Partie 3 Le droit du parfum - Chroniques de la propriété intellectuelle
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Partie 3 Le droit du parfum - Chroniques de la propriété intellectuelle
Partie 3 Le droit du parfum Chapitre 5. Préambule Le parfum fait rêver, le parfum est une industrie, le parfum représente aussi de formidables enjeux économiques. Le parfum ouvre également un nouvel espace de créativité pour le marketing, sous la forme des logos olfactifs. Le parfum est avant tout le fruit d’une création, œuvre de femmes et d’hommes souvent passionnés, parfois désabusés, parfois inquiets devant l'évolution de la parfumerie17. Parmi le millier de compositeurs œuvrant à travers le monde, près de la moitié appartient à la tradition de l’école Grassoise. Il en découle tout naturellement que le poids de la tradition et des usages constitue un paramètre essentiel de toute évolution de cette activité. L’irruption du juriste dans le domaine de la parfumerie apparaît comme une incongruité. Pourtant, une évolution du statut juridique de la création olfactive pourrait contribuer à une nécessaire revalorisation de la créativité en matière de parfumerie, dans l’intérêt des compositeurs comme dans celui des sociétés de parfumeries. 17 Pierre Bourdon et Raymond CHAILLAN, "le parfumeur du 21ème siècle" Congrès WPC98 La copie de parfums n'est en effet pas un artefact anecdotique. Selon une enquête de l'Union des Fabricants, la contrefaçon représente environ 10% du chiffre d'affaire de la parfumerie. Section 1. Constat de la situation Les créations olfactives relèvent-elles d'un vide juridique ? Sontelles ignorées du Code et des législations de la Propriété Intellectuelle ? S'agit-il de réalités tellement inclassables qu'elles échappent à toute règle juridique ? Il semble que toute recherche sur le statut juridique des créations olfactives, et pire, toute prise de position en faveur de l'application des droits de propriété intellectuelle aux créations olfactives, provoque une palette de réactions aussi diverses que passionnées, tantôt favorables, tantôt défavorables : "vous manipulez une bombe atomique" (un ancien dirigeant d'une société de parfumerie), "les marques de parfum ne veulent pas entendre parler du droit d'auteur" (des avocats, et dirigeants de sociétés de parfum), "vous contribuez au retour de la créativité et de l'excellence en matière de parfumerie" (des compositeurs de parfums et un ancien dirigeant d'une société de matières premières), " nous allons parler de propriété intellectuelle, mais surtout pas de contrefaçon!" (le président d’une association de parfumeurs introduisant une conférence sur ce sujet) "un parfumeur ne prendra jamais le risque de dire ce qu'il pense de tel ou tel parfum, il ne peut se fâcher avec aucun client, et maintenant que les parfumeurs sont salariés, il doivent aussi faire attention à la philosophie de la maison" (un parfumeur) ... Le préfacier d'un essai sur l'art et la création en parfumerie commence ainsi son texte : "Il faut saluer le courage de cette phalange de parfumeurs qui, par le lieu même de la réunion qu'ils choisissaient et dont ils allaient baptiser leur groupe (groupe du Colisée, du nom de la rue où est situé le siège d'une importante maison de parfumerie), affirmaient ainsi avec détermination leur volonté d'entrer dans l'arène18". Bigre, ne croit-on pas entendre un commentaire de l'attitude du général De Gaulle vitupérant contre un "quarteron" d'officiers putschistes ? Un parfumeur a exprimé de façon fort directe son point de vue : Quand on ne veut pas assumer les risques de la nouveauté, il faut bien accepter que tout se ressemble. Un clone dans un nouveau mix, c'est un nouveau lancement, pas un nouveau parfum… La nouveauté est un risque, c'est-à-dire exactement ce dont le marketing ne veut pas. Ces réactions renforcent à la fois l'intérêt d'une réflexion sur la nature de la création olfactive, et imposent une grande modestie et rigueur dans les hypothèses émises. 18 Edmond ROUDNISTKA, Préface de "Questions de parfumerie" I. Une attitude rencontrée dans d’autres secteurs Cette attitude n’est pas propre au seul domaine de la parfumerie. On le rencontre dans d’autres secteurs de la création sensorielle. Lors d’un récent colloque19, le juriste d’une organisation des métiers de la pâtisserie a déclaré avoir trouvé, lors de sa prise de fonction, un dossier prioritaire : celui de la protection des créations gastronomiques. Quelle ne fut, selon ses propres dires, sa réaction horrifiée. Il s’empressa de faire disparaître ce dossier à un niveau de priorité où il avait peu de chance de refaire surface avant longtemps. Le dialogue qui s’est instauré ensuite avec un restaurateur créateur d’un dessert célèbre à base de tabac20 a été des plus vigoureux. Le chef expliquait avec passion et gourmandise la démarche qui l’a amenée à créer se dessert fort original, et il était évident qu’il s’agissait d’un processus créatif, dans lequel s’exprimait la personnalité de l’auteur. Le représentant de l’organisation professionnelle répondait avec angoisse qu’une revendication d’un marmiton ou d’un grand chef sur sa création pouvait déstabiliser la profession, qu’il n’est pas envisageable qu’un créateur d’une recette conserve l’exclusivité de sa création, et qu’il existait un usage constant de partager toute découverte avec ses pairs. Ce dernier argument est parfaitement pertinent. Mais les chefs, et notamment les plus grands et les plus créatifs, ne seraient-ils pas suffisamment 19 Colloque « Protection des créations éphémères » organisée par le Doyen SIRINELLI, faculté de Sceaux juin 1998 20 « le DAVIDOFF », La Table d’Anvers responsables pour s’autoréguler, et pour user de leurs droits légitimes sans pour autant en abuser ? Le débat entre intérêts collectifs et intérêts individuels est important, et doit être arbitré par les créateurs en premier lieu, leur environnement économique devant éclairer leur réflexion. II. Les usages de la profession Pour en revenir à la parfumerie, un magazine professionnel21 a titré un de ses articles : Faut-il protéger les créations sensorielles ? Cette reflète une interrogation majeure des acteurs de la parfumerie. Comment ne pas répondre positivement à cette question, lorsqu’on évalue le chiffre d’affaires de la parfumerie française à 62,15 milliards de francs, dont plus de la moitié provenant des exportations 22 et que l’on estime à plusieurs dizaines de millions de francs les investissements nécessaires à la création et au lancement d’un parfum ? Il serait parfaitement hypocrite de nier l’existence de la contrefaçon en matière de parfums. Edmond Roudnitska23, l’un des plus grands créateurs de parfums rappelle dans son ouvrage " Le parfum " que " jusqu’ici, tous les beaux parfums créés ont été outrageusement et impunément copiés de multiples fois dès leur apparition sur le marché.(…). 21 22 23 Parfums et cosmétiques, mai 98 La Tribune du 3 février 1997 Edmond Roudnitska, Le Parfum. Que sais-je ? P.U.F. 5ème édition corrigée juillet 1996. Pourtant, les litiges portant sur la contrefaçon de parfums sont rarissimes. Certes, on connaît des actions en contrefaçon portant sur l’imitation de marques de parfums, sur les flaconnages, sur la pratique des "tables de concordances". Il s’agit d’attributs périphériques, et non pas du parfum même. De même, il existe quelques décisions portant sur la contrefaçon de formules brevetées, qui ne concernent pas non plus la réalité de la création olfactive. A. L’anonymat du compositeur Un usage indéniable, quoique relativement récent, concerne l’anonymat du compositeur. Il s’agit bien de l’anonymat, et pas du secret. En effet, le compositeur d’un parfum est généralement connu dans le milieu professionnel. Il ne s’agit pas d’un réel secret. La reconnaissance " officielle" de la paternité d’un compositeur dépasse toutefois les limites de l’acceptable pour les maisons de parfum. Cette tendance semble se renforcer avec l'évolution de la parfumerie et le poids de plus en plus important du marketing ainsi que le regroupement des maisons de parfumerie au sein de groupes financiers. B. L’usage des contretypes de parfums La fabrication de contretypes représente une activité significative, notamment pour les sociétés de matières premières. Par ailleurs, tout compositeur de parfum a commencé à faire ses gammes par la préparation de contretypes, et il n'est pas rare qu'au cours de sa carrière, il reçoive des instructions pour préparer un contretype de tel ou tel parfum connu pour la commercialisation dans des pays étrangers. Bien qu'il soit difficile d'évaluer l'importance de cette pratique, on peut affirmer qu'elle représente une activité très significative. Certains parfumeurs évoquent officieusement une activité représentant un tiers de la production de certaines maisons de parfums. Il est évident que ces maisons sont hostiles à toute protection de la création olfactive. Le risque de prolifération de contretype augmente d'ailleurs avec les progrès techniques. Selon deux experts, deux parfumeurs n'arriveront jamais à la même création, même s'ils répondent au même brief. Par contre, un bon technicien procédant à une analyse par chromatographie pourra aboutir au même parfum. C. Une tradition de secret Le secret fait certainement partie des grandes traditions de la parfumerie. Au cours des visites de sociétés de parfumerie, il est impossible de voir une formule de parfum en cours de composition. La composition est généralement maintenue secrète, même pour le client qui procède au lancement et à la commercialisation du parfum. L'importance du secret a souvent servi à justifier l'absence de recours au brevet. Cette explication est toutefois fallacieuse. La composition n'est généralement pas brevetée, non pas pour éviter la divulgation qui intervient nécessairement par la publication du brevet, mais parce que la formule ne répond pas aux critères de brevetabilité. Une invention est brevetable lorsqu'elle ne découle pas de façon évidente de l'état de la technique. L'invention doit correspondre à une contribution technique dépassant la simple adaptation de moyens techniques connus, pour produire un effet technique nouveau, un résultat de nature technique et non pas esthétique. La création en matière de parfumerie ne répond pas à une finalité technique, mais esthétique. Le compositeur doit certes maîtriser parfaitement son métier pour créer des parfums non seulement plaisants, mais encore durables dans le temps, résistant à de larges conditions d'utilisation, et conformes aux exigences écologiques et de santé publique. Ces aspects techniques constituent toutefois des contraintes, et non pas une finalité. Considérer que le compositeur serait de ce fait un technicien est absurde, comme il serait absurde de considérer que Salvador Dali était un technicien du fait qu'il maîtrisait à la perfection la technique de préparation de ses toiles pour assurer une tenue parfaite de ses créations, ou que le sculpteur César est un chaudronnier car ses créations nécessitent des connaissances en matière de soudage. Le compositeur de parfum est un être complet, ayant une connaissance approfondie des ingrédients naturels et synthétiques composant sa palette, des connaissances chimiques mais surtout ayant une sensibilité d'artiste. La pleine maîtrise de son métier n'intervient généralement qu'après une dizaine d'années d'apprentissage. D. Un consensus de nonappropriation La situation actuelle en ce qui concerne le statut juridique des créations olfactives relève d'une coutume plus que du droit. Cette coutume se traduit par un consensus de non-appropriation des créations olfactives, et ce tant par les compositeurs de parfums que par les parfumeurs ou les marques. Curieusement, on retrouve les défenseurs du "non-droit" non seulement parmi les sociétés de parfumeries qui pourraient parfois avoir un intérêt à un libéralisme hypertrophié refusant toute entrave à la concurrence, voire à la contrefaçon, mais aussi dans les associations représentant les créateurs de parfums. Dans ce dernier cas, même si les positions personnelles des membres sont favorables à une meilleure reconnaissance de la créativité, le discours officiel est souvent extrêmement prudent. 1) Le refus d'application du droit, source d'équilibre ? Ce consensus aboutit à un équilibre économique et structurel qui n'est pas absurde. Il existe d'autres secteurs d'activité où un consensus de non-application de dispositions légales ou réglementaires aboutit à un équilibre stable, ou en tout cas plus satisfaisant que l'application des droits. Pour prendre un exemple issu de la réalité quotidienne, il est habituel, dans certaines banlieues à risque, de ne pas porter plainte et de ne pas faire appel à la force publique pour des délits mineurs, pourtant sanctionnés par la loi. L'appel aux forces publiques pour faire sanctionner une dégradation mineure provoquerait des réactions d'une violence telle qu'un consensus s'instaure sur le non recours à la loi dans de telles situations. Pour prendre un exemple plus champêtre, s'il existe une coutume selon laquelle chacun cultive son carré de salades en acceptant que les voisins se servent en cas de besoin, il serait malvenu, pour un membre de cette communauté d'entourer son carré de salades par un grillage ou des barbelés. Il serait encore pire de porter plainte pour vol de salade lorsqu'un voisin, conformément à la coutume, se sert dans son propre carré. Ces stratégies ne sont pas absurdes. Elles doivent toutefois être acceptées en qualité de coutume, et il serait trompeur de les justifier par un négation des droits existants. Une personne, une communauté, peut décider de ne pas respecter une loi, elle n'a pas le pouvoir de la nier. 2) Le mythe de la liberté du renard dans le poulailler Ces stratégies sont généralement d'apparence et d'inspiration libérale et généreuse. Elles se traduisent malheureusement souvent par des dérives moins nobles, que l'on peut qualifier de mythe de la "liberté du renard dans le poulailler". Les défendeurs d'un libéralisme extrême sont souvent les premiers bénéficiaires de cet ultra libéralisme, ou à tout le moins sont manipulés par leurs bénéficiaires. C'est une tendance que l'on constate de façon très nette dans le domaine de l'Internet. Des groupes de pressions extrêmement actifs, tels que l'IEF (Internet Electronic Fundation) ou la Free Software Fundation prônent une libéralisation totale des droits d'auteur sur Internet. Leur discours est séduisant, car il prêche l'accès pour tous à la culture ou aux logiciels. La réalité est différente, car les premiers bénéficiaires sont les opérateurs du réseau Internet et de l'informatique, qui contrôlent les outils de "transport" des créations intellectuels. Pour reprendre notre exemple de la communauté des planteurs de salades, l'équilibre sera perturbé si un membre possède par ailleurs un supermarché où il vend par milliers des salades. Ce membre aura tout intérêt à maintenir la coutume de nonappropriation des salades, et l'accès libre aux carrés des voisins. C'est la liberté de la communauté des planteurs de salades d'accepter cette coutume, et de renoncer à entourer leur carré de barrière ou de faire appel à la police pour "vol de salade". Rien ne permet de critiquer cette volonté de maintenir une telle coutume. Par contre, il serait critiquable de justifier cette coutume par l'affirmation selon laquelle le vol de salade n'est pas prévu par la loi. L'usage de déni de l'application du droit de la propriété intellectuelle à la création olfactive ne relève t-il pas de telles stratégies ? Comment expliquer autrement les contradictions relevées : • Affirmation unanime que la composition de parfum est un art, mais refus d'invoquer le droit d'auteur • Mépris pour les copies de parfums, mais absence d'action en justice • Refus de parler de "contrefaçon" lorsque la question de la propriété intellectuelle des parfums est abordée. E. Les imperfections du sens olfactif En matière de création, la perception se fait généralement par l'intermédiaire de nos sens "mécaniques", à savoir l'ouïe et la vue. Ces deux sens mécaniques sont en permanence en éveil, procurent des messages que chacun sait interpréter et autorisent une communication fondée sur des postulats relativement universels. La description de la perception par l'ouïe ou la vue est possible et se fonde généralement sur des référentiels communs à une large partie de la population. De plus, les messages que nous percevons par ces deux sens peuvent être vérifiés et confirmés par d'autres sens. Les informations fournies par la vue sont parfois ambiguës : il peut être difficile de distinguer la réalité de l'illusion. Toutefois, les autres sens peuvent participer à la levée du doute. Si j'hésite entre la réalité ou l'illusion d'un objet, je peux avancer ma main, et le toucher me permettra de vérifier la réalité de l'objet. Éventuellement, le son provoqué par ma main heurtant l'objet confirmera sa réalité. C'est la raison pour laquelle il est communément admis que ces deux sens correspondent à une certaine objectivité de la perception. Il est alors admis que plusieurs personnes peuvent échanger leur perception d'une musique, d'un tableau et en faire des critiques. Il existe des référentiels connus de tous permettant d'associer à une perception des termes objectifs généralement admis : la couleur, la forme, etc. Dès son plus jeune âge, l'enfant est éduqué à maîtriser ce référentiel. Les autres sens que l'on peut qualifier de sens chimiques – le goût, l'odorat et le toucher, sont plus difficiles à cerner. Cette difficulté vient probablement du fait qu'ils participent de façon secondaire seulement à notre vie sociale. La chasse, qui justifiait pour nos ancêtres une bonne éducation de leur odorat, et un exercice permanent et vital, n'est aujourd'hui plus qu'un sport d'agrément, et en tout état de cause ne nécessite plus le recours à l'odorat. En raison du caractère non vital de ces sens, nous disposons d'une connaissance moins approfondie de ces perceptions et nous manquons de référentiels suffisamment universels. Une question qui oppose les neurophysiologues est celle de l'universalité de l'odorat. Une même odeur sera t-elle perçue de façon identique par toute personne ? Les différences de perception sont-elles d'ordre quantitatif, ou peuvent-elles se traduire par des altérations qualitatives ? D'après le professeur André HOLLEY, il existe certes des différences de perception. Elles peuvent être d'ordre pathologique, comme pour la vue certaines personnes souffrent de daltonisme. Elles correspondent également à des différences de niveau de sensibilité. Par contre, il semble exagéré de prétendre qu'une même odeur puisse être perçue de façon radicalement différente par deux personnes. Cette question est importante, car on ne peut parler de création et de contrefaçon que s'il est possible de caractériser un parfum, et de comparer un parfum correspondant à une création originale, et un parfum considéré comme une contrefaçon. Il semble toutefois que la principale difficulté provienne de l’absence de référentiel commun24 et du vocabulaire permettant aux sujets " naïfs " (par opposition aux experts, selon la terminologie employée en analyse sensorielle), de décrire leur perception d’une fragrance. F. La liberté des tendances Les parfumeurs sont unanimes à accepter le lancement de différents parfums appartenant à une même tendance. Dans les années 90, la tendance des notes gourmandes se développe. Il n'est pas question d'accorder à un parfumeur un droit exclusif sur une telle tendance, ni d'interdire l'émergence de nombreux nouveaux parfums appartenant à cette tendance de "notes gourmandes". La notion de tendance se rencontre dans la plupart des secteurs d'activité. En matière d'automobile, il existe des tendances auxquelles obéissent tous les constructeurs. Chaque constructeur veille toutefois à distinguer ses modèles, en interprétant avec son style personnel la tendance en vigueur. Dans le domaine de la mode, la notion de tendance est incontestable. Elle n'empêche pas chaque couturier de lancer sa collection avec sa sensibilité, son empreinte, la différenciant des collections des maisons concurrentes. 24 Nicolas GODINOT, Des représentations de l’espace olfactif, Intellectica n° 24, pp 85-107 III. Quelques rares conflits Dans "Questions de parfumerie", les auteurs s'étonnent à juste titre que "les seuls contrefacteurs poursuivis le sont à propos du contenant, mais jamais du contenu." En effet, la question de la contrefaçon de la forme olfactive en elle-même n'a été évoquée que tout à fait exceptionnellement, et malheureusement de façon annexe, et généralement maladroite. A. Les parfums de LAIRE Une des seules décisions judiciaires évoquant la question de l'application du droit d'auteur au domaine du parfum est la décision25 "Parfum de LAIRE c/ Société Marcel ROCHAS". Cette décision, qui a été défavorable à la société DE LAIRE, comporte toutefois le passage suivant : " si l’article 3 de la loi du 11 mars 1957 ne cite comme exemple d’œuvres de l’esprit que des œuvres perceptibles par la vue ou par l’ouïe, la présence de l’adverbe notamment ne permet pas d’exclure a priori celles qui pourraient, éventuellement, l’être par les trois autres sens." La Cour n’oppose pas un refus de principe à l'application du droit d'auteur. La solution trouve son origine dans les maladresses de la société de Laire qui a commis l’imprudence de qualifier la formule d’ "invention" dans ses correspondances avec la Société Rochas, et d’omettre de désigner l’auteur de la création litigieuse. La Cour ajoute en effet qu’ "à défaut de soutenir qu’il s’agit d’une œuvre collective, la Société de Laire 25 Cour d’Appel de Paris, 3 juillet 1975, Gaz. Pal 1976, 1. 43. aurait dû désigner la personne physique qui aurait réalisé cette création de l’esprit et qui l’aurait marquée de sa personnalité". La cour tire également une conclusion logique de la formulation du contrat conclu par les parties, concernant non pas la cession d'un droit mais " la divulgation d’un procédé permettant, en mélangeant dans des proportions données des essences naturelles, des produits synthétiques et des composants spécifiques, tous éléments obtenus, eux-mêmes par divers procédés industriels, d’obtenir un produit également industriel. " B. EAU DYNAMISANTE Dans une décision du TGI de Paris26, la société CLARINS a fait condamner la société exploitation un parfum TONISSIMA EAU STIMULANTE pour atteinte à sa marque. Elle avait également invoqué le fait que l'imitation du jus du produit qu'elle commercialise s'analyse en une contrefaçon de droit d'auteur. Le tribunal a répondu défavorablement sur ce dernier point, en invoquant que : "toutefois, un parfum ne constitue pas une œuvre de l'esprit susceptible d'être protégée au sens de l'article L-112-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en tout état de cause, la société Clarins n'établit pas que les jus soient similaires". S'agissant d'un attendu portant sur un point annexe, dans une décision ayant donné droit au demandeur, on ne peut en tirer un enseignement définitif sur l'application du droit d'auteur, d'autant que cette décision n'a pas fait l'objet d'un appel. 26 TGI Paris, 3ème Ch. 5 novembre 1997, Clarins c. HLL Batignolles et Pierre CATTIER C. VIA Paris Dans une autre affaire récente, la société Kenzo a fait condamner la société Via Paris pour concurrence déloyale. Une décision récente de la Cour d'Appel de Paris27 a condamné, certes au titre de la concurrence déloyale et pas de la contrefaçon du droit d'auteur, la société VIA Paris qui commercialisait des parfums "dont la fragrance présentait des similitudes olfactives indéniables" avec le parfum Kenzo Parfum d'été". Cette décision montre que les magistrats sont en mesure d'apprécier les similitudes olfactives, et la voie est donc ouverte à une protection par le droit d'auteur. Cet arrêt montre que le magistrat ne se déclare pas incompétent en matière d'olfaction, et qu'il se reconnaît autorisé à émettre un jugement sur la ressemblance entre deux parfums. D. ANGEL / NIRVANA Parmi les créations récentes, Angel est incontestablement un exemple d'audace et d'innovation, dont le succès commercial est venu récompenser la créativité. Rançon du succès, les imitations ne tardent pas, et l'une d'entre elles, le parfum Nirvana, est considéré par la société Thierry Mugler comme une copie tellement flagrante qu'elle justifie une action en justice. Pour étayer cette opinion, diverses analyses sont effectuées, et pour la première fois, des méthodes aussi diverses que l'analyse sensorielle, la chromatographie en phase gazeuse, les "nez électroniques", le système FID (ionisation de flammes) sont mis 27 Cour d'appel de Paris, 6 juin 1997 en œuvre avec l'assistance de laboratoires indépendants et d'experts en olfaction. Nul doute que l'issue de l'action judiciaire qui a été engagée par la société Parfums Thierry Mugler sera riche d'enseignements. Section 2. Mythe ou réalité de l’absence de protection ? I. Un conservatisme favorable au statu-quo Il existe dans ce domaine un statu quo dont les fondements sont en partie inconscients, mais qui se traduit par une grande réticence à la modification des équilibres existants. La réflexion engagée dans le domaine du statut juridique des créations olfactives a suscité des réactions parfois violentes. Des juristes ont contesté la protection des créations olfactives par le droit d'auteur, en déclarant que "les parfumeurs ne veulent pas du droit d'auteur", comme si l'application d'une loi dépendait de la volonté d'un groupe de personnes, et ne constituait pas une situation de fait, régie par le droit positif. Ces réactions ne doivent pas être ignorées, ni même minimisées : elles reflètent une crainte réelle, qu'il convient d'analyser, et à laquelle il convient d'apporter des réponses réalistes et juridiquement fondées. A. Les fondements du statu quo concernant les créations olfactives Pour en revenir au domaine des parfums, on ne peut que constater l'existence d'un statu quo de non-appropriation. Ce constat entraîne deux questions majeures : • Ce statu quo de non-appropriation des créations olfactives relève-t-il d'une coutume - consciente ou non - ou d'une situation de droit ? • L'évolution de ce statu quo entraînerait-elle une perturbation dommageable des équilibres actuels, ou pourrait-elle créer de nouveaux équilibres favorables à l'ensemble des acteurs de la parfumerie ? La première interrogation impose une analyse objective de la nature de la création olfactive, et une interprétation à la fois novatrice et rigoureuse du Code de la Propriété Intellectuelle et des droits étrangers de la propriété intellectuelle. La question clé qui se pose est la suivante : la création olfactive constitue t-elle une "chose sans maître", une "res nullius", comme les champignons, les baies sauvages ou le gibier ? ou constitue t-elle un actif immatériel, une œuvre de l'esprit, appropriable par le droit de la propriété intellectuelle ? Malgré leur attachement à la cueillette des champignons, des framboises et des mûres, au ramassage des châtaignes et à la chasse, les auteurs penchent pour la deuxième option : • la non-appropriation des créations olfactives ne résulte pas d'un vide juridique • une prise en compte de la propriété intellectuelle des créations olfactives peut se traduire par une stratégie gagnante gagnante, par une reconnaissance accrue de la créativité et une revalorisation des créations. Il serait toutefois naïf de méconnaître les réticences et difficultés à faire admettre une telle évolution, et prétentieux de ne pas respecter les points de vue contraires. II. Les résultats d’un sondage Pour mieux cerner la perception de la question de la protection des créations olfactives, une étudiante28 a réalisé une enquête auprès d'une centaine de professionnels de la parfumerie. A. Unanimité sur le métier du compositeur A l'unanimité, le caractère artistique de la composition de parfum a été reconnu. Les nécessaires connaissances techniques du compositeur ne sont pas opposées à ses qualités artistiques. L'empreinte de la personnalité du compositeur est unanimement admise : toutes les personnes qui ont répondu à l'enquête ont considéré que deux compositeurs répondant à un même briefmarketing aboutiront à des parfums différents. Sur le rôle respectif du compositeur, du brief marketing et de l'évaluateur, toutes les personnes interrogées ont considéré qu'un parfum ne peut naître sans compositeur. Les réponses étaient plus partagées quant à l'importance de la contribution des deux autres acteurs. 28 Solène GEFFRAY, Mémoire de DESS "Propriété Industrielle du CEIPI 1998 B. Consensus sur la distinction entre copie et knock-off Un accord très large est apparu sur la capacité à distinguer une copie servile d'un parfum (knock-off), et la l'imitation non servile, qui n'est qu'inspirée d'un parfum original. De même, il a été admis qu'une telle distinction pouvait être considérée comme objective. C. Divergence sur la paternité Par contre, les personnes interrogées étaient partagées quant à l'opportunité de la "signature" d'une création par son compositeur29. Le représentant d'un des principaux groupes de parfumerie et de cosmétique français a résumé son opinion par l'exclamation "Parfumeur, ton nom est Personne !". Cette remarque exprime assez bien la situation voulue ou subie par les professionnels de la parfumerie. D. Confusion entre protection et dépôt Ce sondage a également fait apparaître la confusion entre "dépôt" et protection. A la question "qu'est ce qui explique 29 Surpris par cette question "incongru", le représentant d'une maison de parfums a même jugé utile de renforcer sa réponse négative par le commentaire suivant : "Et vous, connaissez vous le nom de l'ingénieur qui a conçu la Mini-Austin ?" pur souligner la stupidité ou au moins l'incongruité de notre question. Mais oui, il s'agit d'un certain Alec Issigonis, qui a même été anobli par la Reine d'Angleterre en reconnaissance de sa créativité… l'absence de protection du parfum ?", de nombreuses réponses indiquent en substance "on ne peut pas déposer un parfum". Or, si le dépôt est bien attributif de droits en matière de brevets ou de marques, il n'en est pas de même en matière de droit d'auteur, où un éventuel dépôt n'est que déclaratif de droit et n'est pas une condition d'exercice du droit. E. Accord sur la nécessité de renforcer la protection Contrairement à ce que laissaient prévoir les opinions "officielles" exprimées notamment par les représentants des organisations représentatives de la parfumerie, les personnes interrogées dans le cadre du sondage se sont déclarées à une grande majorité favorable à un renforcement de la protection de la création en matière de parfumerie. Dans certains cas, cette opinion était exprimée avec une grande chaleur, même si le scepticisme l'emportait quant aux solutions à mettre en œuvre. Cette enquête montre une certaine distance entre les positions "officielles" et les points de vue personnels. Si les instances professionnelles adoptent généralement une position prudente voire réfractaire à l'idée d'une protection des créations olfactives, il apparaît que les membres de ces instances sont individuellement favorables à la protection de la création, même s'ils sont perplexes quant aux outils juridiques adaptés à une telle protection. Section 3. Résultat de l'enquête Questions En raison du contexte industriel dans lequel évolue un compositeur de parfums, le considérez vous comme un artiste ou un technicien-chimiste Deux compositeurs répondant à un même brief marketing aboutiront-ils à un même parfum Généralement, le public ignore le nom du compositeur du parfum. Pensez-vous qu'il serait légitime que le compositeur signe sa création ? Pensez-vous qu'il est possible de faire une distinction entre : - la copie servile (knock-off) d'un parfum - la copie non servile, qui ne fait que s'en inspirer Pensez-vous qu'une telle distinction est objective ? Pensez-vous que la création d'un nouveau parfum est : Un travail entre le responsable du marketing, le "nez" et l'évaluateur, collaborant tous en tant que créateur ? L'œuvre d'un "nez" agissant dans le cadre défini par le brief marketing ? Un travail de plusieurs compositeurs, œuvrant séparément, sous les instruction de la direction de l'équipe marketing ? Le résultat d'une inspiration individuelle ? Un parfum peut-il naître : Sans compositeur ? Sans brief marketing ? Sans évaluateur ? Est-il souhaitable de renforcer la protection du parfum en tant que tel Réponses Artiste : 85% Technicien : 15% NON : 100 % OUI : 61 % NON : 39 % OUI : 79 % NON : 21 % OUI : 68 % NON : 21 % S.O. . : 11 % 57 % 26 % 21 % 12 % 0% 61 % 61 % OUI : 85 % Cette enquête n'a pas la prétention d'un sondage statistiquement représentatif des milieux intéressés. Il est néanmoins instructif par la qualité des personnes qui ont pris le temps d'y répondre, par leur intérêt pour la question de la protection des parfums et par la richesse des commentaires qui accompagnaient les réponses. Elle confirme surtout la différence entre les opinions privées et les opinions exprimées officiellement sur cette question. Chapitre 6. Le parfum vu par le juriste Quelles que soient les réticences liées aux usages, il faut rappeler que nous évoluons dans des systèmes de droit positif, où le droit écrit prévaut sur les usages. Il convient donc d'apprécier la portée des règles de droit, de façon objective, avant d'analyser les conséquences de l'application de ces règles de droits au domaine du parfum. I. Des préoccupations connexes au Parfum Le juriste n'est pas absent du domaine de la parfumerie. Toutefois, lorsqu'il intervient, il s'agit toujours de traiter de conflits touchant non pas au parfum lui-même, mais à des éléments connexes : la marque, le conditionnement, le droit de la concurrence, l'organisation de la distribution, et parfois certains constituants brevetés. Or, l'élément principal est bien le parfum - dans son acception de "source olfactive" - lui-même : c'est donc le parfum qui est digne de toute l'attention du juriste, au même titre que les éléments connexes du "jus". Le parfum en lui-même est un objet de droit, relevant selon sa fonction principale du droit d'auteur, éventuellement cumulé au droit des marques. II. Un raisonnement dévoyé Le discours dominant est en substance le suivant : les parfums ne sont pas protégeables, car on ne dispose pas d'instruments de caractérisation ou de comparaison fiables. Il s'agit d'un raisonnement dévoyé : le caractère protégeable d'une œuvre ou un produit est lié à sa nature et à la portée des dispositions législatives en vigueur. La question de l'application de ces législations et de l'adéquation ou non des instruments disponibles n'intervient qu'après qu'une réponse ait été apportée à la première question. III. La démarche logique La démarche rigoureuse consiste à analyser tout d'abord le qualification juridique du parfum et des créations olfactives, pour vérifier si d'une part elle relève du droit d'auteur, et si d'autre part elle correspond à la définition de la marque. Pour cela, il faut pouvoir répondre objectivement à ces deux questions : • Une création olfactive constitue-t-elle une œuvre de l'esprit, portant l'empreinte du créateur ? Si la réponse est positive, une création olfactive est régie par le droit d'auteur, et est protégée par le droit d'auteur, sous réserve de vérifier les critères habituels de validité. Un parfum est-t-il susceptible constituer un signe permettant de distinguer des produits et des services ? En cas de réponse positive, le parfum peut constituer une marque, protégeable au titre du droit des marques, sous réserve de respecter les critères de validité habituels. Une fois la réponse apportée à ces deux questions, il conviendra d'examiner les conséquences du statut juridique ainsi admis, de prendre en compte les éventuelles difficultés d'application, et de proposer des solutions à ces difficultés d'applications. • IV. Le parfum, sujet et objet Le terme de "parfum" connaît plusieurs acceptions. Il désigne aussi bien une composition odorante que l'odeur aromatique qui s'exhale comme une fumée, comme une vapeur, d'un corps odoriférant30. Pour éviter toute confusion, il convient de bien distinguer les concepts suivants : • le matériau physico-chimique, qui peut être un corps pur, une huile essentielle, ou un composé chimique. Ce matériau relève de la création technique, et peut d'ailleurs être breveté. Citons parmi les brevets récents les phéromones brevetées par la société EROX. • La source odorante ou le parfum, qui est une composition libre formée par l'association de la très riche palette de matériaux dont dispose le créateur • le message olfactif, qui émane de la source odorante qui va être la cause du phénomène de conscience de la fragrance 30 Emile LITTRE, Dictionnaire de la langue française la sensation qui est la réaction subjective résultant de la stimulation sensorielle, et qui dépend notamment de l'interprétation personnelle de chaque individu. Cette ambiguïté terminologique se retrouve d’ailleurs pour d’autres notions, et la même confusion existe pour le terme " arôme " La question juridique concerne la protection de la création de sources sensorielles, notamment olfactives, délivrant un message sensoriel - en particulier olfactif - nouveau et original. Par analogie, la source odorante correspond à une œuvre graphique, une peinture par exemple, délivrant un message visuel qui peut être acquis et caractérisé, pour être comparé au message visuel que fournirait une contrefaçon. Il importe peut que la perception olfactive diffère éventuellement d'un individu à l'autre. Il est important qu'une création olfactive émette un message olfactif déterminé, qui puisse être caractérisé objectivement, afin de pouvoir le comparer au message olfactif émis par une composition arguée de contrefaçon. Notons qu’en matière de créations olfactives, le même terme de " parfum " désigne à la fois la source olfactive et le message olfactif. Dans le présent texte, nous emploierons le terme de " parfum " dans l’une ou l’autre de ces deux acceptions, le contexte permettant généralement de lever l'ambiguïté. Par ailleurs, nous éviterons d’utiliser le terme réducteur d’odeur, qui est généralement employé en relation avec un composé simple, et ne reflète pas la richesse du message olfactif d’un parfum, qui ne peut être réduit à une odeur primaire mais au contraire évolue dans le temps. Pour rester dans le domaine des précisions terminologiques, nous utiliserons tantôt des termes génériques • concernant la création sensorielle englobant ses différentes formes (olfactives, gustatives, etc.), et tantôt les termes spécifiques à la création olfactive, correspondant à un sousdomaine de la création sensorielle. Ce sous-domaine est probablement plus structuré en terme de marché et d’organisation industrielle, sans pour autant que la problématique juridique ne soit différente de la problématique générale de la protection des créations sensorielles. Section 2. Le parfum, création artistique et œuvre de l’esprit Le droit d'auteur a pris son plein essor pendant la Révolution française 31, lorsque les privilèges des libraires furent abolis au profit d'un "droit inviolable et sacré des auteurs en tout genre". Il s'agissait d'une rupture avec la situation antérieure, illustrée par l'affaire du "Barbier de Séville" où Beaumarchais se vît débouté de ses prétentions d'auteur au profit des droits des comédiens, interprètes de son œuvre 32. Au 19ème siècle, la jurisprudence reconnaît le droit moral des auteurs 33 au respect de la paternité et à l'intégrité de l'œuvre , ainsi que l'opportunité de sa divulgation. 31 Le Chapellier, rapporteur des décrets des 13-19 janvier 1791 et 19-24 juillet 1793 32 Arrêt réglementaire du 9 décembre 1780 33 Affaire LACORDAIRE et arrêt VERGNE Le droit d'auteur actuel résulte de la loi du 11 mars 1957, privilégiant la défense des œuvres de l'esprit et du génie de leur créateur. Le droit d'auteur, dans sa conception française, naît de l'acte de création d'une personne. Sa finalité première n'est pas la protection économique, même si une telle finalité n'est pas en opposition avec la protection de la création. Sur le plan international, la Convention de Berne organise la protection des œuvres de l'esprit. I. Qu’est ce qu’une œuvre l’esprit ? de Le droit d'auteur protège l'auteur d'une œuvre de l'esprit, qui devient un objet de droit du seul fait de sa création. Contrairement aux brevets ou aux marques, le droit d'auteur naît indépendamment de tout formalisme ou de dépôt. En particulier, la fixation de l'œuvre, qui est une des difficultés souvent mise en avant pour écarter le droit d'auteur en matière de parfum, n'est pas une condition d'application du droit d'auteur : un discours oral est protégé par le droit d'auteur, même s'il n'a pas été fixé sur un support écrit. De même, un numéro de cirque, une pantomime sont protégeables s'ils sont fixés d'une façon quelconque (scénario, film, représentation, description, etc.). A. L'œuvre protégée L'œuvre de l'esprit protégeable par le droit d'auteur est indissociablement liée à l'acte de création, impliquant un choix libre de son auteur. La démarche créatrice doit traduire un minimum de maîtrise du processus créatif. L'œuvre de l'esprit au sens du droit d'auteur doit porter l'empreinte de son créateur. Elle doit également pouvoir se concrétiser par une forme sensible, c'est-à-dire perceptible par les sens. L'œuvre ne doit pas nécessairement être immuable : une sculpture "à géométrie variable", par exemple un mobile, ou une œuvre composée d'éléments que le spectateur peut réorganiser, sera protégée par le droit d'auteur, ainsi qu'une improvisation. L'œuvre ne doit pas non plus nécessairement être achevée : l'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur 34. L'œuvre est également protégée sans référence à son mérite. Une œuvre de mauvais goût sera protégée au même titre qu'une œuvre recueillant l'unanimité de la critique. Pour être protégeable, l'œuvre doit répondre au critère d'originalité, non pas dans son acception habituelle, mais entendue comme portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur. 1) La définition juridique L'article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que : "L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre 34 Art. L.111-2 CPI intellectuel et moral, ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par la présente loi." L'article L.111-2 précise que : "les dispositions de la présente loi protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme, le mérité ou la destination." 2) Le genre n'est pas protégeable La protection d'une création n'empêche pas d'autres compositeurs de créer à leur tour une œuvre relevant du même genre, de la même tendance. La jurisprudence en matière de droit de la propriété intellectuelle est constante quant à l'exclusion de la protection du genre, des concepts et des tendances. Le droit de la Propriété Intellectuelle admet sans ambiguïté la coexistence de deux "vraies" créations, à condition bien sûr que chacune de ces deux créations constitue une œuvre impliquant un effort créateur, et portant "l'empreinte personnelle" de son auteur. II. L'absence de formalités Une des particularités du droit d'auteur est l'absence de formalisme de dépôt. La plupart des autres droits de propriété intellectuelle (marque, dessins et modèles, brevets) n'existent qu'après l'accomplissement de formalités de dépôt auprès d'un organisme habilité, l'Inpi pour les titres français, l'OEB pour les brevets européens, l'Ohmi pour les marques communautaires, l'Ompi pour les demandes de brevets PCT, les marques et les dessins et modèles internationaux. En matière de droits d'auteur, le dépôt ne constitue pas un prérequis ni une formalité attributive de droit. Le droit naît de la simple création de l'œuvre par son auteur. Le créateur peut certes recourir à des formes de dépôt, dont la fonction sera simplement la constitution d'une preuve de : - la date de sa création - la nature de sa création - l'auteur de la création (ou au moins de son dépôt). Ce moyen de preuve est certes utile lorsqu'il y a des contestations de la date ou de la nature de la création ou encore de son auteur. Il s'agit toutefois de situation particulière qu'il ne faut pas généraliser, ne serait-ce que parce que les droits sur la création sont réputés appartenir à celui qui en a organisé la divulgation, sauf preuve du contraire. Seul le créateur légitime peut contester les droits de celui qui divulgue indûment l'œuvres sous son nom. Un tiers, en particulier un contrefacteur, ne pourra pas développer une argumentation de défense sur la base d'une contestation de la qualité de titulaire des droits. Ainsi, dans le domaine du parfum, la question du dépôt qui est souvent mise en avant est un faux problème, ou à tout le moins un problème très secondaire. III. La création, travail de laborantin ou d’artiste ? Comment mieux répondre à cette question que les auteurs de l'"Essai sur l'art et la création en parfumerie 35", ou que le célèbre parfumeur Edmond ROUDNITSKA 36 ? " Notre recherche, purement intellectuelle, est le fruit d’une laborieuse expérience n’ayant rien à voir avec la science ni avec l’industrie. Nous composons avec un bloc de papier et avec un crayon. Après avoir imaginé une forme olfactive, un thème de parfum, nous inscrivons en colonne sur notre feuille, et de mémoire (c’est-à-dire sans avoir besoin d’en vérifier sensoriellement les odeurs respectives), les noms des produits odorants qui, conjugués esthétiquement dans des proportions que nous choisissons intuitivement, nous paraissent devoir conduire à la forme olfactive imaginée.(…) Cette liste constitue la formule originale de notre parfum, elle sera pesée pour vérification et si elle a olfactivement notre agrément, elle deviendra le scénario reconstitutif (comme la partition musicale, comme le manuscrit de l’écrivain) qui permettra la fabrication en grande série, la diffusion de notre parfum. " Nul doute que le parfum est une création artistique, puisqu’il est d’abord imaginé par son créateur qui procède à des choix de nature esthétique avant de recouvrer une réalité matérielle. Cela 35 Questions de parfumerie, Jean-François BLAYN, Pierre BOURDON et al., Corpman Editions, 1988 36 Le parfum, E. Roudnistska, Que sais-je et "Une vie au service du parfum", Thérèse Vian Editions n’empêche pas le parfumeur de prendre en compte la qualité, l’intensité, la volatilité et l’interaction des composants entre eux lorsqu’il compose, comme un aquarelliste prendrait en compte l’effet technique de la superposition des lavis. Dans un reportage37 sur la société Guerlain, le journaliste exprime sa surprise : "Changement de décor dans le bureau de Jean-Paul Guerlain. On imaginait le repaire d'un alchimiste, on découvre le havre d'un gentleman-parfumeur" IV. L’empreinte de la personnalité du compositeur En réponse, Jean-Paul Guerlain explique : "Le travail de création d'un jus est quelque chose de très solitaire et de très abstrait. Tout se passe là-dedans (en désignant ses tempes blanches)" Le caractère original est lié, dans la doctrine38 à la personnalité de l'auteur. Il faut " établir le lien entre la personne de l’auteur et l’œuvre qui en est le prolongement. " Comment en douter, lorsqu'un parfumeur s'exprime sur son métier : " Composer des parfums ne se réduit pas à une activité intellectuelle, à un jeu de l’esprit, c’est aussi, prosaïquement 37 Isabelle Raison, Reportages Insolites "Guerlain : au paradis des senteurs", Valeurs Actuelles n°3218 du 1er août 1998 38 A. et H.-J. Lucas, ibid exprimé : s’arracher les tripes, y mettre de soi-même. Il y a dans la création un travail d’expulsion, d’accouchement, par lequel le parfumeur donne aux autres quelque chose qu’il perd de lui. 39" Chaque parfumeur a son style, et il est généralement admis qu'il est possible, pour un parfumeur averti, de deviner le nom du compositeur d'un parfum qu'on lui présente. Le compositeur laisse l'empreinte de sa sensibilité, comme le peintre laisse transparaître sa personnalité, sa "touche" sur l'ensemble de sa création, même si celle ci est variée et diversifiée. Les parfumeurs du groupe du Colisée, bien que n'étant pas juristes, l'expriment fort bien : "En composant une odeur florale, le créateur ne se borne pas à restituer l'odeur de quelques fleurs, mais c'est de sa vision et de son rapport au monde, qui témoignera dans sa composition 40". Jean-Paul Guerlain41 fait de du style Guerlain un signe de reconnaissance générique des parfums de la société dont il est le compositeur attitré : Les parfums Guerlain ont tous un air de famille. La clé de l'énigme est un accord secret à base de jasmin rehaussé de rose, de vanille et de fève tonka que l'on retrouve dans chacune de nos créations. C'est notre sceau olfactif, notre fil d'Ariane." 39 E. Roudniska, ibid Questions de parfumerie, ibid 41 Cité dans Valeurs Actuels, ibid 40 V. La terminologie Bien que cela ne constitue pas une démonstration juridique, il n'est pas sans intérêt de relever que la terminologie employée pour la création de parfum est parfois identique à celle employée pour la composition musicale. "La parenté avec la musique s'impose surtout dans l'idée que le parfum est un espace de temps olfactif émotionnel qui se développe comme la mélodie musicale, dans l'ordre chronologique et irréversible choisi par son créateur 42". Le créateur de parfum que l'on appelle communément un "nez" préfère de loin se faire appeler "compositeur" de parfum. Un apprenti parfumeur s'entraîne à "faire des gammes". Le compositeur dispose d'un orgue, meuble de présentation de la gamme de composés à sa disposition pour exécuter une composition nouvelle. On parle également d'accords comme en musique : "Le plus bel accord olfactif parfume fort bien comme, au même titre, le plus ineffable des Rembrandt est parfaitement décoratif. La volonté esthétique dépasse la fonction pratique ou utilitaire, c'est là le véritable contenu du parfum.43" Enfin, on parle de notes de tête, de cœur et de queue pour désigner les évolutions de la perception olfactive d'un parfum, voire de "faire ses gammes" pour un élève parfumeur. 42 Questions de parfumerie, Jean-François BLAYN, Pierre BOURDON, et al., CORPMAN Editions 43 Questions de parfumerie, ibid VI. L'idée n'est pas protégeable Pour autant, tout n'est pas protégeable. Un adage bien connu des juristes rappelle que "les idées sont de libre parcours ". La non-protection des idées, des concepts est un principe général, qui s'applique bien évidemment au domaine de la création olfactive. On ne saurait admettre qu'un parfumeur s'approprie une tendance, pas plus que l'on ne peut admettre qu'un publicitaire ne s'approprie une nouvelle stratégie publicitaire ou qu'un designer ne s'approprie un nouveau style. Pour illustrer cette limite du droit d'auteur, on pourra se référer à une décision de la Cour d'appel de Paris44, dans un litige opposant les ayants droits du dessinateur Cassandre à l'agence Perceval Conseil. Cette agence avait réalisé une affiche publicitaire pour la SNCF, représentant un bateau vu de face. Les ayants droit de Cassandre considéraient que cette affiche reprenait les éléments caractéristiques de l'affiche créée par Cassandre pour le Normandie. La cour d'appel de Paris a rejeté la demande en motivant ainsi sa décision : "considérant qu'il convient d'observer que rien n'empêche un artiste de traiter le même thème et d'utiliser les mêmes procédés qu'un autre artiste, pourvu qu'il fasse œuvre originale et personnelle ; que le fait que l'une des affiches fasse penser à l'autre est sans importance alors qu'il est évident que l'idée qui a inspiré les deux affichistes est la même ; que la figuration du bateau qui est l'objet symbolisant le service vendu imposait ou à tout le moins justifiait le choix du sujet; … considérant qu'en 44 Droit de la création publicitaire, Christophe BIGOT, LGDJ 1997 l'espèce, partant de la même idée à exploiter dans le même secteur publicitaire, il n'est pas surprenant que les deux œuvres présentent une certaine parenté ; qu'il convient de rechercher s'il y a eu une reproduction des éléments caractéristiques de l'affiche par lesquels Cassandre a personnalisé le thème de telle sorte que l'impression d'ensemble soit exactement la même." Cette distinction par le droit et la jurisprudence entre l'idée non protégeable et la création formalisée, même à l'état d'ébauche, devrait répondre aux craintes - légitimes - des professionnels de la parfumerie de voire se multiplier des actions judiciaires injustifiées. Le droit d'auteur est suffisamment mûr et subtile pour distinguer le genre, la tendance ou l'idée et refuser sa protection, tout en protégeant efficacement la création, expression de la personnalité d'un créateur. Pour illustrer la distinction entre l’idée non protégeable, et la création protégée par le droit d’auteur, on peut se référer aux nombreuses décisions rendues en relation avec l’emballage du Pont-Neuf par le designer Christo. Le Pont-Neuf tel qu'emballé par Christo a été reconnu comme une œuvre de l’esprit protégé par le droit d’auteur, et son créateur a ainsi pu interdire la reproduction de sa création sous différentes formes et sur différents supports. Par contre, il n’a pas pu interdire la reprise de l’idée consistant à emballer un monument pour en faire un objet artistique. VII. La protection des prémices de la création La question qui peut se poser est celle du stade à partir du quel une création mérite une protection, et devient une création protégeable. Là encore, il faut rechercher les analogies avec d'autres secteurs de création. Dans le domaine de la publicité, on admet que les "roughs" sont des œuvres protégées par le droit d'auteur, dans la mesure où il ne s'agit plus seulement d'une idée, mais d'une création ayant reçu un commencement d'exécution incontestable45. De même, le "story-board" d'un spot télévisé ou le format d'une émission peut être protégé par le droit d'auteur, à condition que ces éléments permettent d'appréhender l'œuvre créée par l'auteur. L'article L-111-2 du Code de la Propriété Intellectuelle admet que "l'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur". Transposé au domaine du parfum, on peut admettre qu'un jus soit protégé dès que le compositeur a établi la formule qui permet d'exprimer sa volonté créative, même si des variations ultérieures doivent intervenir dans la composition définitive permettant de produire l'impression olfactive recherchée par le compositeur. La convention de Berne46 prévoit par ailleurs que : 45 46 ibid, p. 14 Article 2, Al. 2 de la Convention de Berne (révision de Paris) Pour les législations des pays de l’Union (de Paris) la faculté de prescrire que les œuvres littéraires ou artistiques ou bien l’une ou plusieurs catégories d’entre elles ne seront protégées tant qu’elles n’ont pas été fixées sur un support matériel. Cette fixation peut prendre toute forme, notamment celle de la fixation sous la forme d’une matière odorante. Section 3. création I. Les différents modes de L’œuvre individuelle Le code de la Propriété Intellectuelle prévoit que : " l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous " et précise que : " l’œuvre est réputée créée du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’œuvre ". Souvent, la création est un travail solitaire. Le création est la forme concrète que prend la pensée de l’auteur. Dans le cas d’une création individuelle, quel que soit le statut de l'auteur, qu'il soit salarié, indépendant, prestataire, le droit d'auteur lui reconnaît l'ensemble des droits tant patrimoniaux que moraux. Cette situation peut paraître surprenante. Un salarié n'est-il pas payé pour faire son travail, et s'il s'agit d'un créateur, pour créer ? Le droit en décide autrement, et protège l'auteur en lui reconnaissant une situation particulière dérogatoire du droit commun. Ceci explique pour partie les craintes des entreprises de parfumerie. Ces craintes sont exagérées, car de nombreux secteurs d'activités fonctionnent parfaitement nonobstant la reconnaissance du statut spécifique de l'auteur salarié. II. L’œuvre de collaboration Selon l’article L. 113-2 alinéa 1er, c’est l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Cette définition suppose que trois éléments soient réunis: • que les participants soient des personnes physiques, • que leur contribution soit de nature à leur donner à chacun la qualité d’auteur et • que leur participation soit concertée. La propriété intellectuelle d'une œuvre de collaboration correspond à une indivision. Chacun des auteurs est copropriétaire indivis de l'œuvre de collaboration. III. L’œuvre collective L’œuvre collective est, selon l’article L 113-2 alinéa 3 CPI " l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. " Cette qualification implique : • qu'une personne physique ou morale soit à l'origine de la création et ait vocation à exploiter l'œuvre créée à son instigation • que la fusion de la contribution personnelle de chacun des auteurs soit tellement aboutie qu'elle fasse obstacle à l'attribution d'un droit distinct à chacun des créateurs. La tentation est forte, pour les entreprises, de qualifier toute création de "création collective", et d'en conclure qu'elle est seule propriétaire des droits. Cette solution permet certes d'éviter la négociation de la cession des droits des créateurs ayant contribué à la création. Elle n'est toutefois pas sans danger. Si, par voie judiciaire, cette qualification de création collective est remise en cause, l'entreprise ne dispose plus d'aucun recours est se voit définitivement dépossédée de tout droit. Aussi la prudence, outre l'application rigoureuse du droit, consiste à n'invoquer la création collective que dans les cas où les circonstances sont incontestables, et à recourir dans les autres cas à l'organisation contractuelle des droits de chacun des créateurs individuels ou indivis. IV. L’œuvre composite L'œuvre composite est une œuvre définit par l'article L-113-2 CPI comme : "l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière". L'utilisation d'une œuvre préexistante constitue une atteinte aux droits d'auteur relatif à celle-ci, et ne peut être envisagée qu'avec l'accord de l'auteur de cette œuvre préexistante. Section 4. Les difficultés d’application du droit d’auteur I. La comparaison entre parfums deux Il s'agit incontestablement du cœur du problème. Si aujourd'hui il ne semble pas y avoir de réticences pour admettre que les créations olfactives constituent des œuvres de l'esprit au sens de la loi sur la Propriété littéraire et artistique, les avis sont très réservés sur la possibilité d'apprécier la contrefaçon. M. Plaisant a donné une excellente définition, selon laquelle "il y a contrefaçon aussi longtemps que les traits caractéristiques de l'œuvre contrefaite se retrouvent dans l'œuvre contrefaisante." Pour compléter cette définition, rappelons que la jurisprudence constante considère que "la contrefaçon s'apprécie en fonction des ressemblances et non pas des différences". La doctrine47 introduit une distinction entre la contrefaçon, qui constitue un délit, et le plagiat, qui est moralement condamnable mais juridiquement irréprochable. Le plagiaire reprend seulement la substance d'une œuvre en lui apportant un tour 47 "Le droit des auteurs" R. PLAISANT personnel. Il ne reproduit pas l'œuvre originale et ne se contente pas de la copier. Cette distinction est d'ailleurs parfaitement admise dans le monde de la parfumerie, et d'instinct les spécialistes de la parfumerie considèrent de façon relativement unanime que tels parfums sont des imitations présentant une forte proximité olfactive, mais ayant fait l'objet d'un vrai travail de création par un compositeur qui s'est inspiré d'un parfum antérieur, et que tels autres parfums sont des "copies pirates" indignes d'un créateur ou d'une maison de parfumerie sérieuse, qui devraient pouvoir être qualifiées de contrefaçon au sens juridique. A. Les différentes formes de contrefaçon Il convient de distinguer différentes formes de copie de parfums : • l'exploitation d'une création olfactive sans autorisation de l'auteur • la copie d'une création olfactive. 1) La contrefaçon par exploitation La contrefaçon par exploitation non autorisée d'une création olfactive peut résulter de deux démarches fautives. La première consiste à outrepasser les droits accordés par l'auteur d'une création. Le formalisme en matière de cession de droits d'auteur exige l'énumération explicite des modes d'exploitation pour lesquels les droits d'auteur sont cédés. Cette énumération est limitative. Le cessionnaire des droits pour certains modes d'exploitation devient contrefacteur s'il exploite cette création selon d'autres formes. Cela pourrait se produire si le cessionnaire des droits sur une composition olfactive originale pour la parfumerie de luxe commercialisait d'autres produits portant la même signature olfactive, par exemple des bains moussant, des bougies, ou de la parfumerie d'ambiance. La deuxième démarche fautive consiste à reproduire la création olfactive pour fabriquer et commercialiser des knock-off. Les méthodes d'analyse actuelles permettent de façon effective de préparer des formulations qui produisent une fragrance identique ou extrêmement voisine de celle d'un parfum original. Ces deux démarches constituent des actes de contrefaçon susceptibles d'être sanctionnés dans le cadre d'une action en contrefaçon. 2) La copie par un autre compositeur La situation est différente dans le cas où un compositeur s'inspire d'une fragrance pour créer sa propre composition olfactive, dans la même tendance. En effet, le compositeur second fait alors preuve d'une réelle création, portant son empreinte personnelle. Il s'agit alors d'une œuvre nouvelle et originale échappant au grief de contrefaçon. La distinction majeure entre les comportements frauduleux et les comportements licites est la présence ou non de l'empreinte de la personnalité des deux compositeurs. Cette distinction se retrouve dans tous les domaines de la création. Rien n'empêche par exemple un photographe de prendre une photographie d'une scène déjà photographiée, par exemple des amoureux s'embrassant devant l'Hôtel de Ville de Paris. Chaque photographe apportera sa touche personnelle, même si le sujet de toutes ces photographies est commun. Il en va différemment si un tiers reproduit par des moyens mécaniques la célèbre photographie de Doisneau, par exemple en la scannant ou en photographiant une épreuve de Doisneau. B. Les solutions dans d’autres domaines L'application du droit d'auteur au domaine de la parfumerie est nouvelle, et de ce fait soulève un grand nombre d'interrogation, d'inquiétudes et de doutes. Les problèmes et difficultés d'application ne sont pourtant, sur le strict plan du droit, guère différents de ceux que l'on rencontre dans d'autres domaines associant la création à une activité économique soutenue. 1) Photographie En matière de photographie, les relations entre les photographes salariés ou indépendants et les éditeurs (agences de communication, agences de presse, éditeurs,…) ont fait l'objet non seulement d'une riche jurisprudence, mais également d'usages bien établis. A titre d'exemple, les bases de rémunération des droits d'exploitation d'une œuvre de commande en matière de photographie publicitaire ont fait l'objet d'un barème négociés au sein d'une commission paritaire, barème qui fait partie intégrante du code de la Propriété Intellectuelle. Ce barème48 se fonde sur la valeur d'un point convenu librement entre le producteur et l'auteur, et sur l'application de coefficients dépendant de la forme d'exploitation. Le rôle de l'Union des Photographes Créateurs est également particulièrement important. Cette association représentative des photographes mène un travail de réflexion, de sensibilisation et de propositions en matière d'organisation des relations contractuelles entre les créateurs et les producteurs. 2) Musique Dans le domaine de la création musicale, on retrouve également les problématiques évoquées : - distinction entre création, imitation et contrefaçon - relation entre des compositeurs de musique et l'exploitant des droits, en particulier pour l'illustration musicale dans le domaine de la publicité, de la communication et de l'édition multimédia. 3) Publicité Le domaine de la publicité est certainement celui où les relations entre les différents contributeurs ayant la qualité d'auteur, les agences de communication et les annonceurs ont fait l'objet du plus grand nombre de jurisprudences et de doctrine. 48 Décision du 23 février 1987 prise par la commission créée en vertu de l'article L.132-31 du Code de la propriété Intellectuelle Les organisations professionnelles représentatives des différents acteurs concernés, tant des créateurs que des annonceurs et des agences, ont établi en commun un "contrat type de commande et de cession des droits d'une œuvre utilisée pour la publicité49" ainsi qu'un "contrat type de production de films publicitaires50". Sans aborder dans le détail les dispositions de ces contrats types ni des discussions portant sur la portée de ces initiatives, la démarche suivie constitue une voie intéressante car les contrats types ont un effet normatif qui est admis et validé par une majorité de professionnels, et peut servir de référence non obligatoire pour la sécurisation juridique des relations entre les différents partenaires d'un projet. Une telle démarche pourrait être reprise par les différents partenaires de la parfumerie, pour définir un cadre de référence pour les relations entre compositeurs salariés ou indépendants, sociétés de parfumerie et marques. 4) Design industriel La coexistence de créateurs et d'entreprises exploitant industriellement les créations existe à grande échelle dans le domaine du design, notamment dans le domaine du mobilier, de l'automobile, de la mode et des articles de sport. L'organisation des relations entre les créateurs - dont le statut d'auteur bénéficiant de la protection du droit d'auteur - et leurs partenaires industriels ne met pas en cause le dynamisme de ces activités, et les usages sont venus réguler les dispositions du 49 50 Accord du 2 février 1993 Accord du 13 juin 1988 droit d'auteur d'une façon satisfaisante pour l'ensemble des parties. I I . La comparaison entre d'auteur et copyright droit Deux logiques, celle du droit d’auteur et celle du copyright, coexistent en matière de protection des œuvres de l'esprit. On les oppose souvent, alors quelles visent toutes deux à permettre aux auteurs d’interdire la copie de leur création, et prévoient toutes deux, certes à des degrés différents, des droits moraux et notamment le droit à la paternité. Le droit d’auteur privilégie la protection de l'auteur. Il évite un transfert de droit sans le consentement explicite et volontaire de l'auteur et rend inaliénables les droits moraux. Le copyright privilégie l'investisseur. Il interdit la reproduction non autorisée de la création, indépendamment de l'origine de la création. Cette conception a tendance à dominer l'évolution législative. Les derniers textes législatifs résultant de la transposition de directives communautaires montrent bien cette tendance. La loi relative à la protection des bases de données vise clairement à protéger l'investissement de la personne qui a constitué la base de données, sans se préoccuper de sa qualité "d'auteur". De même, la protection des logiciels prévoit des dispositions relatives à la propriété des créations de salariés dérogatoires des principes généraux du droit d'auteur. Le copyright a néanmoins, comme le droit d’auteur, pour but d’accorder " un monopole pour une durée limitée afin d’encourager le développement des arts et des sciences 51". La particularité principale concerne le statut des créations réalisées par des salariés ou dans le cadre de commandes (work made for hire). Il s’agit incontestablement d’une différence essentielle, et il est fort probable que l’application de ces principes dans les pays de droit d’auteur pallierait les réticences des industriels de la parfumerie. A. La création olfactive, une œuvre de l’esprit S'il est difficilement contestable que la création olfactive constitue une œuvre de l'esprit, il convient d'en analyser les incidences et spécificités par rapport à d'autres types de créations. Pour déterminer les droits portant sur une création olfactive et sur lesquels s'exercent les attributs de l'auteur, il faut que l'œuvres soit constituée sous une forme quelconque. La protection s'applique à la "forme externe52" de la création, c'està-dire la forme sensible, intelligible par l'un de nos sens. La création olfactive se traduit par une forme perceptible par l'un de nos sens, l'odorat. La description de la forme olfactive et la comparaison d'une forme olfactive présumée contrefaisante pose par contre plus de difficultés. 51 Art. 1er sec. 8 de la Constitution américaine Philippe GAUDRAT, Réflexion sur la forme des œuvres de l'esprit, Mélanges en l'honneur de André Françon, DALLOZ 1995 52 III. Les difficultés la comparaison en matière de créations sensorielles On dispose d'un grand nombre d'outils pour caractériser des créations faisant appel à aux trois sens mécaniques, ainsi que pour en conserver une trace certaine. En matière de création littéraire, l’œuvre créée peut-être identifiée et caractérisée de manière univoque par sa transcription sur un support écrit, ou par l’enregistrement de l’œuvre sous une forme orale. En matière de création picturale, l’œuvre peut être identifiée et caractérisée sans ambiguïté par sa reproduction photographique par exemple. En matière de création musicale, l’œuvre peut être identifiée par sa transcription sous forme de partition ou l’enregistrement de sa représentation. Le créateur pourra ainsi apporter la preuve de sa création, et produire auprès du tribunal une représentation suffisamment pertinente de la contrefaçon pour permettre au magistrat d'exercer sa mission et de dire le droit à partir des éléments incontestables, objectifs et comparables qui lui sont présentés. En ce qui concerne les deux sens "chimiques" la situation est moins aisée. En effet, les descripteurs nous manquent et la crainte de la subjectivité de la caractérisation est fondée. La difficulté majeure de l'application du droit d'auteur à la création olfactive ou gustative est l'absence de moyen objectif de caractérisation d'une odeur ou d'un goût. On pourrait certes confier le travail de caractérisation et de comparaison entre une création et une contrefaçon potentielle à un expert. Mais il va sans dire que dans de nombreux cas, les avis des experts divergeront. De plus, un expert ne pourra pas fournir au magistrat un rapport objectif et technique. Il donnera son opinion sur le fait qu'il s'agit ou non d'une contrefaçon, se substituant ainsi au rôle du magistrat qui seul à reçu délégation de l'état régalien pour dire le droit. C'est donc à juste titre que dans l'affaire "PARFUMS DE LAIRE", les magistrats ont évité de se prononcer sur la seule base d'affirmation d'un expert. Notons toutefois que la situation n’est pas aussi tranchée qu’elle en a l’air : la caractérisation d’une œuvre musicale n’est pas toujours objective et univoque, et peut présenter les mêmes difficultés que la transcription d’une œuvres sensorielle. Prenons l’exemple de certaines œuvres contemporaines dodécaphoniques ou de musique sérielle : les transcriptions habituelles sous forme de partition ne sont pas adaptées, et les auteurs ont construit leurs propres règles de transcription de leurs œuvres. Ces règles de transcription sont loin d’être universelles et lisibles par les tiers, sans pour autant qu’il soit dénié la qualité d’œuvre de l’esprit à ses compositions. Il ne viendrait à personne de nier la qualité d'auteur d'une œuvre de l'esprit à des artistes tels que Pierre Boulez, Iannis Xenakis ou Udo Zimmermann dont les créations ne peuvent pourtant pas faire l'objet d'une transcription sous des représentations habituelles telles que des partitions. Par ailleurs, la transcription sous forme d'enregistrement sonore d'une représentation de ces œuvres présente les mêmes imperfections que la retranscription d'une fragrance à l'aide de méthodes qui seront développées dans la suite de cet article. Jean Ousset53 a analysé le rôle de l’intermédiaire chargé de représenter l’œuvre originale. Il rappelle que le bon interprète, le bon lecteur, le bon acteur, le bon chef d’orchestre, le bon enregistrement, le bon traducteur, sont ceux qui expriment le plus exactement, le plus fidèlement, ce qu’est l’objet de la création, ce que l’auteur a voulu exprimer. Un aphorisme italien " traduttore, traditore " (traducteur = traître) est peut être excessif, mais exprime la distance entre une œuvre et sa représentation par un intermédiaire. Pourquoi serait-on plus exigeant dans la fidélité et la qualité de la caractérisation d’un parfum, qui est sa représentation objective sous une forme appréhendable intellectuellement, que pour la représentation d’une création musicale ? Les difficultés de caractérisation d’une création sensorielle ne doivent pas conduire à une exclusion du droit d’auteur, et ce d’autant moins que le droit d’auteur s’applique expressément à des œuvres de l’esprit qui dans certains cas sont tout aussi difficiles à caractériser, et pour lesquels on ne dispose pas non plus de descripteurs universels. A. Les moyens pour éclairer le magistrat Pour permettre une application rigoureuse et effective du droit d'auteur en matière de création olfactive, il est nécessaire de pouvoir fournir au juge les éléments lui permettant de se prononcer. Il ne s'agit pas de substituer au magistrat un expert. Il 53 "A LA DECOUVERTE DU BEAU", Jean OUSSET 1971, Ed. MONTALZA s'agit d'une dérive qui se rencontre de plus en plus souvent, et qui est regrettable. L'appréciation du droit et la décision judiciaire est un attribut réservé au juge, qui ne peut se décharger de cette responsabilité sur un tiers, aussi qualifié soit il dans son domaine d'expertise technique. Ce tiers doit fournir au magistrat les éléments d'appréciation objectifs permettant à ce dernier de dire le droit. Pour cela, divers moyens sont envisageables. 1) Les analyses sensorielles Une autre famille de méthodes rigoureuses et parfaitement adaptées à l'analyse des ressemblances entre deux parfums est constituée par les méthodes d'analyse sensorielle. On entend par "analyse sensorielle54" l'examen des propriétés organoleptiques d'un produit sur les organes des sens. L'analyse sensorielle n'est pas une méthode arbitraire mais obéit à des règles scientifiques rigoureuses, faisant l'objet de normes internationales. Elle fait appel selon le cas à différentes catégories de sujets sensoriels : • sujets "naïfs" n'ayant jamais participé à un essai sensoriel et ne répondant à aucun critère particulier, • sujets "experts" qui est un sujet qualifié ayant une excellente acuité sensorielle et qui est entraîné à l'utilisation des méthodes d'analyse sensorielle et capable d'effectuer de façon fiable une analyse sensorielle, 54 Norme internationale ISO 5492 "SENSORY ANALYSIS VOCABULARY" sujets "experts spécialisés" qui est un sujet expert ayant de plus une expérience complémentaire de spécialiste du produit et qui est capable d'évaluer ou de prévoir les effets inhérents aux variations dues aux matières premières, recettes, vieillissements, etc. La méthodologie de conduite d'une analyse sensorielle est décrite notamment dans un guide reproduisant la norme internationale ISO13299, décrivant les étapes à suivre lors de l'établissement d'un profil sensoriel, c'est-à-dire de l'analyse descriptive d'un produit par les organes des sens. Cette méthodologie concerne notamment le choix des sujets sensoriels, la préparation de ces sujets, la préparation des échantillons, la préparation des descripteurs et des ordres de perception, la conduite des opérations et l'interprétation des résultats. Ces méthodes permettent d'établir par une approche basée certes sur des sujets humains ayant inévitablement une perception en partie subjective, une analyse comparative de plusieurs sources sensorielles. Elles permettent de fournir au magistrat des résultats objectifs qui lui permettront d'apprécier le degré de ressemblance entre une création originale, et un produit argué de contrefaçon, et d'apprécier ce degré de ressemblance en comparaison avec le degré de ressemblance admis pour des produits coexistants sans contestation. • 2) Les mesures physicochimiques Une première approche découle des progrès réalisés en matière d'analyse sensorielle, à l'aide d'équipements appelés "capteurs d'odeurs". Ces équipements, qui sont loin d'être parfaits et notamment ne peuvent pas prétendre à la sensibilité et aux performances de l'organe sensoriel humain. 3) Fonctionnement des " nez électroniques " Les équipements de métrologie neuro-sensoriels mettent en œuvre des capteurs sensibles au message olfactif qui émane de la source odorante, et non pas à la composition de ladite source odorante. Ces 55équipements comportent une tête d'analyse constituée d'une pluralité de capteurs, et un calculateur assurant un traitement du signal délivré par ces capteurs. Les capteurs sont issus de différentes technologies présentant chacune un domaine olfactif de prédilection. Il s'agit de semiconducteurs à adsorption de surface, de capteurs à onde de surface, de polymères conducteurs ou encore de capteurs enzymatiques. Ces capteurs délivrent un signal électrique fonction du temps et de la concentration et de la composition du message olfactif émanant de la source odorante placée dans la tête d'analyse. Ces signaux électriques sont numérisés et traités pour les rendre représentatifs du message olfactif et exploitables 55 ANALYSIS MAGAZINE, 1996, Vol. 24, N°8 ANDRE, SAVIN, DUHAMEL, KANFOUDI à des fins de comparaison ou d'archivage. Cette approche a notamment été employée pour le dépôt des premières marques olfactives56, en cours de d'examen par l'Inpi, l'Ohmi et l'Ompi. Les principaux types de capteurs mis en œuvre par les nez électroniques actuels sont : • Les semi-conducteurs dopés, constitués d'un substrat céramique chauffé par une résistance, sur lequel est déposé un matériau semi-conducteur (généralement l'oxyde d’étain), dopé par certains métaux afin de décaler le spectre de sensibilité aux différents composés chimiques. Le décalage peut également s'effectuer par chauffage du substrat à une température variable (50 à 400 °C). La taille des particules influe de manière notable sur la sensibilité et la sélectivité. La résistance électrique diminue donc de manière nonlinéaire avec l'adsorption momentanée et réversible de composés volatils en surface. La sensibilité de ce type de capteur est très bonne, ils ne craignent pas la vapeur d'eau, et sont particulièrement robustes ; Ils nécessitent par contre une durée de récupération importante pour certains composés, et présentent une médiocre spécificité, et une sensibilité excessive à l'éthanol, ce qui conduit les détracteurs des nez électroniques à les qualifier " d’éthylomètre ou d’alcootest™ à 500.00 F " • Les cristaux piézo-électriques, dénommés souvent quartz, ont la propriété d'avoir une fréquence de résonance (définie par leurs propriétés mécaniques)très stable lors de la propagation d'ondes volumiques à l’intérieur du cristal. 56 marque française n° 97698179 et n° 97658685 • L'utilisation la plus classique de ces cristaux est en référence de fréquence ou de temps. La fréquence de résonance de ce cristal est modifiée par tout composé volatil qui vient s'adsorber à la surface de la membrane. Ces capteurs réagissent donc en fonction du poids moléculaire des arômes détectés. Leur réponse est généralement spécifique à certains gaz, et la sélectivité liée à la lipophilie des molécules hydrophiles (éthanol, méthanol, eau...). L’inconvénient de ces capteurs est leur sensibilité à divers paramètres difficiles à contrôler. Les résonateurs à Onde Acoustique de Surface présente un fonctionnement très proche de celui des cristaux piézoélectriques, mais les oscillations (ondes de Rayleigh) sont transmises par le champ électrique créé par les électrodes déposées à la surface du solide, et non pas à l'intérieur du cristal, avec une fréquence caractéristique de 100 à 1000 mégaHertz. Leurs propriétés de conduction des ondes sont modifiées par la présence de molécules étrangères (capteurs de type gravitationnels). Le décalage de fréquence induit est en relation avec un coefficient de partition standard qui donne le rapport de la substance analysée entre la phase vapeur et la phase stationnaire. Les principales limitations actuelles des capteurs sont un problème d'interchangeabilité entre capteurs de même série, et un manque de reproductibilité dans les dépôts de membranes et des difficultés de désorption de certains composés pour les capteurs "froids". Les polymères conducteurs sont formés par une membrane lipidique multicouche (dont le fonctionnement ressemble théoriquement à celui du nez humain) fonctionnent suivant le principe du changement de résistance électrique dans cette membrane, en fonction des molécules adsorbées à sa surface. Il existe différentes membranes de sensibilités différentes suivant les groupes fonctionnels utilisés. Ils sont linéaires seulement avec les composés polaires, et leur réponse étant indépendante de la longueur du polymère, ce qui autorise la miniaturisation. Leur principal avantage est de fonctionner à température ambiante. Malgré leurs défauts, les nez électroniques actuels présentent, au regard de la caractérisation à des fins juridiques, deux atouts majeurs : • l'objectivité de la mesure, en raison de l'absence de référence culturelle susceptible de fausser l'analyse par une interprétation personnelle • la forme du résultat qui est signal numérique absolu, dont il est possible d'assurer la pérennité et la reproductibilité. A ce titre, et quelles que soient les imperfections des équipements actuels, la métrologie sensorielle constitue un moyen permettant au moins de confirmer la comparaison de deux parfums réalisés par d'autres méthodes, et de supprimer la subjectivité et l'absence de référentiel absolu de ces autres méthodes. Cette méthode permet d'une part de réaliser une caractérisation objective d'un parfum original et d'un parfum argué de contrefaçon. Il permet d'autre part de réaliser un positionnement relatif de différents parfums, sous une forme graphique permettant d'apprécier plus facilement la proximité olfactive de différents parfums, et en conséquence de déterminer si un produit argué de contrefaçon apparaît comme anormalement proche d'un parfum original. Des sociétés comme ALPHAMOS, AROMASCAN, FOS, NEOTRONICS ou TECHNOCHROM proposent des équipements utilisés essentiellement pour le contrôle de qualité de matières olfactives, mais qui ont donné pour certains des résultats fort intéressants pour la caractérisation et la comparaison de parfums. Marque olfactive déposée au nom de Pierre BOURDON, utilisant une caractérisation par capteur d'odeur B. Les descripteurs Une autre approche complémentaire consiste à faire appel aux descripteurs admis par la profession. Il existe plusieurs séries de descripteurs. La SFP (Société Française des Parfumeurs) a élaboré une classification basées sur 5 groupes principaux subdivisés en classes. Le recours à une classification admise de descripteurs peut constituer un complément aux méthodes précédemment évoquées. Toutefois, de l'opinion de l'auteur, de telles classifications sont forcément réductrices, et ne permettent pas de caractériser avec suffisamment de finesse et de précision la richesse du domaine olfactif. Edmond ROUDNISTSKA57 lui même affirmait : "Je ne me suis pas risqué jusqu'ici, faute d'un fondement solide, à proposer un classement des odeurs. Nos critères sont trop vagues, nécessairement personnels, inévitablement discutables. Tant que des points d'appui scientifique irrécusables ne nous seront pas fournis, nous serons limités à une terminologie empirique, présentant seulement une utilité pédagogique si elle s'assied sur une expérience valable." De fait, le recours à ces classifications n'est ni plus ni moins une façon informelle de procéder à une analyse sensorielle. 1) La convergence de différentes approches Prétendre aujourd'hui qu'une méthode de caractérisation domine par ses performances toutes les autres serait une erreur. 57 L'INTIMITE DU PARFUM Dénier toute crédibilité à ces méthodes, ou prétendre que les déficiences de ces méthodes constituent un obstacle insurmontable à la caractérisation et à la comparaison des formes olfactives serait tout aussi erroné. La convergence des différentes méthodes constatée dans le cadre de vérification expérimentales montre que nonobstant les critiques que l'on peut émettre sur les méthodes employées, le résultat fourni par chacune des méthodes est cohérent avec les résultats fournies par les autres méthodes. Cette convergence permet d'éliminer les lacunes spécifiques des différentes méthodes employées et valide les résultats qui pourraient être contestés s'il n'étaient pas confortés par les résultats d'autres types d'analyse. On peut par exemple critiqué l'objectivité des analyses réalisées par des panels sensoriels. Il est admis par contre que de telles analyses sont représentatives de la perception humaine. On peut également s'interroger sur la reproductibilité, la transposabilité en terme de perception et les fondements scientifiques des analyses réalisées par chromatographie ou par des capteurs d'odeur. par contre, il sera difficile de nier l'absence de subjectivité de ces méthodes. Si la mise en œuvre de ces différentes méthodes aboutit à une même tendance, on peut admettre qu'il existe un faisceau d'indice que le magistrat pourra utiliser pour apprécier la ressemblance de deux formes olfactives. 2) Une proposition de méthode Pour vérifier la ressemblance de deux formes olfactives et établir une démonstration crédible et exploitable de la proximité olfactive de deux formes olfactives, la voie la plus sûre consiste donc à associer plusieurs types d'analyses réalisées selon des protocoles raisonnablement rigoureux. Parmi les types d'analyse mis en œuvre, il est recommandé d'utiliser : • l'analyse sensorielle par "sniffing58" par un panel respectant un protocole normalisé, afin de prendre en compte la perception "humaine" par des sujets experts et par des sujets non entraînés • la chromatographie en phase gazeuse59, qui permet d'établir une comparaison objective, selon des procédés bien connus des spécialistes de l'analyse des matériaux odorants. • Les capteurs d'odeurs60, fournissant des résultats plus proches de la perception humaine que de la composition chimique du matériau odorant analysé. Eventuellement d'autres méthodes comme la résonance magnétique nucléaire, le couplage entre la chromatographie en phase gazeuse et de la spectrométrie de masse ou la spectrométrie infrarouge, peuvent venir compléter ces méthodes. 58 E. Guichard, Analyse sensorielle par sniffing, Les arômes alimentaires, Tec & Doc - LAVOISIER, 1992 59 D. LAMPARSKY, Méthode d'analyse des arômes alimentaires, ibid 60 Sniffer 9000 system, TECHNOCHROM, 43, rue des Violettes 68390 SAUSHEIM 3) Le rôle de la profession Les différents acteurs de la parfumerie auront un rôle à jouer, notamment en préconisant des méthodes qui leur apparaîtront conformes à leur perception du problème de la protection des créations olfactives et de l’appréciation des limites entre l’acceptable et la contrefaçon. Certaines organisations comme le syndicat national des fabricants de produits aromatiques (Prodarom) ont d’ailleurs d’ores et déjà entamé une réflexion sur les méthodes de caractérisation de créations olfactives. IV. Les difficultés caractérisation liées à la L’une des raisons mise en avant par les opposants à la protection des créations sensorielles par le droit de la propriété intellectuelle est la difficulté de caractériser rigoureusement de telles créations. L’enquête réalisée dans le cadre d’un mémoire de DESS, ainsi que les différentes discussions publiques ou privées sur cette question, a fait souvent ressortir un argument tel que " le parfum n’est pas protégeable car on ne peut pas le déposer ". A. Le caractère facultatif du dépôt Il faut tout d’abord rappeler qu’en matière de droit d’auteur, le dépôt ne constitue pas une formalité constitutive de droit. Le droit d’auteur existe du seul fait de la création de l’œuvre, sous une forme suffisamment aboutie pour être identifiable. 1) Le dépôt, moyen de preuve L’éventuel dépôt, en ce qui concerne le droit d’auteur, n’a pour but que de faciliter la preuve par l’auteur ou son ayant-droit de la date et de la nature de la création. Ce dépôt peut présenter un intérêt certain pour des œuvres n’ayant pas encore fait l’objet d’une divulgation, ou pour laquelle il existe une contestation quant à son auteur. Ces cas sont toutefois exceptionnels et ne concernent pas la grande majorité de contrefaçons portant sur des parfums déjà commercialisés, dont l’origine et la date de lancement, ainsi que la forme olfactive ne peuvent être contestées. B. Similitude avec d’autres domaines La difficulté technique de la caractérisation d’une forme olfactive n’est d’ailleurs pas exceptionnelle. Une telle difficulté se rencontre pour d’autres formes de création, où la description est difficile en raison de la nature de l’œuvre ou des lacunes des outils de descriptions. 1) La musique avant la découverte de l’enregistrement La protection de la musique par le droit d'auteur n'a jamais soulevé de problème, même lorsqu'il n'existait, pour la "fixation" de l'œuvre que : • le moyen indirecte de la partition • le moyen indirect de la représentation orchestrale ou vocale. La partition présente par rapport à l'œuvre musicale les mêmes caractéristiques et lacunes que la formule pour une création olfactive. Dans les deux cas, il ne s'agit que d'une fixation indirecte de la forme créative perceptible par le sens auquel s'adresse la création, l’ouïe dans le premier cas et l'odorat dans le second cas. Certes, la partition correspond à une codification plus universelle que ne l'est une formule olfactive. Encore faut-il rappeler que certains genres musicaux, le chant grégorien ou la musique dodécaphonique, donnent lieu à des conventions de notation inhabituelles et inconnues du profane. On peut aussi représenter la forme musicale par des spectres sonores, dont l'interprétation et la compréhension n'est ni plus ni moins facile que des spectres de chromatographie ou des représentations graphiques issues de capteurs d'odeurs. 2) Les œuvres picturales avant l’invention de la photographie De la même façon, il ne serait venu à personne l’idée de nier la protection par le droit d’auteur d’une œuvre picturale du fait de l’impossibilité de déposer une représentation, avant l’arrivée de la photographie. Encore aujourd’hui, la création graphique peut revêtir des formes rendant difficile la représentation en vue d’un dépôt, et encore plus d’un dépôt permettant aisément d’en faire des reproductions en vue de la présentation d’une copie du dépôt à un tribunal. Des œuvres holographiques peuvent constituer une œuvre graphique incontestable, bien que la reproduction de l’hologramme original en vue de son dépôt soit une opération fort malaisée. C. Quelques suggestions pour fixer l’œuvre olfactive Toutefois, lorsqu'une telle fixation s’avère nécessaire pour une création olfactive, les moyens existent, même s’ils ne sont pas aujourd’hui totalement satisfaisant pris isolément. Une telle fixation peut s’avérer utile pour constituer la preuve de la date, de la nature et de l’auteur d’une création originale avant son exploitation. Cette situation se rencontre par exemple dans la phase de proposition de nouvelles fragrances, ou pour les parfums qui ne sont pas immédiatement mis en lancement commercial. Elle est également nécessaire en vue du dépôt à titre de marque. 1) L’identification par des descripteurs Même si les descripteurs sont insuffisants pour caractériser complètement une forme olfactive, ils constituent une aide précieuse, dans la mesure où ils s’expriment par des termes suffisamment imagés pour que toute personne puisse les interpréter au moins approximativement. Ils sont donc utiles pour compléter la représentation graphique d’une marque olfactive, et aussi pour la comparaison entre un produit odorant argué de contrefaçon, et une forme olfactive protégée. L’industrie de la parfumerie emploie depuis de longues années différents systèmes de descripteurs. Outre celui proposé par la SFP, on peut mentionner le livre de référence de S. Arctander utilisant plus de 200 termes pour qualifier 2600 composés, ou celui employé par la société Firmenich utilisant une liste de 32 notes pour décrire 630 composés. Différentes études font état de la convergence de ces systèmes de descripteurs, et des ressemblances avec la rosace empirique des parfumeurs. Le laboratoire de physiologie neurosensorielle animé par les professeurs Maurice Chastrette et André Holley se sont en particulier penchés sur la question de la représentation de l’espace olfactif. a) Chromatographie en phase gazeuse La chromatographie en phase gazeuse est réalisée à l’aide d’un équipement comportant une colonne à l’intérieur de laquelle circule le fluide à analyser, injecté avec un gaz vecteur inerte. La colonne contient une phase liquide qui retient les composants en fonction de leur volatilité. La colonne est chauffée, de façon à permettre l’ajustement de la diffusion. A l’extrémité de la colonne, différents types de détecteurs mesurent la concentration de produits élués. L’analyse des signaux fournis par ces détecteurs, et de leur variation temporelle, permet de réaliser un graphe et de déterminer la composition du produit odorant analysé, à partir de la lecture des pics correspondant à des composés connus. Ce procédé est couramment employé en parfumerie, et permet, selon les dires de certains " nez " de sociétés de distillation, d’identifier avec une précision raisonnable et en un temps bref la composition d’un parfum inconnu. b) Formule La formule d'un parfum pourrait être assimilée à la partition d'une œuvre musicale. Elle détermine de façon indirecte la nature de l'œuvre, qui ne sera perceptible qu'après l'interprétation par un parfumeur. Néanmoins, la formule d'une création olfactive permet de fixer de façon relativement reproductible l'objet de l'œuvre créatrice du compositeur. La formule d'un parfum présente certes des lacunes. D'une part, les composants peuvent varier en fonction du lieu de récolte, de la qualité de la récolte, etc. D'autre part, une même forme olfactive peut résulter de différentes compositions. La formule permet donc de "fixer" de façon satisfaisante la création d'un compositeur. Elle ne permet pas toujours de décrire totalement la forme olfactive, indépendamment de la composition produisant la forme olfactive originale. La formule constitue en conclusion un outil admis par la profession de la parfumerie, donnant la possibilité de fixer au moins une composition permettant de représenter une forme olfactive originale pour laquelle le compositeur ou son ayantdroit détient un droit d'auteur. c) Head-space Le principe du head-space est une variante de la chromatographie en phase gazeuse. Il consiste à prélever l’air au voisinage d’une matière odorante, pour l’analyser par CPG. Pour concentrer la teneur en particules odorantes, il est possible de faire circuler un gaz inerte et de recueillir le flux d’air dans du fréon 11 ou dans un concentrateur cryogénique. Cette analyse est représentative du parfum tel qu’il est perçu " au débouché ". Le head-space est considéré par l’industrie de la parfumerie comme un outil particulièrement prometteur et fidèle. Section 5. distinctif I. Le parfum, signe L'idée fait son chemin Dans certaines applications, les créations olfactives remplissent par ailleurs la fonction d'une marque. Elles constituent un signe susceptible de distinguer un produit ou un service. En 1997, la première marque olfactive a été publiée au bulletin officiel de la Propriété Industrielle. Aujourd'hui, même si l'Inpi ne s'est pas encore prononcée sur la validité de cette marque, l'idée d'une protection des créations olfactives par le droit de la propriété intellectuelle progresse. Le groupe L'Oréal, au départ réticent à l'enregistrement d'une marque olfactive, a déposé en novembre 1997 deux marques olfactives61 au nom de sa filiale Lancôme, suivant ainsi de quelques semaines un autre dépôt d'une marque olfactive62 par un grand compositeur de parfums français. II. Les oppositions subsistent Outre les réticences générales de certains acteurs de la parfumerie à l'application du cadre législatif aux créations olfactives, les spécialistes du doit des marques émettent des réserves à l'idée de la marque olfactive. Une première objection résulte de la difficulté de réaliser une représentation graphique d'une odeur. Cette objection sera analysée en détail. Une deuxième objection concerne la fonction d'une composition olfactive. Une marque est définie comme un signe susceptible de distinguer un produit ou un service de ceux des tiers. Il est pourtant difficile de contester qu'une odeur peut remplir cette fonction. Les spécialistes du marketing développent depuis quelques temps des travaux sur l'utilisation des odeurs pour la "signature" de produit ou de services. La question est peut être plus délicate en ce qui concerne les parfums eux-mêmes : l'odeur, au sens de "message olfactif", est-elle seulement la substance du produit, ou constitue t-elle également la signature de ce produit, qui permet de le distinguer de tous les autres parfums ? Notre opinion est que la fragrance d'un parfum 61 62 Marques françaises n° 97705451 et 97705450 Marque française n° 97698179 remplit les deux fonctions, et on ne peut donc pas contester qu'elle constitue la signature du parfum. Elle remplit totalement la fonction de "distinguer" un parfum parmi les parfums exploités par des sociétés concurrentes. III. Qu’est ce qu’une marque ? A. Définition de la loi Le Code de la Propriété Intellectuelle définit à l'article L-711-1 les signes enregistrables au titre de marque de la manière suivante : "La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe : • susceptible d'une représentation graphique • servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale." Suit une énumération non exhaustive ("peuvent notamment constituer un tel signe...") de signes enregistrables, prévoyant notamment la marque sonore. Il est donc clair que la marque olfactive n'a pas été formellement exclue par le législateur. Pour la clarté de la discussion qui va suivre, il nous semble important de rappeler que les dispositions de l'article L-711-1 prévoit deux notions : • la notion de "signe" qui est l'objet même de la protection reconnue par le Code de la Propriété Intellectuelle • la notion de "représentation graphique", qui est la transposition du "signe", en vue de permettre les opérations matérielles de dépôt et de publication de la marque en vue de l'information des tiers. En l'occurrence, le "signe" est une fragrance, à laquelle le sens olfactif humain est sensible. Pour permettre le dépôt des premières marques olfactives, le signe olfactif a fait l'objet d'une représentation graphique sous forme de matrice colorée ou de graphe. Bien entendu, la protection est recherchée non pas pour cette matrice colorée ou pour le graphe, mais pour la fragrance dont cette matrice est simplement une transcription univoque et conforme aux critères prévus par le législateur. B. Évolution des marques Les signes constituant des marques ont évoluées au fil du temps. A l'origine, une marque était souvent constituée du nom patronymique du fondateur de l'entreprise : Renault, Michelin, Gallimard, Fragonard ou correspondait à un pseudonyme : Caran d'Ache, Lolo Ferrari. Cette personnalisation absolue de l'entreprise pose bien sûr un problème lorsque l'entreprise change de mains. Aussi, des marques plus anonymes ont été choisies : l'Hirondelle pour des bicyclettes, Naf-Naf pour des vêtements, Banania pour des boissons chocolatées, Wonderbra pour des sous-vêtements féminins. Petit à petit, la fantaisie a gagné les créateurs de marques, qui ont proposé des noms arbitraires : Kodak, Plip, Carambar, Xantia, Wanadoo, Amarys, voire des slogans : Aussi bon cru que cuit, qui l'eut cru ?, La voiture à vivre, Avec Carrefour, je positive, ou des jeux de mots : L'eau d'Issey. Les formes et les couleurs sont venus compléter la palette des signes servant à créer une identité d'un produit ou d'un service : les trois bandes d'Adidas, le jaune Kodak, la couleur rose pour de la levure ménagère, la forme "carré avec des oreilles" du Petit Lu, le coquillage de la Shell, et même le tatouage en forme de tête de loup de Johnny Hallyday. Plus récemment, l'espace de créativité s'est enrichi des marques sonores : le rugissement du lion de la MGM, le sonal de Dim, voire, dans certains pays, le bruit caractéristique de la Harley Dawidson. Après avoir été cantonné à des signes perceptibles par la vue, la marque a gagné le terrain des signes perceptibles par l'ouïe. L'étape suivante est logique : utiliser les signes perceptibles par nos autres sens, notamment l'odorat. Ce sens est particulièrement adapté car la mémoire olfactive est souvent associée à une émotion : tout publicitaire ne rêve t-il pas de créer un lien étroit entre des émotions et un produit ou un service ? Cette élargissement de la palette des marques est réjouissante : ne risquons nous pas d'être condamné, devant l'encombrement des marques "classiques", à ne plus subir que des marques banales telles que "Le Grand Stade" ou "La Très Grande Bibliothèque" ? L'utilisation de signatures olfactives n'est de fait pas nouvelle. Tout écolier se souvient sans doute de la colle blanche dont émanait une odeur caractéristique d'amande amère. Il s'agit du signe d'identification de cette colle qui permettait de la distinguer de toutes les autres colles, au même titre que le signe verbal "Uhu" ou la combinaison de couleurs "jaune et noire" pour d'autres colles. De même, les crayons Caran d'Ache étaient parfumés afin de renforcer leur identité. La démarche de protection des marques olfactives constitue donc le prolongement de la tendance permanente d'enrichissement de l'espace de créativité en matière de "signature" de produits et de services, et de création de nouvelles identités de produits ou services. Une fragrance peut indéniablement constituer la "signature" d'un produit ou d'un service. Même si de tels "signes" n'ont pas dans le passé été enregistrés à titre de marque, faute de moyens techniques adaptés pour représenter les odeurs de façon graphique, les odeurs peuvent indéniablement être employées au sens de "signe distinctif d'un produit". Cela est tellement vrai que le congrès de la Fédération Mondiale du Commerce de détail qui s'est tenu en 1995 à New York a consacré une journée entière à l'utilisation des odeurs pour la signature de produits et de services. Lors d'un autre congrès qui s'est tenu au Québec en 1996, l'un des conférenciers, Danny Bowles, a exposé que "les produits, comme les prix, sont de plus en plus comparables d'une entreprise à l'autre. Pour se distinguer, il faut compter sur autre chose, comme une ambiance telle que les clients ont envie de revenir. L'odeur peut être intégrée dans le décor d'un magasin pour créer un signe de reconnaissance". IV. Les premières tentatives A. Fil parfumé aux Etats-Unis En 1990 la première marque olfactive enregistrée aux Etats-Unis fut accordée à Celia Clarke, pour une marque constituée par un parfum appliqué à du fil de couture et de broderie, décrit à 63 l’enregistrement comme puissant, frais, floral... Dans sa décision, la Cour a précisé que l’enregistrement pouvait être fait sans avoir à fournir un échantillon. Celia Clarke est le seul fabricant de fils parfumés dans ce pays. B. Premières marques olfactives en Angleterre Plusieurs marques olfactives ont été enregistrées au RoyaumeUni, notamment une marque portant sur un pneu parfumé à la rose64 et une marque constituée par une odeur de bière65 ("a strong smell of bitter beer"), déposée pour des fléchettes. Ces marques sont aujourd’hui protégées dans la mesure où aucune opposition n’a été formulée dans le délai légal de trois mois. Une autre marque a également été déposée pour un parfum de cannelle appliqué à des préparations et substances pharmaceutiques66. Dans les deux cas, les demandes ont 63 Affaire Clarke, 17 USPQ2d 1238 (TTAB 1990). Marque n°2001416. 65 marque n°2000234 66 Marque n°2007780. 64 suffisamment exprimé les odeurs, comme la loi anglaise le prescrit. La société CHANEL avait de son côté déposé à titre de marque la forme olfactive de son parfum N°5. Mais ce dépôt a été retiré, pour des raisons inconnues des auteurs. C. Les demandes d'enregistrement de marques olfactives en France En France, on compte à l'heure actuelle 5 demandes d'enregistrement de marques olfactives, deux au nom de Lancôme, l'une au nom de l'Institut pour la Protection des Fragrances, l'une au nom du compositeur Pierre Bourdon et l'une au nom de la société Laboratoire Laboratoires France Parfums. Marque olfactive déposée par la société Lancôme Ces demandes d'enregistrement utilisent la caractérisation par chromatographie en phase gazeuse pour 3 d'entre elles, et 2 par des représentations par capteur d'odeur. L'Inpi examine actuellement ces demandes, qui ne sont pas enregistrées pour l'instant. V. Vers la marque olfactive ? A. Le problème de la représentation graphique Plusieurs méthodes de caractérisations sont envisageables, et ont été employées pour les premiers dépôts réalisés en FRANCE. On peut citer les capteurs de métrologie sensorielle, l'utilisation de descripteurs, et pour les marques déposées par Lancôme la chromatographie en phase gazeuse. Peu importe la méthode utilisée, pourvu que la représentation graphique puisse être associée de manière univoque à la fragrance constituant le signe pour lequel une protection est recherchée. Le dépôt doit simplement remplir les conditions pour permettre la publication, c'est-à-dire pour permettre aux tiers de connaître le signe pour lequel une protection est demandée. Le dépôt de la marque n° 97698179 remplit complètement ces conditions, puisqu'elle comprend une représentation graphique réalisée selon un protocole usuel, dont les données sont par ailleurs publiquement accessibles auprès d'un organisme indépendant67. Elle comprend également un descriptif compréhensible par le public avisé, comme une partition musicale l'est par le public ayant pratiqué un minimum de solfège. Enfin, pour le public moins avisé, la marque publiée prévoit la mise à disposition d'un 67 INTERDEPOSIT IDDN.FR.010.000475.000R.P.1997.001.31500 échantillon de la fragrance déposée. Divers autres modes de caractérisation peuvent être envisagés. La méthode de caractérisation proposée par Lancôme a l'avantage de recourir à des moyens d'analyse chimique anciens. Le spectre se présente comme une série de pics. Cette méthode n'est pas totalement adaptée à la caractérisation d'une signature olfactive, dans la mesure où la chromatographie permet une caractérisation non pas de la fragrance, mais de la composition chimique. Or la composition chimique ne reflète pas de façon univoque la signature olfactive d'une substance. Il est possible que deux substances produisant des odeurs très différentes se traduisent par des spectres de chromatographie très voisins, alors que des substances présentant des odeurs très voisines présentent des spectres totalement différents. Il convient de rappeler que la protection porte non pas sur la représentation graphique issue d'une méthode de caractérisation, mais sur le signe lui-même, en l'occurrence sur la fragrance. En cas de contrefaçon, il conviendra de comparer la fragrance du produit argué de contrefaçon avec la fragrance protégée. Cette comparaison, même si elle fait appel à un sens peu sollicité dans le domaine du droit, ne présente pas de difficultés exceptionnelles. La Cour d'appel de Paris a d'ores et déjà appliqué une telle comparaison dans l'affaire Kenzo c/ Via Paris. B. La représentation graphique employée pour les premières marques olfactives françaises Tout d'abord, il convient de rappeler que l'objet de la protection conférée par une marque olfactive n'est pas la forme graphique déposée, qui n'est qu'une représentation de l'odeur, mais l'odeur elle-même, au même titre que la protection conférée par une marque sonore est la séquence sonore et non pas la partition ou le spectre sonore, ou encore que la protection conférée par une marque holographique est l'image tridimensionnelle qui en résulte et non pas le réseau de diffraction qui est déposé. En second lieu, il convient aussi de rappeler que le législateur n'a pas voulu restreindre la forme de la représentation graphique susceptible d'être employée pour permettre le dépôt d'une marque. Il n'a pas jugé opportun d'ajouter des critères restrictifs sur les représentations graphiques admissibles. C'est donc à tort que les notes d'observations tentent de contester la validité d'une telle marque sur la base de critères inventés par eux. Il convient aussi de noter que l'Inpi est un organisme chargé d'appliquer le Code de la Propriété Intellectuelle tel qu'il a été édicté par le pouvoir législatif, et non pas de l'interpréter en restreignant le champ d'application voulu par le législateur. Si une telle interprétation devait être envisagée, elle appartiendrait au pouvoir judiciaire et non pas à l'autorité administrative. Cette question a d'ailleurs fait l'objet de débats lors de la codification de la Propriété Industrielle. Rappelons par exemple un échange entre Maître Combeau et Monsieur Dragne dans le cadre d'un colloque "le nouveau droit des marques" dont nous reproduisons ci-après un extrait : M. Combeau : "Ma question touche à l'interprétation de l'article premier de la loi. Mme Rajot nous a dit tout à l'heure, tout au moins c'est ce que j'ai cru comprendre, que l'énumération qui figure dans cet article présentait un intérêt aux yeux de l'administration dans la mesure où cette énumération allait lui permettre de rejeter les demandes d'enregistrement d'un certain nombre de marques et notamment les marques olfactives...Je ne suis pas convaincu pour ma part, - et je voudrais savoir sur quel texte s'appuie ce rejet, - que ce rejet puisse en effet être opéré en vertu des dispositions de l'article premier, dans la mesure où l'énumération qui y figure est une énumération non limitative...; et dans la mesure où il est possible de donner une représentation graphique à un parfum, à une odeur, de même qu'il est possible de donner une représentation graphique à un signe sonore. M. Dragne : "Je ne vois pas de quelle manière on peut donner une représentation graphique d'un signe olfactif. Si cela est possible, je suis prêt à l'enregistrer comme marque". ... Mme Vilmart: "...il me paraît (comme à Maître Combeau) évident que la représentation graphique d'un parfum pourrait donner lieu à un dépôt à titre de marque..." M. Combeau : "Imaginez que pour désigner des locomotives, je veuille déposer, à titre de marque, le parfum de l'eau de Javel..." M. Thrierr "Je pense que Me Combeau a raison de préciser qu'il y a deux cas bien distincts : celui où l'odeur, le parfum, constitue le produit lui-même, c'est le cas des parfumeurs; et le cas où une odeur serait distinctive d'autre chose que d'une odeur, par exemple d'une locomotive, d'un service ou d'un objet quelconque....La question est : est-ce distinctif ? La réponse paraît affirmative, c'est certainement distinctif. Nous retenons de cet échange entre quelques éminents spécialistes du droit des marques qu'un consensus se dégageait dès 1991 sur la possibilité d'enregistrer une marque olfactive dans le cadre de l'article L-711 C.P.I., de façon incontestable pour les produits non parfumés naturellement, mais aussi, comme nous allons le démontrer plus loin, pour les produits habituellement parfumés. Une troisième question mérite d'être soulevée, c'est celle de l'unité du droit. L'argument développé dans les notes d'observations et dans la notification de l'Inpi est que les tiers ne seraient pas en mesure de percevoir directement l'odeur représentée graphiquement par la marque déposée. C'est certes exact, mais le législateur n'a pas jugé opportun de prévoir que le signe protégé soit directement perceptible au vu de sa représentation graphique. Cet argument ne peut donc en aucun cas être retenu pour justifier le rejet de la marque olfactive. Non seulement, il ne serait pas fondé sur une disposition positive du Code de la Propriété Intellectuelle, mais en outre, il serait en contradiction avec l'enregistrement d'autres marques dont la représentation ne permet pas non plus d'appréhender directement le signe protégé. Il en est ainsi de la marque sonore n° 94543458 dont la représentation utilisée est un spectre sonore. Le son est représenté comme suit : Nous mettons au défi quiconque de percevoir à la vue du spectre déposé, le rugissement d'un lion. Néanmoins, et à juste titre, l'Inpi a procédé à l'enregistrement de cette marque. Il est inexact de prétendre que la représentation sous forme de spectre sonore serait plus directement perceptible qu'une caractérisation sous forme de spectre olfactif. Un spectre sonore n'est pas une représentation univoque et permanente. Elle dépend fortement de l'équipement technique mis en œuvre. Les performances du microphone, sa bande passante, les niveaux de préamplification, les échelles de visualisation employées, etc. influent considérablement sur la forme graphique qui représentera un tel son. La forme de représentation adoptée n'est ni plus ni moins perceptible qu'un spectre sonore. La représentation graphique adoptée retranscrit fidèlement la perception de l'odeur qui lui est associée, y compris l'évolution temporelle d'une odeur, en prenant en compte sur l'axe horizontal l'évolution de la perception de la note de tête vers les notes résiduelles. Par ailleurs, la forme graphique employée est habituelle dans le domaine de l'analyse olfactive, au moins autant que l'est la représentation sous forme de spectre sonore dans le domaine de l'analyse sonore. (Exemple d'article traitant de l'utilisation des capteurs d'odeurs, et montrant le caractère usuel de la représentation sous forme de matrice colorée) Selon le principe de l'unité du droit, il ne serait pas acceptable que l'Inpi adopte des points de vue contraires pour l'application de l'article L.711-1 CPI. C. Le critère de distinctivité Pour être enregistrable, une marque doit être distinctive. Ce critère de validité permet à l'administration et aux tribunaux d'écarter les marques qui seraient pas en mesure de remplir sa fonction d'identification d'un produit ou un service, et qui serait constitué de terme habituellement utilisés pour décrire une caractéristique d'un tel produit ou service. On ne pourrait certes pas accepter qu'une personne prétende au monopole du terme "floral" pour un parfum, car il priverait toute la communauté des parfumeurs de l'emploi d'un qualificatif commun à un grand nombre de parfums, et de ce fait ne pouvant pas "distinguer" un parfum parmi tous les autres. L'article L-711-2 CPI : "...sont dépourvus de caractère distinctif : b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, ... "Désigner" signifie "indiquer de manière à faire distinguer de tous les autres, par un signe" (Petit LAROUSSE). Nous allons montrer que la fragrance spécifique dont la représentation graphique a fait l'objet du dépôt à titre de marque est en mesure de distinguer un parfum parmi tous les parfums. Quelles sont les caractéristiques du parfum ? ce sont l'odeur, la composition, la couleur, la concentration, son nom, etc... La question qui se pose est de savoir si appliquée à des parfums, eaux de toilettes, huiles parfumées, une fragrance n'est pas un signe servant à distinguer les produits d'une personne physique ou morale, puisqu'elle est inhérente à un tel produit. La fragrance spécifique déposée à titre de marque n'est pas susceptible de désigner une de ces caractéristiques. L'argument selon lequel la fragrance déposée pourrait servir à "désigner" la caractéristique odorante des parfums parmi les autres caractéristiques possibles des parfums est erroné. La fragrance spécifique déposée ne permet que la signature d'un parfum déterminé sans pour autant interdire au tiers la désignation des parfums par ses différentes caractéristiques, dont la caractéristique odorante. La fragrance spécifique permet de qualifier la caractéristique odorante, mais pas de la désigner. Cette qualification ne prive en rien les tiers de qualifier différemment leur propre parfum, avec d'innombrables autres fragrances possibles. Le signe pour lequel une protection est recherchée n'est pas "l'odeur" c'est-à-dire la caractéristique relative à la capacité du produit d'exciter notre sens olfactif - de façon générique, mais une fragrance bien définie parmi la multitude de fragrances possibles. De la même façon, une fragrance spécifique est parfaitement en mesure de distinguer un produit tel qu'u n parfum dont cette fragrance spécifique est la signature, parmi tous les autres parfums (ou au moins parmi tous les parfums non contrefaisants). Une marque olfactive désignant des produits de parfumerie (en classe 3 de la classification de l'Arrangement de Nice) est donc tout-à-fait en mesure de distinguer un parfum des parfums concurrents. Il serait donc regrettable qu'un excès de sévérité aboutisse à "tuer dans l'œuf" une avancée du droit de la Propriété Intellectuelle. Cela serait d'autant plus regrettable qu'une telle attitude émanerait de la France, patrie de la création olfactive et des grandes marques de parfumerie. Il est hautement souhaitable qu'un débat de fond puisse s'instaurer, et que l'autorité judiciaire chargée d'interpréter le droit, puisse se prononcer dans le cadre d'une action confrontant des tiers défendant de réels intérêts en ce qui concerne la protection ou non des signes olfactifs pour des parfums. Si nous nous permettons d'employer le terme "d'excès de sévérité", c'est parce qu'il apparaît dans d'autres domaines que l'Inpi, approuvé ensuite par les Tribunaux, apprécie souvent le critère de descriptivité de façon favorable aux demandeur. Pour appuyer notre opinion, nous allons nous référer à quelques décisions récentes, tenant compte de l'évolution introduite par le Code de la Propriété Intellectuelle en 1991 : Reprenons l'exemple du rugissement du lion objet du dépôt de la marque sonore n°94543458 : l'accompagnement sonore ne constitue t-il pas une caractéristique d'un film cinématographique ? De nombreuses marques sont constituées par la forme d'un produit explicitement mentionné dans la liste des produits et services concernant la marque en question. Nous citerons la marque 93455663 déposée le 17 février 1993 qui non seulement a été enregistrée sans difficultés par l'Inpi, mais a fait l'objet de décisions de justice auprès du TGI de Paris et de la Cour d'Appel de Paris, qui ont tous deux conclu à la validité de cette marque. Or, cette marque est constituée par la représentation d'un flacon, et désigne entre autres des articles de verrerie et des ustensiles et récipients pour la cuisine. La forme d'un flacon serait-elle moins caractéristique d'un flacon que l'odeur d'un parfum pour un parfum68 ? Cette décision est d'ailleurs dans la continuité d'une ancienne décision69 reconnaissant le caractère distinctif de la forme ovoïde de la bouteille Perrier déposée à titre de marque. D'autres marques représentent la forme de tout ou partie d'un vêtement. A titre d'exemple, nous mentionnerons la marque enregistrée sous le n° 1651517 en date du 27 février 1991, qui représente le fond d'un pantalon de jeans, et en particulier la configuration particulière des poches et des surpiqûres. 68 69 C.A. Paris; 4ème ch., 5 février 1997 TGI de Nimes le 30 mai 1927 Cette forme ne constitue t-elle pas une des caractéristiques d'un pantalon - qui est désigné comme produit protégé -, conduisant le consommateur à acquérir ce produit plutôt qu'un autre pantalon ? Pourtant, l'Inpi ne s'est pas opposé à l'enregistrement de cette marque, pas plus que les Tribunaux70 n'ont annulé cette marque. La forme des surpiqûres identifie le pantalon de la société Levi Strauss parmi tous les autres pantalons, qui pourtant présentent tous des surpiqûres et des poches, au même titre qu'une fragrance déterminée identifie un parfum d'une maison de parfumerie donnée parmi tous les parfums concurrents. La Cour de Cassation (Comm. 3 janvier 1996) a admis la validité de la marque formée par un emballage. La Cour a rappelé tout d'abord que la validité de la marque formée par un emballage exige que la forme ne doit pas avoir un lien de nécessité avec la nature ou la fonction du produit désigné et ne doit pas lui conférer sa valeur substantielle. La marque incriminée était formée par la combinaison d'un filet et d'un bandeau pour le conditionnement de palettes. La cour considère que dans la mesure où il existait des conditionnements formés par la combinaison d'un filet et d'un bandeau autre que sous la 70 C.A. ROUEN, 2ème ch. 27 février 1997 forme déposée à titre de marque, il convenait d'admettre que la marque incriminée avait un caractère distinctif, que sa forme n'était pas imposée par la nature du produit et ne lui conférait pas sa valeur substantielle. De même, la cour d'appel de Paris (4ème ch.) a conclu le 25 septembre 1996 à la validité de la marque internationale n° 507201, représentant le dessin spécifique d'une jante (voir reproduction ci dessous) et désignant les produits de la classe 12, notamment les "jantes en métal léger pour les voitures, pièces de carrosseries..." La Cour a admis que le signe figuratif ainsi déposé "constitue un signe suffisamment arbitraire pour être distinctif des produits qu'il désigne, et les identifier aux yeux de la clientèle." Elle a motivé cette position en exposant que "le dessin spécifique du modèle de jante déposé à titre de marque n'est nullement imposé par la nature ou la fonction desdits produits, en ce compris les jantes de véhicules automobiles. De ces quelques exemples, on peut tirer deux conclusions : Dd'abord, il semble que la prise en compte du critère de descriptivité voulu par le législateur et interprété quand nécessaire par les magistrats, intervient surtout quand la représentation déposée à titre de marque ne permet plus au signe protégé de remplir sa fonction de distinguer le produit du déposant de ceux de ces concurrents. Par contre, il semble qu'une tolérance plus large existe lorsque le signe déposé, bien que correspondant à une qualité ou valeur intrinsèque du produit désigné, autorise des variations suffisantes pour permettre aux tiers de "signer" leurs produits avec d'autres formes choisies dans le même genre. Il en est ainsi des bouteilles, des jantes ou des emballages, où les autres fabricants pourront parfaitement adopter d'autres formes qui constitueront éventuellement leur propre signature, toutes ces formes étant bien sûr choisies dans le genre constitué par un contenant, une jante ou un emballage. Il en va de même pour les marques figuratives représentant un vêtement, qui n'empêchent pas un tiers d'exploiter des formes du même genre, c'est-à-dire présentant deux jambes, des surpiqûres et des poches. Par souci d'une application uniforme et cohérente du droit par l'Inpi, il serait regrettable que malgré l'existence de divergences d'interprétation des dispositions de l'article L.711-1 CPI, les premières marques olfactives soient rejetées "brutalement" et d'office pour les produits tels que les parfums. Au contraire, il est souhaitable que l'Inpi, au vue de l'interprétation favorable à l'enregistrement et à la validation par les Tribunaux de marques figuratives ou sonores pour lesquelles le même grief de défaut de descriptivité pourrait être avancé, adopte une position ouverte et bienveillante en acceptant l'enregistrement de la première marque olfactive pour la totalité des produits désignés, et laisse ensuite le soin aux tiers et au pouvoir judiciaire d'affiner l'interprétation des dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle en ce qui concerne ce nouveau type de signe. D. Le critère de descriptivité Il convient d'analyser attentivement la formulation de l'article L711-2 CPI : "...sont dépourvus de caractère distinctif : c) les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle." Sans revenir sur l'argumentation développée dans le paragraphe précédent, rappelons que la jurisprudence admet qu'un signe ne peut pas être considéré comme descriptif s'il autorise des variations suffisantes pour permettre aux tiers de "signer" leurs produits avec d'autres formes choisies dans le même genre. Quel est le signe objet d'une demande de protection dans le cas présent ? Ce n'est pas la matrice colorée, qui n'est que la représentation graphique. Ce n'est pas non plus le parfum, qui est un jus formé par la combinaison d'huiles essentielles et de produits de synthèse. C'est la fragrance, c'est-à-dire la forme olfactive informelle et invisible dont la perception par l'un de nos sens - l'odorat - est distinctive d'un parfum parmi tous les autres parfums possibles, ou d'un produit parmi tous les autres produits possibles. Nous allons examiner si ce signe - la fragrance arbitraire et fantaisiste objet du dépôt à titre de marque - constitue la valeur essentielle d'un parfum. La valeur essentielle d'un parfum est liée à deux éléments : le premier tient à sa composition en matières premières le second tient au succès qu'il rencontre ou non auprès du public. La composition du parfum est le fruit d'un mélange d'huiles essentielles, de produits de synthèse et d'un processus de création aboutissant à un jus final qui sera commercialisé. Mais rappelons qu'une fragrance peut être produite par des compositions différentes. La composition et la fragrance sont donc deux notions distinctes, et la marque olfactive porte non pas sur une composition, mais sur une fragrance. Le succès qui constitue une valeur essentielle du parfum est lié à la marque de fantaisie choisie pour être dans le monde entier son vecteur. Les noms "Dolce Vita", "Champs Elysées" ou "N°5 " confèrent la valeur substantielle du parfum en raison de l'image qu'ils véhiculent et ne sont pas pour autant exclus de la protection au titre de marque. La fragrance ne constitue pas la valeur essentielle du parfum, elle est une expression de la valeur du parfum, au même titre que sa signature verbale. Une fragrance spécifique permettant de distinguer un parfum parmi tous les autres parfums n'est qu'un signe arbitraire et de fantaisie, nullement nécessaire à tous les parfums ni même susceptible de désigner la caractéristique olfactive de tous les parfums. Il ne s'agit donc pas d'un signe exclu au titre de l'art. L711-2 b) et c) CPI. E. Faut-il créer une norme internationale de caractérisation graphique ? Certains opposants à la marque olfactive on proposé de créer une norme de caractérisation des odeurs. Comment mieux enterrer une initiative qu'en créant une commission chargée d'adopter une norme internationale ? Si le but d'une telle proposition est compréhensible, son fondement juridique est inexistant. En effet, le Code de la Propriété Intellectuelle ne limite en aucune façon les formes de représentation graphique admissibles à des formes normalisées, et encore moins à des formes reconnues par des normes internationales. Cet argument est donc spécieux. F. Sur le risque de dépôt abusif Ce risque existe certes. Il ne s'agit toutefois pas d'une situation inhabituelle. La jurisprudence ne manque pas d'exemples de tels dépôts abusifs, fréquents lorsqu'en 1964 le droit des marques a substitué au dépôt déclaratif de droit la notion de dépôt attributif de droit. La jurisprudence et la doctrine relatives à de tels dépôts abusifs sont bien établies et permettent de sanctionner sans difficulté de telles situations. Par ailleurs, rappelons qu'en France, nous connaissons un régime de protection prévoyant que la marque appartient au premier déposant, sauf abus de celui-ci, et qu'il en sera ainsi pour les marques olfactives comme pour toute autre marque. Le régime commun du droit des marques s'appliquera donc aux marques olfactives, avec tous les avantages et les éventuels inconvénients des marques verbales ou figuratives. G. Les garanties en matière d'intangibilité de la représentation Comme pour tout signe, si celui-ci évolue dans le temps, il ne sera protégé que pour la forme initialement déposée. Ceci est fréquent pour les marques figuratives représentant des "logos", qui sont régulièrement réactualisés pour correspondre aux évolutions du design. Bien entendu, seul le "logo" déposé sera protégé, et les évolutions devront faire l'objet de nouveaux dépôts si leur titulaire souhaite les voir protégés par le droit des marques. De même, un parfum qui évoluerait par des modifications de la fragrance pour mieux coller à "l'Air du Temps" devra faire l'objet de dépôts de la représentation graphique correspondant aux différentes évolutions. Ceci est valable pour les évolutions volontaires, aussi bien que pour les évolutions dues à l'éventuel manque de stabilité du parfum. H. La comparaison de deux signes Sous réserve bien entendu que l'enregistrement des marques olfactives récemment déposées auprès de l'Inpi, de l'Ohmi et de l'Ompi intervienne, se posera la question de la comparaison de deux signes. Les difficultés ne sont guère différentes de celles rencontrées pour la comparaison de deux marques verbales ou de deux marques graphiques. VI. L’application du droit marques des A. Quelques recommandations pour le dépôt de marques olfactives L’enregistrement d’une marque olfactive auprès de l’Inpi, de l’Ohmi (marque communautaire) ou de l’Ompi (marque internationale) n’est pas acquis aujourd’hui, alors que des marques olfactives ont été enregistrée par des offices étrangers. Aussi convient-il d’être prudent, le dépôt d’une marque olfactive relevant encore d’une démarche prospective dont l’issue est incertaine. Pour respecter formellement les exigences du droit des marques, il est nécessaire de prévoir une représentation graphique de la forme olfactive pour laquelle une protection est recherchée. La nature de cette représentation graphique reste à définir. Les tentatives de l’Institut pour la Protection des Fragrances, de L’Oreal, de Pierre Bourdon et de Laboratoires France Parfums ont fait appel aux capteurs d’odeur et à la chromatographie en phase gazeuse. D’autres solutions peuvent être envisagées. Cette représentation doit dans la mesure du possible être univoque par rapport à la forme olfactive, suffisamment discriminante par rapport à d’autres formes olfactives, et reproductible afin de permettre la comparaison avec la représentation graphique de formes olfactives inconnues. Le dépôt de la marque devra également mentionner le protocole employé pour réaliser la représentation graphique. L’utilisation de descripteurs textuels constitue certainement une aide importante, comme cela se pratique d’ailleurs pour le dépôt de marques graphiques. Enfin, bien que le Code de la Propriété Industrielle ne le prévoit pas, il est utile de prévoir l’accès à un échantillon odorant reproduisant la forme olfactive déposée. Marque "Odeur de Fraise" déposée au nom de Laboratoires France Parfums B. Le dépôt abusif L'application du droit des marques aux signes olfactifs peut certes donner lieu à des pratiques de dépôts abusifs. Ce comportement se retrouve à chaque évolution d'une réglementation. Lorsque, en 1964, le droit des marques est passé en France d'un régime déclaratif de droits à un régime attributif de droits, un certain nombre de personnes ont procédé à l'enregistrement auprès de l'Inpi des marques qui étaient auparavant simplement des marques d'usage. Rappelons qu'avant 1964, une protection de la marque existait du simple usage de celle-ci, indépendamment d'un dépôt auprès de l'Inpi. Le dépôt était destiné principalement à confirmer des droits préexistants. Ce régime est d'ailleurs proche de celui toujours en vigueur pour les marques américaines, qui prévoit que le dépôt s'effectue en principe postérieurement à l'usage. Lorsqu'en 1964 le dépôt est devenu obligatoire pour pouvoir bénéficier d'une protection, certaines sociétés se sont montrées négligentes, ce qui a permis à des tiers de déposer des termes utilisés mais non déposés, et ensuite d'opposer ces nouvelles marques à ces sociétés négligentes. Ces derniers étaient alors obligées de négocier le transfert des marques qu'elles avaient omis de déposer. Très vite, toutefois, les tribunaux ont condamné ces pratiques sur la base de la doctrine du dépôt abusif. Un adage bien connu du droit est que "la fraude corrompt tout" (Fraus omnia corrompit). Cette doctrine a permis de faire annuler les dépôts effectués malicieusement par des personnes qui n'y étaient pas habilitées, et qui procédaient à de tels dépôts dans le seul but de "faire chanter" la société qui était légitime à déposer une telle marque, même si cette dernière a fait preuve de négligence. De telles pratiques ont également vu le jour lors de l'éclatement de l'URSS, lorsque les nouveaux Etats ont mis en place leur propre loi sur les marques. Des personnes peu scrupuleuses se sont empressées à déposer des marques connues à l'étranger, pour pouvoir ensuite les négocier auprès des titulaires légitimes. De même, le développement de l'INTERNET à suscité des vocations de "pirates" des noms de domaines. Des sociétés se sont organisées pour réserver des noms de domaines correspondant à des marques ou des noms connus, pour en tirer ensuite profit. Une société canadienne a ainsi réservé 12.000 noms de domaines pour les "louer" aux personnes qui auraient autrement pu se les faire attribuer directement par l'InterNic ou les administrateurs de réseau nationaux. Là encore, la justice a admis la notion de dépôt frauduleux, qui permet de faire obstacle sans trop de difficultés à ces pratiques. Lorsque le droit des marques s'appliquera aux marques olfactives, il est probable que des "pirates de la marque olfactive" verront le jour, et tenteront de déposer à titre de marque des parfums connus. Il est indiscutable que dans ce cas, la doctrine relative au dépôt abusif s'appliquera comme elle s'est appliquée pour les dépôts frauduleux lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1964, ou lors du développement des réservations frauduleuses de noms de domaines. C. La marque déceptive ou trompeuse Une marque olfactive pourrait également être trompeuse, si elle laisse espérer une qualité ou une caractéristique que le produit sur lequel elle est apposée ne présente pas cette qualité ou cette caractéristique. Il en serait ainsi d'une marque olfactive correspondant à une odeur de feu de bois, qui serait exploitée pour des services de boulangerie n'utilisant que des fours électriques ou pour des produits alimentaires qui ne seraient pas cuits au feu de bois. Il pourrait en être ainsi pour une marque olfactive constituée par une odeur de cuir, qui serait exploitée pour des articles de papeterie ou des voitures ne comportant pas de cuir. Dans ce cas, les règles habituelles de protection du consommateur s'appliquerait, outre le fait qu'une telle marque pourrait être annulée en application du code de la propriété intellectuelle. D. La déchéance pour défaut d’exploitation Une marque qui ne fait l’objet d’une exploitation pendant une période continue de 5 ans est susceptible d’être déchue. Cette déchéance n’intervient pas automatiquement, mais doit être demandée par un tiers souhaitant exploiter le signe considéré. Cette demande se fait sous la forme d’une action judiciaire en déchéance. Pour les marques olfactives, cette disposition s’appliquera bien sûr de la même façon. La difficulté sera éventuellement de prouver que la marque olfactive a bien été exploitée. Section 6. Le cumul de protection Le dépôt d'une création olfactive à titre de marque ne constituerait-il pas un détournement de loi ? En effet, une marque peut être indéfiniment renouvelée. En protégeant une création que l'on peut qualifier d'œuvre de l'esprit, ne va t-on pas prolonger artificiellement la durée du droit d'auteur, au-delà de la durée légale de 70 ans après la mort de l'auteur ? Cette discussion n'est pas pertinente. Tout d'abord, le législateur n'a pas prévu d'interdiction de cumul de protection entre le droit des marques et le droit d'auteur. Le cumul de protection est explicitement exclu pour certaines créations : les obtentions végétales protégeables par un certificat d'obtention végétale sont exclues de la brevetabilité. De même, les logiciels protégeables par le droit d'auteur ne sont pas brevetables (sauf s'ils produisent des effets techniques). Non seulement, le Code de la Propriété Intellectuelle ne prévoit aucune disposition interdisant le cumul du droit des marques et du droit d'auteur, mais de plus un tel cumul est habituel : un slogan, une séquence musicale ou un logo constituent une œuvre de l'esprit indiscutablement protégée par le droit d'auteur, et par ailleurs parfaitement déposable à titre de marque. Il n'existe donc aucune raison de refuser pour une composition olfactive ce qui est généralement admis pour une création graphique, littéraire ou musicale. Chapitre 7. Les enjeux pour la parfumerie Il est probable que l'enregistrement d'une marque olfactive va encore donner lieu à des discussions et débats, et peut-être à des remises en cause administratives ou juridiques. Néanmoins, il semble inévitable que dans les années à venir, la création olfactive sera reconnue pleinement comme un droit de propriété intellectuelle. Cela impliquera une reconnaissance plus forte de la valeur de la création, et par conséquent des créateurs. Cela aura même un effet incitateur pour une plus grande créativité en matière de parfumerie, car la commercialisation de contretypes ou de produits imitant délibérément des produits connus pourra être sanctionnée par les titulaires des droits sur les produits originaux. Les relations entre compositeurs salariés ou indépendants, sociétés de parfumerie et marques devront s'adapter à cette évolution. Cette adaptation devra se faire en concertation entre les différentes parties, comme cela s'est produit dans d'autres secteurs d'activités où la coopération entre des auteurs et des industriels est requise. Les relations pourront s'inspirer des relations entre les graphistes, photographes et autres auteurs, et les agences de communication ou les éditeurs par exemple. Un renforcement de la protection des créations olfactives ne peut être que bénéfique à l'ensemble des acteurs de la parfumerie française, dont l'excellence est mondialement reconnue. Le fait que les récentes demandes d'enregistrement de marques olfactives aient été réalisés d'une part par un compositeur reconnu de parfums, et d'autre part par un des premiers groupes mondiaux de l'industrie de la parfumerie est significatif, et encourageant pour la convergence des intérêts vers un renforcement de la protection des créations sensorielles. Section 1. I. La parfumerie fine Qui est l’auteur ? Une question qui ne manquera pas de se poser est celle de la nature de la création. S'agit-il d'une œuvre individuelle, de collaboration ou une œuvre collective ? Pour des œuvres relevant de domaines d'applications habituels du droit d'auteur, cette notion est déjà fort controversée. A fortiori, appliquée au domaine vierge des créations sensorielles, l'application du caractère collectif de l'œuvre donnera lieu à de nombreuses controverses. M. le conseiller d'état Lerebours-Pigeonnière71 a exposé au cours des travaux préparatoires à l'élaboration de la loi du 11 mars 1957 ce qui suit : 71 Note au D. 1947.529 citée "PROPRIETE LITERRAIRE ET "Qu'entendons nous par là ? nous visons une sorte d'œuvre anonyme - les dictionnaires, les encyclopédies - qu'un éditeur publie sous son nom et qui ne cesse pas d'être anonyme alors même que la liste des collaborateurs est connue, parce qu'il est impossible de déterminer le rôle, ni la part de chacun dans la conception et la composition de l'œuvre. " En conséquence, on admet qu'une telle œuvre appartient, comme si elle était entièrement sa création, à l'éditeur qui a dirigé la composition et sous le nom duquel elle a été divulguée. Il est prématuré de vouloir donner des indications définitives sur cette question. Certains considéreront que la création d'un parfum constitue une œuvre collective, la contribution de plusieurs collaborateurs se mêlant pour former un résultat final ne permettant pas d'individualiser l'apport créatif de chacun des contributeurs. Dans d'autres cas, un compositeur unique fait œuvre de création de part entière pour réaliser, - ou "inventer" pour utiliser le terme malheureux employé par la société De Laire" une nouvelle fragrance correspondant aux indications relativement vagues qui lui sont communiquées par l'équipe marketing de la maison de parfumerie. D'expérience, il est apparu qu'il est risqué de s'appuyer sur une qualification d'œuvre collective en cas de doute. La prudence voudrait que dans les situations limites, on établisse un contrat d'exploitation des droits d'auteurs entre les différents contributeurs et la maison de parfumerie. ARTISITIQUE" de M. COLOMBET, Ed. DALLOZ A. La création individuelle Il semble bien que dans de nombreux cas, la création d'un parfum soit le fait d'une seule personne, agissant dans le cadre d'une commande ou d'instructions qui lui sont communiquées par un employeur. Pour autant, l'usage n'est pas de reconnaître la contribution du créateur. Cela occasionne une frustration qui n'est qu'exceptionnellement proclamée, et seulement par des créateurs dont le renom est tel qu'ils peuvent se permettre de déroger à la "loi du silence". " Si le générique d’une œuvre cinématographique nous renseigne sur l’identité de son septième assistant, si le flacon de parfum nous informe de sa contenance en mesures étrangères, de son auteur il ne sera jamais vraiment question. Le public ne s’en soucie pas, persuadé qu‘un couturier, un acteur à la mode ou un coureur automobile ont en commun, entre autres talents, celui de composer des parfums. L’habitude est établie que le créateur en parfumerie soit le nègre de service, et ce n’est pas à cause de l’éventuelle frustration qu’il pourrait concevoir, que l’institution va mettre fin à son anonymat. "72 B. Le responsable du brief marketing, auteur ? On peut s’interroger pour savoir si le responsable du brief marketing constitue une démarche créative au sens d’une œuvre protégeable. Le responsable du brief marketing doit-il être considéré comme auteur, ou co-auteur avec le compositeur ? 72 Questions de parfumerie, p.47. La réponse à cette question est importante. Si la réponse est négative, le compositeur, généralement individuel, sera le seul auteur, qu’il soit salarié ou consultant. Si la réponse est positive, l’œuvre sera considérée comme une œuvre collective, et appartiendra à la personne ayant pris l’initiative de sa création. Pour tenter d’apporter une réponse objective à cette question, penchons-nous sur des décisions rendues dans des situations similaires. Il a été jugé73 que l’écrivain auteur de " OSS117 " est le seul auteur, même s’il a bénéficié des conseils et de la relecture de sa femme. Cette dernière n’a pas été considéré comme co-auteur. De même, le peintre Valluet a été considéré74 comme seul auteur bien qu’il ait reçu de la part de Vassarely des directives générales pour créer une œuvre dérivée d’un de ses propres tableaux. Le tribunal a considéré qu’en se contentant de communiquer des idées qui ne sont pas protégeables en ellesmêmes, sans en contrôler l’exécution ni en apportant une quelconque retouche, Vassarely n’a pas apporté l’empreinte de sa personnalité et ne doit donc pas être considéré comme coauteur. On peut en déduire a contrario que s’il avait participé activement à la réalisation de l’œuvre en imposant des modifications, cette qualité de co-auteur aurait été reconnue. Pour ceux qui fréquentent les restaurants Burger King, on citera également une décision75 où l’architecte auteur de la décoration 73 TGI Paris, 3ème Ch. 8 Mars 1985, Brochet c. Presses de la Cité TGI Paris, 3ème Ch. 21 janvier 1983, Valluet c. Vassarely 75 CA Paris, 25 février 1988, FAST FOOD c. AURA 3 74 intérieure a été considéré comme seul auteur, bien qu’il ait reçu des directives générales auxquelles il a du se conformer. Une décision comparable a été rendue dans un cas où l’architecte a réalisé un plan d’après un croquis sommaire. Dans le domaine de la parfumerie, on évoquera également une décision76 reconnaissant la qualité de seul auteur à un dessinateur ayant adapté de façon personnelle un modèle de flacon qui lui a été communiqué à titre d’inspiration. Inversement, les deux artistes Renoir et Guino ont été considérés co-auteur car Renoir, atteint de cécité, avait guidé le travail de Guino de façon très impliquée, bien que ce dernier conservât une liberté de création. La décision77 rappelle que " Guino n’avait nullement sculpté en état d’esclavage78 ". La Cour d’Appel de Paris79 a peut être le mieux synthétisé l’appréciation de la situation en rappelant que : Pour qu’il y ait collaboration en matière artistique, il faut qu’il y ait travail en commun sur un pied suffisant d’égalité. Ainsi, l’industriel qui a commandé à un fabricant spécialisé la réalisation d’un présentoir publicitaire ne saurait se prétendre auteur de l’œuvre, dès lors que les instructions qu’il a données ne sont venues qu’après la réalisation de la maquette et ne peuvent constituer qu’une participation à l’exécution matérielle de l’œuvre, mais pas à sa création. 76 TGI Paris, 3ème Ch. 26 mars 1986, Guenot c. Rochas TGI Paris, 3ème Ch. 11 janvier 1971 78 Les compositeurs de parfums seraient-ils en état d'escalavage ? 79 CA Paris, 19 janvier 1967 77 En extrapolant cette tendance jurisprudentielle, il ne semble pas que le responsable du brief-marketing puisse être considéré comme co-auteur, sauf dans des cas particuliers où son implication est telle que le compositeur perd une partie de sa liberté de créer et que le responsable marketing apporte son empreinte personnelle par une participation dépassant l’établissement d’instructions générales. Une telle situation ne semble pas être habituelle, et le sondage déjà cité rappelle bien que pour un brief marketing donné selon les usages actuels, chaque compositeur aboutira à une fragrance différente. C. Le statut du compositeur salarié Le statut du compositeur salarié est certainement l’un des enjeux majeurs de l’application du droit d’auteur à la création olfactive. C’est également la source des réticences de l’industrie de la parfumerie et des grandes marques de parfums. Il serait prétentieux de vouloir donner une définition péremptoire du statut du compositeur, alors que le statut des créateurs salariés en général est loin d’être établi. La difficulté provient de la contradiction entre : • les dispositions du droit d’auteur, prévoyant que l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de services par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit • les principes du droit du travail, prévoyant la cession au profit de l’employeur du fruit du travail du salarié. Une lecture purement juridique du Code de la Propriété Intellectuelle conduit à interpréter ses dispositions comme étant d’ordre public, et, concernant une situation spécifique, prévalant sur les règles générales du droit du travail. La jurisprudence donne d’ailleurs partiellement raison à cette interprétation. Dans le domaine de la mode, la Cour de Cassation80 a confirmé que le créateur salarié d’un modèle de vêtement conserve la propriété des droits d’auteur, nonobstant son statut de salarié : La loi du 11 mars 1957 pose en règle générale dans son article 1er que l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit exclusif de propriété intellectuelle reconnu audit auteur. L’existence d’une preuve écrite en cas de cession des attributs patrimoniaux du droit d’auteur ne cesse pas d’être requise dans les relations entre un employeur et son salarié. Dans le même sens, la Cour d’Appel de Paris81 a également admis que le créateur d’un modèle de fourrure est le seul titulaire des droits de propriété intellectuelle : En ce qui concerne le droit à exploitation des modèles créés, il n’y a pas lieu de distinguer la période où un créateur a été salarié d’une société, de celle postérieurement à son licenciement, l’existence d’un contrat de travail étant sans incidence sur la jouissance du droit de propriété incorporelle de l’auteur de la création artistique en cause. La doctrine82 soutient parfois une position opposée, s’appuyant sur quelques décisions minoritaires. Un tribunal83 a par exemple 80 81 Cass. Crim. 11 avril 1975, Juan Rojas HERRERA CA Paris, 4ème ch. 13 février 1983, Fourrures Georges V C. MEILLE admis que, pour un salarié d’une entreprise de presse, les droits patrimoniaux sont forfaitairement compris dans le salaire reçu pour l’exécution du contrat de travail. L’auteur du slogan " un coup de barre…Mars…et ça repart " a également été débouté de ses prétentions. La Cour d’Appel de Versailles84 a jugé que : A supposer que le créateur soit reconnu comme l’auteur exclusif du slogan, la création du slogan entre dans les fonctions qui lui étaient dévolues en vertu de son contrat, si bien que l’agence de publicité était devenue de plein droit cessionnaire des droits d’exploitation des créations littéraires et artistique de son employé. Les magistrats de la Cour d’Appel ont également soutenu une telle position en affirmant qu’il est constant que le contrat de travail consenti à un créateur salarié entraîne la cession des droits patrimoniaux d’auteur à son employeur85. Nul doute que ces contradictions rendent la situation inconfortable pour l’employeur qui ne peut que regretter que la cession automatique des droits d’auteur à l’employeur ne soit pas la règle comme dans les pays de copyright86, ou pour les nouveaux droits de Propriété Intellectuelle en France (logiciels, bases de données). 82 Pierre et François GREFFE, La publicité et la loi, Ed. LITEC 1987 TGI de Paris, 3ème ch. 29 juin 1971, Berthoin C. LAROUSSE 84 CA Versailles, 7 octobre 1981, Boucher c. Ted Bates 85 C.A. Paris, 5 octobre 1989 CHIAVARINO C. SPE 86 Copyright Act américain 17 USC § 101 83 Pour une société de parfumerie ou de composition, deux stratégies peuvent être envisagées. La première consiste à ignorer ou à mépriser la tendance dominante selon laquelle le droit d’auteur reste la propriété du salarié. Les relations de courtoisie, ou les rapports de force, entre le salarié et l’employeur permettront d’éviter les problèmes dans la grande majorité des cas. Pour les quelques cas conflictuels qui pourraient se produire, il n’est pas exclu que la jurisprudence évolue vers le pragmatisme du copyright. Une autre stratégie consiste à aborder cette difficulté par la voie contractuelle, en prévoyant dans les contrats de travail des compositeurs salariés des dispositions organisant le principe de la cession des droits, et en régularisant cette cession postérieurement à chaque création. L’inconvénient est bien sûr de reconnaître officiellement que le salarié est le titulaire initial des droits, celui-ci pouvant refuser ponctuellement de les céder. Cette stratégie présente toutefois le mérite de la clarté et évite d’avoir à affronter la question pendant une situation de crise. Les organisations professionnelles devront probablement se concerter pour édicter des principes équitables et juridiquement valables. Toutefois, quelle que soit la solution retenue, l’auteur salarié conserve le droit moral, et notamment le droit au nom et à la paternité et le droit à l’intégrité de l’œuvre. D. Le rôle du marketing Il semble difficile de soutenir que le responsable marketing ait, en règle générale, le statut de co-auteur. Les indications générales fournies au compositeur relève généralement plutôt d’un cahier des charges que l’expression de la personnalité d’un auteur. Toutefois, la situation peut être plus discutable lorsque les indications relèvent d’un travail créatif. Le dirigeant d’une maison de parfum qui demande à un compositeur de lui préparer un jus exprimant des fragrances bien précises, évoquant par exemple les senteurs perçues lors d’un séjour au Maroc, dans une palmeraie à la tombée du jour, peut constituer une démarche créative dans laquelle le compositeur perd une partie de sa liberté créatrice et remplit un rôle où les connaissances techniques des composés olfactifs deviennent aussi importantes que sa créativité. On peut donc dans certains cas trouver une situation d’œuvre de collaboration, où les contributions de l’initiateur du projet de parfum et du compositeur sont de même nature. Cette œuvre devient alors la propriété indivise des deux auteurs. Il se peut également qu’un parfum soit conçu par une maison de parfumerie faisant coopérer une pluralité de techniciens ayant plutôt un rôle d’évaluateurs que de compositeurs. Les conditions d’une œuvre collective sont alors réunies, et le résultat appartiendra à la personne qui en est à l’initiative. II. Les droits d’exploitation La cession des droits d’auteur doit respecter un formalisme strict. La preuve de la cession doit être apportée par un écrit. Elle ne peut être simplement déduite de l’attitude de l’auteur. La portée de la cession doit par ailleurs être explicitée de façon précise et complète, notamment en ce qui concerne la destination, les supports pour lesquels l’œuvre peut être exploitée, la durée et les pays. Cette énumération ne peut se résumer à une locution générique telle que " tous droits cédés ". La cession ne peut pas non plus porter sur les œuvres futures, sur les œuvres non encore créées. Enfin, pour protéger l’auteur, le code de la propriété intellectuelle prévoit le principe de la rémunération proportionnelle des droits, et n’admet le paiement forfaitaire des droits que dans des circonstances d’exception. A. Les parfums Bien que l’application du droit d’auteur au domaine de la création olfactive relève aujourd’hui plutôt de la prospective ou de la recherche juridique, on peut extrapoler l’application des dispositions générales au domaine de la parfumerie. 1) Les droits initiaux Les droits initiaux n’appartiennent généralement pas à la société qui exploite le parfum. Ils appartiennent à une société de composition, à un compositeur salarié, ou encore à une société de distillation de matières premières. Dans tous ces cas, il est nécessaire d’organiser les relations contractuelles par un contrat de cession devant respecter les exigences du droit d’auteur et du droit privé. 2) Le transfert de droits Ce contrat définira bien sûr la portée des droits, mais aussi la durée de la cession, la destination des droits cédés (parfumerie de luxe, parfumerie fonctionnelle, cosmétiques, …), les territoires. Il devra également identifier précisément la nature de l’œuvre sur laquelle porte les droits. La question de la caractérisation de l’œuvre se pose alors, et l'on pourra faire appel aux différentes solutions proposées (Capteurs d'odeur, CPG, etc…). B. Les produits dérivés La destination de l’œuvre constitue une disposition essentielle du contrat de cession de droits d’auteur. Dans le domaine de la parfumerie, il est envisageable de prévoir des cessionnaires différents pour les différentes formes d’exploitation, ou que le premier cessionnaire concède à des tiers une partie des droits qu'il a acquis, par exemple pour : • le parfum • les bains moussants, shampooing, et autres produits de toilette • la mousse à raser • les bougies parfumées et autres articles de parfumerie domestique • le marquage olfactive de produits divers. A défaut d’être explicitement énumérés, ces destinations seront réputée non cédées, la propriété restant au compositeur. Il est possible de prévoir une option de cession pour toutes les applications qui n’ont pas fait l’objet d’une cession explicite. Cette option, éventuellement associée à un droit de premier refus, évitera la prolifération incohérente de produits portant la même forme olfactive. C. L’adaptation d’une composition L’adaptation d’une composition met en jeu un droit moral inaliénable et imprescriptible de l’auteur, le droit à l’intégrité de son œuvre. L’auteur peut s’opposer à une altération, une dénaturation de son œuvre en application de son droit moral. En matière de parfumerie, on peut considérer que ce droit permet à un compositeur d’interdire la modification de sa composition par le choix de matériaux de moindre qualité par exemple, ou par le remplacement de produits naturels par des produits de synthèse moins coûteux, mais dont la forme olfactive est moins subtile ou différente du produit original. Il permet aussi d’interdire une évolution de la fragrance pour l’adapter au goût du jour. D. Pastiches, plagiat, knock-off "Tout artiste commence par le pastiche" constatait André Malraux. Cette tradition est en effet bien établie dans tous les domaines de l'art, et même institutionnalisée. Le musée du Louvre prévoit des séances spéciales pour permettre aux étudiants des beaux-arts de se livrer à la copie des toiles exposées, dans le cadre de leur apprentissage. La parfumerie n'échappe pas à cet usage. Le problème se pose lorsque le pastiche est réalisé non dans le but de la formation, mais pour un usage commercial. Il en est ainsi des "knock-off", qui sont les copies bon marché des parfums prestigieux. Cette pratique relève clairement de la contrefaçon des droits d'auteur, car ces parfums ne portent pas l'empreinte de la personnalité de son créateur mais ont pour seul but la copie d'une fragrance originale. Le droit de la concurrence ne suffit pas pour éviter le développement des knock-off. Dans certains pays, ces pratiques sont même considérées, sur le plan de la consommation, comme bénéfique au consommateur. Aux Etats-Unis, la commercialisation de knock-off est considérée comme légitime dans la mesure où elle permet au consommateur d'accéder à des fragrances originales à moindre prix. La première entreprise d'imitation créée en 1981 aux Etats-Unis s'appelle Parfums de Cœur. Elle ne cache pas ses pratiques de copie. Pour les réaliser, Parfums de Cœur utilisait et utilise toujours des techniques comme la chromatographie en phase gazeuse ou la spectrométrie de masse, qui sont capables de réduire les composants chimiques des parfums à leurs principaux éléments. Ces copies fabriquées se sont vendues à des millions d'exemplaires, si bien que des douzaines de compagnies se sont lancées à leur tour sur le marché. Le chiffre d'affaire réalisé par Parfums de Cœur en 1988 avec la vente de "copycats" atteint 65 millions de dollars. Dans l’affaire Smith contre Chanel87, le Neuvième Circuit énonce que " la société de parfumerie a admis que la société de knock-off avait le droit de copier la formule non protégée par une marque des produits de la société de parfumerie. " Ceci explique le développement de slogans publicitaires tels que "if you love X, you'll love Y", ou "our incredible version of X". Une telle situation peut être perçue comme favorable au 87 Smith 159 USPQ 389. consommateur qui a accès à des parfums coûtant seulement le quart du prix du parfum original. Le problème ne se pose toutefois pas uniquement en termes de droit de la concurrence et de la consommation, mais surtout en terme de respect des droits légitimes du créateur et de l'investisseur. E. Tendances et contrefaçon Une des grandes craintes des professionnels de la parfumerie par rapport à l’application du droit d’auteur concerne le problème des tendances. L’application du droit d’auteur ne risque-t-elle pas de susciter une prolifération de contentieux inopportuns, engagés par des créateurs prétendant à quiconque de proposer des fragrances originales appartenant à une même tendance ? Cette question a été abordée dans d’autres domaines créatifs, par exemple dans la création graphique. Le jurisprudence88 admet que : Rien n’empêche un artiste de traiter le même thème qu’un autre artiste pourvu qu’il fasse œuvre originale et personnelle. La limite entre tendance et contrefaçon a été déterminée de façon fort instructive dans une affaire89 de contrefaçon d’un tableau du peinte de marine Legout-Gérard : L’œuvre incriminée (de contrefaçon) reproduit les mêmes dispositions des barques, l’attitude des personnages, l’aspect 88 89 Trib. Civ. Seine, 17 janvier 1957 CA Paris, 26 janvier 1918, LEGOUT-GERARD C. DUFOUR des côtes dans le lointain, les reflets de la lumière sur l’eau. Considérant qu’il importe peu que cette reproduction soit grossière ; que cette circonstance n’excuse pas la contrefaçon ; que tout au contraire, elle en accentue le caractère en portant davantage atteinte aux droits et intérêts de l’artiste Nul doute que les arguments développés dans le motif de la Cour d’Appel pourraient être transposés au domaine de la parfumerie, pour des imitations grossières de certains parfums originaux. Les magistrats, éclairés par les experts en matière de parfumerie, sauront probablement discerner un parfum licite relevant de la même tendance qu’un parfum connu mais constituant une création personnelle, et une contrefaçon grossière se contentant de reprendre les caractéristiques essentielles d’un parfum connu. Cette distinction ne sera ni plus facile, ni plus complexe, que pour les autres domaines de la création artistique. III. Les droits moraux L'application au domaine des créations sensorielles des dispositions en matière de droits patrimoniaux, nous attirons l'attention sur certaines conséquences prévisibles. Le droit de reproduction doit préciser les modes d'exploitation concédés. En matière de parfum, l'exploitation d'une fragrance peut prendre différentes formes : eaux de toilettes, parfums, cosmétiques, crèmes parfumées, lotions et produits de bain, produits d'hygiène corporelle, odorisation fonctionnelle de locaux, etc. Il sera indispensable de prévoir dans les contrats de cession des droits d'auteurs portant sur une création olfactive les modes d'exploitation pour lesquels le compositeur de parfum aura cédé effectivement ses droits. De même, le droit de représentation permettra d'organiser la présentation au public des parfums, en limitant éventuellement les lieux de "représentation" des parfums en fonction de l'ambiance du lieu, des motivations de la représentation, etc. A. Le droit à la paternité Le droit à la paternité est un des droits moraux qui est à la fois inaliénable, et peut être en désaccord avec les usages dans le domaine de la parfumerie. En application de cette disposition, le compositeur est en droit de faire reconnaître la création olfactive comme étant de lui, et d’exiger que la mention de son nom soit systématiquement associée à sa création. Ce droit a toutefois été limité en matière d’art appliqué, où une décision a admis que le droit au nom de l’auteur s’arrête aux supports de la création, et ne s’étend pas aux produits industrialisés. L’auteur d’une carrosserie automobile n’a ainsi pu obtenir que son nom soit apposé sur les reproductions industrielles de sa création. Par contre, la présentation d’une création olfactive comme résultant de l’œuvre d’une personne qui n’en est pas l’auteur constitue incontestablement une faute et même un délit réprimé par le code pénal. Ainsi, il est exclu qu’un tiers puisse s’attribuer les mérites d’une création dont il n’est pas l’auteur. B. Le droit au respect de l’œuvre Le compositeur est en droit de voir sa composition exploitée sans que l’exploitation ne porte atteinte à l’intégrité de sa création. En matière de création photographique, il a été jugé90 que le fait de rhabiller avec des billets de banques la photo d’un modèle nu ou de coloriser un film en Noir et blanc91 constituent des atteintes au droit au respect de l’œuvre. En matière de création olfactive, une telle atteinte pourrait résulter d’une altération ou d’une modification de la composition produisant la forme olfactive sans le consentement de l’auteur, par exemple par la substitution de composés entrant dans la formule de la composition, ou l’adjonction d’excipients odorants. Une telle atteinte pourrait également résulter d’une exploitation qui ne respecterait pas l’état d’esprit du compositeur. Ceci serait probablement le cas si une forme olfactive créée pour l’exploitation sous forme de parfum étaient également commercialisée sous la forme de bombe de déodorisation sans l’autorisation du créateur. A titre d’exemple, l’utilisation d’une œuvre musicale à des fins publicitaires, sans l’autorisation expresse de l’auteur, a été considérée92 comme une atteinte au droit moral de ce dernier, alors que la reproduction de l’image de l’ours Colargol sur des pots de yaourt et de moutarde n’a pas 90 TGI Paris, 3ème ch. 14 mai 1987, Jonvelle c. Sipa Presse C.A. Paris, 31 octobre 1988, Express c. Deveria 92 CA Paris, 20 février 1990, Neuburger c. N. de Rothschild 91 été considérée93 comme portant atteinte au droit moral du dessinateur de Colargol. Le droit au respect de l’œuvre a des conséquences réelles dans les relations entre compositeurs et industrie de la parfumerie. La concertation entre les différents acteurs sera nécessaire pour éviter des dérives pouvant donner lieu à un contentieux. C. Le droit de divulgation L’auteur seul est en droit de divulguer son œuvre. S’agissant d’un droit moral inaliénable, ce droit n’est pas transmis au cessionnaire des droits d’exploitation. Le compositeur peut, en application de ce droit moral, décider de conserver sa composition secrète. Par ce droit, le compositeur pourrait refuser de voir sa création exploitée. D. Le droit de repentir ou de retrait Un autre aspect du droit moral est le droit de repentir ou de retrait qui permet au compositeur d’arrêter la diffusion de son œuvre auprès du public. Un tel droit pourrait être exercé par un compositeur peu satisfait de créations de jeunesse, qui voudrait arrêter la diffusion de parfum qu’il estime incompatible avec son évolution esthétique. 93 CA Paris, 26 avril 1977, Vlaymynck c. Wolf 1) L’indemnisation du cessionnaire des droits d’exploitation Dans les deux cas susvisés, l’exercice de ce droit moral de l’auteur ouvre le droit à son partenaire industriel à une indemnisation. Il est légitime que l’auteur renonce à la diffusion de sa composition, ou en demande l’arrêt. Si une telle décision entraîne un préjudice à son partenaire industriel, par exemple à la société qui a commandé la création d'un nouveau parfum, il est également légitime que cette dernière soit intégralement indemnisée du préjudice que lui fait subir cette décision. IV. Comparaison secteurs d’activité avec d’autres La crainte de la Parfumerie est de voir l'application du droit d'auteur bouleverser les équilibres économiques, par une remise en cause trop profonde des relations entre maisons de matière première, compositeurs salariés ou indépendants et marques. Cette crainte est injustifiée. De nombreux secteurs d'activité fonctionnent avec un grand dynamisme, sans que la reconnaissance des droits d'auteur des créatifs ne conduise à des impasses économiques. A. La publicité Un premier exemple de secteur où la contribution d'auteurs est importante, sans que cela ne nuise au dynamisme des entreprises est celui de la publicité. On retrouve une certaine analogie dans l'organisation de la production : coexistence et coopération de créatifs salariés ou indépendants (photographes, scénaristes, graphistes,…), d'agences et d'annonceurs. Il n'est pas contesté que le droit d'auteur protège les créations des contributeurs d'une campagne de publicité. Par ailleurs, l'agence et l'annonceur organisent contractuellement le transfert des droits de propriété intellectuelle, et accessoirement la responsabilité des parties en cas de litige. B. Le design industriel : flaconnage L’application du droit d’auteur n’est d’ailleurs pas totalement inhabituelle pour l’industrie de la parfumerie. En matière de création de flacons, il est incontesté que l’auteur du flacon dispose d’un droit d’auteur sur sa création, et que le droit d'exploitation en est cédé à la Marque de parfum qui exploite le flacon créé pour l’un de ses parfums, ou au verrier qui fabrique les flacons pour le compte du parfumeur. Il s’agit certes d’un élément connexe au parfum, et de ce fait perçu comme moins " sensible ". Néanmoins, toutes les implications juridiques du droit d’auteur s’appliquent. Il ne semble pas que cela entraîne de conflits inextricables, ni ne constitue un frein au développement de l’industrie de la parfumerie. Nul doute que les usages en vigueur pour les relations avec les créateurs de flacons ou d’emballages pourront être utilement transposés aux relations avec les compositeurs de parfum. V. Le parfum de renom Pour la parfumerie de luxe, il est probable que le mode de protection le mieux approprié est le recours au droit d’auteur. Néanmoins, on peut admettre que la fragrance d’un parfum constitue par-delà son aspect esthétique et hédoniste une signature, comme la forme du flacon peut cumuler la fonction esthétique et la fonction de signature. Si la marque olfactive est reconnue, la forme olfactive de grands parfums pourra être assimilée à une marque notoire ou au moins à une marque de renommée, avec les conséquences juridiques qui en découlent. A. Le parfum, marque notoire ? La marque notoire est une marque connue par un très large public. Elle bénéficie d’un statut particulier puisqu’elle est protégée même s’il elle n’a pas fait l’objet d’un dépôt. On pourrait admettre que des grands parfums, comme N°5 de Chanel constitue une marque notoire. Il n’est toutefois pas évident qu’un large public reconnaisse cette signature olfactive indépendamment de son nom. B. Le parfum, marque renommée ? Une autre notion est celle de marque renommée, dont la protection dépasse le principe de la spécialité de la marque. Elle est alors protégée non seulement pour les produits et services désignés, mais aussi pour des produits et services qui ne figurent pas dans le libellé de la marque. C. Les incidences financières La prudence, mais également l’optimisation de la fiscalité, voudrait que la rémunération d’un compositeur salarié soit ventilé en deux partie, une partie correspondant à la rémunération des droits d’auteur et l’autre partie correspondant à la rémunération normale de son travail. De même, pour le paiement de prestations commandée à une société de composition, la partie correspondant au paiement de droits d’auteur devrait être distinguée des autres postes de facturation. Cette distinction permet de réduire le coût des charges sociales, et de diminuer la fiscalité personnelle du compositeur salarié ou indépendant. Elle permet également de faire apparaître au bilan du cessionnaire des droits d’auteur un élément supplémentaire d’actif incorporel, ce qui n’est pas sans effet favorable pour la présentation comptable de l’entreprise. VI. Les perspectives parfumerie fine pour la Pour reprendre un slogan célèbre94, n’ayez pas peur. L’application du droit d’auteur à la création de formes olfactives n’est pas une révolution, un tremblement de terre menaçant l’équilibre économique de la parfumerie. Comme dans d’autres domaines, l’application du droit d’auteur peut se faire de façon raisonnable et pragmatique. La jurisprudence montre que les règles très exigeantes du droit 94 Discours du Pape Jean-Paul II à Paris en juin 1981 d’auteur selon la conception française sont nuancées pour tenir compte de circonstances spécifiques. Au contraire, les effets bénéfiques peuvent être attendus, notamment par la valorisation de la créativité en matière de parfumerie fine, la possibilité de lutter contre les contrefaçons grossières, et accessoirement des avantages financiers et fiscaux. Section 2. La parfumerie industrielle Une forme olfactive peut constituer une signature d’un nouveau genre, complétant ainsi le panel d’outils dont dispose le marketing. I. Le logo olfactif La forme olfactive peut constituer un logo olfactif permettant de désigner sous une forme nouvelle divers produits et services. Cet aspect a été développé dans la deuxième partie de cet ouvrage. A. Le dépôt de la marque Pour que ce logo olfactif puisse être enregistré à titre de marque, il est nécessaire, au moins en l’état actuel des législations relatives au droit des marques, de réaliser une représentation graphique de la forme olfactive. La représentation graphique la plus complète et la plus compréhensible possible est nécessaire pour pallier autant que possible les réticences des offices de marques. B. Caractérisation par un capteur d’odeurs. Nous proposons ci-après un exemple de protocole de caractérisation d'une création olfactive. Désignation de l'échantillon par son nom de code. Ex : PB 1615 Indication du créateur du parfum et titulaire de la marque Descriptif de la fragrance Ex : Floral blanc, épicé, légèrement oriental Configuration de l'appareil utilisé pour réaliser la caractérisation Ex : FOX 4000 et échantillonneur automatique HS100 chambre A : capteurs T30/1, P10/1, P10/2, P40/1, T70/1, PA2 chambre C : capteurs SY/LG, SY/G, SY/CG, SY/GW, SY/W, SY/CT chambre B : capteurs P30/1, PA3, P30/2, P70/1, T40/1, TA2 Conditions d'analyse Ex : Préparation de l'échantillon : 4 dépôts de 100 µl sur une bande de 2.5x10 cm de papier Joseph avec séchage entre chaque dépôt. Volume de l'espace de tête injecté : 2500 µl Vitesse d'injection : 2500 µl/sec Débit du gaz vecteur : 250 ml/min Description de la représentation graphique : Ex : Intensité des réponses des différents capteurs sous forme d'image de type "Vasarely" pour l'échantillon PB 1615 Un autre moyen de caractérisation est le recours à la chromatographie en phase gazeuse. C. Le cumul du droit d’auteur et du droit des marques Comme pour des créations graphiques ou littéraires (slogans par exemple), la création olfactive bénéficie d’un cumul de protection, par le droit d’auteur et le droit des marques. Cette situation n’a rien d’anormal, mais implique que le déposant de la marque ait préalablement acquis les droits d’auteur sur le signe olfactif qu’il entend déposer à titre de marque, et d’exploiter à titre de signature olfactive. La cession des droits d’auteur devra mentionner bien sûr la destination des droits d’exploitation, mais aussi le droit de déposer la création à titre de marque. II. L'exploitation des logos olfactifs Comme pour toute marque, la marque olfactive pourra faire l’objet non seulement d’une exploitation directe par le déposant, mais aussi de concession de licences. A. La concession des droits Une marque olfactive pourra par exemple constituer l’un des signes de reconnaissance et d’identification des membres d’un réseau de franchise. Les franchisés bénéficieront alors d’une licence d’exploitation de la marque olfactive, au même titre que la licence des autres marques nominales ou graphiques. B. L’action en contrefaçon La difficulté de mise en œuvre concernant l’action en contrefaçon. Pour des signes olfactifs facilement reconnaissables, nul doute que l’huissier chargé de la saisie contrefaçon saura constater la présence de la marque olfactive. Pour des signatures plus subtiles, l’huissier sera sans doute confronté à la difficulté de la description de la marque arguée de contrefaçon. Rappelons toutefois que l’huissier peut se faire accompagner d’un expert, et que cet expert pourra notamment être un " nez ", apte à reconnaître une forme olfactive et à vérifier la conformité entre la marque olfactive arguée de contrefaçon, et la forme olfactive déposée à titre de marque. C. L'opposition en matière de marques olfactives Le droit des marques prévoit dans certains pays, notamment en France, une procédure d’opposition permettant à un titulaire d’une marque de s’opposer à l’enregistrement d’une marque identique ou similaire. Cette possibilité existera bien entendu pour les marques olfactives, si ces dernières sont considérées par l’Inpi comme enregistrables. Pour pouvoir faire opposition, le titulaire de la marque olfactive devra procéder à une surveillance des publications des marques déposées. Les informations publiées au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle devront lui permettre d’identifier les marques potentiellement identiques à la marque surveillée. Là encore se pose le problème de la caractérisation des signes olfactifs. L’utilisation de descripteurs sera certainement une aide précieuse, comme l’utilisation de descripteurs dans la rubrique " observations " facilite la surveillance et la recherche de marques graphiques ou semi-graphiques. L’utilisation des graphes de CPG est plus délicate. Ils permettent néanmoins de déceler les marques olfactives potentiellement gênantes, avant de mener des investigations plus approfondies et d’engager éventuellement une procédure d’opposition. Pour des cas simples, comme la marque " odeur de fraise ", la mise en œuvre d’une procédure d’opposition ne devrait pas poser de problèmes insurmontables. Pour des marques olfactives plus élaborées, l’éclairage de la comparaison des deux signes par un expert sera sans doute nécessaire. III. La protection du consommateur La marque est un signe de reconnaissance pour le consommateur. Il constitue un signe de ralliement auquel le consommateur attribue une confiance a priori. Il est donc nécessaire de veiller à ce que ce signe ne soit pas utilisé de manière trompeuse, comme c’est d’ailleurs le cas pour n’importe quelle autre marque. A. La tromperie L’exploitation de la marque olfactive devra respecter les conditions habituelles de licéité. Le signe ne pourra être constitué par une forme olfactive trompeuse au regard des produits ou services auquel elle est associée. Serait par exemple trompeuse une odeur de cuir pour désigner des véhicules ou des sièges ne comportant pas ce matériau, ou encore une odeur de pain frais pour un service de dépôt de pain. B. La concurrence déloyale La signature olfactive ne devra pas non plus être utilisée par un concurrent sous une forme certes différentes, mais pouvant toutefois conduire le consommateur à confondre l’origine des produits. La doctrine habituelle en matière de concurrence déloyale s’applique pleinement. Le comportement fautif d’un commerçant utilisant un signe olfactif frauduleux peut être sanctionné par le titulaire de ce signe, dans la mesure où ce comportement fautif lui a occasionné un préjudice. Section 3. Les relations entre les métiers de la parfumerie I. Les contrats La prise en compte du droit de la propriété intellectuelle pour les créations et les signatures olfactives se traduira par une évolution des relations contractuelles entre les différents acteurs de la parfumerie, voire à la mise en place de contrat là où les relations étaient essentiellement informelles. A. Contrats d’exploitation Le contrat d’exploitation d’une composition olfactive nouvelle correspondra à un contrat d’édition. Il prendra nécessairement la forme d’un écrit. Un tel contrat comportera les dispositions suivantes : • Champ d’exploitation des droits cédés. Les droits cédés devront faire l’objet d’une mention explicite • • • • et distincte pour chacune des destinations. Le domaine d’exploitation des droits cédés devra être délimité quant à son étendue, à son lieu et à sa durée. Organisation du droit d’adaptation L’adaptation de la composition, notamment par la modification de la formule, ou l’utilisation de la formule modifiée pour tenir compte des spécificités de certaines destinations, devra être organisée dans le contrat, notamment en ce qui concerne le rôle et la contribution du compositeur de la forme olfactive initiale. Modalité de rémunération des droits Le principe de la rémunération proportionnelle prévaut. L’assiette de la rémunération et le taux, et éventuellement l’évolution de ce taux, devront être déterminés dans le contrat. La rémunération forfaitaire est réservée à certaines situations exceptionnelles. Garanties de libre jouissance Les garanties accordées par le compositeur L’auteur doit garantir au cessionnaire la libre jouissance des droits concédés. Cette garantie se décompose habituellement en une garantie de l’éviction du fait personnel (notamment du fait de salarié du compositeur), et éventuellement en une garantie de l’éviction du fait de tiers. Cette dernière garantie implique que le compositeur ait procédé à des recherches pour vérifier l’absence de contrefaçon d’une fragrance antérieure. Respect de la forme de la création L’engagement du cessionnaire d’exploiter la forme olfactive • dans la forme convenue. Cet engagement peut comporter des obligations quantitatives. Eventuellement des dispositions concernant la cession du contrat à un tiers, par voie directe, par voie de cession partielle ou totale du fond de commerce, ou de dépôt de bilan. B. Contrats de commande La commande de création d’une forme olfactive est le contrat par lequel le compositeur s’engage à réaliser et à livrer une composition nouvelle. On peut considérer que le compositeur reste maître de sa composition jusqu’à la livraison de la forme olfactive aboutie. Un tel contrat doit prévoir : • Un cahier des charges détaillé, fixant les contraintes imposées au compositeur tant artistiques qu’économiques ou techniques • Une mention des modes d’exploitation envisagés • Les conditions de rémunération, avec de préférence une distinction entre la rémunération de la prestation technique et la rémunération sous forme de redevances en cas d’exploitation de l’œuvre • Le contrat d’édition qui sera conclu pour la forme olfactive retenue. • Un système d’option de cession avec éventuellement une indemnité pour le commanditaire, en cas de refus de cession par le compositeur Les obligations en matière de garantie d’éviction du fait personnel et du fait de tiers • Le calendrier et les modalités de présentation et d’acceptation des compositions. • C. Contrats-type Les organisations professionnelles pourront utilement se concerter pour préparer, à l’instar des professionnels de la publicité, un " contrat type " auquel les parties pourront se référer. Le contrat-type entre annonceurs et agents de publicité a été rédigé par un comité d’experts saisi par la commission technique des ententes. Il a été publié au Journal Officiel le 19 septembre 1961. Il prévoit la cession automatique à l’annonceur de tous les droits de reproduction résultant notamment de la propriété littéraire et artistique. Ce contrat-type pourrait être complété par un barème définissant les coefficients à affecter à la rémunération du compositeur, en fonction de la destination de la composition. Ce contrat-type prévoit des dispositions usuelles en matière de : • Portée de la cession des droits d’exploitation • Responsabilité du compositeur en cas de litige sur la liberté d’exploitation de la composition • Mode de rémunération • Exercice des droits de retrait • Durée de la cession. II. Le statut des compositeurs Les compositeurs salariés, qu’ils travaillent dans le cadre d’une société de composition, d’une société de matières premières ou pour le compte d’une maison de parfums, exercent leur activité dans le cadre d’un contrat de travail, ou à titre de consultant indépendant. Dans ce dernier cas, les relations avec leur partenaire sont régies par un contrat de commande, et éventuellement de concession de droits d’exploitation. Dans le premier cas, il est recommandé de prévoir dans le contrat de travail des dispositions concernant la création de formes olfactives. A. Le droit d’auteur des compositeurs salariés Le contrat de travail ne pourra pas prévoir la cession des œuvres futures, en raison de l’interdiction d’une telle disposition par le Code de la Propriété Intellectuelle. Une telle disposition serait nulle et sans effet, dans le cas où le compositeur-salarié en refusait l’application. La solution passe par l’organisation d’une cession automatique. Cette cession automatique doit être rédigée avec soin pour éviter qu’elle ne soit assimilée à une cession des œuvres futures. Versement d’une redevance correspondant à une prime La rémunération des droits d’exploitation peut remplacer le versement d’une prime. Elle présente l’avantage, par rapport à une prime, de ne pas être soumise aux charges sociales, ce qui représente une économie non négligeable pour l’employeur. On pourrait également envisager d’assimiler les compositeurs à des artistes-auteurs. On peut toutefois s’interroger sur la part de la rémunération correspondant au versement de droits d’auteur relève de l’Agessa . Cet organisme est compétent pour l’assujettissement des auteurs relevant de certaines branches professionnelles ne prévoyant pas les compositeurs de formes olfactives. L’organisme gérant les autres branches d’activité, la Maison des Artistes, ne comprend pas non plus d’activité assimilable. Une incertitude existe donc en ce qui concerne la gestion du régime social des compositeurs salariés. I I I L . a constitution immatériels d’actifs Pour l’entreprise cessionnaire des droits d’auteur ou titulaire de marques olfactives, l’intérêt de l’application du droit de la propriété intellectuelle est bien sûr la constitution d’actifs immatériels. La valorisation de tels actifs peut atteindre des montants très élevés, si on prend en compte les méthodes habituelles d’évaluation financière d’actifs immatériels. L’une de ces méthodes est basée sur l’estimation du cash-flow futur actualisé. Compte tenu des marges engendrées par l’exploitation de parfums, cette méthode aboutit à des valorisations de plusieurs millions de francs, ce qui n’est pas sans incidence sur le bilan des entreprises. Section 4. En guise de conclusion provisoire Que la création d’une forme olfactive constitue une œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur semble difficilement contestable. Que l’application du droit d’auteur au domaine de la parfumerie constitue une révolution est exagéré. Qu’elle remette en cause des usages bien établis, et de ce fait soulève des réticences voire une hostilité de certains professionnels est certain. Pourtant, les craintes sont largement infondées, et il est probable que la prise en compte du droit d’auteur aura des effets bénéfiques tant pour les compositeurs que pour les sociétés de parfumerie. En premier lieu, cette prise en compte renforcera les efforts créatifs, et valorisera l’originalité et la qualité des compositions nouvelles. Accessoirement, elle pourra se traduire par des avantages financiers et fiscaux significatifs. L’ensemble des organisations professionnelles devra se pencher attentivement sur les implications de cette situation, pour organiser de façon paritaire et équilibrer la mise en œuvre du droit d’auteur, notamment par l’établissement de contrats type, de barèmes, et éventuellement de révision des conventions collectives. Pour la parfumerie industrielle, un horizon nouveau s’ouvre avec les marques olfactives. Même si certains pays ont déjà admis la marque olfactive, le chemin est encore semé d’embûches en France et auprès de l’Ohmi. Les formes olfactives viendront-elles un jour agrémenter, voire envahir, notre environnement marketing ? C’est probable, si l’on observe les initiatives qui se développent dans ce sens. Le droit devra accompagner cette évolution, pour proposer une protection efficace pour ces nouveaux signes d’identification de produits et de services qui, nonobstant une forme nouvelle, remplissent exactement les mêmes fonctions que les marques nominales, graphiques ou sonores. Un chemin passionnant s’ouvre pour tout ceux qui s’intéressent au parfum. S’agit t-il de la Renaissance du parfum ? Principales sources bibliographiques ACKERMAN Diane : A natural history of the senses, Ed. Random HOUSE Inc, 1990 ANNAUD R.E. : Lookalikes under the new United Kingdom trade marks act 1994. Trademark Reporter vol.86, n°2, mars-avril 1996, p.142-173. BASSARD André : La composition d’une formule de parfum est-elle une œuvre de l’esprit au sens de la loi du 11 mars 1957 ? RIPIA 1979, p.461463. BERTRAND André :Le droit d’auteur et les droits voisins MASSON 1991. 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Sites Internet Laboratoire de Physiologie Neurosensorielle (Pr André HOLLEY et Maurice CHASTRETTE) http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/ Fragrance foundation http://www.fragrance.org/ BREESE MAJEROWICZ Propriété Industrielle http://www.breese.fr Vente de parfums sur Internet http://www.fragrancenet.com/fragrancenet.html Site de l'ISIPCA (Institut Supérieure de Parfumerie) http://isipca.org Base documentaire sur l'olfaction http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/prod/dbolfac.htm Classification des parfums (Comité Français du Parfum) http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/servolf/cp1/sommaire.htm Liste de descripteurs des odeurs http://olfac.univ-lyon1.fr/olfac/servolf/descri/descri.htm Sites sur les "nez électroniques" http://ourworld.compuserve.com/homepages/alpha_mos/ http://www.inp-fc.fr/~nez/pa1.html http://www.neotronics.com/ http://www.hway.net/lennartz/moses/modules.html http://www.foedisch.de/englisch/index.htm http://www.realaroma.com/ http://www.aromascan.com/ArHome.html http://www.dijon.inra.fr/dij/aromes/nez0.htm CHAPITRE 1........................................................... LES INTERVENANTS 4 SECTION 1. LES SOCIÉTÉS ....................................................................... 4 I. Les producteurs et fournisseurs....................................................... 4 II. Les sociétés de compositions ......................................................... 15 III. Le développement marketing de l’odeur.................................... 23 SECTION 2. LES CREATEURS............................................................ 29 I. La formation d’un compositeur ..................................................... 29 II. II. Un nez est-il compositeur-parfumeur ? .................................... 36 III. III. Un travail personnel constant ............................................. 39 IV. Les applications......................................................................... 43 CHAPITRE 2....... L’OLFACTION AVANT ET APRÈS LA CRÉATION 48 SECTION 1. L’OLFACTION AVANT LA CRÉATION .................................... 48 I. La perception................................................................................. 48 II. La forme littéraire ......................................................................... 51 III. Oeuvre de l’esprit...................................................................... 53 SECTION 2. OBJECTIVITÉ ET SUBJECTIVITÉ ........................................... 56 I. Le langage olfactif......................................................................... 56 II. Les classifications ......................................................................... 57 SECTION 3. LES MOUVEMENTS CRÉATIFS .............................................. 59 I. Un siècle de mouvements créatifs.................................................. 59 II. Aujourd’hui ................................................................................... 64 III. Les prises de risques créatifs..................................................... 69 IV. Perspectives............................................................................... 73 SECTION 4. L’ODOCOPIE ....................................................................... 78 I. Les reconstitutions......................................................................... 78 II. Les filiations .................................................................................. 79 III. Nécessité d’un comité qui jugera de l’originalité...................... 80 CHAPITRE 3...................LE CONSOMMATEUR FACE AUX ODEURS 84 SECTION 1. VERS UN CONSOMMATEUR POLYSENSORIEL ?..................... 86 I. Le rôle des sens dans l’acte d’achat et de consommation ............. 86 II. Le rôle de l’odorat dans l’acte d’achat et de consommation......... 90 III. L’importance accordée aux réponses émotionnelles................. 96 SECTION 2. L’ANALYSE DU COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR FACE AUX ODEURS 103 I. De l’intérêt de l’analyse .............................................................. 103 II. Notions de base préalables à la compréhension de l’influence des odeurs.................................................................................................. 106 SECTION 3. PRÉSENTATION DES PROCESSUS INTERNES ........................ 116 I. Le processus de perception sensorielle ....................................... 117 II. Le processus d’apprentissage des odeurs.................................... 122 III. La mémoire olfactive ............................................................... 124 IV. Le rôle des émotions................................................................ 134 SECTION 4. RÔLE ET CONSÉQUENCE DE L’ÉVALUATION DE L’ODEUR .. 139 I. Influence de l’odeur sur l’évaluation .......................................... 140 II. Influence de l’odeur sur le comportement du consommateur...... 152 SECTION 5. APPROCHES TEMPORELLE, SPATIALE ET SOCIÉTALE ......... 168 I. Influence du temps....................................................................... 168 II. Influence de l’espace : notion de zone culturelle......................... 173 CHAPITRE 4............ L’EXPLOITATION MARKETING DES ODEURS 176 SECTION 1. PROFILS DES INTERVENANTS ............................................ 176 I. Les fabricants, compositeurs et concepteurs d’arômes ............... 176 II. Les distributeurs et les conseils ................................................... 181 III. Les utilisateurs ........................................................................ 182 SECTION 2. OBJECTIFS MARKETING ASSOCIÉS À L’UTILISATION D’UNE ODEUR 184 I. Attirer l’attention......................................................................... 184 II. Reconstituer et renforcer une odeur – produit ............................ 186 III. Améliorer l’efficacité d’un produit.......................................... 187 IV. Contrer ou masquer une odeur................................................ 188 V. Donner une signature olfactive à une entreprise, une enseigne ou une marque.......................................................................................... 192 VI. Créer un univers et/ou une ambiance...................................... 200 SECTION 3. DOMAINES D’INTERVENTION ............................................ 202 I. Marketing produit ....................................................................... 202 II. Marketing du point de vente ........................................................ 210 III. Marketing non commercial...................................................... 214 SECTION 4. L’INTÉGRATION DE L’OLFACTION DANS LA STRATÉGIE MARKETING 222 I. Segmentation et choix d’une cible ............................................... 223 II. Le positionnement ....................................................................... 230 III. Choix de l’odeur et offre commerciale .................................... 236 IV. Budgétisation et diffusion de l’odeur....................................... 244 SECTION 5. LES PROBLÈMES POSÉS PAR L’UTILISATION DES ODEURS .. 252 I. Cacophonie olfactive (problème de la délimitation spatiale de l’odeur)................................................................................................ 253 II. Nécessité d’un contact physique.................................................. 255 III. Qualités requises de l’odeur.................................................... 257 IV. Problèmes techniques et juridiques ......................................... 265 V. Problèmes d’éthique.................................................................... 267 CHAPITRE 5..........................................................................PRÉAMBULE 287 SECTION 1. CONSTAT DE LA SITUATION .............................................. 288 I. Une attitude rencontrée dans d’autres secteurs .......................... 290 II. Les usages de la profession ......................................................... 291 III. Quelques rares conflits............................................................ 301 SECTION 2. MYTHE OU RÉALITÉ DE L’ABSENCE DE PROTECTION ? ...... 304 I. Un conservatisme favorable au statu-quo ................................... 304 II. Les résultats d’un sondage .......................................................... 306 SECTION 3. RÉSULTAT DE L'ENQUÊTE ................................................. 309 CHAPITRE 6.................................... LE PARFUM VU PAR LE JURISTE 311 I. Des préoccupations connexes au Parfum.................................... 311 II. Un raisonnement dévoyé ............................................................. 312 III. La démarche logique ............................................................... 312 IV. Le parfum, sujet et objet .......................................................... 313 SECTION 2. LE PARFUM, CRÉATION ARTISTIQUE ET ŒUVRE DE L’ESPRIT 315 I. Qu’est ce qu’une œuvre de l’esprit ?........................................... 316 II. L'absence de formalités ............................................................... 318 III. La création, travail de laborantin ou d’artiste ? ..................... 320 IV. L’empreinte de la personnalité du compositeur ...................... 321 V. La terminologie ........................................................................... 323 VI. L'idée n'est pas protégeable .................................................... 324 VII. La protection des prémices de la création............................... 326 SECTION 3. LES DIFFÉRENTS MODES DE CRÉATION .............................. 327 I. L’œuvre individuelle.................................................................... 327 II. L’œuvre de collaboration ............................................................ 328 III. L’œuvre collective ................................................................... 328 IV. L’œuvre composite .................................................................. 329 SECTION 4. LES DIFFICULTÉS D’APPLICATION DU DROIT D’AUTEUR .... 330 I. La comparaison entre deux parfums ........................................... 330 II. La comparaison entre droit d'auteur et copyright....................... 336 III. Les difficultés la comparaison en matière de créations sensorielles.......................................................................................... 338 IV. Les difficultés liées à la caractérisation .................................. 351 SECTION 5. LE PARFUM, SIGNE DISTINCTIF ......................................... 357 I. L'idée fait son chemin.................................................................. 357 II. Les oppositions subsistent ........................................................... 358 III. Qu’est ce qu’une marque ?...................................................... 359 IV. Les premières tentatives .......................................................... 363 V. Vers la marque olfactive ?........................................................... 366 VI. L’application du droit des marques......................................... 384 SECTION 6. LE CUMUL DE PROTECTION ............................................... 389 CHAPITRE 7............................ LES ENJEUX POUR LA PARFUMERIE 391 SECTION 1. LA PARFUMERIE FINE........................................................ 392 I. Qui est l’auteur ?......................................................................... 392 II. Les droits d’exploitation.............................................................. 401 III. Les droits moraux.................................................................... 407 IV. Comparaison avec d’autres secteurs d’activité....................... 411 V. Le parfum de renom .................................................................... 413 VI. Les perspectives pour la parfumerie fine................................. 414 SECTION 2. LA PARFUMERIE INDUSTRIELLE ........................................ 415 I. Le logo olfactif ............................................................................ 415 II. L'exploitation des logos olfactifs ................................................. 418 III. La protection du consommateur .............................................. 420 SECTION 3. LES RELATIONS ENTRE LES MÉTIERS DE LA PARFUMERIE .. 421 I. Les contrats ................................................................................. 421 II. Le statut des compositeurs........................................................... 425 III. La constitution d’actifs immatériels ........................................ 426 SECTION 4. EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE ............................. 427 SECTION 5. SITES INTERNET ............................................................... 431