, il convient de bien
distinguer les concepts suivants :
• le matériau physico-chimique, qui peut être un corps pur,
une huile essentielle, ou un composé chimique. Ce matériau
relève de la création technique, et peut d'ailleurs être breveté.
Citons parmi les brevets récents les phéromones brevetées
par la société EROX.
• La source odorante ou le parfum, qui est une composition
libre formée par l'association de la très riche palette de
matériaux dont dispose le créateur
• le message olfactif, qui émane de la source odorante qui va
être la cause du phénomène de conscience de la fragrance
30
Emile LITTRE, Dictionnaire de la langue française
la sensation qui est la réaction subjective résultant de la
stimulation sensorielle, et qui dépend notamment de
l'interprétation personnelle de chaque individu.
Cette ambiguïté terminologique se retrouve d’ailleurs pour
d’autres notions, et la même confusion existe pour le terme
" arôme "
La question juridique concerne la protection de la création de
sources sensorielles, notamment olfactives, délivrant un
message sensoriel - en particulier olfactif - nouveau et original.
Par analogie, la source odorante correspond à une œuvre
graphique, une peinture par exemple, délivrant un message
visuel qui peut être acquis et caractérisé, pour être comparé au
message visuel que fournirait une contrefaçon. Il importe peut
que la perception olfactive diffère éventuellement d'un individu
à l'autre. Il est important qu'une création olfactive émette un
message olfactif déterminé, qui puisse être caractérisé
objectivement, afin de pouvoir le comparer au message olfactif
émis par une composition arguée de contrefaçon.
Notons qu’en matière de créations olfactives, le même terme de
" parfum " désigne à la fois la source olfactive et le message
olfactif. Dans le présent texte, nous emploierons le terme de
" parfum " dans l’une ou l’autre de ces deux acceptions, le
contexte permettant généralement de lever l'ambiguïté. Par
ailleurs, nous éviterons d’utiliser le terme réducteur d’odeur, qui
est généralement employé en relation avec un composé simple,
et ne reflète pas la richesse du message olfactif d’un parfum, qui
ne peut être réduit à une odeur primaire mais au contraire évolue
dans le temps. Pour rester dans le domaine des précisions
terminologiques, nous utiliserons tantôt des termes génériques
•
concernant la création sensorielle englobant ses différentes
formes (olfactives, gustatives, etc.), et tantôt les termes
spécifiques à la création olfactive, correspondant à un sousdomaine de la création sensorielle. Ce sous-domaine est
probablement plus structuré en terme de marché et
d’organisation industrielle, sans pour autant que la
problématique juridique ne soit différente de la problématique
générale de la protection des créations sensorielles.
Section 2. Le parfum, création
artistique et œuvre de l’esprit
Le droit d'auteur a pris son plein essor pendant la Révolution
française 31, lorsque les privilèges des libraires furent abolis au
profit d'un "droit inviolable et sacré des auteurs en tout genre". Il
s'agissait d'une rupture avec la situation antérieure, illustrée par
l'affaire du "Barbier de Séville" où Beaumarchais se vît débouté
de ses prétentions d'auteur au profit des droits des comédiens,
interprètes de son œuvre 32.
Au 19ème siècle, la jurisprudence reconnaît le droit moral des
auteurs 33 au respect de la paternité et à l'intégrité de l'œuvre ,
ainsi que l'opportunité de sa divulgation.
31
Le Chapellier, rapporteur des décrets des 13-19 janvier 1791 et 19-24
juillet 1793
32
Arrêt réglementaire du 9 décembre 1780
33
Affaire LACORDAIRE et arrêt VERGNE
Le droit d'auteur actuel résulte de la loi du 11 mars 1957,
privilégiant la défense des œuvres de l'esprit et du génie de leur
créateur. Le droit d'auteur, dans sa conception française, naît de
l'acte de création d'une personne. Sa finalité première n'est pas la
protection économique, même si une telle finalité n'est pas en
opposition avec la protection de la création.
Sur le plan international, la Convention de Berne organise la
protection des œuvres de l'esprit.
I.
Qu’est ce qu’une œuvre
l’esprit ?
de
Le droit d'auteur protège l'auteur d'une œuvre de l'esprit, qui
devient un objet de droit du seul fait de sa création.
Contrairement aux brevets ou aux marques, le droit d'auteur naît
indépendamment de tout formalisme ou de dépôt.
En particulier, la fixation de l'œuvre, qui est une des difficultés
souvent mise en avant pour écarter le droit d'auteur en matière
de parfum, n'est pas une condition d'application du droit d'auteur
: un discours oral est protégé par le droit d'auteur, même s'il n'a
pas été fixé sur un support écrit. De même, un numéro de cirque,
une pantomime sont protégeables s'ils sont fixés d'une façon
quelconque (scénario, film, représentation, description, etc.).
A. L'œuvre protégée
L'œuvre de l'esprit protégeable par le droit d'auteur est
indissociablement liée à l'acte de création, impliquant un choix
libre de son auteur. La démarche créatrice doit traduire un
minimum de maîtrise du processus créatif. L'œuvre de l'esprit au
sens du droit d'auteur doit porter l'empreinte de son créateur.
Elle doit également pouvoir se concrétiser par une forme
sensible, c'est-à-dire perceptible par les sens.
L'œuvre ne doit pas nécessairement être immuable : une
sculpture "à géométrie variable", par exemple un mobile, ou une
œuvre composée d'éléments que le spectateur peut réorganiser,
sera protégée par le droit d'auteur, ainsi qu'une improvisation.
L'œuvre ne doit pas non plus nécessairement être achevée :
l'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation
publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la
conception de l'auteur 34.
L'œuvre est également protégée sans référence à son mérite. Une
œuvre de mauvais goût sera protégée au même titre qu'une
œuvre recueillant l'unanimité de la critique.
Pour être protégeable, l'œuvre doit répondre au critère
d'originalité, non pas dans son acception habituelle, mais
entendue comme portant l'empreinte de la personnalité de
l'auteur.
1) La définition juridique
L'article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit
que :
"L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul
fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif
et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre
34
Art. L.111-2 CPI
intellectuel et moral, ainsi que des attributs d'ordre patrimonial,
qui sont déterminés par la présente loi."
L'article L.111-2 précise que :
"les dispositions de la présente loi protègent les droits des
auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le
genre, la forme, le mérité ou la destination."
2) Le genre n'est pas protégeable
La protection d'une création n'empêche pas d'autres
compositeurs de créer à leur tour une œuvre relevant du même
genre, de la même tendance. La jurisprudence en matière de
droit de la propriété intellectuelle est constante quant à
l'exclusion de la protection du genre, des concepts et des
tendances. Le droit de la Propriété Intellectuelle admet sans
ambiguïté la coexistence de deux "vraies" créations, à condition
bien sûr que chacune de ces deux créations constitue une œuvre
impliquant un effort créateur, et portant "l'empreinte
personnelle" de son auteur.
II.
L'absence de formalités
Une des particularités du droit d'auteur est l'absence de
formalisme de dépôt. La plupart des autres droits de propriété
intellectuelle (marque, dessins et modèles, brevets) n'existent
qu'après l'accomplissement de formalités de dépôt auprès d'un
organisme habilité, l'Inpi pour les titres français, l'OEB pour les
brevets européens, l'Ohmi pour les marques communautaires,
l'Ompi pour les demandes de brevets PCT, les marques et les
dessins et modèles internationaux.
En matière de droits d'auteur, le dépôt ne constitue pas un prérequis ni une formalité attributive de droit.
Le droit naît de la simple création de l'œuvre par son auteur. Le
créateur peut certes recourir à des formes de dépôt, dont la
fonction sera simplement la constitution d'une preuve de :
- la date de sa création
- la nature de sa création
- l'auteur de la création (ou au moins de son dépôt).
Ce moyen de preuve est certes utile lorsqu'il y a des
contestations de la date ou de la nature de la création ou encore
de son auteur. Il s'agit toutefois de situation particulière qu'il ne
faut pas généraliser, ne serait-ce que parce que les droits sur la
création sont réputés appartenir à celui qui en a organisé la
divulgation, sauf preuve du contraire. Seul le créateur légitime
peut contester les droits de celui qui divulgue indûment l'œuvres
sous son nom.
Un tiers, en particulier un contrefacteur, ne pourra pas
développer une argumentation de défense sur la base d'une
contestation de la qualité de titulaire des droits.
Ainsi, dans le domaine du parfum, la question du dépôt qui est
souvent mise en avant est un faux problème, ou à tout le moins
un problème très secondaire.
III. La création, travail de laborantin
ou d’artiste ?
Comment mieux répondre à cette question que les auteurs de
l'"Essai sur l'art et la création en parfumerie 35", ou que le
célèbre parfumeur Edmond ROUDNITSKA 36 ?
" Notre recherche, purement intellectuelle, est le fruit d’une
laborieuse expérience n’ayant rien à voir avec la science ni
avec l’industrie. Nous composons avec un bloc de papier et avec
un crayon. Après avoir imaginé une forme olfactive, un thème
de parfum, nous inscrivons en colonne sur notre feuille, et de
mémoire (c’est-à-dire sans avoir besoin d’en vérifier
sensoriellement les odeurs respectives), les noms des produits
odorants qui, conjugués esthétiquement dans des proportions
que nous choisissons intuitivement, nous paraissent devoir
conduire à la forme olfactive imaginée.(…) Cette liste constitue
la formule originale de notre parfum, elle sera pesée pour
vérification et si elle a olfactivement notre agrément, elle
deviendra le scénario reconstitutif (comme la partition
musicale, comme le manuscrit de l’écrivain) qui permettra la
fabrication en grande série, la diffusion de notre parfum. "
Nul doute que le parfum est une création artistique, puisqu’il est
d’abord imaginé par son créateur qui procède à des choix de
nature esthétique avant de recouvrer une réalité matérielle. Cela
35
Questions de parfumerie, Jean-François BLAYN, Pierre BOURDON et al.,
Corpman Editions, 1988
36
Le parfum, E. Roudnistska, Que sais-je et "Une vie au service du parfum",
Thérèse Vian Editions
n’empêche pas le parfumeur de prendre en compte la qualité,
l’intensité, la volatilité et l’interaction des composants entre eux
lorsqu’il compose, comme un aquarelliste prendrait en compte
l’effet technique de la superposition des lavis.
Dans un reportage37 sur la société Guerlain, le journaliste
exprime sa surprise :
"Changement de décor dans le bureau de Jean-Paul Guerlain.
On imaginait le repaire d'un alchimiste, on découvre le havre
d'un gentleman-parfumeur"
IV. L’empreinte de la personnalité du
compositeur
En réponse, Jean-Paul Guerlain explique :
"Le travail de création d'un jus est quelque chose de très
solitaire et de très abstrait. Tout se passe là-dedans (en
désignant ses tempes blanches)"
Le caractère original est lié, dans la doctrine38 à la personnalité
de l'auteur. Il faut " établir le lien entre la personne de l’auteur et
l’œuvre qui en est le prolongement. "
Comment en douter, lorsqu'un parfumeur s'exprime sur son
métier :
" Composer des parfums ne se réduit pas à une activité
intellectuelle, à un jeu de l’esprit, c’est aussi, prosaïquement
37
Isabelle Raison, Reportages Insolites "Guerlain : au paradis des senteurs",
Valeurs Actuelles n°3218 du 1er août 1998
38
A. et H.-J. Lucas, ibid
exprimé : s’arracher les tripes, y mettre de soi-même. Il y a dans
la création un travail d’expulsion, d’accouchement, par lequel
le parfumeur donne aux autres quelque chose qu’il perd de
lui. 39"
Chaque parfumeur a son style, et il est généralement admis qu'il
est possible, pour un parfumeur averti, de deviner le nom du
compositeur d'un parfum qu'on lui présente. Le compositeur
laisse l'empreinte de sa sensibilité, comme le peintre laisse
transparaître sa personnalité, sa "touche" sur l'ensemble de sa
création, même si celle ci est variée et diversifiée.
Les parfumeurs du groupe du Colisée, bien que n'étant pas
juristes, l'expriment fort bien :
"En composant une odeur florale, le créateur ne se borne pas à
restituer l'odeur de quelques fleurs, mais c'est de sa vision et de
son rapport au monde, qui témoignera dans sa composition 40".
Jean-Paul Guerlain41 fait de du style Guerlain un signe de
reconnaissance générique des parfums de la société dont il est le
compositeur attitré :
Les parfums Guerlain ont tous un air de famille. La clé de
l'énigme est un accord secret à base de jasmin rehaussé de rose,
de vanille et de fève tonka que l'on retrouve dans chacune de
nos créations. C'est notre sceau olfactif, notre fil d'Ariane."
39
E. Roudniska, ibid
Questions de parfumerie, ibid
41
Cité dans Valeurs Actuels, ibid
40
V.
La terminologie
Bien que cela ne constitue pas une démonstration juridique, il
n'est pas sans intérêt de relever que la terminologie employée
pour la création de parfum est parfois identique à celle employée
pour la composition musicale.
"La parenté avec la musique s'impose surtout dans l'idée que le
parfum est un espace de temps olfactif émotionnel qui se
développe comme la mélodie musicale, dans l'ordre
chronologique et irréversible choisi par son créateur 42".
Le créateur de parfum que l'on appelle communément un "nez"
préfère de loin se faire appeler "compositeur" de parfum. Un
apprenti parfumeur s'entraîne à "faire des gammes".
Le compositeur dispose d'un orgue, meuble de présentation de la
gamme de composés à sa disposition pour exécuter une
composition nouvelle.
On parle également d'accords comme en musique :
"Le plus bel accord olfactif parfume fort bien comme, au même
titre, le plus ineffable des Rembrandt est parfaitement décoratif.
La volonté esthétique dépasse la fonction pratique ou utilitaire,
c'est là le véritable contenu du parfum.43"
Enfin, on parle de notes de tête, de cœur et de queue pour
désigner les évolutions de la perception olfactive d'un parfum,
voire de "faire ses gammes" pour un élève parfumeur.
42
Questions de parfumerie, Jean-François BLAYN, Pierre BOURDON, et
al., CORPMAN Editions
43
Questions de parfumerie, ibid
VI.
L'idée n'est pas protégeable
Pour autant, tout n'est pas protégeable. Un adage bien connu des
juristes rappelle que "les idées sont de libre parcours ".
La non-protection des idées, des concepts est un principe
général, qui s'applique bien évidemment au domaine de la
création olfactive. On ne saurait admettre qu'un parfumeur
s'approprie une tendance, pas plus que l'on ne peut admettre
qu'un publicitaire ne s'approprie une nouvelle stratégie
publicitaire ou qu'un designer ne s'approprie un nouveau style.
Pour illustrer cette limite du droit d'auteur, on pourra se référer à
une décision de la Cour d'appel de Paris44, dans un litige
opposant les ayants droits du dessinateur Cassandre à l'agence
Perceval Conseil. Cette agence avait réalisé une affiche
publicitaire pour la SNCF, représentant un bateau vu de face.
Les ayants droit de Cassandre considéraient que cette affiche
reprenait les éléments caractéristiques de l'affiche créée par
Cassandre pour le Normandie. La cour d'appel de Paris a rejeté
la demande en motivant ainsi sa décision :
"considérant qu'il convient d'observer que rien n'empêche un
artiste de traiter le même thème et d'utiliser les mêmes procédés
qu'un autre artiste, pourvu qu'il fasse œuvre originale et
personnelle ; que le fait que l'une des affiches fasse penser à
l'autre est sans importance alors qu'il est évident que l'idée qui
a inspiré les deux affichistes est la même ; que la figuration du
bateau qui est l'objet symbolisant le service vendu imposait ou à
tout le moins justifiait le choix du sujet; … considérant qu'en
44
Droit de la création publicitaire, Christophe BIGOT, LGDJ 1997
l'espèce, partant de la même idée à exploiter dans le même
secteur publicitaire, il n'est pas surprenant que les deux œuvres
présentent une certaine parenté ; qu'il convient de rechercher
s'il y a eu une reproduction des éléments caractéristiques de
l'affiche par lesquels Cassandre a personnalisé le thème de telle
sorte que l'impression d'ensemble soit exactement la même."
Cette distinction par le droit et la jurisprudence entre l'idée non
protégeable et la création formalisée, même à l'état d'ébauche,
devrait répondre aux craintes - légitimes - des professionnels de
la parfumerie de voire se multiplier des actions judiciaires
injustifiées. Le droit d'auteur est suffisamment mûr et subtile
pour distinguer le genre, la tendance ou l'idée et refuser sa
protection, tout en protégeant efficacement la création,
expression de la personnalité d'un créateur. Pour illustrer la
distinction entre l’idée non protégeable, et la création protégée
par le droit d’auteur, on peut se référer aux nombreuses
décisions rendues en relation avec l’emballage du Pont-Neuf par
le designer Christo. Le Pont-Neuf tel qu'emballé par Christo a
été reconnu comme une œuvre de l’esprit protégé par le droit
d’auteur, et son créateur a ainsi pu interdire la reproduction de
sa création sous différentes formes et sur différents supports. Par
contre, il n’a pas pu interdire la reprise de l’idée consistant à
emballer un monument pour en faire un objet artistique.
VII. La protection des prémices de la
création
La question qui peut se poser est celle du stade à partir du quel
une création mérite une protection, et devient une création
protégeable.
Là encore, il faut rechercher les analogies avec d'autres secteurs
de création.
Dans le domaine de la publicité, on admet que les "roughs" sont
des œuvres protégées par le droit d'auteur, dans la mesure où il
ne s'agit plus seulement d'une idée, mais d'une création ayant
reçu un commencement d'exécution incontestable45. De même,
le "story-board" d'un spot télévisé ou le format d'une émission
peut être protégé par le droit d'auteur, à condition que ces
éléments permettent d'appréhender l'œuvre créée par l'auteur.
L'article L-111-2 du Code de la Propriété Intellectuelle admet
que "l'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute
divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même
inachevée, de la conception de l'auteur".
Transposé au domaine du parfum, on peut admettre qu'un jus
soit protégé dès que le compositeur a établi la formule qui
permet d'exprimer sa volonté créative, même si des variations
ultérieures doivent intervenir dans la composition définitive
permettant de produire l'impression olfactive recherchée par le
compositeur.
La convention de Berne46 prévoit par ailleurs que :
45
46
ibid, p. 14
Article 2, Al. 2 de la Convention de Berne (révision de Paris)
Pour les législations des pays de l’Union (de Paris) la faculté de
prescrire que les œuvres littéraires ou artistiques ou bien l’une
ou plusieurs catégories d’entre elles ne seront protégées tant
qu’elles n’ont pas été fixées sur un support matériel.
Cette fixation peut prendre toute forme, notamment celle de la fixation sous
la forme d’une matière odorante.
Section 3.
création
I.
Les différents modes de
L’œuvre individuelle
Le code de la Propriété Intellectuelle prévoit que :
" l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul
fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif
et opposable à tous "
et précise que :
" l’œuvre est réputée créée du seul fait de la réalisation, même
inachevée, de la conception de l’œuvre ".
Souvent, la création est un travail solitaire. Le création est la
forme concrète que prend la pensée de l’auteur.
Dans le cas d’une création individuelle, quel que soit le statut de
l'auteur, qu'il soit salarié, indépendant, prestataire, le droit
d'auteur lui reconnaît l'ensemble des droits tant patrimoniaux
que moraux. Cette situation peut paraître surprenante. Un salarié
n'est-il pas payé pour faire son travail, et s'il s'agit d'un créateur,
pour créer ? Le droit en décide autrement, et protège l'auteur en
lui reconnaissant une situation particulière dérogatoire du droit
commun. Ceci explique pour partie les craintes des entreprises
de parfumerie. Ces craintes sont exagérées, car de nombreux
secteurs d'activités fonctionnent parfaitement nonobstant la
reconnaissance du statut spécifique de l'auteur salarié.
II.
L’œuvre de collaboration
Selon l’article L. 113-2 alinéa 1er, c’est l’œuvre à la création de
laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Cette
définition suppose que trois éléments soient réunis:
• que les participants soient des personnes physiques,
• que leur contribution soit de nature à leur donner à chacun la
qualité d’auteur et
• que leur participation soit concertée.
La propriété intellectuelle d'une œuvre de collaboration
correspond à une indivision. Chacun des auteurs est
copropriétaire indivis de l'œuvre de collaboration.
III.
L’œuvre collective
L’œuvre collective est, selon l’article L 113-2 alinéa 3 CPI
" l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou
morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et
son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers
auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en
vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à
chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. "
Cette qualification implique :
• qu'une personne physique ou morale soit à l'origine de la
création et ait vocation à exploiter l'œuvre créée à son
instigation
• que la fusion de la contribution personnelle de chacun des
auteurs soit tellement aboutie qu'elle fasse obstacle à
l'attribution d'un droit distinct à chacun des créateurs.
La tentation est forte, pour les entreprises, de qualifier toute
création de "création collective", et d'en conclure qu'elle est
seule propriétaire des droits. Cette solution permet certes d'éviter
la négociation de la cession des droits des créateurs ayant
contribué à la création. Elle n'est toutefois pas sans danger. Si,
par voie judiciaire, cette qualification de création collective est
remise en cause, l'entreprise ne dispose plus d'aucun recours est
se voit définitivement dépossédée de tout droit.
Aussi la prudence, outre l'application rigoureuse du droit,
consiste à n'invoquer la création collective que dans les cas où
les circonstances sont incontestables, et à recourir dans les
autres cas à l'organisation contractuelle des droits de chacun des
créateurs individuels ou indivis.
IV.
L’œuvre composite
L'œuvre composite est une œuvre définit par l'article L-113-2
CPI comme :
"l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre
préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière".
L'utilisation d'une œuvre préexistante constitue une atteinte aux
droits d'auteur relatif à celle-ci, et ne peut être envisagée qu'avec
l'accord de l'auteur de cette œuvre préexistante.
Section 4. Les difficultés
d’application du droit d’auteur
I.
La comparaison entre
parfums
deux
Il s'agit incontestablement du cœur du problème. Si aujourd'hui
il ne semble pas y avoir de réticences pour admettre que les
créations olfactives constituent des œuvres de l'esprit au sens de
la loi sur la Propriété littéraire et artistique, les avis sont très
réservés sur la possibilité d'apprécier la contrefaçon. M. Plaisant
a donné une excellente définition, selon laquelle "il y a
contrefaçon aussi longtemps que les traits caractéristiques de
l'œuvre contrefaite se retrouvent dans l'œuvre contrefaisante."
Pour compléter cette définition, rappelons que la jurisprudence
constante considère que "la contrefaçon s'apprécie en fonction
des ressemblances et non pas des différences".
La doctrine47 introduit une distinction entre la contrefaçon, qui
constitue un délit, et le plagiat, qui est moralement condamnable
mais juridiquement irréprochable. Le plagiaire reprend
seulement la substance d'une œuvre en lui apportant un tour
47
"Le droit des auteurs" R. PLAISANT
personnel. Il ne reproduit pas l'œuvre originale et ne se contente
pas de la copier.
Cette distinction est d'ailleurs parfaitement admise dans le
monde de la parfumerie, et d'instinct les spécialistes de la
parfumerie considèrent de façon relativement unanime que tels
parfums sont des imitations présentant une forte proximité
olfactive, mais ayant fait l'objet d'un vrai travail de création par
un compositeur qui s'est inspiré d'un parfum antérieur, et que
tels autres parfums sont des "copies pirates" indignes d'un
créateur ou d'une maison de parfumerie sérieuse, qui devraient
pouvoir être qualifiées de contrefaçon au sens juridique.
A. Les différentes formes de
contrefaçon
Il convient de distinguer différentes formes de copie de parfums
:
• l'exploitation d'une création olfactive sans autorisation de
l'auteur
• la copie d'une création olfactive.
1) La contrefaçon par
exploitation
La contrefaçon par exploitation non autorisée d'une création
olfactive peut résulter de deux démarches fautives.
La première consiste à outrepasser les droits accordés par
l'auteur d'une création. Le formalisme en matière de cession de
droits d'auteur exige l'énumération explicite des modes
d'exploitation pour lesquels les droits d'auteur sont cédés. Cette
énumération est limitative. Le cessionnaire des droits pour
certains modes d'exploitation devient contrefacteur s'il exploite
cette création selon d'autres formes. Cela pourrait se produire si
le cessionnaire des droits sur une composition olfactive originale
pour la parfumerie de luxe commercialisait d'autres produits
portant la même signature olfactive, par exemple des bains
moussant, des bougies, ou de la parfumerie d'ambiance.
La deuxième démarche fautive consiste à reproduire la création
olfactive pour fabriquer et commercialiser des knock-off. Les
méthodes d'analyse actuelles permettent de façon effective de
préparer des formulations qui produisent une fragrance identique
ou extrêmement voisine de celle d'un parfum original.
Ces deux démarches constituent des actes de contrefaçon
susceptibles d'être sanctionnés dans le cadre d'une action en
contrefaçon.
2) La copie par un autre
compositeur
La situation est différente dans le cas où un compositeur
s'inspire d'une fragrance pour créer sa propre composition
olfactive, dans la même tendance. En effet, le compositeur
second fait alors preuve d'une réelle création, portant son
empreinte personnelle. Il s'agit alors d'une œuvre nouvelle et
originale échappant au grief de contrefaçon.
La distinction majeure entre les comportements frauduleux et les
comportements licites est la présence ou non de l'empreinte de la
personnalité des deux compositeurs.
Cette distinction se retrouve dans tous les domaines de la
création. Rien n'empêche par exemple un photographe de
prendre une photographie d'une scène déjà photographiée, par
exemple des amoureux s'embrassant devant l'Hôtel de Ville de
Paris. Chaque photographe apportera sa touche personnelle,
même si le sujet de toutes ces photographies est commun.
Il en va différemment si un tiers reproduit par des moyens
mécaniques la célèbre photographie de Doisneau, par exemple
en la scannant ou en photographiant une épreuve de Doisneau.
B. Les solutions dans d’autres
domaines
L'application du droit d'auteur au domaine de la parfumerie est
nouvelle, et de ce fait soulève un grand nombre d'interrogation,
d'inquiétudes et de doutes.
Les problèmes et difficultés d'application ne sont pourtant, sur le
strict plan du droit, guère différents de ceux que l'on rencontre
dans d'autres domaines associant la création à une activité
économique soutenue.
1) Photographie
En matière de photographie, les relations entre les photographes
salariés ou indépendants et les éditeurs (agences de
communication, agences de presse, éditeurs,…) ont fait l'objet
non seulement d'une riche jurisprudence, mais également
d'usages bien établis.
A titre d'exemple, les bases de rémunération des droits
d'exploitation d'une œuvre de commande en matière de
photographie publicitaire ont fait l'objet d'un barème négociés au
sein d'une commission paritaire, barème qui fait partie intégrante
du code de la Propriété Intellectuelle.
Ce barème48 se fonde sur la valeur d'un point convenu librement
entre le producteur et l'auteur, et sur l'application de coefficients
dépendant de la forme d'exploitation.
Le rôle de l'Union des Photographes Créateurs est également
particulièrement important. Cette association représentative des
photographes mène un travail de réflexion, de sensibilisation et
de propositions en matière d'organisation des relations
contractuelles entre les créateurs et les producteurs.
2) Musique
Dans le domaine de la création musicale, on retrouve également
les problématiques évoquées :
- distinction entre création, imitation et contrefaçon
- relation entre des compositeurs de musique et l'exploitant des
droits, en particulier pour l'illustration musicale dans le domaine
de la publicité, de la communication et de l'édition multimédia.
3) Publicité
Le domaine de la publicité est certainement celui où les relations
entre les différents contributeurs ayant la qualité d'auteur, les
agences de communication et les annonceurs ont fait l'objet du
plus grand nombre de jurisprudences et de doctrine.
48
Décision du 23 février 1987 prise par la commission créée en vertu de
l'article L.132-31 du Code de la propriété Intellectuelle
Les organisations professionnelles représentatives des différents
acteurs concernés, tant des créateurs que des annonceurs et des
agences, ont établi en commun un "contrat type de commande et
de cession des droits d'une œuvre utilisée pour la publicité49"
ainsi qu'un "contrat type de production de films publicitaires50".
Sans aborder dans le détail les dispositions de ces contrats types
ni des discussions portant sur la portée de ces initiatives, la
démarche suivie constitue une voie intéressante car les contrats
types ont un effet normatif qui est admis et validé par une
majorité de professionnels, et peut servir de référence non
obligatoire pour la sécurisation juridique des relations entre les
différents partenaires d'un projet.
Une telle démarche pourrait être reprise par les différents
partenaires de la parfumerie, pour définir un cadre de référence
pour les relations entre compositeurs salariés ou indépendants,
sociétés de parfumerie et marques.
4) Design industriel
La coexistence de créateurs et d'entreprises exploitant
industriellement les créations existe à grande échelle dans le
domaine du design, notamment dans le domaine du mobilier, de
l'automobile, de la mode et des articles de sport.
L'organisation des relations entre les créateurs - dont le statut
d'auteur bénéficiant de la protection du droit d'auteur - et leurs
partenaires industriels ne met pas en cause le dynamisme de ces
activités, et les usages sont venus réguler les dispositions du
49
50
Accord du 2 février 1993
Accord du 13 juin 1988
droit d'auteur d'une façon satisfaisante pour l'ensemble des
parties.
I I . La comparaison entre
d'auteur et copyright
droit
Deux logiques, celle du droit d’auteur et celle du copyright,
coexistent en matière de protection des œuvres de l'esprit. On les
oppose souvent, alors quelles visent toutes deux à permettre aux
auteurs d’interdire la copie de leur création, et prévoient toutes
deux, certes à des degrés différents, des droits moraux et
notamment le droit à la paternité.
Le droit d’auteur privilégie la protection de l'auteur. Il évite un
transfert de droit sans le consentement explicite et volontaire de
l'auteur et rend inaliénables les droits moraux.
Le copyright privilégie l'investisseur. Il interdit la reproduction
non autorisée de la création, indépendamment de l'origine de la
création.
Cette conception a tendance à dominer l'évolution législative.
Les derniers textes législatifs résultant de la transposition de
directives communautaires montrent bien cette tendance. La loi
relative à la protection des bases de données vise clairement à
protéger l'investissement de la personne qui a constitué la base
de données, sans se préoccuper de sa qualité "d'auteur".
De même, la protection des logiciels prévoit des dispositions
relatives à la propriété des créations de salariés dérogatoires des
principes généraux du droit d'auteur.
Le copyright a néanmoins, comme le droit d’auteur, pour but
d’accorder " un monopole pour une durée limitée afin
d’encourager le développement des arts et des sciences 51".
La particularité principale concerne le statut des créations
réalisées par des salariés ou dans le cadre de commandes (work
made for hire). Il s’agit incontestablement d’une différence
essentielle, et il est fort probable que l’application de ces
principes dans les pays de droit d’auteur pallierait les réticences
des industriels de la parfumerie.
A. La création olfactive, une œuvre
de l’esprit
S'il est difficilement contestable que la création olfactive
constitue une œuvre de l'esprit, il convient d'en analyser les
incidences et spécificités par rapport à d'autres types de
créations.
Pour déterminer les droits portant sur une création olfactive et
sur lesquels s'exercent les attributs de l'auteur, il faut que
l'œuvres soit constituée sous une forme quelconque. La
protection s'applique à la "forme externe52" de la création, c'està-dire la forme sensible, intelligible par l'un de nos sens. La
création olfactive se traduit par une forme perceptible par l'un de
nos sens, l'odorat. La description de la forme olfactive et la
comparaison d'une forme olfactive présumée contrefaisante pose
par contre plus de difficultés.
51
Art. 1er sec. 8 de la Constitution américaine
Philippe GAUDRAT, Réflexion sur la forme des œuvres de l'esprit,
Mélanges en l'honneur de André Françon, DALLOZ 1995
52
III. Les difficultés la comparaison en
matière de créations sensorielles
On dispose d'un grand nombre d'outils pour caractériser des
créations faisant appel à aux trois sens mécaniques, ainsi que
pour en conserver une trace certaine. En matière de création
littéraire, l’œuvre créée peut-être identifiée et caractérisée de
manière univoque par sa transcription sur un support écrit, ou
par l’enregistrement de l’œuvre sous une forme orale.
En matière de création picturale, l’œuvre peut être identifiée et
caractérisée sans ambiguïté par sa reproduction photographique
par exemple. En matière de création musicale, l’œuvre peut être
identifiée par sa transcription sous forme de partition ou
l’enregistrement de sa représentation.
Le créateur pourra ainsi apporter la preuve de sa création, et
produire auprès du tribunal une représentation suffisamment
pertinente de la contrefaçon pour permettre au magistrat
d'exercer sa mission et de dire le droit à partir des éléments
incontestables, objectifs et comparables qui lui sont présentés.
En ce qui concerne les deux sens "chimiques" la situation est
moins aisée. En effet, les descripteurs nous manquent et la
crainte de la subjectivité de la caractérisation est fondée. La
difficulté majeure de l'application du droit d'auteur à la création
olfactive ou gustative est l'absence de moyen objectif de
caractérisation d'une odeur ou d'un goût. On pourrait certes
confier le travail de caractérisation et de comparaison entre une
création et une contrefaçon potentielle à un expert. Mais il va
sans dire que dans de nombreux cas, les avis des experts
divergeront. De plus, un expert ne pourra pas fournir au
magistrat un rapport objectif et technique. Il donnera son
opinion sur le fait qu'il s'agit ou non d'une contrefaçon, se
substituant ainsi au rôle du magistrat qui seul à reçu délégation
de l'état régalien pour dire le droit. C'est donc à juste titre que
dans l'affaire "PARFUMS DE LAIRE", les magistrats ont évité
de se prononcer sur la seule base d'affirmation d'un expert.
Notons toutefois que la situation n’est pas aussi tranchée qu’elle
en a l’air : la caractérisation d’une œuvre musicale n’est pas
toujours objective et univoque, et peut présenter les mêmes
difficultés que la transcription d’une œuvres sensorielle. Prenons
l’exemple de certaines œuvres contemporaines dodécaphoniques
ou de musique sérielle : les transcriptions habituelles sous forme
de partition ne sont pas adaptées, et les auteurs ont construit
leurs propres règles de transcription de leurs œuvres. Ces règles
de transcription sont loin d’être universelles et lisibles par les
tiers, sans pour autant qu’il soit dénié la qualité d’œuvre de
l’esprit à ses compositions. Il ne viendrait à personne de nier la
qualité d'auteur d'une œuvre de l'esprit à des artistes tels que
Pierre Boulez, Iannis Xenakis ou Udo Zimmermann dont les
créations ne peuvent pourtant pas faire l'objet d'une transcription
sous des représentations habituelles telles que des partitions. Par
ailleurs, la transcription sous forme d'enregistrement sonore
d'une représentation de ces œuvres présente les mêmes
imperfections que la retranscription d'une fragrance à l'aide de
méthodes qui seront développées dans la suite de cet article.
Jean Ousset53 a analysé le rôle de l’intermédiaire chargé de
représenter l’œuvre originale. Il rappelle que le bon interprète, le
bon lecteur, le bon acteur, le bon chef d’orchestre, le bon
enregistrement, le bon traducteur, sont ceux qui expriment le
plus exactement, le plus fidèlement, ce qu’est l’objet de la
création, ce que l’auteur a voulu exprimer. Un aphorisme italien
" traduttore, traditore " (traducteur = traître) est peut être
excessif, mais exprime la distance entre une œuvre et sa
représentation par un intermédiaire. Pourquoi serait-on plus
exigeant dans la fidélité et la qualité de la caractérisation d’un
parfum, qui est sa représentation objective sous une forme
appréhendable intellectuellement, que pour la représentation
d’une création musicale ?
Les difficultés de caractérisation d’une création sensorielle ne
doivent pas conduire à une exclusion du droit d’auteur, et ce
d’autant moins que le droit d’auteur s’applique expressément à
des œuvres de l’esprit qui dans certains cas sont tout aussi
difficiles à caractériser, et pour lesquels on ne dispose pas non
plus de descripteurs universels.
A. Les moyens pour éclairer le
magistrat
Pour permettre une application rigoureuse et effective du droit
d'auteur en matière de création olfactive, il est nécessaire de
pouvoir fournir au juge les éléments lui permettant de se
prononcer. Il ne s'agit pas de substituer au magistrat un expert. Il
53
"A LA DECOUVERTE DU BEAU", Jean OUSSET 1971, Ed.
MONTALZA
s'agit d'une dérive qui se rencontre de plus en plus souvent, et
qui est regrettable. L'appréciation du droit et la décision
judiciaire est un attribut réservé au juge, qui ne peut se
décharger de cette responsabilité sur un tiers, aussi qualifié soit
il dans son domaine d'expertise technique.
Ce tiers doit fournir au magistrat les éléments d'appréciation
objectifs permettant à ce dernier de dire le droit. Pour cela,
divers moyens sont envisageables.
1) Les analyses sensorielles
Une autre famille de méthodes rigoureuses et parfaitement
adaptées à l'analyse des ressemblances entre deux parfums est
constituée par les méthodes d'analyse sensorielle. On entend par
"analyse sensorielle54" l'examen des propriétés organoleptiques
d'un produit sur les organes des sens.
L'analyse sensorielle n'est pas une méthode arbitraire mais obéit
à des règles scientifiques rigoureuses, faisant l'objet de normes
internationales. Elle fait appel selon le cas à différentes
catégories de sujets sensoriels :
• sujets "naïfs" n'ayant jamais participé à un essai sensoriel et
ne répondant à aucun critère particulier,
• sujets "experts" qui est un sujet qualifié ayant une excellente
acuité sensorielle et qui est entraîné à l'utilisation des
méthodes d'analyse sensorielle et capable d'effectuer de
façon fiable une analyse sensorielle,
54
Norme internationale ISO 5492 "SENSORY ANALYSIS VOCABULARY"
sujets "experts spécialisés" qui est un sujet expert ayant de
plus une expérience complémentaire de spécialiste du
produit et qui est capable d'évaluer ou de prévoir les effets
inhérents aux variations dues aux matières premières,
recettes, vieillissements, etc.
La méthodologie de conduite d'une analyse sensorielle est
décrite notamment dans un guide reproduisant la norme
internationale ISO13299, décrivant les étapes à suivre lors de
l'établissement d'un profil sensoriel, c'est-à-dire de l'analyse
descriptive d'un produit par les organes des sens. Cette
méthodologie concerne notamment le choix des sujets
sensoriels, la préparation de ces sujets, la préparation des
échantillons, la préparation des descripteurs et des ordres de
perception, la conduite des opérations et l'interprétation des
résultats.
Ces méthodes permettent d'établir par une approche basée certes
sur des sujets humains ayant inévitablement une perception en
partie subjective, une analyse comparative de plusieurs sources
sensorielles. Elles permettent de fournir au magistrat des
résultats objectifs qui lui permettront d'apprécier le degré de
ressemblance entre une création originale, et un produit argué de
contrefaçon, et d'apprécier ce degré de ressemblance en
comparaison avec le degré de ressemblance admis pour des
produits coexistants sans contestation.
•
2) Les mesures physicochimiques
Une première approche découle des progrès réalisés en matière
d'analyse sensorielle, à l'aide d'équipements appelés "capteurs
d'odeurs". Ces équipements, qui sont loin d'être parfaits et
notamment ne peuvent pas prétendre à la sensibilité et aux
performances de l'organe sensoriel humain.
3) Fonctionnement des " nez
électroniques "
Les équipements de métrologie neuro-sensoriels mettent en
œuvre des capteurs sensibles au message olfactif qui émane de
la source odorante, et non pas à la composition de ladite source
odorante. Ces 55équipements comportent une tête d'analyse
constituée d'une pluralité de capteurs, et un calculateur assurant
un traitement du signal délivré par ces capteurs.
Les capteurs sont issus de différentes technologies présentant
chacune un domaine olfactif de prédilection. Il s'agit de semiconducteurs à adsorption de surface, de capteurs à onde de
surface, de polymères conducteurs ou encore de capteurs
enzymatiques. Ces capteurs délivrent un signal électrique
fonction du temps et de la concentration et de la composition du
message olfactif émanant de la source odorante placée dans la
tête d'analyse. Ces signaux électriques sont numérisés et traités
pour les rendre représentatifs du message olfactif et exploitables
55
ANALYSIS MAGAZINE, 1996, Vol. 24, N°8 ANDRE, SAVIN,
DUHAMEL, KANFOUDI
à des fins de comparaison ou d'archivage. Cette approche a
notamment été employée pour le dépôt des premières marques
olfactives56, en cours de d'examen par l'Inpi, l'Ohmi et l'Ompi.
Les principaux types de capteurs mis en œuvre par les nez
électroniques actuels sont :
• Les semi-conducteurs dopés, constitués d'un substrat
céramique chauffé par une résistance, sur lequel est déposé
un matériau semi-conducteur (généralement l'oxyde d’étain),
dopé par certains métaux afin de décaler le spectre de
sensibilité aux différents composés chimiques. Le décalage
peut également s'effectuer par chauffage du substrat à une
température variable (50 à 400 °C). La taille des particules
influe de manière notable sur la sensibilité et la sélectivité.
La résistance électrique diminue donc de manière nonlinéaire avec l'adsorption momentanée et réversible de
composés volatils en surface. La sensibilité de ce type de
capteur est très bonne, ils ne craignent pas la vapeur d'eau, et
sont particulièrement robustes ; Ils nécessitent par contre une
durée de récupération importante pour certains composés, et
présentent une médiocre spécificité, et une sensibilité
excessive à l'éthanol, ce qui conduit les détracteurs des nez
électroniques à les qualifier " d’éthylomètre ou d’alcootest™
à 500.00 F "
• Les cristaux piézo-électriques, dénommés souvent quartz,
ont la propriété d'avoir une fréquence de résonance (définie
par leurs propriétés mécaniques)très stable lors de la
propagation d'ondes volumiques à l’intérieur du cristal.
56
marque française n° 97698179 et n° 97658685
•
L'utilisation la plus classique de ces cristaux est en référence
de fréquence ou de temps. La fréquence de résonance de ce
cristal est modifiée par tout composé volatil qui vient
s'adsorber à la surface de la membrane. Ces capteurs
réagissent donc en fonction du poids moléculaire des arômes
détectés. Leur réponse est généralement spécifique à certains
gaz, et la sélectivité liée à la lipophilie des molécules
hydrophiles (éthanol, méthanol, eau...). L’inconvénient de
ces capteurs est leur sensibilité à divers paramètres difficiles
à contrôler.
Les résonateurs à Onde Acoustique de Surface présente un
fonctionnement très proche de celui des cristaux piézoélectriques, mais les oscillations (ondes de Rayleigh) sont
transmises par le champ électrique créé par les électrodes
déposées à la surface du solide, et non pas à l'intérieur du
cristal, avec une fréquence caractéristique de 100 à 1000
mégaHertz. Leurs propriétés de conduction des ondes sont
modifiées par la présence de molécules étrangères (capteurs
de type gravitationnels). Le décalage de fréquence induit est
en relation avec un coefficient de partition standard qui
donne le rapport de la substance analysée entre la phase
vapeur et la phase stationnaire. Les principales limitations
actuelles des capteurs sont un problème d'interchangeabilité
entre capteurs de même série, et un manque de
reproductibilité dans les dépôts de membranes et des
difficultés de désorption de certains composés pour les
capteurs "froids". Les polymères conducteurs sont formés
par une membrane lipidique multicouche (dont le
fonctionnement ressemble théoriquement à celui du nez
humain) fonctionnent suivant le principe du changement de
résistance électrique dans cette membrane, en fonction des
molécules adsorbées à sa surface. Il existe différentes
membranes de sensibilités différentes suivant les groupes
fonctionnels utilisés. Ils sont linéaires seulement avec les
composés polaires, et leur réponse étant indépendante de la
longueur du polymère, ce qui autorise la miniaturisation.
Leur principal avantage est de fonctionner à température
ambiante.
Malgré leurs défauts, les nez électroniques actuels présentent, au
regard de la caractérisation à des fins juridiques, deux atouts
majeurs :
• l'objectivité de la mesure, en raison de l'absence de référence
culturelle susceptible de fausser l'analyse par une
interprétation personnelle
• la forme du résultat qui est signal numérique absolu, dont il
est possible d'assurer la pérennité et la reproductibilité.
A ce titre, et quelles que soient les imperfections des
équipements actuels, la métrologie sensorielle constitue un
moyen permettant au moins de confirmer la comparaison de
deux parfums réalisés par d'autres méthodes, et de supprimer la
subjectivité et l'absence de référentiel absolu de ces autres
méthodes.
Cette méthode permet d'une part de réaliser une caractérisation
objective d'un parfum original et d'un parfum argué de
contrefaçon. Il permet d'autre part de réaliser un positionnement
relatif de différents parfums, sous une forme graphique
permettant d'apprécier plus facilement la proximité olfactive de
différents parfums, et en conséquence de déterminer si un
produit argué de contrefaçon apparaît comme anormalement
proche d'un parfum original. Des sociétés comme ALPHAMOS,
AROMASCAN, FOS, NEOTRONICS ou TECHNOCHROM
proposent des équipements utilisés essentiellement pour le
contrôle de qualité de matières olfactives, mais qui ont donné
pour certains des résultats fort intéressants pour la
caractérisation et la comparaison de parfums.
Marque olfactive déposée au nom de Pierre BOURDON, utilisant une
caractérisation par capteur d'odeur
B. Les descripteurs
Une autre approche complémentaire consiste à faire appel aux
descripteurs admis par la profession. Il existe plusieurs séries de
descripteurs. La SFP (Société Française des Parfumeurs) a
élaboré une classification basées sur 5 groupes principaux
subdivisés en classes. Le recours à une classification admise de
descripteurs peut constituer un complément aux méthodes
précédemment évoquées. Toutefois, de l'opinion de l'auteur, de
telles classifications sont forcément réductrices, et ne permettent
pas de caractériser avec suffisamment de finesse et de précision
la richesse du domaine olfactif. Edmond ROUDNISTSKA57 lui
même affirmait : "Je ne me suis pas risqué jusqu'ici, faute d'un
fondement solide, à proposer un classement des odeurs. Nos
critères sont trop vagues, nécessairement personnels,
inévitablement discutables. Tant que des points d'appui
scientifique irrécusables ne nous seront pas fournis, nous serons
limités à une terminologie empirique, présentant seulement une
utilité pédagogique si elle s'assied sur une expérience valable."
De fait, le recours à ces classifications n'est ni plus ni moins une
façon informelle de procéder à une analyse sensorielle.
1) La convergence de différentes
approches
Prétendre aujourd'hui qu'une méthode de caractérisation domine
par ses performances toutes les autres serait une erreur.
57
L'INTIMITE DU PARFUM
Dénier toute crédibilité à ces méthodes, ou prétendre que les
déficiences de ces méthodes constituent un obstacle
insurmontable à la caractérisation et à la comparaison des
formes olfactives serait tout aussi erroné.
La convergence des différentes méthodes constatée dans le
cadre de vérification expérimentales montre que nonobstant les
critiques que l'on peut émettre sur les méthodes employées, le
résultat fourni par chacune des méthodes est cohérent avec les
résultats fournies par les autres méthodes.
Cette convergence permet d'éliminer les lacunes spécifiques des
différentes méthodes employées et valide les résultats qui
pourraient être contestés s'il n'étaient pas confortés par les
résultats d'autres types d'analyse.
On peut par exemple critiqué l'objectivité des analyses réalisées
par des panels sensoriels. Il est admis par contre que de telles
analyses sont représentatives de la perception humaine.
On peut également s'interroger sur la reproductibilité, la
transposabilité en terme de perception et les fondements
scientifiques des analyses réalisées par chromatographie ou par
des capteurs d'odeur. par contre, il sera difficile de nier l'absence
de subjectivité de ces méthodes.
Si la mise en œuvre de ces différentes méthodes aboutit à une
même tendance, on peut admettre qu'il existe un faisceau
d'indice que le magistrat pourra utiliser pour apprécier la
ressemblance de deux formes olfactives.
2) Une proposition de méthode
Pour vérifier la ressemblance de deux formes olfactives et
établir une démonstration crédible et exploitable de la proximité
olfactive de deux formes olfactives, la voie la plus sûre consiste
donc à associer plusieurs types d'analyses réalisées selon des
protocoles raisonnablement rigoureux. Parmi les types d'analyse
mis en œuvre, il est recommandé d'utiliser :
• l'analyse sensorielle par "sniffing58" par un panel respectant
un protocole normalisé, afin de prendre en compte la
perception "humaine" par des sujets experts et par des sujets
non entraînés
• la chromatographie en phase gazeuse59, qui permet d'établir
une comparaison objective, selon des procédés bien connus
des spécialistes de l'analyse des matériaux odorants.
• Les capteurs d'odeurs60, fournissant des résultats plus
proches de la perception humaine que de la composition
chimique du matériau odorant analysé.
Eventuellement d'autres méthodes comme la résonance
magnétique nucléaire, le couplage entre la chromatographie en
phase gazeuse et de la spectrométrie de masse ou la
spectrométrie infrarouge, peuvent venir compléter ces méthodes.
58
E. Guichard, Analyse sensorielle par sniffing, Les arômes alimentaires, Tec
& Doc - LAVOISIER, 1992
59
D. LAMPARSKY, Méthode d'analyse des arômes alimentaires, ibid
60
Sniffer 9000 system, TECHNOCHROM, 43, rue des Violettes 68390
SAUSHEIM
3) Le rôle de la profession
Les différents acteurs de la parfumerie auront un rôle à jouer,
notamment en préconisant des méthodes qui leur apparaîtront
conformes à leur perception du problème de la protection des
créations olfactives et de l’appréciation des limites entre
l’acceptable et la contrefaçon. Certaines organisations comme le
syndicat national des fabricants de produits aromatiques
(Prodarom) ont d’ailleurs d’ores et déjà entamé une réflexion sur
les méthodes de caractérisation de créations olfactives.
IV. Les difficultés
caractérisation
liées
à
la
L’une des raisons mise en avant par les opposants à la protection
des créations sensorielles par le droit de la propriété
intellectuelle est la difficulté de caractériser rigoureusement de
telles créations. L’enquête réalisée dans le cadre d’un mémoire
de DESS, ainsi que les différentes discussions publiques ou
privées sur cette question, a fait souvent ressortir un argument
tel que " le parfum n’est pas protégeable car on ne peut pas le
déposer ".
A. Le caractère facultatif du dépôt
Il faut tout d’abord rappeler qu’en matière de droit d’auteur, le
dépôt ne constitue pas une formalité constitutive de droit. Le
droit d’auteur existe du seul fait de la création de l’œuvre, sous
une forme suffisamment aboutie pour être identifiable.
1) Le dépôt, moyen de preuve
L’éventuel dépôt, en ce qui concerne le droit d’auteur, n’a pour
but que de faciliter la preuve par l’auteur ou son ayant-droit de
la date et de la nature de la création.
Ce dépôt peut présenter un intérêt certain pour des œuvres
n’ayant pas encore fait l’objet d’une divulgation, ou pour
laquelle il existe une contestation quant à son auteur.
Ces cas sont toutefois exceptionnels et ne concernent pas la
grande majorité de contrefaçons portant sur des parfums déjà
commercialisés, dont l’origine et la date de lancement, ainsi que
la forme olfactive ne peuvent être contestées.
B. Similitude avec d’autres
domaines
La difficulté technique de la caractérisation d’une forme
olfactive n’est d’ailleurs pas exceptionnelle. Une telle difficulté
se rencontre pour d’autres formes de création, où la description
est difficile en raison de la nature de l’œuvre ou des lacunes des
outils de descriptions.
1) La musique avant la
découverte de l’enregistrement
La protection de la musique par le droit d'auteur n'a jamais
soulevé de problème, même lorsqu'il n'existait, pour la
"fixation" de l'œuvre que :
• le moyen indirecte de la partition
• le moyen indirect de la représentation orchestrale ou vocale.
La partition présente par rapport à l'œuvre musicale les mêmes
caractéristiques et lacunes que la formule pour une création
olfactive. Dans les deux cas, il ne s'agit que d'une fixation
indirecte de la forme créative perceptible par le sens auquel
s'adresse la création, l’ouïe dans le premier cas et l'odorat dans
le second cas.
Certes, la partition correspond à une codification plus
universelle que ne l'est une formule olfactive. Encore faut-il
rappeler que certains genres musicaux, le chant grégorien ou la
musique dodécaphonique, donnent lieu à des conventions de
notation inhabituelles et inconnues du profane.
On peut aussi représenter la forme musicale par des spectres
sonores, dont l'interprétation et la compréhension n'est ni plus ni
moins facile que des spectres de chromatographie ou des
représentations graphiques issues de capteurs d'odeurs.
2) Les œuvres picturales avant
l’invention de la photographie
De la même façon, il ne serait venu à personne l’idée de nier la
protection par le droit d’auteur d’une œuvre picturale du fait de
l’impossibilité de déposer une représentation, avant l’arrivée de
la photographie.
Encore aujourd’hui, la création graphique peut revêtir des
formes rendant difficile la représentation en vue d’un dépôt, et
encore plus d’un dépôt permettant aisément d’en faire des
reproductions en vue de la présentation d’une copie du dépôt à
un tribunal. Des œuvres holographiques peuvent constituer une
œuvre graphique incontestable, bien que la reproduction de
l’hologramme original en vue de son dépôt soit une opération
fort malaisée.
C. Quelques suggestions pour fixer
l’œuvre olfactive
Toutefois, lorsqu'une telle fixation s’avère nécessaire pour une
création olfactive, les moyens existent, même s’ils ne sont pas
aujourd’hui totalement satisfaisant pris isolément.
Une telle fixation peut s’avérer utile pour constituer la preuve de
la date, de la nature et de l’auteur d’une création originale avant
son exploitation. Cette situation se rencontre par exemple dans
la phase de proposition de nouvelles fragrances, ou pour les
parfums qui ne sont pas immédiatement mis en lancement
commercial.
Elle est également nécessaire en vue du dépôt à titre de marque.
1) L’identification par des
descripteurs
Même si les descripteurs sont insuffisants pour caractériser
complètement une forme olfactive, ils constituent une aide
précieuse, dans la mesure où ils s’expriment par des termes
suffisamment imagés pour que toute personne puisse les
interpréter au moins approximativement. Ils sont donc utiles
pour compléter la représentation graphique d’une marque
olfactive, et aussi pour la comparaison entre un produit odorant
argué de contrefaçon, et une forme olfactive protégée.
L’industrie de la parfumerie emploie depuis de longues années
différents systèmes de descripteurs. Outre celui proposé par la
SFP, on peut mentionner le livre de référence de S. Arctander
utilisant plus de 200 termes pour qualifier 2600 composés, ou
celui employé par la société Firmenich utilisant une liste de 32
notes pour décrire 630 composés.
Différentes études font état de la convergence de ces systèmes
de descripteurs, et des ressemblances avec la rosace empirique
des parfumeurs. Le laboratoire de physiologie neurosensorielle
animé par les professeurs Maurice Chastrette et André Holley se
sont en particulier penchés sur la question de la représentation
de l’espace olfactif.
a) Chromatographie en
phase gazeuse
La chromatographie en phase gazeuse est réalisée à l’aide d’un
équipement comportant une colonne à l’intérieur de laquelle
circule le fluide à analyser, injecté avec un gaz vecteur inerte. La
colonne contient une phase liquide qui retient les composants en
fonction de leur volatilité. La colonne est chauffée, de façon à
permettre l’ajustement de la diffusion. A l’extrémité de la
colonne, différents types de détecteurs mesurent la concentration
de produits élués. L’analyse des signaux fournis par ces
détecteurs, et de leur variation temporelle, permet de réaliser un
graphe et de déterminer la composition du produit odorant
analysé, à partir de la lecture des pics correspondant à des
composés connus.
Ce procédé est couramment employé en parfumerie, et permet,
selon les dires de certains " nez " de sociétés de distillation,
d’identifier avec une précision raisonnable et en un temps bref la
composition d’un parfum inconnu.
b) Formule
La formule d'un parfum pourrait être assimilée à la partition
d'une œuvre musicale. Elle détermine de façon indirecte la
nature de l'œuvre, qui ne sera perceptible qu'après
l'interprétation par un parfumeur. Néanmoins, la formule d'une
création olfactive permet de fixer de façon relativement
reproductible l'objet de l'œuvre créatrice du compositeur.
La formule d'un parfum présente certes des lacunes. D'une part,
les composants peuvent varier en fonction du lieu de récolte, de
la qualité de la récolte, etc.
D'autre part, une même forme olfactive peut résulter de
différentes compositions.
La formule permet donc de "fixer" de façon satisfaisante la
création d'un compositeur. Elle ne permet pas toujours de
décrire totalement la forme olfactive, indépendamment de la
composition produisant la forme olfactive originale.
La formule constitue en conclusion un outil admis par la
profession de la parfumerie, donnant la possibilité de fixer au
moins une composition permettant de représenter une forme
olfactive originale pour laquelle le compositeur ou son ayantdroit détient un droit d'auteur.
c) Head-space
Le principe du head-space est une variante de la
chromatographie en phase gazeuse. Il consiste à prélever l’air au
voisinage d’une matière odorante, pour l’analyser par CPG.
Pour concentrer la teneur en particules odorantes, il est possible
de faire circuler un gaz inerte et de recueillir le flux d’air dans
du fréon 11 ou dans un concentrateur cryogénique.
Cette analyse est représentative du parfum tel qu’il est perçu
" au débouché ". Le head-space est considéré par l’industrie de
la parfumerie comme un outil particulièrement prometteur et
fidèle.
Section 5.
distinctif
I.
Le parfum, signe
L'idée fait son chemin
Dans certaines applications, les créations olfactives remplissent
par ailleurs la fonction d'une marque. Elles constituent un signe
susceptible de distinguer un produit ou un service. En 1997, la
première marque olfactive a été publiée au bulletin officiel de la
Propriété Industrielle. Aujourd'hui, même si l'Inpi ne s'est pas
encore prononcée sur la validité de cette marque, l'idée d'une
protection des créations olfactives par le droit de la propriété
intellectuelle progresse.
Le groupe L'Oréal, au départ réticent à l'enregistrement d'une
marque olfactive, a déposé en novembre 1997 deux marques
olfactives61 au nom de sa filiale Lancôme, suivant ainsi de
quelques semaines un autre dépôt d'une marque olfactive62 par
un grand compositeur de parfums français.
II.
Les oppositions subsistent
Outre les réticences générales de certains acteurs de la
parfumerie à l'application du cadre législatif aux créations
olfactives, les spécialistes du doit des marques émettent des
réserves à l'idée de la marque olfactive.
Une première objection résulte de la difficulté de réaliser une
représentation graphique d'une odeur. Cette objection sera
analysée en détail.
Une deuxième objection concerne la fonction d'une composition
olfactive. Une marque est définie comme un signe susceptible
de distinguer un produit ou un service de ceux des tiers. Il est
pourtant difficile de contester qu'une odeur peut remplir cette
fonction. Les spécialistes du marketing développent depuis
quelques temps des travaux sur l'utilisation des odeurs pour la
"signature" de produit ou de services. La question est peut être
plus délicate en ce qui concerne les parfums eux-mêmes :
l'odeur, au sens de "message olfactif", est-elle seulement la
substance du produit, ou constitue t-elle également la signature
de ce produit, qui permet de le distinguer de tous les autres
parfums ? Notre opinion est que la fragrance d'un parfum
61
62
Marques françaises n° 97705451 et 97705450
Marque française n° 97698179
remplit les deux fonctions, et on ne peut donc pas contester
qu'elle constitue la signature du parfum. Elle remplit totalement
la fonction de "distinguer" un parfum parmi les parfums
exploités par des sociétés concurrentes.
III.
Qu’est ce qu’une marque ?
A. Définition de la loi
Le Code de la Propriété Intellectuelle définit à l'article L-711-1
les signes enregistrables au titre de marque de la manière
suivante :
"La marque de fabrique, de commerce ou de service est un
signe :
• susceptible d'une représentation graphique
• servant à distinguer les produits ou services d'une personne
physique ou morale."
Suit une énumération non exhaustive ("peuvent notamment
constituer un tel signe...") de signes enregistrables, prévoyant
notamment la marque sonore.
Il est donc clair que la marque olfactive n'a pas été formellement
exclue par le législateur.
Pour la clarté de la discussion qui va suivre, il nous semble
important de rappeler que les dispositions de l'article L-711-1
prévoit deux notions :
• la notion de "signe" qui est l'objet même de la protection
reconnue par le Code de la Propriété Intellectuelle
• la notion de "représentation graphique", qui est la
transposition du "signe", en vue de permettre les opérations
matérielles de dépôt et de publication de la marque en vue de
l'information des tiers.
En l'occurrence, le "signe" est une fragrance, à laquelle le sens
olfactif humain est sensible. Pour permettre le dépôt des
premières marques olfactives, le signe olfactif a fait l'objet d'une
représentation graphique sous forme de matrice colorée ou de
graphe. Bien entendu, la protection est recherchée non pas pour
cette matrice colorée ou pour le graphe, mais pour la fragrance
dont cette matrice est simplement une transcription univoque et
conforme aux critères prévus par le législateur.
B. Évolution des marques
Les signes constituant des marques ont évoluées au fil du temps.
A l'origine, une marque était souvent constituée du nom
patronymique du fondateur de l'entreprise : Renault, Michelin,
Gallimard, Fragonard ou correspondait à un pseudonyme :
Caran d'Ache, Lolo Ferrari.
Cette personnalisation absolue de l'entreprise pose bien sûr un
problème lorsque l'entreprise change de mains. Aussi, des
marques plus anonymes ont été choisies : l'Hirondelle pour des
bicyclettes, Naf-Naf pour des vêtements, Banania pour des
boissons chocolatées, Wonderbra pour des sous-vêtements
féminins.
Petit à petit, la fantaisie a gagné les créateurs de marques, qui
ont proposé des noms arbitraires : Kodak, Plip, Carambar,
Xantia, Wanadoo, Amarys, voire des slogans : Aussi bon cru
que cuit, qui l'eut cru ?, La voiture à vivre, Avec Carrefour, je
positive, ou des jeux de mots : L'eau d'Issey.
Les formes et les couleurs sont venus compléter la palette des
signes servant à créer une identité d'un produit ou d'un service :
les trois bandes d'Adidas, le jaune Kodak, la couleur rose pour
de la levure ménagère, la forme "carré avec des oreilles" du Petit
Lu, le coquillage de la Shell, et même le tatouage en forme de
tête de loup de Johnny Hallyday.
Plus récemment, l'espace de créativité s'est enrichi des marques
sonores : le rugissement du lion de la MGM, le sonal de Dim,
voire, dans certains pays, le bruit caractéristique de la Harley
Dawidson.
Après avoir été cantonné à des signes perceptibles par la vue, la
marque a gagné le terrain des signes perceptibles par l'ouïe.
L'étape suivante est logique : utiliser les signes perceptibles par
nos autres sens, notamment l'odorat. Ce sens est
particulièrement adapté car la mémoire olfactive est souvent
associée à une émotion : tout publicitaire ne rêve t-il pas de
créer un lien étroit entre des émotions et un produit ou un
service ?
Cette élargissement de la palette des marques est réjouissante :
ne risquons nous pas d'être condamné, devant l'encombrement
des marques "classiques", à ne plus subir que des marques
banales telles que "Le Grand Stade" ou "La Très Grande
Bibliothèque" ?
L'utilisation de signatures olfactives n'est de fait pas nouvelle.
Tout écolier se souvient sans doute de la colle blanche dont
émanait une odeur caractéristique d'amande amère. Il s'agit du
signe d'identification de cette colle qui permettait de la
distinguer de toutes les autres colles, au même titre que le signe
verbal "Uhu" ou la combinaison de couleurs "jaune et noire"
pour d'autres colles. De même, les crayons Caran d'Ache étaient
parfumés afin de renforcer leur identité.
La démarche de protection des marques olfactives constitue
donc le prolongement de la tendance permanente
d'enrichissement de l'espace de créativité en matière de
"signature" de produits et de services, et de création de
nouvelles identités de produits ou services.
Une fragrance peut indéniablement constituer la "signature" d'un
produit ou d'un service. Même si de tels "signes" n'ont pas dans
le passé été enregistrés à titre de marque, faute de moyens
techniques adaptés pour représenter les odeurs de façon
graphique, les odeurs peuvent indéniablement être employées au
sens de "signe distinctif d'un produit".
Cela est tellement vrai que le congrès de la Fédération Mondiale
du Commerce de détail qui s'est tenu en 1995 à New York a
consacré une journée entière à l'utilisation des odeurs pour la
signature de produits et de services. Lors d'un autre congrès qui
s'est tenu au Québec en 1996, l'un des conférenciers, Danny
Bowles, a exposé que "les produits, comme les prix, sont de plus
en plus comparables d'une entreprise à l'autre. Pour se
distinguer, il faut compter sur autre chose, comme une
ambiance telle que les clients ont envie de revenir. L'odeur peut
être intégrée dans le décor d'un magasin pour créer un signe de
reconnaissance".
IV.
Les premières tentatives
A. Fil parfumé aux Etats-Unis
En 1990 la première marque olfactive enregistrée aux Etats-Unis
fut accordée à Celia Clarke, pour une marque constituée par un
parfum appliqué à du fil de couture et de broderie, décrit à
63
l’enregistrement comme puissant, frais, floral... Dans sa
décision, la Cour a précisé que l’enregistrement pouvait être fait
sans avoir à fournir un échantillon. Celia Clarke est le seul
fabricant de fils parfumés dans ce pays.
B. Premières marques olfactives en
Angleterre
Plusieurs marques olfactives ont été enregistrées au RoyaumeUni, notamment une marque portant sur un pneu parfumé à la
rose64 et une marque constituée par une odeur de bière65 ("a
strong smell of bitter beer"), déposée pour des fléchettes. Ces
marques sont aujourd’hui protégées dans la mesure où aucune
opposition n’a été formulée dans le délai légal de trois mois.
Une autre marque a également été déposée pour un parfum de
cannelle appliqué à des préparations et substances
pharmaceutiques66. Dans les deux cas, les demandes ont
63
Affaire Clarke, 17 USPQ2d 1238 (TTAB 1990).
Marque n°2001416.
65
marque n°2000234
66
Marque n°2007780.
64
suffisamment exprimé les odeurs, comme la loi anglaise le
prescrit.
La société CHANEL avait de son côté déposé à titre de marque
la forme olfactive de son parfum N°5. Mais ce dépôt a été retiré,
pour des raisons inconnues des auteurs.
C. Les demandes d'enregistrement
de marques olfactives en France
En France, on compte à l'heure actuelle 5 demandes
d'enregistrement de marques olfactives, deux au nom de
Lancôme, l'une au nom de l'Institut pour la Protection des
Fragrances, l'une au nom du compositeur Pierre Bourdon et l'une
au nom de la société Laboratoire Laboratoires France Parfums.
Marque olfactive déposée par la société Lancôme
Ces demandes d'enregistrement utilisent la caractérisation par
chromatographie en phase gazeuse pour 3 d'entre elles, et 2 par
des représentations par capteur d'odeur.
L'Inpi examine actuellement ces demandes, qui ne sont pas
enregistrées pour l'instant.
V.
Vers la marque olfactive ?
A. Le problème de la représentation
graphique
Plusieurs méthodes de caractérisations sont envisageables, et ont
été employées pour les premiers dépôts réalisés en FRANCE.
On peut citer les capteurs de métrologie sensorielle, l'utilisation
de descripteurs, et pour les marques déposées par Lancôme la
chromatographie en phase gazeuse.
Peu importe la méthode utilisée, pourvu que la représentation
graphique puisse être associée de manière univoque à la
fragrance constituant le signe pour lequel une protection est
recherchée. Le dépôt doit simplement remplir les conditions
pour permettre la publication, c'est-à-dire pour permettre aux
tiers de connaître le signe pour lequel une protection est
demandée.
Le dépôt de la marque n° 97698179 remplit complètement ces
conditions, puisqu'elle comprend une représentation graphique
réalisée selon un protocole usuel, dont les données sont par
ailleurs publiquement accessibles auprès d'un organisme
indépendant67.
Elle comprend également un descriptif compréhensible par le
public avisé, comme une partition musicale l'est par le public
ayant pratiqué un minimum de solfège. Enfin, pour le public
moins avisé, la marque publiée prévoit la mise à disposition d'un
67
INTERDEPOSIT IDDN.FR.010.000475.000R.P.1997.001.31500
échantillon de la fragrance déposée. Divers autres modes de
caractérisation peuvent être envisagés.
La méthode de caractérisation proposée par Lancôme a
l'avantage de recourir à des moyens d'analyse chimique anciens.
Le spectre se présente comme une série de pics.
Cette méthode n'est pas totalement adaptée à la caractérisation
d'une signature olfactive, dans la mesure où la chromatographie
permet une caractérisation non pas de la fragrance, mais de la
composition chimique.
Or la composition chimique ne reflète pas de façon univoque la
signature olfactive d'une substance.
Il est possible que deux substances produisant des odeurs très
différentes se traduisent par des spectres de chromatographie
très voisins, alors que des substances présentant des odeurs très
voisines présentent des spectres totalement différents.
Il convient de rappeler que la protection porte non pas sur la
représentation graphique issue d'une méthode de caractérisation,
mais sur le signe lui-même, en l'occurrence sur la fragrance. En
cas de contrefaçon, il conviendra de comparer la fragrance du
produit argué de contrefaçon avec la fragrance protégée. Cette
comparaison, même si elle fait appel à un sens peu sollicité dans
le domaine du droit, ne présente pas de difficultés
exceptionnelles. La Cour d'appel de Paris a d'ores et déjà
appliqué une telle comparaison dans l'affaire Kenzo c/ Via Paris.
B. La représentation graphique
employée pour les premières
marques olfactives françaises
Tout d'abord, il convient de rappeler que l'objet de la protection
conférée par une marque olfactive n'est pas la forme graphique
déposée, qui n'est qu'une représentation de l'odeur, mais l'odeur
elle-même, au même titre que la protection conférée par une
marque sonore est la séquence sonore et non pas la partition ou
le spectre sonore, ou encore que la protection conférée par une
marque holographique est l'image tridimensionnelle qui en
résulte et non pas le réseau de diffraction qui est déposé.
En second lieu, il convient aussi de rappeler que le législateur
n'a pas voulu restreindre la forme de la représentation graphique
susceptible d'être employée pour permettre le dépôt d'une
marque. Il n'a pas jugé opportun d'ajouter des critères restrictifs
sur les représentations graphiques admissibles. C'est donc à tort
que les notes d'observations tentent de contester la validité d'une
telle marque sur la base de critères inventés par eux.
Il convient aussi de noter que l'Inpi est un organisme chargé
d'appliquer le Code de la Propriété Intellectuelle tel qu'il a été
édicté par le pouvoir législatif, et non pas de l'interpréter en
restreignant le champ d'application voulu par le législateur. Si
une telle interprétation devait être envisagée, elle appartiendrait
au pouvoir judiciaire et non pas à l'autorité administrative.
Cette question a d'ailleurs fait l'objet de débats lors de la
codification de la Propriété Industrielle. Rappelons par exemple
un échange entre Maître Combeau et Monsieur Dragne dans le
cadre d'un colloque "le nouveau droit des marques" dont nous
reproduisons ci-après un extrait :
M. Combeau : "Ma question touche à l'interprétation de l'article
premier de la loi. Mme Rajot nous a dit tout à l'heure, tout au
moins c'est ce que j'ai cru comprendre, que l'énumération qui
figure dans cet article présentait un intérêt aux yeux de
l'administration dans la mesure où cette énumération allait lui
permettre de rejeter les demandes d'enregistrement d'un certain
nombre de marques et notamment les marques olfactives...Je ne
suis pas convaincu pour ma part, - et je voudrais savoir sur
quel texte s'appuie ce rejet, - que ce rejet puisse en effet être
opéré en vertu des dispositions de l'article premier, dans la
mesure où l'énumération qui y figure est une énumération non
limitative...; et dans la mesure où il est possible de donner une
représentation graphique à un parfum, à une odeur, de même
qu'il est possible de donner une représentation graphique à un
signe sonore.
M. Dragne : "Je ne vois pas de quelle manière on peut donner
une représentation graphique d'un signe olfactif. Si cela est
possible, je suis prêt à l'enregistrer comme marque".
...
Mme Vilmart: "...il me paraît (comme à Maître Combeau)
évident que la représentation graphique d'un parfum pourrait
donner lieu à un dépôt à titre de marque..."
M. Combeau : "Imaginez que pour désigner des locomotives, je
veuille déposer, à titre de marque, le parfum de l'eau de Javel..."
M. Thrierr "Je pense que Me Combeau a raison de préciser qu'il
y a deux cas bien distincts : celui où l'odeur, le parfum,
constitue le produit lui-même, c'est le cas des parfumeurs; et le
cas où une odeur serait distinctive d'autre chose que d'une
odeur, par exemple d'une locomotive, d'un service ou d'un objet
quelconque....La question est : est-ce distinctif ? La réponse
paraît affirmative, c'est certainement distinctif.
Nous retenons de cet échange entre quelques éminents
spécialistes du droit des marques qu'un consensus se dégageait
dès 1991 sur la possibilité d'enregistrer une marque olfactive
dans le cadre de l'article L-711 C.P.I., de façon incontestable
pour les produits non parfumés naturellement, mais aussi,
comme nous allons le démontrer plus loin, pour les produits
habituellement parfumés.
Une troisième question mérite d'être soulevée, c'est celle de
l'unité du droit.
L'argument développé dans les notes d'observations et dans la
notification de l'Inpi est que les tiers ne seraient pas en mesure
de percevoir directement l'odeur représentée graphiquement par
la marque déposée. C'est certes exact, mais le législateur n'a pas
jugé opportun de prévoir que le signe protégé soit directement
perceptible au vu de sa représentation graphique.
Cet argument ne peut donc en aucun cas être retenu pour
justifier le rejet de la marque olfactive. Non seulement, il ne
serait pas fondé sur une disposition positive du Code de la
Propriété Intellectuelle, mais en outre, il serait en contradiction
avec l'enregistrement d'autres marques dont la représentation ne
permet pas non plus d'appréhender directement le signe protégé.
Il en est ainsi de la marque sonore n° 94543458 dont la
représentation utilisée est un spectre sonore. Le son est
représenté comme suit :
Nous mettons au défi quiconque de percevoir à la vue du spectre
déposé, le rugissement d'un lion. Néanmoins, et à juste titre,
l'Inpi a procédé à l'enregistrement de cette marque. Il est inexact
de prétendre que la représentation sous forme de spectre sonore
serait plus directement perceptible qu'une caractérisation sous
forme de spectre olfactif. Un spectre sonore n'est pas une
représentation univoque et permanente. Elle dépend fortement
de l'équipement technique mis en œuvre. Les performances du
microphone, sa bande passante, les niveaux de préamplification,
les échelles de visualisation employées, etc. influent
considérablement sur la forme graphique qui représentera un tel
son.
La forme de représentation adoptée n'est ni plus ni moins
perceptible qu'un spectre sonore. La représentation graphique
adoptée retranscrit fidèlement la perception de l'odeur qui lui est
associée, y compris l'évolution temporelle d'une odeur, en
prenant en compte sur l'axe horizontal l'évolution de la
perception de la note de tête vers les notes résiduelles. Par
ailleurs, la forme graphique employée est habituelle dans le
domaine de l'analyse olfactive, au moins autant que l'est la
représentation sous forme de spectre sonore dans le domaine de
l'analyse sonore.
(Exemple d'article traitant de l'utilisation des capteurs d'odeurs,
et montrant le caractère usuel de la représentation sous forme de
matrice colorée)
Selon le principe de l'unité du droit, il ne serait pas acceptable
que l'Inpi adopte des points de vue contraires pour l'application
de l'article L.711-1 CPI.
C. Le critère de distinctivité
Pour être enregistrable, une marque doit être distinctive. Ce
critère de validité permet à l'administration et aux tribunaux
d'écarter les marques qui seraient pas en mesure de remplir sa
fonction d'identification d'un produit ou un service, et qui serait
constitué de terme habituellement utilisés pour décrire une
caractéristique d'un tel produit ou service. On ne pourrait certes
pas accepter qu'une personne prétende au monopole du terme
"floral" pour un parfum, car il priverait toute la communauté des
parfumeurs de l'emploi d'un qualificatif commun à un grand
nombre de parfums, et de ce fait ne pouvant pas "distinguer" un
parfum parmi tous les autres.
L'article L-711-2 CPI : "...sont dépourvus de caractère distinctif
:
b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une
caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce,
la qualité, ...
"Désigner" signifie "indiquer de manière à faire distinguer de
tous les autres, par un signe" (Petit LAROUSSE). Nous allons
montrer que la fragrance spécifique dont la représentation
graphique a fait l'objet du dépôt à titre de marque est en mesure
de distinguer un parfum parmi tous les parfums.
Quelles sont les caractéristiques du parfum ? ce sont l'odeur, la
composition, la couleur, la concentration, son nom, etc...
La question qui se pose est de savoir si appliquée à des parfums,
eaux de toilettes, huiles parfumées, une fragrance n'est pas un
signe servant à distinguer les produits d'une personne physique
ou morale, puisqu'elle est inhérente à un tel produit.
La fragrance spécifique déposée à titre de marque n'est pas
susceptible de désigner une de ces caractéristiques.
L'argument selon lequel la fragrance déposée pourrait servir à
"désigner" la caractéristique odorante des parfums parmi les
autres caractéristiques possibles des parfums est erroné. La
fragrance spécifique déposée ne permet que la signature d'un
parfum déterminé sans pour autant interdire au tiers la
désignation des parfums par ses différentes caractéristiques,
dont la caractéristique odorante. La fragrance spécifique permet
de qualifier la caractéristique odorante, mais pas de la désigner.
Cette qualification ne prive en rien les tiers de qualifier
différemment leur propre parfum, avec d'innombrables autres
fragrances possibles.
Le signe pour lequel une protection est recherchée n'est pas
"l'odeur" c'est-à-dire la caractéristique relative à la capacité du
produit d'exciter notre sens olfactif - de façon générique, mais
une fragrance bien définie parmi la multitude de fragrances
possibles. De la même façon, une fragrance spécifique est
parfaitement en mesure de distinguer un produit tel qu'u n
parfum dont cette fragrance spécifique est la signature,
parmi tous les autres parfums (ou au moins parmi tous les
parfums non contrefaisants).
Une marque olfactive désignant des produits de parfumerie (en
classe 3 de la classification de l'Arrangement de Nice) est donc
tout-à-fait en mesure de distinguer un parfum des parfums
concurrents.
Il serait donc regrettable qu'un excès de sévérité aboutisse à
"tuer dans l'œuf" une avancée du droit de la Propriété
Intellectuelle. Cela serait d'autant plus regrettable qu'une telle
attitude émanerait de la France, patrie de la création olfactive et
des grandes marques de parfumerie. Il est hautement souhaitable
qu'un débat de fond puisse s'instaurer, et que l'autorité judiciaire
chargée d'interpréter le droit, puisse se prononcer dans le cadre
d'une action confrontant des tiers défendant de réels intérêts en
ce qui concerne la protection ou non des signes olfactifs pour
des parfums.
Si nous nous permettons d'employer le terme "d'excès de
sévérité", c'est parce qu'il apparaît dans d'autres domaines que
l'Inpi, approuvé ensuite par les Tribunaux, apprécie souvent le
critère de descriptivité de façon favorable aux demandeur. Pour
appuyer notre opinion, nous allons nous référer à quelques
décisions récentes, tenant compte de l'évolution introduite par le
Code de la Propriété Intellectuelle en 1991 :
Reprenons l'exemple du rugissement du lion objet du dépôt de la
marque sonore n°94543458 : l'accompagnement sonore ne
constitue t-il pas une caractéristique d'un film
cinématographique ?
De nombreuses marques sont constituées par la forme d'un
produit explicitement mentionné dans la liste des produits et
services concernant la marque en question. Nous citerons la
marque 93455663 déposée le 17 février 1993 qui non seulement
a été enregistrée sans difficultés par l'Inpi, mais a fait l'objet de
décisions de justice auprès du TGI de Paris et de la Cour
d'Appel de Paris, qui ont tous deux conclu à la validité de cette
marque.
Or, cette marque est constituée par la représentation d'un flacon,
et désigne entre autres des articles de verrerie et des ustensiles et
récipients pour la cuisine.
La forme d'un flacon serait-elle moins caractéristique d'un
flacon que l'odeur d'un parfum pour un parfum68 ? Cette
décision est d'ailleurs dans la continuité d'une ancienne
décision69 reconnaissant le caractère distinctif de la forme
ovoïde de la bouteille Perrier déposée à titre de marque.
D'autres marques représentent la forme de tout ou partie d'un
vêtement. A titre d'exemple, nous mentionnerons la marque
enregistrée sous le n° 1651517 en date du 27 février 1991, qui
représente le fond d'un pantalon de jeans, et en particulier la
configuration particulière des poches et des surpiqûres.
68
69
C.A. Paris; 4ème ch., 5 février 1997
TGI de Nimes le 30 mai 1927
Cette forme ne constitue t-elle pas une des caractéristiques d'un
pantalon - qui est désigné comme produit protégé -, conduisant
le consommateur à acquérir ce produit plutôt qu'un autre
pantalon ? Pourtant, l'Inpi ne s'est pas opposé à l'enregistrement
de cette marque, pas plus que les Tribunaux70 n'ont annulé cette
marque. La forme des surpiqûres identifie le pantalon de la
société Levi Strauss parmi tous les autres pantalons, qui pourtant
présentent tous des surpiqûres et des poches, au même titre
qu'une fragrance déterminée identifie un parfum d'une maison
de parfumerie donnée parmi tous les parfums concurrents.
La Cour de Cassation (Comm. 3 janvier 1996) a admis la
validité de la marque formée par un emballage. La Cour a
rappelé tout d'abord que la validité de la marque formée par un
emballage exige que la forme ne doit pas avoir un lien de
nécessité avec la nature ou la fonction du produit désigné et ne
doit pas lui conférer sa valeur substantielle. La marque
incriminée était formée par la combinaison d'un filet et d'un
bandeau pour le conditionnement de palettes. La cour considère
que dans la mesure où il existait des conditionnements formés
par la combinaison d'un filet et d'un bandeau autre que sous la
70
C.A. ROUEN, 2ème ch. 27 février 1997
forme déposée à titre de marque, il convenait d'admettre que la
marque incriminée avait un caractère distinctif, que sa forme
n'était pas imposée par la nature du produit et ne lui conférait
pas sa valeur substantielle.
De même, la cour d'appel de Paris (4ème ch.) a conclu le 25
septembre 1996 à la validité de la marque internationale n°
507201, représentant le dessin spécifique d'une jante (voir
reproduction ci dessous) et désignant les produits de la classe
12, notamment les "jantes en métal léger pour les voitures,
pièces de carrosseries..."
La Cour a admis que le signe figuratif ainsi déposé "constitue
un signe suffisamment arbitraire pour être distinctif des produits
qu'il désigne, et les identifier aux yeux de la clientèle." Elle a
motivé cette position en exposant que "le dessin spécifique du
modèle de jante déposé à titre de marque n'est nullement imposé
par la nature ou la fonction desdits produits, en ce compris les
jantes de véhicules automobiles.
De ces quelques exemples, on peut tirer deux conclusions :
Dd'abord, il semble que la prise en compte du critère de
descriptivité voulu par le législateur et interprété quand
nécessaire par les magistrats, intervient surtout quand la
représentation déposée à titre de marque ne permet plus au signe
protégé de remplir sa fonction de distinguer le produit du
déposant de ceux de ces concurrents. Par contre, il semble
qu'une tolérance plus large existe lorsque le signe déposé, bien
que correspondant à une qualité ou valeur intrinsèque du produit
désigné, autorise des variations suffisantes pour permettre aux
tiers de "signer" leurs produits avec d'autres formes choisies
dans le même genre. Il en est ainsi des bouteilles, des jantes ou
des emballages, où les autres fabricants pourront parfaitement
adopter d'autres formes qui constitueront éventuellement leur
propre signature, toutes ces formes étant bien sûr choisies dans
le genre constitué par un contenant, une jante ou un emballage.
Il en va de même pour les marques figuratives représentant un
vêtement, qui n'empêchent pas un tiers d'exploiter des formes du
même genre, c'est-à-dire présentant deux jambes, des surpiqûres
et des poches.
Par souci d'une application uniforme et cohérente du droit par
l'Inpi, il serait regrettable que malgré l'existence de divergences
d'interprétation des dispositions de l'article L.711-1 CPI, les
premières marques olfactives soient rejetées "brutalement" et
d'office pour les produits tels que les parfums. Au contraire, il
est souhaitable que l'Inpi, au vue de l'interprétation favorable à
l'enregistrement et à la validation par les Tribunaux de marques
figuratives ou sonores pour lesquelles le même grief de défaut
de descriptivité pourrait être avancé, adopte une position ouverte
et bienveillante en acceptant l'enregistrement de la première
marque olfactive pour la totalité des produits désignés, et laisse
ensuite le soin aux tiers et au pouvoir judiciaire d'affiner
l'interprétation des dispositions du Code de la Propriété
Intellectuelle en ce qui concerne ce nouveau type de signe.
D. Le critère de descriptivité
Il convient d'analyser attentivement la formulation de l'article L711-2 CPI : "...sont dépourvus de caractère distinctif :
c) les signes constitués exclusivement par la forme imposée par
la nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa
valeur substantielle."
Sans revenir sur l'argumentation développée dans le paragraphe
précédent, rappelons que la jurisprudence admet qu'un signe ne
peut pas être considéré comme descriptif s'il autorise des
variations suffisantes pour permettre aux tiers de "signer" leurs
produits avec d'autres formes choisies dans le même genre.
Quel est le signe objet d'une demande de protection dans le cas
présent ?
Ce n'est pas la matrice colorée, qui n'est que la représentation
graphique.
Ce n'est pas non plus le parfum, qui est un jus formé par la
combinaison d'huiles essentielles et de produits de synthèse.
C'est la fragrance, c'est-à-dire la forme olfactive informelle et
invisible dont la perception par l'un de nos sens - l'odorat - est
distinctive d'un parfum parmi tous les autres parfums possibles,
ou d'un produit parmi tous les autres produits possibles.
Nous allons examiner si ce signe - la fragrance arbitraire et
fantaisiste objet du dépôt à titre de marque - constitue la valeur
essentielle d'un parfum.
La valeur essentielle d'un parfum est liée à deux éléments :
le premier tient à sa composition en matières premières
le second tient au succès qu'il rencontre ou non auprès du public.
La composition du parfum est le fruit d'un mélange d'huiles
essentielles, de produits de synthèse et d'un processus de
création aboutissant à un jus final qui sera commercialisé. Mais
rappelons qu'une fragrance peut être produite par des
compositions différentes. La composition et la fragrance sont
donc deux notions distinctes, et la marque olfactive porte non
pas sur une composition, mais sur une fragrance.
Le succès qui constitue une valeur essentielle du parfum est lié à
la marque de fantaisie choisie pour être dans le monde entier son
vecteur. Les noms "Dolce Vita", "Champs Elysées" ou "N°5 "
confèrent la valeur substantielle du parfum en raison de l'image
qu'ils véhiculent et ne sont pas pour autant exclus de la
protection au titre de marque.
La fragrance ne constitue pas la valeur essentielle du parfum,
elle est une expression de la valeur du parfum, au même titre
que sa signature verbale.
Une fragrance spécifique permettant de distinguer un parfum
parmi tous les autres parfums n'est qu'un signe arbitraire et de
fantaisie, nullement nécessaire à tous les parfums ni même
susceptible de désigner la caractéristique olfactive de tous les
parfums. Il ne s'agit donc pas d'un signe exclu au titre de l'art. L711-2 b) et c) CPI.
E. Faut-il créer une norme
internationale de caractérisation
graphique ?
Certains opposants à la marque olfactive on proposé de créer
une norme de caractérisation des odeurs. Comment mieux
enterrer une initiative qu'en créant une commission chargée
d'adopter une norme internationale ? Si le but d'une telle
proposition est compréhensible, son fondement juridique est
inexistant. En effet, le Code de la Propriété Intellectuelle ne
limite en aucune façon les formes de représentation graphique
admissibles à des formes normalisées, et encore moins à des
formes reconnues par des normes internationales. Cet argument
est donc spécieux.
F. Sur le risque de dépôt abusif
Ce risque existe certes. Il ne s'agit toutefois pas d'une situation
inhabituelle. La jurisprudence ne manque pas d'exemples de tels
dépôts abusifs, fréquents lorsqu'en 1964 le droit des marques a
substitué au dépôt déclaratif de droit la notion de dépôt attributif
de droit. La jurisprudence et la doctrine relatives à de tels dépôts
abusifs sont bien établies et permettent de sanctionner sans
difficulté de telles situations.
Par ailleurs, rappelons qu'en France, nous connaissons un
régime de protection prévoyant que la marque appartient au
premier déposant, sauf abus de celui-ci, et qu'il en sera ainsi
pour les marques olfactives comme pour toute autre marque. Le
régime commun du droit des marques s'appliquera donc aux
marques olfactives, avec tous les avantages et les éventuels
inconvénients des marques verbales ou figuratives.
G. Les garanties en matière
d'intangibilité de la représentation
Comme pour tout signe, si celui-ci évolue dans le temps, il ne
sera protégé que pour la forme initialement déposée. Ceci est
fréquent pour les marques figuratives représentant des "logos",
qui sont régulièrement réactualisés pour correspondre aux
évolutions du design. Bien entendu, seul le "logo" déposé sera
protégé, et les évolutions devront faire l'objet de nouveaux
dépôts si leur titulaire souhaite les voir protégés par le droit des
marques. De même, un parfum qui évoluerait par des
modifications de la fragrance pour mieux coller à "l'Air du
Temps" devra faire l'objet de dépôts de la représentation
graphique correspondant aux différentes évolutions. Ceci est
valable pour les évolutions volontaires, aussi bien que pour les
évolutions dues à l'éventuel manque de stabilité du parfum.
H. La comparaison de deux signes
Sous réserve bien entendu que l'enregistrement des marques
olfactives récemment déposées auprès de l'Inpi, de l'Ohmi et de
l'Ompi intervienne, se posera la question de la comparaison de
deux signes.
Les difficultés ne sont guère différentes de celles rencontrées
pour la comparaison de deux marques verbales ou de deux
marques graphiques.
VI. L’application du droit
marques
des
A. Quelques recommandations pour
le dépôt de marques olfactives
L’enregistrement d’une marque olfactive auprès de l’Inpi, de
l’Ohmi (marque communautaire) ou de l’Ompi (marque
internationale) n’est pas acquis aujourd’hui, alors que des
marques olfactives ont été enregistrée par des offices étrangers.
Aussi convient-il d’être prudent, le dépôt d’une marque olfactive
relevant encore d’une démarche prospective dont l’issue est
incertaine.
Pour respecter formellement les exigences du droit des marques,
il est nécessaire de prévoir une représentation graphique de la
forme olfactive pour laquelle une protection est recherchée. La
nature de cette représentation graphique reste à définir. Les
tentatives de l’Institut pour la Protection des Fragrances, de
L’Oreal, de Pierre Bourdon et de Laboratoires France Parfums
ont fait appel aux capteurs d’odeur et à la chromatographie en
phase gazeuse.
D’autres solutions peuvent être envisagées. Cette représentation
doit dans la mesure du possible être univoque par rapport à la
forme olfactive, suffisamment discriminante par rapport à
d’autres formes olfactives, et reproductible afin de permettre la
comparaison avec la représentation graphique de formes
olfactives inconnues.
Le dépôt de la marque devra également mentionner le protocole
employé pour réaliser la représentation graphique.
L’utilisation de descripteurs textuels constitue certainement une
aide importante, comme cela se pratique d’ailleurs pour le dépôt
de marques graphiques.
Enfin, bien que le Code de la Propriété Industrielle ne le prévoit
pas, il est utile de prévoir l’accès à un échantillon odorant
reproduisant la forme olfactive déposée.
Marque "Odeur de Fraise" déposée au nom de Laboratoires France Parfums
B. Le dépôt abusif
L'application du droit des marques aux signes olfactifs peut
certes donner lieu à des pratiques de dépôts abusifs. Ce
comportement se retrouve à chaque évolution d'une
réglementation.
Lorsque, en 1964, le droit des marques est passé en France d'un
régime déclaratif de droits à un régime attributif de droits, un
certain nombre de personnes ont procédé à l'enregistrement
auprès de l'Inpi des marques qui étaient auparavant simplement
des marques d'usage.
Rappelons qu'avant 1964, une protection de la marque existait
du simple usage de celle-ci, indépendamment d'un dépôt auprès
de l'Inpi. Le dépôt était destiné principalement à confirmer des
droits préexistants. Ce régime est d'ailleurs proche de celui
toujours en vigueur pour les marques américaines, qui prévoit
que le dépôt s'effectue en principe postérieurement à l'usage.
Lorsqu'en 1964 le dépôt est devenu obligatoire pour pouvoir
bénéficier d'une protection, certaines sociétés se sont montrées
négligentes, ce qui a permis à des tiers de déposer des termes
utilisés mais non déposés, et ensuite d'opposer ces nouvelles
marques à ces sociétés négligentes. Ces derniers étaient alors
obligées de négocier le transfert des marques qu'elles avaient
omis de déposer.
Très vite, toutefois, les tribunaux ont condamné ces pratiques
sur la base de la doctrine du dépôt abusif. Un adage bien connu
du droit est que "la fraude corrompt tout" (Fraus omnia
corrompit). Cette doctrine a permis de faire annuler les dépôts
effectués malicieusement par des personnes qui n'y étaient pas
habilitées, et qui procédaient à de tels dépôts dans le seul but de
"faire chanter" la société qui était légitime à déposer une telle
marque, même si cette dernière a fait preuve de négligence.
De telles pratiques ont également vu le jour lors de l'éclatement
de l'URSS, lorsque les nouveaux Etats ont mis en place leur
propre loi sur les marques. Des personnes peu scrupuleuses se
sont empressées à déposer des marques connues à l'étranger,
pour pouvoir ensuite les négocier auprès des titulaires légitimes.
De même, le développement de l'INTERNET à suscité des
vocations de "pirates" des noms de domaines. Des sociétés se
sont organisées pour réserver des noms de domaines
correspondant à des marques ou des noms connus, pour en tirer
ensuite profit. Une société canadienne a ainsi réservé 12.000
noms de domaines pour les "louer" aux personnes qui auraient
autrement pu se les faire attribuer directement par l'InterNic ou
les administrateurs de réseau nationaux.
Là encore, la justice a admis la notion de dépôt frauduleux, qui
permet de faire obstacle sans trop de difficultés à ces pratiques.
Lorsque le droit des marques s'appliquera aux marques
olfactives, il est probable que des "pirates de la marque
olfactive" verront le jour, et tenteront de déposer à titre de
marque des parfums connus.
Il est indiscutable que dans ce cas, la doctrine relative au dépôt
abusif s'appliquera comme elle s'est appliquée pour les dépôts
frauduleux lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1964, ou lors
du développement des réservations frauduleuses de noms de
domaines.
C. La marque déceptive ou
trompeuse
Une marque olfactive pourrait également être trompeuse, si elle
laisse espérer une qualité ou une caractéristique que le produit
sur lequel elle est apposée ne présente pas cette qualité ou cette
caractéristique. Il en serait ainsi d'une marque olfactive
correspondant à une odeur de feu de bois, qui serait exploitée
pour des services de boulangerie n'utilisant que des fours
électriques ou pour des produits alimentaires qui ne seraient pas
cuits au feu de bois.
Il pourrait en être ainsi pour une marque olfactive constituée par
une odeur de cuir, qui serait exploitée pour des articles de
papeterie ou des voitures ne comportant pas de cuir.
Dans ce cas, les règles habituelles de protection du
consommateur s'appliquerait, outre le fait qu'une telle marque
pourrait être annulée en application du code de la propriété
intellectuelle.
D. La déchéance pour défaut
d’exploitation
Une marque qui ne fait l’objet d’une exploitation pendant une
période continue de 5 ans est susceptible d’être déchue. Cette
déchéance n’intervient pas automatiquement, mais doit être
demandée par un tiers souhaitant exploiter le signe considéré.
Cette demande se fait sous la forme d’une action judiciaire en
déchéance.
Pour les marques olfactives, cette disposition s’appliquera bien
sûr de la même façon. La difficulté sera éventuellement de
prouver que la marque olfactive a bien été exploitée.
Section 6.
Le cumul de protection
Le dépôt d'une création olfactive à titre de marque ne
constituerait-il pas un détournement de loi ? En effet, une
marque peut être indéfiniment renouvelée. En protégeant une
création que l'on peut qualifier d'œuvre de l'esprit, ne va t-on pas
prolonger artificiellement la durée du droit d'auteur, au-delà de
la durée légale de 70 ans après la mort de l'auteur ?
Cette discussion n'est pas pertinente. Tout d'abord, le législateur
n'a pas prévu d'interdiction de cumul de protection entre le droit
des marques et le droit d'auteur. Le cumul de protection est
explicitement exclu pour certaines créations : les obtentions
végétales protégeables par un certificat d'obtention végétale sont
exclues de la brevetabilité. De même, les logiciels protégeables
par le droit d'auteur ne sont pas brevetables (sauf s'ils produisent
des effets techniques).
Non seulement, le Code de la Propriété Intellectuelle ne prévoit
aucune disposition interdisant le cumul du droit des marques et
du droit d'auteur, mais de plus un tel cumul est habituel : un
slogan, une séquence musicale ou un logo constituent une œuvre
de l'esprit indiscutablement protégée par le droit d'auteur, et par
ailleurs parfaitement déposable à titre de marque. Il n'existe
donc aucune raison de refuser pour une composition olfactive ce
qui est généralement admis pour une création graphique,
littéraire ou musicale.
Chapitre 7. Les enjeux pour
la parfumerie
Il est probable que l'enregistrement d'une marque olfactive va
encore donner lieu à des discussions et débats, et peut-être à des
remises en cause administratives ou juridiques. Néanmoins, il
semble inévitable que dans les années à venir, la création
olfactive sera reconnue pleinement comme un droit de propriété
intellectuelle.
Cela impliquera une reconnaissance plus forte de la valeur de la
création, et par conséquent des créateurs. Cela aura même un
effet incitateur pour une plus grande créativité en matière de
parfumerie, car la commercialisation de contretypes ou de
produits imitant délibérément des produits connus pourra être
sanctionnée par les titulaires des droits sur les produits
originaux. Les relations entre compositeurs salariés ou
indépendants, sociétés de parfumerie et marques devront
s'adapter à cette évolution. Cette adaptation devra se faire en
concertation entre les différentes parties, comme cela s'est
produit dans d'autres secteurs d'activités où la coopération entre
des auteurs et des industriels est requise. Les relations pourront
s'inspirer des relations entre les graphistes, photographes et
autres auteurs, et les agences de communication ou les éditeurs
par exemple.
Un renforcement de la protection des créations olfactives ne
peut être que bénéfique à l'ensemble des acteurs de la
parfumerie française, dont l'excellence est mondialement
reconnue. Le fait que les récentes demandes d'enregistrement de
marques olfactives aient été réalisés d'une part par un
compositeur reconnu de parfums, et d'autre part par un des
premiers groupes mondiaux de l'industrie de la parfumerie est
significatif, et encourageant pour la convergence des intérêts
vers un renforcement de la protection des créations sensorielles.
Section 1.
I.
La parfumerie fine
Qui est l’auteur ?
Une question qui ne manquera pas de se poser est celle de la
nature de la création. S'agit-il d'une œuvre individuelle, de
collaboration ou une œuvre collective ? Pour des œuvres
relevant de domaines d'applications habituels du droit d'auteur,
cette notion est déjà fort controversée.
A fortiori, appliquée au domaine vierge des créations
sensorielles, l'application du caractère collectif de l'œuvre
donnera lieu à de nombreuses controverses.
M. le conseiller d'état Lerebours-Pigeonnière71 a exposé au
cours des travaux préparatoires à l'élaboration de la loi du 11
mars 1957 ce qui suit :
71
Note au D. 1947.529 citée "PROPRIETE LITERRAIRE ET
"Qu'entendons nous par là ? nous visons une sorte d'œuvre
anonyme - les dictionnaires, les encyclopédies - qu'un éditeur
publie sous son nom et qui ne cesse pas d'être anonyme alors
même que la liste des collaborateurs est connue, parce qu'il est
impossible de déterminer le rôle, ni la part de chacun dans la
conception et la composition de l'œuvre. "
En conséquence, on admet qu'une telle œuvre appartient, comme
si elle était entièrement sa création, à l'éditeur qui a dirigé la
composition et sous le nom duquel elle a été divulguée.
Il est prématuré de vouloir donner des indications définitives sur
cette question. Certains considéreront que la création d'un
parfum constitue une œuvre collective, la contribution de
plusieurs collaborateurs se mêlant pour former un résultat final
ne permettant pas d'individualiser l'apport créatif de chacun des
contributeurs.
Dans d'autres cas, un compositeur unique fait œuvre de création
de part entière pour réaliser, - ou "inventer" pour utiliser le
terme malheureux employé par la société De Laire" une
nouvelle fragrance correspondant aux indications relativement
vagues qui lui sont communiquées par l'équipe marketing de la
maison de parfumerie.
D'expérience, il est apparu qu'il est risqué de s'appuyer sur une
qualification d'œuvre collective en cas de doute. La prudence
voudrait que dans les situations limites, on établisse un contrat
d'exploitation des droits d'auteurs entre les différents
contributeurs et la maison de parfumerie.
ARTISITIQUE" de M. COLOMBET, Ed. DALLOZ
A. La création individuelle
Il semble bien que dans de nombreux cas, la création d'un
parfum soit le fait d'une seule personne, agissant dans le cadre
d'une commande ou d'instructions qui lui sont communiquées
par un employeur. Pour autant, l'usage n'est pas de reconnaître la
contribution du créateur. Cela occasionne une frustration qui
n'est qu'exceptionnellement proclamée, et seulement par des
créateurs dont le renom est tel qu'ils peuvent se permettre de
déroger à la "loi du silence".
" Si le générique d’une œuvre cinématographique nous
renseigne sur l’identité de son septième assistant, si le flacon de
parfum nous informe de sa contenance en mesures étrangères,
de son auteur il ne sera jamais vraiment question. Le public ne
s’en soucie pas, persuadé qu‘un couturier, un acteur à la mode
ou un coureur automobile ont en commun, entre autres talents,
celui de composer des parfums. L’habitude est établie que le
créateur en parfumerie soit le nègre de service, et ce n’est pas à
cause de l’éventuelle frustration qu’il pourrait concevoir, que
l’institution va mettre fin à son anonymat. "72
B. Le responsable du brief
marketing, auteur ?
On peut s’interroger pour savoir si le responsable du brief
marketing constitue une démarche créative au sens d’une œuvre
protégeable. Le responsable du brief marketing doit-il être
considéré comme auteur, ou co-auteur avec le compositeur ?
72
Questions de parfumerie, p.47.
La réponse à cette question est importante. Si la réponse est
négative, le compositeur, généralement individuel, sera le seul
auteur, qu’il soit salarié ou consultant.
Si la réponse est positive, l’œuvre sera considérée comme une
œuvre collective, et appartiendra à la personne ayant pris
l’initiative de sa création.
Pour tenter d’apporter une réponse objective à cette question,
penchons-nous sur des décisions rendues dans des situations
similaires.
Il a été jugé73 que l’écrivain auteur de " OSS117 " est le seul
auteur, même s’il a bénéficié des conseils et de la relecture de sa
femme. Cette dernière n’a pas été considéré comme co-auteur.
De même, le peintre Valluet a été considéré74 comme seul auteur
bien qu’il ait reçu de la part de Vassarely des directives
générales pour créer une œuvre dérivée d’un de ses propres
tableaux. Le tribunal a considéré qu’en se contentant de
communiquer des idées qui ne sont pas protégeables en ellesmêmes, sans en contrôler l’exécution ni en apportant une
quelconque retouche, Vassarely n’a pas apporté l’empreinte de
sa personnalité et ne doit donc pas être considéré comme coauteur. On peut en déduire a contrario que s’il avait participé
activement à la réalisation de l’œuvre en imposant des
modifications, cette qualité de co-auteur aurait été reconnue.
Pour ceux qui fréquentent les restaurants Burger King, on citera
également une décision75 où l’architecte auteur de la décoration
73
TGI Paris, 3ème Ch. 8 Mars 1985, Brochet c. Presses de la Cité
TGI Paris, 3ème Ch. 21 janvier 1983, Valluet c. Vassarely
75
CA Paris, 25 février 1988, FAST FOOD c. AURA 3
74
intérieure a été considéré comme seul auteur, bien qu’il ait reçu
des directives générales auxquelles il a du se conformer. Une
décision comparable a été rendue dans un cas où l’architecte a
réalisé un plan d’après un croquis sommaire.
Dans le domaine de la parfumerie, on évoquera également une
décision76 reconnaissant la qualité de seul auteur à un
dessinateur ayant adapté de façon personnelle un modèle de
flacon qui lui a été communiqué à titre d’inspiration.
Inversement, les deux artistes Renoir et Guino ont été considérés
co-auteur car Renoir, atteint de cécité, avait guidé le travail de
Guino de façon très impliquée, bien que ce dernier conservât
une liberté de création. La décision77 rappelle que " Guino
n’avait nullement sculpté en état d’esclavage78 ".
La Cour d’Appel de Paris79 a peut être le mieux synthétisé
l’appréciation de la situation en rappelant que :
Pour qu’il y ait collaboration en matière artistique, il faut qu’il y
ait travail en commun sur un pied suffisant d’égalité. Ainsi,
l’industriel qui a commandé à un fabricant spécialisé la
réalisation d’un présentoir publicitaire ne saurait se prétendre
auteur de l’œuvre, dès lors que les instructions qu’il a données
ne sont venues qu’après la réalisation de la maquette et ne
peuvent constituer qu’une participation à l’exécution matérielle
de l’œuvre, mais pas à sa création.
76
TGI Paris, 3ème Ch. 26 mars 1986, Guenot c. Rochas
TGI Paris, 3ème Ch. 11 janvier 1971
78
Les compositeurs de parfums seraient-ils en état d'escalavage ?
79
CA Paris, 19 janvier 1967
77
En extrapolant cette tendance jurisprudentielle, il ne semble pas
que le responsable du brief-marketing puisse être considéré
comme co-auteur, sauf dans des cas particuliers où son
implication est telle que le compositeur perd une partie de sa
liberté de créer et que le responsable marketing apporte son
empreinte personnelle par une participation dépassant
l’établissement d’instructions générales. Une telle situation ne
semble pas être habituelle, et le sondage déjà cité rappelle bien
que pour un brief marketing donné selon les usages actuels,
chaque compositeur aboutira à une fragrance différente.
C. Le statut du compositeur salarié
Le statut du compositeur salarié est certainement l’un des enjeux
majeurs de l’application du droit d’auteur à la création olfactive.
C’est également la source des réticences de l’industrie de la
parfumerie et des grandes marques de parfums.
Il serait prétentieux de vouloir donner une définition
péremptoire du statut du compositeur, alors que le statut des
créateurs salariés en général est loin d’être établi.
La difficulté provient de la contradiction entre :
• les dispositions du droit d’auteur, prévoyant que l’existence
ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de
services par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte
aucune dérogation à la jouissance du droit
• les principes du droit du travail, prévoyant la cession au
profit de l’employeur du fruit du travail du salarié.
Une lecture purement juridique du Code de la Propriété
Intellectuelle conduit à interpréter ses dispositions comme étant
d’ordre public, et, concernant une situation spécifique, prévalant
sur les règles générales du droit du travail. La jurisprudence
donne d’ailleurs partiellement raison à cette interprétation.
Dans le domaine de la mode, la Cour de Cassation80 a confirmé
que le créateur salarié d’un modèle de vêtement conserve la
propriété des droits d’auteur, nonobstant son statut de salarié :
La loi du 11 mars 1957 pose en règle générale dans son article
1er que l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage par
l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à
la jouissance du droit exclusif de propriété intellectuelle
reconnu audit auteur. L’existence d’une preuve écrite en cas de
cession des attributs patrimoniaux du droit d’auteur ne cesse
pas d’être requise dans les relations entre un employeur et son
salarié.
Dans le même sens, la Cour d’Appel de Paris81 a également
admis que le créateur d’un modèle de fourrure est le seul
titulaire des droits de propriété intellectuelle :
En ce qui concerne le droit à exploitation des modèles créés, il
n’y a pas lieu de distinguer la période où un créateur a été
salarié d’une société, de celle postérieurement à son
licenciement, l’existence d’un contrat de travail étant sans
incidence sur la jouissance du droit de propriété incorporelle de
l’auteur de la création artistique en cause.
La doctrine82 soutient parfois une position opposée, s’appuyant
sur quelques décisions minoritaires. Un tribunal83 a par exemple
80
81
Cass. Crim. 11 avril 1975, Juan Rojas HERRERA
CA Paris, 4ème ch. 13 février 1983, Fourrures Georges V C. MEILLE
admis que, pour un salarié d’une entreprise de presse, les droits
patrimoniaux sont forfaitairement compris dans le salaire reçu
pour l’exécution du contrat de travail.
L’auteur du slogan " un coup de barre…Mars…et ça repart " a
également été débouté de ses prétentions. La Cour d’Appel de
Versailles84 a jugé que :
A supposer que le créateur soit reconnu comme l’auteur exclusif
du slogan, la création du slogan entre dans les fonctions qui lui
étaient dévolues en vertu de son contrat, si bien que l’agence de
publicité était devenue de plein droit cessionnaire des droits
d’exploitation des créations littéraires et artistique de son
employé.
Les magistrats de la Cour d’Appel ont également soutenu une
telle position en affirmant qu’il est constant que le contrat de
travail consenti à un créateur salarié entraîne la cession des
droits patrimoniaux d’auteur à son employeur85.
Nul doute que ces contradictions rendent la situation
inconfortable pour l’employeur qui ne peut que regretter que la
cession automatique des droits d’auteur à l’employeur ne soit
pas la règle comme dans les pays de copyright86, ou pour les
nouveaux droits de Propriété Intellectuelle en France (logiciels,
bases de données).
82
Pierre et François GREFFE, La publicité et la loi, Ed. LITEC 1987
TGI de Paris, 3ème ch. 29 juin 1971, Berthoin C. LAROUSSE
84
CA Versailles, 7 octobre 1981, Boucher c. Ted Bates
85
C.A. Paris, 5 octobre 1989 CHIAVARINO C. SPE
86
Copyright Act américain 17 USC § 101
83
Pour une société de parfumerie ou de composition, deux
stratégies peuvent être envisagées.
La première consiste à ignorer ou à mépriser la tendance
dominante selon laquelle le droit d’auteur reste la propriété du
salarié. Les relations de courtoisie, ou les rapports de force,
entre le salarié et l’employeur permettront d’éviter les
problèmes dans la grande majorité des cas. Pour les quelques cas
conflictuels qui pourraient se produire, il n’est pas exclu que la
jurisprudence évolue vers le pragmatisme du copyright.
Une autre stratégie consiste à aborder cette difficulté par la voie
contractuelle, en prévoyant dans les contrats de travail des
compositeurs salariés des dispositions organisant le principe de
la cession des droits, et en régularisant cette cession
postérieurement à chaque création. L’inconvénient est bien sûr
de reconnaître officiellement que le salarié est le titulaire initial
des droits, celui-ci pouvant refuser ponctuellement de les céder.
Cette stratégie présente toutefois le mérite de la clarté et évite
d’avoir à affronter la question pendant une situation de crise.
Les organisations professionnelles devront probablement se
concerter pour édicter des principes équitables et juridiquement
valables. Toutefois, quelle que soit la solution retenue, l’auteur
salarié conserve le droit moral, et notamment le droit au nom et
à la paternité et le droit à l’intégrité de l’œuvre.
D. Le rôle du marketing
Il semble difficile de soutenir que le responsable marketing ait,
en règle générale, le statut de co-auteur.
Les indications générales fournies au compositeur relève
généralement plutôt d’un cahier des charges que l’expression de
la personnalité d’un auteur.
Toutefois, la situation peut être plus discutable lorsque les
indications relèvent d’un travail créatif. Le dirigeant d’une
maison de parfum qui demande à un compositeur de lui préparer
un jus exprimant des fragrances bien précises, évoquant par
exemple les senteurs perçues lors d’un séjour au Maroc, dans
une palmeraie à la tombée du jour, peut constituer une démarche
créative dans laquelle le compositeur perd une partie de sa
liberté créatrice et remplit un rôle où les connaissances
techniques des composés olfactifs deviennent aussi importantes
que sa créativité.
On peut donc dans certains cas trouver une situation d’œuvre de
collaboration, où les contributions de l’initiateur du projet de
parfum et du compositeur sont de même nature. Cette œuvre
devient alors la propriété indivise des deux auteurs.
Il se peut également qu’un parfum soit conçu par une maison de
parfumerie faisant coopérer une pluralité de techniciens ayant
plutôt un rôle d’évaluateurs que de compositeurs. Les conditions
d’une œuvre collective sont alors réunies, et le résultat
appartiendra à la personne qui en est à l’initiative.
II.
Les droits d’exploitation
La cession des droits d’auteur doit respecter un formalisme
strict. La preuve de la cession doit être apportée par un écrit.
Elle ne peut être simplement déduite de l’attitude de l’auteur. La
portée de la cession doit par ailleurs être explicitée de façon
précise et complète, notamment en ce qui concerne la
destination, les supports pour lesquels l’œuvre peut être
exploitée, la durée et les pays. Cette énumération ne peut se
résumer à une locution générique telle que " tous droits cédés ".
La cession ne peut pas non plus porter sur les œuvres futures,
sur les œuvres non encore créées. Enfin, pour protéger l’auteur,
le code de la propriété intellectuelle prévoit le principe de la
rémunération proportionnelle des droits, et n’admet le paiement
forfaitaire des droits que dans des circonstances d’exception.
A. Les parfums
Bien que l’application du droit d’auteur au domaine de la
création olfactive relève aujourd’hui plutôt de la prospective ou
de la recherche juridique, on peut extrapoler l’application des
dispositions générales au domaine de la parfumerie.
1) Les droits initiaux
Les droits initiaux n’appartiennent généralement pas à la société
qui exploite le parfum. Ils appartiennent à une société de
composition, à un compositeur salarié, ou encore à une société
de distillation de matières premières.
Dans tous ces cas, il est nécessaire d’organiser les relations
contractuelles par un contrat de cession devant respecter les
exigences du droit d’auteur et du droit privé.
2) Le transfert de droits
Ce contrat définira bien sûr la portée des droits, mais aussi la
durée de la cession, la destination des droits cédés (parfumerie
de luxe, parfumerie fonctionnelle, cosmétiques, …), les
territoires. Il devra également identifier précisément la nature de
l’œuvre sur laquelle porte les droits. La question de la
caractérisation de l’œuvre se pose alors, et l'on pourra faire
appel aux différentes solutions proposées (Capteurs d'odeur,
CPG, etc…).
B. Les produits dérivés
La destination de l’œuvre constitue une disposition essentielle
du contrat de cession de droits d’auteur.
Dans le domaine de la parfumerie, il est envisageable de prévoir
des cessionnaires différents pour les différentes formes
d’exploitation, ou que le premier cessionnaire concède à des
tiers une partie des droits qu'il a acquis, par exemple pour :
• le parfum
• les bains moussants, shampooing, et autres produits de
toilette
• la mousse à raser
• les bougies parfumées et autres articles de parfumerie
domestique
• le marquage olfactive de produits divers.
A défaut d’être explicitement énumérés, ces destinations seront
réputée non cédées, la propriété restant au compositeur.
Il est possible de prévoir une option de cession pour toutes les
applications qui n’ont pas fait l’objet d’une cession explicite.
Cette option, éventuellement associée à un droit de premier
refus, évitera la prolifération incohérente de produits portant la
même forme olfactive.
C. L’adaptation d’une composition
L’adaptation d’une composition met en jeu un droit moral
inaliénable et imprescriptible de l’auteur, le droit à l’intégrité de
son œuvre.
L’auteur peut s’opposer à une altération, une dénaturation de
son œuvre en application de son droit moral.
En matière de parfumerie, on peut considérer que ce droit
permet à un compositeur d’interdire la modification de sa
composition par le choix de matériaux de moindre qualité par
exemple, ou par le remplacement de produits naturels par des
produits de synthèse moins coûteux, mais dont la forme
olfactive est moins subtile ou différente du produit original.
Il permet aussi d’interdire une évolution de la fragrance pour
l’adapter au goût du jour.
D. Pastiches, plagiat, knock-off
"Tout artiste commence par le pastiche" constatait André
Malraux. Cette tradition est en effet bien établie dans tous les
domaines de l'art, et même institutionnalisée. Le musée du
Louvre prévoit des séances spéciales pour permettre aux
étudiants des beaux-arts de se livrer à la copie des toiles
exposées, dans le cadre de leur apprentissage. La parfumerie
n'échappe pas à cet usage.
Le problème se pose lorsque le pastiche est réalisé non dans le
but de la formation, mais pour un usage commercial. Il en est
ainsi des "knock-off", qui sont les copies bon marché des
parfums prestigieux. Cette pratique relève clairement de la
contrefaçon des droits d'auteur, car ces parfums ne portent pas
l'empreinte de la personnalité de son créateur mais ont pour seul
but la copie d'une fragrance originale.
Le droit de la concurrence ne suffit pas pour éviter le
développement des knock-off. Dans certains pays, ces pratiques
sont même considérées, sur le plan de la consommation, comme
bénéfique au consommateur. Aux Etats-Unis, la
commercialisation de knock-off est considérée comme légitime
dans la mesure où elle permet au consommateur d'accéder à des
fragrances originales à moindre prix. La première entreprise
d'imitation créée en 1981 aux Etats-Unis s'appelle Parfums de
Cœur. Elle ne cache pas ses pratiques de copie. Pour les réaliser,
Parfums de Cœur utilisait et utilise toujours des techniques
comme la chromatographie en phase gazeuse ou la
spectrométrie de masse, qui sont capables de réduire les
composants chimiques des parfums à leurs principaux éléments.
Ces copies fabriquées se sont vendues à des millions
d'exemplaires, si bien que des douzaines de compagnies se sont
lancées à leur tour sur le marché. Le chiffre d'affaire réalisé par
Parfums de Cœur en 1988 avec la vente de "copycats" atteint 65
millions de dollars.
Dans l’affaire Smith contre Chanel87, le Neuvième Circuit
énonce que " la société de parfumerie a admis que la société de
knock-off avait le droit de copier la formule non protégée par
une marque des produits de la société de parfumerie. " Ceci
explique le développement de slogans publicitaires tels que "if
you love X, you'll love Y", ou "our incredible version of X".
Une telle situation peut être perçue comme favorable au
87
Smith 159 USPQ 389.
consommateur qui a accès à des parfums coûtant seulement le
quart du prix du parfum original.
Le problème ne se pose toutefois pas uniquement en termes de
droit de la concurrence et de la consommation, mais surtout en
terme de respect des droits légitimes du créateur et de
l'investisseur.
E. Tendances et contrefaçon
Une des grandes craintes des professionnels de la parfumerie par
rapport à l’application du droit d’auteur concerne le problème
des tendances.
L’application du droit d’auteur ne risque-t-elle pas de susciter
une prolifération de contentieux inopportuns, engagés par des
créateurs prétendant à quiconque de proposer des fragrances
originales appartenant à une même tendance ?
Cette question a été abordée dans d’autres domaines créatifs, par
exemple dans la création graphique. Le jurisprudence88 admet
que :
Rien n’empêche un artiste de traiter le même thème qu’un autre
artiste pourvu qu’il fasse œuvre originale et personnelle.
La limite entre tendance et contrefaçon a été déterminée de
façon fort instructive dans une affaire89 de contrefaçon d’un
tableau du peinte de marine Legout-Gérard :
L’œuvre incriminée (de contrefaçon) reproduit les mêmes
dispositions des barques, l’attitude des personnages, l’aspect
88
89
Trib. Civ. Seine, 17 janvier 1957
CA Paris, 26 janvier 1918, LEGOUT-GERARD C. DUFOUR
des côtes dans le lointain, les reflets de la lumière sur l’eau.
Considérant qu’il importe peu que cette reproduction soit
grossière ; que cette circonstance n’excuse pas la contrefaçon ;
que tout au contraire, elle en accentue le caractère en portant
davantage atteinte aux droits et intérêts de l’artiste
Nul doute que les arguments développés dans le motif de la
Cour d’Appel pourraient être transposés au domaine de la
parfumerie, pour des imitations grossières de certains parfums
originaux.
Les magistrats, éclairés par les experts en matière de parfumerie,
sauront probablement discerner un parfum licite relevant de la
même tendance qu’un parfum connu mais constituant une
création personnelle, et une contrefaçon grossière se contentant
de reprendre les caractéristiques essentielles d’un parfum connu.
Cette distinction ne sera ni plus facile, ni plus complexe, que
pour les autres domaines de la création artistique.
III.
Les droits moraux
L'application au domaine des créations sensorielles des
dispositions en matière de droits patrimoniaux, nous attirons
l'attention sur certaines conséquences prévisibles.
Le droit de reproduction doit préciser les modes d'exploitation
concédés. En matière de parfum, l'exploitation d'une fragrance
peut prendre différentes formes : eaux de toilettes, parfums,
cosmétiques, crèmes parfumées, lotions et produits de bain,
produits d'hygiène corporelle, odorisation fonctionnelle de
locaux, etc. Il sera indispensable de prévoir dans les contrats de
cession des droits d'auteurs portant sur une création olfactive les
modes d'exploitation pour lesquels le compositeur de parfum
aura cédé effectivement ses droits.
De même, le droit de représentation permettra d'organiser la
présentation au public des parfums, en limitant éventuellement
les lieux de "représentation" des parfums en fonction de
l'ambiance du lieu, des motivations de la représentation, etc.
A. Le droit à la paternité
Le droit à la paternité est un des droits moraux qui est à la fois
inaliénable, et peut être en désaccord avec les usages dans le
domaine de la parfumerie. En application de cette disposition, le
compositeur est en droit de faire reconnaître la création olfactive
comme étant de lui, et d’exiger que la mention de son nom soit
systématiquement associée à sa création.
Ce droit a toutefois été limité en matière d’art appliqué, où une
décision a admis que le droit au nom de l’auteur s’arrête aux
supports de la création, et ne s’étend pas aux produits
industrialisés. L’auteur d’une carrosserie automobile n’a ainsi
pu obtenir que son nom soit apposé sur les reproductions
industrielles de sa création.
Par contre, la présentation d’une création olfactive comme
résultant de l’œuvre d’une personne qui n’en est pas l’auteur
constitue incontestablement une faute et même un délit réprimé
par le code pénal. Ainsi, il est exclu qu’un tiers puisse s’attribuer
les mérites d’une création dont il n’est pas l’auteur.
B. Le droit au respect de l’œuvre
Le compositeur est en droit de voir sa composition exploitée
sans que l’exploitation ne porte atteinte à l’intégrité de sa
création. En matière de création photographique, il a été jugé90
que le fait de rhabiller avec des billets de banques la photo d’un
modèle nu ou de coloriser un film en Noir et blanc91 constituent
des atteintes au droit au respect de l’œuvre.
En matière de création olfactive, une telle atteinte pourrait
résulter d’une altération ou d’une modification de la
composition produisant la forme olfactive sans le consentement
de l’auteur, par exemple par la substitution de composés entrant
dans la formule de la composition, ou l’adjonction d’excipients
odorants.
Une telle atteinte pourrait également résulter d’une exploitation
qui ne respecterait pas l’état d’esprit du compositeur. Ceci serait
probablement le cas si une forme olfactive créée pour
l’exploitation sous forme de parfum étaient également
commercialisée sous la forme de bombe de déodorisation sans
l’autorisation du créateur. A titre d’exemple, l’utilisation d’une
œuvre musicale à des fins publicitaires, sans l’autorisation
expresse de l’auteur, a été considérée92 comme une atteinte au
droit moral de ce dernier, alors que la reproduction de l’image
de l’ours Colargol sur des pots de yaourt et de moutarde n’a pas
90
TGI Paris, 3ème ch. 14 mai 1987, Jonvelle c. Sipa Presse
C.A. Paris, 31 octobre 1988, Express c. Deveria
92
CA Paris, 20 février 1990, Neuburger c. N. de Rothschild
91
été considérée93 comme portant atteinte au droit moral du
dessinateur de Colargol.
Le droit au respect de l’œuvre a des conséquences réelles dans
les relations entre compositeurs et industrie de la parfumerie. La
concertation entre les différents acteurs sera nécessaire pour
éviter des dérives pouvant donner lieu à un contentieux.
C. Le droit de divulgation
L’auteur seul est en droit de divulguer son œuvre. S’agissant
d’un droit moral inaliénable, ce droit n’est pas transmis au
cessionnaire des droits d’exploitation. Le compositeur peut, en
application de ce droit moral, décider de conserver sa
composition secrète.
Par ce droit, le compositeur pourrait refuser de voir sa création
exploitée.
D. Le droit de repentir ou de retrait
Un autre aspect du droit moral est le droit de repentir ou de
retrait qui permet au compositeur d’arrêter la diffusion de son
œuvre auprès du public.
Un tel droit pourrait être exercé par un compositeur peu satisfait
de créations de jeunesse, qui voudrait arrêter la diffusion de
parfum qu’il estime incompatible avec son évolution esthétique.
93
CA Paris, 26 avril 1977, Vlaymynck c. Wolf
1) L’indemnisation du
cessionnaire des droits
d’exploitation
Dans les deux cas susvisés, l’exercice de ce droit moral de
l’auteur ouvre le droit à son partenaire industriel à une
indemnisation. Il est légitime que l’auteur renonce à la diffusion
de sa composition, ou en demande l’arrêt. Si une telle décision
entraîne un préjudice à son partenaire industriel, par exemple à
la société qui a commandé la création d'un nouveau parfum, il
est également légitime que cette dernière soit intégralement
indemnisée du préjudice que lui fait subir cette décision.
IV. Comparaison
secteurs d’activité
avec
d’autres
La crainte de la Parfumerie est de voir l'application du droit
d'auteur bouleverser les équilibres économiques, par une remise
en cause trop profonde des relations entre maisons de matière
première, compositeurs salariés ou indépendants et marques.
Cette crainte est injustifiée. De nombreux secteurs d'activité
fonctionnent avec un grand dynamisme, sans que la
reconnaissance des droits d'auteur des créatifs ne conduise à des
impasses économiques.
A. La publicité
Un premier exemple de secteur où la contribution d'auteurs est
importante, sans que cela ne nuise au dynamisme des entreprises
est celui de la publicité.
On retrouve une certaine analogie dans l'organisation de la
production : coexistence et coopération de créatifs salariés ou
indépendants (photographes, scénaristes, graphistes,…),
d'agences et d'annonceurs.
Il n'est pas contesté que le droit d'auteur protège les créations
des contributeurs d'une campagne de publicité.
Par ailleurs, l'agence et l'annonceur organisent contractuellement
le transfert des droits de propriété intellectuelle, et
accessoirement la responsabilité des parties en cas de litige.
B. Le design industriel : flaconnage
L’application du droit d’auteur n’est d’ailleurs pas totalement
inhabituelle pour l’industrie de la parfumerie. En matière de
création de flacons, il est incontesté que l’auteur du flacon
dispose d’un droit d’auteur sur sa création, et que le droit
d'exploitation en est cédé à la Marque de parfum qui exploite le
flacon créé pour l’un de ses parfums, ou au verrier qui fabrique
les flacons pour le compte du parfumeur.
Il s’agit certes d’un élément connexe au parfum, et de ce fait
perçu comme moins " sensible ". Néanmoins, toutes les
implications juridiques du droit d’auteur s’appliquent.
Il ne semble pas que cela entraîne de conflits inextricables, ni ne
constitue un frein au développement de l’industrie de la
parfumerie.
Nul doute que les usages en vigueur pour les relations avec les
créateurs de flacons ou d’emballages pourront être utilement
transposés aux relations avec les compositeurs de parfum.
V.
Le parfum de renom
Pour la parfumerie de luxe, il est probable que le mode de
protection le mieux approprié est le recours au droit d’auteur.
Néanmoins, on peut admettre que la fragrance d’un parfum
constitue par-delà son aspect esthétique et hédoniste une
signature, comme la forme du flacon peut cumuler la fonction
esthétique et la fonction de signature. Si la marque olfactive est
reconnue, la forme olfactive de grands parfums pourra être
assimilée à une marque notoire ou au moins à une marque de
renommée, avec les conséquences juridiques qui en découlent.
A. Le parfum, marque notoire ?
La marque notoire est une marque connue par un très large
public. Elle bénéficie d’un statut particulier puisqu’elle est
protégée même s’il elle n’a pas fait l’objet d’un dépôt. On
pourrait admettre que des grands parfums, comme N°5 de
Chanel constitue une marque notoire. Il n’est toutefois pas
évident qu’un large public reconnaisse cette signature olfactive
indépendamment de son nom.
B. Le parfum, marque renommée ?
Une autre notion est celle de marque renommée, dont la
protection dépasse le principe de la spécialité de la marque. Elle
est alors protégée non seulement pour les produits et services
désignés, mais aussi pour des produits et services qui ne figurent
pas dans le libellé de la marque.
C. Les incidences financières
La prudence, mais également l’optimisation de la fiscalité,
voudrait que la rémunération d’un compositeur salarié soit
ventilé en deux partie, une partie correspondant à la
rémunération des droits d’auteur et l’autre partie correspondant
à la rémunération normale de son travail. De même, pour le
paiement de prestations commandée à une société de
composition, la partie correspondant au paiement de droits
d’auteur devrait être distinguée des autres postes de facturation.
Cette distinction permet de réduire le coût des charges sociales,
et de diminuer la fiscalité personnelle du compositeur salarié ou
indépendant.
Elle permet également de faire apparaître au bilan du
cessionnaire des droits d’auteur un élément supplémentaire
d’actif incorporel, ce qui n’est pas sans effet favorable pour la
présentation comptable de l’entreprise.
VI. Les perspectives
parfumerie fine
pour
la
Pour reprendre un slogan célèbre94, n’ayez pas peur.
L’application du droit d’auteur à la création de formes olfactives
n’est pas une révolution, un tremblement de terre menaçant
l’équilibre économique de la parfumerie.
Comme dans d’autres domaines, l’application du droit d’auteur
peut se faire de façon raisonnable et pragmatique. La
jurisprudence montre que les règles très exigeantes du droit
94
Discours du Pape Jean-Paul II à Paris en juin 1981
d’auteur selon la conception française sont nuancées pour tenir
compte de circonstances spécifiques.
Au contraire, les effets bénéfiques peuvent être attendus,
notamment par la valorisation de la créativité en matière de
parfumerie fine, la possibilité de lutter contre les contrefaçons
grossières, et accessoirement des avantages financiers et fiscaux.
Section 2. La parfumerie
industrielle
Une forme olfactive peut constituer une signature d’un nouveau
genre, complétant ainsi le panel d’outils dont dispose le
marketing.
I.
Le logo olfactif
La forme olfactive peut constituer un logo olfactif permettant de
désigner sous une forme nouvelle divers produits et services.
Cet aspect a été développé dans la deuxième partie de cet
ouvrage.
A. Le dépôt de la marque
Pour que ce logo olfactif puisse être enregistré à titre de marque,
il est nécessaire, au moins en l’état actuel des législations
relatives au droit des marques, de réaliser une représentation
graphique de la forme olfactive.
La représentation graphique la plus complète et la plus
compréhensible possible est nécessaire pour pallier autant que
possible les réticences des offices de marques.
B. Caractérisation par un capteur
d’odeurs.
Nous proposons ci-après un exemple de protocole de
caractérisation d'une création olfactive.
Désignation de l'échantillon par son nom de code.
Ex : PB 1615
Indication du créateur du parfum et titulaire de la marque
Descriptif de la fragrance
Ex : Floral blanc, épicé, légèrement oriental
Configuration de l'appareil utilisé pour réaliser la caractérisation
Ex : FOX 4000 et échantillonneur automatique HS100
chambre A : capteurs T30/1, P10/1, P10/2, P40/1, T70/1, PA2
chambre C : capteurs SY/LG, SY/G, SY/CG, SY/GW, SY/W, SY/CT
chambre B : capteurs P30/1, PA3, P30/2, P70/1, T40/1, TA2
Conditions d'analyse
Ex :
Préparation de l'échantillon : 4 dépôts de 100 µl sur une bande de 2.5x10 cm
de papier Joseph avec séchage entre chaque dépôt.
Volume de l'espace de tête injecté : 2500 µl
Vitesse d'injection : 2500 µl/sec
Débit du gaz vecteur : 250 ml/min
Description de la représentation graphique :
Ex : Intensité des réponses des différents capteurs sous forme d'image de type
"Vasarely" pour l'échantillon PB 1615
Un autre moyen de caractérisation est le recours à la
chromatographie en phase gazeuse.
C. Le cumul du droit d’auteur et du
droit des marques
Comme pour des créations graphiques ou littéraires (slogans par
exemple), la création olfactive bénéficie d’un cumul de
protection, par le droit d’auteur et le droit des marques. Cette
situation n’a rien d’anormal, mais implique que le déposant de la
marque ait préalablement acquis les droits d’auteur sur le signe
olfactif qu’il entend déposer à titre de marque, et d’exploiter à
titre de signature olfactive.
La cession des droits d’auteur devra mentionner bien sûr la
destination des droits d’exploitation, mais aussi le droit de
déposer la création à titre de marque.
II.
L'exploitation des logos olfactifs
Comme pour toute marque, la marque olfactive pourra faire
l’objet non seulement d’une exploitation directe par le déposant,
mais aussi de concession de licences.
A. La concession des droits
Une marque olfactive pourra par exemple constituer l’un des
signes de reconnaissance et d’identification des membres d’un
réseau de franchise. Les franchisés bénéficieront alors d’une
licence d’exploitation de la marque olfactive, au même titre que
la licence des autres marques nominales ou graphiques.
B. L’action en contrefaçon
La difficulté de mise en œuvre concernant l’action en
contrefaçon. Pour des signes olfactifs facilement
reconnaissables, nul doute que l’huissier chargé de la saisie
contrefaçon saura constater la présence de la marque olfactive.
Pour des signatures plus subtiles, l’huissier sera sans doute
confronté à la difficulté de la description de la marque arguée de
contrefaçon. Rappelons toutefois que l’huissier peut se faire
accompagner d’un expert, et que cet expert pourra notamment
être un " nez ", apte à reconnaître une forme olfactive et à
vérifier la conformité entre la marque olfactive arguée de
contrefaçon, et la forme olfactive déposée à titre de marque.
C. L'opposition en matière de
marques olfactives
Le droit des marques prévoit dans certains pays, notamment en
France, une procédure d’opposition permettant à un titulaire
d’une marque de s’opposer à l’enregistrement d’une marque
identique ou similaire.
Cette possibilité existera bien entendu pour les marques
olfactives, si ces dernières sont considérées par l’Inpi comme
enregistrables.
Pour pouvoir faire opposition, le titulaire de la marque olfactive
devra procéder à une surveillance des publications des marques
déposées. Les informations publiées au Bulletin Officiel de la
Propriété Industrielle devront lui permettre d’identifier les
marques potentiellement identiques à la marque surveillée.
Là encore se pose le problème de la caractérisation des signes
olfactifs. L’utilisation de descripteurs sera certainement une aide
précieuse, comme l’utilisation de descripteurs dans la rubrique
" observations " facilite la surveillance et la recherche de
marques graphiques ou semi-graphiques.
L’utilisation des graphes de CPG est plus délicate. Ils permettent
néanmoins de déceler les marques olfactives potentiellement
gênantes, avant de mener des investigations plus approfondies et
d’engager éventuellement une procédure d’opposition.
Pour des cas simples, comme la marque " odeur de fraise ", la
mise en œuvre d’une procédure d’opposition ne devrait pas
poser de problèmes insurmontables.
Pour des marques olfactives plus élaborées, l’éclairage de la
comparaison des deux signes par un expert sera sans doute
nécessaire.
III.
La protection du consommateur
La marque est un signe de reconnaissance pour le
consommateur. Il constitue un signe de ralliement auquel le
consommateur attribue une confiance a priori. Il est donc
nécessaire de veiller à ce que ce signe ne soit pas utilisé de
manière trompeuse, comme c’est d’ailleurs le cas pour
n’importe quelle autre marque.
A. La tromperie
L’exploitation de la marque olfactive devra respecter les
conditions habituelles de licéité. Le signe ne pourra être
constitué par une forme olfactive trompeuse au regard des
produits ou services auquel elle est associée. Serait par exemple
trompeuse une odeur de cuir pour désigner des véhicules ou des
sièges ne comportant pas ce matériau, ou encore une odeur de
pain frais pour un service de dépôt de pain.
B. La concurrence déloyale
La signature olfactive ne devra pas non plus être utilisée par un
concurrent sous une forme certes différentes, mais pouvant
toutefois conduire le consommateur à confondre l’origine des
produits.
La doctrine habituelle en matière de concurrence déloyale
s’applique pleinement. Le comportement fautif d’un
commerçant utilisant un signe olfactif frauduleux peut être
sanctionné par le titulaire de ce signe, dans la mesure où ce
comportement fautif lui a occasionné un préjudice.
Section 3. Les relations entre les
métiers de la parfumerie
I.
Les contrats
La prise en compte du droit de la propriété intellectuelle pour les
créations et les signatures olfactives se traduira par une
évolution des relations contractuelles entre les différents acteurs
de la parfumerie, voire à la mise en place de contrat là où les
relations étaient essentiellement informelles.
A. Contrats d’exploitation
Le contrat d’exploitation d’une composition olfactive nouvelle
correspondra à un contrat d’édition. Il prendra nécessairement la
forme d’un écrit. Un tel contrat comportera les dispositions
suivantes :
• Champ
d’exploitation
des
droits
cédés.
Les droits cédés devront faire l’objet d’une mention explicite
•
•
•
•
et distincte pour chacune des destinations.
Le domaine d’exploitation des droits cédés devra être
délimité quant à son étendue, à son lieu et à sa durée.
Organisation
du
droit
d’adaptation
L’adaptation de la composition, notamment par la
modification de la formule, ou l’utilisation de la formule
modifiée pour tenir compte des spécificités de certaines
destinations, devra être organisée dans le contrat, notamment
en ce qui concerne le rôle et la contribution du compositeur
de la forme olfactive initiale.
Modalité
de
rémunération
des
droits
Le principe de la rémunération proportionnelle prévaut.
L’assiette de la rémunération et le taux, et éventuellement
l’évolution de ce taux, devront être déterminés dans le
contrat. La rémunération forfaitaire est réservée à certaines
situations exceptionnelles.
Garanties
de
libre
jouissance
Les garanties accordées par le compositeur
L’auteur doit garantir au cessionnaire la libre jouissance des
droits concédés. Cette garantie se décompose habituellement
en une garantie de l’éviction du fait personnel (notamment
du fait de salarié du compositeur), et éventuellement en une
garantie de l’éviction du fait de tiers. Cette dernière garantie
implique que le compositeur ait procédé à des recherches
pour vérifier l’absence de contrefaçon d’une fragrance
antérieure.
Respect
de
la
forme
de
la
création
L’engagement du cessionnaire d’exploiter la forme olfactive
•
dans la forme convenue. Cet engagement peut comporter des
obligations quantitatives.
Eventuellement des dispositions concernant la cession du
contrat à un tiers, par voie directe, par voie de cession
partielle ou totale du fond de commerce, ou de dépôt de
bilan.
B. Contrats de commande
La commande de création d’une forme olfactive est le contrat
par lequel le compositeur s’engage à réaliser et à livrer une
composition nouvelle. On peut considérer que le compositeur
reste maître de sa composition jusqu’à la livraison de la forme
olfactive aboutie.
Un tel contrat doit prévoir :
• Un cahier des charges détaillé, fixant les contraintes
imposées au compositeur tant artistiques qu’économiques ou
techniques
• Une mention des modes d’exploitation envisagés
• Les conditions de rémunération, avec de préférence une
distinction entre la rémunération de la prestation technique
et la rémunération sous forme de redevances en cas
d’exploitation de l’œuvre
• Le contrat d’édition qui sera conclu pour la forme olfactive
retenue.
• Un système d’option de cession avec éventuellement une
indemnité pour le commanditaire, en cas de refus de cession
par le compositeur
Les obligations en matière de garantie d’éviction du fait
personnel et du fait de tiers
• Le calendrier et les modalités de présentation et
d’acceptation des compositions.
•
C. Contrats-type
Les organisations professionnelles pourront utilement se
concerter pour préparer, à l’instar des professionnels de la
publicité, un " contrat type " auquel les parties pourront se
référer. Le contrat-type entre annonceurs et agents de publicité a
été rédigé par un comité d’experts saisi par la commission
technique des ententes. Il a été publié au Journal Officiel le 19
septembre 1961. Il prévoit la cession automatique à l’annonceur
de tous les droits de reproduction résultant notamment de la
propriété littéraire et artistique.
Ce contrat-type pourrait être complété par un barème définissant
les coefficients à affecter à la rémunération du compositeur, en
fonction de la destination de la composition.
Ce contrat-type prévoit des dispositions usuelles en matière de :
• Portée de la cession des droits d’exploitation
• Responsabilité du compositeur en cas de litige sur la liberté
d’exploitation de la composition
• Mode de rémunération
• Exercice des droits de retrait
• Durée de la cession.
II.
Le statut des compositeurs
Les compositeurs salariés, qu’ils travaillent dans le cadre d’une
société de composition, d’une société de matières premières ou
pour le compte d’une maison de parfums, exercent leur activité
dans le cadre d’un contrat de travail, ou à titre de consultant
indépendant.
Dans ce dernier cas, les relations avec leur partenaire sont régies
par un contrat de commande, et éventuellement de concession
de droits d’exploitation.
Dans le premier cas, il est recommandé de prévoir dans le
contrat de travail des dispositions concernant la création de
formes olfactives.
A. Le droit d’auteur des
compositeurs salariés
Le contrat de travail ne pourra pas prévoir la cession des œuvres
futures, en raison de l’interdiction d’une telle disposition par le
Code de la Propriété Intellectuelle. Une telle disposition serait
nulle et sans effet, dans le cas où le compositeur-salarié en
refusait l’application.
La solution passe par l’organisation d’une cession automatique.
Cette cession automatique doit être rédigée avec soin pour éviter
qu’elle ne soit assimilée à une cession des œuvres futures.
Versement d’une redevance correspondant à une prime
La rémunération des droits d’exploitation peut remplacer le
versement d’une prime. Elle présente l’avantage, par rapport à
une prime, de ne pas être soumise aux charges sociales, ce qui
représente une économie non négligeable pour l’employeur.
On pourrait également envisager d’assimiler les compositeurs à
des artistes-auteurs. On peut toutefois s’interroger sur la part de
la rémunération correspondant au versement de droits d’auteur
relève de l’Agessa . Cet organisme est compétent pour
l’assujettissement des auteurs relevant de certaines branches
professionnelles ne prévoyant pas les compositeurs de formes
olfactives. L’organisme gérant les autres branches d’activité, la
Maison des Artistes, ne comprend pas non plus d’activité
assimilable. Une incertitude existe donc en ce qui concerne la
gestion du régime social des compositeurs salariés.
I I I L
. a
constitution
immatériels
d’actifs
Pour l’entreprise cessionnaire des droits d’auteur ou titulaire de
marques olfactives, l’intérêt de l’application du droit de la
propriété intellectuelle est bien sûr la constitution d’actifs
immatériels.
La valorisation de tels actifs peut atteindre des montants très
élevés, si on prend en compte les méthodes habituelles
d’évaluation financière d’actifs immatériels.
L’une de ces méthodes est basée sur l’estimation du cash-flow
futur actualisé. Compte tenu des marges engendrées par
l’exploitation de parfums, cette méthode aboutit à des
valorisations de plusieurs millions de francs, ce qui n’est pas
sans incidence sur le bilan des entreprises.
Section 4. En guise de conclusion
provisoire
Que la création d’une forme olfactive constitue une œuvre de
l’esprit protégeable par le droit d’auteur semble difficilement
contestable. Que l’application du droit d’auteur au domaine de
la parfumerie constitue une révolution est exagéré. Qu’elle
remette en cause des usages bien établis, et de ce fait soulève
des réticences voire une hostilité de certains professionnels est
certain.
Pourtant, les craintes sont largement infondées, et il est probable
que la prise en compte du droit d’auteur aura des effets
bénéfiques tant pour les compositeurs que pour les sociétés de
parfumerie.
En premier lieu, cette prise en compte renforcera les efforts
créatifs, et valorisera l’originalité et la qualité des compositions
nouvelles.
Accessoirement, elle pourra se traduire par des avantages
financiers et fiscaux significatifs.
L’ensemble des organisations professionnelles devra se pencher
attentivement sur les implications de cette situation, pour
organiser de façon paritaire et équilibrer la mise en œuvre du
droit d’auteur, notamment par l’établissement de contrats type,
de barèmes, et éventuellement de révision des conventions
collectives.
Pour la parfumerie industrielle, un horizon nouveau s’ouvre
avec les marques olfactives. Même si certains pays ont déjà
admis la marque olfactive, le chemin est encore semé
d’embûches en France et auprès de l’Ohmi.
Les formes olfactives viendront-elles un jour agrémenter, voire
envahir, notre environnement marketing ? C’est probable, si l’on
observe les initiatives qui se développent dans ce sens. Le droit
devra accompagner cette évolution, pour proposer une
protection efficace pour ces nouveaux signes d’identification de
produits et de services qui, nonobstant une forme nouvelle,
remplissent exactement les mêmes fonctions que les marques
nominales, graphiques ou sonores. Un chemin passionnant
s’ouvre pour tout ceux qui s’intéressent au parfum. S’agit t-il de
la Renaissance du parfum ?
Principales sources bibliographiques
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Inc, 1990
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1994. Trademark Reporter vol.86, n°2, mars-avril 1996, p.142-173.
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œuvre de l’esprit au sens de la loi du 11 mars 1957 ? RIPIA 1979, p.461463.
BERTRAND André :Le droit d’auteur et les droits voisins MASSON 1991.
BLAMONT Véronique : Souvenirs de parfums, histoires et secrets des
senteurs, Edition Mille et une nuits, avril 1998
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janvier 1992.TRDC, avril-juin 1994, p.261-270.
CHASTRETTE Maurice : L'art des parfums,Collection Questions de
science, Hachette 1995
CHASTRETTE Maurice et al. : Analysis of a system of description of
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CHOUCHAN-MAISEL M.C. : The scent of deceit. Trademark World n°23,
janvier 1990 p.33-34.
COLLECTIF : Odeurs, l’Essence d’un Sens, série Autrement Mutations
n°92 Septembre 1987
COLLECTIF : Questions de Parfumerie, texte rédigé par Jeau-François
Blayn avec la collaboration notamment de Pierre Bourdon, Henri Sebag,
Odile Moreno… Corpman Editions, 1988.
ELIAS Bettina : Do scents signify source? An argument against trademark
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p.475-530.
GEFFRAY Solène: La protection des odeurs par la Propriété
Intellectuelle, Mémoire DESS sous la direction de Pierre
BREESE et de Yves REBOUL, 1998
HAWES James.E. : Fragances as trademarks. Trademark Reporter vol.79,
n°2, mars-avril 1989, p.134-157.
HUTIN Anne-Sophie : Appropriation juridique des signatures
olfactives, Mémoire DESS sous la direction de Pierre BREESE et
de Pierre SIRINELLI , 1997
HUYGHES René : L'art et l'âme, Flammarion, 1980
KERLAU Yann: Contrefaçon, la protection des fragrances prend
forme, COSMETICA, mai 1997
LALIGANT Olivier : Problématique de la protection du parfum par le droit
d’auteur, 1989
LUCAS André et H.J. : Traité de la Propriété Littéraire & Artistique,
LITEC, 1994
LYONS Debrett. : Sounds, Smells and signs. EIPR, vol 16, n°12, décembre
1994, p.540-543.
MACH Ernst : Analyse der Empfindungen, 1922
MANSINI Luigi : Les Marques olfactives . Revue de Droit International
1996 n°6, p. 262-275.
MATHELY Paul : Le droit français des signes distinctifs, Librairie du
Journal des Notaires et des Avocats, 1984.
MILLET Philippe : Faut-il protéger les créations olfactives, Parfums et
cosmétiques, mai 1998
PAMOUKDJIAN Jean-Pierre : Le droit du Parfum, Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence, 1982
SOMMERS M.S : Extending the boundaries of Trademark protection in the
US. Trademark World n°59 juillet-août 1993, p.18-22. N°60, septembre
1993, p.29-33.
SAINT-GAL Yves : Marques de fabrique et concurrence déloyale, éditions
Delmas.
STROWEL Alain : Droit d'auteur et copyright, éditions BRUYLANT,
1993.
THELLIER Anne-Marie: Propriété Intellectuelle des créations
olfactives, Mémoire DESS sous la direction de Virginie BARBET
et de André FRANCON , 1998
Moon-Ki Chai : Protection of fragrance under the post-sale confusion
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RICHARD Hubert et MULTON Jean-Louis : Les arômes alimentaires,
TEC & DOC - LAVOISIER, 1992
ROUDNITSKA Edmond : Une vie au service du parfum, Thérèse Vian
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ROUDNITSKA Edmond : Le Parfum. Que sais-je ? P.U.F.
ZENDEL Daniel, PRAHL Dennis S : Making sense of trademarks: an
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WINKLER M. : Das neue Markenrecht als Herausforderung für das
Deutsche Patentamt( Le nouveau droit des marques, un défi pour l’office
allemand des brevets). PIBD 1995, 586,II-66.
Section 5.
Sites Internet
Laboratoire de Physiologie Neurosensorielle (Pr André HOLLEY et Maurice
CHASTRETTE)
http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/
Fragrance foundation
http://www.fragrance.org/
BREESE MAJEROWICZ Propriété Industrielle
http://www.breese.fr
Vente de parfums sur Internet
http://www.fragrancenet.com/fragrancenet.html
Site de l'ISIPCA (Institut Supérieure de Parfumerie)
http://isipca.org
Base documentaire sur l'olfaction
http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/prod/dbolfac.htm
Classification des parfums (Comité Français du Parfum)
http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/servolf/cp1/sommaire.htm
Liste de descripteurs des odeurs
http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/servolf/descri/descri.htm
Sites sur les "nez électroniques"
http://ourworld.compuserve.com/homepages/alpha_mos/
http://www.inp-fc.fr/~nez/pa1.html
http://www.neotronics.com/
http://www.hway.net/lennartz/moses/modules.html
http://www.foedisch.de/englisch/index.htm
http://www.realaroma.com/
http://www.aromascan.com/ArHome.html
http://www.dijon.inra.fr/dij/aromes/nez0.htm
CHAPITRE 1........................................................... LES INTERVENANTS
4
SECTION 1.
LES SOCIÉTÉS ....................................................................... 4
I. Les producteurs et fournisseurs....................................................... 4
II. Les sociétés de compositions ......................................................... 15
III.
Le développement marketing de l’odeur.................................... 23
SECTION 2.
LES CREATEURS............................................................ 29
I. La formation d’un compositeur ..................................................... 29
II. II. Un nez est-il compositeur-parfumeur ? .................................... 36
III.
III. Un travail personnel constant ............................................. 39
IV.
Les applications......................................................................... 43
CHAPITRE 2....... L’OLFACTION AVANT ET APRÈS LA CRÉATION
48
SECTION 1.
L’OLFACTION AVANT LA CRÉATION .................................... 48
I. La perception................................................................................. 48
II. La forme littéraire ......................................................................... 51
III.
Oeuvre de l’esprit...................................................................... 53
SECTION 2.
OBJECTIVITÉ ET SUBJECTIVITÉ ........................................... 56
I. Le langage olfactif......................................................................... 56
II. Les classifications ......................................................................... 57
SECTION 3.
LES MOUVEMENTS CRÉATIFS .............................................. 59
I. Un siècle de mouvements créatifs.................................................. 59
II. Aujourd’hui ................................................................................... 64
III.
Les prises de risques créatifs..................................................... 69
IV.
Perspectives............................................................................... 73
SECTION 4.
L’ODOCOPIE ....................................................................... 78
I. Les reconstitutions......................................................................... 78
II. Les filiations .................................................................................. 79
III.
Nécessité d’un comité qui jugera de l’originalité...................... 80
CHAPITRE 3...................LE CONSOMMATEUR FACE AUX ODEURS
84
SECTION 1.
VERS UN CONSOMMATEUR POLYSENSORIEL ?..................... 86
I. Le rôle des sens dans l’acte d’achat et de consommation ............. 86
II. Le rôle de l’odorat dans l’acte d’achat et de consommation......... 90
III.
L’importance accordée aux réponses émotionnelles................. 96
SECTION 2.
L’ANALYSE DU COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR FACE
AUX ODEURS 103
I. De l’intérêt de l’analyse .............................................................. 103
II. Notions de base préalables à la compréhension de l’influence des
odeurs.................................................................................................. 106
SECTION 3.
PRÉSENTATION DES PROCESSUS INTERNES ........................ 116
I. Le processus de perception sensorielle ....................................... 117
II. Le processus d’apprentissage des odeurs.................................... 122
III.
La mémoire olfactive ............................................................... 124
IV.
Le rôle des émotions................................................................ 134
SECTION 4.
RÔLE ET CONSÉQUENCE DE L’ÉVALUATION DE L’ODEUR .. 139
I. Influence de l’odeur sur l’évaluation .......................................... 140
II. Influence de l’odeur sur le comportement du consommateur...... 152
SECTION 5.
APPROCHES TEMPORELLE, SPATIALE ET SOCIÉTALE ......... 168
I. Influence du temps....................................................................... 168
II. Influence de l’espace : notion de zone culturelle......................... 173
CHAPITRE 4............ L’EXPLOITATION MARKETING DES ODEURS
176
SECTION 1.
PROFILS DES INTERVENANTS ............................................ 176
I. Les fabricants, compositeurs et concepteurs d’arômes ............... 176
II. Les distributeurs et les conseils ................................................... 181
III.
Les utilisateurs ........................................................................ 182
SECTION 2.
OBJECTIFS MARKETING ASSOCIÉS À L’UTILISATION D’UNE
ODEUR
184
I. Attirer l’attention......................................................................... 184
II. Reconstituer et renforcer une odeur – produit ............................ 186
III.
Améliorer l’efficacité d’un produit.......................................... 187
IV.
Contrer ou masquer une odeur................................................ 188
V. Donner une signature olfactive à une entreprise, une enseigne ou
une marque.......................................................................................... 192
VI.
Créer un univers et/ou une ambiance...................................... 200
SECTION 3.
DOMAINES D’INTERVENTION ............................................ 202
I. Marketing produit ....................................................................... 202
II. Marketing du point de vente ........................................................ 210
III.
Marketing non commercial...................................................... 214
SECTION 4.
L’INTÉGRATION DE L’OLFACTION DANS LA STRATÉGIE
MARKETING
222
I. Segmentation et choix d’une cible ............................................... 223
II. Le positionnement ....................................................................... 230
III.
Choix de l’odeur et offre commerciale .................................... 236
IV.
Budgétisation et diffusion de l’odeur....................................... 244
SECTION 5.
LES PROBLÈMES POSÉS PAR L’UTILISATION DES ODEURS .. 252
I. Cacophonie olfactive (problème de la délimitation spatiale de
l’odeur)................................................................................................ 253
II. Nécessité d’un contact physique.................................................. 255
III.
Qualités requises de l’odeur.................................................... 257
IV.
Problèmes techniques et juridiques ......................................... 265
V. Problèmes d’éthique.................................................................... 267
CHAPITRE 5..........................................................................PRÉAMBULE
287
SECTION 1.
CONSTAT DE LA SITUATION .............................................. 288
I. Une attitude rencontrée dans d’autres secteurs .......................... 290
II. Les usages de la profession ......................................................... 291
III.
Quelques rares conflits............................................................ 301
SECTION 2.
MYTHE OU RÉALITÉ DE L’ABSENCE DE PROTECTION ? ...... 304
I. Un conservatisme favorable au statu-quo ................................... 304
II. Les résultats d’un sondage .......................................................... 306
SECTION 3.
RÉSULTAT DE L'ENQUÊTE ................................................. 309
CHAPITRE 6.................................... LE PARFUM VU PAR LE JURISTE
311
I. Des préoccupations connexes au Parfum.................................... 311
II. Un raisonnement dévoyé ............................................................. 312
III.
La démarche logique ............................................................... 312
IV.
Le parfum, sujet et objet .......................................................... 313
SECTION 2.
LE PARFUM, CRÉATION ARTISTIQUE ET ŒUVRE DE L’ESPRIT
315
I. Qu’est ce qu’une œuvre de l’esprit ?........................................... 316
II. L'absence de formalités ............................................................... 318
III.
La création, travail de laborantin ou d’artiste ? ..................... 320
IV.
L’empreinte de la personnalité du compositeur ...................... 321
V. La terminologie ........................................................................... 323
VI.
L'idée n'est pas protégeable .................................................... 324
VII. La protection des prémices de la création............................... 326
SECTION 3.
LES DIFFÉRENTS MODES DE CRÉATION .............................. 327
I. L’œuvre individuelle.................................................................... 327
II. L’œuvre de collaboration ............................................................ 328
III.
L’œuvre collective ................................................................... 328
IV.
L’œuvre composite .................................................................. 329
SECTION 4.
LES DIFFICULTÉS D’APPLICATION DU DROIT D’AUTEUR .... 330
I. La comparaison entre deux parfums ........................................... 330
II. La comparaison entre droit d'auteur et copyright....................... 336
III.
Les difficultés la comparaison en matière de créations
sensorielles.......................................................................................... 338
IV.
Les difficultés liées à la caractérisation .................................. 351
SECTION 5.
LE PARFUM, SIGNE DISTINCTIF ......................................... 357
I. L'idée fait son chemin.................................................................. 357
II. Les oppositions subsistent ........................................................... 358
III.
Qu’est ce qu’une marque ?...................................................... 359
IV.
Les premières tentatives .......................................................... 363
V. Vers la marque olfactive ?........................................................... 366
VI.
L’application du droit des marques......................................... 384
SECTION 6.
LE CUMUL DE PROTECTION ............................................... 389
CHAPITRE 7............................ LES ENJEUX POUR LA PARFUMERIE
391
SECTION 1.
LA PARFUMERIE FINE........................................................ 392
I. Qui est l’auteur ?......................................................................... 392
II. Les droits d’exploitation.............................................................. 401
III.
Les droits moraux.................................................................... 407
IV.
Comparaison avec d’autres secteurs d’activité....................... 411
V. Le parfum de renom .................................................................... 413
VI.
Les perspectives pour la parfumerie fine................................. 414
SECTION 2.
LA PARFUMERIE INDUSTRIELLE ........................................ 415
I. Le logo olfactif ............................................................................ 415
II. L'exploitation des logos olfactifs ................................................. 418
III.
La protection du consommateur .............................................. 420
SECTION 3.
LES RELATIONS ENTRE LES MÉTIERS DE LA PARFUMERIE .. 421
I. Les contrats ................................................................................. 421
II. Le statut des compositeurs........................................................... 425
III.
La constitution d’actifs immatériels ........................................ 426
SECTION 4.
EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE ............................. 427
SECTION 5.
SITES INTERNET ............................................................... 431