Phases et médications en IRC
Transcription
Phases et médications en IRC
Recommandations du Professeur Didelot Phases traversées par le patient et degrés de sa maladie rénale L'insuffisance rénale chronique (IRC) est le déclin de la fonction rénale, souvent progressif, parfois lent, habituellement irréversible. Elle est souvent la complication d'une autre maladie. À la différence de l'insuffisance rénale aiguë d'apparition et d'évolution rapides, réversible si sa cause est traitée rapidement, l'l'IRC s'installe sournoisement et graduellement, pendant des semaines, des mois, voire des années. Le risque est qu'elle évolue jusqu'à ce que les reins cessent de fonctionner, conduisant à l'insuffisance rénale terminale (IRT). Lorsque les deux reins ne fonctionnent plus correctement, notre organisme est petit à petit surchargé par les déchets qui ne sont plus éliminés, pouvant réaliser un véritable empoisonnement progressif. Plus scientifiquement L'IRC est définie à partir du calcul de la clairance de la créatinine (la seule source de créatinine est la transformation de la créatine contenue dans les muscles) ou du débit de filtration glomérulaire (DFG) : la clairance de la créatinine est la quantité de sang que le rein peut complètement débarrasser de cette substance par unité de temps (la minute) ; cette clairance est calculée : soit à partir des dosages de créatinine sanguine et des urines de 24h00, avec un facteur de correction pour le sexe féminin (musculature moindre) soit en utilisant la formule de Cockcroft et Gault qui prend en compte le dosage de la créatinine sanguine, le poids, l'âge et le sexe le DFG est la quantité de sang filtrée par unité de temps (la minute) par les glomérules ; les glomérules (filtres rénaux) sont l'un des quatre composants du néphron avec les tubes rénaux (excrètent ou retiennent les éléments filtrés par le glomérule), le tissu interstitiel (tissu de soutien) et les vaisseaux (artères, veines) ; le néphron est l'unité fonctionnelle rénale et nous naissons avec un million de néphrons par rein. En pratique, le DFG est évalué grâce à la formule de l'étude MDRD simplifiée (Modification of Diet in Renal Disease), à partir du dosage de la créatinine sanguine, de l'âge, du sexe et de l'origine caucasienne ou africaine. Clairance de la créatinine et DFG sont assimilables en pratique courante. Le DFG normal est compris entre 90 et 120 ml/mn/1,73m2 (car le résultat est rapporté à la surface corporelle). Classification des différents stades de l'IRC Stade 1: maladie rénale chronique sans IRC - DFG > 90 ml/mn/1,73m2 avec anomalies rénales biologiques et/ou anatomiques et/ou morphologiques. Stade 2 : IRC légère - DFG compris entre 60 et 89 ml/mn/1,73m2 Stade 3 : IRC modérée - DFG entre 30 et 59 ml/mn/1,73m2 Stade 4 : IRC sévère - DFG entre 15 et 29 ml/mn/1,73m2 Stade 5 : IRC terminale - les reins ne fonctionnent presque plus ; la dialyse ou la transplantation sont nécessaires - DFG < 15 ml/mn/1,73m2 Que va-t-il se passer au cours de chaque étape de l’évolution d’une maladie rénale ? L'évolution progressive en fonction du stade de l'IRC illustre bien l’intérêt essentiel d’un suivi régulier et conjoint par le généraliste et le néphrologue (auxquels s’ajoutent, pour les diabétiques, le suivi par le diabétologue, le cardiologue, l’ophtalmologiste, le pédicure, …). C'est ainsi que pourront être dépistées et prises en charge à temps, les différentes perturbations entraînées par l'IRC. Ce suivi permet aussi de préparer le moment venu, la planification et l'organisation de la dialyse et de la greffe. Au stade 1, les consultations chez le néphrologue sont espacées tous les 9 à 12 mois. Schématiquement, la périodicité des consultations de néphrologie, exprimée en mois, peut être appréciée en divisant le DFG par 10 ; ainsi un DFG calculé à 60 ml/mn/1,73m2 correspond à une consultation de néphrologie tous les 6 mois, un DFG de 15 ml/mn/1,73m2 à une consultation tous les 1 à 2 mois. Les deux cibles de l'intervention médicale sont le traitement de la cause de la maladie rénale quand elle est identifiée et la préservation néphronique. Ces mesures visent à stabiliser ou si possible, à freiner l’évolution de l'IRC. Les plus importantes sont la normalisation de la pression artérielle par les antihypertenseurs néphroprotecteurs, le contrôle des facteurs de risque vasculaires (diabète, hypercholestérolémie, excès de sel, tabac, sédentarité) et la prévention de la néphrotoxicité en évitant ou surveillant étroitement les antiinflammatoires non stéroïdiens, certains antibiotiques comme les aminosides, les produits de contraste iodés pour certaines imageries médicales. La vaccination contre l’hépatite B est entreprise chez les patients non protégés. L'adhésion à un réseau de santé (exemple RENIF : REseau de Néphrologie d'Ile de France) est conseillée ; elle permet en particulier le recours à une diététicienne pour l'explication du régime modérément restreint en protéines et limité en sel. Au stade 2, le néphrologue est consulté tous les 6 à 9 mois. Les mesures précédentes sont complétées par la recherche régulière, du fait de leur absence d'expression clinique initiale, des troubles phosphocalciques et de l’anémie. Au stade 3, les consultations spécialisées se répètent tous les 3 à 6 mois. Les prescriptions médicamenteuses doivent être ré évaluées en fonction de leur éventuelle élimination rénale et de leur risque de toxicité. L’information sur les différentes modalités de substitution de la fonction rénale est donnée : hémodialyse, dialyse péritonéale et greffe. Au stade 4, le néphrologue est vu tous les 1 à 3 mois. Le régime doit être plus restreint (sel, protéines, phosphore, quantité de liquide) tout en se méfiant de la malnutrition. Au stade 5, les consultations deviennent fréquentes, tous les 1 à 2 mois, car la dialyse est imminente. L’indication de dialyse ne repose pas uniquement sur la valeur du DFG. Elle tient également compte de l’état général, du retentissement de l’IRC, notamment cardiovasculaire (mauvaise tolérance cardiaque). L’information pré-dialyse renouvelée à partir du stade 3, est complétée pour les patients susceptibles d'être greffés, par le contact avec une équipe de transplantation pour étudier les modalités de la greffe (donneur vivant en particulier) et préciser les modalités des différents examens pré-transplantation, préalable indispensable à l’inscription sur liste d’attente de greffe. L’éducation thérapeutique utile pour toutes les maladies chroniques, prend une place essentielle à ce stade, surtout lorsqu’une technique de dialyse autonome est choisie par le patient (dialyse péritonéale, auto-dialyse ou hémodialyse à domicile). On conçoit bien que lorsque la première rencontre entre le patient et le néphrologue ne survient qu’au stade 5, l'abord de cette épreuve se fait dans de très mauvaises conditions, et médicales, et psychologiques. Plusieurs études ont du reste montré que cette prise en charge tardive influençait défavorablement la qualité et la durée de vie de ces patients. Médications de l'insuffisance rénale chronique (IRC) Le traitement de l'IRC vise à corriger les complications qui émaillent l'évolution de la maladie. Ces complications apparaissent progressivement (et silencieusement) en fonction du stade de gravité de la maladie rénale. L'IRC est définie à partir du calcul de la clairance de la créatinine (la seule source de créatinine est celle qui est contenue dans les muscles) ou du débit de filtration glomérulaire (DFG) - la clairance de la créatinine est la quantité de sang que le rein peut complètement débarrasser de cette substance par unité de temps (la minute) ; cette clairance est calculée : o soit à partir des dosages de créatinine sanguine et des urines de 24h00, avec un facteur de correction pour le sexe féminin (musculature moindre) o soit en utilisant la formule de Cockcroft et Gault qui prend en compte le dosage de la créatinine sanguine, le poids, l'âge et le sexe - le DFG est la quantité de sang qui est filtrée par unité de temps (la minute) par le glomérule ; le glomérule (filtre rénal) est un des quatre composants du néphron avec les tubes rénaux (excrètent ou retiennent les éléments filtrés par le glomérule), le tissu interstitiel (tissu de soutien) et les vaisseaux (artères, veines et capillaires) ; le néphron est l'unité fonctionnelle rénale et nous en possédons un million par rein à la naissance ; en pratique, ce débit est évalué grâce à la formule de l'étude MDRD simplifiée (Modification of Diet in Renal Disease), à partir du dosage de la créatinine sanguine, de l'âge, du sexe et de l'origine caucasienne ou africaine Ces deux notions sont assimilables en pratique courante. Actuellement, c'est l'équation de l'étude MDRD qui est recommandée par la Société francophone de néphrologie ; le DFG est exprimé en ml/min/1.73m². Les cinq stades de l'IRC :• Stade 1 : DFG > 90 ; maladie rénale sans diminution du DFG (absence d'IRC) • Stade 2 : DFG entre 60 et 89 ; IRC légère • Stade 3 : DFG entre 30 et 59 ; IRC modérée • Stade 4 : DFG entre 15 et 29 ; IRC sévère • Stade 5 : DFG < 15 ; IRC terminale Au stade 1 Les deux cibles de l'intervention médicale sont le traitement de la cause de la maladie rénale quand elle est identifiée et la préservation néphronique (le néphron est l'unité fonctionnelle du rein). Les deux causes les plus fréquentes d'atteinte rénale sont : • le diabète de type 2 : à côté des mesures hygiéno-diététiques, absolument essentielles, les antidiabétiques oraux appartiennent aux classes suivantes : o biguanides (Metformine), o sulfamides hypoglycémiants (Glibenclamide, Gliclazide, Glimépiride et Glipizide), o inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase 4 (Saxagliptine, Sitagliptine et Vildagliptine) o glinides (Répaglinide). Si l'équilibre glycémique n'est pas obtenu, les injections des analogues du Glucagon Like Peptide-1, Liraglutide ou Exénatide, peuvent retarder le recours à l'insuline. • l'hypertension artérielle (HTA) avec différentes classes thérapeutiques, toujours associées aux mesures hygiéno-diététiques : o Bêtabloquants o Diurétiques thiazidiques, de l'anse ou épargneurs de potassium o Inhibiteurs calciques o Inhibiteurs de la rénine o Inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC) o Antagonistes de l'angiotensine II (ARA2) o Antihypertenseurs d'action centrale • Parmi les autres causes, les glomérulonéphrites chroniques peuvent être traitées par les corticoïdes (prednisone), parfois associés aux immunosuppresseurs (cyclophosphamide, melphalan, mycophénolate mofétil, ciclosporine). La préservation néphronique est d'abord basée sur le maintien d'une pression artérielle optimale (130/80 mmHg), la réduction de la protéinurie en deçà de 0.5 g/j ou chez le diabétique, la diminution de la microalbuminurie en deçà de 300 mg/g créatininurie. Ces objectifs requièrent la prescription d'IEC, ARA2 ou inhibiteurs de la rénine. La préservation néphronique comporte également la prévention de la néphrotoxicité avec l'éviction ou à défaut, l'utilisation raisonnée des antiinflammatoires non stéroïdiens, de certains antibiotiques comme les aminosides, des produits de contraste iodés pour certaines imageries médicales. Enfin, le contrôle des facteurs de risque vasculaires participe à la protection rénale : activité physique, alimentation quantitativement non excessive, en protéines en particulier, restreinte en sel et graisses d'origine animale, arrêt du tabac, traitement des hypercholestérolémies. A partir du stade 2 (DFG entre 60 et 89 ml/min/1.73m² ; IRC légère) Les mesures précédentes sont poursuivies mais deviennent insuffisantes, en raison de l'apparition fréquente de troubles phospho-calciques et/ou d'anémie qui doivent être régulièrement recherchés du fait de leur absence d'expression clinique initiale. • Les troubles phospho-calciques 1. L'hyperphosphorémie nécessite les chélateurs du phosphore § carbonate de calcium au cours des repas : CALCIDIA® § acétate de calcium : PHOSPHOSORB® § sévélamer (RENVELA® ou uniquement chez le dialysé RENAGEL®) § lanthane (FOSRENOL®) § Les sels d’aluminium (LITHIAGEL® ) doivent être évités, car toxiques. 2. L'insuffisance en vitamine D impose un apport supplémentaire • ergocalciférol (vitamine D2) - STÉROGYL® • calcifédiol (25-OH-vit D3) - DÉDROGYL® • alfacalcidol (1-OH- vit D3) - UN-ALFA® • calcitriol (1,25-(OH)2- vit D3) - ROCALTROL® 3. L'hypocalcémie est traitée par la supplémentation en calcium (en fin de repas) et en dérivés de la vitamine D. 4. Le traitement médical de l'hyperparathyroidie secondaire comporte : • carbonate de calcium • dérivés de la vitamine D • calcimimétiques chez le dialysé : Cinacalcet (MIMPARA®) • L'anémie rénale est traitée par différents moyens pour éviter la transfusion sanguine 1. Apport de fer per os : sulfate ferreux (FUMAFER®, TARDYFERON®) 2. Apport par perfusion intra-veineuse : hydroxyde ferrique-saccharose (VENOFER®), ou hydroxyde ferrique et dextran (FERRISAT®) 3. Erythropoïétines (EPO) : EPO-α (EPREX®), EPO-β (NEORECORMON®), darbepoetin α (ARANESP®), MPG- EPO-β (MIRCERA®), EPO biosimilaires. Le stade 3 : le DFG est compris entre 30 et 59 ml/min/1.73m², l'IRC est modérée. A côté des mesures précédentes, les prescriptions médicamenteuses doivent être ré évaluées pour : · adapter la posologie des médicaments à élimination rénale (antibiotiques en particulier) · arrêter les médicaments et substances dangereuses, ou si nécessaires, étudier leur rapport risque/bénéfice ; c'est le cas des biguanides, héparines de bas poids moléculaires, digitaliques, des sels de gadolinium utilisés pour les IRM, …) · suspendre et remplacer les médicaments devenus inefficaces : thiazidiques, norfloxacine, … Les patients doivent être informés du risque médicamenteux. Le stade 4 correspond à l'IRC sévère, le DFG est entre 15 et 29 ml/min/1.73m². Les complications précédentes s'aggravent et les patients sont de plus en plus vulnérables ; en particulier le risque iatrogène est plus important. Les médicaments et substances dangereuses doivent être absolument évités en dehors des situations particulières comme la coronarographie en urgence (injection de produits de contraste iodés) pour menace d'infarctus du myocarde. Par ailleurs, le régime doit être revu ; limitation des protéines, du sel, des sources de phosphore et de potassium, quantité adéquate d'eau à augmenter en cas de fortes chaleur, de fièvre ou de diarrhée. Plus l'IRC progresse, plus les troubles hydro-électrolytiques risquent de survenir: hyperkaliémie, acidose métabolique, les deux étant souvent associées ; elles répondent à : · résines échangeuse d’ions pour les hyperkaliémies (KAYEXALATE ®, RESIKALI ®) et contre-indication formelle des diurétiques épargneurs de potassium · Acidose métabolique : 4 à 6 g/j de bicarbonates de sodium ou eau de Vichy. La malnutrition doit être recherchée et combattue avec la diététicienne, avec apport de compléments nutritionnels. A ce stade, les modalités de remplacement de la fonction rénale doivent être revues avec le patient pour préparer l'avenir. Le stade 5 est celui de l'IRC improprement appelée "terminale" ; DFG < 15 ml/min/ 1.73m². Le traitement de substitution doit être mis en place selon les cas, entre 8 et 15 ml/min/1.73m², avec l'accord du patient ; le refus et les contre-indications au traitement par dialyse sont des situations tout à fait rares en France. · Hémodialyse et dialyse péritonéale : les solutés et matériels sont dans la majorité des cas directement fournis par les laboratoires. · Transplantation rénale 1. Inhibiteurs des cytokines : ciclosporine (NEORAL®, SANDIMMUN®) Evérolimus (CERTICAN®), Sirolimus (RAPAMUNE®), Tacrolimus (ADVAGRAF®, MODIGRAF®, PROGRAF®). 2. Inhibiteurs de la synthèse d'ADN : acide mycophénolique (CELLCEPT®, MYCOPHENOLATE MOFETIL®, MYFORTIC®), Azathioprine (IMUREL®). 3. Anticorps antilymphocytaires : OKT3 et ATG, Ac anti-IL2R 4. Corticoïdes Lire : Article Quel traitement immunosuppresseur pour quel patient ? Professeur Maryvonne Hourmant Service de Néphrologie et d’Immunologie clinique. Hôtel-Dieu. CHU de NantesRein échos page 40 à 42 Article : Traitements immunosuppresseurs et transplantation rénale (Dr Ingrid Masso et Pr Christophe Mariat (Rein échos n°12 page 14 à 17).